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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2503/2019

ATA/874/2020 du 08.09.2020 sur JTAPI/186/2020 ( LCI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 15.10.2020, rendu le 25.02.2021, REJETE, 1C_569/2020
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;PERMIS DE CONSTRUIRE;5E ZONE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al2; LPA.61; LPA.19; LPA.20.al1; LPA.67.al1; LPA.68; LCI.1.al1.leta; LCI.1.al6; LCI.112; LCI.79; LCI.15; LCI.129.lete; Cst.5.al2
Résumé : Le refus de la construction d'une palissade anti-bruit végétalisée sur un mur de soutènement est conforme au droit. La hauteur finale de la palissade atteint à l'endroit le plus haut plus du double de la limite de 2 m prévue par la loi. Le caractère privé du jardin de l'intimé peut être sauvegardé par le mur de soutènement seul ou encore par les nombreux arbres feuillus se trouvant juste derrière la palissade litigieuse, dans le jardin de l'intimé. Son intérêt privé doit céder le pas à l'intérêt public visant à éviter une prolifération de murs séparatifs en zone villa. L'ordre de remise en état est conforme au principe de la proportionnalité. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2503/2019-LCI ATA/874/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 septembre 2020

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

contre

Monsieur A______
représenté par Me Bruno Mégevand, avocat

et

COMMUNE DE B______
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 février 2020 (JTAPI/186/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille 2______ de la commune de B______ (ci-après : la commune), sise chemin de la C______ . Ce terrain, d'une surface de 3'616 m2, est situé en 5ème zone.

Sont érigés sur cette parcelle une villa avec piscine, deux garages extérieurs ainsi qu'un mur séparatif (DD 3______).

2) Le 18 janvier 2019, le département du territoire (ci-après : le département) a écrit à M. A______.

Lors d'un transport sur place organisé par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) sur une parcelle voisine, le département avait constaté, le 9 janvier 2019, qu'une palissade en limite de la propriété de M. A______ avait été édifiée sans autorisation.

Un délai de dix jours lui était octroyé pour se déterminer.

Un dossier d'infraction a été ouvert sous le numéro 4______.

3) Le 23 janvier 2019, M. A______ a sollicité un délai complémentaire afin de pouvoir s'entretenir avec les mandataires qui étaient intervenus dans le cadre de la construction de sa villa, laquelle remontait à plus de dix ans.

4) Le 28 février 2019, l'architecte paysagiste a confirmé qu'aucune demande d'autorisation de construire concernant la palissade n'avait été déposée à l'époque de la construction de la villa.

Cette palissade s'inscrivait dans la logique d'aménagement de la parcelle, consistant à créer un filtre visuel végétalisé, paysager et sonore en périphérie de la propriété.

Tous les travaux avaient été réalisés en conformité de la loi, si bien qu'une régularisation de l'ouvrage était envisageable.

L'architecte paysagiste était disposé à déposer une autorisation de construire par procédure accélérée (ci-après : APA) avec les pièces nécessaires.

5) Le 5 mars 2019, M. A______, par l'intermédiaire de son architecte paysagiste, a déposé une APA visant l'installation d'une palissade anti-bruit végétalisée en limite de sa propriété.

Cette APA a été enregistrée par le département le 13 mars 2019 sous le numéro de dossier APA 5______.

6) Dans le cadre de l'instruction de l'APA 5______, les préavis suivants ont notamment été rendus :

- le 14 mars 2019, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a relevé qu'il n'était pas concerné par le projet ;

- le 15 mars 2019, la direction générale de l'agriculture et de la nature (ci-après : DGAN) a émis un préavis favorable sous conditions ;

- le 28 mars 2019, la commission d'architecture (ci-après : CA) a indiqué qu'elle était défavorable à la construction d'un mur, même végétalisé, dans la mesure où celui-ci viendrait clore de manière excessive la parcelle en rompant l'harmonie du quartier.

7) Le 29 mars 2019, le département a requis des informations complémentaires et a invité M. A______ à se déterminer sur le préavis défavorable de la CA du 28 mars 2019.

8) Le 17 avril 2019, l'architecte paysagiste a relevé que des constructions du même type existaient déjà dans le quartier (à l'angle du chemin C______et du numéro ______ du chemin des D______), dont certaines venaient clore de manière importante les parcelles et ne s'intégraient pas à l'harmonie végétale du quartier. Des photographies étaient jointes au courrier.

9) Le 2 mai 2019, la CA, après avoir pris connaissance des nouveaux plans fournis, a émis, à nouveau, un préavis défavorable.

Même végétalisé, le mur viendrait cloisonner de manière excessive les parcelles en rompant l'harmonie du quartier.

10) Le 6 mai 2019, la direction des autorisations de construire a demandé à M. A______, dans un préavis, des pièces complémentaires.

Selon les coupes produites, les travaux projetés ne respectaient pas les art. 69 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et 46C du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01). Les travaux ne devaient en aucun cas créer des fonds dominants sur les parcelles voisines, notamment les parcelles nos 8______, 9______, 10______ et 12______, et la distance de vues droite ne pouvait être en aucun cas inférieure à 5 m (D 5) en 5ème zone. Dès lors, la constitution d'une servitude de distance et de vue droite était exigée pour le projet.

11) Par décision du 28 mai 2019, le département a refusé de délivrer l'APA 5______, dans la mesure où le projet n'était pas conforme aux art. 15, 79 et 112 LCI.

Le projet consistait en la légalisation d'une palissade anti-bruit végétalisée déjà réalisée. Cette dernière avait une hauteur de 1,9 m, mais, selon son emplacement, cumulée sur le mur de soutènement sur lequel elle venait se juxtaposer, elle pouvait alors s'élever jusqu'à une hauteur bien plus importante soit, par exemple, selon la coupe E-E', 4,08 m.

La palissade projetée n'était ni un mur séparatif intégré à un bâtiment, ni pouvait être considérée comme muret de moins de 80 cm de haut. En outre, la palissade dépassait même la limite de 2 m sur certains tronçons. Les art. 79 et 112 LCI n'étaient donc pas respectés.

Par ailleurs et au vu des préavis de la CA des 28 mars et 2 mai 2019, la palissade anti-bruit végétalisée telle que réalisée nuisait à l'harmonie et à la qualité du site. L'art. 15 LCI justifiait dès lors également de ne pas délivrer l'APA.

Le fait que le SABRA se soit déclaré non concerné dans son préavis du 14 mars 2019 démontrait que ladite palissade ne répondait pas à un besoin de protection contre le bruit, et était uniquement justifiée pour des raisons personnelles. Or, selon la jurisprudence, lorsqu'aucun dispositif d'assainissement en matière de bruit n'était nécessaire, l'autorité de décision était fondée à refuser d'autoriser la construction d'un mur anti-bruit.

Enfin, la construction similaire à l'angle du chemin de la C______ et du chemin des D______ avait été refusée le 18 janvier 2017 (APA 6______) et un ordre de remise en état avait été prononcé parallèlement. Ces décisions avaient été confirmées par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) (ATA/1065/2018 du 9 octobre 2018). M. A______ ne pouvait pas dès lors se prévaloir du principe de l'égalité de traitement.

12) Le même jour dans le cadre du dossier d'infraction 4______, le département a notifié à M. A______ un ordre de remise en état consistant en la suppression des palissades anti-bruit végétalisées. Dans un même délai de trente jours, l'intéressé devait produire un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état.

Une amende de CHF 2'000.- lui était également infligée, montant qui tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise.

13) Par acte du 28 juin 2019, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre ces deux décisions, concluant, principalement, à leur annulation et au renvoi du dossier au département pour qu'il délivre l'autorisation de construire sollicitée. Subsidiairement et dans l'hypothèse où le refus de l'APA 5______ serait confirmé, la décision prononcée dans le dossier d'infraction 4______ devait être annulée. En outre, le montant de l'amende ne devait pas excéder CHF 1'000.-.

La hauteur globale du muret de la palissade n'excédait pas 2 m le long du chemin de la C______ comme la loi le prescrivait. En outre, le muret sur lequel elle reposait ne dépassant pas le niveau naturel du terrain, il devait ainsi être considéré comme le niveau naturel de la parcelle. Or, sur l'ensemble de sa longueur, la palissade s'élevait sur une hauteur de moins de 2 m par rapport au terrain de la parcelle.

Les plans figurant au dossier montraient que le quartier était formé d'un tissu très dense composé exclusivement de villas jumelles. La préservation de l'intimité ainsi que les nuisances provenant du voisinage et de la voie publique justifiaient l'édification de la palissade en question. Par ailleurs, au vu de la surface de la parcelle (3'616 m2), la paroi végétalisée ne donnait aucune impression de cloisonnement. La palissade n'avait provoqué aucune protestation de la part d'un voisin en dix ans d'existence, car elle était végétalisée, plus esthétique qu'une simple haie d'essences à feuilles persistantes. Elle présentait en outre un aspect identique à celui qu'avaient les haies des parcelles voisines du côté du chemin de la C______. Une suppression nuirait à l'aspect du quartier.

L'aménagement de la palissade avait coûté plusieurs centaines de milliers de francs et son enlèvement coûterait encore davantage et provoquerait la destruction de la végétalisation qui l'entourait. Le modeste intérêt public ne justifiait pas le dommage important qu'engendrerait un ordre de démolition.

Enfin, l'amende devait être réduite à CHF 1'000.- afin de respecter le principe de la proportionnalité dans l'hypothèse où la décision de refus d'autorisation de construire devait être confirmée.

14) Le 5 août 2019, la commune a adressé au TAPI une demande d'intervention dans la procédure, concluant à l'admission du recours de M. A______ et à l'annulation de la décision du refus d'autorisation de construire et de l'ordre de démolition.

La palissade ne dépassait pas la hauteur maximale autorisée si l'on comptabilisait la hauteur moyenne du muret, et non la partie la plus haute. La paroi anti-bruit végétalisée apparaissait justifiée et s'intégrait dans son environnement.

15) Le 3 septembre 2019, le département a conclu au rejet du recours de M. A______ ainsi qu'au rejet de la demande d'intervention de la commune.

La construction réalisée n'était pas un mur de soutènement ni un muret de 80 cm de hauteur, et n'était pas plus intégrée à un bâtiment.

Selon les plans de coupe produits, la majeure partie de la longueur de la palissade dépassait la limite de 2 m fixée par la loi.

M. A______ confondait les constructions basses ou de peu d'importance avec les constructions d'importance secondaires, dont les palissades faisaient partie.

Certains tronçons de la palissade ne respectaient ni la distance de 1 m sur laquelle le niveau du terrain naturel devait être maintenu en limite de propriété, ni, en ce qui concernait le terrain situé au-delà de 1 m, la limite fixée par une ligne oblique formant un angle de 30° depuis la ligne horizontale, à l'intérieur de laquelle devaient s'inscrire les aménagements extérieurs.

L'intérêt public commandait d'éviter la prolifération de murs en 5ème zone et devait prévaloir sur l'intérêt privé à la protection de l'intimité et à la préservation du caractère privé du jardin.

La commune avait en outre entrepris des travaux visant à limiter le bruit du trafic routier sur le chemin de la C______, de sorte que la nécessité d'ériger des palissades en raison de prétendues nuisances sonores ne se justifiait pas.

Le département avait suivi le préavis défavorable de la CA, autorité technique consultative compétente en la matière.

Les coûts allégués pour enlever la palissade n'étaient pas démontrés et M. A______ avait mis le département devant le fait accompli.

M. A______ n'exposait pas en quoi le principe de la proportionnalité avait été violé et ne se prévalait pas de circonstances relevant de sa situation personnelle qui justifierait une réduction de l'amende.

16) Le 30 septembre 2019, M. A______ a répliqué, concluant à ce qu'un transport sur place soit ordonné et persistant dans ses conclusions.

Au vu de la taille de la parcelle (3'616 m2), plus spacieuse que les parcelles voisines, la paroi végétalisée ne donnait pas une impression de cloisonnement du quartier. La commune était d'ailleurs favorable au maintien de cette palissade.

La paroi était identique à celui d'une haie de thuyas ou d'une autre espèce de haies permanentes, avec la conséquence que l'harmonie du quartier était préservée. Sa suppression porterait atteinte à cette harmonie, en ce sens que tous les végétaux utilisés pour la couvrir devraient être arrachés, et la repousse des nouveaux végétaux prendrait plusieurs années.

Les coûts d'implantation des végétaux, de qualité supérieure, s'étaient élevés à CHF 422'998.95. Les travaux d'enlèvement de la paroi végétalisée, qui mesurait au total 227,6 m, entraîneraient nécessairement l'arrachage de nombreux végétaux situés à proximité directe. Pour enlever la paroi végétalisée et parvenir à la remplacer par une haie avec clôture d'un aspect proche de la situation actuelle, il conviendrait d'investir le montant total de CHF 648'051.69 selon deux devis du paysagiste de M. A______ (CHF 497'292.42 pour la démolition des parois anti-bruit avec maintien du mur de soutènement, et travaux d'arrachage et de replantation des plantations impactées + CHF 150'759.27 pour la plantation d'une haie avec clôture en remplacement des parois anti-bruit). En outre, la valeur des végétaux arrachés s'élevait à CHF 184'331.94. Le dommage total serait ainsi de CHF 832'383.63. Son intérêt privé à pouvoir conserver la paroi végétalisée devait l'emporter. Il existait en outre un intérêt public écologique à maintenir les choses en l'état.

17) Le 24 octobre 2019, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

La commune n'avait pas rendu de préavis dans le cadre de l'instruction du dossier APA 5______.

Le confort personnel de M. A______ ne saurait prévaloir sur l'intérêt public à éviter une prolifération de murs séparatifs en 5ème zone et à conserver le caractère du quartier sans un cloisonnement progressif. L'étendue de la surface de la parcelle en cause ne diminuait pas l'effet de cloisonnement, puisque les palissades créaient un effet de compartimentage. En tout état de cause, l'intéressé ainsi que la commune ne faisaient que substituer leur propre appréciation à celle du département sans démontrer un quelconque excès ou abus du pouvoir d'appréciation.

Les devis produits étaient sujets à caution, en ce sens que certains postes ne pouvaient pas être retenus, tels que les coûts liés à la mise en place d'une nouvelle haie, ainsi que la prétendue perte correspondante à la valeur des végétaux arrachés.

M. A______ ne pouvait pas, de bonne foi, se croire autorisé à ériger les palissades litigieuses sans autorisation, puisqu'il avait requis et obtenu, dans le cadre de la DD 7_______, une autorisation pour un mur anti-bruit. Il n'y avait aucune alternative à la suppression des parois aux fins d'atteindre le but protégé par la loi. Le prétendu intérêt public relatif à la préservation du patrimoine n'était en réalité qu'un intérêt purement privé puisque la végétalisation se situait exclusivement sur sa parcelle et ne profitait qu'à lui.

18) Le 27 janvier 2020, le TAPI a procédé à un transport sur place au cours duquel des photographies ont été prises.

a. M. A______ a expliqué qu'il avait fait installer une palissade avec fonction anti-bruit tout autour de sa propriété.

Il n'avait pas demandé de devis pour la suppression de la moitié de la palissade litigieuse.

Le mur de soutènement entre sa propriété et celle de sa soeur, sise chemin des F______ (parcelle n° 9______), datait d'en tout cas quarante ans. Il y avait un grillage dessus qu'il avait remplacé par la palissade litigieuse.

b. Le TAPI a constaté que, du côté du chemin de la C______, la palissade était posée sur un muret d'environ 30 à 40 cm.

Sur la parcelle n° 12______, la palissade ne disposait pas d'un mur de soutènement. Un mur continu d'une trentaine de centimètres séparait la limite de propriété de M. A______ et la parcelle n° 12______.

Le long du chemin de la C______, le TAPI a constaté la présence de haies en bordure de parcelles voisines d'une hauteur d'environ 2 m dont l'effet cloisonnant était identique à la palissade litigieuse.

À l'angle nord-ouest de la parcelle de M. A______, vu depuis la parcelle n° 9______, le muret et la palissade atteignaient en tout plus de 4 m de haut.

Dans le jardin du chemin des E______ (recte : 10) (parcelle n° 8______), la palissade était entièrement recouverte de lierre du côté de la propriété de M. A______. Par contre, celle donnant sur la parcelle n° 8______ n'était pas végétalisée du côté de cette parcelle-là.

c. Le conseil de M. A______ a confirmé que la palissade elle-même mesurait partout 2 m de hauteur.

d. Selon le département, il pourrait être envisagé un dépôt d'une nouvelle demande portant sur une demi-hauteur de palissade. La palissade qui donnait sur le chemin de la C______, d'une hauteur de 2 m, n'était en tout état de cause pas autorisable.

19) Par jugement du 21 février 2020, le TAPI a admis partiellement le recours de M. A______, a annulé l'ordre de suppression de la palissade anti-bruit végétalisée et l'a rejeté pour le surplus.

En substance, la CA avait rendu deux préavis négatifs. La commune n'avait pas rendu de préavis positif dans la procédure d'instruction de l'APA 5______.

M. A______ n'avait avancé aucune preuve matérielle à propos de la nécessité d'une protection contre le bruit, étant relevé que le SABRA s'était déclaré non-concerné par la procédure. En outre, la commune avait déjà pris des mesures pour limiter le trafic du chemin de la C______ afin de lutter contre les nuisances sonores. En conséquence, le mur (recte : la palissade) litigieux ne semblait pas avoir d'autre justification que la commodité personnelle de M. A______, intérêt qui ne saurait primer sur l'intérêt public protégé par la loi.

Le département était ainsi en droit de retenir que la construction litigieuse violait la loi.

Lors du transport sur place, le TAPI avait constaté que la majeure partie de la palissade ne dépassait pas 2 m de hauteur, et, lorsqu'il y avait des dépassements, ils étaient pour la plupart mineurs. Les parties correspondantes aux coupes D-D' et E-E', qui donnaient toutes les deux sur la propriété de la soeur de M. A______, ainsi que la coupe F-F', qui donnait sur les parcelles nos 13______ et 8______, constituaient toutefois des excès plus importants de la hauteur autorisée. Les dépassements étaient dus à la présence d'un important changement de niveau du terrain entre les deux parcelles, changement marqué par un mur de soutènement qui précédait la construction de la villa. Un ordre de remise en état impliquerait, en plus de la destruction de la palissade, la destruction dudit mur de soutènement et un nivellement du terrain de plusieurs mètres sur une bonne partie de la partie nord et nord-est de la parcelle (notamment les coupes susmentionnées), ce qui n'était pas raisonnablement exigible, étant relevé que M. A______ n'avait pas construit ce mur de soutènement. Même s'il était envisageable de supprimer la palissade sans arracher toute la végétation environnante, comme l'indiquait le devis du paysagiste du 22 septembre 2019, les frais engendrés par cette opération seraient trop importants au regard de l'intérêt public poursuivi. En outre, la construction était densément végétalisée, si bien que l'on n'apercevait pas la palissade depuis la plupart des terrains environnants, permettant une bonne intégration dans le paysage, notamment depuis la voie publique soit du côté du chemin de la C______. Enfin, plusieurs parcelles voisines appartenaient à M. A______ ou à sa soeur et aucun voisin tiers, ni la commune, ne s'étaient jamais plaints de cette situation.

Au vu de ces éléments, l'intérêt privé de M. A______ au maintien de la construction l'emportait sur l'intérêt public à sa démolition.

M. PILLION n'avait jamais déposé de demande d'autorisation pour la palissade litigieuse et ne faisait pas valoir de difficultés financières. Aussi, l'amende de CHF 2'000.- apparaissait comme clémente et était dès lors confirmée.

20) Par acte du 23 avril 2020, le département a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation et à ce que les décisions du 28 mai 2019 soient confirmées (4______ et APA 5______) « sous suite de frais et dépens ».

Contrairement à ce qu'avait soutenu M. A______ lors du transport sur place du 27 janvier 2020, le mur de soutènement était inexistant quarante ans plus tôt, et avait, selon toute vraisemblance, été érigé en même temps que les palissades, cela sans autorisation de construire. Le TAPI avait dès lors établi les faits de manière manifestement inexacte et violé les maximes d'office et inquisitoire.

Il était établi que la construction litigieuse violait la loi, de sorte que l'ordre de remise en état était justifié. M. A______ n'avait pas démontré ne pas avoir construit le mur de soutènement. Les frais de remise en état n'étaient pas décisifs au vu de la grave infraction. M. A______ avait mis le département devant le fait accompli. En outre, étant un professionnel de l'immobilier, il ne pouvait, de bonne foi, nier avoir été au courant de l'obligation de requérir une autorisation de construire préalable pour la construction litigieuse. Le TAPI avait lui-même reconnu que le montant de l'amende était clément compte tenu de la gravité de l'infraction. Les coûts induits par la remise en état n'étaient pas le seul critère à prendre en considération dans la pesée d'intérêts. Il convenait également de considérer si les dérogations à la règle étaient mineures ou s'il y avait des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. En l'occurrence, tel n'était pas le cas, puisque les palissades constituaient une dérogation majeure à la loi, leur hauteur dépassant largement 80 cm, pour atteindre, sur certaines parties, une hauteur totale de 4 m. Que leur hauteur soit limitée, sur leur majeure partie, à 2 m n'était pas pertinent au vu de la limite fixée par l'art. 79 LCI (80 cm) qui était une lex specialis par rapport à l'art. 112 LCI (2 m). En outre, le TAPI avait reconnu que les palissades induisaient un effet de cloisonnement incompatible avec la 5ème zone.

Le département a repris son argumentation formulée par-devant le TAPI sur la question des devis produits par M. A______, ajoutant que le Tribunal fédéral avait confirmé que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emportait sur l'intérêt privé au maintien d'ouvrages litigieux même lorsque l'intéressé alléguait un dommage de CHF 300'000.-.

Le raisonnement du TAPI était contradictoire sur la problématique de l'intégration des palissades. En outre, l'avis des voisins et de la commune n'était pas pertinent. La végétalisation des palissades n'enlevait pas l'effet de cloisonnement.

Le TAPI avait abusé de son pouvoir d'appréciation.

Il avait reposé son raisonnement sur des motifs contradictoires, non justifiés et purement subjectifs. La solution retenue par le TAPI était non seulement arbitraire dans ses motifs, mais également dans son résultat.

Deux photographies aériennes prises en 2005 et 2009 de la parcelle de M. A______ étaient intégrées à l'écriture du département.

Le département avait produit son dossier qui contenait les plans ainsi que les coupes des palissades, documents qui seraient discutés dans la partie en droit en tant que de besoin.

21) Le 2 juin 2020, M. A______ a conclu, préalablement, à ce qu'un transport sur place soit ordonné, principalement, au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué, « sous suite de dépens ».

Le mur de soutènement entre sa propriété et celle de sa soeur datait bien d'en tout cas quarante ans. Les photographies aériennes intégrées dans le recours du département n'attestaient pas de la présence ou non d'un tel mur le long de la parcelle n° 9______ vu l'importante végétation en limite de propriété. Le long de la parcelle n° 10______, une ombre sur la pelouse démontrait l'existence du mur de soutènement. Il en était de même de la photographie aérienne prise en 2009 par rapport à la parcelle n° 9______. Par ailleurs, les murs de soutènement sur lesquels une partie de la palissade litigieuse était posée avaient été indiqués dans le dossier de demande d'autorisation de construire de la villa DD 3______. Le TAPI avait donc bien établi les faits de manière pertinente.

Lui-même, respectivement son mandataire paysagiste, avaient été de bonne foi en croyant, comme c'était l'opinion répandue dans la profession à ce moment-là, que les panneaux phono-absorbants n'étaient pas soumis à autorisation.

Le paysagiste avait confirmé le bien-fondé de ses devis, qui n'étaient pas critiquables.

Le TAPI avait considéré à bon droit que le coût considérable de l'enlèvement de la palissade anti-bruit était disproportionné au regard de l'intérêt public mis en avant par le département.

Le TAPI, lors du transport sur place, avait pu constater que la paroi végétalisée n'avait pas un aspect différent de celui d'une haie ne nuisant pas à l'aspect des lieux. Le principe de la proportionnalité avait été respecté.

L'avis divergent du TAPI par rapport à celui de la CA ne signifiait pas que son appréciation à propos de l'intégration de la paroi anti-bruit végétalisée était arbitraire.

Le TAPI n'avait pas fait preuve de contradiction dans son jugement en retenant que le département n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation s'agissant de la violation de la loi et de la rupture de l'harmonie du quartier. Ceci n'impliquait nullement que, de son côté, après s'être rendu sur place, le TAPI partageait l'avis de M. A______.

Enfin, il n'était pas arbitraire d'avoir tenu compte, dans l'appréciation globale, de l'avis de la commune et de l'absence de protestation des voisins contre la palissade litigieuse.

22) Le 11 juin 2020, la commune s'est rapportée à justice sur le recours du département.

23) Le 13 juillet 2020, le département a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Les ombres apparaissant sur les photographies aériennes ne suffisaient pas à démontrer l'existence du mur de soutènement avant la réalisation de la villa en 2009.

Le TAPI avait, dans un premier temps, suivi l'avis défavorable de la CA. Il ne pouvait pas ensuite valablement l'écarter et considérer que la végétation présente sur la palissade permettait à cette dernière d'être bien intégrée.

Les palissades litigieuses n'étaient pas seulement attaquées sous l'angle esthétique, mais également pour leurs caractéristiques constructives, en particulier leur hauteur qui n'était pas conforme à la loi.

24) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 1 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur la suspension des délais dans les procédures civiles et administratives pour assurer le maintien de la justice en lien avec le coronavirus [COVID-19] du 20 mars 2020 - RS 173.110.4).

2) L'intimé sollicite un transport sur place afin que la chambre administrative puisse se faire sa propre opinion de l'intégration de la paroi anti-bruit végétalisée.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1).

b. En l'espèce, le dossier contient les plans, ainsi que l'ensemble de l'argumentation déployée et des pièces versées par les parties. En outre, étant relevé que certains éléments ressortent du système d'information du territoire genevois (SITG, accessible en ligne à l'adresse http://ge.ch/sitg), le TAPI a procédé à un transport sur place. Des photographies ont été prises alors et sont intégrées au procès-verbal, si bien que la chambre administrative est en mesure de se représenter correctement la situation.

Il ne sera par conséquent pas donné suite à la requête de l'intimé.

3) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI annulant l'ordre de suppression de la palissade anti-bruit végétalisée, délivré par le département.

4) En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée dans le cas d'espèce.

5) Le recourant estime que le TAPI ne pouvait pas considérer que le mur de soutènement précédait la construction de la villa.

a. Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Aux termes de l'art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l'affaire qui en fait l'objet passe à l'autorité de recours.

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier (ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 consid. 3a et les arrêts cités). Par ailleurs, en procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2017 du 19 mai 2017 consid. 2.2.2 ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b).

Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi, conformément à l'art. 22 LPA. Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/1411/2017 précité consid. 3a ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 consid. 5a).

b. Conformément à l'art. 68 LPA, sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer, au stade du recours, des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures.

c. En l'occurrence, lors du transport sur place du 27 janvier 2020, l'intimé a expliqué que le mur de soutènement entre sa propriété et celle de sa soeur datait d'en tout cas quarante ans. Le département n'a pas contesté cette assertion avant le prononcé du jugement du TAPI querellé, lequel retient dans sa subsomption que le mur de soutènement précédait la construction de la villa et que l'intimé n'avait pas construit ce mur.

Dans son recours, le département, photographies aériennes datant de 2005 et 2009 à l'appui, soutient que ledit mur a été érigé en même temps que les palissades, ce que conteste l'intimé, pièces à l'appui.

Dans la mesure où l'art. 68 LPA prévoit que les moyens de preuve nouveaux sont recevables dans le cadre de la procédure de recours par-devant la chambre de céans et que la LCI ou le RCI ne prévoient pas d'exception, la problématique de la date de construction du mur de soutènement sera analysée dans le cadre du présent arrêt, pour autant que la question soit utile à la solution du litige.

6) a. Sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a LCI).

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

b. Les murs en bordure d'une voie publique ou privée, ou entre deux propriétés ne peuvent, dans la mesure où ils sont autorisés, excéder une hauteur de 2 m. Le département peut exiger que les ouvrages autorisés soient distants jusqu'à 1.20 m du bord d'une voie publique ou privée. Il peut, en outre, exiger la plantation de végétation (art. 112 LCI).

L'un des buts poursuivi par l'art. 112 LCI est la préservation du caractère privé des jardins (ATA/20/2015 du 6 janvier 2015 consid. 8 et l'arrêt cité ; MGC 1961 II 1314).

c. En 5ème zone, « sous réserve des murs de soutènement et des murets de 80 cm de hauteur au maximum, le département peut refuser les murs séparatifs qui ne sont pas intégrés à un bâtiment » (art. 79 LCI).

L'art. 79 LCI a été introduit lors de la modification de la LCI en 1988. Il concrétise une volonté d'éviter la prolifération de murs en 5ème zone, dont la justification n'est pas établie et qui seraient nuisibles à l'environnement et à l'esthétique des lieux (MGC 1988/II 1643). Il a été convenu, dans le rapport de la commission parlementaire, que le département ne refuserait les murs séparatifs que si ceux-ci faisaient l'objet d'un préavis négatif de la commission consultative compétente ou si le requérant n'apportait pas de justifications suffisantes à leur réalisation (MGC 1988/II 1628 ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 7c et l'arrêt cité confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_89/2020 du 23 juillet 2020).

d. Selon l'art. 15 LCI, le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d'architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2). Cette disposition renferme une clause d'esthétique, constituant une notion juridique indéterminée.

e. Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

7) Les parties ne contestent pas que la palissade anti-bruit végétalisée viole les art. 15, 79 et 112 LCI, si bien que le principe de l'ordre de remise en état prévu par l'art. 129 let. e LCI est justifié.

Le département considère toutefois que le TAPI n'aurait pas dû annuler cet ordre pour des motifs de proportionnalité.

8) a. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions cumulatives :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1831/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5c ; ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c ; ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

b. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4 ; ATA/1831/2019 précité consid. 6b et les arrêts cités).

c. L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/635/2018 du 19 juin 2018 consid. 9d).

d. En l'occurrence, les quatre premières conditions sont réalisées ce qui n'est pas contesté.

Selon les plans de coupe figurant au dossier, la palissade végétalisée mesure 190 cm. Elle repose cependant sur un mur de soutènement dont la hauteur varie de 0 cm à 218 cm. Ainsi et par exemple, la paroi séparant la propriété de la soeur de l'intimé (parcelle n° 10______) du jardin de celui-ci (parcelle n° 1______) culmine à 408 cm (218 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe E-E'). Les autres coupes du plan attestent qu'en définitive le point le plus haut de la palissade végétalisée atteindra, suivant les endroits, 200 cm (10 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe B-B'), 200 cm (10 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe C-C'), 308 cm (118 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe D-D'), 319 cm (129 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe F-F'), 190 cm (0 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe G-G'), 216 cm (26 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe H-H'), 250 cm (60 cm de mur de soutènement et 190 cm de palissade) (coupe I-I').

Contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, alors même que celui-ci disposait de ces pièces et qu'il ne ressort pas du transport sur place que la palissade a été mesurée avec précision, on ne saurait retenir que ces dépassements sont « pour la plupart mineurs ».

Comme vu supra et selon les coupes, la hauteur finale de la palissade atteint à l'endroit le plus haut plus du double de la limite de 2 m prévue par l'art. 112 LCI, applicable dans la mesure où il s'agit d'un mur de soutènement, étant relevé que selon la jurisprudence de la chambre de céans des panneaux de bois installés sur un muret ont été assimilés à un mur (ATA/1357/2017 du 3 octobre 2017). Il convient ainsi d'additionner la hauteur du mur de soutènement à celle de la palissade.

S'il est vrai que le niveau du terrain entre la parcelle de l'intimé et les parcelles voisines a pour conséquence que la hauteur de l'entier de l'ouvrage est augmentée, cela ne saurait justifier un dépassement de la hauteur maximale prévue par l'art. 112 LCI, le caractère privé du jardin de l'intimé, ainsi que les éventuelles nuisances provenant du voisinage et de la voie publique, pouvant être sauvegardés par le mur de soutènement seul (par exemple la coupe E-E') ou par les nombreux arbres feuillus se trouvant juste derrière la palissade litigieuse, dans le jardin de l'intimé, comme cela ressort des plans et des photographies figurant au dossier ou encore par un mur d'ores et déjà présent entre le jardin de l'intimé et celui d'un voisin (parcelle n° 11______ ; coupe G-G').

La problématique de savoir qui a construit le mur de soutènement n'est en définitive pas pertinente eu égard à ce qui précède.

Comme vu supra, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur, notamment par rapport aux coûts. Or, et même s'il fallait prendre en considération les montants avancés dans le seul devis concernant la démolition des parois anti-bruit avec maintien du mur de soutènement, et travaux d'arrachage et de replantation des plantations impactées - qui semble très élevé (CHF 497'292.42) -, l'intérêt public consistant à éviter la prolifération de murs en 5ème zone, à éviter l'effet de cloisonnement relevé par l'instance spécialisée en la matière qui est incompatible avec ce type de quartier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/1065/2018 précité consid. 6), et l'intérêt au rétablissement de la situation conformément au droit prévalent sur l'intérêt privé de l'intimé au maintien de la paroi litigieuse. En outre, il ne ressort pas du dossier que le coût de la remise en état des lieux mettrait l'intimé en difficulté financièrement, étant relevé que le Tribunal fédéral a considéré que le montant important de la remise en état n'était pas à lui seul décisif (arrêts du Tribunal fédéral 1C_29/2016 du 18 janvier 2017 consid. 7.2 qui concernait une remise en état pour un montant de l'ordre de CHF 200'000.- ; 1C_136/2009 du 4 novembre 2009 qui concernait une remise en état pour un montant estimé à CHF 300'000.-).

Enfin, l'absence de plainte des voisins ou de tiers, pour autant que cela soit pertinent, ne suffit pas à exclure la remise en état, ce d'autant plus que parmi les voisins on compte la soeur de l'intimé.

En définitive, l'intérêt privé de ce dernier relève uniquement de sa convenance personnelle et de considérations économiques, qui ne sauraient prévaloir sur l'intérêt public tel que démontré ci-dessus.

9) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le jugement querellé sera annulé, en tant qu'il annule l'ordre de suppression de la palissade anti-bruit végétalisée du 28 mai 2019. Cet ordre sera donc rétabli.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'intimé, qui succombe. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la commune qui s'en est rapporté à justice (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au département qui a agi par son service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/18/2019 du 8 janvier 2019 consid. 8).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 avril 2020 par le département du territoire-OAC contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 février 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 février 2020, en tant qu'il annule l'ordre de suppression de la palissade anti-bruit végétalisée du 28 mai 2019 ;

rétablit l'ordre de suppression de la palissade anti-bruit végétalisée du 28 mai 2019 ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire-OAC, à Me Bruno Mégevand, avocat de l'intimé, à Me Lucien Lazzarotto, avocat de la commune, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :