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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2662/2016

ATA/1447/2017 du 31.10.2017 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : CONTRAT-TYPE DE TRAVAIL ; SALAIRE MINIMUM ; STAGE ; AMENDE ; COMPÉTENCE
Normes : CTT-Esthé ; CTT-Esthé.1 ; CTT-Esthé.6 ; CTT-Esthé.15 ; CO.360a.al1 ; CO.360d.al2 ; LDét.1.al2 ; LDét.9 ; LIRT.1.al2 ; LIRT.34A ; LIRT.34B ; LIRT.35
Résumé : Recours contre une décision prononçant une amende pour non-respect du salaire minimal prévu par le CTT-Esthé. Ce salaire minimum doit être respecté pour toute employée exerçant en qualité d'esthéticienne, nonobstant l'absence d'expérience dans certains domaines ou le fait que l'employée ait été engagée en qualité de stagiaire et travaillé sous supervision. Problématique de la compétence de l'intimé pour donner injonction à un employeur de payer le rattrapage salarial dû et pour prononcer une amende pour défaut d'exécution. Confirmation du principe et du montant de l'amende. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2662/2016-EXPLOI ATA/1447/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Yves Nidegger, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



EN FAIT

1) B______ est une entreprise individuelle dont le but est, à teneur du registre du commerce, « agence de conseil en image et communication ; maquilleuse ; formatrice ».

Madame A______ en est la titulaire et dispose de la signature individuelle.

2) En janvier 2014, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a entrepris le contrôle des conditions de travail dans le secteur de l’esthétique.

3) Dans ce cadre, l’OCIRT a constaté que Mme A______ avait une employée depuis le mois de janvier 2014, et qu’elle n’avait pas respecté le salaire minimum prévu par le contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs des esthéticiennes du 18 décembre 2012 (CTT-Esthé - J 1 50.16).

Mme A______ ayant modifié le contrat de travail de son employée afin de respecter le salaire minimum impératif, l’OCIRT a renoncé à prononcer une amende à son encontre.

4) En avril 2015, Mme A______ a posté une annonce sur sa page Facebook, indiquant qu’elle était à la recherche d’une salariée esthéticienne diplômée à 80 %.

5) Madame C______ a répondu à cette annonce et a été engagée par Mme A______, d’abord sans contrat de travail écrit.

6) Le 1er novembre 2015, Mmes A______ et C______ ont signé un contrat de travail, prévoyant l’engagement de Mme C______ comme « esthéticienne prestataire de service » du 1er novembre au 31 décembre 2015.

À teneur du contrat de travail, le salaire mensuel brut de Mme C______ était de CHF 2'449.60 brut par mois versé sur douze mois, pour trente-cinq heures de travail hebdomadaires, plus 10 % sur le chiffre d’affaires dépassant CHF 6'000.- par mois.

7) Le 18 décembre 2015, l’OCIRT a initié un contrôle auprès de l’entreprise B______ afin de vérifier le respect des salaires minimaux obligatoires prévus par le CTT-Esthé. Mme C______ était présente dans les locaux le jour du contrôle.

Mme C______ a déclaré qu’elle travaillait dans l’entreprise depuis le 1er mai 2015 pour une durée de travail convenue de trente-cinq heures par semaine, réparties sur quatre jours de travail. Elle restait toutefois sur son lieu de travail pendant la pause déjeuner, prévue oralement à une heure par jour, l’institut étant ouvert à la clientèle de façon continue. Elle a présenté un relevé des heures travaillées relatif aux mois d’août à décembre 2015, les copies des récépissés indiquant les montants reçus de main à main à titre de rémunération, ainsi que le contrat de travail écrit pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2015.

À teneur des récépissés présentés, Mme C______ avait perçus les montants suivants : EUR 1'000.- nets pour le mois de juin 2015 ; EUR 1'400.- nets pour le mois de juillet 2015 ; EUR 900.- nets pour le mois d’août 2015 ; CHF 1'000.- nets pour le mois de septembre 2015 ; CHF 1'000.- nets pour le mois d’octobre 2015 ; et EUR 1'800.- nets pour le mois de novembre 2015.

8) À la suite de cet entretien, l’OCIRT a adressé un courrier à Mme A______.

Il procédait actuellement à un contrôle systématique des conditions de travail des entreprises du secteur de l’esthétique, et l’invitait à produire certains documents nécessaires à la vérification des conditions de travail de tous ses employés.

9) Mme A______ a fait parvenir à l’OCIRT les renseignements et documents sollicités dans le délai imparti.

Elle avait eu deux employées pendant la période contrôlée, dont Mme C______, qui avait travaillé en tant qu’esthéticienne du 1er novembre au 31 décembre 2015, à raison de trente-cinq heures par semaine.

10) Par courrier du 8 mars 2016, l’OCIRT a adressé à Mme A______ une demande de mise en conformité.

Les documents et renseignements reçus s’avérant contradictoires avec ceux obtenus de Mme C______, l’OCIRT avait repris contact avec elle pour l’entendre sur son salaire et la durée effective de travail. Il ressortait des déclarations de Mme C______ et des documents fournis que celle-ci travaillait depuis le mois de mai 2015 à raison de trente-neuf heures par semaine, et qu’elle avait été rémunérée de façon irrégulière, de main à main, entre EUR 900.- et EUR 1'800.- par mois. À compter du 1er novembre 2015, Mme A______ lui avait délivré un contrat de travail écrit, prévoyant qu’elle travaillerait trente-cinq heures par semaine pour un salaire de CHF 2'449.60, plus une commission sur le chiffre d’affaires.

La CTT-Esthé prévoyant un salaire mensuel brut minimum de CHF 3'466.- pour quarante heures par semaine, Mme C______ avait droit à un salaire mensuel brut de CHF 3'379.35. Il convenait d’y ajouter l’indemnité vacances, Mme C______ n’en ayant pas pris pendant la durée de son engagement. Mme A______ avait enfin injustement diminué le salaire de son employée pour des jours d’incapacité de travail de celle-ci en décembre 2015.

L’OCIRT demandait à Mme A______ de corriger le salaire de Mme C______, et de lui transmettre les justificatifs établissant qu’elle avait procédé à la mise en conformité demandée, à savoir : la preuve de la déclaration complète à l’AVS du salaire conforme au CTT-Esthé (soit CHF 29'286.-) ; le décompte salaire nominal pour la période du 1er mai au 31 décembre 2015, diminué du salaire déjà versé (CHF 10'222.-) ; le certificat de salaire 2015 ; et la preuve du paiement du rattrapage.

11) Après avoir requis une prolongation du délai imparti, Mme A______ s’est déterminée sur la demande de mise en conformité par courrier du 3 mai 2016.

Mme C______ n’était pas entrée en service en mai 2015. De juin à septembre 2015, leur relation n’était pas soumise aux règles sur le contrat de travail. Mme C______, une amie, souhaitait élargir ses domaines de compétence dans l’esthétique. Elle lui avait donc proposé de la former au sein de son institut. Elle lui dispensait des cours et la défrayait à hauteur de CHF 1'000.- par mois, en contrepartie de l’engagement de Mme C______ de travailler deux jours par semaine à l’institut. Le coût total des formations dispensées s’était élevé à CHF 12'100.-.

Si par impossible Mme C______ maintenait avoir bénéficié d’un contrat de travail durant cette période, Mme A______ se réservait le droit de déduire les frais de formation et les montants versés à titre de défraiement de la créance salariale de Mme C______.

Le salaire du mois d’octobre 2015 serait payé à Mme C______ d’ici à la fin du mois de juin 2016.

Dès le 1er novembre 2015, Mme C______ avait été engagée par contrat de travail pour une durée de trente-cinq heures par semaine. Contrairement à ce qu’elle prétendait, Mme C______ était parfaitement en mesure de prendre ses pauses. De plus, elle avait obtenu de partir à 17h00 le vendredi et à 16h00 le samedi pour pratiquer le handball. Par ailleurs, les salaires avaient été déclarés aux assurances sociales, comme le confirmait l’attestation de salaire 2015. Elle produisait enfin un document à teneur duquel l’indemnité de vacances pour les mois de novembre à décembre 2015 avait été versée à Mme C______ au mois de décembre 2015.

Mme A______ n’était pas en possession d’un certificat médical d’incapacité attestant de la date précise du début d’incapacité pour l’absence de Mme C______ à compter du 28 décembre 2015. Elle ne pouvait par conséquent pas se déterminer sur le paiement du solde de salaire de décembre 2015 et invitait Mme C______ à produire un certificat en bonne et due forme.

12) L’OCIRT a fait part de la réponse de Mme A______ à Mme C______, laquelle a maintenu et confirmé ses précédentes déclarations par courriel du 17 mai 2016.

Il n’y avait jamais eu d’accord entre elle-même et Mme A______ pour une quelconque formation. Elle avait, certes, fait ses premières expériences dans certains domaines sur des amies de Mme A______, qui pouvaient comprendre qu’elle soit plus lente qu’une personne expérimentée. Elle avait reçu deux certificats de formation établis et signés par Mme A______ (compétence en vernis semi-permanent, mascara semi-permanent et rehaussement) pour la période du 1er au 30 juin 2015. Aucune facture ne lui avait été présentée à ce propos.

Depuis son arrivée à l’institut en mai 2015 les soins étaient prodigués par elle-même et Madame D______, une collègue, alors que Mme A______ était en déplacement. Celle-ci avait également eu des problèmes de santé à l’été 2015, et Mme C______ avait dû réaliser seule tous les soins, sa collègue étant également absente.

Si elle avait effectivement pu partir quelques fois plus tôt pour ses événements sportifs, cela était largement compensé par des heures réalisées et non payées pour divers événements auxquels Mme A______ lui demandait de participer.

Elle n’avait enfin jamais reçu l’attestation d’employeur pour la fin de son contrat au 31 décembre 2015 et attendait toujours sa carte AVS.

13) Par courrier du 17 mai 2016, l’OCIRT a prononcé un avertissement à l’encontre de Mme A______.

Ses arguments étaient contredits par les constats de l’inspectrice du travail, les pièces du dossier et les déclarations de Mme C______. Celle-ci était liée par contrat de travail à Mme A______ à tout le moins à compter du mois de juin 2015. Comme tout nouvel employé au sein de l’institut, elle avait été formée aux produits et techniques spécifiques proposés à la clientèle. Cette formation interne ne constituait pas une formation certifiante. Mme C______ était parfois seule en charge de l’institut et n’arrivait effectivement pas à prendre ses pauses de midi. Elle avait enfin produit un certificat d’arrêt établi le 28 décembre 2015 et précisant que l’arrêt était prescrit jusqu’au 4 janvier 2016.

L’OCIRT demandait à Mme A______ de corriger le salaire de Mme C______ avec effet rétroactif pour la période du 1er juin au 31 décembre 2015 et de produire tous les justificatifs y afférents. À défaut d’exécution dans le délai imparti, l’OCIRT sanctionnerait le non-respect du salaire minimum prévu par le CTT-Esthé.

14) Mme A______ a intégralement maintenu sa position par courrier du 2 juin 2016.

15) Par décision du 14 juin 2016, l’OCIRT a prononcé à l’encontre de Mme A______ une amende de CHF 2'500.- pour refus de mise en conformité, en raison du non-respect par celle-ci du salaire minimum prévu par le CTT-Esthé.

La différence totale de salaire constatée s’élevait à plus de CHF 10'000.- net, le salaire versé à Mme C______ ayant totalisé CHF 10'222.15 alors que le salaire minimum brut total dû pour toute la durée des rapports de travail aurait dû s’élever à CHF 25'625.95. La sous-enchère salariale était donc importante. Compte tenu du fait que l’entreprise n’avait pas d’antécédents, et que seule une employée était concernée, l’OCIRT a fixé le montant de l’amende à CHF 2'500.-.

16) Deux jours plus tard, Mme C______ a sollicité de l’OCIRT de pouvoir s’acquitter de l’amende par mensualités de CHF 300.-, ce qui a été accepté par l’OCIRT.

17) Nonobstant cela, par acte du 12 août 2016, Mme A______ a formé recours à l’encontre de la décision du 14 juin 2016 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), concluant, principalement, à son annulation, subsidiairement, à la suspension de la procédure « jusqu’à droit connu aux prud’hommes », et plus subsidiairement, à la réduction du montant de l’amende à CHF 250.-.

a. Mmes C______ et A______ étaient liées par un contrat de travail du 1er octobre au 31 décembre 2015, moyennant un horaire hebdomadaire de travail de trente-cinq heures pour un salaire mensuel de CHF 3'062.50.

C’était à la suite d’une rupture sentimentale d’avec le beau-fils de Mme A______ que Mme C______ s’était retournée contre son employeuse avec l’intention de régler des comptes personnels et avait ainsi contacté l’OCIRT.

La visite de l’OCIRT avait à dessein été organisée durant une pause de midi, alors que son employée se trouvait seule au studio. À cette occasion, elle avait présenté à l’OCIRT des relevés d’heures qu’elle avait elle-même confectionnés, et qui ne correspondaient pas à la réalité.

Mme C______ n’avait jamais élevé d’autre prétention que le solde reconnu de CHF 1'571.50 à faire valoir sur le mois d’octobre 2015, que Mme A______ n’avait pas été en mesure de lui verser en raison d’un numéro d’IBAN obsolète.

b. En faisant droit à des prétentions civiles en heures supplémentaires contestées élevées par Mme C______ à l’encontre de Mme A______, l’OCIRT s’était arrogé une compétence qui appartenait à la juridiction des prud’hommes. En menaçant ensuite Mme A______ d’une amende pour le cas où celle-ci ne paierait pas à son ancienne employée le salaire correspondant à la vision civile de l’OCIRT, celui-ci s’était arrogé une compétence appartenant aux autorités de l’exécution forcée. La décision était dès lors nulle.

Subsidiairement, la décision était annulable en tant que le montant de l’amende avait été fixée en violation des principes applicables.

18) Le 29 septembre 2016, l’OCIRT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise.

Ses arguments seront en tant que de besoin repris dans la partie en droit du présent arrêt.

19) Une audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue le 28 novembre 2016.

a. Madame E______, inspectrice du travail à l’OCIRT, a indiqué que le contrôle du salon de Mme A______ avait été inopiné. Il s’agissait de vérifier la situation de cet institut, à la suite du contrôle sectoriel effectué deux ans auparavant.

b. Mme C______, entendue comme témoin, a indiqué être titulaire d’un certificat d’aptitudes professionnelles (ci-après : CAP) d’esthéticienne obtenu en 2012 et d’un baccalauréat professionnel dans le domaine, obtenu en 2013. Elle avait ensuite travaillé comme esthéticienne en France jusqu’en septembre 2014, puis comme indépendante à Aix-les-Bains jusqu’en janvier ou février 2015. Au mois d’avril 2015, elle avait vu sur un site internet (www.petitesannonces.ch) l’annonce de Mme A______ qui proposait un poste d’esthéticienne salariée à 80 %. Elle y avait répondu et avait commencé à travailler pour celle-ci dès le 30 avril 2015, d’abord à titre d’essai jusqu’au 10 mai 2015, période durant laquelle elle n’avait pas été rémunérée. Ensuite, Mme A______ s’était absentée pour se rendre au festival de Cannes et l’avait contactée à son retour pour commencer une activité dans son salon à raison de trente-cinq heures par semaine, sur quatre jours. Elle travaillait de 9h00 environ à 19h30. L’institut fermait à 19h00, mais elle faisait le ménage après. Une pause d’une heure était prévue à midi, et elle pouvait en règle générale en disposer. Il arrivait toutefois qu’elle doive empiéter sur son temps de repas s’il y a avait des clientes. Elle recevait celles-ci seule, et leur prodiguait des soins. Elle n’avait pas été engagée en vue de se former. Chaque institut ayant ses traitements spécifiques, elle s’était formée à certains soins en présence de Mme A______, étant précisé qu’elle pratiquait en parallèle d’autres soins esthétiques qu’elle maîtrisait.

Lorsqu’elle avait été engagée, Mme A______ lui avait dit qu’elle bénéficierait du salaire minimum d’esthéticienne en Suisse, soit CHF 3'000.- par mois pour un 100 %. Elle n’avait reçu de contrat écrit qu’en novembre 2015. Mme A______ avait refusé de lui en établir un plus tôt, prétextant devoir prolonger son temps d’essai. Chaque mois, Mme A______ lui remettait des salaires en liquide et des reçus. Elle produisait ceux qu’elle détenait et confirmait avoir reçu l’intégralité des montants qui y figuraient. À sa connaissance, il n’y avait pas eu de déduction pour les charges sociales.

Mme C______ avait pris quelques jours de vacances du 1er au 5 août 2015. Elle contestait n’être venue que deux à trois jours par semaine et produisait pour preuve de ses déplacements fréquents à Genève neuf relevés de la société F______ retraçant ses trajets sur l’autoroute des mois de juin à décembre 2015.

Une collègue, Mme D______, venait au cabinet trois jours par semaine durant toute la journée pour y prodiguer des soins. Elle était partie dès le début du mois de septembre 2015.

Il était exact qu’elle avait demandé à Mme A______ une attestation de stage. C’était la seule façon pour elle d’avoir une attestation des compétences qu’elle avait acquises chez elle. Entre juin et décembre 2015, elle avait déployé le même type d’activité au sein de l’institut et développé des activités de masseuse, sa spécialité.

Elle ne pouvait pas confirmer qu’il existait au moment où elle travaillait à l’institut un système d’agenda électronique. Elle répondait en général au téléphone, à moins que cela ne fût Mme A______. Lorsque personne n’était à l’institut pendant la pause de midi, les téléphones étaient transférés sur le téléphone privé de Mme A______. Il était arrivé que celle-ci la convie à déjeuner lorsqu’il n’y avait pas de rendez-vous. Elle avait dû sauter certaines pauses de midi pour prendre des clientes, notamment lorsque l’inspectrice du travail était passée.

Lorsqu’elle avait des matchs de handball le samedi, Mme A______ lui permettait de quitter l’institut vers 15h00. Elle ne pensait pas être payée pendant ces absences. Il lui était arrivé de manquer les entraînements parce qu’elle avait des soins jusqu’à 19h00, étant précisé qu’elle pouvait parfois partir plus tôt – soit vers 18h45 ou 19h00 – pour aller à l’entraînement.

c. Mme A______ contestait devoir quelque somme que ce soit à Mme C______. Celle-ci avait été engagée le 1er octobre 2015 et était auparavant en stage dans son institut. Elle ne venait pas quatre jours par semaine durant cette période, mais certaines fois deux jours, certaines fois trois jours, voire pas du tout. Elle n’était notamment pas venue la semaine du 6 au 10 septembre selon les plannings fournis par Mme C______ à l’OCIRT. Ses propres plannings avaient été établis sur supports informatiques et avaient disparu. Elle versait à la procédure les plannings des mois de septembre à décembre 2015. Il s’agissait de tableaux excel qu’elle avait établis et qui mentionnaient les jours de présence, les heures effectuées après déduction des repas, étant précisé que cette déduction se faisait automatiquement.

Mme A______ contestait avoir signé les reçus produits par son ancienne employée. Elle avait versé un salaire à Mme C______ dès octobre 2015 et avait prélevé et déclaré les charges sociales y afférentes.

d. Madame G______, juriste à l’OCIRT, a précisé que chaque entreprise se devait d’avoir un enregistrement du temps de travail. Elle ne savait pas si la recourante en détenait un.

20) Une deuxième audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue le 20 février 2017. Trois témoins ont été entendus.

a. Madame H______ était cliente de l’institut de Mme A______ depuis le mois d’octobre 2015. Mme C______ y travaillait alors et s’était occupée d’elle à trois ou quatre reprises, la dernière datant de la semaine de Noël 2015. Elle se rendait à l’institut pendant sa pause de midi et était reçue par Mme C______, Mme A______ étant absente. Il était possible qu’elle ait croisé celle-ci à une reprise. Elle n’avait jamais croisé, après ses soins, une autre cliente qui attendait. Elle avait constaté que Mme C______ mangeait sur place après ses soins, celle-ci lui ayant toutefois indiqué qu’elle avait le temps de manger après elle. Hormis pour le premier rendez-vous, elle avait directement fixé ses rendez-vous avec Mme C______. Elle n’avait pas constaté, en quittant le studio, que Mme C______ eût quitté les lieux en fermant le studio à clés.

b. Madame I______ était cliente de Mme A______ depuis deux ans, se rendant à l’institut toutes les trois à quatre semaines, entre midi et 14h00. Au début, Mme A______ lui avait indiqué qu’elle formait Mme C______, et elles lui prodiguaient des soins ensemble. Parfois, une autre employée supervisait Mme C______. Ensuite, Mme C______ lui prodiguait des soins seule. Il s’agissait de soins anticellulite. Lorsqu’elle quittait le salon, Mme C______ lui expliquait qu’elle allait manger quelque chose. Elle ne savait pas si c’était à l’institut ou dehors. Certaines fois, mais rarement, il y avait une autre cliente qui attendait. Elle prenait le plus souvent les rendez-vous d’une fois à l’autre.

c. Madame J______ était cliente de l’institut depuis janvier 2014. Elle avait par la suite développé des liens d’amitié avec Mme A______. Celle-ci lui avait parlé du litige l’opposant à l’OCIRT. Elle l’avait accompagnée lorsqu’elle avait consulté le dossier à l’OCIRT, mais n’avait pas elle-même eu connaissance de son contenu. Lorsqu’elle avait fait la connaissance de Mme C______, celle-ci lui avait prodigué des soins (manucure, soins du visage et beauté des pieds) sous l’œil de Mme A______ qui la testait. Elle se rendait à l’époque une fois par semaine au studio et n’avait pas constaté la présence de Mme C______ avant le mois de juin 2015. Au gré des semaines, Mme C______ travaillait seule, mais son travail était vérifié par Mme A______, ou elle-même signalait à cette dernière si quelque chose n’allait pas. Elle n’avait plus vu Mme C______ à compter de fin décembre 2015. Elle prenait ses rendez-vous en téléphonant à l’institut.

Lorsqu’elle passait durant la pause de midi au studio, il lui était arrivé de voir Mme C______ en train de manger sur place. Celle-ci avait insisté à son engagement sur le fait qu’elle devait manger régulièrement à cause de son diabète. Il était arrivé à Mme J______ de prendre la pause de midi à l’extérieur avec Mmes C______ et A______.

Mme C______ avait été formée par Mme A______ sur les soins prodigués au visage, plus précisément sur les produits à utiliser en fonction du protocole d’application en usage dans l’institut. Au début, Mme C______ mettait deux heures, voire deux heures et demie, pour effectuer les soins de vernis semi-permanent qui devraient être prodigués en une heure. Au bout d’un à deux mois, elle était opérationnelle pour prodiguer ces soins dans le temps usuel d’une heure.

d. Madame K______, juriste à l’OCIRT, a versé à la procédure les annexes au courrier de Mme A______ du 3 mai 2016. Y figuraient notamment cinq certificats de formation décernés par Mme A______ à Mme C______ ; une facture d’un montant de CHF 12'100.- pour ces formations ; un arrêt de travail pour Mme C______ daté du 28 décembre 2015 ; deux décomptes de salaire pour les mois de novembre et décembre 2015 et une attestation des salaires des employées de Mme A______ en 2015 sur relevé de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS), d’où il ressortait que Mme C______ avait été déclarée aux assurances sociales pour les mois de novembre et décembre 2015. Mme K______ a indiqué n’avoir pas reçu d’autres attestations de l’OCAS que celle-ci.

e. Mme A______ a indiqué avoir rédigé une nouvelle attestation à l’attention de l’OCAS, comprenant le salaire de Mme C______ pour le mois d’octobre 2015, et qu’elle transmettrait dans les meilleurs délais. La facture de CHF 12'000.- datait du 30 septembre 2015, date à laquelle elle avait dû l’adresser à Mme C______. Elle n’avait jamais reçu de certificat d’arrêt de travail avant l’ouverture du litige.

21) Par courrier du 17 mars 2017, Mme A______ a transmis une nouvelle attestation de salaire 2015 de ses employées, mentionnant toujours que Mme C______ avait travaillé de novembre à décembre 2015, mais déclarant un salaire total brut de CHF 8'439.- (en lieu et place de CHF 5'464.25).

22) Dans leurs observations après enquêtes, les parties ont intégralement persisté dans leurs conclusions.

23) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de l’amende, justifiée par le non-respect par la recourante du salaire minimal du CTT-Esthé. Se pose en conséquence la question de l'application du CTT-Esthé à toute la période durant laquelle Mme C______ a travaillé au sein de l’institut de la recourante, ainsi que sur la compétence de l’OCIRT pour donner injonction à la recourante de payer le rattrapage salarial qu’il estimait dû à Mme C______, et pour prononcer une amende pour défaut d’exécution.

3) Dans la mesure où le CTT-Esthé a subi des modifications au 1er janvier 2016, se pose la question du droit applicable.

Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/126/2016 du 9 février 2016 consid. 3 ; ATA/891/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3 ; ATA/834/2013 du 17 décembre 2013 consid. 4b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 403 ss).

Est dès lors applicable le CTT-Esthé dans sa teneur en vigueur en 2015, année durant laquelle les faits litigieux se sont déroulés.

4) La recourante se prévaut du fait que Mme C______ était en formation dans son institut entre le 1er juin et le 30 septembre 2015 pour ne pas lui octroyer le salaire minimum prévu par le CTT-Esthé.

a. À teneur de l'art. 1 du CTT-Esthé, dans sa teneur au 1er janvier 2013, sont considérés comme travailleuses et travailleurs du secteur de l’esthétique les esthéticiennes et/ou les prothésistes ongulaires exerçant dans des instituts de beauté (al. 1) ; le contrat-type ne s’applique pas aux travailleurs du secteur de l’esthétique soumis à une convention collective de travail (al. 3).

En vertu de l’art. 6 CTT-Esthé, le salaire minimum est de CHF 3'466.- par mois (al. 1) ; le salaire minimum prévu à l’al. 1 a un caractère impératif au sens de l’art. 360a CO de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) pour une durée de travail hebdomadaire de quarante heures (al. 2) ; en cas de travail à temps partiel, le salaire minimum est calculé prorata temporis (al. 3) ; le caractère impératif du salaire minimum est prorogé jusqu’au 31 décembre 2015 (al. 4).

b. Comme déjà relevé tant par l'OCIRT que par la chambre de céans (ATA/126/2016 précité consid. 4 ; ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 consid. 4), le CTT-Esthé ne prévoit aucune distinction selon les qualifications, formations ou l’expérience de l’employé pour ce qui est du salaire minimal, alors que, par exemple, l’art. 10 du contrat-type de travail de l’économie domestique du 13 décembre 2011 (CTT-EDom - J 1 50.03), l’art. 9 du contrat-type de la floriculture du 13 décembre 2011 (CTT Flor - J 1 50.10), et l’art. 2 du contrat-type de travail pour le transport de choses pour le compte de tiers du 26 novembre 2013 (CTT-TCCT - J 1 50.18), tous adoptés par la chambre des relations collectives de travail (ci-après : CRCT), font de telles distinctions.

c. L’art. 360a al. 1 CO précise que le contrat-type de travail d’une durée limitée prévoit des salaires minimaux différenciés selon les régions et, le cas échéant, selon les localités, et n’exige ainsi pas, sans toutefois l’exclure, la prise en compte des qualifications, formations et expérience. Par ailleurs, conformément à l’art. 360d al. 2 CO, il ne peut être dérogé à un contrat-type de travail au sens de l’art. 360a CO en défaveur du travailleur.

d. La chambre administrative a déjà retenu, dans un arrêt concernant l’application du CTT-Esthé, que la prise en charge de formations par l’employeur ne constituait pas des montants de salaire et qu’elle ne pouvait exempter l’employeur du paiement du salaire minimal prévu par le CTT-Esthé (ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 consid. 8)

e. En l'espèce, il ressort du dossier et des enquêtes que Mme C______ a procuré des soins à la clientèle de l’institut dès le début du mois de juin 2015, et ce jusqu’à la fin de son contrat intervenue le 31 décembre 2015. C’est à juste titre que l’OCIRT n’a pas pris en considération le mois de mai 2015, le dossier ne permettant pas d’établir s’il avait été œuvré ou non. Mme C______ a ainsi exercé une activité d'esthéticienne dans un institut de beauté, au sens de l'art. 1 al. 1 CTT-Esthé. Le fait qu’elle ait été considérée comme stagiaire par la recourante jusqu’au 30 septembre 2015 parce qu’elle suivait certaines formations dans l’institut, et qu’elle travaillait parfois sous supervision n'y change rien, la CTT-Esthé ne prévoyant aucun traitement différencié pour les stagiaires. Il sied à cet égard de relever que Mme C______ est titulaire d’un CAP d’esthéticienne obtenu en France en 2012, complété par un baccalauréat professionnel dans le domaine, et qu’elle est dès lors parfaitement formée et autonome dans sa profession.

Dans ces conditions, le salaire minimum prévu par l'art. 6 al. 1 CTT-Esthé devait être respecté. Par ailleurs, le fait que la recourante ait formé Mme C______ à divers soins effectués dans l’institut ne la dispensait pas de respecter ce salaire minimum, ne pouvant exciper d’aucune compensation à cet égard.

À toutes fins utiles, il sera relevé que le texte de l'art. 6 al. 1 CTT-Esthé a été modifié au 1er janvier 2016 et prévoit dorénavant que « le salaire minimum est de CHF 3'518.- par mois, même si le travailleur n’est ni au bénéfice d’une formation professionnelle ni d'une expérience utile au poste ». Quand bien même la nouvelle teneur de cette disposition n'est pas applicable au cas d'espèce, il apparaît que la volonté claire des autorités compétentes est bien d'assurer un salaire minimum à toutes les personnes exerçant en qualité d'esthéticiennes et de prothésistes ongulaires, peu importe leur niveau de formation et leur expérience professionnelle (ATA/126/2016 précité consid. 4d).

Le grief de la recourante sera dès lors écarté.

5) La recourante conteste la compétence de l’OCIRT, considérant qu’en « donnant droit à des prétentions civiles en heures supplémentaires contestées », l’OCIRT se serait arrogé une compétence appartenant à la juridiction des prud’hommes.

a. Selon l’art. 1 al. 2 de la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20), parmi les objectifs de cette loi figure le contrôle des employeurs qui engagent des travailleurs en Suisse, et les sanctions qui leur sont applicables en cas de non-respect des dispositions relatives aux salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail au sens de l'art. 360a CO.

La loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) précise la mise en œuvre, dans le canton de Genève, de la LDét (art. 1 al. 2 LIRT).

En vertu de l’art. 35 LIRT, l’OCIRT est l'autorité de contrôle compétente au sens de l'art. 7 al. 1 let. d LDét (al. 1) et le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'art. 9 LDét est de son ressort (al. 3). En outre, il est spécifiquement désigné pour être l’autorité compétente pour contrôler le respect des salaires minimaux prévus dans les contrats-types de travail (art. 34A LIRT) et pour prononcer les sanctions administratives qui s’imposent selon l’art. 9 LDét en cas de non-respect de ceux-ci (art. 34B al. 1 LIRT).

De même, à teneur de l’art. 15 CTT-Esthé, l’OCIRT est l’organe de surveillance (al. 1) ; il est chargé notamment de contrôler le respect des salaires minimaux, les conditions de travail des jeunes gens et des personnes en formation, ainsi que la sécurité des installations (al. 2).

b. En l’espèce, l’autorité intimée a procédé à un contrôle du respect des conditions de travail dans l’institut de la recourante et a notamment constaté le non-respect du salaire minimal prévu par le CTT-Esthé. Malgré plusieurs demandes de l’OCIRT visant à ce que la recourante respecte ce salaire minimal, la recourante a refusé de se mettre en conformité, contestant les reproches formulés à son encontre.

La recourante affirme que l’OCIRT ne pourrait pas se substituer au Tribunal des prud’hommes en la condamnant à payer des indemnités pour heures supplémentaires contestées et jamais demandées par l’employée. Par son argumentation, la recourante perd cependant de vue que si le droit du travail relève du droit privé, le respect des conditions minimales de travail et des prestations sociales en usage relèvent du droit public, les normes de droit privé et de droit public pouvant dans ce cadre se recouper (ATA/903/2015 du 1er septembre 2015 consid. 8).

Ainsi, si l’OCIRT n’est pas compétent pour trancher un litige de droit privé opposant la recourante à l’une de ses employées, il n’en demeure pas moins qu’il l’est pour contrôler le respect du salaire minimal prévu par un contrat-type et qu’il peut, dans ce cadre, donner injonction à un employeur de respecter ce salaire minimal et sanctionner les cas d’infraction à un contrat-type par le prononcé d’une amende.

L’OCIRT a en l’occurrence constaté que Mme C______ travaillait depuis le mois de juin 2015 à l’institut, et qu’elle n’avait perçu, entre juin et octobre 2015, qu’un défraiement de CHF 1'100.- par mois en moyenne, alors qu’elle indiquait y travailler trente-cinq heures par semaine. L’autorité intimée a également constaté que Mme C______ n’avait été déclarée aux assurances sociales qu’en novembre et décembre 2015, que la recourante ne l’avait pas payée du 28  au 31 décembre 2015, alors que l’employée avait été mise en arrêt de travail par un médecin en date du 28 décembre 2015 et jusqu’au 4 janvier 2016, et que Mme C______ n’avait pas pris de vacances.

Invitée à se déterminer par l’OCIRT, la recourante s’est contentée de faire valoir qu’elle n’était pas liée par un contrat de travail à Mme C______ entre juin et septembre 2015, que celle-ci ne travaillait que deux jours par semaine et avait bénéficié de formations d’une valeur de CHF 12'100.- (dont elle exigerait le remboursement si Mme C______ maintenait avoir été au bénéfice d’un contrat de travail), qu’elle lui paierait d’ici à la fin du mois de juin 2016 le salaire du mois d’octobre 2015, et qu’elle estimait que le certificat d’arrêt de travail présenté par son employée ne serait pas suffisant en tant qu’il n’indiquerait pas clairement la date du début de l’incapacité de travail.

Les déclarations de Mme A______ n’étant corroborées ni par les constats de l’inspectrice du travail, ni par Mme C______, l’OCIRT, constatant l’irrespect par la recourante des exigences minimales contenues dans le CTT-Esthé, était parfaitement légitimé à lui donner injonction de les respecter, à défaut de quoi il prononcerait une amende conformément à l’art. 9 LDét.

Dans la mesure où la recourante a versé à Mme C______ une rémunération clairement inférieure aux salaires minimaux prévus par le CTT-Esthé du mois de juin à celui d’octobre 2015, et où elle a procédé à une retenue de salaire illégale pour l’absence de son employée du 28 au 31 décembre 2015 (art. 7 CTT-Esthé et 324a CO) – absence dûment justifiée par un certificat médical – la question de savoir si Mme C______ a travaillé trente-cinq ou trente-neuf heures par semaine, et si elle a pu effectivement ou non prendre des vacances durant ces quelques mois peut souffrir de demeurer indécise, Mme C______ n’étant pas partie à la présente procédure et ses éventuelles prétentions à ce titre n’étant pas du ressort de la chambre administrative. Il sied toutefois de relever que les allégations de la recourante selon lesquelles Mme C______ n’aurait travaillé que deux ou trois jours par semaine lorsqu’elle était en « formation » chez elle, sont notamment contredites par les plannings relatifs aux mois de septembre à décembre 2015 qu’elle a elle-même produits : ceux-ci font en effet apparaître qu’il était prévu que Mme C______ travaille trente-cinq heures par semaine en septembre 2015, mois durant lequel elle était, selon la recourante, encore en formation.

Il ressort de ce qui précède que la recourante n’a pas respecté les conditions minimales prévues par le CTT-Esthé. Partant, le prononcé d'une sanction administrative par l'OCIRT était justifié, ce que la chambre administrative peut constater sans qu’il soit nécessaire de suspendre la procédure jusqu’à droit connu dans l’éventuelle procédure prud’homale opposant la recourante à son ancienne employée. Avant de prononcer une amende, l’OCIRT a laissé la possibilité à la recourante de se conformer au salaire minimal contenu dans le CTT-Esthé. Ce faisant, il ne s’est pas substitué au Tribunal des prud’hommes, mais s’est assuré du respect, par la recourante, des conditions minimales de travail et des prestations sociales en usage, ce qui relève du droit public.

6) Reste à examiner si le montant de l’amende respecte le principe de la proportionnalité.

Selon la LDét, l’OCIRT, en tant qu’autorité cantonale compétente, est en droit, en cas d'infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d'un contrat-type de travail au sens de l'art. 360a CO par l'employeur qui engage des travailleurs en Suisse, de prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d'un montant de CHF 30’000.- au plus (art. 9 al. 2 let f LDét). L’art. 9 LDét dans sa teneur actuelle est entré en vigueur le 1er avril 2017. Dans sa teneur en vigueur à l’époque des faits incriminés, la situation était réglée à l’art. 9 al. 2 let. c aLDét : l’employeur qui avait commis de tels faits était passible d’une amende d’un montant de CHF 5’000.- au plus.

En l’occurrence, en vertu des principes du droit intertemporel, et de surcroît, du principe de la lex mitior, malgré le changement de législation, les faits restent soumis à l’ancien droit, d’autant que le nouveau droit est plus sévère.

7) Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. La quotité de la sanction administrative doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 consid. 12b et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, n. 1179). Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende (ATA/74/2013 du 6 février 2013 et les arrêts cités). La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/160/2009 du 31 mars 2009). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/61/2014 du 4 février 2014 ; ATA/74/2013 précité et les arrêts cités).

L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur, et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1305/2015 précité).

8) En l’espèce, l’autorité intimée a fixé l’amende à CHF 2’500.- en tenant compte de l’importante sous-enchère salariale, de la durée des rapports de travail, du fait qu’une seule employée était concernée et du fait que la recourante avait déjà fait l’objet, par le passé, d’un rattrapage salarial. Pour un arriéré salarial évalué selon l’OCIRT entre CHF 10’000.- et CHF 15’000.-, après calcul des montants dus au titre des assurances sociales, l’autorité intimée a considéré que le montant de l’amende, qui ne correspondait qu’au quart seulement de l’arriéré salarial inférieur dû à Mme C______, était justifié.

Une faute a été indéniablement commise par la recourante par le non-respect du salaire minimal prescrit par le CTT-Esthé. En arrêtant le montant de l’amende à CHF 2’500.-, l’OCIRT n’a pas fait preuve d’une sévérité excessive, étant donné l’importance de la sous-enchère salariale pratiquée par la recourante et le rattrapage salarial dont celle-ci avait déjà fait l’objet deux ans auparavant. Le montant de l’amende, qui reste proportionné à la faute commise, sera maintenu.

9) Vu ce qui précède, la décision attaquée est conforme au droit et le recours sera rejeté.

10) Vu cette issue, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 août 2016 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 14 juin 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Maître Yves Nidegger, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mmes Krauskopf et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :