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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/863/2016

ACST/11/2016 du 10.11.2016 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/863/2016-ABST ACST/11/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 10 novembre 2016

 

dans la cause

 

Monsieur A______

et

Monsieur B______

et

UNION DU PERSONNEL DU CORPS DE POLICE DU
CANTON DE GENÈVE - UCP

et

SYNDICAT DE LA POLICE JUDICIAIRE - SPJ
représentés par Me Jacques Roulet, avocat

contre

GRAND CONSEIL



EN FAIT

1. a. L’Union du personnel du corps de police du canton de Genève (ci-après : UPCP) est une association au sens du droit civil dont le siège est à Genève (art. 1 et 2 des statuts). Elle a en particulier pour but de défendre les conditions de travail et salariales de ses membres (art. 3 des statuts), dont font partie les fonctionnaires du corps de la police, l’inspectorat de l’office cantonal des véhicules, les agents de détention rattachés à un statut de fonctionnaire normal ou particulier ainsi que leurs retraités (art. 7 des statuts).

Le Syndicat de la police judiciaire (ci-après : SPJ), qui regroupe les policiers de la police judiciaire, est également une association au sens du droit civil dont le siège est à Genève (art. 1 et 2 des statuts). Il a en particulier pour but la défense professionnelle de ses membres (art. 3 des statuts), à savoir les inspecteurs et gradés de la police judiciaire, de l’état-major de la police et du commissariat de police (art. 4 des statuts).

L’UPCP et le SPJ sont membres du Groupement des associations de police (ci-après : GAP), qui regroupe notamment les syndicats de la police genevoise.

b. Monsieur A______ est fonctionnaire de police et ( … )

Monsieur B______ est, quant à lui, fonctionnaire de police et ( … )

2. Par arrêté du 17 septembre 2014, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 19 septembre 2014, le Conseil d’État a procédé à la publication de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), le délai référendaire expirant le 29 octobre 2014.

3. Par arrêté du 12 novembre 2014, publié dans la FAO du 14 novembre 2014, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement du référendum contre la LPol.

4. Lors du scrutin du 8 mars 2015, le peuple genevois a rejeté le référendum et accepté la LPol à 50,02 %.

5. Par arrêté du 10 février 2016, publié dans la FAO du 12 février 2016, le Conseil d’État a promulgué la LPol. Celle-ci contient notamment les dispositions suivantes :

Art. 1 Missions

(…)

2 En tout temps, le personnel de la police donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens. Il manifeste envers ses interlocuteurs le respect et l’écoute qu’il est également en droit d’attendre de leur part.

(…)

Art. 19 Personnel

(…)

4 À titre exceptionnel et pour une durée limitée, la police peut conclure des contrats de mandat auprès d’entreprises spécialisées pour effectuer des tâches spécifiques ou techniques.

Art. 20 Commission du personnel

1 Il est institué une commission du personnel dont les membres représentent équitablement les intérêts de l’ensemble de celui-ci.

(…)

Art. 23 Activité hors service

(…)

2 Ils ne peuvent exercer aucune activité rémunérée sans l’autorisation du chef du département.

Art. 40 Procédures simplifiées

1 Lorsqu’un blâme ou des services hors tour sont envisagés, le commandant peut renoncer à l’ouverture d’une enquête administrative et se limiter à entendre ou faire entendre le collaborateur sur les faits qui lui sont reprochés.

(…)

Art. 44 Interdiction temporaire d’exercer une activité à l’issue des rapports de travail

Les membres du personnel de la police doivent s’abstenir, pendant une durée de 3 ans à dater de la fin des rapports de service, d’exercer sur le territoire du canton de Genève, pour leur compte ou pour celui de tiers, les professions d’agent de sécurité au sens du concordat sur les entreprises de sécurité, du 18 octobre 1996, et d’agent de renseignement (sic) au sens de la loi sur les agents intermédiaires, du 20 mai 1950. Celui qui contrevient à cette disposition sera puni de l’amende.

6. a. Le 10 février 2016 également, une séance entre le Conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie (ci-après, respectivement : le Conseiller d’État et le département), son état-major, la direction de la police et les syndicats membres du GAP a eu lieu, au cours de laquelle le projet de règlement d’organisation de la police, devenu par la suite le règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), et le projet de règlement général sur le personnel de la police, devenu par la suite le règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07), ont été discutés.

b. Les projets présentés contenaient en particulier des dispositions concernant le port de l’uniforme, l’activité hors service, l’interdiction temporaire d’exercer une activité et la vidéosurveillance pour le ROPol et la commission du personnel (ci-après : la commission), les horaires planifiés, le travail hors canton, les indemnités pour risques inhérents à la fonction, l’autorité compétente en cas de libération de l’obligation de travailleur ou de suspension, la période probatoire ainsi que les grades s’agissant du RGPPol.

7. Cette séance a fait l’objet d’un procès-verbal, qui contient notamment les éléments suivants :

a. Selon les autorités, la notion de doute sur la compatibilité d’une activité hors service avec la dignité de la fonction avait été introduite dans le ROPol à la requête des syndicats, selon la formulation qu’ils avaient proposée, étant précisé que la condition de la demande pour l’exercice d’une activité rémunérée était plus souple que la réglementation en vigueur ; toute activité de nature associative ne devait pas être annoncée, mais seulement celles qui étaient rémunérées. De même, certaines des modifications apportées allaient dans le sens voulu par les syndicats, notamment la suppression d'un règlement spécifique concernant la commission.

b. Sur un autre thème, un représentant syndical a demandé si le manque de policiers allait être compensé par un recours à des forces de sécurité privée ; le Conseiller d'État lui a répondu que tel ne serait pas le cas, la loi étant claire et n'autorisant le recours à des agents privés que de manière exceptionnelle et temporaire.

8. Le 22 février 2016, le GAP a transmis au Conseiller d’État la prise de position de ses membres suite à la séance du 10 février 2016.

Par rapport à l'article instituant une commission du personnel, le terme « représentent » était malheureux et trahissait soit une volonté contraire au règlement instituant des commissions du personnel au sein de l'administration cantonale, du 10 juin 1996 (RComPers - B 5 15.30), soit une erreur de rédaction. Selon le RComPers, le rôle de la commission était purement consultatif, et non représentatif, l'aspect de représentation du personnel étant l'apanage du syndicat.

Le principe d’une autorisation obligatoire du chef du département pour l’exercice d’une activité devait se limiter aux activités professionnelles rémunérées, à l’exception de celles, à but idéal, faisant partie de la vie culturelle, associative, politique ou syndicale, qui devaient être d’office autorisées, ce qui n’empêchait pas qu’elles doivent être annoncées, voire interdites en cas d’incompatibilité avec la fonction de policier.

L'art. 44 LPol portait une atteinte grave au droit de travailler dans son domaine de compétence et ne contenait aucune délégation en faveur du Conseil d’État lui permettant de fixer une amende, d’un montant maximal de CHF 30'000.-, qui relevait du droit pénal administratif et devait, à ce titre, figurer dans une base légale formelle.

9. Le 9 mars 2016, le Conseiller d’État a répondu au GAP.

Il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur la suppression du terme « représentent » en lien avec la commission, car celui-ci était repris de la LPol et n'empêchait pas les syndicats de remplir leur rôle de partenaires sociaux.

L'obligation de demander une autorisation pour toute activité rémunérée était reprise de la LPol, et il n'y avait dès lors pas lieu de revenir dessus.

10. Par acte posté le 14 mars 2016, enregistré sous numéro de cause A/863/2016, MM. A______ et B______, l’UPCP et le SPJ ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la LPol telle que promulguée par l’arrêté du Conseil d’État du 10 février 2016, concluant, « avec suite de frais et dépens », à l’annulation des art. 1 al. 2, 19 al. 4, 20 al. 1, 23 al. 2, 40 al. 1 et 44 LPol.

Les termes « en tout temps » utilisés à l'art. 1 LPol étendaient exagérément les devoirs du policier, et violaient par là sa liberté personnelle et le droit au respect de sa vie privée, un policier pouvant, dans son temps libre, se montrer partial ou faire des choix intimes que sa hiérarchie jugerait indignes ou déshonorants. Ainsi un policier pouvait-il par exemple, hors de ses heures de service, se montrer partial envers l'un des membres de sa famille ou de ses amis proches, s'isoler avec un casque de musique sur la tête ou refuser de répondre à son conjoint ou à un voisin sans devoir risquer une sanction disciplinaire.

L'art. 19 al. 4 LPol violait le principe de la légalité, sous l'angle de la hiérarchie des normes, et la séparation des pouvoirs, en permettant le recours à des privés en matière de sécurité alors que les art. 112 et 184 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) ne le permettaient pas, s'agissant d'une tâche régalienne de l'État.

Le terme « représentent » utilisé à l'art. 20 al. 1 LPol au sujet des membres de la commission, violait la liberté syndicale car cela revenait à remplacer les syndicats, seuls partenaires sociaux capables de représenter les policiers, par une commission du personnel dont les membres seraient plus dociles, ce alors qu'une telle commission ne pouvait avoir qu'un but consultatif, et non celui de déterminer les conditions de travail du personnel.

L'art. 23 al. 2 LPol, selon lequel les policiers ne pouvaient exercer aucune activité rémunérée sans autorisation du chef du département, violait la liberté personnelle, le droit au respect de la vie privée et la liberté d'association et syndicale. Seules des activités rémunérées de type professionnel pouvaient être sujettes à autorisation, sans quoi cela permettrait au chef du département, sans avoir à fournir aucun motif, d'interdire une activité syndicale, associative ou culturelle à un policier.

L'art. 40 al. 1 LPol, qui permettait d'éluder, lorsque certaines sanctions étaient envisagées, une enquête administrative, consacrait une inégalité de traitement par rapport aux autres fonctionnaires, pour lesquels la loi régissant leur statut ne faisait pas une telle différence, ce d'autant que les sanctions visées étaient tout de même lourdes de conséquences pour les policiers.

Enfin, l'art. 44 LPol violait la liberté économique sous l'angle du libre choix de la profession. On peinait à distinguer quel intérêt public cette réglementation poursuivait. Il n'y avait aucun besoin de restreindre l'accès des professions de la sécurité aux policiers démissionnaires, fût-ce dans le seul canton de Genève.

11. Par arrêté du 16 mars 2016, publié dans la FAO du 29 mars 2016, le Conseil d’État a fixé la date d’entrée en vigueur de la LPol au 1er mai 2016, sous réserve des art. 56, 57 et 58 LPol dont l’entrée en vigueur devait être fixée ultérieurement.

12. Le 29 avril 2016, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.

Concernant l'art. 1 al. 2 LPol, il était exact que cette disposition avait vocation à s'appliquer au-delà du temps de service des policiers, mais il s'agissait uniquement d'une concrétisation du devoir de fidélité et de réserve. Il était en outre reconnu par la jurisprudence que les exigences quant au comportement d'un policier excédaient celles imposées aux autres fonctionnaires. La réglementation attaquée rejoignait pourtant le code de déontologie de la police et une directive, déjà bien connus des policiers genevois.

Il avait toujours été sans équivoque pour le département que l'art. 19 al. 4 LPol ne permettait pas de déléguer des tâches régaliennes, par exemple en supplantant un service de police ou en exerçant l'une de ses tâches usuelles. Les notions de caractère exceptionnel et de courte durée étaient claires, et avaient du reste été réclamées par les syndicats. Une interprétation conforme au droit supérieur de cette norme était parfaitement possible.

La liberté syndicale était reconnue et l'art. 20 al. 1 LPol ne lui faisait pas obstacle. La notion de représentation devait se comprendre comme liée à la représentativité et à la composition équitable de la commission entre les différentes entités composant la police. Les craintes liées à une concurrence avec l'activité syndicale étaient infondées. Les travaux préparatoires étaient clairs sur le fait que l'activité de la commission était complémentaire à celle des syndicats.

Le but recherché par l'art. 23 al. 2 LPol était de s'assurer que les activités accessoires étaient bien annoncées au département, l'intention étant de les autoriser pour autant qu'elles ne fussent pas incompatibles avec la fonction. La notion de rémunération visait un revenu réel et non un simple défraiement. Le chef du département était quoi qu'il en soit tenu au respect des droits fondamentaux dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation.

L'art. 40 al. 1 LPol s'inspirait de l'ancienne loi, qui ne prévoyait qu'une audition par le chef de la police lorsque le blâme ou les services hors tour étaient envisagés à titre de sanction. L'art. 27 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) différenciait également les exigences procédurales selon les sanctions. La formulation potestative de la disposition ne devait pas faire craindre à un usage arbitraire, mais permettait de tenir compte des circonstances concrètes de chaque espèce.

L'art. 44 LPol constituait de l'éthique élémentaire, qui permettait de se prémunir contre les conflits d'intérêts et constituait une extension du devoir de réserve. Cette interdiction avait été introduite en 1996, le législateur précisant alors qu'elle visait à éviter que des fonctionnaires ayant quitté le service n'exploitent leurs connaissances, voire des secrets de fonction, dans le cadre de leurs nouvelles activités. L'interdiction temporaire permettait, pour le public, d'éviter un risque de confusion entre l'ancienne fonction policière et la profession nouvellement exercée. Il ne s'agissait toutefois pas d'une clause d'interdiction de concurrence, et elle était limitée au territoire genevois.

13. Par acte expédié le 2 mai 2016, MM. A______ et B______, l’UPCP et le SPJ ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle contre le ROPol et le RGPPol du 16 mars 2016, publiés dans la FAO du 29 mars 2016, concluant à l’annulation des art. 6 al. 1 à 3, 8 al. 4, 9 al. 1 et 2 et 20 al. 3 ROPol et des art. 2 al. 4 à 6, 5 al. 2, 16 al. 2 (termes « ou un officier »), 17 al. 1 et 2, 24 al. 3, 32, 36 al. 3 et 39 al. 3 let. b (termes « et au caractère parfois imprévisible de la planification des horaires ») RGPPol, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure (cause enregistrée sous le numéro de procédure A/1383/2016).

14. Le 2 mai 2016 également, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 27 mai 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

15. Le 27 mai 2016, MM. A______ et B______, l’UPCP et le SPJ ont persisté dans leurs conclusions.

16. Le Grand Conseil n'a quant à lui pas déposé d'observations complémentaires.

EN DROIT

1. a. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. En l’espèce, le recours est formellement dirigé contre une loi du Grand Conseil, à savoir la LPol, adoptée par le Grand Conseil le 9 septembre 2014, acceptée en votation populaire le 8 mars 2015 et promulguée par arrêté du Conseil d'État du 10 février 2016 (ACST/6/2016 du 19 mai 2016 consid. 2 ; ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 1a ; ACST/13/2015 du 30 juillet 2015 consid. 2b ; ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 1b ; ACST/7/2015 du 31 mars 2015 consid. 1b ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 2 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 1b). La chambre de céans est dès lors compétente pour connaître du présent recours.

Interjeté dans le délai légal à compter de la publication de l'acte susmentionné dans la FAO du 12 février 2016 et dans les formes prévues par la loi, le recours est recevable sous cet angle (art. 62 al. 1 let. d et 3, 63 al. 1 let. a et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). Il ressort de l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ que l’art. 60 al. 1 let. b LPA dans sa teneur actuelle, adoptée le 11 avril 2014 et entrée en vigueur le 14 juin 2014, formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/7/2016 du 19 mai 2016 consid. 4a ; ACST/19/2015 précité consid. 1b ; ACST/13/2015 précité consid. 3a ; ACST/12/2015 précité consid. 2a ; ACST/7/2015 précité consid. 2a ; ACST/1/2015 précité consid. 3a ; ACST/2/2014 précité consid. 2a ; Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341-385, p. 380).

b. L’art. 111 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) précise que la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. En d’autres termes, le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie devant l’autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral de manière plus restrictive que ne le fait l’art. 89 LTF (ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_90/2016 du 2 août 2016 consid. 3.1 ; 2C_68/2015 du 13 janvier 2016 consid. 4.2 ; 2C_885/2014 du 28 avril 2015 consid. 5.1).

Aux termes de l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). L’art. 89 al. 1 LTF détermine la qualité pour recourir de manière générale, la subordonnant à trois conditions, qui, pour autant qu’elles soient cumulativement remplies (ATF 137 II 40 consid. 2.2), permettent aux personnes physiques et morales de droit privé, voire exceptionnellement aux personnes morales et collectivités de droit public, de recourir (Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème édition, 2014, n. 11 ad art. 89 LTF).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris (Marcel Alexander NIGGLI/ Peter UEBERSAX/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2ème édition, 2011, n. 13 ad art. 89 LTF). Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 141 I 78 consid. 3.1 ; 141 I 36 consid. 1.2.3 ; 138 I 435 consid. 1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_779/2015 du 8 août 2016 consid. 4.4.2.3 ; 2C_862/2015 du 7 juin 2016 consid. 1.2 ; 8C_91/2015 du 16 décembre 2015 consid. 6.1 ; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 2.3).

La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 296 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1006/2014 du 24 août 2015 consid. 1.3 ; 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 1.1).

c. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure, soit lorsqu’elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans ce dernier cas, la défense des intérêts de ses membres doit figurer parmi ses buts statutaires et la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d’entre eux, doit être personnellement touchée par l’acte attaqué (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; 130 I 26 consid. 1.2.1 ; 129 I 113 consid. 1.6 ; 125 I 369 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_779/2015 précité consid. 4.4.1 ; 8C_91/2015 précité consid. 6.1 ; 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 1.2 ; ACST/7/2016 précité consid. 4c ; ACST/13/2015 précité consid. 3 s ; ACST/7/2015 précité consid. 2c).

d. En l’espèce, les personnes physiques recourantes sont fonctionnaires de police et donc directement concernées par la loi litigieuse, qui s’applique à leur activité quotidienne. Ils ont dès lors qualité pour recourir.

Il en va de même de l’UPCP et du SPJ qui sont tous deux constitués sous forme d’associations au sens du droit privé ayant pour but statutaire la défense des intérêts de leurs membres, lesquels sont dans leur grande majorité des fonctionnaires de police qui se voient appliquer la loi attaquée dans le cadre de leurs activités.

Il en résulte que le recours est également recevable de ce point de vue.

3. Saisie d’un recours, la chambre constitutionnelle contrôle librement le respect des normes cantonales attaquées au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE ; art. 61 al. 1 LPA) ; elle est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs qu’elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA), dans la mesure de la recevabilité du recours ou des griefs invoqués. Toutefois, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, l’acte de recours doit contenir un exposé détaillé des griefs du recourant (art. 65 al. 3 LPA). Selon l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ, en matière de recours portant sur un contrôle abstrait, il est nécessaire de se montrer plus exigeant que dans le cadre d’un recours ordinaire, le recourant ne pouvant se contenter de réclamer l’annulation d’une loi ou d’un règlement au motif que son contenu lui déplaît, mais, au contraire, doit être acheminé à présenter un exposé détaillé de ses griefs (ACST/7/2016 précité consid. 5 ; ACST/13/2015 précité consid. 4a ; ACST/12/2015 précité consid 4b ; ACST/7/2015 précité consid 3a ; ACST/1/2015 précité consid 4b ; ACST/2/2014 précité consid 5a).

4. a. À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_862/2015 précité consid. 3 ; 1C_223/2014 précité consid. 4 ; 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/7/2016 précité consid. 8 ; ACST/19/2015 précité consid. 3 ; ACST/12/2015 précité consid. 5 ; ACST/7/2015 précité consid 3b ; ACST/1/2015 précité consid 5 ; ACST/2/2014 précité consid 5b). Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 134 I 293 consid. 2 ; 130 I 82 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_862/2015 précité consid. 3 ; 1C_223/2014 précité consid. 4).

b. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge doit rechercher la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu’elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 141 III 53 consid. 5.4.1). Lorsqu’il est appelé à interpréter une loi, le juge adopte une position pragmatique en suivant ces différentes méthodes d’interprétation, sans les soumettre à un ordre de priorité (ATF 140 II 202 consid. 5.1 ; 139 IV 270 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_839/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.4.1).

5. Selon les recourants, les termes « en tout temps » qui introduisent l'art. 1 al. 2 LPol violent la liberté personnelle et religieuse ainsi que le droit au respect de la sphère privée ; ils concluent à leur annulation.

6. a. Selon l’art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement, l’art. 20 Cst-GE contenant une garantie similaire. Le droit à la liberté personnelle est une garantie large, qui inclut toutes les libertés élémentaires dont l’exercice est nécessaire à l’épanouissement de la personne humaine et dont devrait disposer tout être humain afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte par le biais de mesures étatiques (ATF 134 I 214 consid. 5.1 ; 133 I 110 consid. 5.2).

b. L'art. 15 Cst. prévoit que la liberté de conscience et de croyance est garantie (al. 1) ; toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté (al. 2) ; toute personne a le droit d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir et de suivre un enseignement religieux (al. 3 ; portée positive de cette liberté); nul ne peut être contraint d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir, d'accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux (al. 4 ; portée négative). La liberté de conscience et de croyance est également garantie par l'art. 25 Cst-GE.

La liberté de conscience et de croyance protège le citoyen de toute ingérence de l'État qui serait de nature à gêner ses convictions religieuses (pour plus de détails, cf. ATF 142 I 49 consid. 3.2 et 3.3 ; 123 I 296 consid. 2b/aa). Elle confère au citoyen le droit d'exiger que l'État n'intervienne pas de façon injustifiée en édictant des règles limitant l'expression et la pratique de ses convictions religieuses (ATF 118 Ia 46 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2016 du 13 septembre 2016 consid. 5.1). Cette liberté comporte la liberté intérieure de croire, de ne pas croire et de modifier en tout temps sa religion et ses convictions philosophiques ; elle comprend également la liberté d'exprimer, de pratiquer et de communiquer ses convictions religieuses ou sa vision du monde, dans certaines limites, ou de ne pas les partager (liberté extérieure). Cela englobe le droit pour le citoyen de se comporter conformément aux enseignements de sa foi et d'agir selon ses croyances intérieures - y compris celle de ne pas suivre de préceptes quelconques. Elle protège toutes les religions, quel que soit le nombre de leurs fidèles en Suisse (ATF 142 I 49 consid. 3.4 ; ATF 139 I 280 consid. 4.1 ; 123 I 296 consid. 2b/aa).

c. Le droit au respect de la sphère privée au sens de l’art. 13 al. 1 Cst., dont le champ d’application concorde largement avec celui de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), est une expression particulière de la liberté personnelle et absorbe cette dernière s’agissant notamment du droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale. L’art. 13 al. 2 Cst. en détaille l’une des composantes et prémunit l’individu contre l’emploi abusif de données qui le concernent (ATF 140 I 381 consid. 4.1 ; 137 I 167 consid. 3.2 ; 135 I 198 consid. 3.1). L’art. 21 Cst-GE contient une garantie similaire à l’art. 13 Cst.

Sont en particulier visés l’identité, les relations sociales et les comportements intimes de chaque personne physique, l’honneur et la réputation ainsi que, notamment, toutes les informations se rapportant à une personne qui ne sont pas accessibles au public, en particulier les informations relatives aux dossiers de procédures civiles, pénales ou administratives, qui porteraient atteinte à sa considération sociale (ATF 140 I 381 consid. 4.1 ; 137 I 167 consid. 3.2 ; 137 II 371 consid. 6.1). Dans le domaine de la protection des données, le droit à l’autodétermination en matière d’informations personnelles garantit que l’individu demeure en principe maître des données le concernant, indépendamment du degré de sensibilité effectif des informations en cause (ATF 140 I 381 consid. 4.1 ; 138 II 346 consid. 8.2).

7. a. L'art. 1 al. 2 LPol, tel que contesté par les recourants, prévoit qu'en tout temps, le personnel de la police donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens ; il manifeste envers ses interlocuteurs le respect et l’écoute qu’il est également en droit d’attendre de leur part. Selon l'art. 24 al. 1 LPol, le personnel de la police est tenu à un strict devoir de réserve.

b. Le projet déposé par le Conseil d'État divergeait quelque peu s'agissant de la rédaction de l'art. 1 al. 2 LPol, faisant référence en premier lieu au fait que le personnel de la police se comportait « avec le sens de l'honneur ». L'exposé des motifs insistait sur le fait que c'est « par un comportement respectueux que l'on inspire soi-même le respect » (exposé des motifs, p. 26), l'exemplarité, l'impartialité et la dignité étant « aujourd'hui comprises comme des règles déontologiques mais dont l'importance est telle qu'il paraît justifié de les faire figurer dans la loi » (ibid.).

En commission parlementaire, un amendement remplaçant les termes « en tout temps » par « dans l'accomplissement de ses tâches » a été adopté en première lecture (Rapport PL 11228-A, p. 49), puis un autre amendement adopté en troisième débat a rétabli la formulation originelle (Rapport PL 11228-A, p. 51) car il n'était « pas admissible, au vu de leurs fonctions, que les membres du personnel de la police puissent se montrer indignes en dehors de leurs tâches et qu’ils ne respectent pas l’honneur de leur fonction » (ibid.).

En séance plénière, un amendement déposé lors du deuxième débat et visant à réintroduire les termes « dans l'accomplissement de ses tâches » plutôt que « en tout temps » a été refusé par 44 non, 39 oui et 11 abstentions (MGC, séance du 28 août 2014 à 14h00).

c. Selon la jurisprudence et la doctrine, le devoir de réserve d’un fonctionnaire peut être décrit comme la retenue que doit s’imposer l’agent public dans l’exercice de certains de ses droits fondamentaux – au travail comme en dehors de celui-ci – en raison de son statut ou de son activité au service de l’État (ATA/714/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3a ; Jean-Marc VERNIORY/ Fabien WAELTI, Le devoir de réserve des fonctionnaires spécialement sous l’angle du droit genevois, PJA 2008 810-832, p. 811). Il est évident que, pour défendre les intérêts de l’État, l’agent public doit acquiescer – au moins extérieurement – à l’existence de celui-ci et à ses valeurs fondamentales, c’est-à-dire la démocratie, la primauté du droit et le respect des droits fondamentaux (ATA/714/2014 précité consid. 3a ; Jean-Marc VERNIORY/ Fabien WAELTI, op. cit., p. 813).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs eu l'occasion de dire qu'un employé du service public est tenu, pendant et en dehors de son service, d'adopter un comportement se montrant digne de la confiance que requiert sa fonction et de s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire aux intérêts de l'État, étant précisé que les policiers sont soumis à des exigences particulièrement élevées s'agissant de leur comportement en dehors du service, car ils incarnent encore plus que les autres fonctionnaires la puissance publique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014 consid. 5.5). Le licenciement avec effet immédiat prononcé à l'encontre d'un policier qui avait bénéficié de passe-droits en raison de son statut, notamment en matière de stationnement de son véhicule privé, a ainsi été confirmé (ibid., consid. 5.7).

Dans la jurisprudence cantonale, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé le prononcé d'un blâme à un policier qui avait commis – alors qu'il n'était pas en service – une violation grave des règles de la circulation routière entraînant un retrait de permis obligatoire (ATA/607/2012 du 11 septembre 2012). Un blâme prononcé à l'égard d'un fonctionnaire cantonal – non policier – ayant récolté des signatures pour une initiative populaire pendant la pause de midi, mais à l’entrée d'un bâtiment administratif, a lui aussi été confirmé (ATA/714/2014 du 9 septembre 2014). S'agissant des juges, le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après : CSM) a eu l'occasion de rappeler que la dignité du magistrat se doit d'être en tout temps observée, et a sanctionné certains comportements adoptés par des juges en dehors de l'exercice de leurs fonctions (Christine JUNOD/Nathalie PERUCCHI/ Jessica DENTELLA, La jurisprudence du CSM de la République et canton de Genève 1992-2013, SJ 2014 II 58-72, 59 ss).

d. Les jurisprudences précitées permettent sans équivoque d'admettre que les policiers sont tenus d'adopter un comportement adéquat également en dehors du service. Les termes « en tout temps » correspondent dès lors à cette composante du devoir général de réserve des agents publics.

On ne peut par ailleurs admettre que le seul respect des interdictions posées par le droit pénal serait suffisant pour assurer l'exemplarité requise. Émettre dans un lieu public des remarques à connotation raciste, être engagé de longue date avec ses voisins dans un conflit virulent, invectiver d'autres usagers de la route lorsqu'on y circule, s'exprimer dans les media en critiquant vertement les institutions cantonales ou les personnes qui les incarnent sont autant de comportements n'enfreignant pas nécessairement la loi pénale, mais susceptibles de mettre le policier en porte-à-faux par rapport à l'image qu'il doit donner au public. Il convient de relever au surplus qu'un même comportement peut s'avérer plus ou moins grave en fonction de la position de l'intéressé au sein de la police : ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, une infraction aux règles de la circulation routière sera-t-elle d'autant moins admissible qu'elle aura été commise par un membre de la police routière.

Les autorités disciplinaires restent toutefois tenues de respecter les principes constitutionnels applicables en droit public, telles que l'interdiction de l'arbitraire, la proportionnalité et l'égalité de traitement. À cet égard, les exemples donnés par les recourants ne sont pas tirés de la pratique et n'apparaissent par ailleurs pas comme des comportements susceptibles d'entraîner des sanctions disciplinaires ; ils ne permettent ainsi pas de rendre vraisemblable une application de la loi non conforme au droit supérieur. Au surplus, les recourants ne citent aucun comportement de nature religieuse ou propre à leurs croyances que la norme visée interdirait ou restreindrait.

e. Le grief sera par conséquent écarté.

8. Les recourants demandent l'annulation de l'art. 19 al. 4 LPol, qui prévoit qu'à titre exceptionnel et pour une durée limitée, la police peut conclure des contrats de mandat auprès d’entreprises spécialisées pour effectuer des tâches spécifiques ou techniques. Cette disposition violerait le principe de la légalité et celui de la séparation des pouvoirs, une telle délégation n'étant pas admise au vu des art. 112 et 184 al. 1 Cst-GE.

9. a. Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi. Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 140 I 381 consid. 4.4 ; 134 I 322 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2015 du 2 février 2016 consid. 5.1).

b. Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti au moins implicitement par toutes les constitutions cantonales ; tel est le cas à Genève, et ce de manière expresse en vertu de l’art. 2 al. 2 Cst-GE. Il impose le respect des compétences établies par la Cst. et prohibe à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; 138 I 196 consid. 4.1 ; 134 I 322 consid. 2.2 ; 130 I 1 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_251/2014 du 27 janvier 2015 consid. 2.2). Cette règle connaît des exceptions s’agissant en particulier de compétences législatives déléguées à l’exécutif ou découlant directement de la Cst. Ainsi en droit fédéral, l’art. 164 al. 1 Cst. prévoit que doivent faire l’objet d’une législation formelle les règles de droit importantes, soit en particulier les dispositions fondamentales relatives à la restriction des droits constitutionnels (let. b) et aux droits et obligations des personnes (let. c). Une loi formelle peut prévoir une délégation législative, à moins que la Cst. ne l’exclue (al. 2).

c. L'art. 112 al. 1 Cst-GE (intitulé « sécurité »), qui figure au Titre IV (« Autorités »), chapitre II (« Conseil d'État »), section 4 (« compétences ») de la Cst-GE, prévoit que le Conseil d’État est responsable de la sécurité et de l’ordre public, et ne peut employer à cet effet que des corps organisés par la loi. L'art. 184 al. 1 Cst-GE, qui figure au Titre VI (« tâches et finances publiques »), chapitre III (« Tâches publiques »), section 6 (« sécurité « ) de la Cst-GE, prévoit quant à lui que le canton détient le monopole de la force publique.

10. a. Les recourants n'indiquent pas en quoi l'art. 19 al. 4 LPol, qui est contenu dans une loi au sens formel, contreviendrait au principe de la séparation des pouvoirs. La citation de doctrine à laquelle ils se réfèrent à cet égard indique en effet uniquement que le principe de la légalité concrétise la séparation des pouvoirs en ce sens que « le pouvoir exécutif et son administration ne peuvent prendre de décisions en dehors du cadre que leur prescrit le législateur » (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd., 2013, n. 1828). Il n'est pas possible d'y ajouter, comme le font les recourants, l'hypothèse du respect par le législateur ordinaire des règles adoptées par le constituant, dès lors qu'il ne s'agit pas de l'empiètement des prérogatives de l'un des trois pouvoirs par un autre, le pouvoir constituant devant être de ce point de vue assimilé au pouvoir législatif. L'art. 19 al. 4 LPol ne consacre en outre pas une délégation législative.

Le principe de la séparation des pouvoirs ne trouve dès lors pas à s'appliquer.

b. Comme déjà mentionné et comme les recourants eux-mêmes le rappellent, le principe de la légalité, qui serait ici touché de par une éventuelle entorse à la hiérarchie des normes, ne peut être invoqué en tant que tel, de sorte que le grief est ici irrecevable.

c. Les recourants n'invoquent pas directement la violation des art. 112 et 184 Cst-GE. Il est vrai que l'art. 124 let. a Cst-GE prévoit que la Cour constitutionnelle contrôle sur requête la conformité des normes cantonales au droit supérieur, sans autre précision, et que le droit cantonal ne consacre pas la notion de droits constitutionnels, au sens que les art. 95 let. c et 116 LTF confèrent à cette notion.

Il n'en demeure pas moins que le Tribunal fédéral, que ce soit en interprétant la Cst. ou en déterminant quelles règles des différentes constitutions cantonales peuvent être qualifiées de droits constitutionnels, retient que certaines dispositions constitutionnelles ne sont pas suffisamment précises pour prendre effet dès leur entrée en vigueur – entièrement ou partiellement – sans législation d’exécution (ATF 139 I 16 consid. 4.2.3 a contrario = JdT 2013 I 167, 175 ; 138 I 378 consid. 5.4 ; 137 I 77 consid. 1.3.1 ; 131 I 366 consid. 2.2), à l'instar des traités internationaux, dont seules certaines dispositions ont un caractère « self-executing », c'est-à-dire qu'elles peuvent être invoquées directement en justice (ATF 140 II 185 consid. 4.2 ; 136 I 290 consid. 2.3.1 ; cf. aussi l'ATF 138 I 435 consid. 1.1, qui emploie la notion à propos d'une convention intercantonale).

L'art. 112 Cst-GE concerne la compétence des autorités, l'art. 184 Cst-GE les tâches publiques. Aucun d'entre eux ne confère de droit ou d'obligation aux particuliers, ni ne les concerne directement ; il s'agit de règles à caractère organisationnel ou programmatique. Il n'est dès lors pas certain qu'il soit possible de les invoquer directement en justice, et donc que le grief de leur violation soit recevable. Serait-ce le cas qu'il devrait être écarté pour les raisons qui suivent.

11. a. Selon l'art. 57 al. 2 Cst., la Confédération et les cantons coordonnent leurs efforts en matière de sécurité intérieure. Cela étant, la sécurité intérieure et par là même la police demeure pour l'essentiel une compétence cantonale ; en effet, il est reconnu que les cantons exercent sur leur territoire la souveraineté en matière de police (arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2013 du 1er octobre 2014 consid. 3.2, non reproduit aux ATF 140 I 381, et les références citées ; Bernhard WALDMANN/Eva Maria BELSER/Astrid ÉPINEY [éd.], Bundesverfassung – Basler Kommentar, 2015, n. 29 ad art. 43 et n. 4 ad art. 57 Cst. ; Andreas LIENHARD/Philipp HÄSLER, in Rainer J. SCHWEIZER [éd.], Sicherheits- und Ordnungsrecht des Bundes, tome I, 2008, n. C 3 et 18 s.).

b. Au niveau fédéral, le monopole de la force publique est souvent considéré par la doctrine comme un principe non écrit ayant rang constitutionnel (Markus H.F. MOHLER, Grundzüge des Polizeirechts in der Schweiz, 2012, n. 1288 ; Walter KÄLIN/Andreas LIENHARD/Judith WYTTENBACH, Auslagerung von sicherheitspolitischen Aufgaben, 2007, p. 13).

c. Par ailleurs, selon l'art. 178 al. 3 Cst., la loi peut confier des tâches de l'administration à des organismes et à des personnes de droit public ou de droit privé qui sont extérieurs à l'administration fédérale. Ainsi, par exemple, la Confédération a-t-elle, le 1er août 2001, confié la police des Chemins de fer fédéraux (ci-après : CFF) à une société anonyme de droit privé, Securitrans AG (rapport de la commission des transports et télécommunications du Conseil national du 3 novembre 2009, FF 2009 821, p. 826), qui dispose de pouvoirs de police étendus (art. 4 de la loi fédérale sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics, du 18 juin 2010 - LOST - RS 745.2) quand bien même cette délégation a pu faire l'objet de critiques.

d. La jurisprudence – bien que peu abondante sur le sujet – et la doctrine admettent dès lors généralement que la délégation de tâches de police à des personnes privées est en soi possible, mais doit être contenue dans une base légale formelle, et respecter un certain nombre de contraintes. L'État doit ainsi en principe prévoir une surveillance du délégataire et une protection juridique, et la personne privée investie de tâches de police doit respecter les droits fondamentaux conformément à l'art. 35 al. 2 Cst. ; elle ne devrait pas se voir déléguer des tâches de mise en œuvre de la contrainte physique, ou du moins seulement celles qui portent le moins atteinte aux droits fondamentaux des administrés (ATF 140 I 2 consid. 10.2.2 ; Rainer J. SCHWEIZER, in Rainer J. SCHWEIZER [éd.], n. K 18 ; voir cependant l'art. 2 al. 1 let. e de la loi fédérale sur l'usage de la contrainte, du 20 mars 2008 - LUSC - RS 364).

12. a. Les travaux préparatoires de la Cst-GE ne permettent pas de connaître les intentions du constituant lorsqu'il a adopté les dispositions en cause. L'art. 112 al. 1 Cst-GE procède de la thèse 302.131.c, adoptée sans explication en « lecture 0 » le 2 septembre 2010 (Bulletin officiel de l'assemblée constituante genevoise [ci-après : BOACG], tome VII, p. 3424), et l'art. 184 Cst-GE a matériellement été adopté en première lecture le 15 novembre 2011 (BOACG, tome XIX, pp. 9736 s. et 9819) sur la base d'une proposition de la commission.

Les experts mandatés par la commission de rédaction pour relecture du projet de constitution, Messieurs Pascal MAHON et Luc GONIN, ont pointé, dans leur rapport du 30 mars 2012, l'actuel art. 184 al. 2 Cst-GE (selon lequel la loi règle la délégation de pouvoirs de police limités au personnel qualifié des communes) en se demandant : « cette formulation a-t-elle pour objectif (ou pour effet) d'exclure la délégation de pouvoirs de police limités à des entreprises privées ? » (BOACG, tome XXV, p. 13071). Mais il n'apparaît pas que les travaux préparatoires contiennent une quelconque prise de position en réponse à cette interrogation, les dispositions en cause ayant été adoptées sans discussion particulière en troisième débat le 3 mai 2012 (BOACG, tome XXVI, p. 13483 s.).

b. S'agissant de la LPol, dans le projet déposé par le Conseil d'État, l'art. 17 al. 4 prévoyait qu'en cas de nécessité, la police pouvait s'adjoindre du personnel par contrat de droit privé, précisant dans l'exposé des motifs que tel serait le cas seulement « lorsque des nécessités particulières le justifient, notamment lorsqu’il convient de pallier une carence en collaborateurs non policiers » (PL 11228, p. 34). Devant la commission parlementaire, les syndicats de police se sont opposés « catégoriquement à l’emploi de personnel par contrat privé sans autres formes de restrictions. Pour eux, comme d’ailleurs cela est stipulé dans l’exposé des motifs, l’emploi d’un tel personnel est destiné à pallier une carence en effectifs. L’emploi de personnel sous contrat de droit privé doit être assujetti non seulement à une notion palliative mais également être accompagné d’une notion d’exceptionnalité et de très courte durée. Les tâches régaliennes ne doivent en aucun cas être attribuées à du personnel soumis à un tel statut privé » (Rapport PL 11228-A, p. 24).

La commission a dans un premier temps adjoint à la disposition les termes « à titre exceptionnel et pour une durée limitée » proposée par les syndicats (Rapport PL 11228-A, p. 75). Elle a ensuite refusé de supprimer purement et simplement cet alinéa (Rapport PL 11228-A, p. 79 s.), puis d'ajouter en fin d'alinéa le membre de phrase « pour effectuer des tâches de police judiciaire ou des tâches administratives » (Rapport PL 11228-A, p. 80). Enfin, en séance plénière, l'art. 19 al. 4 a pris sa teneur actuelle suite à l'acceptation de deux amendements qui n'ont pas fait l'objet de discussions particulières (PL 11228, séance du Grand Conseil du 9 septembre 2014 à 17h00).

13. Dans cette teneur, l'art. 19 al. 4 LPol est similaire à des dispositions contenues dans les lois de plusieurs cantons suisses concernant leur police (art. 5 al. 1 POG-ZH, RS/ZH 551.1 ; art. 28 al. 1 PolG-LU, RS/LU 350 ; art. 64 PolG-UR, RS/UR 3.8111 ; art. 46 al. 2 PolG-OW, RS/OW 510.1 ; art. 4 al. 1 PolG/NW, RS/NW 911.1 ; art. 68 PolG/BS, RS/BS 510.100 ; art. 34 al. 1 PolG/GR, RS/GR 613.000 ; art. 21 LPol-JU, RS/JU 551.1).

14. En tout état, la Cst-GE ne contient pas d'interdiction expresse de déléguer des tâches de police à des personnes privées, pas plus du reste qu'elle n'inclut de normes plus générales au sujet de la délégation de tâches publiques, étant précisé qu'il convient de distinguer la privatisation d'une tâche de police et la simple adjonction de personnel privé auxiliaire restant sous le contrôle étroit des forces de police (Andreas ZÜND/Christoph ERRASS, Privatisierung von Polizeiaufgaben, Sicherheit & Recht 2012 162-184, p. 172).

L'art. 112 al. 1 Cst-GE, en prévoyant que le pouvoir exécutif ne peut, pour assurer la sécurité publique, employer à cet effet que des corps organisés par la loi, vise à l'évidence à exclure le recours général à des polices ou des milices privées ; il n'exclut néanmoins pas expressément la délégation de certaines tâches de police à des entreprises privées.

Quant à l'art. 184 al. 1 Cst-GE, la notion de monopole étatique de la force publique, qui sous-tend l'État de droit et aurait rang constitutionnel même si elle n'était pas écrite, ne permet on l'a vu pas d'exclure en soi la délégation de certaines tâches de police. Comme l'ont noté les experts mandatés par la commission de rédaction de l'assemblée constituante, la formulation de l'art. 184 al. 2 Cst-GE est à cet égard plus ambiguë, mais l'on ne saurait retenir, en l'absence de volonté clairement exprimée du constituant, qu'elle prohibe complètement une telle délégation.

L'art. 19 al. 4 LPol constitue une base légale formelle, et prévoit la possibilité de mandater – et non d'employer de manière pérenne – des entreprises privées pour effectuer certaines tâches spécifiques ou techniques, ceci seulement à titre exceptionnel et temporaire. Il s'agit donc au premier chef de s'adjoindre l'aide de personnel auxiliaire et non de déléguer à des entreprises privées des tâches de police, une telle délégation n'apparaissant de toute façon possible que de manière médiate et contenue si elle n'est prévue que pour une durée d'avance limitée.

Enfin, rien en l'état ne permet de penser que le Conseil d'État ne respectera pas les obligations précitées découlant du droit constitutionnel matériel en cas de mise en œuvre de la norme, ni d'infirmer les déclarations faites en commission parlementaires par le Conseiller d'État et le Ministère public selon lesquelles cette disposition vise avant tout à pouvoir engager des spécialistes tels que des informaticiens à même d'aider la police judiciaire.

L'art. 19 al. 4 LPol est donc compatible avec le droit supérieur, si bien que le grief des recourants à son encontre doit être rejeté en tant qu'il est recevable.

15. Les recourants demandent l'annulation de l'art. 20 al. 1 LPol, qu'ils estiment contraire à la liberté syndicale.

16. Les différentes conventions de l'Organisation internationale du travail (ci-après : OIT) portant sur la liberté syndicale ou la négociation collective prévoient que la mesure dans laquelle les garanties prévues par ces conventions s'appliquent aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation ou la pratique nationales (art. 9 al. 1 de la convention OIT n° 87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, du 9 juillet 1948 - RS 0.822.719.7 ; art. 5 al. 1 de la convention OIT n° 98 concernant l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective, du 1er juillet 1949 - RS 0.822.719.9 ; art. 1 al. 3 de la convention OIT n° 151 concernant la protection du droit d'organisation et les procédures de détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique, du 27 juin 1978 - RS 0.822.725.1 ; art. 1 al. 2 de la convention OIT n° 154 concernant la promotion de la négociation collective, du 19 juin 1981 - RS 0.822.725.4). En l'absence d'une telle base légale ou d'une telle pratique, ces conventions ne sont pas applicables en l'espèce.

17. L'art. 28 Cst. prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non. Jurisprudence et doctrine distinguent la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La liberté syndicale individuelle donne au particulier le droit de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité (liberté syndicale positive), ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d'en sortir (liberté syndicale négative), sans se heurter à des entraves étatiques. Quant à la liberté syndicale collective, elle garantit au syndicat la possibilité d'exister et d'agir en tant que tel, c'est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres. Elle implique notamment le droit de participer à des négociations collectives et de conclure des conventions collectives (ATF 140 I 257 consid. 5.1 ; 129 I 113 consid. 1.3 ; ACST/6/2016 précité consid. 5c). Un syndicat de la fonction publique peut également se prévaloir de la liberté syndicale collective (ATF 140 I 257 consid. 5.1.1 ; ACEDH Demir et Baykara c. Turquie [Grande Chambre] du 12 novembre 2008, req. 34503/97). Le Tribunal fédéral limite toutefois la portée de cette liberté au droit d'être entendu sous une forme appropriée lorsqu'il s'agit de la question de l'implication du syndicat de la fonction publique dans la préparation d'une loi ou d'un règlement, sous peine de porter atteinte au monopole de l'État en la matière (ATF 134 I 269 consid. 3.3.1 ; 129 I 113 consid. 1.4 et 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_701/2013 du 26 juillet 2014 consid. 5.1.1 ; 2P.42/2006 du 3 juillet 2006 consid. 2.1 ; ACST/6/2016 précité consid. 5c).

18. a. L’art. 20 LPol a été introduit dans la loi lors des débats en séance plénière du parlement – un amendement dans le même sens ayant été refusé en commission –, en vue de garantir, en tout temps et en toutes circonstances, le dialogue institutionnel entre la base, toutes catégories de personnel confondues, la direction de la police et le magistrat de tutelle, en particulier du fait qu’il ne se justifiait pas de baser le dialogue exclusivement sur les échanges entre les syndicats, lesquels ne représentaient pas toutes les catégories de personnel travaillant au sein du corps de police. L’institution de la commission visait à ouvrir la représentativité à toutes les catégories du personnel du corps de police, de manière à assurer une représentativité complète et garantir un dialogue permanent afin d’éviter les blocages. Elle était en outre complémentaire aux syndicats, qui n’avaient pas de légitimité institutionnelle. Elle visait également à réparer une inégalité, puisqu’une catégorie de fonctionnaires n’était pas représentée par les syndicats, à savoir les agents de sécurité publique (ci-après : ASP) de troisième niveau et le personnel administratif (rapport, p. 81 s ; MGC, séance du 9 septembre 2014 à 17h00, intervention de Monsieur Raymond WICKI, soit l'un des quatre auteurs de l'amendement).

b L'art. 1 al. 1 RGPPol prévoit la composition de la commission du personnel de la police ; pour le surplus, le RComPers, s’applique par analogie (art. 1 al. 2 RGPPol).

Selon le RComPers, les commissions du personnel sont consultées sur toutes les questions présentant un intérêt général pour le personnel de leur département (art. 4 al. 1 RComPers), soit notamment dans cinq domaines recensés par l'art. 4 al. 2 RComPers. L’activité des commissions est complémentaire à l’activité syndicale ; elle ne porte pas atteinte aux libertés et aux droits syndicaux (art. 5 al. 1 RComPers). Les négociations faîtières, sur les conditions générales de travail, qui ont lieu périodiquement entre le Conseil d’État et les organisations représentatives du personnel, demeurent réservées (art. 5 al. 2 RComPers).

19. a. En l'espèce, les recourants ne contestent pas la mise sur pied d'une commission du personnel, mais estiment que de prévoir qu'elle « représente les intérêts » du personnel de la police vise à supplanter les syndicats en tant que partenaires sociaux.

b. Pourtant, il découle de la présentation de l'amendement en séance plénière par l'un de ses auteurs que le terme « représentent » correspond à la notion de représentativité et non à celle de représentation, malgré l'emploi à vrai dire incongru des termes « les intérêts » qui suivent directement ce verbe et brouillent quelque peu la compréhension de la disposition. Il apparaît, à la lecture de l'art. 1 al. 1 RGPPol, que la particularité de la commission prévue au sein de la police est la représentativité des différentes composantes de celle-ci (policiers, ASP et personnel administratif).

c. De même et surtout, le caractère consultatif de la commission, ainsi que la garantie de complémentarité aux syndicats applicable à celle-ci en vertu des art. 1 al. 2 RGPPol cum 5 al. 1 RComPers, permettent de se convaincre que les craintes des recourants sont largement spéculatives et ne sauraient entraîner, au stade du contrôle abstrait des normes, un constat de non-conformité au droit supérieur, l'existence même d'une atteinte à la liberté syndicale n'étant pas avérée et la liberté syndicale ne créant pas de monopole des syndicats en matière de représentation du personnel ou de dialogue social.

d. Le grief sera donc écarté.

20. Selon les recourants, l'art. 23 al. 2 LPol serait contraire à la liberté personnelle, au droit au respect de la vie privée ainsi qu'à la liberté d'association.

21. a. Le champ de protection de la liberté personnelle et du droit au respect de la vie privée a déjà été présenté supra au consid. 11.

b. Les art. 11 CEDH, 23 Cst. et 31 Cst-GE garantissent quant à eux la liberté d'association. Exprimée de manière positive, cette dernière garantie confère à toute personne le droit de créer des associations, d'y adhérer ou d'y appartenir et de participer aux activités associatives et, de manière négative, empêche que quiconque soit contraint d'y adhérer ou d'y appartenir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_887/2010 du 28 avril 2011 consid. 5.1). La liste des aspects protégés par la liberté d'association n'est pas exhaustive ; sous réserve des restrictions appliquées conformément à l'art. 36 Cst., cette liberté interdit non seulement les mesures qui visent à l'entraver directement, mais également les obstacles indirects à son épanouissement, tels que l'obligation faite à un individu de révéler sa participation, respectivement à une association de publier la liste de ses adhérents ; conjugué à l'art. 35 Cst., l'art. 23 Cst. oblige l'État, entre autres, à créer les infrastructures juridiques permettant de garantir l'existence des associations, et à prendre en compte, dans le cadre de ses propres activités, les intérêts légitimes de la vie associative (ATF 140 I 201 consid. 6.5.2).

22. a. L’art. 23 LPol, qui traite de l’activité hors service, prévoit que les membres du personnel de la police ne peuvent exercer une activité incompatible avec la dignité de leur fonction ou qui peut porter préjudice à l’accomplissement des devoirs de service (al. 1). Ils ne peuvent exercer aucune activité rémunérée sans l’autorisation du chef du département (al. 2). Par ailleurs, le personnel de la police est tenu à un strict devoir de réserve (art. 24 al. 1 LPol). Il est tenu au secret pour toutes les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions, l’obligation de garder le secret subsistant après la cessation des rapports de service (art. 24 al. 2 et 4 LPol).

b. L’ancienne loi sur la police du 27 octobre 1957 (aLPol - F 1 05) contenait déjà une disposition soumettant à autorisation l’exercice d’une activité étrangère au service, qui ne donnait pas lieu à d’innombrables demandes ni litiges. L’art. 23 LPol se justifiait, le policier étant bien plus qu’un simple fonctionnaire, avec un impératif élevé de dignité. Selon ses choix et actes personnels, un policier risquait en particulier d’engager la crédibilité de son activité principale. Dans ce cadre, le fait de simplement informer le Conseil d’État de l’exercice d’une activité hors service était insuffisant, cette autorité devant avoir la possibilité de dire que l’activité en cause n’était pas digne de la fonction de policier (rapport PL 11228-A, p. 84).

c. L’art. 23 LPol, tel que figurant dans le projet du Conseil d’État déposé le 19 juin 2013, avant d’être amendé, était toutefois formulé de manière différente et prévoyait qu’en raison de l’impératif de dignité attaché à leur fonction, les membres du personnel de la police ne pouvaient, sans l’autorisation du chef du département, exercer une activité étrangère à leur service, même à titre bénévole. Selon l’exposé des motifs y relatif, pour des raisons de compatibilité avec une fonction dans le cadre des activités de police et la dignité qui y était attachée, l’exercice d’une autre activité, qu’elle soit professionnelle ou accessoire, rémunérée ou non, devait être soumis à l’autorisation d’une autorité supérieure, en l’occurrence le chef du département (exposé des motifs, PL 11228-A p. 43).

23. a. La fonction publique cantonale genevoise est soumise au régime de l'autorisation hiérarchique pour exercer une activité accessoire. Ainsi le règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) prévoit-il que les membres du personnel engagés à plein temps ne peuvent exercer aucune activité rémunérée sans autorisation du secrétaire général, respectivement du directeur général ; l’autorisation est refusée lorsque l’activité envisagée est incompatible avec la fonction de l’intéressé ou qu’elle peut porter préjudice à l’accomplissement des devoirs de service (art. 9 al. 1 et 2 RPAC). Les membres du personnel occupés à temps partiel ne peuvent quant à eux exercer une activité incompatible avec leur fonction ou qui peut porter préjudice à l’accomplissement des devoirs de service (art. 10 RPAC).

b. Une réglementation similaire est connue d'à peu près tous les cantons suisses (Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit., note 157 p. 829).

24. En lien avec l'exercice par des agents publics d'une activité accessoire, le Tribunal fédéral a jugé qu'un fonctionnaire pouvait invoquer la liberté économique dans la mesure où il avait l'intention d'exercer durant son temps libre une activité lucrative privée qui n'était pas en rapport avec ses fonctions dans l'administration étatique. Il a néanmoins considéré comme admissible de soumettre les fonctionnaires à des exigences plus strictes que celles qui prévalent dans les rapports de droit privé ; les limites apportées à l'exercice d'activités accessoires n'ont pas uniquement pour but de garantir que la capacité de travail du fonctionnaire soit entièrement consacrée à l'État, mais visent aussi à éviter les conflits d'intérêts, à assurer le crédit de l'administration et la confiance du public dans son impartialité (ATF 121 I 326 consid. 2a et 2c.bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_684/2013 du 20 novembre 2013 consid. 4.2 ; sur les activités accessoires et leur autorisation, Adrian RITZ/Muriel BÄRTSCHI, Nebenbeschäftigungen und Nebeneinkünfte im öffentlichen Dienst – eine verwaltungswissenschaftliche Betrachtung, in Peter HÄNNI [éd.], Droit public de l'organisation – responsabilité des collectivités publiques – fonction publique – Annuaire 2014, 2014, 31-45). Les activités accessoires peuvent ainsi être prohibées par voie réglementaire ou décisionnelle lorsqu'elles se révèlent contraires à l'accomplissement des tâches officielles (arrêt du Tribunal fédéral 1C_251/2014 précité consid. 2.6). La loi n'a pas à préciser les types possibles de conflit d'intérêt susceptibles de déboucher sur un refus d'autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 2P.301/2005 du 23 juin 2006 consid. 3.1).

25. En l'espèce, les recourants se méprennent sur le sens et la portée de l’art. 23 LPol, dès lors que ce dernier distingue les activités hors service non rémunérées, au sujet desquelles la hiérarchie du policier doit, du moins dans les cas douteux, être informée (cf. art. 8 ROPol, qui détaille la procédure à suivre), de celles qui le sont et doivent, à ce titre, faire l’objet d’une autorisation de la part du chef du département. Il ne saurait dès lors s’appliquer, comme le soutiennent les recourants, à toute activité hors service, même à titre bénévole, la perception d’un défraiement ne pouvant être considérée comme une rémunération. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’entend l’appliquer le pouvoir exécutif, comme il l’a expliqué dans sa réponse au GAP du 9 mars 2016, dont les termes ne sauraient être interprétés différemment, étant précisé que la confusion des recourants peut venir du fait que l’art. 23 LPol, dans sa version originelle, n’opérait aucune distinction en fonction du type d’activité envisagé, rémunérée ou non.

L’on ne saurait dans ces circonstances et à ce stade parler d’ingérence dans les garanties constitutionnelles invoquées par les recourants ou dans leur liberté économique. À supposer toutefois que tel soit le cas, la disposition litigieuse poursuit un but d’intérêt public important, comme l’indiquent les travaux préparatoires relatifs à la LPol, en particulier le fait de ne pas engager la crédibilité de l’activité de policier, et concrétise l’un des aspects du devoir de réserve et de fidélité des fonctionnaires de police, soumis à un impératif accru de dignité en raison de leurs fonctions et missions particulières. Une telle restriction apparaît également conforme au principe de proportionnalité, puisqu’elle est limitée à la poursuite d’une activité rémunérée, comme précédemment indiqué.

Rien n’indique non plus que le chef du département, comme le soutiennent les recourants, ferait usage de son « pouvoir » pour exercer « sans limite son contrôle » sur les activités des policiers, dès lors que cette autorité, à l’instar de toute autorité administrative, est tenue au respect des principes fondamentaux que sont ceux de la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire. Le fait que le Conseil d'État n’ait pas fait suite aux propositions des syndicats lors des travaux ayant conduit à l’adoption du ROPol n’y change rien et ne saurait conduire à une telle conclusion.

Au vu de ce qui précède, l'art. 23 al. 2 LPol est conforme au droit supérieur, et les griefs y relatifs seront écartés.

26. Les recourants demandent l'annulation de l'art. 40 al. 1 LPol, qui consacrerait une inégalité de traitement par rapport aux autres agents de la fonction publique cantonale.

27. a. Un arrêté de portée générale viole le principe de l'égalité dans la loi garantie par l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances ; il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 130 V 18 consid. 5.2). La question de savoir s'il existe un motif raisonnable pour une distinction peut recevoir des réponses différentes suivant les époques et les idées dominantes ; le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de ces principes (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 136 I 1 consid. 4.1 ; 127 I 185 consid. 5).

b. L'individu qui se prévaut d'une inégalité dans la loi doit démontrer que lui-même, un groupe de personnes dont il fait partie ou encore une situation qui le concerne sont traités différemment d'un tiers à la comparaison, c'est-à-dire une autre personne, un autre groupe de personnes ou une autre situation, alors que les uns et les autres ont un ou plusieurs points communs importants qui l'emportent, de prime abord, objectivement sur leurs différences ou, à tout le moins, ne sont pas clairement secondaires à celles-ci (ACST/6/2016 précité consid. 15c ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, n. 65).

28. a. Selon l'art. 18 al. 1 LPol, le personnel de la police est soumis à la LPAC et à ses dispositions d'application, sous réserve des dispositions particulières de la LPol.

Lors de la procédure parlementaire, les syndicats de police ont fait valoir que la rédaction devait être inversée (le personnel de la police est soumis à la LPol sous réserve de certaines conditions particulières à la LPAC) pour marquer fortement le statut du policier, qui n'était « pas assimilable au statut lambda du fonctionnaire » (rapport PL 11228-A, p. 22 s.).

b. L'art. 36 al. 1 LPol prévoit cinq types de sanctions disciplinaires pour le personnel de la police : a) le blâme ; b) les services hors tour ; c) la réduction de traitement pour une durée déterminée ; d) la dégradation pour une durée déterminée, et e) la révocation. Sont respectivement compétents pour infliger ces sanctions le chef de service (a), le commandant (b), le chef du département (c et d) et le Conseil d'État (e) (art. 37 al. 1 et 2 LPol). C'est dans ce cadre que s'inscrit l'art. 40 al. 1 LPol, selon lequel le commandant, lorsque sont envisagées les sanctions (a) ou (b), peut renoncer à l'ouverture d'une enquête administrative, tout en entendant ou faisant entendre le collaborateur sur les faits qui lui sont reprochés ; ce qui implique, en corrélation avec l'art. 38 al. 1 LPol, que malgré la formulation potestative de cette dernière disposition, une enquête administrative doit être ouverte au cas où une sanction disciplinaire plus lourde est envisagée.

c. Selon l'art. 16 al. 1 LPAC, les agents publics appartenant aux départements ou à la chancellerie d'État et non soumis à des lois spéciales peuvent se voir infliger les sanctions disciplinaires suivantes : 1°) le blâme (prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie) ; 2°) la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée et 3°) la réduction de traitement à l'intérieur de la classe (prononcés par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État) ; 4°) le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans et 5°) la révocation (prononcés par le Conseil d'État).

d. L'art. 27 al. 2 LPAC précise que le Conseil d’État peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises ; il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c LPAC, soit les sanctions 4°) et 5°) précitées.

29. a. On peut ainsi constater que le catalogue des sanctions administratives n'est, à l'exception de la plus légère et de la plus lourde, pas le même pour les agents publics soumis uniquement à la LPAC et pour le personnel soumis à la LPol. De plus, l'absence de renvoi complet au droit général de la fonction publique pour les policiers – tel qu'il prévaut dans certains cantons – et les particularités de statut prévues par la LPol consacrent une vision mettant l'accent sur les particularités du métier de policier, ce dont les personnes morales recourantes seraient malvenues de se plaindre dès lors qu'elles ont justement insisté sur ces particularités durant la procédure législative. On peut dès lors douter que les policiers et les autres agents publics se trouvent dans une situation comparable.

b. Quoi qu'il en soit, le grief d'inégalité de traitement tombe à faux dans la mesure où en matière d'ouverture d'enquête administrative, les agents publics soumis exclusivement à la LPAC sont en fait moins bien lotis que le personnel de la police. L'ouverture d'une telle enquête ne leur est garantie que dans les cas où l'une des deux sanctions les plus graves est envisagée, l'art. 40 al. 1 LPol obligeant indirectement à ouvrir une enquête pour trois des cinq sanctions envisageables.

c. Les recourants invoquent au surplus que les agents publics soumis à la seule LPAC ne peuvent se voir infliger une quelconque sanction disciplinaire sans un entretien de service préalable.

Dans la mesure où la chambre de céans, dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, ne peut en principe pas réformer une norme s’avérant inconstitutionnelle autrement qu’en en biffant des mots ou membres de phrases (ACST/10/2016 du 19 août 2016 consid. 2a et les arrêts cités), elle ne pourrait, même en cas de constat d'inconstitutionnalité de la norme, que supprimer le second membre de phrase de l'art. 40 al. 1 LPol (soit « et se limiter à entendre ou faire entendre le collaborateur sur les faits qui lui sont reprochés »), ce qui ne reviendrait pas à créer pour autant une procédure obligatoire d'entretien de service ; si bien qu'une telle conclusion en annulation partielle – non formulée au demeurant – devrait être considérée comme irrecevable.

En outre et surtout, le point de vue des recourants est erroné : un entretien de service est obligatoire pour mener à bien une procédure de licenciement au sens de l'art. 21 LPAC (comme le signale le titre du chapitre IV du RPAC qui précède l'art. 44 RPAC), et vu son but de discussion au sujet de manquements aux devoirs du personnel (art. 44 al. 1 RPAC) il peut y être fait recours dans le cadre d'une procédure disciplinaire, mais dans ce cas sans aucune obligation, seules les prescriptions de l'art. 27 LPAC étant alors déterminantes.

d. On ne saurait dans ces conditions constater d'inégalité de traitement. Les recourants n'allèguent par ailleurs pas, ni à plus forte raison ne démontrent, qu'une autre norme de droit supérieur, tel le droit d'être entendu, imposerait l'ouverture d'une enquête administrative dans les cas où un blâme ou des services hors tour sont envisagés, étant précisé que le droit d'être entendu offre des garanties procédurales suffisantes même en l'absence d'enquête administrative. Les griefs liés à l'art. 40 al. 1 LPol seront dès lors écartés.

30. Les recourants s'en prennent enfin à l'art. 44 LPol, qu'ils estiment contraire à la liberté économique sous l'angle du libre choix de la profession et du libre accès à une activité économique privée. Cette disposition ne reposerait selon eux sur aucun intérêt public.

Selon cette disposition, les membres du personnel de la police doivent s'abstenir, pendant une durée de trois ans à compter de la fin des rapports de service, d'exercer sur le territoire du canton de Genève, pour leur compte ou celui de tiers, les professions d'agent de sécurité ou d'agent de renseignements.

31. a. Aux termes de l'art. 27 Cst. (et 35 Cst-GE), la liberté économique est garantie (al. 1). Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2 ; 128 I 19 consid. 4c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_441/2015 du 16 janvier 2016 consid. 7.1). Elle peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales (ATF 135 I 130 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_301/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4.1).

b. Des restrictions cantonales à la liberté économique sont admissibles, mais elles doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.).

c. Sous l'angle de l'intérêt public, sont autorisées les mesures de police, les mesures de politique sociale ainsi que les mesures dictées par la réalisation d'autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 4.1 ; 2C_793/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.1). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d'une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d'exploitation (ATF 140 I 218 consid. 6.2 ; 130 I 26 consid. 4.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_32/2015 du 28 mai 2015 consid. 5.1 ; 2C_819/2014 du 3 avril 2015 consid. 5.1).

d. Pour être conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), une restriction d'un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé (sous-principe d'adéquation), lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive (sous-principe de nécessité) ; il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (sous-principe de proportionnalité au sens étroit ; ATF 137 I 167 consid. 3.6).

32. a. L'exposé des motifs justifie ainsi l'adoption de cette mesure : « Cette disposition reprend, sous une formulation légèrement modifiée, ce que prévoit l’art. 33 al. 5 de l’actuelle LPol. Limitée à trois ans, l’interdiction temporaire d’exercer sur territoire genevois, à titre privé, certaines professions dans l’accomplissement desquelles la personne concernée pourrait se trouver en conflit d’intérêt avec des informations recueillies durant sa carrière au sein de la police tombe sous le sens. Dans les contacts avec les justiciables, il convient accessoirement d’éviter également tout risque de confusion entre l’ancienne fonction policière et la profession nouvellement exercée ».

b. Lors des séances de commission, le représentant du département, interrogé par un député, a indiqué que le but de cette disposition « n’est pas d’interdire de se reclasser dans des activités de sécurité. Ce que le département veut éviter est la confusion des genres. Il prend l’exemple d’un policier qui a travaillé dans un certain secteur et qui, du jour au lendemain, se retrouve dans la sécurité privée et joue sur son ancienne image pour mieux développer son activité privée. L’interdiction n’est valable que sur Genève et pour un temps limité ; rien n’empêche l’ancien policier d’aller ailleurs pour faire valoir son expérience durant les trois ans prévus ».

c. L'introduction de la mesure dans le droit de police genevois remonte à 1974 ; elle ne touchait alors que la profession d'agent de renseignements. Le rapport de commission (rapport PL 4068-A) de l'époque indique que l'origine de la modification législative remonte à des événements survenus en 1970, auxquels avaient été mêlés d'ex-policiers devenus détectives et qui avaient notamment été prévenus d'usurpation de fonction et de violation du secret de fonction (MGC 1974 II 1957). Selon la commission, le principe de proportionnalité était respecté : « le but à atteindre est de protéger l'ordre public. En effet, en évitant que des renseignements connus des services de police, considérés comme secrets et dont la divulgation est interdite, puissent être "exploités" en violation du secret de fonction, par d'anciens fonctionnaires de police dans une activité ultérieure d'agent de renseignements, l'on contribue manifestement à la sauvegarde de l'ordre public. Quant aux moyens mis en œuvre pour atteindre ce but, il s'agit bien d'une restriction à caractère de police qui n'est ni excessive ni d'une gravité particulière » (MGC 1974 II 1958).

33. a. Dans la mesure où les recourants, du moins MM. A______ et B______, invoquent la possibilité d'exercer une activité lucrative privée après la fin de leurs rapports de service, ils peuvent invoquer la liberté économique.

b. L'interdiction posée par l'art. 44 LPol constitue sans conteste une atteinte à la liberté d'accéder à une activité économique privée. Le fait qu'elle soit limitée au canton de Genève et temporaire n'y change rien, et l'on peut noter que la durée prévue, soit trois ans, est déjà longue et est propre à pousser fortement d'éventuels policiers intéressés soit à rester dans la police soit à choisir une autre voie professionnelle que celle de la sécurité ou du renseignement privés.

c. L'art. 44 LPol constitue une base légale formelle, et les recourants ne mettent pas en cause la qualité de celle-ci, si bien que cet aspect de la restriction ne pose pas problème.

d. Du point de vue de l'intérêt public, l'intimé fait valoir que le but de la norme est d'éviter les collusions entre nouvelle activité privée et ancienne activité publique, et de conserver au sein du public une image positive de la police. Il ne s'agit clairement pas d'une mesure de politique économique, et l'on peut admettre qu'elle procède d'un intérêt public, à savoir la protection des droits d'autrui et le crédit de la police, qui relève de la sûreté publique prise dans un sens large.

e. La règle pose en revanche d'importants problèmes de proportionnalité.

L'adéquation de la mesure est douteuse, notamment par rapport à l'aspect de protection contre la violation du secret de fonction et l'usurpation de fonctions, qui était la justification première du législateur en 1974. En effet, le secret de fonction est déjà protégé par le droit pénal et perdure après la cessation des rapports de service, et la peine-menace prévue par l'art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à savoir une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (éventuellement assortie d'une amende en application de l'art. 42 al. 4 CP) apparaît plus dissuasive que l'amende prévue par l'art. 44 LPol. Il en va de même de l'usurpation de fonctions, réprimée par l'art. 287 CP et sanctionnée des mêmes peines.

De manière plus générale, l'utilité d'une telle mesure apparaît d'autant plus faible qu'aucun canton suisse, même un canton-ville, ne s'est doté d'une clause d'interdiction de ce type, ce qui tend à démontrer qu'elle n'est pas indispensable. Une telle clause n'existe pas non plus, même en droit genevois et alors que les mêmes craintes pourraient être nourries, pour des agents publics tels que les juges, qui peuvent s'inscrire au registre des avocats dès après que leur charge a pris fin, ou encore les fonctionnaires des offices des poursuites et faillites, qui peuvent devenir agents d'affaires immédiatement après la cessation de leurs rapports de service (pourvu qu'ils remplissent les conditions posées par l'art. 4 de la loi réglementant la profession d'agent d'affaires, du 2 novembre 1927 - LPAA - E 6 20).

Du point de vue de la nécessité de la mesure, celle-ci est certes circonscrite dans son application du point de vue géographique et temporel, mais s'avère extrêmement large du point de vue matériel, dès lors qu'il s'agit d'une interdiction totale faite à tout policier quittant ses fonctions, quelles que soient son expérience ou la nature de ses tâches avant et après la cessation des rapports de service. Dès lors que les deux activités visées, à savoir agent de sécurité et agent de renseignements, sont des professions réglementées et soumises à autorisation (concordat sur les entreprises de sécurité, du 18 octobre 1996 - CES - I 2 14 et sa législation d'exécution ; loi sur les agents intermédiaires, du 20 mai 1950 - LAInt - I 2 12), le Grand Conseil avait pourtant la possibilité de préciser la nature des devoirs de l'agent de sécurité ou de l'agent de renseignements par rapport à un éventuel avantage abusif obtenu en raison d'un emploi antérieur, la violation des devoirs professionnels tels que prévus par le droit cantonal pouvant dans les deux cas conduire à la destitution ou au retrait de l'autorisation d'exercer (art. 13 al. 2 CES ; 16 al. 2 let. d LAInt). Il lui était ainsi possible de parvenir au même but par le biais d'une mesure moins incisive qu'une interdiction générale, fût-elle limitée dans le temps et dans l'espace.

La mise en balance des intérêts publics poursuivis et de l'intérêt privé au libre accès à une profession penche donc clairement en faveur de ce dernier.

L'art. 44 LPol s'avérant ainsi contraire à l'art. 27 Cst., il sera annulé.

34. Il résulte de ce qui précède que le recours sera admis partiellement.

35. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants, qui succombent dans une large mesure (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- leur sera allouée, dès lors qu'ils y ont conclu et qu'ils ont eu recours pour la défense de leurs intérêts aux services d'un avocat (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 mars 2016 par Messieurs A______ et B______, ainsi que par l’Union du personnel du corps de police du canton de Genève UPCP et le Syndicat de la police judiciaire SPJ contre la loi sur la police, publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève le 12 février 2016 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule l'art. 44 LPol ;

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Messieurs A______ et B______, de l’Union du personnel du corps de police du canton de Genève UPCP et du Syndicat de la police judiciaire SPJ, pris conjointement et solidairement ;

alloue à Messieurs A______ et B______, à l’Union du personnel du corps de police du canton de Genève UPCP et au Syndicat de la police judiciaire SPJ, pris conjointement et solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat des recourants, au Grand Conseil, ainsi qu'au Conseil d'État, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Baldé, Cramer et Montani, M. Martin, juges.

 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :