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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/348/2015

ACST/19/2015 du 15.10.2015 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/348/2015-ABST ACST/19/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 15 octobre 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
Monsieur B______

contre

CONSEIL D'ÉTAT

_________



EN FAIT

1) Messieurs A______ et B______ sont domiciliés dans le canton de Genève, où ils exercent la profession d’avocat.

2) Le 17 décembre 2014, le Conseil d’État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d’État) a adopté un règlement modifiant le règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 (RTFMP - E 4 10.03). L’une des modifications apportées à ce règlement consiste en l’adoption d’un art. 4 al. 3 (nouveau), ayant la teneur suivante :

En cas de numérisation d’actes et de remise d’un support électronique, l’alinéa 1, lettres a à c, est applicable. S’ajoute le coût du support électronique. En cas de délivrance d’un support électronique de contenu identique à plusieurs parties, l’émolument peut être réduit jusqu’à 50 %.

3) Ledit règlement du 17 décembre 2014 a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 23 décembre 2014. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2015.

4) a. Par acte déposé le 2 février 2015, MM. A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre le règlement du 17 décembre 2014, en concluant à l’annulation de l’art. 4 al. 3 (nouveau) RTFMP et, cela fait et statuant à nouveau, principalement, à la modification de l’art. 4 al. 1 RTFMP par l’insertion des lettres cbis et cter suivantes :

« cbis) Délivrance de copies électroniques de documents numérisés au préalable par l’autorité pénale : CHF 0.40 par page, divisé par le nombre de parties à la procédure plus un.

cter) Délivrance de copies électroniques de documents remis à l’autorité pénale sous forme numérique : CHF 30.-/support, plus CHF 80.-/heure pour la préparation des données. »

Ils ont conclu subsidiairement à ce que le Conseil d’État soit invité à édicter une règle relative à la numérisation des dossiers et à la délivrance de copies électroniques dans le sens des considérants.

b. Ils avaient à double titre qualité pour recourir contre le règlement attaqué. D’une part, il y avait lieu de la leur reconnaître en tant qu’avocats voués à la représentation et l’assistance devant les juridictions genevoises de justiciables directement ou virtuellement touchés par la modification en cause, par analogie avec une association statutairement vouée à la défense des intérêts de ses membres eux-mêmes touchés par un acte normatif. D’autre part, ils avaient qualité pour recourir en tant qu’eux-mêmes pourraient être un jour lésés par une infraction pénale et exercer les droits procéduraux s’attachant à la qualité de partie plaignante.

c. L’émolument fixé pour les copies électroniques de pièces du dossier, basé sur un montant de CHF 1.-/page (CHF 2.-/page pour les dix premières pages) violait les principes de couverture des frais, d’équivalence et d’égalité de traitement en prévoyant un montant par page excessif et en ne tenant pas compte adéquatement des économies de travail que permettait la copie électronique.

Selon deux arrêts du Tribunal fédéral respectivement de 1981 et 1992, les frais susceptibles d’être facturés d’une photocopie se composaient des coûts directs et du coût de la main-d’œuvre nécessaire pour la réaliser. Les coûts directs avaient baissé dans l’intervalle, pour se situer aujourd’hui à CHF 0.10/page, tandis que le coût de la main-d’œuvre était de l’ordre de CHF 0.30/page, en tenant compte d’un salaire brut horaire de CHF 75.10, charges sociales comprises estimées à 25 %, et d’une moyenne horaire de 250 photocopies. Le coût total par photocopie était ainsi de CHF 0.40. Une comparaison intercantonale faisait ressortir une valeur médiane de l’ordre de CHF 0.50/copie.

Les copies électroniques devaient être moins chères que des photocopies. Le coût d’exploitation d’un scanner équivalait à celui d’une photocopieuse, les deux étant du reste souvent réunis en seul appareil. L’usure et l’entretien d’un scanner devait être moindre, vu qu’il n’y avait pas de partie mobile outre le chargeur, et il n’y avait pas de coûts de papier et d’encre. Schématiquement, le prix réduit de confection d’une copie électronique à partir d’un support numérique était compensé par le coût additionnel du support électronique (clé USB ou CD-ROM). Le coût de la numérisation d’un document papier et de la remise d’une copie électronique à une partie s’établissait ainsi à CHF 0.40/page tout au plus, y compris pour des documents au format A3. Il y aurait le cas échéant lieu d’instruire ce point par une expertise, voire l’audition d’un agent s’occupant de la numérisation des documents.

Une copie numérique se dupliquait beaucoup plus facilement qu’une copie physique. Des copies supplémentaires de copies déjà numérisées pouvaient être confectionnées en quelques secondes, alors que la main-d’œuvre nécessaire pour réaliser des copies physiques additionnelles était quasiment du même ordre de grandeur que celle requise par la première. La disposition réglementaire attaquée entendait en tenir compte en prévoyant qu’en cas de délivrance d’un support électronique de contenu identique à plusieurs parties, l’émolument pouvait être réduit jusqu’à 50 %. Cette règle violait cependant les principes de couverture des frais et d’équivalence pour plusieurs motifs. Elle n’instituait qu’une faculté alors que la réduction devait être obligatoire. Une réduction de 50 % était insuffisante, dès l’instant qu’il y avait plus de deux parties intéressées par les mêmes documents. L’autorité pénale profitait elle-même de la numérisation du dossier, si bien que la confection d’une copie numérisée faisait partie des coûts de fonctionnement généraux des autorités pénales, en sorte que déjà l’émolument relatif au premier exemplaire d’une copie numérisée devait être réduit de 50 %. La réduction de l’émolument devait également intervenir en cas de remise non simultanée de plusieurs supports à contenu identique et même de contenu non identique, car les outils informatiques permettaient de ne scanner le cas échéant que les pages s’étant ajoutées au dossier depuis la précédente numérisation. La règle n’envisageait pas le cas où le document avait été remis à l’autorité pénale directement sous forme électronique, ce qui lui permettait de réaliser des copies supplémentaires à un coût quasi-nul, sans passer par une numérisation préalable, si bien que l’émolument dû ne pouvait, dans un tel cas, être calculé sur la base d’un coût de CHF 0.40/page.

d. Ainsi, il fallait d’abord distinguer selon que le document dont une copie électronique était requise avait ou non déjà été remis à l’autorité pénale sous forme électronique. Dans l’affirmative, il suffisait de prévoir un émolument forfaitaire correspondant au coût du support et à l’opération de copie du fichier sur un support (soit un émolument de CHF 30.-/support, plus CHF 80.-/heure pour la préparation des données). Dans la négative, l’émolument devait être de CHF 0.40/page, divisé par le nombre de parties à la procédure plus un, indépendamment du point de savoir si les parties demandaient simultanément ou de façon échelonnée une copie numérisée du dossier.

5) Par mémoire du 31 mars 2015, le Conseil d’État a conclu principalement à l’irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet dans la mesure où il était recevable.

a. La mise en œuvre d’une expertise constituait une mesure d’instruction disproportionnée, l’examen de données chiffrées figurant au dossier permettant de déterminer le coût de la production d’une page scannée. L’audition d’un agent s’occupant de la numérisation de documents ne pouvait pas non plus apporter d’éléments probants, celui-ci ignorant les coûts de fonctionnement du pouvoir judiciaire. L’ordre de grandeur de copies réalisables en un temps donné tel qu’allégué par les recourants (soit 250/heure) pouvait être admis comme une valeur maximale.

b. Les deux avocats recourants ne répondaient pas aux conditions auxquelles une association avait qualité pour recourir pour la défense de ses membres, à savoir, notamment, qu’elle n’agît pas dans une optique commerciale mais défendît les intérêts de ses membres dans un but idéal, de surcroît au bénéfice d’une certaine représentativité dans un domaine déterminé ou relativement à une problématique donnée. Par ailleurs, ils ne démontraient pas qu’ils pourraient être atteints un jour de manière directe par la norme attaquée, qui ne relevait pas d’une réglementation relative spécifiquement à leur profession. Ils ne rendaient pas vraisemblable qu’ils seraient davantage exposés que tout citoyen à des infractions pénales. Leur action avait un caractère d’action populaire.

c. L’émolument contesté était une contribution causale, qui devait respecter les principes de l’équivalence et de la couverture des frais. Selon les arrêts du Tribunal fédéral cités par les recourants, un émolument de CHF 2.-/copie violait le principe de l’équivalence pour des photocopies faites en grand nombre, mais un émolument de CHF 1.-/page était admissible. La technologie s’était certes améliorée depuis lors, mais le coût de la vie avait augmenté, et les coûts résultant de l’introduction des nouvelles technologies devaient aussi être pris en considération. Étaient déterminants l’ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l’administration, et non seulement les deux postes évoqués par les recourants, à savoir les coûts d’une photocopie (papier, électricité, entretien et amortissement de la machine) et le salaire du collaborateur effectuant le travail considéré.

d. Le coût de base de production d’un document sur support électronique n’était pas inférieur à celui de la confection d’une copie sur papier, ainsi que l’établissait un tableau, joint à la réponse, comparant de façon détaillée les diverses étapes du processus de sortie d’une copie sur support papier et sur support électronique, respectivement pour une première copie, une copie ultérieure et une copie supplémentaire identique à une version existante. Les diverses manipulations requises dans l’un et l’autre cas étaient largement similaires, qu’elles s’opèrent à partir de documents physiques ou de leur contrepartie informatisée. On ne pouvait dissocier artificiellement l’action consistant à copier un fichier informatique sur un support de l’ensemble des actes préparatoires ou consécutifs à cette opération. La vitesse de traitement dépendait du type de scanner utilisé et du volume total de copies à réaliser ; le Pouvoir judiciaire n’était pas équipé des machines les plus performantes du marché. Il se justifiait d’admettre le même coût pour une copie sur papier et une copie électronique.

Au salaire horaire brut d’un collaborateur affecté aux tâches considérées devaient s’ajouter les frais de l’ensemble de l’infrastructure liée à sa présence, à savoir les services centraux nécessaires au fonctionnement général de la justice. Le collaborateur concerné consacrait environ le 50 % de son temps de travail à faire des copies, étant occupé pour le surplus à diverses tâches non facturables (commande, réception et stockage du matériel, préparation du travail, organisation interne du service, pannes, imprévus), étant ajouté qu’il fallait tenir compte de cinq semaines de vacances, cinquante-deux week-ends, douze jours fériés ou non travaillés et 16,11 jours d’absence en moyenne. Selon un second tableau joint à la réponse, tenant compte de la plupart des coûts de fonctionnement du secteur considéré du Ministère public, les coûts liés aux locaux et machines dédiés à ladite activité représentaient CHF 90'057.02/an (loyer, amortissement des investissements de transformation, sécurité et surveillance, énergies et fluides, divers frais liés au bâtiment, coûts informatiques), et les frais de personnel dans la mesure dédiée à la tâche en question représentaient CHF 143'843.-/an (un collaborateur à 100 %, une responsable directe à raison de 7.14 % pour la supervision de quatorze personnes rattachées à l’entité administrative comprenant le service des copies, un 0.60 % du personnel de la direction du Ministère public, un 0.19 % du personnel des services centraux). Au total, 1'663,1178 heures de travail brutes étaient consacrées par année à l’activité considérée, soit 831,5588 heures de travail nettes, dès lors qu’un agent passait 50 % de son temps à produire réellement des copies sur une journée moyenne. Le coût total de la prestation en question s’établissait ainsi à CHF 281.28/heure (soit [90'057.02/831,5588 = 108.30] + [143'843.-/831,5588 = 172.98], ce qui représentait, à raison de 250 copies par heure, un coût de CHF 1.252 par photocopie ou scan. Ce coût ne tenait pas compte de certaines prestations pourtant en lien avec la prestation considérée, comme la facturation, le suivi de la facturation, l’encaissement, les éventuels rappels, la validation des copies par le procureur en charge de l’affaire, ou le stockage du papier. L’émolument contesté n’était donc pas supérieur aux coûts réels engendrés par l’opération de numérisation.

e. La disposition attaquée prévoyait une réduction de l’émolument jusqu’à 50 % pour tenir compte le cas échéant d’économies de travail qu’une copie électronique permettrait de réaliser. Si une nouvelle copie de fichiers électroniques ne nécessitait pas autant de temps qu’une première photocopie ou qu’une première numérisation, il était néanmoins erroné d’affirmer qu’une copie supplémentaire pouvait être fabriquée à coût presque nul, car il fallait intégrer les coûts du travail devant être réalisé, qui ne se limitait pas à quelques clics effectués en quelques secondes. Pour confectionner une telle copie électronique, le collaborateur affecté à cette tâche devait notamment récupérer les documents à numériser, vérifier si le document final était complet et en bon état, le transférer sur un support externe et s’assurer ensuite que celui-ci fût lisible et complet. Il arrivait en outre qu’un cryptage fût nécessaire pour garantir la confidentialité du fichier numérisé.

Des copies électroniques pouvaient offrir des possibilités de recherche et d’analyse, avantages à l’obtention desquels les parties à la procédure n’avaient pas un droit, mais dont il serait injustifié qu’elles profitassent le cas échéant gratuitement ou quasi-gratuitement. La numérisation des dossiers n’était pas d’un usage courant au sein des juridictions genevoises, si bien que les gains que celles-ci pourraient retirer de la numérisation effectuée à la demande de parties à la procédure étaient théoriques.

f. Il se pouvait que la façon de procéder suggérée par les recourants pour compléter la numérisation de dossiers déjà partiellement numérisés fût praticable, avec un logiciel approprié. Il n’était pas établi pour autant qu’il était moins fastidieux de la suivre afin de ne numériser que les pages ne l’ayant pas encore été, plutôt que de numériser l’entier du dossier.

g. Il n’y avait pas lieu de distinguer le cas d’un document remis à l’autorité pénale déjà sous forme électronique de celui de copies réalisées par celle-ci et dupliquées ultérieurement. Les mêmes manipulations étaient nécessaires dans les deux cas pour mettre le document numérisé à la disposition des parties. La réduction de 50 % tenait compte du coût moins élevé de production de telles copies.

h. La comparaison intercantonale invoquée par les recourants n’était d’aucune utilité pour contester la modification en cause. Certains des cantons cités avaient du reste adopté des émoluments en matière pénale similaires ou supérieurs à ceux du canton de Genève. La modification en cause répondait aux principes de l’équivalence et de la couverture des frais.

6) a. Par réplique du 18 mai 2015, MM. A______ et B______ ont persisté dans les conclusions de leur recours. Ils maintenaient leur demande d’expertise. Il y avait lieu d’inviter le Conseil d’État à révéler et documenter le nombre total de copies sur papier et copies numérisées réalisées chaque année au Ministère public, ce qui rendrait inutile l’audition d’un collaborateur effectuant des photocopies. Des représentants d’entreprises privées pourraient être entendus.

b. Leur qualité pour recourir était donnée, dès lors qu’il était probable qu’ils soient atteints tôt ou tard par la réglementation attaquée.

c. Concernant le coût par page, le tarif horaire allégué par l’intimé de CHF 280.- pour défrayer l’activité d’un collaborateur chargé de scanner 250 pages par heure apparaissait d’emblée excessif pour la seule couverture des frais lorsqu’on le comparait aux tarifs genevois, incluant un bénéfice, respectivement de CHF 120.- à CHF 200.-/heure proposés par de nombreuses fiduciaires pour la saisie comptable et l’établissement d’un bilan comprenant des opérations complexes, de CHF 145.-/heure pratiqués par des garagistes, ou de CHF 200.-/heure reconnus à l’avocat chef d’étude intervenant comme avocat d’office.

Plusieurs des postes intégrés par l’intimé dans le calcul des coûts de numérisation des dossiers ne devaient pas être pris en compte. Ainsi, les investissements de transformation des locaux du Ministère public n’étaient liés qu’à l’activité répressive de cette autorité, si bien qu’il ne fallait pas tenir compte de l’amortissement annuel de CHF 961'538.- de ces dépenses d’investissement. Pour des motifs similaires, on ne pouvait comptabiliser, au prorata de la surface des locaux affectés à l’activité considérée, que la moitié des CHF 790'000.- de frais liés à la sécurité et la surveillance. Il ne se justifiait pas d’inclure les 27 m2 du local de consultation des dossiers par les avocats dans le calcul du coût au m2 des locaux nécessaires à la numérisation des dossiers, ni les 44 m2 (mais seulement 15 m2) de la pièce où travaillait le collaborateur affecté à la numérisation des dossiers. Il suffisait d’un seul poste de travail pour scanner mille copies par jour. Le poste « loyer, informatique » retenu pour le calcul du coût horaire de la numérisation d’une page devait en conséquence être fixé à CHF 19'914.-/an, et non à CHF 90'057.-. Réparti sur le nombre de 207,8897 jours nets de présence par an pour le travail considéré, ce montant donnait un coût journalier de CHF 95.80. S’y ajoutait le montant de CHF 691.- (CHF 143'843.-/207,8897) pour le poste « salaire et overhead ». Le coût total était ainsi de CHF 786.80/jour.

Il était invraisemblable qu’un collaborateur ne pût scanner que mille pages par jour effectif de travail, même en tenant compte des tâches annexes évoquées par l’intimé. Ce dernier n’avait fait que reprendre ce chiffre du recours, sans l’étayer par l’indication du volume de photocopies réalisé par année. C’était à tout le moins deux mille scans par jour qu’il fallait retenir (l’équivalent de quatre classeurs fédéraux). Le coût d’un scan était ainsi de CHF 0.39 (CHF 786.80/2000).

Si un coût de CHF 0.021/photocopie apparaissait justifié et pouvoir être repris pour un scan, un coût de CHF 0.10/scan (donc de CHF 20'800.-/an pour mille scans/jour effectif x 207,8897 jours effectifs) pour l’amortissement du matériel utilisé pour la numérisation était excessif. En ramenant l’investissement à un montant plausible et en ajoutant le coût direct des scans, on parvenait à un coût de CHF 0.45 la page. À titre comparatif, Printstar SA, une société privée à Genève, demandait CHF 0.30 la page en noir-blanc, simple, CHF 0.60 en cas de couleur et CHF 80.- par heure en cas de manutention. Copytrend SA, autre société privée d’impression à Genève, facturait entre CHF 150.- et CHF 200.- le classeur, selon le travail à effectuer. Héliographie Plainpalais SA chiffrait entre CHF 0.15 et CHF 0.30 une copie en noir-blanc, et CHF 200.-, majorés en cas d’un travail de manutention, pour un classeur simple d’environ cinq cents pages.

d. Concernant l’attribution des coûts en cas de pluralité de parties, l’intimé décomposait chaque action en micro-gestes, de façon à donner l’impression que les copies supplémentaires donnaient une charge additionnelle de travail conséquente, mais il était invraisemblable que la confection d’une copie numérique supplémentaire d’un dossier scanné de deux classeurs fédéraux prît une demi-journée de travail, et il était plus efficace, pour donner suite à une demande de scan subséquente à une précédente, de ne scanner que les nouvelles pages du dossier, plutôt que de scanner ce dernier entièrement. L’autorité pénale pouvait retirer pour elle-même un bénéfice de la copie numérisée d’un dossier effectuée à la demande d’une partie ; il fallait en tenir compte même si elle décidait de ne pas en faire usage.

e. S’agissant de documents remis au Ministère public sous forme électronique, ils n’avaient pas besoin d’être scannés pour en délivrer des copies numériques, si bien qu’il n’y avait pas de manipulations à effectuer à cette fin. Ce cas ne devait donc pas être confondu avec celui des copies numérisées par ladite autorité à partir d’exemplaires sur papier.

7) a. Par duplique du 12 juin 2015, le Conseil d’État a persisté dans les conclusions de sa réponse. L’audition de représentants d’entreprises commerciales sur la facturation de la numérisation de documents ne serait pas utile, leur activité étant fondamentalement différente de celle de l’autorité pénale. Cela impliquerait de connaître en détail les charges et revenus de chacune de leurs activités.

b. C’était le coût total qui était déterminant pour juger du respect du principe de la couverture des frais. Il ne fallait pas se focaliser sur des chiffres absolus de tarifs horaires hors contexte. La fonction d’assurer la bonne administration de la justice qu’assumait le pouvoir judiciaire impliquait que celui-ci répondît à des contraintes et des modes de fonctionnement sans commune mesure avec les activités commerciales évoquées par les recourants, les sociétés commerciales mentionnées par ces derniers offrant au surplus d’autres prestations largement rémunérées, couvrant le déficit de celles rémunérées à un prix d’appel.

c. Les dépenses à couvrir par les émoluments étaient ceux de la subdivision concernée de l’administration en question, et elles comprenaient les frais généraux, en particulier ceux de port, de téléphone, les salaires du personnel, le loyer ainsi que les intérêts et l’amortissement des capitaux investis. Il n’y avait pas de raison d’en écarter certains, comme le voulaient les recourants. Des travaux de grande importance avaient été nécessaires pour l’adaptation des locaux dédiés au Ministère public, et les montants investis devaient être amortis sur la durée de la location de ces locaux. On ne pouvait faire abstraction de l’infrastructure nécessaire au déploiement de l’activité considérée.

d. Le coût de la prestation en question ne devait pas être réparti sur 207,88 jours, mais divisé par les heures nettes « facturables », au même titre que les charges salariales, afin d’avoir une image complète des coûts. Le coût total pertinent était ainsi de CHF 281.28 par heure « facturable », et non CHF 786.80/jour. Pour une heure de production facturable, il fallait compter une autre heure de travail non facturable mais entrant dans les coûts de l’heure facturable. On ne discernait pas comment les recourants aboutissaient à un coût total de CHF 0.45 par scan.

8) Le 14 juillet 2015, MM. A______ et B______ ont présenté des observations, en persistant dans les conclusions de leur recours. Le Conseil d’État n’avait ni révélé ni documenté le nombre total de copies et de scans réalisés chaque année par le Ministère public ; la demande d’audition d’un collaborateur du Ministère public affecté aux photocopies était maintenue, comme celle d’une expertise.

Seuls les coûts relatifs à la production de copies électroniques devaient être pris en compte pour calculer l’émolument dû pour de telles copies, à l’exclusion des coûts afférents à d’autres missions légales du Ministère public, comme la mise à disposition de dossiers en vue de leur consultation. L’activité des entreprises commerciales de production de copies électroniques n’était pas différente de celle faisant l’objet du tarif litigieux ; rien ne permettait d’affirmer qu’elles pratiquaient des prix d’appel ; leurs prix devaient au contraire contribuer à leur bénéfice net ; il y avait lieu de procéder à l’audition de leurs représentants.

9) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE ou constitution genevoise - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). La chambre de céans est donc compétente pour connaître du présent recours, qui est dirigé contre une des dispositions du règlement du Conseil d’État du 17 décembre 2014 modifiant le RTFMP.

b. A qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle toute personne qui est touchée directement par l’acte attaqué – loi constitutionnelle, loi, règlement du Conseil d'État ou décision – et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte attaqué soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Les conditions à ce titre sont au minimum les mêmes que celles qui prévalent devant le Tribunal fédéral (art. 111 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110 ; ATF 139 II 233 consid. 5.2. ; ACST/14/2015 du 27 août 2015 consid. 2). Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière souple ; il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris (Marcel Alexander NIGGLI/Peter UEBERSAX/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd., 2011, p. 1177 n. 13 ad art. 89 LTF). Toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué, ou pourront l’être un jour, a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 138 I 435 consid. 1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 2b).

En l’espèce, notamment en tant qu’ils habitent et exercent leur profession dans le canton de Genève, les deux recourants sont susceptibles, avec un minimum de vraisemblance, d’être un jour personnellement parties à une procédure pénale genevoise, par exemple comme parties plaignantes, et, à ce titre, d’avoir à solliciter la délivrance d’une copie numérisée de dossiers constitués devant des autorités pénales, et donc de se voir appliquer la disposition réglementaire dont ils contestent la conformité au droit supérieur. Cela suffit à fonder leur qualité pour recourir contre ladite norme.

c. Les recourants ont déposé leur recours le 2 février 2015, soit dans le délai légal de trente jours (art. 62 al. 1 let. d LPA), ayant en l’espèce commencé à courir non le lendemain de la publication du règlement attaqué dans la FAO du 23 décembre 2014 (art. 62 al. 3 phr. 3 LPA), mais le 3 janvier 2015 compte tenu de la suspension des délais du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 63 al. 1 let. c LPA).

d. Le présent recours satisfait pour le surplus aux exigences de forme et de contenu prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA ; il comporte un exposé détaillé des griefs des recourants (art. 65 al. 3 LPA).

e. Il est donc recevable en tant que tel, mais ses conclusions ne le sont que dans la mesure où, dans le respect de la nature cassatoire du recours en contrôle abstrait des normes (ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 26b ; ACST/12/2015 précité consid. 4c ; Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 337 s.), elles tendent à l’annulation de la disposition réglementaire contestée. Elles ne le sont en revanche pas dans la mesure où elles tendent à l’adoption par la chambre constitutionnelle d’autres dispositions réglementaires (à savoir un art. 4 al. 1 let. cbis et cter RTFMP) en lieu et place de l’art. 4 al. 3 (nouveau) RTFMP, ni même au renvoi du règlement contesté à l’intimé en vue d’édiction d’une règle relative à la numérisation des dossiers et à la délivrance de copies électroniques.

La chambre constitutionnelle entrera donc en matière sur le recours dans la mesure de sa recevabilité.

2) a. Les recourants ont requis une expertise ainsi que l’audition d’un collaborateur du Ministère public affecté à la réalisation de photocopies et à la numérisation de dossiers, et celle de représentants de sociétés commerciales fournissant de telles prestations, pour démontrer que, selon eux, l’émolument contesté ne correspond pas aux coûts réels de la production de copies numérisées.

b. Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_235/2015 du 29 juillet 2015 consid. 5 ; 2C_1073/2014 du 28 juillet 2015 consid. 3.1 ; ATA/134/2015 du 3 février 2015 consid. 3a). Ce droit suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour établir ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et dans les délais prescrits par le droit cantonal (arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2009 du 3 mars 2010 consid. 5.2). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/311/2015 du 31 mars 2015 consid. 4b). Il n’implique pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; ATA/568/2015 du 2 juin 2015 consid. 3).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion (arrêts du Tribunal fédéral 2C_235/2015 précité consid. 5 ; 2C_1073/2014 précité consid. 3.1) ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015 consid. 3a ; ATA/118/2014 du 25 février 2014 consid. 3a). Le refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 136 I 229 précité consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2014 du 22 juillet 2014 consid. 3.1 ; ATA/5/2015 précité consid. 3a ; ACST/15/2015 du 27 août 2015 consid. 4c).

c. L’expertise représente un moyen de preuve (art. 38 LPA) ordonné lorsque l’établissement ou l’appréciation de faits pertinents requièrent des connaissances et compétences spécialisées – par exemple techniques, médicales, scientifiques, comptables – que l’administration ou le juge ne possèdent pas (cf. p. ex. ATA/661/2015 du 23 juin 2015 sur la valeur d’un immeuble, ATA/568/2015 du 2 juin 2015 sur l’appréciation de la capacité de discernement, ATA/595/2006 du 14 mars 2006 sur la dangerosité d’un chien ; cf. art. 182 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0). En l’espèce, l’issue à donner au recours dépend essentiellement du point de savoir quelles dépenses entrent en considération pour calculer l’émolument litigieux et, partant, juger du respect des principes de couverture des frais et d’équivalence, autrement dit de considérations juridiques. Des points techniques relatifs à la numérisation de pièces constituant des dossiers n’entrent que très marginalement en considération, et ils ne présentent pas un degré de complexité si élevé que la chambre de céans ne pourrait ni les comprendre ni en apprécier l’importance. Il y a d’autant moins lieu d’ordonner une expertise qu’un certain schématisme est inhérent à la fixation d’émoluments.

d. L’audition de témoins est ordonnée lorsque les faits pertinents ne peuvent être éclaircis autrement (art. 28 al. 1 in initio LPA). En l’espèce, l’intimé a fourni des explications et des données assez détaillées, notamment sous forme de tableaux, sur l’établissement de photocopies et de copies numérisées de documents constituant des dossiers pénaux. Les recourants ont eu à trois reprises l’occasion de s’exprimer par écrit durant la procédure devant la chambre de céans, d’exposer leur point de vue et de produire les pièces qu’ils estimaient utiles à l’appui de leurs allégués. Il n’apparaît décisif ni de connaître le nombre de photocopies et de scans effectués durant une année au Ministère public, ni d’auditionner le collaborateur de cette autorité pénale affecté à cette tâche à propos tant des manipulations qu’implique la production de telles copies que d’autres paramètres entrant en considération au titre des dépenses induites par la fourniture de ses prestations. Les prestations en couverture desquelles l’émolument litigieux est prévu ne sont pas fournies exclusivement par le Ministère public (qui en est certes le principal pourvoyeur), mais par toutes les autorités pénales, et en leur sein (y compris d’ailleurs au Ministère public), nombreux sont les collaborateurs – greffiers, notamment – qui effectuent des photocopies et des scans en réponse à des demandes émanant de parties aux procédures. Il est au demeurant douteux que lesdites autorités connaissent le nombre de photocopies et de scans qu’elles effectuent, d’une façon plus précise et parlante que l’approche choisie par l’intimé pour estimer le coût moyen d’une photocopie ou d’une copie numérisée, consistant à établir le coût d’une heure pour la fourniture des prestations considérées et à le diviser par le nombre moyen de copies effectué en une heure. Certes, après l’avoir eux-mêmes proposé, les recourants contestent notamment le chiffre de 250 copies à l’heure. Il n’est cependant pas nécessaire, pour juger de sa pertinence, de procéder à des auditions, que ce soit celle du collaborateur du Ministère public affecté à la tâche considérée ou de représentants de sociétés commerciales offrant des prestations plus ou moins comparables. Cela n’apparaît pas non plus nécessaire pour établir ou apprécier d’autres questions factuelles pertinentes.

e. La chambre constitutionnelle estime disposer d’un dossier complet lui permettant de statuer sur la conformité au droit supérieur de la disposition réglementaire contestée. Elle ne donnera pas suite aux réquisitions de preuve présentées par les recourants.

3) Saisie d’un recours contre un acte normatif, la chambre constitutionnelle contrôle librement la conformité de celui-ci avec le droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE ; art. 61 al. 1 LPA), à savoir – s’agissant, comme en l’espèce, d’une disposition réglementaire – au regard de la Constitution fédérale, du droit fédéral (y compris le droit international liant la Suisse), la Constitution genevoise et les lois cantonales (y compris les concordats intercantonaux liant le canton de Genève). À l’instar du Tribunal fédéral, elle s’impose toutefois une certaine retenue et n’annule les dispositions voire l’acte normatif attaqués que s’ils ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’ils soient interprétés ou appliqués de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut tenir compte notamment de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 31 consid. 2 ; ACST/7/2015 du 31 mars 2015 consid. 3a ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 5a). La chambre de céans n’en a pas moins la compétence d’appliquer le droit d’office, sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA), dans la mesure de la recevabilité du recours ou des griefs invoqués.

4) a. Les recourants attaquent l’art. 4 al. 3 RTFMP relatif à l’émolument que les autorités pénales ont à percevoir pour la numérisation de pièces jusqu’au format A3 inclus et la remise de ces données sur un support électronique. Ils ne contestent pas formellement et ne sauraient contester l’émolument que lesdites autorités prélèvent en application de l’art. 4 al. 1 let. a et b RTFMP pour l’établissement et la délivrance de copies sur un support papier, respectivement de CHF 2.- et CHF 1.- selon qu’il s’agit des dix premières pages ou des suivantes. Ces deux dispositions réglementaires ne sont pas nouvelles ; elles ne peuvent plus faire l’objet d’un contrôle abstrait de constitutionalité. Elles ne se trouvent pas même répétées, autrement dit adoptées nouvellement ou confirmées et ainsi exposées à un nouveau contrôle abstrait de constitutionnalité, du fait que l’art. 4 al. 3 phr. 1 RTFMP les déclare applicables à l’établissement et la délivrance de copies numérisées.

b. Invoquant une violation des principes de la couverture des frais, de l’équivalence et de l’égalité de traitement, les recourants contestent en premier lieu que l’émolument dû pour des copies numérisées de pièces jusqu’au format A3 inclus puisse être de CHF 1.- la page (et CHF 2.- la page pour les dix premières), plus le coût du support électronique. Ils estiment qu’il doit être d’au maximum CHF 0.40 la page, et ce lorsque l’autorité pénale doit préalablement scanner le dossier page par page, et que ce montant doit encore être divisé par le nombre de parties à la procédure plus un. Ils prétendent en outre que l’émolument dû doit être inférieur à ce montant pour les copies sur un support électronique effectuées à partir de pièces déjà numérisées, que celles-ci l’aient été une première fois par l’autorité pénale ou par une partie les ayant remises sous cette forme à l’autorité pénale, et ce indépendamment du point de savoir si les parties demandent simultanément ou de façon échelonnée une copie numérisée du dossier.

5. Pour financer les activités que la constitution ou la loi le chargent d’exercer, l’État perçoit des contributions publiques, venant s’ajouter à d’autres ressources que sont notamment les revenus générés par ses propres biens, le produit des sanctions pécuniaires et l’emprunt. Les contributions publiques sont des prestations en argent prélevées par lui et acquittées par les administrés sur la base du droit public. Elles sont subdivisées traditionnellement en taxes causales et en impôts, selon que leur prélèvement s’accompagne ou non d’une contre-prestation étatique déterminée ; au regard d’un second critère de distinction, fondé sur le but que l’État poursuit en les percevant, elles sont catégorisées en redevances fiscales et en taxes d’orientation. Les contributions publiques de nature causale sont des contre-prestations en argent que des justiciables doivent verser à l’État pour des prestations particulières que celui-ci leur fournit ou pour des avantages déterminés qu’il leur octroie. Elles comportent les émoluments administratifs, les charges de préférence et les taxes de remplacement (ATF 138 II 70 ; 137 I 257 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_439/2014 du 22 décembre 2014 consid. 6.1 ; 2C_612/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4. 2 ; 2C_24/2012 du 12 avril 2012 consid. 4.1 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1825 ss ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 3 ss ; Arlette STIEGER, Les contributions publiques genevoises, in Actualités juridiques de droit public 2011, p. 77 ss ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/ Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 2623 ss ; Adrian HUNGERBÜHLER, Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 104/2003 p. 505 ss, 507 ss, 512 ss ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 5 s.).

Les émoluments administratifs représentent ainsi des taxes que l’administré doit payer pour financer des activités administratives qu’il engendre par sa demande ou par son comportement. De leur nombre sont les émoluments de chancellerie, qui sont prélevés sans autre examen en contrepartie d’activités simples et courantes de l’administration, essentiellement de secrétariat, comme les émoluments perçus pour des photocopies (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1827 s. et 1831 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 239 ss ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/ Felix UHLMANN, op. cit., n. 2624 s. et 2626 ss ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 3, 1992, p. 364).

6. La perception de contributions publiques est soumise aux principes constitutionnels régissant toute activité étatique, en particulier aux principes de la légalité, de l’intérêt public et de la proportionnalité (art. 5 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la bonne foi (art. 9 Cst.), ainsi que de la non-rétroactivité.

Le principe de la légalité est concrétisé en droit fiscal par l’art. 127 al. 1 Cst., qui est applicable à toutes les contributions publiques, fédérales, cantonales et communales, y compris quoique avec des assouplissements aux contributions de nature causale (ATF 135 I 130 consid. 7.2 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 30 ss n. 2, p. 34 n. 17 et p. 55 n. 77). En matière de redevances causales, les exigences découlant du principe de la légalité sont en effet moins strictes qu’en matière d’impôts, de façon encore plus marquée pour les émoluments de chancellerie. Pour ces derniers, une base légale matérielle suffit ; ces émoluments sont fixés concrètement sur la base de tarifs, adoptés par la collectivité et appliqués par l’autorité unilatéralement, par le moyen de décisions (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1850 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 249 et 482 ss ; Pierre MOOR, op. cit., p. 364).

Ces assouplissements s’expliquent par le fait que les principes constitutionnels précités permettent suffisamment de contrôler le montant de ces contributions causales. Tel est le cas notamment des principes de la couverture des frais (dont l’applicabilité se limite cependant aux redevances causales dépendantes des coûts, comme les émoluments administratifs) et de l’équivalence, qui sont tous deux l’expression du principe de la proportionnalité dans le domaine desdites contributions (ATF 112 Ia 39 consid. 2 ; 104 Ia 113 consid. 3 ; 99 Ia 697 consid. 2 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1850 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 484 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, op. cit., n. 2625a ss ; Pierre MOOR, op. cit., p. 367 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 56 s. ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 516).

7. a. Selon le principe de la couverture des frais, le produit global des contributions causales ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l’administration (ATF 135 I 130 consid. 2 ; 126 I 180 consid. 3a ; 106 Ia 249 consid. 3a ; 102 Ia 397 consid. 5b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_519/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5.1 ; 2C_609/2010 du 18 juin 2011 consid. 3.2 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1845 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 83 s. n. 254 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, op. cit., n. 2637 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 369 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81).

Les dépenses à prendre en compte ne se limitent pas aux frais directs ou immédiats générés par l’activité administrative considérée. Elles englobent les frais généraux, en particulier ceux de port, de téléphone, les salaires du personnel, le loyer, ainsi que les intérêts et l'amortissement des capitaux investis et des équipements (ATF 120 Ia 171 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_55/2008 du 22 avril 2008 consid. 5.1).

La subdivision administrative concernée se définit par référence à toutes les tâches administratives matériellement liées les unes aux autres, formant un ensemble cohérent (Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 520 s. ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, op. cit., n. 2637).

Les émoluments perçus pour des prestations fournies dans une subdivision administrative ne doivent pas nécessairement correspondre exactement aux coûts de chacune de ces prestations. Certaines prestations, qui coûtent relativement peu cher à l’administration, peuvent être taxées plus lourdement que leur prix de revient, et inversement (ATF 101 Ib 462 consid. 3b). La collectivité peut compenser par un émolument perçu sur des affaires importantes l’insuffisance des émoluments prélevés pour d’autres opérations qui, en raison du peu d’intérêt qu’elles présentent, ne permettent pas de réclamer des émoluments couvrant tous les frais qu’elles occasionnent (ATF 126 I 181 consid. 3a.aa = RDAF 2001 II 293, p. 300 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81). Un certain schématisme est par ailleurs inévitable, le calcul des coûts considérés ne relevant pas des sciences exactes mais comportant une part d’appréciation. Les excès que cela pourrait impliquer sont, le cas échéant, corrigés par l’application du principe de l’équivalence (Pierre MOOR, op. cit., p. 368).

b. Le principe d’équivalence veut que le montant de la contribution causale exigée d’une personne déterminée se trouve en adéquation avec la valeur objective de la prestation fournie qu’elle rétribue. Il doit y avoir un rapport raisonnable entre le montant concrètement demandé et la valeur objective de la prestation administrative. Cette valeur se mesure à l’utilité (pas nécessairement économique) qu’elle apporte à l’intéressé, ou d’après les dépenses occasionnées à l’administration par la prestation concrète en rapport avec le volume total des dépenses de la branche administrative en cause (ATF 135 I 130 consid. 2 ; 130 III 225 = RDAF 2005 I p. 747 ; 118 Ib 349 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 précité consid. 3.2 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1848 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, op. cit., n. 2641 ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 522 s. ; Pierre MOOR, op. cit., p. 369). Autrement dit, il faut que les contributions causales soient répercutées sur les contribuables proportionnellement à la valeur des prestations fournies ou des avantages économiques retirés (ATF 118 Ib 349 consid. 5 ; 109 Ib 308 consid. 5b ; 101 Ib 462 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_466/2008 du 10 juillet 2009 consid. 4.2.2 = RDAF 2010 II 401, p. 406 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 84 n. 255 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 370).

Le principe d'équivalence n'exclut pas une certaine schématisation ou l’usage de moyennes d’expérience (arrêts du Tribunal fédéral 2C_519/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5.1 ; 2P.117/2003 du 29 août 2003 consid. 4.3.1 = RDAF 2004 II 401, p. 403 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 82), voire des tarifs forfaitaires (ATF 126 I 181 consid. 3a.aa = RDAF 2001 II 293, p. 300 ; 106 Ia 241consid. 4 ; 103 Ia 230 consid. 4 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81).

c. Conformément au principe de l’égalité de traitement, consacré par l’art. 8 Cst., un arrêté de portée générale ne doit pas établir de distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer, ni omettre de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances (ATF 137 I 167 consid. 3.5 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 135 I 130 consid. 6.2 ; 131 I 377 consid. 3 ; 130 V 18 consid. 5.2 ; 129 I 1 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_466/2008 précité consid. 8.1 = RDAF 2010 II 401, p. 417 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, vol. 2, n. 1036 ss ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 854).

d. L’interdiction de l’arbitraire, résultant de l’art. 9 Cst., s’oppose à ce qu’une norme ne repose pas sur des motifs sérieux, soit dépourvue de sens et de but, ou viole gravement un principe juridique incontesté (ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; 133 I 259 consid. 3b ; ACST/13/2015 du 30 juillet 2015 consid. 6e ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 9a in fine).

e. L’évaluation du coût d’une prestation de l’autorité est souvent difficile et se termine fréquemment par une appréciation globale non quantifiée (ATF 103 Ia 85 consid. 5 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 370). Il importe par ailleurs que le montant de l’émolument n’empêche pas ou ne rende pas difficile à l'excès l'utilisation de certaines institutions ou prestations (ATF 120 Ia 171 consid. 2a et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_55/2008 précité consid. 5.1).

8. a. Garantie de procédure consacrée par l’art. 29 al. 2 Cst. et l’art. 6 § 1 CEDH, le droit d’être entendu comporte le droit de consulter le dossier et, depuis 1991, celui d’en faire des photocopies (ATF 117 Ia 424 ; 131 V 35 consid. 4.2 ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., vol. 2, 2015, p. 299 s. n. 176 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 2, n. 1338 ss ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, p. 326 s. ; Thierry TANQUEREL, op. cit, n. 1541). En l’état, il ne comprend pas celui d’obtenir une copie numérisée du dossier.

En matière pénale, l’art. 102 al. 3 CPP prévoit que toute personne autorisée à consulter le dossier peut en demander une copie contre versement d’un émolument (Yvan JEANNERET/André KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n. 5047 in fine). Cette disposition légale ne prévoit pas un droit à l’obtention d’une copie numérisée du dossier pénal, mais elle n’exclut pas que le droit de lever une copie du dossier puisse être exercé de cette façon, ainsi que le reconnaît implicitement l’art. 4 al. 3 RTFMP. Des auteurs relèvent que, dans la mesure où les documents sont sur un support électronique, une copie sur DVD peut être envisagée, et le prix en être répercuté sur la partie qui demande un tel support (Jo PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse, 2012, n. 235 in fine ; Joëlle CHAPUIS, Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, 2011, n. 3 ad art. 102).

b. L’émolument perçu pour l’établissement et la délivrance de copies (en l’occurrence numérisées) de dossiers pénaux représente un émolument de chancellerie, soumis aux principes précités régissant lesdits émoluments (Jo PITTELOUD, op. cit., n. 235 in fine ; Joëlle CHAPUIS, op. cit., n. 1 ad art. 422 ; Niklaus SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2009, n. 1 ad art. 422).

En l’espèce, la question de la conformité au droit supérieur de l’émolument prévu par l’art. 4 al. 3 RTFMP n’est soulevée (art. 65 al. 3 LPA) et ne se pose en tout état qu’au regard des principes de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire, de la couverture des frais et de l’équivalence. Ledit émolument ne soulève aucun problème sous l’angle de la légalité, puisque l’art. 102 al. 3 CPP peut lui servir de fondement quant à son principe et qu’il est fixé, quant à son montant, par une norme de rang réglementaire.

9. a. Il convient d’examiner premièrement si l’émolument par page à numériser, de CHF 1.- dès la onzième, est conforme aux principes précités lorsque la numérisation se fait à partir d’un document sur support papier, tel que l’art. 4 al. 3 phr. 1 RTFMP le fixe par référence à l’émolument dû pour l’obtention d’une photocopie dès la onzième copie (art. 4 al. 1 let. b RTFMP). Avant d’aborder le coût de cette prestation, il y a lieu de vérifier si l’assimilation que ladite disposition fait dans cette perspective entre une photocopie et une copie numérisée est conforme au droit.

b. Les opérations qu’implique la numérisation d’un dossier sont largement similaires à celles que requiert la photocopie du même dossier. Dans l’un et l’autre cas, la demande d’en obtenir une copie (intégrale ou limitée à des pages déterminées) est reçue, examinée et validée par un magistrat, puis transmise à un collaborateur pour exécution (souvent au service des photocopies, du moins au Ministère public pour des dossiers d’un certain nombre de pages). Le dossier est ensuite amené audit collaborateur ou cherché par celui-ci, qui l’examine sommairement pour en déterminer les éventuelles spécificités, le prépare en vue du passage dans la machine à photocopier et passe les documents dans ladite machine, le plus souvent non en une fois, mais en progressant dans ledit travail étape par étape, à savoir, notamment, par série (par exemple entre deux intercalaires), en identifiant et traitant séparément, page par page, les feuilles imprimées recto-verso, en sortant (puis remettant) celles qui sont dans des fourres, en enlevant (puis remettant) les obstacles à la copie (trombones, agrafes, post-it, défauts), et en tenant compte des formats spéciaux (A4, A3 ou autres formats). Il lui faut aussi remettre le classeur dans son état original, quelquefois au fur et à mesure de l’avancement du travail au gré des spécificités susmentionnées, vérifier l’intégralité et la qualité des copies faites, préparer, emballer et expédier ces dernières ou les remettre à la partie requérante, préparer et établir la facturation, dont un suivi doit être assuré. Le dossier de l’autorité est ramené à son lieu de classement ordinaire (bureau du magistrat ou du greffier).

La délivrance d’une copie numérisée sur un support électronique (clé USB, CD-ROM ou DVD) dispense certes de faire un tirage de copies sur un support papier, mais celui-ci s’effectue, sur commande, à la même vitesse et quasiment en même temps que la numérisation des documents. La dispense d’avoir à emballer et expédier des copies physiques (opération prenant un peu plus de temps que celle de faire parvenir au requérant le support informatique sur lequel les données scannées ont été enregistrées) se trouve très largement compensée par les manipulations, devant être plus attentives, qu’impliquent la reprise du scan sur ordinateur, l’enregistrement des fichiers sous des noms appropriés et leur classement, la vérification de l’intégralité et de la qualité des fichiers ou du fichier consolidé, leur ou sa copie sur un support informatique, en plus d’un éventuel cryptage des données ainsi copiées pour assurer la confidentialité d’un dossier ainsi transmis sous forme électronique. Il est erroné de prétendre que l’établissement et la délivrance d’une copie numérisée d’un dossier physique prennent moins de temps que pour une copie physique ; du moins suivant les difficultés rencontrées en cours de travail de numérisation, au gré des spécificités susmentionnées du dossier et des conditions dans lesquelles le travail a dû être accompli, il se peut même qu’ils prennent davantage de temps que pour une copie physique.

Il n’y a donc pas d’inégalité de traitement contraire au droit à appliquer le même tarif pour les deux formes considérées de copies faites à partir d’un dossier physique, faute de différences factuelles suffisamment marquées entre elles. L’applicabilité d’un même tarif échappe par ailleurs à tout arbitraire, car elle repose sur des motifs sérieux et n’est pas dépourvue de sens.

c. L’applicabilité d’un même tarif pour des copies physiques ou numérisées se justifie au surplus au regard du principe de la couverture des frais.

En effet, l’exigence que l’émolument perçu ne dépasse pas les coûts, ou de peu seulement, ne s’applique pas strictement à la prestation fournie, mais implique une correspondance approximative entre l’ensemble des prestations fournies dans le secteur administratif où s’effectue la prestation considérée et le produit global des contributions causales de ce dernier. Certes, la définition du secteur administratif pris en compte pour l’application du principe de la couverture des frais ne doit pas se faire de façon trop large, en considération uniquement d’une structure organisationnelle ou entité administrative, mais aussi au regard de types de tâches formant un tout cohérent, non artificiel. Or, il est indéniable que photocopier ou numériser des dossiers, pour en délivrer des copies sur support respectivement papier ou électronique, sont deux activités relevant naturellement d’un même secteur d’activité.

En conséquence, pour la fixation de l’émolument dû, non seulement il n’y a pas lieu de distinguer selon qu’un dossier à photocopier ou numériser comporte peu ou beaucoup de fourres, pages agrafées, post-it, intercalaires, documents de formats différents, feuilles imprimées recto-verso, bien qu’à l’évidence le temps de travail requis pour faire le travail varie sensiblement au gré de tels éléments. Mais encore il se justifie de ne pas faire de nuances selon qu’il s’agit d’établir et délivrer des copies tirées sur papier ou numérisées sur un support informatique. Ainsi, quand bien même il serait établi que la production d’une copie numérisée requerrait moins de travail que celle d’une copie physique, le fait qu’elle soit effectuée dans les deux cas au sein d’une même subdivision administrative selon, au surplus, un processus relativement similaire, justifie de soumettre l’une et l’autre à la perception d’un même émolument, nonobstant leur différence de coût.

D’autres tâches que celles, déjà détaillées, qu’accomplit le collaborateur en charge de l’essentiel du travail de photocopie et de numérisation des dossiers peuvent d’ailleurs entrer aussi en considération, quand bien même elles ont un rapport plus ténu avec ce travail proprement dit. Ainsi en va-t-il des prestations que fournit ledit collaborateur pour mettre les dossiers à la disposition des parties à la procédure autorisées à les consulter. De plus, les tâches qu’accomplissent le magistrat en charge du dossier, son greffier ainsi que d’autres membres du personnel de l’entité considérée en lien avec l’activité en question font partie de celles qui constituent le secteur administratif dont le coût de fonctionnement doit être pris en compte pour fixer le montant de l’émolument perçu pour ladite activité.

10. a. S’agissant des coûts de main-d’œuvre, l’intimé s’est fondé sur ceux qu’engendre la mise à disposition, pour fournir le travail considéré, d’un collaborateur à plein temps, de sa responsable directe à hauteur du 7.14 % (dès lors qu’elle supervise 14 collaborateurs), du personnel de direction du Ministère public à hauteur de 0.60 % et du personnel des services centraux du pouvoir judiciaire à hauteur de 0.19 %. Il en résulte un montant annuel de CHF 143'843.- (charges sociales comprises). Compte tenu du caractère inévitablement approximatif du calcul du montant admissible de l’émolument en question, il n’est pas critiquable de se fonder presque exclusivement sur les coûts de main-d’œuvre du Ministère public, qui est le pourvoyeur essentiel des copies des dossiers pénaux. On peut cependant être assuré de n’être pas au-dessus du coût de main-d’œuvre pertinent en arrondissant le montant précité à CHF 145'000.- par année, pour intégrer, vraisemblablement en-dessous de leur réalité, les coûts générés par de semblables prestations assumées au sein des juridictions pénales ainsi que par les greffiers des procureurs.

b. Sur le plan méthodologique, l’intimé peut en outre être suivi lorsqu’il entend rapporter le coût annuel de main-d’œuvre à un coût horaire, et qu’à cette fin il ne divise pas le montant retenu par trois cent soixante-cinq jours à huit heures de travail chacun, mais retranche préalablement de ce nombre annuel de jours cent quatre jours pour les cinquante-deux week-ends de l’année, plus dix jours fériés et deux jours non travaillés (ce qui donne deux cent quarante-neuf jours).

Il n’est en revanche pas justifié de soustraire en outre vingt-cinq jours de vacances et le nombre moyen de jours d’absentéisme au pouvoir judiciaire en 2014 (soit 16.11 jours), et d’aboutir ainsi à un nombre de 207.8897 jours nets de présence. Les autorités pénales en général et le Ministère public en particulier, qui ne connaissent pas de féries judiciaires (art. 89 al. 2 CPP), ne cessent pas de fournir leurs prestations, y compris celle d’établir et délivrer des copies de dossiers pénaux, durant les vacances et autres absences du collaborateur affecté à cette tâche ; ils désignent un ou des remplaçants pour l’accomplir à sa place pour peu que celui-ci soit absent plusieurs jours d’affilée. Aussi y a-t-il lieu, ex aequo et bono, de ne déduire que six jours au titre des absences dudit collaborateur. Le nombre de jours nets pertinents est ainsi de deux cent quarante-trois jours, représentant, à raison de huit heures de travail quotidien, mille neuf cent quarante-quatre heures brutes (en lieu et place des 1663.1176 alléguées par l’intimé).

c. L’intimé indique – sans être contredit sur ce point et sans qu’il y ait d’indice amenant à douter de cette affirmation – que l’agent affecté au service des photocopies du Ministère public ne consacre que la moitié de son temps à fournir l’activité en question, étant occupé pour le surplus à diverses tâches non facturables. Aussi le nombre pertinent d’heures nettes de travail est-il de neuf cent septante-deux, et la part afférente à la main-d’œuvre du coût horaire est-elle de CHF 149.18 (en lieu et place des CHF 172.98 calculés par l’intimé), soit CHF 145'000.-/972.

11. a. Aux coûts de main-d’œuvre s’ajoutent toutes les autres dépenses en lien avec la fourniture de l’activité administrative considérée, en particulier pour la mise à disposition des locaux, des machines et du matériel nécessaires. L’intimé les chiffre à CHF 90'057.02 par année, constitués de CHF 20'000.- de coûts informatiques (PC, deux machines, imputation interne) et de CHF 70'057.02 pour 71 m2 de locaux dédiés à ladite activité (soit d’un total de CHF 4'108'795.- par année au titre du loyer, de l’amortissement des investissements de transformation des locaux du Ministère public sur les treize ans du bail, du nettoyage, de la sécurité et la surveillance, des énergies et des fluides et de divers frais comme le ramassage des poubelles et la destruction du papier, pour 4'164,1 m2, ce qui donne CHF 986.7186/m2, multiplié par 71).

b. C’est à juste titre que l’intimé a pris en compte tous les coûts précités, en particulier l’amortissement annuel des investissements de transformation des locaux du Ministère public (CHF 961'538.-) et les coûts annuels de la sécurité et de la surveillance desdits locaux (CHF 790'000.-), à hauteur d’une part proportionnelle à la surface des locaux utiles à l’accomplissement de la tâche considérée. Non seulement il est erroné de prétendre que ces frais ne seraient liés qu’à l’activité répressive de cette autorité pénale et ne concerneraient donc pas l’activité dudit service (auquel le public a aussi accès, notamment pour la consultation des dossiers), mais encore et surtout l’activité considérée participe du fonctionnement du Ministère public, dont l’infrastructure n’est pas divisible dans la perspective de la fixation des émoluments, sinon en la rapportant à la surface utile à l’activité considérée.

C’est également à bon droit que l’intimé a retenu la surface intégrale de la pièce dans laquelle s’effectuent les copies physiques et numérisées (44 m2) – et non uniquement 15 m2, que les recourants concèdent comme représentant une place de travail « confortable » pour le collaborateur affecté à la production –, mais également les 27 m2 du local adjacent réservé à la consultation des dossiers ; il y a un lien suffisamment étroit entre la mise à disposition des dossiers pour consultation par les parties aux procédures et la copie des pièces qui, fréquemment, est sollicitée suite à une telle consultation. À ces deux surfaces doit encore s’ajouter une surface pour le stockage du papier, qui peut être évaluée ex aequo et bono à 5 m2 sur les 20 m2 du local réservé à l’économat. C’est donc 76 m2 qu’il se justifie de retenir comme surface utile à l’activité dont la contrepartie financière doit être fixée.

c. Il s’ensuit que le coût pertinent au titre des locaux est de CHF 74'990.62 ([CHF 4'108'795.-/4'164,1 m2] x 76 m2). S’y ajoutent les CHF 20'000.- de coûts informatiques retenus par l’intimé, étant précisé que l’argument des recourants qu’il suffirait d’une seule machine à photocopier (et non deux) pour effectuer le travail considéré doit être écarté. Un tel service, travaillant pour quarante-quatre procureurs (art. 76 LOJ), ne saurait être tributaire d’une seule machine. En réalité, il faudrait même intégrer à ces coûts informatiques une part des coûts de leasing des machines à photocopier installées aux différents étages du Ministère public, utilisées par les greffiers pour donner suite aussi à des demandes de copies émanant de parties aux procédures. Le total des dépenses autres que les coûts de main-d’œuvre peut être arrondi à CHF 95'000.-.

d. Il doit être rapporté – comme celui-ci – à neuf cent septante-deux heures nettes de travail. La part du coût horaire afférente aux dépenses pertinentes liées à l’infrastructure utile à l’activité considérée est donc de CHF 97.74 (en lieu et place des CHF 108.30 calculés par l’intimé).

12. a. Le coût horaire de l’activité en question est ainsi de CHF 246.92 (CHF 149.18 + CHF 97.74), en lieu et place des CHF 281.28 calculés par l’intimé. Il doit être divisé par le nombre pertinent de copies effectuées par heure, pour établir le coût d’une copie.

b. Selon l’intimé, il faut compter deux cent cinquante copies à l’heure. Les recourants avaient retenu le même nombre dans leur recours, mais dans leur réplique, ils ont indiqué qu’il était invraisemblable qu’un collaborateur ne pût scanner que mille pages par jour effectif de travail, soit durant quatre heures (4 x 250 pages), affirmant qu’il fallait retenir deux mille copies par jour de travail (au moins quatre classeurs fédéraux).

Dans l’ATF 118 Ib 349 consid. 5a p. 352 s. du 5 octobre 1992 (cf. aussi ATF 107 Ia 29 consid. 2d p. 34 in initio du 6 février 1981), le Tribunal fédéral a indiqué qu’il devait être possible de faire mille photocopies par jour avec une ancienne machine à photocopier (en partant apparemment d’une journée de travail de huit heures). Il n’est pas douteux que, dans l’intervalle de ces vingt-cinq ans (voire trente-quatre ans), de sensibles améliorations technologiques sont intervenues en la matière et que les autorités pénales genevoises sont dotées aujourd’hui de mopieurs modernes (combinant notamment photocopieurs et scanners), quand bien même ceux-ci ne seraient pas les plus performants qui existent sur le marché. Le nombre pertinent de copies à l’heure n’est toutefois pas le nombre de copies que la machine peut sortir en une heure une fois les originaux mis dans son chargeur, mais celui du nombre de pages pouvant être traitées en une heure, c’est-à-dire à propos desquelles les opérations détaillées plus haut peuvent être effectuées, de la réception de la demande de copies à l’expédition de ces dernières au requérant et à l’établissement et au suivi de la facture. Or, ce sont les travaux devant être réalisés en amont et en aval du photocopiage ou de la numérisation proprement dits des pages constituant un dossier pénal qui prennent nettement le plus de temps, proportionnellement. C’est dès lors tenir suffisamment compte des performances des machines actuelles que de retenir, pour une journée de travail de huit heures, le double du nombre de copies pris en compte en 1981 et 1992 par le Tribunal fédéral, à savoir deux mille. Cela fait mille copies pour les quatre heures que le collaborateur du service des copies du Ministère public consacre en moyenne par jour à l’activité considérée, donc bien deux cent cinquante par heure.

c. Le coût moyen de la copie – physique ou numérisée – par page est ainsi de CHF 0.9877 (CHF 246.92/250).

d. Il est vrai que pour des photocopies, les autorités judiciaires de plusieurs cantons perçoivent des émoluments inférieurs à CHF 1.- la page, de l’ordre de CHF 0.50 la page (voire moins), comme à Fribourg (art. 51 al. 2 du règlement sur la justice - RS/FR 130.11), Saint-Gall (art. 28 al. 1 ch. 21 et 22 de la Gerichtskostenverordnung - RS/SG 941-12), Lucerne (art. 36 al. 1 let. e de la Justizkostenverordnung - RS/LU 265), de même que le Tribunal fédéral (art. 4 let. a du règlement sur les émoluments administratifs du Tribunal fédéral - RS 173.110.210.2) et le Tribunal pénal fédéral (art. 13 al. 2 let. e du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale - RS 173.713.162). Dans d’autres cantons, l’émolument en question est de CHF 1.- la page (voire plus), comme dans ceux des Grisons (art. 12 al. 3 de la Verordnung über die Kosten in Verwaltungsverfahren - RS/GR 370.120 - par renvoi de l’art. 11 al. 4 de la Verordnung zum Einführungsgesetz zur Schweizerischen Strafprozessordnung - RS/GR 350.110) et de Vaud (art. 12 al. 2 du Tarif des frais de procédure pour le Ministère public et les autorités administratives compétentes en matière de contraventions - RS/VD 312.03.3).

Cette diversité n’apporte pas la démonstration que l’émolument prévu à Genève est excessif, d’autant moins qu’on ignore sur quelles bases l’émolument correspondant a été calculé pour ces autorités, en termes de main-d’œuvre ainsi que de dépenses du secteur administratif pris en considération.

Il sied de noter que le montant de CHF 1.- jugé admissible par le Tribunal fédéral en février 1981 équivaudrait à un montant de CHF 1.84 en septembre 2015, compte tenu que l’indice genevois des prix à la consommation de base de septembre 1977 a passé de 112.5 points en février 1981 à 207.4 points en septembre 2015, enregistrant une variation de 84.4 %. En retenant le double de copies à l’heure que le nombre retenu par le Tribunal fédéral, on obtiendrait aujourd’hui un montant de CHF 0.92 la page.

13. Un émolument de CHF 1.- la copie (physique ou numérisée) ne crée pas de distorsion déraisonnable entre le montant demandé et la valeur de la prestation fournie. L’intérêt qu’une partie à une procédure pénale a à disposer d’une copie (physique ou numérisée) du dossier de la procédure est important ; il tient à une défense efficace de ses droits et de sa situation dans la procédure. Cet intérêt est d’autant plus grand pour une copie numérisée que celle-ci offre, grâce aux logiciels couramment répandus en bureautique, de performantes possibilités de recherche, d’élaboration de documents de synthèse par la copie de passages pertinents, voire d’analyse. Le principe de l’équivalence n’amène donc pas à devoir corriger, en particulier à la baisse, le montant dudit émolument tel que fixé au regard du principe de la couverture des frais.

Ce montant n’est pas tel qu’il empêche ou rend difficile à l’excès un exercice efficace du droit d’être entendu.

14. Le montant de CHF 1.- par page copiée sur un support électronique est conforme au droit.

Les recourants ne contestent pas, à raison, qu’en cas de copie numérisée, le coût du support électronique lui-même doit s’ajouter à cet émolument, ainsi que le prévoit l’art. 4 al. 3 phr. 2 RTFMP, pour autant que le support ne soit pas fourni par le requérant lui-même.

15. a. Les recourants contestent l’art. 4 al. 3 RTFMP aussi en tant qu’il fait référence à l’art. 4 al. 1 let. a RTFMP, fixant à CHF 2.- la page l’émolument dû pour les dix premières copies à effectuer, indistinctement selon que la commande de copies se limite à un nombre si faible ou qu’elle porte sur un nombre plus élevé (dont les dix premières doivent alors être rémunérées au double prix de chacune des suivantes).

b. Les dix premières copies (physiques ou numérisées) requises pour l’exécution d’une commande portant sur un plus grand nombre de pages n’ont pas un prix de revient plus élevé que les suivantes dès la onzième. Il y a inégalité de traitement et même arbitraire à les surfacturer ainsi.

c. Lorsqu’il s’agit de ne numériser qu’au plus dix pages d’un dossier (ou un dossier de dix pages au plus), il est imaginable que certaines des opérations à exécuter prennent un temps légèrement plus important, rapporté à chacune des pages à numériser, que pour l’exécution d’une commande plus importante, comme la réception et la validation de la commande, l’apport du dossier au service des photocopies (quoique, dans un tel cas, la copie commandée est exécutée souvent par le greffier du magistrat), l’envoi des copies faites et la facturation. Il est donc possible, théoriquement, qu’un surcoût marginal existe dans ce cas.

Toutefois, un émolument de CHF 1.- la page est la résultante d’analyses qui, nonobstant la précision des données chiffrées prises en compte, comportent immanquablement une part d’appréciation et sont faites au niveau d’un même secteur administratif. Il intègre un schématisme et des compensations, qui – se justifie-t-il de considérer – absorbent le modeste surcroît proportionnel de coût que peuvent impliquer l’établissement et la délivrance d’un nombre très limité de copies. Le dédoublement du montant de l’émolument considéré est ainsi contraire au principe de la couverture des frais.

d. Du moins pour les autorités pénales, dont la plupart des dossiers comportent bien plus que dix pages, il n’y a pas lieu de distinguer l’émolument dû respectivement pour les dix premières pages numérisées et les suivantes dès la onzième, ni dans l’une ni dans l’autre des deux hypothèses considérées.

Le recours doit être admis sur ce point limité, et la référence à l’al. 1 let. a de l’art. 4 RTFMP que fait l’art. 4 al. 3 phr. 1 attaqué être annulée, en sorte que l’émolument soit de CHF 1.- dès la première page dont la copie numérisée est effectuée sur demande. Formellement, la première phrase de ladite disposition prend le libellé suivant : « En cas de numérisation d’actes et de remise d’un support électronique, l’alinéa 1, lettres b et c, est applicable. » (au lieu de « lettres a à c »).

16. a. Les recourants prétendent que, s’agissant déjà de la première copie numérique faite à partir d’un document physique, l’émolument qui pourrait être perçu pour une copie – soit CHF 1.- la page selon l’intimé, mais CHF 0.40 selon eux – doit encore être divisé par le nombre de parties à la procédure plus un, estimant que la prestation fournie profite, sans travail supplémentaire significatif, à chacune des parties, de même qu’aux autorités pénales, et donc que son coût doit d’emblée être réparti entre elles toutes.

b. En l’absence d’une pluralité de demandes de copies numériques d’un même dossier qui seraient exécutées simultanément, il n’y a pas de raison de percevoir pour la prestation considérée un émolument inférieur à celui qui, justifié par les coûts et la valeur du travail accompli, correspond à l’émolument requis pour une copie physique. C’est aux parties à la procédure qu’il incombe de déterminer si et quand elles souhaitent la délivrance d’une copie de pièces, que ce soit sur un support papier ou sous forme électronique. L’autorité pénale n’a pas à anticiper de demandes de leur part à ce propos. Si, du fait du décalage dans le temps de plusieurs demandes identiques, elle est amenée à répéter les opérations requises pour leur exécution, elle est légitimée à exiger de chacun des requérants le paiement de l’entier de l’émolument.

Par ailleurs, rien n’oblige à considérer que l’autorité pénale elle-même profite d’une numérisation de pièces effectuée sur requête d’une des parties à la procédure. Libre à elle de déterminer sa méthode de travail, de même que le moment où, le cas échéant, elle entend obtenir une version scannée du dossier. Dans les faits, il n’est pas courant que les autorités pénales genevoises travaillent sur la base de dossiers numérisés plutôt que de dossiers physiques.

c. En cas d’exécution simultanée de plusieurs mêmes demandes de copies numériques de pièces, le coût de la prestation se trouve réduit, d’une façon suffisamment significative pour que l’émolument à percevoir doive l’être aussi. C’est ce que prévoit l’art. 4 al. 3 phr. 3 RTFMP attaqué, qui ne représente qu’en apparence une « Kannvorschrift », mais est en réalité une « Mussvorschrift ». Si la condition précitée est réalisée, l’émolument doit être réduit. C’est sur la mesure de la réduction que l’autorité pénale conserve un pouvoir d’appréciation, s’exprimant par les mots « jusqu’à 50 % ». Cette limitation du taux de réduction n’apparaît pas entraîner de violation des principes de la couverture des frais, d’équivalence ou d’égalité de traitement, si bien que ladite norme ne saurait être taxée, dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, de contraire au droit supérieur. Un contrôle concret reste réservé, au regard de circonstances spécifiques d’un cas d’espèce. Il n’y a pas matière à annuler l’art. 4 al. 3 RTFMP contesté.

17. a. Les recourants estiment que l’émolument dû pour une copie effectuée sur un support électronique à partir de pièces déjà numérisées doit être sensiblement inférieur à l’émolument de base fixé, que celles-ci aient été numérisées une première fois par l’autorité pénale ou par une partie à la procédure les ayant remises sous cette forme à l’autorité pénale.

Ces deux situations ne peuvent être assimilées l’une à l’autre.

b. Les autorités pénales ne sauraient être contraintes – d’autant qu’il n’y a pas de droit à l’obtention de copies numérisées de dossiers – d’organiser une bibliothèque, sous forme de banque de données, des différentes versions électroniques des dossiers pénaux ayant déjà été numérisés à telle et telle dates à la minute (sinon la seconde) près, afin de pouvoir les dupliquer à tout moment ou n’effectuer qu’une numérisation des pages venues depuis lors enrichir lesdits dossiers. Il faut partir de l’idée que, pour donner suite à une demande de copie numérisée de pièces, l’autorité pénale doit reprendre le dossier et répéter les opérations nécessaires à la numérisation de ces dernières, et qu’en conséquence l’émolument prévu pour l’établissement et la délivrance des copies demandées n’a pas à être réduit.

Le libellé et l’esprit de l’art. 4 al. 3 phr. 3 RTFMP permettraient au demeurant de tenir compte de situations spécifiques faisant apparaître, au cas par cas, une réduction comme justifiée au regard d’un travail concrètement et sensiblement moindre que celui qui sous-tend ordinairement la perception de l’émolument en question pour l’établissement et la délivrance d’une copie numérique.

c. En revanche, autre serait le cas où une partie à la procédure demanderait une copie numérisée d’un fichier électronique versé au dossier. Ce cas n’est pas visé par l’art. 4 al. 3 RTFMP contesté, sans qu’il n’en résulte de carence rendant cette norme contraire au droit. L’art. 4 al. 1 let. d RTFMP trouverait application dans un tel cas, fondant la perception d’un émolument de CHF 10.- à 200.- au titre de la « délivrance de fichiers informatiques ».

18. a. Sous réserve du grief portant sur la référence à la let. a de l’art. 4 al. 1 RTFMP que fait l’art. 4 al. 3 RTFMP contesté, qui doit être annulée, le recours est mal fondé et doit être rejeté.

b. Le recours étant pour l’essentiel rejeté, un émolument d’un montant réduit, arrêté à CHF 500.-, sera mis à la charge des recourants pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA).

Les recourants obtiennent très partiellement gain de cause, mais ils plaident en personne. Aussi n’y a-t-il pas lieu de leur allouer une indemnité de procédure. Ils n’y ont d’ailleurs pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

admet partiellement, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 2 février 2015 par Messieurs A______ et B______ contre le règlement du Conseil d’État de la République et canton de Genève du 17 décembre 2014 modifiant le règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 ;

annule la référence à la lettre a de l’article 4 alinéa 1 que fait l’article 4 alinéa 3 dudit règlement ;

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Messieurs A______ et B______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt aux recourants et au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Galeazzi, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

 

I. Semuhire

 

le président siégeant :

 

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :