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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4363/2015

ACST/7/2016 du 19.05.2016 ( ABST ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4363/2015-ABST ACST/7/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 19 mai 2016

 

dans la cause

 

A______
Monsieur B______
Madame C______
Monsieur D______

représentés par Me Romain Jordan, avocat

contre

GRAND CONSEIL



EN FAIT

1. a. L’A______, constituée sous forme d’association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; art. 1 des statuts de l’A______), ayant son siège à Genève (art. 2 des statuts de l’A______), a pour but d’assurer la promotion de l’éducation physique et du sport (art. 3.1 des statuts de l’A______), la défense des intérêts et la profession des maître d’éducation physique, des projets sportifs et de la place de l’éducation physique dans les cursus scolaires obligatoires et post-obligatoires (art. 3.2 des statuts de l’A______), ainsi que de représenter les maîtres d’éducation physique devant diverses autorités (art. 3.3 des statuts de l’A______). À cette fin, elle entreprend toute action qu’elle juge appropriée (art. 4.2 des statuts de l’A______). Est notamment admis en qualité de membre tout maître d’éducation physique en activité à Genève (art. 5.1.1 des statuts de l’A______).

b. Madame C______, mère d’un enfant né en 2010, Monsieur B______, père de deux enfants nés respectivement en 1993 et 1997, et D______, père de deux enfants nés respectivement en 1990 et 1992, sont domiciliés à Genève.

2. Le 27 mai 1994, une députée a saisi le Grand Conseil d’une question écrite Q 3524 « leçons de gymnastique dans l’enseignement : la situation présente et future répond-elle aux normes fédérales ? », laquelle a été renvoyée au Conseil d’État.

Cette question était motivée par le constat selon lequel les leçons de sport, qui faisaient partie intégrante de l’éducation globale, avaient été réduites d’une heure par mesure d’économie, situation contraire au droit fédéral, qui imposait aux cantons trois heures hebdomadaires d’éducation physique dans leurs programmes d’enseignement.

3. Le 30 mars 1995, plusieurs députés ont déposé au Grand Conseil une motion M 995 concernant les cours d’éducation physique en vue d’inviter le Conseil d’État à étudier l’introduction progressive, dans les divers secteurs d’enseignement et de formation, d’une troisième heure hebdomadaire de sport.

Selon l’exposé des motifs y relatif, l’instauration d’une telle troisième période, outre le fait qu’elle permettait au canton de se conformer au droit fédéral, poursuivait un but d’intérêt public en favorisant l’éducation des enfants dans un sens large, même si elle ne pouvait être mise en œuvre dans l’immédiat, en l’absence d’infrastructures suffisantes.

4. Lors de sa séance du 11 octobre 1996, le Grand Conseil a adopté la motion M 995 et invité le Conseil d’État à étudier l’introduction progressive, dans les divers secteurs cantonaux d’enseignement et de formation, d’une troisième période hebdomadaire dédiée à l’éducation physique.

Lors des débats, la majorité des députés se montrait favorable au contenu de la motion, dans la mesure où l’école avait un rôle d’éducation à la santé à jouer pour tous les élèves, le canton devant au surplus se conformer aux exigences découlant du droit fédéral. Toutefois, selon la minorité des députés, il n’appartenait pas au parlement de composer les horaires scolaires, les infrastructures n’étant, en l’état, pas suffisantes pour satisfaire cette exigence.

5. Le 31 janvier 2008, le Conseil d’État a rendu son rapport sur la motion M 995 et s’est prononcé sur la question écrite Q 3524.

Depuis le dépôt de cette motion, différentes mesures avaient été prises pour renforcer l’enseignement de l’éducation physique et du sport, en particulier en faveur des apprentis, dont les heures de cours étaient limitées. Plusieurs raisons empêchaient toutefois l’inscription, de manière généralisée, d’une troisième période dédiée à l’éducation physique, notamment du fait de la priorité à accorder, dans une grille horaire de 32 heures, aux apprentissages de base et à la tenue, plusieurs fois par année, de camps et journées sportifs ainsi que de cours de sport facultatifs. Les prescriptions du droit fédéral ne pouvaient ainsi être respectées à la lettre, ce d’autant qu’elles étaient en cours de révision. Une étude devait en outre être réalisée afin d’évaluer la capacité d’accueil des installations sportives existantes.

6. Le 18 septembre 2013, le Conseil d’État a saisi le Grand Conseil d’un projet de loi PL 11287 sur le sport, qui contenait un art. 11 dédié au sport à l’école, aux termes duquel l’enseignement de l’éducation physique et sportive était obligatoire et que le canton organisait et encourageait les activités physiques et sportives à l’école, la législation scolaire étant néanmoins réservée.

Selon l’exposé des motifs y relatif, l’objectif de ce projet était de mettre en œuvre une politique cantonale du sport, en particulier par le renforcement de la place occupée par les activités physiques à l’école, où une troisième période d’enseignement de cette discipline, spécialement durant la scolarité obligatoire, devait être instaurée.

7. Le 7 novembre 2013, le Conseil d’État a déposé devant le Grand Conseil un projet de loi PL 11314 sur l’instruction publique.

Ce projet proposait une refonte et un toilettage de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (aLIP - C 1 10), qui avait, au fil des ans, perdu en lisibilité, pour l’adapter aux principales dispositions des accords intercantonaux sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire, ainsi qu’à la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), entrée en vigueur le 1er juin 2013. Parmi ses dispositions figurait un art. 39, qui précisait que la fixation des grilles horaires était de la compétence du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : le département).

8. Le 23 janvier 2014, le Conseil d’État a retiré le PL 11314 sur l’instruction publique afin de procéder à un examen complémentaire de la situation et tenir compte de nouveaux développements intervenus dans le domaine de la formation.

9. Le 24 février 2014, la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport (ci-après : la commission) a rendu son rapport concernant le PL 11287 sur le sport.

D’après les commissaires, même si les bienfaits du sport n’étaient pas remis en cause, la question de la troisième période d’éducation physique était néanmoins problématique, dans la mesure où les articles constitutionnels sur la formation votés en 2006 entraient en contradiction avec l’autonomie des cantons en la matière. Des solutions avaient été aménagées afin de respecter cette exigence dans son principe et de manière pragmatique, en particulier par l’organisation de journées sportives et de camps de ski, dès lors que sa mise en œuvre se heurtait au manque de locaux et d’infrastructures, ainsi qu’à la grille horaire au niveau du cycle d’orientation.

10. La loi 11287 sur le sport (LSport - C 1 50) a été adoptée à l’issue de la séance du Grand Conseil du 14 mars 2014.

Selon les députés, la troisième période d’éducation physique ne pouvait être intégrée dans l’agenda scolaire car elle se trouvait en compétition avec d’autres disciplines, de sorte qu’il était préférable qu’elle soit réalisée au plan périscolaire.

11. Le 4 juin 2014, le Conseil d’État a déposé devant le Grand Conseil un nouveau projet de loi PL 11470 sur l’instruction publique.

Selon l’exposé des motifs y relatif, le projet poursuivait le même objectif que le PL 11314 retiré, tout en y intégrant diverses mesures dans la perspective du développement de l’école dite inclusive. Les dispositions qu’il contenait avaient été introduites dans le PL 11470 dans une logique rigoureuse de conformité au droit supérieur et de clarification sur le plan juridique, en distinguant les éléments méritant de se trouver dans une loi de ceux de rang réglementaire. Dans ce contexte, le PL 11470 précisait que la fixation des grilles horaires était de la compétence du département, ce qui était d’ailleurs déjà le cas sous l’empire de l’aLIP.

12. Le 26 juin 2014, le Grand Conseil a renvoyé sans débat le PL 11470 sur l’instruction publique à la commission.

13. Le 7 juillet 2015, la commission a rendu son rapport concernant le PL 11470 sur l’instruction publique.

a. Il ressort de ses travaux que le PL 11470, qui poursuivait un objectif de clarté et de lisibilité, ne contenait pas de dispositions à caractère strictement organisationnel, éléments qui n’avaient pas leur place dans une loi-cadre.

b. Au cours de son audition, l’A______ avait proposé un amendement à l’art. 49 du PL 11470 en vue de l’instauration d’une troisième période d’éducation physique, mesure réalisable qui n’influençait pas de manière négative les autres disciplines scolaires. Le but était d’imposer un tronc commun, soit trois périodes d’éducation physique par semaine pour tous les élèves, indépendamment de leur possibilité de prendre part à des camps ou journées sportifs.

La Conseillère d’État en charge du département se montrait favorable au principe d’une troisième période d’enseignement du sport, qui ne devait toutefois pas figurer dans la LIP, laquelle, dans la logique de sa refonte, ne devait pas contenir les matières enseignées. En l’état, cette exigence ne pouvait être immédiatement mise en œuvre, en l’absence d’infrastructures et de personnel requis et en raison des grilles horaires, par définition limitées et non extensibles, notamment pour les apprentis, alors même que d’autres disciplines demandaient également des heures supplémentaires. En particulier, une refonte de la grille horaire du cycle d’orientation ne pouvait intervenir avant la rentrée 2017, le Conseil d’État gardant néanmoins à l’esprit cette exigence.

c. Il ressort des discussions en commission que les différents groupes politiques étaient partagés sur la nécessité d’introduire dans la loi un amendement à l’art. 49 du PL 11470 visant à prévoir trois périodes hebdomadaires d’éducation physique, même s’ils n’étaient pas opposés à son principe, étant donné le but de santé publique important qu’il poursuivait. Une telle exigence n’avait en particulier pas sa place dans une loi au sens formel, sous peine d’ouvrir la voie aux contestations si elle n’était pas réalisée, notamment par manque d’infrastructures. D’autres mesures étaient également aptes à atteindre le même objectif, comme l’organisation de journées ou camps sportifs.

À l’issue des débats, les membres de la commission ont adopté l’art. 49 du PL 11470 dans sa teneur initiale.

14. Le 17 septembre 2015, le Grand Conseil a consacré sa séance plénière au PL 11470.

Selon la rapporteuse de majorité, le PL 11470 satisfaisait aux exigences de lisibilité et de clarté qui lui avaient été assignées, dans la mesure où les éléments relevant du domaine réglementaire, comme les programmes scolaires, en avaient été ôtés.

Lors des débats, un amendement à l’art. 49 du PL 11470 a été soumis au vote, afin que cette disposition indique que les « grilles horaires doivent prévoir au moins trois périodes hebdomadaires d’éducation physique », amendement qui a toutefois été refusé par la majorité des députés, notamment au motif que si des matières spécifiques étaient inscrites dans la loi, des demandes similaires seraient formulées pour les autres branches, ce qui était à éviter s’agissant d’une loi-cadre. De tels principes n’étaient au demeurant pas de rang légal, et une exception pour l’éducation physique ne se justifiait pas. Même si, sur le fond, l’ensemble des groupes parlementaires était acquis à l’idée d’une troisième période de sport, celle-ci devait être concrétisée dans le cadre de la révision des grilles horaires, étant précisé que des problèmes au niveau des infrastructures subsistaient.

15. À l’issue de cette séance, le Grand Conseil a adopté la loi 11470 sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), dont l’art. 49 est libellé de la manière suivante :

« Art. 49 Grilles horaires

1 Le département fixe les grilles horaires. Celles-ci indiquent le temps d’enseignement qui doit être consacré aux domaines et aux disciplines du plan d’études durant l’année scolaire.

2 Les grilles horaires ont un caractère contraignant. »

16. Par arrêté du 11 novembre 2015, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 13 novembre 2015, le Conseil d’État a promulgué la loi 11470 pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de sa publication, le délai référendaire ayant expiré sans avoir été utilisé.

17. Par acte expédié le 14 décembre 2015, l’A______, Mme C______ et MM. B______ et D______ (ci-après : les recourants) ont recouru contre l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), concluant, avec suite d’indemnité, à son annulation dans le sens des considérants, « en ce sens qu’à l’école obligatoire genevoise "au moins trois périodes hebdomadaires d’éducation physique" sont assurées », et à ce qu’il soit fait injonction au Grand Conseil d’adopter une réglementation dans ce sens.

Le recours était dirigé tant contre l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique que contre l’absence de législation en matière de période d’enseignement du sport à l’école obligatoire, grief qu’il suffisait de revendiquer de manière plausible pour être recevable, conformément à la récente jurisprudence du Tribunal fédéral.

L’acte attaqué était contraire au droit supérieur, en l'occurrence fédéral, qui primait le droit cantonal contraire. Sur la base du mandat de l’art. 68 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), qui conférait à la Confédération une compétence législative concurrente, celle-là avait adopté la loi fédérale sur l’encouragement du sport et de l’activité physique du 17 juin 2011 (LESp - RS 415.0), dont l’art. 12 al. 4 imposait trois périodes hebdomadaires d’éducation physique au niveau de l’enseignement obligatoire, disposition encore précisée par une ordonnance d’exécution. Le droit fédéral assignait ainsi expressément un mandat clair et déterminé au législateur cantonal s’agissant de l’organisation des grilles horaires de l’école obligatoire, qui devaient, pour des motifs d’intérêt public, contenir au moins trois périodes hebdomadaires d’éducation physique. Le Grand Conseil n’avait toutefois pas mis en œuvre ce mandat, dès lors que l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique ne contenait aucune disposition en la matière et s’apparentait ainsi à un silence qualifié. Il n’avait d’ailleurs pas l’intention de le faire à court ou moyen terme, le statu quo perdurant depuis de nombreuses années. Dans les faits, la concrétisation d’une telle obligation au niveau législatif était seule efficace pour l’instauration d’une troisième période de sport, qui n’était respectée par aucun établissement à l’heure actuelle. Des contraintes ayant trait aux locaux ou à l’organisation des grilles horaires ne pouvaient pas non plus justifier le refus des autorités de déférer à ce mandat.

18. La loi 11470 sur l’instruction publique est entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

19. Le 4 février 2016, le Grand Conseil a répondu au recours, concluant préalablement à ce qu’il soit constaté qu’il n’avait pas la qualité pour défendre et, sur le fond, à son rejet, « avec suite de dépens ».

Le recours était infondé et dirigé contre la mauvaise autorité. Sur la base de l’art. 68 al. 3 Cst., la Confédération avait adopté la LESp et son ordonnance d’exécution, textes laissant une marge de manœuvre étendue aux cantons pour leur mise en œuvre. Ceux-ci n’avaient aucune obligation de légiférer en la matière, dès lors que les règles fédérales primaient et s’appliquaient en toute hypothèse. Le complément à la disposition litigieuse réclamé par les recourants, lesquels s’en prenaient au Grand Conseil en désespoir de cause, ressortissait aux compétences du pouvoir exécutif, et non à celles du législateur, qui n’avait ainsi pas qualité pour défendre. La loi entreprise ne contredisait au demeurant pas les dispositions fédérales susmentionnées, l’absence de législation en la matière ne présageait d’aucune volonté de sa part d’entraver les buts poursuivis par le droit fédéral. Aucun grief ne pouvait ainsi lui être opposé en lien avec ses actions ou inactions dans le cadre de la mise en œuvre d’une troisième période hebdomadaire de sport au niveau de l’enseignement obligatoire.

20. Le 19 février 2016, les recourants ont répliqué, persistant dans les conclusions de leur recours et requérant au surplus l’appel en cause du Conseil d’État.

Dès lors que le Grand Conseil, dont les écritures étaient au demeurant lacunaires, alléguait que les manquements reprochés étaient le fait du Conseil d’État, l’appel en cause de cette autorité devait être ordonné. Par ailleurs, le refus d’intégrer dans la loi 11470 sur l’instruction publique l’exigence de trois périodes de sport par semaine constituait un silence qualifié et montrait l’absence de volonté d’inscrire ce point dans la loi. Cela découlait également des travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de cette disposition, alors même que la question était pendante depuis plusieurs décennies devant toutes les autorités cantonales.

21. Le 10 mars 2016, le Grand Conseil a dupliqué, persistant dans ses précédentes conclusions et s’en remettant à l’appréciation de la chambre de céans sur le sort à réserver à la demande d’appel en cause du Conseil d’État.

Même si différents aspects en lien avec la troisième période de sport avaient été abordés lors des débats parlementaires, il n’en demeurait pas moins qu’il ne pouvait être tenu de légiférer en la matière, puisque les dispositions fédérales en cause, dont il n’avait aucunement affaibli la portée, étaient suffisantes et que leur mise en œuvre dépendait d’une éventuelle réglementation du Conseil d’État et des décisions prises dans les différents établissements d’enseignement. Il n’existait ainsi aucun mandat lui imposant de légiférer en la matière, étant précisé que l’adoption d’une disposition similaire à celle de l’art. 12 al. 4 LESp aurait pour unique effet de supprimer le problème de constitutionnalité posé par le droit fédéral.

22. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2. a. Le recours est formellement dirigé contre une loi cantonale, à savoir la loi 11470 sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 et en particulier son art. 49, en l’absence de cas d’application (ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 1a ; ACST/13/2015 du 30 juillet 2015 consid. 2b ; ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 1b ; ACST/7/2015 du 31 mars 2015 consid. 1b ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 2 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 1b), mais également contre l’absence de loi concernant les périodes d’éducation physique à l’école obligatoire, les recourants concluant à ce qu’il soit fait injonction au Grand Conseil de légiférer dans ce sens. Il convient dès lors d’examiner la recevabilité de telles conclusions au regard de l’absence d’acte entrepris.

b. Sont susceptibles de recours devant les juridictions administratives en général, notamment les décisions (art. 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10) au sens de l’art. 4 LPA. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à cette mise en demeure (art. 62 al. 6 LPA).

La loi ne contient aucune disposition similaire en matière d’actes normatifs, étant précisé que la protection générale contre le déni de justice et le retard injustifié prévue à l’art. 29 al. 1 Cst. ne peut être invoquée que dans le cadre de l’application du droit, par voie décisionnelle, et non de son élaboration (ATF 137 I 305 consid. 2.4 ; 130 I 174 consid. 2.2).

c. Statuant sur le recours dirigé contre le refus d’un parlement cantonal de prolonger le mandat d’une commission pour l’égalité des sexes, le Tribunal fédéral a examiné la question, laissée ouverte dans la jurisprudence antérieure, de savoir si et à quelles conditions il pouvait statuer sur des recours dans lesquels était allégué le refus ou le retard excessif dans l’adoption d’un acte législatif (ATF 137 I 305 consid. 2). Établissant un lien entre l’inaction du législateur et la violation d’obligations positives, le Tribunal fédéral a précisé que les droits fondamentaux, en l’occurrence l’art. 8 al. 3 Cst., pouvaient imposer des obligations de protection dirigées principalement à l’encontre du pouvoir législatif (ATF 137 I 305 consid. 2.4 ; 126 II 300 consid. 5). Le mandat du législateur pouvait découler explicitement ou implicitement du droit fédéral ou international, que le recourant devait se limiter à revendiquer de manière soutenable au stade de la recevabilité du recours. Dans ce contexte, il devait mettre concrètement en évidence l’existence d’un mandat suffisamment clair et précis non seulement quant à l’existence d’un devoir d’agir mais également quant au contenu d’une telle obligation, ce qui était en particulier le cas de l’art. 8 al. 3 Cst. qui fondait un devoir de prendre des mesures ciblées pour réaliser l’égalité matérielle entre les sexes et combattre les stéréotypes en matière de répartition des rôles entre homme et femme. À l’inverse, tel n’était pas le cas si seule une obligation d’action générale du législateur existait, sans précision concrète sur la manière d’accomplir ce mandat (ATF 137 I 305 consid. 2.5).

d. Le pouvoir législatif appartient au Grand Conseil, auquel revient la compétence d’adopter et, partant, de modifier et abroger les lois (art. 89 et 91 al. 1 Cst-GE), le pouvoir de la chambre de céans d’annuler une loi dans le cadre du contrôle abstrait des normes étant réservé (art. 124 let. a Cst-GE). Généralement de nature cassatoire, le recours à la chambre constitutionnelle ne confère pas à cette dernière le pouvoir de réformer les actes normatifs attaqués devant elle dans le cadre du contrôle abstrait des normes (Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 337 s). Une juridiction constitutionnelle peut être amenée à prononcer l’annulation de normes pour le motif que les dispositions considérées ne comportent pas certaines garanties, notamment procédurales, et que de telles carences s’opposent à leur application (en particulier, ATF 140 I 381 ; ACST/12/2015 précité consid. 4c). Si la portée d’un tel arrêt se limite à ladite annulation, celle-ci n’en signifie pas moins en pratique que le législateur est invité à compléter les normes considérées, en elles-mêmes non critiquables, pour qu’elles puissent devenir applicables (ACST/12/2015 précité consid. 4c).

e. Selon l’art. 68 al. 3 Cst., la Confédération peut légiférer sur la pratique du sport par les jeunes et déclarer obligatoire l’enseignement du sport dans les écoles. L’art. 12 al. 4 LESp prévoit que l’enseignement à l’école obligatoire doit prévoir au moins trois périodes hebdomadaires d’éducation physique, et l’art. 49 al. 2 de l’ordonnance sur l’encouragement du sport et de l’activité physique (OESp - RS 415.01) précise que l’éducation physique doit comporter au moins trois leçons hebdomadaires aux degrés primaire et secondaire I.

3. a. En l’espèce, en faisant grief au Grand Conseil de ne pas avoir adopté de loi cantonale rendant obligatoire la tenue de trois heures de sport par semaine, les recourants se plaignent d’un déni législatif, qui serait contraire au droit supérieur, à savoir l’art. 68 Cst. et la LESp.

Outre le fait que la présente cause diverge de celle ayant donné lieu à la jurisprudence précitée en raison du grief tiré de la primauté du droit fédéral qui, bien que d’ordre constitutionnel, ne relève pas des droits fondamentaux au sens des art. 7 à 34 Cst., les recourants échouent également à rendre à tout le moins vraisemblable l’existence d’un mandat législatif à l’égard des cantons. En effet, l’art. 68 al. 3 Cst. s’adresse directement au législateur fédéral, en lui attribuant une compétence législative en matière de sport à l’école obligatoire, qu’il a concrétisée en adoptant l’art. 12 al. 4 LESp, lequel fixe le nombre minimal de périodes d’éducation physique à trois, sans pour autant donner mandat aux cantons de légiférer en la matière, les dispositions du droit fédéral leur étant directement opposables. Il en résulte que, de ce point de vue, le recours n’est pas recevable.

b. Toutefois, en tant que le recours est dirigé contre l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique, la chambre de céans est compétente pour en contrôler la conformité au droit supérieur, dans la mesure où les recourants allèguent l’existence de carences faisant obstacle à l’application du droit fédéral, en particulier que cette disposition ne contiendrait pas la mention des trois heures hebdomadaires d’éducation physique exigée par l’art. 12 al. 4 LESp, qu’il appartiendrait au Grand Conseil de mettre en œuvre au plan cantonal.

c. Interjeté dans le délai légal à compter de la promulgation de l’acte susmentionné, qui a eu lieu par arrêté du Conseil d’État du 11 novembre 2015, publié dans la FAO du 13 novembre 2015, et dans les formes prévues par la loi, le recours est recevable sous cet angle (art. 62 al. 1 let. d et 3 et 65 LPA).

4. a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). Il ressort de l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ que l’art. 60 al. 1 let. b LPA dans sa teneur actuelle, adoptée le 11 avril 2014 et entrée en vigueur le 14 juin 2014, formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/19/2015 précité consid. 1b ; ACST/13/2015 précité consid. 3a ; ACST/12/2015 précité consid. 2a ; ACST/7/2015 précité consid. 2a ; ACST/1/2015 précité consid. 3a ; ACST/2/2014 précité consid. 2a ; Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341-385, p. 380).

b. L’art. 111 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) précise que la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. En d’autres termes, le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie devant l’autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral de manière plus restrictive que ne le fait l’art. 89 LTF (ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_68/2015 du 13 janvier 2016 consid. 4.2 ; 2C_885/2014 du 28 avril 2015 consid. 5.1 ; 1C_663/2012 du 9 octobre 2013 consid. 6.5).

Aux termes de l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). L’art. 89 al. 1 LTF détermine la qualité pour recourir de manière générale, la subordonnant à trois conditions, qui, pour autant qu’elles soient cumulativement remplies (ATF 137 II 40 consid. 2.2), permettent aux personnes physiques et morales de droit privé, voire exceptionnellement aux personnes morales et collectivités de droit public, de recourir (Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2e édition, 2014, n. 11 ad art. 89 LTF).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris (Marcel Alexander NIGGLI/ Peter UEBERSAX/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2e édition, 2011, n. 13 ad art. 89 LTF). Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 141 I 36 consid. 1.2.3 ; 138 I 435 consid. 1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_91/2015 du 16 décembre 2015 consid. 6.1 ; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 2.3 ; 1C_518/2013 du 1er octobre 2014 consid. 1.2 non publié de l’ATF 140 I 381 ; 4C_2/2011 du 17 mai 2011 consid. 3 non publié de l’ATF 137 III 185).

La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 296 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 1.1).

c. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure, soit lorsqu’elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans ce dernier cas, la défense des intérêts de ses membres doit figurer parmi ses buts statutaires et la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d’entre eux, doit être personnellement touchée par l’acte attaqué (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; 130 I 26 consid. 1.2.1 ; 129 I 113 consid. 1.6 ; 125 I 369 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_91/2015 précité consid. 6.1 ; 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 1.2 ; 8C_184/2008 du 3 octobre 2008 consid. 2.1 ; ACST/13/2015 précité consid. 3s ; ACST/7/2015 précité consid. 2c ; ATA/932/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/654/2014 du 19 août 2014).

d. En l’espèce, les personnes physiques recourantes sont domiciliées dans le canton de Genève. Mme C______, mère d’un enfant né en 2010, est susceptible de se voir appliquer la loi contestée, ce qui suffit, en matière de contrôle abstrait d’une norme, pour admettre sa qualité pour agir, la question pouvant souffrir de rester ouverte s’agissant de MM. B______ et D______, parents d’enfants déjà majeurs.

Quant à l’A______, association au sens du droit privé, elle a également qualité pour recourir, dès lors que les maîtres d’éducation physique, membres dont elle est chargée statutairement de défendre les intérêts, sont pour une grande majorité d’entre eux directement touchés par la loi entreprise s’agissant des périodes de sport à enseigner.

Dans la mesure où le recours est dirigé contre l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique adoptée par le Grand Conseil le 17 septembre 2015, cette autorité a bien qualité pour défendre dans le cadre du présent litige.

Il résulte de ce qui précède que le recours contre l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique est également recevable de ce point de vue.

5. Saisie d’un recours, la chambre constitutionnelle contrôle librement le respect des normes cantonales attaquées au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE ; art. 61 al. 1 LPA) ; elle est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs qu’elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA), dans la mesure de la recevabilité du recours ou des griefs invoqués. Toutefois, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, l’acte de recours doit contenir un exposé détaillé des griefs du recourant (art. 65 al. 3 LPA). Selon l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ, en matière de recours portant sur un contrôle abstrait, il est nécessaire de se montrer plus exigeant que dans le cadre d’un recours ordinaire, le recourant ne pouvant se contenter de réclamer l’annulation d’une loi ou d’un règlement au motif que son contenu lui déplaît, mais, au contraire, doit être acheminé à présenter un exposé détaillé de ses griefs (ACST/13/2015 précité consid. 4a ; ACST/12/2015 précité consid 4b ; ACST/7/2015 précité consid 3a ; ACST/1/2015 précité consid 4b ; ACST/2/2014 précité consid 5a).

6. Les recourants concluent préalablement à l’appel en cause du Conseil d’État.

a. Aux termes de l’art. 71 LPA, l’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2).

Cette disposition doit être interprétée à la lumière de celles relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse, dès lors que l’institution de l’appel en cause ne doit pas permettre à des tiers d’obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue (ATA/280/2015 du 17 mars 2015 ; ATA/664/2012 du 2 octobre 2012 ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012). Elle a pour but, notamment, de sauvegarder le droit d’être entendu des personnes n’étant pas initialement parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2 ; 1C_505/2008 et 1C_507/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2).

b. En l’espèce, le recours est dirigé contre l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique, laquelle a été adoptée par le Grand Conseil. Dans ce cadre, le Conseil d’État se limite, en sa qualité d’autorité exécutive, à adopter les règlements et arrêtés nécessaires à la mise en œuvre de cette loi (art. 101 et 109 al. 4 Cst-GE), en fonction de son contenu, qui lui est opposable. Sa situation juridique n’est ainsi pas directement affectée par l’issue de la procédure. Par ailleurs, le point de vue du Conseil d’État au sujet de la troisième période de sport résulte des travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de la disposition litigieuse, notamment des arguments développés par la Conseillère d’État en charge du département devant la commission. Il s’ensuit que l’appel en cause du Conseil d’État ne se justifie pas, de sorte que la requête des recourants est rejetée.

7. Se prévalant de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), les recourants soutiennent que l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique est contraire au droit supérieur, à savoir l’art. 68 al. 3 Cst., tel que concrétisé par les art. 12 al. 4 LESp et 49 OESp, en ce qu’il ne prévoit pas la tenue de trois périodes d’éducation physique hebdomadaires à l’école obligatoire.

8. À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_223/2014 précité consid. 4 ; 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/19/2015 précité consid. 3 ; ACST/12/2015 précité consid. 5 ; ACST/7/2015 précité consid 3b ; ACST/1/2015 précité consid 5 ; ACST/2/2014 précité consid 5b). Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – aux droits fondamentaux. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 134 I 293 consid. 2 ; 130 I 82 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 précité consid. 4).

9. a. Selon l’art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Il en découle qu’en matière de droit public, dans les domaines dans lesquels le législateur fédéral a légiféré mais pas de façon exhaustive, les cantons ont la compétence d’édicter des dispositions dont les buts et les moyens convergent avec ceux que prévoit le droit fédéral. Le principe de la primauté du droit fédéral fait en revanche obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent les prescriptions du droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu’elles mettent en œuvre, ou encore qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon complète. L’exhaustivité de la législation fédérale constitue donc le critère principal pour déterminer l’existence d’un conflit avec une règle cantonale (ATF 140 V 574 consid. 5.1 ; 140 I 277 consid. 4.1 ; 140 I 218 consid. 5.1 ; 138 I 435 consid. 3.1 ; 137 I 167 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_28/2015 du 19 juin 2015 consid. 4 non publié de l’ATF 141 I 235 ; 1C_518/2013 précité consid. 3.1 non publié de l’ATF 140 I 381).

Savoir si un acte législatif fédéral est exhaustif est une question d’interprétation. Il faut rechercher si l’acte entend englober toute la matière sur laquelle il porte ou s’il a délibérément abandonné aux cantons le soin d’édicter les textes complémentaires qui pourraient leur paraître nécessaires au regard de leur situation propre. Même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine, en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n’est pas toujours privé de toute possibilité d’action. Ce n’est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 140 I 218 consid. 5.1 ; 138 I 435 consid. 3.1 ; 137 I 167 consid. 3.4).

Par ailleurs, selon une jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en matière de droit civil de procédure et non publiée au recueil officiel, bien que le droit fédéral doive, en soi, respecter la répartition constitutionnelle des compétences, il l’emporte néanmoins sur des dispositions cantonales contradictoires, y compris lorsque le canton a agi dans son domaine de compétence ; dès lors qu’en vertu de l’art. 190 Cst. les tribunaux sont tenus d’appliquer les lois fédérales, même inconstitutionnelles, la législation fédérale adoptée par la Confédération hors compétence l’emporterait aussi sur une règle cantonale contraire que le canton était habilité à édicter (arrêt du Tribunal fédéral 4C_1/2013 du 25 juin 2013 consid. 4.1.1). Cette formulation apparaît toutefois trop absolue ; en effet, selon la doctrine constitutionnelle récente quasi unanime, le droit fédéral contraire à la répartition des compétences ne prime que dans la mesure où il est couvert par l’art. 190 Cst. (Bernhard WALDMANN/Eva Maria BELSER/Astrid ÉPINEY, Bundesverfassung – Basler Kommentar, 2015, n. 5 ad art. 49 Cst. ; Giovanni BIAGGINI/Thomas GÄCHTER/Regina KIENER, Staatsrecht, 2e édition, 2015, § 9 n. 18 ; Luc GONIN, Droit constitutionnel suisse, 2015, p. 48 s ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, T. I, 3e éd., 2014, n. 112 p. 141 s ; Ulrich HÄFELIN/Walter HALLER/Helen KELLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 8e édition, 2012, n. 1180-1182 ; Pierre TSCHANNEN, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 3e édition, 2011, § 22 n. 18-20) ; or, cet article n’immunise que les lois fédérales et les ordonnances d’exécution reprenant strictement ces dernières. Certains auteurs retiennent même de manière plus absolue que le droit fédéral ne l’emporte sur le droit cantonal que lorsqu’il est conforme à la répartition constitutionnelle des compétences (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3e édition, 2013, n. 1086-1090, avec référence au Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20 novembre 1996, FF 1997 I 1 p. 218).

b. Dans les domaines dans lesquels il existe une compétence fédérale mise en œuvre par la législation fédérale, les cantons peuvent se voir confier des tâches spécifiques au moyen d’une délégation de compétence, qui peut figurer dans la législation fédérale, la Confédération pouvant édicter des directives et donner des instructions concernant la façon dont les cantons doivent exercer leurs compétences déléguées. Dans une telle situation, la Confédération doit toutefois respecter l’autonomie constitutionnelle des cantons en leur laissant une marge de manœuvre aussi large que possible tenant compte de leurs particularités (art. 46 al. 3 Cst.), dès lors qu’il appartiendra au droit cantonal de désigner les organes habilités à exercer cette compétence déléguée (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., n. 1067 ss et n. 1070 ; Pierre TSCHANNEN, op. cit., § 22 n. 23). L’esprit du fédéralisme commande qu’une certaine diversité cantonale subsiste même dans les domaines faisant l’objet d’une unification législative (Jean-François AUBERT/Pascal MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, n. 5 p. 407 ad art. 46 Cst.). Lorsqu’un canton, en dehors de sa compétence, reproduit dans sa législation, en termes absolument identiques, une règle figurant dans la législation fédérale, il n’y a certes pas de conflit de normes, mais de compétences, la norme cantonale n’ayant alors pas d’effet juridique propre, cet effet étant produit par la règle fédérale (Jean-François AUBERT/Pascal MAHON, op. cit., n. 6 p. 422 ad art. 49 Cst.).

10. a. L’instruction publique est du ressort des cantons (art. 62 al. 1 Cst.), lesquels sont néanmoins tenus de pourvoir à un enseignement de base suffisant, obligatoire et gratuit, ouvert à tous les enfants (art. 62 al. 2 Cst.). Depuis la création d’un « espace suisse de formation » en 2006, la Confédération et les cantons coordonnent leurs efforts et assurent leur coopération notamment par des organes communs (art. 61a al. 2 Cst.). Si leurs efforts de coordination n’aboutissent pas à une harmonisation de l’instruction publique concernant la scolarité obligatoire, l’âge de l’entrée à l’école, la durée et les objectifs des niveaux d’enseignement et le passage de l’un à l’autre, ainsi que la reconnaissance des diplômes, la Confédération légifère dans la mesure nécessaire (art. 62 al. 4 Cst.).

b. En matière de sport, l’art. 68 al. 3 Cst. permet à la Confédération de légiférer sur la pratique du sport par les jeunes et de déclarer obligatoire l’enseignement du sport dans les écoles. Dans ce cadre, elle lui octroie une compétence concurrente, non limitée aux principes, avec effet dérogatoire subséquent, qui l’habilite à légiférer et à intervenir directement dans les programmes scolaires ressortissant à la compétence des cantons (Jean-François AUBERT/Pascal MAHON, op. cit., n. 10 p. 547 s ad art. 68 Cst. ; Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die schweizerische Bundesverfassung, 3e éd., 2014, n. 27 p. 1420 ad art. 68 Cst. ; Daniel THÜRER/Jean-François AUBERT/Jörg Paul MÜLLER [éd.], Droit constitutionnel suisse, 2001, n. 16 p. 460 ; Bernhard WALDMANN/Eva Maria BELSER/Astrid ÉPINEY, op. cit., n. 8 p. 1191 ad art. 68 Cst. ; Piermarco ZEN-RUFFINEN, Droit du sport, 2002, n. 82 et 97 p. 35 et 38 ; Message, op. cit., FF 1997 I 1, p. 288). L’art. 68 al. 3 Cst. ne se prononce toutefois pas sur la portée de l’intervention de la Confédération, cette question étant affaire d’interprétation, notamment au regard de la nécessité de poser des règles de fond et de définir des organisations et des procédures fédérales ainsi que de l’opportunité de laisser aux cantons une marge de manœuvre pour la mise en œuvre du droit fédéral (Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], op. cit., n. 29 p. 1420 ad art. 68 Cst. ; Daniel THÜRER/Jean-François AUBERT/Jörg Paul MÜLLER [éd.], op. cit., n. 16 p. 460).

c. L’art. 68 Cst. met à jour et reprend les principes précédemment énoncés à l’art. 27quinquies al. 1 de l’ancienne Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874 (aCst.), selon lequel la Confédération avait le droit d’édicter des prescriptions sur la pratique de la gymnastique et des sports par la jeunesse et pouvait, par une loi, rendre obligatoire l’enseignement de la gymnastique et des sports dans les écoles, prescriptions fédérales qu’il appartenait aux cantons d’appliquer. L’art. 68 Cst. ne réserve toutefois plus son exécution par les cantons, l’art. 46 Cst. prévoyant désormais que les cantons mettent en œuvre le droit fédéral conformément à la Cst. et à la loi (cf. Message, op. cit., FF 1997 I 1, p. 289).

L’art. 27quinquies aCst. avait été adopté en 1970 afin de créer une base constitutionnelle permettant à la Confédération d’intervenir en matière de sport dans d’autres domaines que celui des seuls cours de préparation physique au service militaire, de manière à parer, dès la scolarité obligatoire, au manque de mouvement et à la sédentarisation croissante de la population (Message à l’appui d’un projet d’article constitutionnel 27quinquies sur l’encouragement de la gymnastique et du sport, FF 1969 II 1029, pp. 1029 et 1033).

11. a. La Confédération a concrétisé cette compétence par l’adoption de l’ancienne loi fédérale encourageant la gymnastique et les sports du 17 mars 1972 (aLGS ; RS 415.0), dont l’art. 2 al. 2 prévoyait que l’éducation physique était obligatoire dans toutes les écoles primaires, moyennes et professionnelles, y compris les écoles normales et les cours supérieurs de formation pédagogique, disposition s’appliquant tant aux filles qu’aux garçons (Message concernant l’encouragement de la gymnastique et des sports du 1er septembre 1971, FF 1971 II 785, p. 788 et 792).

L’ancien art. 1 al. 1 de l’ordonnance concernant l’encouragement de la gymnastique et des sports du 21 octobre 1987 (aOGS - RS 415.01), qui reprenait la teneur de l’ordonnance du même nom du 26 juin 1972, précisait que les cantons devaient veiller à ce que trois heures par semaine soient consacrées à l’éducation physique dans les écoles primaires et dans les écoles secondaires inférieures et supérieures.

b. Lors de la modification constitutionnelle concernant notamment la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, un remaniement de l’art. 68 al. 3 Cst. a été refusé, malgré une proposition visant à la suppression des trois heures de sport obligatoires dans les écoles et une résistance forte dans ce domaine, notamment de la part de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (ci-après : CDIP) dans une déclaration sur l’éducation au mouvement et la promotion de l’activité physique à l’école du 28 octobre 2005 (ci-après : la déclaration), la question ayant été renvoyée à une modification constitutionnelle ultérieure (Message concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons [RPT] du 14 novembre 2001, FF 2002 2155, p. 2317 s). L’art. 68 al. 3 Cst. n’a toutefois pas été concerné par la révision des articles constitutionnels sur la formation et n’a subi aucune modification dans ce cadre (RO 2006 3033 ; FF 2005 5159).

c. En 2009, le Conseil fédéral a présenté un projet de refonte de l’aLGS (projet de loi fédérale sur l’encouragement du sport et de l’activité physique, FF 2009 7479 ; ci-après : le projet), dont l’art. 12 prévoyait que l’éducation physique était obligatoire à l’école obligatoire et au degré secondaire, de même que dans les écoles professionnelles (al. 2) et que les cantons fixaient, après consultation de la Confédération, le nombre minimal de périodes d’éducation physique à l’école obligatoire et au degré secondaire supérieur et définissaient les normes de qualité applicables en tenant compte des besoins spécifiques à chaque degré d’enseignement (al. 3). En outre, l’art. 34 al. 2 du projet prévoyait, à titre de disposition transitoire, que jusqu’à l’entrée en vigueur dans les cantons de dispositions fondées sur l’art. 12 al. 3 de ce projet, le nombre minimal de périodes d’éducation physique à l’école obligatoire et au degré secondaire supérieur était de trois en moyenne par semaine d’enseignement.

Selon le message y relatif, en ne définissant que le principe de l’enseignement obligatoire du sport à l’école, la Confédération respectait les compétences cantonales en matière d’enseignement. Il revenait aux cantons de fixer, après consultation de la Confédération, le nombre minimal de périodes d’enseignement de cette matière, la législation fédérale se limitant à définir le principe de l’enseignement obligatoire de l’éducation physique. Cette collaboration permettait de garantir une intégration des exigences requises dans la législation cantonale et faisait primer le fédéralisme, les cantons pouvant édicter des dispositions uniformes dans le cadre de la CDIP (Message concernant la loi sur l’encouragement du sport et de la loi fédérale sur les systèmes d’information de la Confédération dans le domaine du sport du 11 novembre 2009, FF 2009 7401, p. 7424 et 7446 ; BO CN 2010 1258 ; BO CE 2010 1183).

Le projet du Conseil fédéral a donné lieu à d’intenses discussions en commission du Conseil national, si bien que celle-ci a adopté une modification du texte initialement présenté afin d’ancrer dans la loi un nombre minimum de leçons de sport, fixé à trois heures, durant la scolarité obligatoire (BO CN 2010 1245) et de biffer l’art. 34 al. 2 du projet en conséquence, propositions acceptées par ce conseil et défendue par la minorité du Conseil des États. L’expérience avait montré que l’exigence des trois leçons de sport hebdomadaires durant la scolarité obligatoire n’était pas uniformément respectée par les cantons, notamment pour des motifs financiers (BO CN 2010 1246). Certains d’entre eux n’avaient pas transposé cette obligation, de sorte que sa réglementation, au niveau législatif, s’imposait, ce d’autant que, contrairement au domaine de la formation professionnelle, la Confédération ne participait pas financièrement à l’école obligatoire et n’avait ainsi aucun moyen de pression pour en faire respecter la mise en œuvre autrement qu’en la concrétisant au niveau de la loi (BO CE 2010 1177, 1180). De plus, la Confédération ne pouvait pas vérifier comment et quand cette exigence était mise en œuvre dans les plans d’études adoptés par les cantons, même dans le cadre de la coopération intercantonale. Il se justifiait ainsi que, dans un seul domaine, négligé depuis des décennies, la Confédération intervienne activement pour décider ce qu’il fallait faire et assurer le respect, au niveau national, des trois périodes d’éducation physique (BO CE 2011 244, 367). Les cantons n’arrivaient au demeurant à aucune solution cohérente dans le cadre de leur coopération, alors même qu’une pratique uniforme s’imposait pour des motifs de santé publique (BO CE 2010 1178). Or, remettre à leur appréciation le soin de déterminer le nombre d’heures nécessaires dans cette discipline constituait un signal négatif à leur attention et un retour en arrière, ce d’autant que l’ingérence de la Confédération dans leurs compétences n’était, dans ce domaine, pas nouvelle. Cette situation pouvait en outre conduire à une diminution du nombre d’heures consacrées à l’éducation physique, alors même que la LESp visait à renforcer la place du sport de manière générale (BO CN 2010 1247, 1256, 1258 ; BO CE 2010 1180 s).

La majorité du Conseil des États se ralliait, quant à elle, à l’art. 12 al. 3 du projet présenté par le Conseil fédéral. La question principale ayant occupé les débats devant la chambre des cantons avait trait à la compétence de la Confédération d’adopter une telle réglementation, qui intervenait dans le domaine de la scolarité obligatoire, du ressort des cantons, y compris s’agissant de l’établissement des grilles horaires (BO CE 2010 1177. Voir Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], op. cit., n. 30 ss p. 1420 s ad art. 68 Cst. au sujet des opinions divergentes en la matière). Le maintien de la solution en vigueur permettait, au contraire de celle décidée par le Conseil national, une certaine flexibilité dans l’aménagement des heures dédiées aux activités physiques, par exemple en intégrant la troisième période d’éducation physique à des journées et camps sportifs (BO CE 2010 1178 s) et respectait ainsi le fédéralisme, qui subissait un démantèlement croissant, étant précisé que les cantons étaient suffisamment organisés et pragmatiques pour prévoir eux-mêmes le nombre d’heures de sport nécessaires (BO CE 2010 1182).

Au terme de débats nourris, les deux conseils ont finalement adopté, à l’issue de la conférence de conciliation, l’art. 12 al. 4 LESp, qui dispose que l’enseignement à l’école obligatoire doit prévoir au moins trois périodes hebdomadaires d’éducation physique. L’art. 49 OESp précise que l’activité physique et sportive doit être intégrée dans l’enseignement quotidien à l’école enfantine lorsque celle-ci est obligatoire ainsi que lors de deux premières années du degré primaire lorsque celui-ci en compte huit (al. 1). Sous cette réserve, l’éducation physique doit comporter au moins trois leçons hebdomadaires aux degrés primaire et secondaire I (al. 2). Dans les écoles du degré secondaire supérieur, l’éducation physique doit comporter au moins 110 leçons par année scolaire, qui sont réparties de manière régulière durant celle-ci (al. 3).

d. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a admis le recours dirigé contre un arrêt cantonal de dernière instance refusant d’entrer en matière sur un recours contre une décision d’un exécutif cantonal supprimant, pour des motifs d’économie, les cours d’éducation physique dans les écoles professionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_272/2012 du 9 juillet 2012). Il a considéré que cette problématique, qui dépassait une simple mesure organisationnelle à caractère interne (arrêts du Tribunal fédéral 2C_272/2012 précité consid. 4.4.3 et les exemples cités ; 2P.324/2001 du 28 mars 2002 consid. 3.2. et 3.3) était de nature à toucher aux droits et obligation des élèves, dès lors que les cantons étaient tenus, de par le droit fédéral, de dispenser des cours d’éducation physique dans les écoles professionnelles, de sorte que l’acte en cause était sujet à recours (arrêt du Tribunal fédéral 2C_272/2012 précité consid. 4.4.7).

Dans le même domaine, le Conseil fédéral, statuant sur un recours dirigé contre une décision d’un exécutif cantonal de suspendre les cours de sport pour les apprentis, avait déjà considéré qu’une telle mesure était contraire au droit fédéral, les compétences des cantons devant être exercées de manière conforme à celui-ci, lequel ne souffrait pas d’exceptions en matière de cours d’éducation physique, même pour des motifs tenant aux finances cantonales (décision du Conseil fédéral du 16 mai 2001, JAAC 2001/65.100, consid. 4 et 5).

12. a. En date du 29 octobre 1970, les cantons ont adopté le Concordat intercantonal sur la coordination scolaire (CICS - C 1 05) dans le but de créer une institution intercantonale de droit public aux fins de développer l’école et d’harmoniser les législations cantonales en la matière (art. 1 CICS). Les cantons se sont ainsi engagés à coordonner leurs législations scolaires, notamment en matière d’âge d’entrée à l’école, de durée de la scolarité ou encore de début de l’année scolaire (art. 2 CICS), à élaborer des recommandations à l’intention de l’ensemble des cantons, en particulier pour les plans d’études (art. 3 CICS), et à coopérer entre eux et avec la Confédération en matière de planification de l’éducation, de recherche pédagogique et de statistique scolaire (art. 4 CICS), déléguant à la CDIP l’exécution de ces tâches (art. 5 al. 1 CICS). Pour faciliter et développer la coordination en matière scolaire, ils se sont en outre regroupés en quatre conférences régionales, dont celle de Suisse romande et du Tessin (art. 6 al. 1 CICS). L’adoption, le 14 juin 2007, de l’Accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (concordat HarmoS), entré en vigueur le 1er août 2009, a permis d’actualiser la CICS et de concrétiser les nouveaux articles constitutionnels sur la formation en traitant de la durée et des objectifs des degrés scolaires, de l’enseignement des langues ainsi que des horaires.

b. Sur ces bases, les cantons romands et le Tessin ont adopté les Statuts de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (ci-après : CIIP) du 9 mai 1996, entrés en vigueur le 1er janvier 1997, organisme réunissant les magistrats des gouvernements des cantons en charge de la formation. Le 21 juin 2007, la CIIP a adopté la Convention scolaire romande (ci-après : CSR), qui prévoit un certain nombre de dispositions obligatoires de collaboration intercantonale pour les cantons membres en matière de scolarité obligatoire, notamment l’harmonisation des plans d’étude (art. 3 al. 1 let. d, 7 et 8 CSR). Le 27 mai 2010, la CIIP a adopté le plan d’études romand (ci-après : PER) qui définit, sur la base de standards nationaux, les objectifs d’enseignement et les attentes fondamentales pour chaque degré et pour chaque cycle de la scolarité obligatoire, sans pour autant induire une grille-horaire commune (art. 5 al. 1 du règlement d’application de la CSR du 25 novembre 2011).

13. a. En l’espèce, il n’est pas contesté qu’aux termes du droit fédéral, l’enseignement de l’éducation physique durant la scolarité obligatoire doit porter sur trois périodes hebdomadaires, exigence s’imposant aux cantons, qui doivent l’observer et s’organiser en conséquence. En effet, comme l’indiquent les travaux préparatoires relatifs à la LESp, c’est à cette fin que cette exigence, qui figurait précédemment dans une ordonnance du Conseil fédéral, à savoir l’aOGS, a été cristallisée au niveau législatif, dans le but de son observation plus stricte que par le passé par les cantons, et ce sur un plan national, indépendamment de la coordination, au niveau de la coopération intercantonale, des plans d’études en matière de scolarité obligatoire.

Bien que ce dernier domaine relève des compétences propres des cantons, la question de l’admissibilité d’une éventuelle ingérence de la Confédération dans celles-ci dépasse le cadre du présent litige. Elle a été tranchée par l’affirmative par le législateur fédéral, après d’intenses discussions au sein des deux conseils, et traduite par l’adoption d’une compétence fédérale en matière de sport à l’école. En tout état de cause, à l’instar de toute autorité, tant la chambre de céans que les autorités cantonales compétentes sont tenues d’appliquer les lois fédérales en vertu de l’art. 190 Cst., et en particulier de mettre en œuvre l’art. 12 al. 4 LESp.

Il s’ensuit qu’à teneur de cette disposition, les cantons sont tenus d’instituer trois heures hebdomadaires d’éducation physique durant la scolarité obligatoire, indépendamment de toute considération d’ordre financier, organisationnel ou ayant trait aux infrastructures en place, comme le relève d’ailleurs la jurisprudence susmentionnée, et sans égard aux sorties occasionnelles, aux camps de ski ou autres journées sportives planifiées en sus.

b. Encore convient-il de déterminer la forme sous laquelle cette obligation doit être mise en œuvre, en particulier s’il incombe de manière impérative, comme le soutiennent les recourants, au Grand Conseil de la consacrer au plan législatif, en l’occurrence dans la loi 11470 sur l’instruction publique.

En édictant la LESp, le législateur fédéral a utilisé la compétence en matière de sport que lui attribue l’art. 68 al. 3 Cst., qu’il a épuisée s’agissant du sport à l’école obligatoire en prévoyant que cette discipline doit être enseignée à raison de trois périodes hebdomadaires au moins, tant en adoptant l’art. 12 al. 4 LESp qu’en précisant cette disposition à l’art. 49 OESp. Pour ce motif déjà, la nécessité d’une reproduction de la norme en cause au plan cantonal s’avère dénuée de toute portée, en l’absence de compétence des cantons en cette matière.

Une telle obligation résulte ainsi précisément et expressément de la législation fédérale, sans que celle-ci ne doive encore être transposée par les cantons, du moins s’agissant des trois heures minimales de sport requise, dans un acte de rang législatif, les dispositions en cause leur étant directement opposables. C’est à cette fin spécifique que les trois périodes hebdomadaires d’éducation physique ont été consacrées par la législation fédérale, comme l’indiquent les travaux parlementaires, pour assurer leur respect au plan national et ce de manière uniforme, la Confédération n’ayant, en matière de scolarité obligatoire, pas d’autres moyens d’en contrôler la réalisation.

Cette volonté résulte également du fait que le projet initialement présenté par le Conseil fédéral, qui laissait une marge de manœuvre en faveur des cantons, n’a pas été suivi mais amendé par le Conseil national, proposition finalement acceptée par le Conseil des États à l’issue de la conférence de conciliation. À cela s’ajoute que la disposition transitoire du projet présenté par le Conseil fédéral a également été supprimée, ce qui démontre qu’une concrétisation législative par les cantons de l’art. 12 al. 4 LESp finalement adopté ne s’avère pas nécessaire pour leur imposer directement l’organisation de trois heures de sport par semaine dans leurs écoles.

c. Selon les recourants, le Grand Conseil aurait scellé le sort de la troisième heure de sport par le biais d’un silence qualifié dans la loi 11470 sur l’instruction publique. Cet argument ne peut pas davantage être suivi.

La lecture des travaux préparatoires ayant mené à l’adoption de la loi 11470 sur l’instruction publique met en évidence que celle-ci a été conçue comme une loi-cadre et que, dans un souci de clarté et de lisibilité, les éléments relevant du domaine réglementaire, à l’instar des programmes scolaires, en ont été ôtés. Face à l’amendement présenté lors des débats visant à introduire dans la loi la question des trois heures de sport hebdomadaires, les députés se sont montrés acquis à cette idée, tout en se refusant d’alourdir la loi de ce type de détail, sous peine de devoir le faire également pour d’autres matières, cette tâche étant dévolue au Conseil d’État et au département compétent lors de l’établissement des grilles horaires.

Dans ce contexte, comme précédemment mentionné, l’argument financier ou tenant au manque d’infrastructures pour tarder à mettre en œuvre la troisième heure de sport ne saurait être avancé, comme ont semblé le faire certains députés, puisque de telles considérations ne peuvent entrer en ligne de compte, conformément à la volonté clairement affirmée du législateur fédéral et de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Ce dernier a également admis le caractère justiciable des dispositions fédérales pertinentes, indépendamment de toute concrétisation par le législateur cantonal.

d. Il résulte des considérants qui précèdent que l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique n’est pas contraire au droit supérieur, de sorte que le recours sera rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

14. Les recourants, qui succombent, seront astreints, conjointement et solidairement, au paiement d’un émolument de CHF 1'500.- (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 14 décembre 2015 par l’A______, Madame C______ et Messieurs B______ et D______ contre l’art. 49 de la loi 11470 sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des recourants, au Grand Conseil et, pour information, au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Baldé et Cramer, MM. Dumartheray et Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :