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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4326/2015

ACST/6/2016 du 19.05.2016 ( ABST ) , REJETE

Recours TF déposé le 27.06.2016, rendu le 08.03.2017, REJETE, 2C_589/2016
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4326/2015-ABST ACST/6/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 19 mai 2016

 

dans la cause

 

A______

Monsieur B______

Monsieur C______,
représentés par Mes Thomas Barth et Romain Jordan, avocats

contre

GRAND CONSEIL
représenté par Me François Bellanger, avocat

 

 



EN FAIT

1. a. L’A______, constituée sous forme d’association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; art. 1 des statuts de l’A______), ayant son siège au domicile du président (art. 2 des statuts de l’A______), soit à Genève, a pour buts de défendre les intérêts généraux des directeurs d'établissements primaires genevois, soit les conditions-cadres nécessaires à leur travail (art. 3.1 des statuts de l'A______), de veiller à la sauvegarde des intérêts professionnels de chacun de ses membres, notamment en cas de difficultés (art. 3.2 des statuts de l'A______), et de contribuer au développement et aux progrès du système éducatif de l'enseignement obligatoire sur la plan genevois et romand (art. 3.3 des statuts de l'A______).

Son président est Monsieur D______, et sa vice-présidente Madame E______.

b. Messieurs C______ et B______ sont depuis 2008 directeurs d'établissements scolaires primaires, respectivement à F______ et G______.

2. Le 20 août 2012, trois députés au Grand Conseil ont déposé la motion (ci-après : M) 2100.

Cette dernière invitait le Conseil d'État « à modifier les attributions des directrices et directeurs d’établissement scolaire prévues par le règlement de l’enseignement primaire ([REP -] C 1 10.21) aux fins qu’ils consacrent 50 % de leur temps de travail à enseigner dans l’établissement, ou les établissements, qu’ils dirigent ».

Les motionnaires faisaient notamment valoir que le fait de garder un pied dans l’enseignement permettrait une réalisation optimale des missions du directeur d’établissement primaire, et qu’un « coup de pouce » apporté par les directeurs d’établissement aux enseignants serait le bienvenu. Enseigner dans l’établissement, ou les établissements, sous leur responsabilité permettrait aux directeurs de concrétiser au mieux les tâches qui leur sont imparties par le règlement de l’enseignement primaire et spécifiées dans le cahier des charges, et aurait pour conséquence de renforcer l’encadrement pédagogique des élèves qui n’ont pas encore pu bénéficier des retombées positives résultant de l’engagement de ces cadres supérieurs.

3. Le 17 décembre 2013, la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport (ci-après : la commission) a rendu son rapport sur la M 2100, lequel contenait un rapport de majorité favorable à la motion, et un rapport de minorité qui s'y opposait.

Le rapport de majorité (M 2100-A, p. 11 ss) relatait l'audition par la commission, le 18 septembre 2013 – soit quelque trois semaines avant l'élection du Grand Conseil pour la législature 2013-2018 –, de M. D______, président de l'A______, accompagné de Mme E______ et de Messieurs H______ et I______.

L'A______ dénonçait une confusion entre la problématique du mercredi matin et celle du cahier des charges des directions d'établissements. Les directeurs n'avaient pas le temps d'enseigner car leur charge était déjà lourde. La mise en place des directions dans les établissements primaires était désormais acceptée, légitimée et œuvrait dans le sens d’une amélioration des prestations publiques ainsi que d’une bonne gestion des ressources. La M 2100 n'allait pas dans le sens d’un renforcement de l’enseignement primaire mais plutôt de son affaiblissement. On pouvait même se demander si ses auteurs n'avaient pas l’intention de diminuer la proximité dont jouissaient les directeurs dans la conduite des établissements au détriment de la qualité de leur intervention.

4. Le 4 juin 2014, le Conseil d'État a déposé auprès du Grand Conseil le projet de loi (ci-après : PL) 11470, consistant en une refonte totale de la loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940 (aLIP - C 1 10).

Ledit projet ne contenait aucune disposition visant à ce que les directeurs des établissements primaires enseignent.

5. Le 26 juin 2014, le PL 11470 a été renvoyé sans débats à la commission.

6. Le 14 novembre 2014, le Grand Conseil a adopté, par 58 oui contre 30 non et une abstention, la M 2100, qui a donc été transmise au Conseil d'État.

7. Le 7 juillet 2015 a été déposé le rapport de la commission concernant le PL 11470 (PL 11470-A), comprenant un rapport de majorité et un rapport de minorité.

Ce dernier incluait une proposition d'amendement (insertion d'un art. 59), formulée en ces termes : « Les directeurs d’établissement consacrent une partie de leur temps de travail à l’enseignement ».

Le rapporteur de minorité la justifiait ainsi : « cet amendement propose une application claire de la motion 2100 qui demande que les directeurs d’établissement consacrent une partie de leur temps de travail à l’enseignement. La motion 2100 a été adoptée par le Grand Conseil le 14 novembre 2014 par une très large majorité et n’a à ce jour reçu aucune réponse écrite de la part du Conseil d’Etat malgré l’article 148 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01) qui stipule clairement que ledit Conseil doit répondre dans un délai de 6 mois. Le fait qu’entre-temps le nombre des directeurs d’établissement a fortement diminué pour se stabiliser définitivement à 58 (soit 58 ETP [équivalents temps plein]) n’y change rien. Les arguments restent identiques et présentent plusieurs avantages qu’ils convient de rappeler » (PL 11470-A, p. 456).

8. Le 17 septembre 2015, le Grand Conseil a adopté la loi 11470 (loi sur l'instruction publique, du 17 septembre 2015 - LIP - C 1 10) en trois débats. À teneur de son art. 149, l'entrée en vigueur devait en être fixée par le Conseil d'État.

L'amendement de la minorité concernant l'art. 59 a fait l'objet de discussions lors du deuxième débat, soit de la discussion article par article du projet de loi (http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010208/50/5/). La conseillère d'État en charge du département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP) a invité les députés à refuser l'amendement notamment en ces termes : « je regrette infiniment cet amendement ; même pas sur le fond, je dirais, car on peut en débattre, mais simplement parce que nous étions partis du principe que nous n'allions rien changer de fondamental dans cette loi, et que si on devait changer quelque chose, cela se ferait dans un autre cadre ; tous les groupes s'étaient engagés à déposer des projets de lois ad hoc si nécessaire ».

La rapporteuse de minorité a également relevé que ledit amendement n'avait pas été proposé en commission. Il a néanmoins, suite à un vote nominal, été accepté tel que proposé par 47 oui, 41 non et une abstention.

Lors du troisième débat a été proposé un amendement visant à abroger l'art. 59 tel que précédemment adopté. Mis aux voix, cet amendement a été refusé par 47 non contre 42 oui et 1 abstention. Un autre amendement a été proposé immédiatement après ce vote, visant à remplacer le mot « consacrent » par les mots « peuvent consacrer » ; il a été rejeté par 46 non contre 43 oui et une abstention.

9. Le 23 septembre 2015, le Conseil d'État a adopté l'arrêté de publication de la LIP.

10. Le 25 septembre 2015, l'arrêté précité a été publié, avec le texte de la LIP, dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

Il était indiqué que le délai référendaire venait à échéance le 4 novembre 2015.

11. Aucun référendum n'ayant été lancé contre la LIP, le Conseil d'État a adopté le 11 novembre 2015 l'arrêté de promulgation y relatif.

12. L'arrêté précité ainsi que le texte de la LIP ont été publiés dans la FAO du vendredi 13 novembre 2015.

13. Par acte posté le 11 décembre 2015, l'A______ et MM. C______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l'art. 59 de la LIP, concluant principalement à son annulation, et préalablement à ce qu'il soit donné acte au Conseil d'État de son engagement de ne pas fixer l'entrée en vigueur de l'art. 59 LIP jusqu'à droit jugé, subsidiairement à l'octroi de l'effet suspensif au recours.

Sur le fond, l'art. 59 LIP, qui faisait obligation d'enseigner aux directeurs d'établissements, avait été adopté sous forme d'amendement en séance plénière, sans entendre les intéressés ou leurs représentants – et ce alors qu'il s'agissait d'une norme modifiant significativement leur cahier des charges. De plus, les différents groupes parlementaires s'étaient engagés à voter la loi telle quelle sans formuler d'amendements. L'adoption de l'art. 59 LIP avait dès lors violé leur droit d'être entendu et leur liberté syndicale.

Certains directeurs ne disposaient pas des qualifications requises pour enseigner, et étaient ainsi susceptibles de se voir licencier pour inaptitude à remplir les exigences du poste, étant précisé que la législation en cause ne contenait aucune disposition transitoire, ce qui contrevenait aux principes constitutionnels de la confiance et de la bonne foi. Le principe de la confiance était également violé du fait du non-respect du protocole d'accord signé suite aux travaux de la « commission de fonctionnement » paritaire, ce long travail de concertation étant purement et simplement « rayé de la carte ».

Les députés s'étaient visiblement basés sur la prémisse erronée selon laquelle tous les directeurs étaient des enseignants ; ils avaient donc pris une décision ne reposant sur aucun motif objectivement défendable, et qui méconnaissait la répartition, d'ordre constitutionnel, des compétences en matière de gestion du personnel de la fonction publique.

L'art. 59 LIP posait enfin un problème en termes d'égalité de traitement, la fonction de directeur d'établissement primaire devenant la seule dont la loi formelle décrivait le cahier des charges.

14. Le 14 décembre 2015, le juge délégué a interpellé le Conseil d'État en lui demandant si la date d'entrée en vigueur de la LIP était connue ou pouvait être estimée.

15. Par arrêté du 16 décembre 2015 publié dans la FAO le 18 décembre 2015, le Conseil d'État a fixé la date d'entrée en vigueur de la LIP au 1er janvier 2016.

Par le biais de la chancelière d'État, il en a informé le juge délégué par courrier du 18 décembre 2015.

16. Le 21 décembre 2015, la conseillère d'État en charge du DIP a communiqué aux conseils des recourants les étapes prévues pour la mise en œuvre de l'art. 59 LIP, à savoir : 1) analyser la charge de travail actuelle des directeurs et directrices (janvier à juin 2016) ; 2) définir les modalités de mise en œuvre du temps de travail que les directeurs et directrices devraient consacrer à l'enseignement (janvier 2016) ; 3) amender le cahier des charges des directeurs et directrices (avril 2016) ; 4) effectuer les modifications réglementaires requises (avril 2016) ; et 5) effectuer les aménagements nécessaires au plan organisationnel (avril 2016).

17. Le 8 janvier 2016, le Grand Conseil a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif.

18. Par décision du 15 janvier 2016, la présidence de la chambre constitutionnelle a accordé l'effet suspensif au recours.

19. Le 4 février 2016, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

De manière générale, la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ne conférait pas aux citoyens le droit d'être entendus dans une procédure législative, la jurisprudence ne prévoyant que des exceptions limitées. L'art. 59 LIP posait le principe que les directeurs devaient consacrer une partie de leur temps à enseigner, sans dire toutefois combien de temps devait y être consacré, ni préciser le type d'enseignement. Une simple maturité gymnasiale étant suffisante pour effectuer des remplacements dans l'enseignement primaire, tous les directeurs pouvaient remplir de telles conditions.

L'adoption de l'art. 59 LIP n'était en aucun cas un accident, le législateur cantonal ayant confirmé le principe à quatre reprises (adoption de la M 2100, de l'art. 59 LIP et refus des deux amendements présentés en troisième débat).

Il n'existait pas de droit acquis quant aux tâches devant être accomplies par les directeurs du primaire. Un régime transitoire avait bel et bien été prévu, le DIP ayant mis en place un plan en cinq étapes pour l'instauration de la mesure en cause. Dire que le cahier des charges des fonctionnaires de l'instruction publique relevait des seules compétences du Conseil d'État méconnaissait le principe de la hiérarchie des normes.

L'art. 59 LIP avait été adopté en connaissance de cause, et donc de manière non arbitraire. Quant à l'égalité de traitement, elle n'imposait pas que les différentes règles de droit visant des postes comparables dans l'administration soient toutes de même rang.

20. Le 17 février 2016, les recourants ont sollicité la tenue d'une audience publique de plaidoiries, dont le principe a été admis par la chambre constitutionnelle après un échange de correspondance avec les conseils des recourants.

21. L'audience publique précitée a eu lieu le 17 mars 2016. Tant les recourants que le Grand Conseil ont persisté dans leurs conclusions.

À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE – A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2. Le recours est formellement dirigé contre une loi cantonale, à savoir la loi 11470 sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 et en particulier son art. 59, en l’absence de cas d’application (ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 1a ; ACST/13/2015 du 30 juillet 2015 consid. 2b ; ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 1b ; ACST/7/2015 du 31 mars 2015 consid. 1b ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 2 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 1b).

3. Interjeté dans le délai légal à compter de la promulgation de l’acte susmentionné, qui a eu lieu par arrêté du Conseil d’État du 11 novembre 2015, publié dans la FAO du 13 novembre 2015, et dans les formes prévues par la loi, le recours est recevable sous cet angle (art. 62 al. 1 let. d et 3 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

4. a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). Il ressort de l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ que l’art. 60 al. 1 let. b LPA dans sa teneur actuelle, adoptée le 11 avril 2014 et entrée en vigueur le 14 juin 2014, formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/19/2015 précité consid. 1b ; ACST/13/2015 précité consid. 3a ; ACST/12/2015 précité consid. 2a ; ACST/7/2015 précité consid. 2a ; ACST/1/2015 précité consid. 3a ; ACST/2/2014 précité consid. 2a ; Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341-385, p. 380).

b. L’art. 111 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) précise que la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. En d’autres termes, le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie devant l’autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral de manière plus restrictive que ne le fait l’art. 89 LTF (ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_68/2015 du 13 janvier 2016 consid. 4.2 ; 2C_885/2014 du 28 avril 2015 consid. 5.1 ; 1C_663/2012 du 9 octobre 2013 consid. 6.5).

Aux termes de l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). L’art. 89 al. 1 LTF détermine la qualité pour recourir de manière générale, la subordonnant à trois conditions, qui, pour autant qu’elles soient cumulativement remplies (ATF 137 II 40 consid. 2.2), permettent aux personnes physiques et morales de droit privé, voire exceptionnellement aux personnes morales et collectivités de droit public, de recourir (Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2e édition, 2014, n. 11 ad art. 89 LTF).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris (Marcel Alexander NIGGLI/ Peter UEBERSAX/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2e édition, 2011, n. 13 ad art. 89 LTF). Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 141 I 36 consid. 1.2.3 ; 138 I 435 consid. 1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_91/2015 du 16 décembre 2015 consid. 6.1 ; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 2.3 ; 1C_518/2013 du 1er octobre 2014 consid. 1.2 non publié de l’ATF 140 I 381 ; 4C_2/2011 du 17 mai 2011 consid. 3 non publié de l’ATF 137 III 185).

La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 296 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 1.1).

c. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure, soit lorsqu’elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans ce dernier cas, la défense des intérêts de ses membres doit figurer parmi ses buts statutaires et la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d’entre eux, doit être personnellement touchée par l’acte attaqué (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; 130 I 26 consid. 1.2.1 ; 129 I 113 consid. 1.6 ; 125 I 369 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_91/2015 précité consid. 6.1 ; 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 1.2 ; 8C_184/2008 du 3 octobre 2008 consid. 2.1 ; ACST/13/2015 précité consid. 3s ; ACST/7/2015 précité consid. 2c ; ATA/932/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/654/2014 du 19 août 2014).

d. En l’espèce, les personnes physiques recourantes sont domiciliées dans le canton de Genève et sont sans conteste susceptibles de se voir appliquer la loi contestée.

Quant à l’A______, association au sens du droit privé, elle a également qualité pour recourir, dès lors que les directeurs d'établissements scolaires du primaire, membres dont elle est chargée statutairement de défendre les intérêts, sont tous directement touchés par la loi entreprise.

Dans la mesure où le recours est dirigé contre l’art. 59 de la loi 11470 sur l’instruction publique adoptée par le Grand Conseil le 17 septembre 2015, cette autorité a bien qualité pour défendre dans le cadre du présent litige.

Il résulte de ce qui précède que le recours contre l’art. 59 de la loi 11470 sur l’instruction publique est également recevable de ce point de vue.

5. Les recourants se plaignent, dans un grief de nature formelle qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2 ; 135 I 279 consid. 2.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1026/2015 du 8 mars 2016 consid. 3), de ce que la disposition litigieuse a été adoptée au mépris de leur droit d'être entendu et de la liberté syndicale.

a. Tel que garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1062/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.1), celui d'avoir accès au dossier, celui d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 140 I 60 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_702/2014 du 16 octobre 2015 consid. 4.2). Il ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/311/2015 du 31 mars 2015), étant précisé que les considérations qui précèdent ne valent que dans le cadre de la prise par les autorités d'une décision administrative, soit d'une mesure individuelle et concrète.

b. Selon la jurisprudence, le citoyen n’a pas le droit d’être entendu dans la procédure législative (ATF 137 I 195 consid. 2.4 ; 131 I 91 consid. 3.1 = JdT 2006 I 507; 121 I 230 consid. 2 c ; 119 Ia 141 consid. 5c.aa = JdT 1995 I 415 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_299/2014 du 15 décembre 2014 consid. 2, non publié aux ATF 141 I 36). Un tel droit peut néanmoins découler de certaines normes constitutionnelles particulières ; les droits fondamentaux peuvent aussi imposer à l’État des devoirs de protection contre la lésion ou la mise en danger de biens constitutionnels protégés, ces devoirs visant au premier chef le législateur (ATF 137 I 195 consid. 2.4 ; 126 II 300 consid. 5 = JdT 2001 I 674, avec références). Une exception est aussi généralement admise lorsque certaines personnes (destinataires dits « spéciaux ») sont touchées de façon sensiblement plus grave que le plus grand nombre des destinataires « ordinaires », par exemple lorsqu'un décret de portée générale ne touche qu'un très petit nombre de propriétaires (ATF 134 I 269 consid. 3.3.1 ; 119 Ia 141 consid. 5 ; 106 Ia 76).

c. S'agissant des normes constitutionnelles particulières concernées, le Tribunal fédéral a admis que la liberté syndicale, garantie notamment par l'art. 28 al. 1 Cst., en faisait partie.

Cette disposition constitutionnelle prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non. Jurisprudence et doctrine distinguent la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La liberté syndicale individuelle donne au particulier le droit de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité (liberté syndicale positive), ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d'en sortir (liberté syndicale négative), sans se heurter à des entraves étatiques. Quant à la liberté syndicale collective, elle garantit au syndicat la possibilité d'exister et d'agir en tant que tel, c'est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres. Elle implique notamment le droit de participer à des négociations collectives et de conclure des conventions collectives (ATF 140 I 257 consid. 5.1 ; 129 I 113 consid. 1.3).

Un syndicat de la fonction publique peut également se prévaloir de la liberté syndicale collective (ATF 140 I 257 consid. 5.1.1 ; ACEDH Demir et Baykara c. Turquie [Grande Chambre] du 12 novembre 2008, req. 34503/97). Le Tribunal fédéral limite toutefois la portée de cette liberté au droit d'être entendu sous une forme appropriée lorsqu'il s'agit de la question de l'implication du syndicat de la fonction publique dans la préparation d'une loi ou d'un règlement, sous peine de porter atteinte au monopole de l'État en la matière (ATF 134 I 269 consid. 3.3.1 ; 129 I 113 consid. 1.4 et 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_701/2013 précité consid. 5.1.1 ; 2P.42/2006 du 3 juillet 2006 consid. 2.1).

d. La jurisprudence fédérale ne s'étend guère sur la nature de la « forme appropriée » devant permettre de mettre en œuvre le droit d'être entendu dans de tels cas ; elle n'indique en particulier pas qu'une audition préalable, au cas où elle serait prévue ou décidée, doive nécessairement se rapporter à l'objet parlementaire en cause entendu dans un sens formel (même projet avec cas échéant le même numéro d'objet).

Elle a cependant retenu, en lien avec une décision de portée législative mais se rapportant à l'exercice des droits politiques (validation d'une initiative populaire), qu'il y avait lieu de prendre en compte la structure et l'organisation spécifiques des parlements cantonaux lorsque ceux-ci rendent des décisions ou exercent des compétences juridictionnelles, la nature – factuelle ou purement juridique – des questions litigieuses, de même que les facultés que la procédure offre globalement aux intéressés, en particulier l'existence d'une possibilité de porter la décision en cause devant une autorité de recours jouissant d'un libre pouvoir d'examen (ATF 123 I 63 consid. 2d).

e. En droit genevois, l'art. 110 Cst-GE – situé dans le chapitre 2 du titre IV, consacré au Conseil d'État et non au Grand Conseil – prévoit que les communes, les partis politiques et les milieux représentatifs sont invités à se prononcer lors des travaux préparatoires concernant des actes législatifs et des conventions intercantonales importants, ainsi que sur les autres projets de grande portée. Le chapitre 1 du titre IV, qui porte sur le Grand Conseil, prévoit quant à lui que les commissions parlementaires peuvent se procurer des renseignements, mener des enquêtes et obtenir la collaboration active du pouvoir exécutif (art. 90 al. 4 Cst-GE). Le seul préavis requis constitutionnellement est celui du Conseil d'État, mais dans les cas où le Grand Conseil est appelé à statuer sur les relations extérieures et les affaires fédérales (art. 92 Cst-GE). L'art. 192 al. 1 LRGC indique quant à lui simplement que les commissions et sous-commissions procèdent aux auditions et consultations qu’elles jugent utiles.

6. En l'espèce, bien que l'art. 59 LIP ne s'applique qu'à un nombre de directeurs d'établissements pouvant être numériquement défini à un jour donné, il s'agit bel et bien d'une règle de droit qui s'applique à un nombre indéfini de personnes et de situations, notamment en raison du fait que sa durée n'est pas limitée dans le temps.

Force est également de constater que l'A______ a été entendue par l'intimé au sujet de l'obligation d'enseigner des directeurs d'enseignement primaire. Cette audition a eu lieu environ deux ans avant l'adoption de l'art. 59 LIP, soit le 18 septembre 2013, dans le cadre de l'examen de la M 2100. L'association a certes été entendue sous son ancien nom, mais bien par la voix de son président et de sa vice-présidente qui n'ont pas changé depuis lors. Ce qui apparaît déterminant est cependant que sa prise de position ait été connue du Grand Conseil – qui plus est de la commission parlementaire compétente pour traiter du PL 11470 – et qu'elle puisse être considérée comme encore actuelle lors de l'examen du PL 11470.

Que la composition de la commission ait changé postérieurement à l'audition en raison de la nouvelle législature n'est pas pertinent, un tel aléa pouvant parfaitement se produire lors du traitement du même objet parlementaire, et n'obligeant pas dans de tels cas à réentendre les intervenants qui se sont déjà exprimés et dont les prises de position ont déjà été notées dans des procès-verbaux de commission généralement très complets. Et que l'audition ait eu lieu dans le cadre de l'examen d'un objet parlementaire non susceptible de revêtir par la suite force obligatoire n'est pas davantage pertinent en l'espèce, dans la mesure notamment où l'on ne voit pas que l'A______ aurait pu prendre une autre position sur le fond pour cette seule raison. Le lien entre la M 2100 et la disposition en cause est du reste évident, l'amendement ayant été proposé en tant qu'application de la M 2100, qui restait alors sans réponse. Enfin, bien que cet argument revête un poids moindre, ni l'A______ ni MM. C______ et B______ ne sont intervenus auprès du Grand Conseil entre le 7 juillet et le 17 septembre 2015 pour demander le retour du PL en commission afin d'être auditionnés au sujet de l'amendement proposé par le rapport de minorité.

L'A______ ayant ainsi été entendue sous une forme appropriée par le Grand Conseil, le grief de violation du droit d'être entendu doit dès lors être écarté, la question de savoir si l'A______ disposait, au titre de la liberté syndicale collective, d'un réel droit d'être entendue dans la procédure législative pouvant ainsi être laissée ouverte. À ce dernier égard, il convient de retenir que MM. B______ et C______ ne pouvaient se voir reconnaître en l'espèce la qualité de destinataires spéciaux au sens de la jurisprudence, le cercle des destinataires présents et futurs de la règle n'étant pas suffisamment étroit pour leur reconnaître une telle qualité.

7. Les recourants invoquent ensuite, dans deux griefs séparés, la violation du principe de la confiance et de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst. et 9 al. 3 et 17 Cst-GE), ainsi que celle de l'égalité de traitement (art. 8 al. 3 Cst. et 15 al. 1 Cst-GE) et de la séparation des pouvoirs (art. 2 al. 2 cum 106 Cst-GE).

8. a. Saisie d’un recours contre un acte normatif, la chambre constitutionnelle contrôle librement la conformité de celui-ci avec le droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE ; art. 61 al. 1 LPA), à savoir – s’agissant, comme en l’espèce, d’une disposition légale formelle – au regard de la Constitution fédérale, du droit fédéral (y compris le droit international liant la Suisse), de la Constitution genevoise et des conventions intercantonales liant le canton de Genève. Elle ne saurait cependant censurer une norme conforme au droit supérieur au motif qu'elle serait inopportune ou dépourvue de pertinence, ou encore qu'une autre réglementation ou une autre formulation serait plus indiquée ou plus heureuse.

En outre, la chambre constitutionnelle est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs qu’elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA), dans la mesure de la recevabilité du recours ou des griefs invoqués. Toutefois, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, l’acte de recours doit contenir un exposé détaillé des griefs du recourant (art. 65 al. 3 LPA). Selon l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ, en matière de recours portant sur un contrôle abstrait, il est nécessaire de se montrer plus exigeant que dans le cadre d’un recours ordinaire, le recourant ne pouvant se contenter de réclamer l’annulation d’une loi ou d’un règlement au motif que son contenu lui déplaît, mais, au contraire, doit être acheminé à présenter un exposé détaillé de ses griefs (ACST/13/2015 précité consid. 4a ; ACST/12/2015 précité consid 4b ; ACST/7/2015 précité consid 3a ; ACST/1/2015 précité consid 4b ; ACST/2/2014 précité consid 5a).

b. À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_223/2014 précité consid. 4 ; 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/19/2015 précité consid. 3 ; ACST/12/2015 précité consid. 5 ; ACST/7/2015 précité consid 3b ; ACST/1/2015 précité consid 5 ; ACST/2/2014 précité consid 5b). Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – aux droits fondamentaux. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent à ce titre être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 134 I 293 consid. 2 ; 130 I 82 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 précité consid. 4).

Le principe de l'interprétation conforme à la Constitution trouve toutefois ses limites lorsque le texte et le sens de la disposition légale sont absolument clairs, quand bien même ils seraient contraires à la Constitution (ATF 141 II 338 consid. 3.1 ; 133 II 305 consid. 5.2 ; 131 II 710 consid. 5.4).

9. Le principe de la bonne foi (art. 9 Cst.) procure un droit à la protection de la confiance légitime du citoyen résultant des assurances reçues des autorités ou de tout autre comportement fondant des attentes déterminées de sa part, dans la mesure où ce comportement se réfère à un cas concret, qui touche le citoyen concerné (ATF 130 I 26 consid. 8.1 ; 129 I 161 consid. 4.1 et 4.2; 126 II 377 consid. 3a ; ATF 122 II 113 consid. 3b.cc = JdT 1998 I 570). Cette protection disparaît en règle générale en cas de modifications de la législation, étant donné que, selon le principe démocratique, l'ordre juridique peut en principe être modifié en tout temps. Le principe de la confiance ne peut s'opposer à une modification du droit que lorsque cette modification contrevient à l'interdiction de la rétroactivité ou porte atteinte à des droits acquis (ATF 130 I 26 consid. 8.1 ; 128 II 112 consid. 10b.aa; 122 II 113 c. 3b.cc = JdT 1998 I 570). En outre, selon la jurisprudence, il se peut aussi que, pour des motifs liés au respect des principes de l'égalité, de la proportionnalité, de la prohibition de l'arbitraire, ainsi que de la protection de la confiance, il s'impose, sur le plan constitutionnel, de créer le cas échéant une réglementation transitoire appropriée (ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 23d ; ACST/13/2015 du 30 juillet 2015 consid. 7). Celle-ci doit ainsi empêcher que des investissements réalisés de bonne foi se révèlent vains (ATF 130 I 26 consid. 8.1 ; 125 II 152 consid. 5; 123 II 433 consid. 9; 118 Ib 241 consid. 6c et 9b = JdT 1994 I 397) ; elle doit permettre aux administrés de s'adapter à la nouvelle réglementation et non pas de profiter le plus longtemps possible de l'ancien régime plus favorable (ATF 134 I 23 consid. 7.6.1 ; 123 II 385 consid. 9).

10. a. S'agissant de la formation requise pour enseigner, il s'agit d'une matière qui relève de l'instruction publique et donc d'une compétence constitutionnelle cantonale (art. 62 al. 1 Cst.). La convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR – C 1 07) prévoit à cet égard que la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (ci-après : la CIIP) coordonne les contenus de la formation initiale des enseignants sur l'ensemble du territoire de l'Espace romand de la formation.

b. À Genève, le DIP confie à une institution du tertiaire A la formation initiale des enseignants, conformément à ses besoins (art. 7 al. 11 LIP). Dans l’enseignement primaire, la nomination du maître généraliste est subordonnée à l’obtention d’un baccalauréat universitaire et d’un certificat complémentaire – mention enseignement primaire – de l’institution du degré tertiaire A chargée de la formation des enseignants ou d’une formation jugée équivalente par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique ; les titulaires d’un baccalauréat obtenu dans une haute école d’un autre canton ne sont pas astreints à une formation complémentaire (art. 129 al. 3 LIP). Le Conseil d’État fixe, dans un règlement, les critères d’admission à la formation initiale (art. 129 al. 4 LIP). Le nombre de places de stage et leur attribution sont déterminés par le département (art. 132 al. 1 LIP).

c. Pour cette formation initiale, les étudiants sont formés sous la responsabilité de l'Université de Genève par des études théoriques et pratiques selon les art. 129 al. 3 et 132 LIP (art. 12A al. 1 REP). Pour être admis à la formation professionnelle initiale, le candidat à la fonction de maître généraliste du degré primaire doit, cumulativement, avoir réussi le test de français organisé par l’Université de Genève et avoir le niveau B2 en allemand et en anglais, selon l’échelle du cadre européen commun de référence (art. 12B REP).

11. S'agissant du statut des directeurs d'établissements primaires, il est actuellement prévu essentiellement par le REP, avec renvoi à d'autres textes réglementaires pour certains aspects. Ainsi, la directrice ou le directeur est responsable de la direction pédagogique et administrative de l'établissement scolaire dont la direction lui est confiée (art. 10 al. 1 REP). Sur les plans administratif et pédagogique, la directrice ou le directeur d’établissement scolaire est chargé de mettre en œuvre les conditions d'une formation des élèves efficace et équitable. À cette fin et en fonction des objectifs pédagogiques du projet d'établissement, elle ou il est responsable : a) du bon fonctionnement et de l'évolution de l'établissement dans le domaine de l'enseignement ; b) du suivi collégial des élèves par les enseignantes et enseignants ; c) de la gestion des ressources humaines ; d) de la gestion administrative, financière et des services ; et e) de la gestion des relations, de la collaboration et de la communication internes et externes à l'établissement scolaire (art. 10 al. 2 REP). Elle ou il préside en outre le conseil d'établissement scolaire (art. 10 al. 3 REP).

Le REP distingue par ailleurs les directeurs d'établissement (art. 10 REP) du corps enseignant (art. 11 REP). Selon le DIP, les directeurs d'établissements primaires sont soumis non à la LIP mais à la LPAC exclusivement (ATA/97/2014 du 18 février 2014 consid. 2) ; la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a toutefois laissé la question ouverte à ce jour (ATA/97/2014 précité consid. 4 ; question non abordée dans l'ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015).

12. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, des valeurs sur lesquelles elle repose, de l’intérêt protégé ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales. Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important. Il n’y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair par voie d’interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause, ce qui peut découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 139 III 478 consid. 6 ; 138 II 440 consid. 13 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_600/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.1 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 7e).

13. Les recourants se plaignent tout d'abord de ce que l'art. 59 LIP, adopté sans aucun régime transitoire, pourrait avoir des conséquences lourdes pour les directeurs n'ayant pas de formation d'enseignant, pouvant aller jusqu'à un licenciement pour inaptitude à remplir les exigences du poste.

Aucune méthode d'interprétation ne permet toutefois de faire une projection aussi alarmiste. Rien ne permet certes d'exclure que certains députés ayant voté l'amendement aient ignoré que tous les directeurs d'établissements primaires ne disposaient pas d'une formation d'enseignant du degré primaire. Le texte de la disposition litigieuse prévoit toutefois seulement que les directeurs d'établissement consacrent une partie de leur temps à l'enseignement ; il ne précise pas de quel type d'enseignement il s'agit, et encore moins que les conditions de formation et d'engagement applicables aux membres du corps enseignant le soient aussi aux directeurs d'établissement, dont le statut reste en tout état distinct. L'art. 129 LIP ne leur est – du moins selon la position du DIP en matière de contentieux de la fonction publique – pas applicable, et l'on peut considérer l'art. 59 LIP comme fondant non seulement le devoir mais aussi le « droit d'enseigner » des directeurs d'établissements primaires (lesquels sont du reste des universitaires), ceci même par dérogation aux conditions applicables aux enseignants. Quant au DIP, il a annoncé plusieurs étapes préparatoires en vue de mettre en œuvre l'art. 59 LIP, sans toutefois évoquer de possible mise à l'écart des directeurs n'ayant pas une formation d'enseignant du primaire.

À cet égard, on doit constater qu'il y a de nombreuses possibilités de mise en œuvre – le cas échéant progressive – de la nouvelle norme, et que rien ne s'oppose en l'occurrence, au gré de la portée qui sera attribuée à cette dernière, à l'instauration d'un régime transitoire par voie réglementaire ou même administrative.

De surcroît, même si l'on devait considérer que les conditions de formation et d'engagement du corps enseignant étaient applicables aux directeurs d'établissement, il resterait possible d'interpréter l'art. 59 LIP de manière conforme aux principes constitutionnels de la confiance et de la proportionnalité, en admettant que parmi les actuels directeurs d'établissement, seuls ceux disposant d'une formation d'enseignant seraient immédiatement tenus de le faire, quand bien même il serait exigé des directeurs nouvellement engagés qu'ils soient au bénéfice d'une formation d'enseignant du degré primaire, et/ou que les directeurs en place ne disposant pas d'une formation seraient tenus d'en suivre une qui soit adaptée à leur situation. En interprétant la norme de cette manière, il n'y aurait nul besoin de créer un régime transitoire de rang légal, le risque de licenciement pour inaptitude aux exigences du poste ou d'autre inconvénient majeur pour les intéressés étant écarté en des temps et pour des motifs heurtant des principes constitutionnels.

L'art. 59 LIP ne viole dès lors pas les principes de la confiance et de la bonne foi sous l'angle considéré.

14. a. Les recourants considèrent que ces principes seraient également violés du fait du non-respect du protocole d'accord faisant suite aux travaux de la « commission de fonctionnement » paritaire.

b. En matière de législation sur la fonction publique, le Tribunal fédéral a considéré que le principe de la confiance n'interdit la modification de la rémunération des agents publics qu'en présence de droits acquis (arrêt du Tribunal fédéral 1C_313/2010 du 29 novembre 2010 consid. 2.3) ; il en va de même en cas de modifications des prestations dans une caisse de pension publique (ATF 134 I 23 consid. 7.2). Il ne peut en aller différemment s'agissant d'une modification du cahier des charges des agents publics. En effet, les actes ayant pour objet l'exécution même des tâches qui incombent à un agent public en déterminant les devoirs attachés au service, au nombre desquels figure le cahier des charges, sont qualifiés par la jurisprudence constante d'actes internes à l'administration (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; 131 IV 32 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_192/2010 du 29 novembre 2010 consid. 7.3).

Or le fait que les directeurs actuellement en poste aient été engagés sur la base d'une annonce de poste qui ne serait par hypothèse plus valable désormais, ou qu'ils aient été soumis à un cahier des charges que l'art. 59 LIP viendra modifier, ne peut être tenu pour un droit acquis. L'art. 12 al. 1 LPAC (auquel correspond l'art. 134 al. 2 LIP pour les membres du personnel enseignant) prévoit que même l’affectation d’un membre du personnel, et non seulement l'attribution de telle ou telle de ses tâches, dépend des besoins de l’administration ou de l’établissement et peut être modifiée en tout temps. Quant à la jurisprudence précitée, si elle admet que dans une certaine mesure, la garantie de l'accès au juge (art. 29a Cst.) doit permettre de contrôler si un changement d'affectation répond bien aux besoins du service, et que la nouvelle activité de l'agent doit répondre à ses aptitudes sans porter atteinte à la considération à laquelle il pourrait prétendre (ATF 136 I 323 consid. 4.4 à 4.6), elle n'en fait pas pour autant du maintien du cahier des charges un droit acquis.

c. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 141 I 161 consid. 3.1 et les arrêts cités ; ATA/303/2016 du 12 avril 2016 consid. 6c et les arrêts citées).

En l'espèce, les recourants font référence dans leur acte de recours à l'« accord de la commission de fonctionnement paritaire » qui a débouché sur la création du statut de directeur d'établissement primaire. Ils ont également évoqué l'entente au sein de la commission parlementaire en vue de ne pas déposer d'amendements de fond en séance plénière en réservant le dépôt de projets de lois spécifiques en cas de velléités de modification de fond de la LIP.

Toutefois, dans le cadre du processus législatif, les deux « accords » précités ne sauraient avoir valeur d'assurance donnée au sens de la jurisprudence ; et même s'ils l'avaient, il est évident que – respectivement – la commission paritaire ou le département, d'une part, et les différents groupes parlementaires (et a fortiori leurs représentants en commission), d'autre part, n'agiraient alors pas dans le cadre de leurs compétences, celle d'adopter les lois au sens formel revenant au Grand Conseil dans son ensemble de par la Cst-GE (art. 91 al. 1 Cst-GE, étant précisé que dans une mesure non négligeable, l'attribution au parlement cantonal de cette compétence découle également de la Cst. elle-même, par le biais de la jurisprudence du Tribunal fédéral : Vincent MARTENET, L'autonomie constitutionnelle des cantons, 1999, p. 377 s.).

Les principes de la confiance et de la bonne foi ne sont dès lors pas violés sous cet angle, si bien que le grief doit être écarté dans sa totalité.

15. a. Les recourants invoquent ensuite que l'art. 59 LIP violerait le principe de l'égalité de traitement, au motif que la fonction de directeur d'un établissement primaire serait la seule dont la loi décrit le cahier des charges.

b. Un arrêté de portée générale viole le principe de l'égalité dans la loi garantie par l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances ; il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 130 V 18 consid. 5.2). La question de savoir s'il existe un motif raisonnable pour une distinction peut recevoir des réponses différentes suivant les époques et les idées dominantes ; le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de ces principes (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 136 I 1 consid. 4.1 ; 127 I 185 consid. 5).

c. L'individu qui se prévaut d'une inégalité dans la loi doit démontrer que lui-même, un groupe de personnes dont il fait partie ou encore une situation qui le concerne sont traités différemment d'un tiers à la comparaison, c'est-à-dire une autre personne, un autre groupe de personnes ou une autre situation, alors que les uns et les autres ont un ou plusieurs points communs importants qui l'emportent, de prime abord, objectivement sur leurs différences ou, à tout le moins, ne sont pas clairement secondaires à celles-ci (Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, n. 65).

d. Les recourants n'explicitent nullement quels seraient en l'espèce le ou les tiers concernés. Vu l'argument invoqué selon lequel ils seraient les seuls à être dans la situation qu'ils décrivent, on ne peut qu'en déduire que le groupe en cause serait composé de tous les autres agents de la fonction publique genevoise. Or il est douteux qu'un groupe aussi large et hétérogène puisse réellement servir de base à la comparaison décrite plus haut.

e. Il est ensuite inexact d'affirmer que l'art. 59 LIP serait le premier cas de tâche d'un agent public décrite directement par une loi. Même si la chose est rare, tout ou partie des tâches de certains agents publics non indépendants de l'administration sont décrites dans des lois au sens formel, comme le délégué à l'intégration des étrangers (art. 6 de la loi sur l'intégration des étrangers, du 28 juin 2001 - LIEtr - A 2 55), le délégué à la Genève internationale (art. 3 de la loi sur les relations et les développement de la Genève internationale, du 2 décembre 2004 - LGI - A 2 65), les agents de la police municipale (art. 5 de la loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes, du 20 février 2009 - LAPM - F 1 07) ou encore l'architecte cantonal (art. 3 de la loi sur la fonction d'architecte cantonal, du 10 novembre 1995 - LFAC – L 1 57). On peut au demeurant relever que si l'art. 59 LIP décrit une nouvelle tâche des directeurs d'établissements primaires, il ancre du même coup cette fonction dans la loi.

f. Les recourants ne démontrent en outre pas que le législateur ait réellement établi des distinctions juridiques en apportant des précisions sur une catégorie de destinataires de la loi et pas sur une autre. Ainsi, dans le cadre de l'activité législative, la marge de manœuvre du législateur est très vaste ; pour ne prendre qu'un exemple, si l'art. 95 al. 1 Cst. donne à la Confédération le droit de légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées, le législateur fédéral a choisi de n'en réglementer que certaines, et le législateur cantonal de même, cette fois dans le cadre de sa compétence résiduelle ; il n'en résulte pas pour autant d'inégalité de traitement pour les membres des professions réglementées par rapport à ceux des professions non réglementées.

Même à admettre qu'une distinction juridique ait été établie, les recourants n'indiquent absolument pas en quoi le traitement différent prétendument injustifié se rapporterait à une situation de fait importante. À cet égard, que certaines tâches spécifiques d'une catégorie d'agents publics soient prévues par la loi, par le règlement ou par une simple ordonnance administrative, voire un acte purement interne à l'administration, ne change au premier abord rien au statut des intéressés.

f. Les recourants n'ont ainsi pas démontré que le groupe de personnes dont ils font partie (pour les deux directeurs) ou qu'ils représentent (pour l'A______) ait été traité différemment d'un tiers à la comparaison. Le grief d'inégalité de traitement dans la loi sera dès lors écarté.

16. a. Les recourants allèguent que l'art. 59 LIP violerait le principe de la séparation des pouvoirs, car il ignorerait la répartition, d'ordre constitutionnel, des compétences en matière de gestion du personnel de la fonction publique.

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de la séparation des pouvoirs est garanti au moins implicitement par toutes les constitutions cantonales. Il impose le respect des compétences établies par la Constitution et interdit à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe. En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 141 V 688 consid. 4.2.1 ; 134 I 322 consid. 2.2 ; 130 I 1 consid. 3.1).

c. Cela étant, ce principe est garanti explicitement par l'art. 2 al. 2 Cst-GE. Dès lors qu'il est ici plaidé non pas que le pouvoir exécutif aurait empiété sur les prérogatives du législateur, mais l'inverse, il convient d'examiner si des normes constitutionnelles genevoises spécifiques interdisent au Grand Conseil d'adopter des règles légales formelles sur le sujet en cause.

d. Le pouvoir législatif appartient au Grand Conseil, auquel revient la compétence d’adopter et, partant, de modifier et abroger les lois (art. 80 et 91 al. 1 Cst-GE ; ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 4c). Au plan fédéral, il est admis que le législateur peut régler s'il le souhaite des points de moindre importance dans une loi formelle, quand bien même l'art. 164 Cst. prévoit quel type de normes doit figurer dans une loi au sens formel (Bernhard WALDMANN/ Eva Maria BELSER/Astrid ÉPINEY [éd.], Bundesverfassung – Basler Kommentar, 2015, n. 7 ad art. 164 et les nombreuses références citées sous note 25 ; Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die schweizerische Bundesverfassung – St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, n. 9 ad art. 164 Cst. ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd., 2013, n. 1528). À Genève, le constituant cantonal n'a pas adopté de règle constitutionnelle limitant expressément le pouvoir du Grand Conseil de légiférer, celui-ci s'étendant à « toutes les normes primaires, infraconstitutionnelles, générales et abstraites dont la Constitution ou la loi ne confient pas expressément l'adoption à un autre organe » (Andreas AUER, La loi en droit genevois, in Andreas AUER/ Walter KÄLIN [éd.], La loi en droit public cantonal, 1990, 141-158, p. 144, article écrit sous l'empire de l'ancien droit).

e. Le Conseil d'État exerce le pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE). Il organise l’administration cantonale en départements et la dirige (art. 106 al. 1 Cst-GE), toute modification de la composition des départements étant néanmoins soumise pour approbation au Grand Conseil (art. 106 al. 2 2e phr. Cst-GE). Le Tribunal fédéral a retenu en 2012 – donc sous l'empire de l'ancien droit constitutionnel genevois – qu'en matière de fonction publique cantonale, le Conseil d'État était habilité à édicter des règlements indépendants, voire des directives (ATF 138 I 196 consid. 4.4.1). En matière de législation formelle, le Conseil d'État dirige la phase préparatoire de la procédure législative (art. 109 al. 1 Cst-GE), peut présenter des projets de loi et amendements (art. 109 al. 2 Cst-GE), est chargé de la promulgation et de l'exécution des lois (art. 109 al. 4 Cst-GE), et dispose encore d'autres facultés prévues par le droit parlementaire (voir not. les art. 63, 65 et 192 al. 3 LRGC).

f. Les recourants n'expliquent pas en quoi l'art. 106 al. 1 Cst-GE restreindrait le pouvoir législatif du Grand Conseil dans le domaine de la fonction publique au point de l'empêcher de pouvoir adopter une règle d'organisation dans une loi formelle. La doctrine n'évoque pas non plus une telle restriction (voir David HOFMANN, Le Conseil d'État dans la Constitution genevoise du 14 octobre 2012, in David HOFMANN/Fabien WAELTI [éd.], Actualités juridiques de droit public 2013, 2013, 111-159, spécialement pp. 124 s. et 131-135 ; Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, op. cit., spéc. p. 353 s. : « Excepté l'état de nécessité mentionné à l'art. 113 al. 1 Cst-GE, la Constitution ne contient en effet pas de clause générale permettant au Conseil d'État de se substituer au Grand Conseil », même si « l'art. 106 al. 1 Cst-GE permet au pouvoir exécutif de déterminer la dénomination, le statut et les compétences des entités qui la composent »). Tout au plus pourrait-on envisager une violation de la répartition constitutionnelle des compétences si le Grand Conseil adoptait, sans l'accord du Conseil d'État, une loi fixant de manière extensive et détaillée l'organisation de l'administration ou les tâches des agents publics ; or tel n'est pas le cas ici, dès lors que l'amendement en cause, même s'il n'a pas eu l'aval de l'exécutif, ne prévoit qu'une seule nouvelle tâche pour une catégorie précise d'agents publics, en laissant qui plus est au Conseil d'État une ample marge de manœuvre quant à la concrétisation de cette mesure, puisque ne sont prévus ni le type d'enseignement ni – au contraire de la proposition contenue dans la M 2100 – le nombre ou la proportion d'heures dévolues à l'enseignement.

g. Il en découle que le grief de violation de la séparation des pouvoirs doit être écarté.

17. a. Enfin, dans un grief articulé seulement au stade de la subsomption des deux griefs précédemment examinés, les recourants font valoir que l'art. 59 LIP serait constitutif d'arbitraire dans la loi, les députés n'ayant pas voté l'amendement correspondant en intégrant les paramètres utiles, dans la mesure où ils seraient partis de l'idée que les directeurs d'établissements primaires étaient tous au bénéfice d'une formation d'enseignant.

b. Un arrêté est arbitraire lorsqu'il ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni but (ATF 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 133 I 259 ; 129 I 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2015 du 29 mars 2016 consid. 4.2).

c. La chambre constitutionnelle, comme déjà mentionné, ne contrôle pas l'opportunité ou le caractère judicieux des normes qui sont déférées devant elles, mais seulement leur conformité au droit supérieur. Cela étant, les motifs avancés par l'auteur de l'amendement – et, par contrecoup puisqu'il y renvoie, par les auteurs de la M 2100 –, s'ils sont considérés comme contestables par les recourants, et ont du reste été contestés lors des débats parlementaires par la conseillère d'État en charge du DIP, ne peuvent être qualifiés de subjectifs ou de peu sérieux, la réglementation en cause n'étant pas dépourvue de sens ni de but.

Quant au fait que certains députés – dont le nombre est au demeurant inconnu – aient pu voter cette disposition en ignorant que certains directeurs d'établissements primaires n'étaient pas au bénéfice d'une formation d'enseignant, il ne permet pas de retenir que la norme en cause ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs au sens de la jurisprudence fédérale, qui est dans ce domaine restrictive.

18. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

19. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2015 par l'A______ et Messieurs B______ et C______ contre la loi 11470 du 17 septembre 2015 sur l'instruction publique ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge conjointe et solidaire de l’A______ et de Messieurs B______ et C______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Thomas Barth et Romain Jordan, avocats des recourants, à Me François Bellanger, avocat du Grand Conseil et, pour information, au Conseil d'État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Baldé et Cramer, MM. Dumartheray et Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :