Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/848/2024 du 29.08.2024 ( LCI ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 29 août 2024
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dans la cause
Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Andreas FABJAN, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Madame A______ et Monsieur B______ sont propriétaires de la parcelle n° 2______ de la commune de D______ (ci-après : la commune), située chemin I______[GE], en zone 4B protégée.
D’une surface de 60 m2, cette parcelle accueille, à teneur du registre foncier, une habitation de la même superficie.
2. Le bâtiment sis sur la parcelle n° 2______ a fait l’objet d’un recensement architectural du Canton de Genève (ci-après : RAC) le 23 août 1984, portant le n° 1______, à l’issue duquel il s’est vu attribuer la valeur « 4+ ».
Selon le document « Critères et définitions des valeurs attribuées aux bâtiments » établi par le service des monuments et des sites (ci-après : SMS), cette valeur correspond à la catégorie « bien intégré (volume et substance) » et porte sur un « objet ancien dont la qualité spécifique est d’être bien intégré dans un ensemble construit (rue de bourg, village, hameau, murs, etc.) […] ; l’effet d’ensemble qu’il provoque est plus important que l’objet lui-même ; l’objet est intéressant sur le plan local et plus particulièrement dans le cadre de son entourage avec lequel il s’harmonise parfaitement, cette intégration soulignant la valeur propre de l’objet qui ne s’impose pas d’emblée ; architecture sans qualité remarquable, mais sans défaut gênant ».
La fiche de recensement 1______ - à laquelle sont jointes deux photographies dont le contenu sera repris dans la partie « En droit » ci-après en tant que de besoin - indique, au titre de remarques, « Bâtiment ancien coupé en deux propriétés traitées de façon différente. Traitement général à améliorer et réunifier. Joli volume avec toit à pavillon-croupe. Petits percements irréguliers. Quelques huisseries anciennes conservées. Faç. rue, crépi ocre mal adapté, recouvrant partiellement les encadrements, regrettable. Escalier extérieur remplacé par édicule avec terrasse, regrettable. À l’arrière, transformation complète, tous encadrements en ciment ou simili, pas dans l’esprit ».
3. Par requête - enregistrée le ______ 2003 par le département des travaux publics et de l’énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT), sous le n° APA 3______ -, les époux C______, alors propriétaires de la parcelle n° 2______, ont sollicité, par le biais de Monsieur E______, ingénieur, la délivrance d’une autorisation portant sur le remplacement et la fermeture d’un couvert existant par un jardin d’hiver et la création d’un velux sur cette parcelle.
4. Il ressort du courrier de M. E______ daté du 24 mars 2003 et portant un tampon de réception du DT du 26 octobre 2005, versé au dossier par Mme A______ et M. B______, que les époux C______ avaient décidé de ne pas donner suite à l’APA précitée, de sorte que le classement du dossier était requis.
5. À teneur de la plateforme de l’État de Genève SAD-Consult, le statut de cette demande d’APA est « archivé » depuis le 1er novembre 2005, avec la précision que le projet avait été abandonné. Figure également la mention « Demande de complément DAEL-DPS-sms » en date du 25 février 2003.
6. Le système d’information du territoire genevois (ci-après : SITG) consulté ce jour fait état de la présence d’une véranda sur la parcelle n° 2______, avec la mention, dans la rubrique « no_autorisation », de l’APA 3______/1, dont le statut est « archivé ».
7. Par requête du 4 avril 2023, accompagnée de plans et de documents, enregistrée sous le n°APA 4______/1, F______ Sàrl a sollicité auprès du DT, pour le compte de Mme A______ et M. B______, la délivrance d’une autorisation de construire portant sur la rénovation du jardin d’hiver, sis sur la parcelle n° 2______, ainsi que le remplacement de deux fenêtres et de la porte d’entrée.
8. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’office cantonal de l’eau, l’office cantonal des transports, la police du feu, la direction de l’information du territoire, l’office cantonal du génie civil, la commune et l’office cantonal de l’énergie ont émis des préavis favorables avec ou sans observations, conditions et/ou souhaits, après avoir, cas échéant, requis la production de pièces complémentaires :
- par préavis du 12 avril 2023, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a requis la production de pièces complémentaires. Elle n’avait pas trouvé d’autorisation relative à la création d’une véranda, mais uniquement l’APA 3______, dans laquelle l’abandon du projet avait été annoncé. Cette situation étant susceptible de constituer une infraction à l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), la production d’une éventuelle autorisation était requise. Au titre de modifications sollicitées, la véranda devait être réalisée en matériaux légers et être entièrement vitrée.
Après avoir rappelé, par préavis des 3 et 25 mai 2023, ses demandes de transmission d’informations et de modifications et requis la production de documents complémentaires, la DAC s’est prononcée défavorablement le 2 juin 2023. L’état existant était non autorisé. La façade sud-ouest en mitoyenneté (parcelle n° 6______) n’était pas translucide au sens des art. 33 et 34 LCI. Les murets des façades devaient être réduits pour convenir au principe d’une véranda entièrement vitrée. Seule la véranda projetée devait figurait en rouge sur le plan cadastral (art. 10B du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01)). La rubrique « Articles de loi mentionnés » indiquait les dispositions légales et réglementaires précitées.
Par préavis défavorable du 5 juin 2023, cette instance a confirmé le contenu de son dernier préavis, dont la rubrique « Articles de loi mentionnés » faisait désormais état, en sus des dispositions légales et réglementaires figurant dans le préavis du 2 juin 2023, de l’art. 15 LCI ;
- par préavis du 13 avril 2023, le SMS a sollicité la production de pièces complémentaires. Tout en relevant que la parcelle était située dans le périmètre de la zone 4B protégée du village de D______ et que le bâtiment faisait l’objet d’une fiche de recensement ancienne sous la référence 1______ de valeur 4+, il a requis la production de photographies permettant de distinguer les façades et menuiseries existantes. La modification du projet était également demandée. Le remplacement des menuiseries extérieures en aluminium semblait ne pas respecter la matérialité et la partition d’origine des portes et fenêtres, probablement en bois, à confirmer par les photographies requises. La véranda faisant l’objet de l’APA 3______ avait reçu un préavis défavorable de la Commission des monuments, de la nature et des sites (ci‑après : CMNS) le 18 février 2003, non produit au dossier de la présente procédure, justifié par le positionnement de cet élément moderne sur une ancienne ouverture en plein cintre qui portait atteinte au site. La véranda actuelle serait donc illégale, tout comme son remplacement par une nouvelle véranda.
Le SMS, tout en rappelant le contenu de son précédent préavis et sa demande de photographies, s’est prononcé défavorablement, le 4 mai 2023. Le projet de véranda portait gravement atteinte au site et au caractère de cette maison ancienne, sise en zone 4B protégée, et en a sollicité la démolition.
Par préavis du 31 mai 2023, cette instance a réitéré, à l’appui des photographies désormais reçues, son préavis défavorable, la véranda portant gravement atteinte au site et au caractère de la maison. Le souhait d’amélioration thermique devait passer par la réalisation d’une baie correctement dessinée et réalisée en menuiserie bois dans l’esprit du lieu, comme le remplacement des menuiseries extérieures existantes.
9. Faisant suite aux préavis précités, notamment ceux émis par la DAC et le SMS qui sollicitaient des compléments et avaient été transmis à F______ Sàrl le 25 avril 2023, le DT a enregistré :
- le 28 avril 2023, une correspondance de F______ Sàrl datée du 4 avril 2023, accompagnée de plans, précisant que Mme A______ et M. B______ avaient décidé de retirer la demande de rénovation des fenêtres et de la porte et souhaitaient solliciter uniquement la rénovation du jardin d’hiver existant. La nouvelle véranda aurait une profondeur de 1.61 m, une largeur de 5.22 m, une hauteur sous chéneau de 2.2 m, une hauteur hors tout de 2.45 m avec une emprise au sol de 8.8 m2 ; elle serait de couleur RAL 7016 S, avec une toiture en pan, des profils en aluminium extrudé et un double vitrage feuilleté, securit en toiture ;
- un reportage photographique de la véranda, ainsi qu’un courriel de M. B______ du 22 mai 2023, à teneur duquel, depuis l’acquisition de leur maison en décembre 2021, le couple tentait de réaliser les travaux nécessaires pour diminuer la déperdition de chaleur. La véranda constituait une priorité en raison de fuites d’eau. Il ressortait de la visite sur place des services industriels de Genève (ci-après : SIG) que la consommation énergétique totale du bâtiment, bien qu’inférieure au seuil autorisé, pouvait être améliorée en rénovant la véranda et les fenêtres du 1er étage. Lors du dépôt de la demande de rénovation de la véranda, ils avaient été informés de l’annulation des précédentes requêtes de 2003-2005, de sorte que la véranda était illégale, ce qu’ils ignoraient lors de l’achat du bien. Sur conseil de Monsieur G______ de l’office de l’urbanisme contacté par ses soins, il avait rassemblé les documents utiles et sollicité un entretien avec Madame H______ de la direction de l’inspectorat de la construction (ci-après : DIC), qui lui avait conseillé de continuer à fournir les documents demandés pour l’APA en cours d’instruction « et de croiser les doigts pour que cette demande soit cette fois-ci acceptée ».
10. Par courriel du 3 juillet 2023, se référant notamment à la procédure I- 5______, la DIC a indiqué à Mme A______ et M. B______ avoir été informée par la DAC qu’un ou plusieurs éléments potentiellement soumis à l’art. 1 LCI, notamment la véranda faisant l’objet de l’APA 4______, auraient été réalisés sur leur parcelle sans autorisation. Un délai de dix jours leur était imparti pour formuler d’éventuelles observations.
11. Par décision du ______ 2023, le DT a refusé de délivrer l’APA 4______/1 en raison d’une violation de l’art. 106 LCI.
Le SMS avait constaté que le bâtiment faisait l’objet d’une fiche de recensement ancienne de valeur 4+ et qu’un précédent projet de véranda - abandonné - avait été préavisé défavorablement le 18 février 2002, étant donné que le positionnement de cet élément moderne sur une ancienne ouverture en plein cintre portait atteinte au site. Dans son second préavis, le SMS avait confirmé sa position défavorable, aux motifs que le projet portait gravement atteinte au site et au caractère de la maison, tout en sollicitant la démolition de la véranda existante. Suite au reportage photographique fourni, le SMS avait confirmé sa position, tout en précisant que le souhait d’amélioration thermique des propriétaires pouvait être satisfait par un projet respectant l’esprit du lieu. Faisant ainsi siens les préavis précités, le DT considérait que l’autorisation requise ne pouvait être délivrée, eu égard à l’impact négatif qu’elle aurait, tant sur le bâtiment que sur le site concernés.
12. Faisant usage de leur droit d’être entendus dans le cadre de la procédure I- 5______, Mme A______ et M. B______ ont précisé au DT, par courriel du 10 juillet 2023, avoir constaté, en janvier 2022, d'importantes infiltrations d’eau au niveau de la véranda. Dès lors qu’il était ressorti du bilan énergétique réalisé que la rénovation de cette véranda optimiserait l’isolation de la maison, ils avaient déposé l’APA 4______. Pensant que l’inscription de cette véranda au cadastre avec le n° de l’APA 3______ la légalisait, ils avaient acquis ce bien immobilier en toute confiance, notaire à l’appui. Ils n’auraient jamais procédé à cet achat s’ils avaient connu ce manquement. Sans la véranda, la pièce principale du logement n’aurait pas de luminosité.
13. Par décision du 14 juillet 2023 dans le cadre de la procédure I- 5______, le DT, se référant à la décision de refus d’autorisation de construire du ______ 2023, a ordonné à Mme A______ et M. B______, en application des art. 129 ss LCI, de rétablir une situation conforme au droit d’ici au 15 septembre 2023, en procédant à la suppression de la véranda. Ils étaient en outre priés de prendre préalablement contact avec le SMS afin de déterminer les mesures nécessaires à la mise en conformité de la façade selon les attentes de ce dernier. Un reportage photographique ou toute autre preuve de la réalisation du présent ordre devrait être produit dans le même délai. Nonobstant le fait qu’ils étaient perturbateurs par situation et non par comportement, eu égard à la décision de refus précitée, l’élément réalisé sans droit ne pouvait être maintenu. En cas de non-respect du présent ordre et/ou sans nouvelles dans le délai imparti, ils s’exposaient à toutes nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.
14. Par acte du 6 septembre 2023, accompagné de pièces, Mme A______ et M. B______ ont interjeté recours, sous la plume de leur conseil, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision de refus d’autorisation du ______ 2023 et de l’ordre de remise en état du 14 juillet 2023.
Ils ont conclu, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu’à l’achèvement du nouveau RAC et à l’octroi d’un délai pour compléter leur recours une fois ce recensement connu, principalement, à l’admission de leur recours puis à la délivrance de l’autorisation de construire requise, respectivement à l’annulation de l’ordre de rétablissement, subsidiairement au renvoi de la cause au DT pour suite de la procédure dans le sens des considérants et, en cas de disjonction des causes, à la suspension du recours contre l’ordre de rétablissement jusqu’à droit jugé sur le recours dirigé contre la décision de refus, sous suite de frais et dépens.
Il se justifiait de suspendre la procédure le temps que la fiche du recensement de leur bâtiment actuellement en cours leur soit transmise. Le DT avait fait siens les préavis du SMS qui se fondaient principalement sur une ancienne fiche de recensement mettant en avant l’intégration de leur maison dans son environnement. Cette fiche, datée de plus de 40 ans, n’était plus à jour. Une constatation exacte des faits exigeait que le recensement de 2023 - qui devait s’achever en fin d’année - soit pris en considération. Le DT avait d’ailleurs retenu, à teneur du JTAPI/315/2022, qu’il relevait du bon sens que les évaluations du recensement architectural le plus récent remplaçaient les évaluations antérieures.
Leur droit d’être entendu avait été violé, faute d’avoir eu accès à un dossier complet et d’avoir pu se prononcer sur l’argumentation juridique présentée pour la première fois dans la décision de refus. En effet, la fiche 1______ était absente du dossier. En outre, le DT n’avait jamais indiqué vouloir se fonder sur l’art. 106 LCI pour refuser l’autorisation sollicitée.
Sur le fond, s’agissant tout d’abord de la décision de refus, les faits avaient été constatés de manière inexacte. La fiche RAC ne reflétait pas la situation actuelle du bâtiment quant à son intégration dans le village, qui avait évolué de manière importante en 40 ans. Les photographies produites dans le cadre de l’instruction de l’autorisation se focalisaient sur la véranda et ne permettaient pas d’apprécier l’environnement bâti actuel du bâtiment recensé. Il en allait de même des photographies jointes à la fiche de recensement 1 ______, qui consistaient en des « gros plans » de leur maison, l’environnement immédiat de cette dernière n’étant que partiellement visible. Ainsi, en se fondant essentiellement sur cette fiche, le SMS, puis le DT, s’étaient basés sur des éléments factuels qui n’étaient plus pertinents. C’était en outre à tort que la DAC avait retenu que la façade sud-ouest de la véranda n’était pas translucide.
Ils ne pouvaient avoir violé l’art. 106 LCI, dès lors que le DT n’avait fixé aucun critère y relatif à respecter afin qu’ils s’y conforment. Les seules exigences de la DAC – infondées, non motivées et qui n’étaient pas celles retenues pour refuser l’autorisation – concernaient les murets des façades et la translucidité de la façade sud-ouest. La véranda, qui n’était pas mitoyenne au bâtiment, sis sur la parcelle n°7______, était déjà entièrement vitrée sur sa façade sud-ouest, sous réserve du petit muret servant de base à la véranda, qui avait été, à l’exception de la petite ouverture comblée, autorisée le ______ 1978 par la DD 8______. La translucidité exigée ne ressortait en outre pas des art. 33 et 34 LCI invoqués. Le SMS, en prétendant que la véranda ne pouvait être autorisée, avait gravement excédé sa compétence et fait preuve d’une partialité susceptible de justifier la récusation de ses préaviseurs.
Le principe de proportionnalité avait été violé. Leur bâtiment ayant uniquement fait l’objet d’un recensement architectural interne à l’administration et non d’une mesure de protection au sens de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), l’intérêt général à la protection de ce dernier était douteux. La commune avait considéré que l’intégration de la véranda n’était pas problématique, tout comme leurs voisins, qui avaient donné leur accord à la présence de cette dernière, comme démontré par les attestations jointes. La valeur 4+ retenue impliquait qu’aucune mesure de protection ne s’imposait et que la construction d’une véranda, même considérée comme mal intégrée, ne pouvait être interdite. En outre, dès lors que cette valeur se distinguait de la valeur 4 en ce qu’elle prenait en compte une valeur intéressante dans le cadre de son entourage et qu’un tel intérêt ne ressortait ni des remarques figurant sur la fiche ni des photographies jointes à celle-ci, la note figurant dans ce recensement ne respectait pas les exigences de motivation. Leur logement n’était en lien avec aucun bâtiment protégé. La fiche de recensement laissait apparaître une valeur architecturale douteuse, vu les nombreuses modifications regrettables retenues.
La seule présence en zone 4B protégée n’empêchait pas la construction de vérandas, vu les autorisations délivrées récemment pour d’autres parcelles du secteur, notamment par APA 9______ et APA 10_____. L’environnement bâti étant disparate, le site ne possédait aucune qualité architecturale particulière. La véranda, située à l’arrière du bâtiment et non visible depuis la route de J______, donnait sur une petite cour composée de parcelles privées et d’une branche du chemin I______ sans issue desservant quelques habitations. Les bâtiments contigus à leur maison ne présentaient aucune unité architecturale avec cette dernière (toits à pan et non à pavillon-croupe, positionnement perpendiculaire aux autres bâtiments dont la hauteur était irrégulière et avec ou sans lucarnes, couleurs des façades différentes, séparation - de certaines maisons uniquement - de la route de J______ par un jardin). La plupart des bâtiments alentours étaient des petits immeubles d’habitation beaucoup plus récents. Ainsi, l’interdiction d’ériger une véranda n’était pas apte à sauvegarder une valeur architecturale inexistante.
Quant à leurs intérêts privés, ils n’étaient que perturbateurs par situation et avaient sollicité une autorisation de rénover la véranda pour des motifs environnementaux. En cas de remise en état, ils subiraient des pertes financières substantielles, eu égard au coût des travaux et à la baisse de la valeur de leur maison, les 8 m2 de la véranda ayant une valeur d’environ CHF 83'000.-. Le rez-de-chaussée serait en outre privé d’une source importante de lumière, baissant encore d’autant la valeur de la maison. La véranda actuelle correspondait fondamentalement à celle de l’APA 3______, comme démontré par les plans - joints - de cette dernière. Au vu des orthophotographies du SITG également jointes, elle avait été construite par les époux C______ vraisemblablement avant mars 2005. Dès lors que le SITG indiquait que la véranda avait été construite selon l’APA 3______, ils ne pouvaient s’imaginer que cette dernière avait été réalisée sans autorisation. La solution la plus extrême avait été retenue, sans examen d’une solution moins drastique, telle qu’une modification du projet.
L’ordre de remise en état violait le principe de proportionnalité. Le délai de deux mois imparti, durant l’été, pour la mise en conformité était inadapté. Pour les motifs exposés plus haut, ni le bâtiment ni le site ne présentaient de qualité architecturale particulière que la suppression de la véranda serait apte à maintenir et une éventuelle modification de cette dernière devait, en tout état, être envisagée avant sa démolition. Leur intérêt privé à son maintien l’emportait sur l’intérêt public de l’esthétique des bâtiments. Le projet ne contrevenait à aucune des dispositions invoquées par le DT ou par la DAC. Une éventuelle violation de la clause d’esthétique serait en tout état minime, vu l’absence de valeur esthétique digne de protection du bâtiment et du site et l’espace réduit occupé par cette véranda. Les dommages découlant de la remise en état se monteraient à plus de CHF 100'000.-. Le fait que 20 ans s’étaient écoulés sans aucune réaction depuis la réalisation de la véranda devait être pris en compte. Enfin, le DT aurait dû faire supporter les frais de remise en état aux époux C______, perturbateurs par comportement.
15. Par courrier du 4 octobre 2023, le DT s’est opposé à la suspension requise.
Selon le SMS, le RAC actuellement en cours ne paraîtrait pas avant début 2024. Il apparaîtrait que la valeur 4+ attribuée au bâtiment des recourants telle qu’indiquée sur la fiche de recensement ancienne - jointe - devrait être maintenue, à tout le moins dans sa valeur actuelle, lors de la mise à jour du RAC. Le JTAPI/315/2022 cité par les recourants ne leur était d’aucune aide dès lors que, dans le présent cas, le nouveau recensement n’avait pas encore été publié. Le principe selon lequel le droit applicable était généralement celui en vigueur lors du prononcé de la décision s’appliquait également en matière de recensement, le contraire n’ayant pas été démontré.
16. Par courrier du 20 octobre 2023, les recourants, faisant suite au courrier du tribunal du 10 octobre 2023 les informant que les conditions d’une suspension de la procédure n’étaient pas réalisées, ont sollicité le prononcé d’une décision motivée.
17. Par décision du 2 novembre 2023 (DITAI/484/2023), le tribunal, après avoir interpellé le DT qui a confirmé son refus de suspendre, a rejeté la demande de suspension.
18. Par acte du 13 novembre 2023, les recourants ont interjeté recours, sous la plume de leur conseil, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) à l’encontre de la DITAI/484/2023, concluant à son annulation et à sa réforme en ce sens que la procédure était suspendue jusqu’à l’achèvement du RAC puis, une fois celui-ci porté à leur connaissance, à l’octroi d’un délai pour compléter leur recours.
19. Dans ses observations sur le fond du 13 novembre 2023 dans le cadre de la présente procédure, le DT a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.
La prétendue violation du droit d’être entendu était infondée. Il avait produit la fiche 1______ dans le cadre de la présente procédure et les recourants n’en avaient pas requis la consultation auprès de lui. En tout état, une éventuelle violation du droit d’être entendu aurait été réparée dans le cadre de la présente procédure. Le grief de mauvaise application de l’art. 106 LCI n’était pas fondé. La DAC avait émis plusieurs préavis en fonction des différentes versions successives du projet en sollicitant des modifications. Le DT s’était fondé sur les préavis - clairs et étayés - de la DAC et du SMS, estimant que la pose de cet élément moderne sur une ancienne ouverture en plein cintre portait gravement atteinte au site et constituait un motif de refus basé sur l’art. 106 LCI, comme exposé dans la décision attaquée.
Aucune constatation inexacte des faits n’était à déplorer. Le droit applicable était celui en vigueur au moment de la décision et la date du RCA n’était pas connue à ce jour. L’art. 106 LCI avait été respecté. Le préavis du SMS du 31 mai 2023 faisait état de la situation géographique du bâtiment (situation en zone 4B protégée et valeur patrimoniale élevée, objet ancien bien intégré dans un ensemble construit sous une même identité). L’effet d’ensemble provoqué était plus important que l’objet lui-même. L’art. 106 LCI requérait le préavis d’une instance compétente en termes d’évaluation patrimoniale lorsque des objets étaient recensés. Ainsi, le SMS, dont l’impartialité ne prêtait pas le flanc à la critique, s’était fondé sur une analyse globale en lien avec les qualités architecturales du bâtiment et non uniquement sur la fiche RAC, pour considérer que la véranda actuelle était illégale et que, dans l’intérêt du bâtiment, aucune nouvelle véranda ne serait envisageable.
Le principe de proportionnalité était respecté. Le RAC, débuté en 1976 suite à l’adoption de la LPMNS, visait à renseigner la construction et les transformations des bâtiments et à comprendre leur évolution grâce à l’analyse de la documentation ancienne et à l’examen visuel des édifices. L’évaluation patrimoniale reposait sur une échelle de quatre valeurs, soit « exceptionnel », « intéressant », « intérêt secondaire » et « sans intérêt », fondée sur plusieurs critères, notamment de situation (contexte), rapportés à l’échelle locale, nationale, voire internationale. Sa mise à jour découlait de la définition du plan directeur cantonal 2030 (fiche A 15). En critiquant la valeur 4+ retenue, les recourants tentaient d’imposer leur propre appréciation. Le dossier contenait des photographies de la véranda, corroborées par celles produites par les recourants, qui permettaient d’apprécier l’environnement, les caractéristiques architecturales des maisons environnantes, les dimensions et le périmètre du projet. Il était visible que la véranda obstruait l’ancienne ouverture en plein cintre typique de la région et portait, selon le SMS, gravement atteinte au site et au caractère général de la maison. Les maisons du chemin I______ se regroupaient toutes auprès d’un même aspect architectural qui, pris dans son ensemble, s’harmonisait parfaitement, ce qui renforçait d’autant plus la valeur patrimoniale du bâtiment des recourants. Ainsi, se fondant sur les préavis du SMS, le DT avait privilégié l’intérêt de protection patrimonial du bâtiment face à celui des recourants, de pure convenance personnelle. Les déperditions de chaleur et les fuites d’eau alléguées n’avaient pas été démontrées. Aucune autre solution n’aurait permis d’atteindre le but visé. La réalisation autorisée d’autres vérandas dans la commune était sans pertinence, la notion d’esthétique au sens de l’art. 106 LCI devant s’interpréter selon chaque cas.
Quant à l’ordre de remise en état, la responsabilité des recourants se fondait sur leur qualité de perturbateurs par situation. La véranda n’avait pas été autorisée. Il avait classé l’APA 3______ sans savoir que la véranda avait été réalisée illégalement, de sorte qu’aucune tolérance implicite ni promesse n’en découlait. L’intérêt patrimonial à préserver un bâtiment ancien présentant des caractéristiques typiques propres au site prévalait sur les dommages financiers - non démontrés - qui découleraient d’une remise en état.
20. Par pli du 20 novembre 2023, les recourants ont sollicité du tribunal la confirmation que la procédure était suspendue dans l’attente de l'arrêt de la chambre administrative. Ils considéraient que le délai qui leur avait été imparti au 7 décembre 2023 pour répliquer était révoqué.
21. Par décision du 7 décembre 2023 (DITAI/545/2023), le tribunal, après avoir interpellé le DT qui s’est opposé à la suspension de la procédure jusqu’à droit connu sur le recours pendant auprès de la chambre administrative contre la DITAI/484/2023, a refusé de suspendre l’instruction du recours.
22. Par acte du 22 décembre 2023, les recourants ont interjeté recours contre la DITAI/545/2023 auprès de la chambre administrative.
23. Par courrier du 8 janvier 2024, les recourants, se référant à la correspondance du tribunal du 2 janvier 2024 à teneur de laquelle la cause était désormais gardée à juger en raison du non-respect du délai imparti pour répliquer, ont sollicité l’octroi d’un nouveau délai pour ce faire et la confirmation que la cause ne pouvait être gardée à juger, compte tenu de l’effet dévolutif des deux recours actuellement pendants devant la chambre administrative.
24. Par arrêt du 23 janvier 2024 (ATA/82/2024) entré en force en l’absence de recours, la chambre administrative a déclaré irrecevables les recours interjetés contre les DITAI/484/2023 et DITAI/545/2023.
La question de savoir si le RAC était applicable serait traitée par le tribunal dans son jugement sur le fond. Si tel ne devait pas être le cas, les recourants n’encourraient aucun dommage irréparable suite au refus de suspendre la procédure. Dans le cas contraire, le DT avait produit le projet de fiche de la parcelle concernée. Les recourants ne soutenaient pas que l’intitulé « projet » sur celui-ci serait problématique et ne fournissaient aucun renseignement précis sur la mise en application concrète du RAC. Ainsi, le litige pouvait être tranché par le tribunal en connaissance de la fiche du RAC, de sorte que les recourants n’encourraient aucun préjudice irréparable, même dans l’hypothèse où le nouveau RAC devait s’appliquer au litige.
25. Par pli du 25 janvier 2024 signé par leurs soins, les recourants ont sollicité la tenue d’une audience en vue de clarifier la situation et de trouver une solution équitable.
26. Dans leur réplique du 11 mars 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.
Le projet de fiche de recensement de leur habitation – joint – faisait état d’une porte de grange et questionnait la fonction originelle du bâtiment tout en indiquant que ses fonctions d’origine étaient encore partiellement identifiables sur la façade, ce qui prêtait à confusion. En outre, selon les informations recueillies auprès d’anciens habitants, le bâtiment était affecté au logement d’ouvriers. L’ouverture « porte de grange » n’en était pas une, mais avait été créée en 1978 suite à la reconstruction du bâtiment après un incendie. Enfin, les encadrements n’avaient pas été reconstruits récemment en ciment, mais étaient en pierres. Ces erreurs démontraient que cette fiche n’avait pas été établie sérieusement et ne pouvait fonder la décision de refus querellée.
Leur droit d’être entendu avait bien été violé. Le DT avait admis que la fiche 1______ n’était pas présente au dossier et ils ignoraient toujours en quoi consistaient les exigences particulières du DT en lien avec l’art. 106 LCI. De même, la constatation inexacte des faits était avérée. Le SMS n’était pas venu constater la situation de visu, de sorte que sa connaissance du bâtiment et de son environnement n’était que partielle et approximative.
Le préavis du SMS du 13 avril 2023 - et la décision de refus fondée uniquement sur ce dernier - était gravement vicié, dès lors qu’il considérait, de manière insoutenable, que la véranda étant illégale, son remplacement par une nouvelle véranda le serait également. Enfin, pour les motifs exposés précédemment, le principe de proportionnalité avait été violé, leurs intérêts privés l’emportant sur un intérêt public inexistant, de sorte que l’ordre de remise en état devait être annulé.
Étaient joints :
- la fiche 12______ relative au bâtiment des recourants, portant en filigrane la mention « PROJET » indiquant, au titre de l’évaluation de sa valeur, « intéressant ». La rubrique « Description » précisait que cette maison, cadastrée en 1812 et transformée en 2003 et 2023, faisait « partie d’un ancien îlot villageois situé au cœur du village de D______, au nord-est de la mairie. Formant à l’origine un ensemble rural cohérent, le mas [était] aujourd’hui divisé en quatre numéros : les 210bis, 230 et 250 route de J______ et le 30 chemin I______. Le 30 chemin I______ [prenait] place au nord de l’ensemble et se [trouvait] donc isolé de la route de J______. Ses façades nord-est et nord-ouest s’[élevaient] sur deux niveaux. Au nord-ouest, l’encadrement d’une porte de grange [était] encore perceptible derrière un jardin d’hiver récent. Tous les encadrements [avaient] récemment été reconstruits en ciment. L’ensemble [était] recouvert d’un crépi rustique de couleur jaune. Par sa haute toiture en pavillon, couverte de tuiles plates, l’objet se [démarquait] de ses voisins du sud-ouest (numéros 210bis et 230). Sa silhouette [évoquait] les maisons hautes de la campagne genevoise : était-ce la fonction originelle du bâtiment ? Par son appartenance à un mas ancien caractéristique de la région et le fait que ses fonctions d’origine [étaient] encore partiellement identifiables sur la façade, cette maison [présentait] une haute valeur patrimoniale » ;
- les plans de la DD 8______, datés de juin 1976 et modifiés en 1978, avant et après incendie.
27. Par duplique du 26 avril 2024, le DT a persisté dans ses conclusions et arguments.
28. À teneur de la carte « GéoPatrimoine » du SITG consultée ce jour, les résultats du RAC concernant la maison d’habitation sise sur la parcelle n° 2______ sont en cours de validation (« Bâtiment étudié, dont les résultats sont en cours d’examen par la Commission scientifique de suivi »).
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Les recourants ont sollicité la tenue d’une audience de comparution personnelle.
4. Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).
Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d).
5. En l’occurrence, les recourants ont eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer leur point de vue et de produire toutes les pièces qu’ils estimaient utiles à l’appui de leurs allégués, par le biais des écritures usuelles. Il n’a pas été démontré ni même allégué par ces derniers que leur audition aurait permis de mettre en avant des informations qu’ils n’auraient pas été en mesure d’exposer dans leurs écritures.
Par conséquent, le tribunal constate que le dossier comporte tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige. Il n’y a donc pas lieu de procéder à la mesure d’instruction requise, celle-ci n'étant au demeurant pas obligatoire.
6. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).
7. Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).
8. Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu, les recourants se prévalent d’une violation de leur droit d’être entendus, faute, selon eux, d’avoir eu accès à un dossier complet et d’avoir pu se prononcer sur l’argumentation juridique présentée pour la première fois dans la décision de refus litigieuse.
9. Le droit d’être entendu tel que défini supra, garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2022 du 24 mars 2023 consid. 4.2). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 127 III 193 consid. 3).
10. Le droit d’être entendu est concrétisé à l’art. 41 LPA, selon lequel les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 138 II 252 consid. 2.2 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu (ATA/778/2018 du 24 juillet 2018 consid. 3a).
11. Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence constante, il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; celle-ci peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents pour fonder sa décision. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d’en comprendre les raisons et de la déférer à l’instance supérieure en connaissance de cause, laquelle doit également pouvoir effectuer son contrôle (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 IV 249 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_762/2020 du 17 mars 2021 consid. 2.1 ; 1C_415/ 2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6b).
12. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).
13. En l’espèce, s’agissant tout d’abord de la violation alléguée du droit à l’accès à un dossier complet, le tribunal constate que la fiche 1______ ne figure effectivement pas au dossier du DT. Toutefois, force est de constater que ce document - qui, comme rappelé à juste titre par les recourants, expose le résultat d’un recensement interne à l’administration - est uniquement mentionné par le SMS dans son préavis du 13 avril 2023, au même titre que d’autres éléments, pertinents selon lui, relatifs notamment à l’environnement du projet qui lui était soumis, soit sa situation en zone 4B protégée, ainsi que ses caractéristiques techniques et architecturales. Or, c’est notamment ce préavis, suivi par le DT, qui a fondé la décision de refus attaquée et non la fiche de recensement 1______. A cela s'ajoute que si les recourants, assistés dans le cadre de l’instruction de leur demande d’autorisation de construire par un mandataire, également requérant de cette dernière, souhaitaient obtenir davantage d’informations s’agissant du contenu de ce préavis, il leur aurait été loisible de solliciter auprès de ce dernier des informations complémentaires ou la transmission de cette fiche de recensement. Il apparaît au contraire que ni le mandataire des recourants ni ces derniers - dans les correspondances qu’ils ont adressées au DT, notamment en avril et en mai 2023, après s'être vus transmettre les préavis émis - ne se sont inquiétés de l’absence de cette fiche au dossier ni même n’aient formulé une quelconque remarque quant à la mention de cette dernière dans le préavis du SMS. Pour ce motif déjà, le grief allégué doit être rejeté.
En tout état, la fiche 1______ a été produite par le DT le 4 octobre 2023 dans le cadre de la présente procédure et les recourants ont eu l'occasion de se déterminer après y avoir eu accès. Pour le surplus, il sera encore relevé que, contrairement à ce qu'ils allèguent, les recourants ont vraisemblablement eu connaissance de cette fiche et de son contenu antérieurement, puisque la constatation inexacte des faits alléguée dans le cadre de leur recours déposé en septembre 2023 est précisément motivée par cet élément.
A noter encore que l'argumentation des recourants apparaît contradictoire dès lors qu'ils se plaignent de l'absence de cette fiche au dossier, tout en alléguant qu'il ne devrait pas être tenu compte de dite fiche, qui, compte tenu de son ancienneté, ne reflèterait pas la situation actuelle, un nouveau recensement étant par ailleurs en cours.
En conséquence, aucune violation du droit d’être entendus des recourants ne découle de l’absence de la fiche de recensement au dossier du DT et le renvoi du dossier au DT n'apparaît pas nécessaire.
Quant à l’argument selon lequel le DT ne les avait pas informés de son intention de se fonder sur l’art. 106 LCI pour refuser l’autorisation requise, le tribunal relève que, conformément à la jurisprudence citée plus haut, le droit d’être entendu a pour finalité qu’une partie puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure. En l’occurrence, les préavis émis ont été transmis aux recourants, respectivement à leur mandataire, qui ont eu l’occasion de se déterminer à ce propos durant l’instruction de leur requête par le DT, ce qu’ils ont d’ailleurs fait, par plis datés des 28 avril et 22 mai 2023.
En outre, les instances qui se sont prononcées défavorablement ont émis des préavis détaillés et motivés. Ainsi, la DAC, dans ses préavis négatifs des 2 et 5 juin 2023, en citant les art. 33 et 34 LCI, 10B RCI puis 15 LCI, a formulé des remarques quant à l’absence de translucidité de la façade sud-ouest de la véranda et des mesures à prendre pour obtenir une véranda entièrement vitrée. Le SMS, dans son préavis du 13 avril 2023, a relevé le fait que le remplacement des menuiseries extérieures en aluminium semblait ne pas respecter la matérialité et la partition d’origine des portes et fenêtres, tout en rappelant que la véranda de l’APA 3______ avait reçu un préavis défavorable de la CMNS le 18 février 2003, justifié par le positionnement de cet élément moderne sur une ancienne ouverture en plein cintre qui portait atteinte au site. Ce premier préavis du SMS précise que la véranda existante serait, selon lui, illégale, et qu’il en irait de même de son remplacement par une nouvelle véranda. À ce propos, il sera relevé que cette mention ne saurait démontrer la partialité de ce service ni justifier une quelconque récusation en son sein, dès lors que le SMS n’est en tout état pas l’instance décisionnelle et que le DT, qui prononce les décisions de refus ou d’octroi d’autorisations de construire, demeure libre de s’écarter de ce préavis, pour justes motifs. Dans son préavis du 4 mai 2023, le SMS s’est à nouveau prononcé défavorablement quant au projet, qui portait, selon lui, gravement atteinte au site et au caractère du bâtiment ancien sis en zone 4B protégée, tout en sollicitant sa démolition. Ce préavis défavorable a été réitéré, le 31 mai 2023, pour les mêmes motifs. À cette occasion, le SMS a encore précisé que le souhait d’amélioration thermique devait passer par la réalisation d’une baie correctement dessinée et réalisée en menuiserie bois dans l’esprit du lieu.
Si certes l’art. 106 LCI ne figure pas dans les préavis défavorables précités, ceux-ci font toutefois clairement état des points problématiques du projet. Ainsi, les recourants étaient parfaitement informés de la position négative du SMS et de la DAC et auraient été en mesure de modifier le projet en conséquence ou de se déterminer à ce propos durant l’instruction, cas échéant. En outre, le texte clair de l’art. 106 al. 1 LCI prévoit explicitement que c’est le département, et non les instances de préavis, qui fixe, dans chaque cas particulier, l’implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle de ces agglomérations, ainsi que le site environnant. Il n’est par conséquent pas critiquable que les instances de préavis consultées n’aient pas fait mention de cette disposition légale. Enfin, il n’est pas contesté que l’art. 106 LCI, qui concerne les villages protégés, trouve application dans le présent cas, de sorte qu’il ne peut être reproché au DT de s’être fondé sur ce dernier pour prononcer la décision de refus attaquée. Ainsi, en suivant les remarques formulées clairement dans les préavis négatifs précités dont les recourants avaient eu connaissance en temps utile, pour en déduire, dans la décision de refus, que l’art. 106 LCI, applicable à la parcelle concernée, n’était in casu pas respecté, le DT n’a pas violé le droit d’être entendu des recourants.
En conclusion, eu égard au développement qui précède, aucune violation du droit d’être entendus des recourants n’est à déplorer.
14. Sur le fond, les recourants contestent, d’une part, la décision de remise en état de leur véranda et, d’autre part, la décision de refus d’octroi d’une autorisation de construire la concernant. Dès lors que la première décision est liée à l’absence d’autorisation de construire, c’est le bien-fondé de cette décision de refus d’autorisation qui sera examiné en premier lieu.
15. Les recourants se plaignent, s’agissant de cette décision de refus, d’une constatation inexacte des faits sous l’angle de la version de la fiche de recensement RAC prise en compte par le SMS et sous l’angle de l’application de l’art. 106 LCI.
16. Conformément à l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. L'autorisation est délivrée si, notamment, la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT).
17. L’art. 17 LAT prévoit que les zones à protéger comprennent notamment les localités typiques, les lieux historiques, les monuments naturels ou culturels (let. c).
18. À Genève, les zones protégées et les zones à protéger sont définies par la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).
Ces zones protégées constituent des périmètres délimités à l’intérieur d’une zone à bâtir ordinaire ou de développement et qui ont pour but la protection de l’aménagement et du caractère architectural des quartiers et localités considérés (art. 12 al. 5 LaLAT). Sont notamment désignées comme zones à protéger, au sens de l’art. 17 LAT, les villages protégés, selon les art. 105 à 107 LCI (art. 29 al. 1 let. f LaLAT). La LCI définit le régime concret applicable à ces zones, dont le but est la conservation de l’harmonie et de l’identité du secteur, notamment par le biais de règles sur les alignements, les gabarits et les couleurs (cf. Lucien LAZZAROTTO, La protection du patrimoine, in : Bénédict FOËX/Michel HOTTELIER [éd.], La garantie de la propriété à l’aube du XXIème siècle, 2009, p. 113).
19. Parmi les zones à bâtir figure notamment la 4ème zone, destinée principalement aux maisons d’habitation, comportant en principe plusieurs logements (art. 19 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 ; LaLAT - L 1 30). Elle est divisée en deux classes : la 4ème zone urbaine (4ème zone A) et la 4ème zone rurale (4ème zone B), applicable aux villages et aux hameaux.
L’aménagement et le caractère architectural d’un village à protéger doivent être préservés (ATA/305/2012 du 15 mai 2012 ; ATA/232/2006 du 5 mai 2006).
20. En l’occurrence, il n’est pas contesté par les parties que la parcelle concernée par le projet litigieux se trouve en zone 4B protégée, de sorte que les dispositions spécifiques des art. 105 ss LCI lui sont applicables, en plus des dispositions applicables à la 4ème zone (art. 30 ss LCI).
21. Selon l’art. 106 al. 1 LCI, dans les villages protégés, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations, ainsi que le site environnant.
Cette disposition légale est spécialement applicable aux villages protégés et confère un large pouvoir d’appréciation au département, qui peut fixer lui-même les règles applicables aux constructions dans le but de sauvegarder le caractère d’un village et le site environnant et déroger aux dispositions ordinaires (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2 ; 1C_123/2010 du 25 mai 2010 consid. 3.3 ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6b).
22. L'art. 106 al. 1 LCI renferme une clause d’esthétique particulière, plus précise que l’art. 15 LCI, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce (cf. ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6c ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 consid. 4c ; ATA/305/2012 du 15 mai 2012 consid. 7). Cette notion juridique indéterminée laisse donc un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus de celui-ci (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6c ; ATA/141/2009 du 24 mars 2009 et les références citées).
Si, dans le système prévu par cette disposition, tant le préavis de la commune que celui de la CMNS, obligatoires (le caractère obligatoire de la consultation de la CMNS sur tout projet de travaux concernant un immeuble situé en zone protégée résulte aussi de l'art. 5 al. 2 RPMS), ne doivent pas être minimisés, il n’en demeure pas moins que la délivrance de l'autorisation de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (cf. ATA/873/2018 du 28 août 2018 consid. 6c et les arrêts cités). L’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/1205/2023 du 7 novembre 2023 consid. 4.3 et les références citées).
23. La loi ne prévoit aucune hiérarchie entre les différents préavis requis. Néanmoins, dans le cadre de l’application de l’art. 106 al. 1 LCI où la commune et la CMNS doivent être consultées, la chambre administrative a toujours jugé qu’en cas de préavis divergents, une prééminence était reconnue à celui de la CMNS (ATA/435/2023 du 25 avril 2023 consid. 5g ; ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 10a).
24. Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1205/2023 du 7 novembre 2023 consid. 4.3 et les références citées).
Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que les instances de recours ne peuvent annuler la décision du département que si celle-ci emporte une violation de la loi ; si plusieurs interprétations sont soutenables, le juge n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité de première instance (ATA/629/2008 du 16 décembre 2008 consid. 11).
25. La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) institue la CMNS, composée de spécialistes en matière d’architecture, d’urbanisme et de conservation du patrimoine (cf. art. 46 al. 2 LPMNS ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6d), qui comporte trois sous-commissions (architecture, monuments et antiquités, nature et sites) et dont la compétence est codifiée dans le règlement d’application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 mars 2023 (RPMNS - L 4 05.01) (cf. art. 3 al. 1 RPMNS).
26. La CMNS donne son préavis sur tous les objets qui, en raison de la matière, sont de son ressort. Elle se prononce en principe une seule fois sur chaque demande d’autorisation, les éventuels préavis complémentaires étant donnés par l’office du patrimoine et des sites par délégation de la commission (art. 47 al. 1 LPMNS), étant noté que le SMS est une subdivision de cet office à teneur de l’organigramme du département. La CMNS peut proposer toutes mesures propres à concourir aux buts de la présente loi (art. 47 al. 2 LPMNS).
Il a été admis par la chambre administrative qu’une nouvelle consultation formelle de la CMNS ne s’imposait pas dans les cas où le SMS pouvait constater que le projet répondait aux demandes de la CMNS telles qu’exposées dans son préavis (ATA/1371/2018 du 18 décembre 2018; ATA/1187/2017 du 22 août 2017).
27. En l'espèce, le SMS pouvait préaviser utilement le projet en lieu et place de la CMNS, qui s’était déjà prononcée défavorablement s’agissant de la véranda, par préavis du 18 février 2003 dans le cadre de l’APA 3______, étant relevé que, de l’aveu même des recourants, la véranda actuelle correspond fondamentalement à celle de l’APA précitée.
Or, ce service s’est positionné défavorablement quant au projet qui lui était soumis, tout en prenant en compte divers éléments, parmi lesquels la fiche 1______. Comme indiqué précédemment, cette fiche n’est pas l’unique élément sur lequel le SMS s’est fondé. En effet, ce service a également pris en compte les caractéristiques du bâtiment concerné ainsi que celles du site dans lequel ce dernier s’insérait, comme cela ressort de ses préavis des 4 et 31 mai 2023. Ainsi, cette instance spécialisée a considéré la situation du bâtiment en zone 4B protégée, le non-respect de la matérialité et de la partition d’origine au vu du remplacement des menuiseries extérieures et le positionnement de l’élément moderne projeté sur une ancienne ouverture en plein cintre. Partant, en soutenant que le SMS s’était essentiellement fondé sur cette fiche, les recourants se contentent en réalité de tenter d’opposer leur propre appréciation à celle de l’instance spécialisée.
En outre, dès lors que la fiche 1______ constitue, à teneur des pièces au dossier, la dernière version de la fiche RAC de recensement publiée, il ne saurait être reproché au SMS d’avoir pris en compte cette dernière et non une fiche de recensement à l’état de projet, susceptible d’être modifiée. À ce propos, les recourants ne sauraient se prévaloir de l’explication du DT, reprise dans la partie « En fait » du JTAPI/315/2022, selon laquelle il relevait du bon sens que les évaluations les plus récentes des immeubles remplaçaient celles antérieures. En effet, ledit jugement porte sur un cas dans lequel des versions successives de RAC ont été publiées et non, comme in casu, sur l’éventuelle application d’un projet de fiche RAC non publiée.
Quant à l’argument selon lequel les photographies au dossier ne permettraient de distinguer que partiellement l’environnement immédiat de leur maison, force est de constater que l’environnement direct du bâtiment concerné apparaît sur ces photographies. Il en va de même du positionnement de la véranda par rapport audit bâtiment, élément qui, pour rappel, a été pris en compte par le SMS dans son évaluation. De plus, il aurait été loisible aux recourants, qui supportent le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2) dès lors qu’ils se prévalent de la constatation inexacte des faits pour requérir la délivrance de l’autorisation refusée, de produire des photographies des alentours de leur bâtiment pour tenter de démontrer la prétendue modification importante de ceux-ci depuis 1984 et/ou l’absence d’homogénéité du site.
Or, une telle modification, justifiant un intérêt patrimonial moindre de leur bâtiment par rapport à celui retenu dans la fiche 1______, n’a nullement été prouvée. Au contraire, selon le projet de fiche 12______, dont les recourants sollicitaient initialement la prise en compte dans le cadre de la présente procédure, en lieu et place de la fiche 1______, leur bâtiment est évalué comme étant « intéressant », soit une valeur plus élevée que celle ressortant de la fiche 1______ publiée et considérée par le SMS. Il sera relevé à ce propos que les recourants se prévalent désormais, dans leur réplique, du fait que ce projet de fiche n’aurait pas été établi sérieusement, de sorte qu’il ne pourrait, selon eux, fonder la décision attaquée. En conclusion, eu égard aux développements qui précèdent, la mention, par le SMS, dans son premier préavis du 13 avril 2023, de la valeur 4+ retenue dans la fiche 1______, ainsi que la prise en compte de cet élément par le DT dans la décision de refus attaquée, ne sont pas constitutives d’une constatation inexacte des faits.
Quant à la prétendue violation de l’art. 106 LCI en raison de l’absence de fixation par le DT de critères auxquels ils auraient dû se conformer, il sera rappelé que, conformément à la jurisprudence citée supra, cette disposition légale comprend une clause d’esthétique particulière variant notamment selon les circonstances de chaque cas d’espèce. Cette notion juridique indéterminée laisse à l’administration un pouvoir d’appréciation limité uniquement par l’excès ou l’abus de celui-ci. Dans la mesure où le SMS, pour le compte de la CMNS, dont la loi requiert la consultation s’est prononcé défavorablement sur la base de critères précis, il ne peut être retenu que le DT, en suivant ce dernier, aurait abusé ou excédé son large pouvoir d’appréciation, ce que les recourants ne démontrent d’ailleurs pas. Sur ce point encore, le fait que la commune, dont le préavis est également requis par l’art. 106 LCI, se soit prononcée favorablement n’est pas déterminant, dès lors que, conformément à la jurisprudence, en cas de préavis divergents émis par ces deux instances, une prééminence doit être reconnue à ceux de la CMNS, in casu le SMS. L’accord des voisins quant à la présence de cette véranda est, quant à lui, sans pertinence s’agissant de l’examen du respect des dispositions applicables en matière de droit public de la construction.
Enfin, en alléguant que le SMS et la DAC auraient erré en posant des exigences sans fondement légal et non motivées, les recourants opposent leur propre appréciation de la situation à celle des instances composées de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection visés par la loi, conformément à la jurisprudence. Ainsi, l’interprétation à laquelle a procédé, dans le présent cas, le DT, en refusant d’autoriser le projet litigieux, suivant en cela les préavis de deux instances spécialisées - dont l’un était requis par la loi - et les arguments exposés par ces derniers, n’apparaît nullement insoutenable. Partant, conformément à la jurisprudence, il n’appartient pas au tribunal de substituer sa propre appréciation à celle du département.
En conclusion, aucune constatation inexacte des faits n’est à déplorer. Mal fondé, ce grief sera écarté.
28. Enfin, dans un dernier grief dirigé contre la décision de refus litigieuse, les recourants se prévalent d’une violation du principe de proportionnalité.
29. Ce principe, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).
Traditionnellement, ledit principe se compose des règles d’aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; ATA/1145/2023 du 17 octobre 2023 consid. 7.3).
30. En l’espèce, les recourants invoquent, à ce titre, le fait que l’intérêt général à la protection de leur bâtiment serait douteux, dès lors que celui-ci ne fait pas l’objet d’une mesure de protection, mais uniquement d’un recensement architectural interne. Dans le même sens, la valeur de recensement 4+ attribuée à ce dernier impliquait, selon eux, qu’aucune mesure de protection ne s’imposait et que la présence d’une véranda ne pouvait être interdite. Force est de constater que les recourants, une fois encore, par le biais de leurs arguments relatifs à l’absence d’unité architecturale de leur bâtiment avec ceux avoisinants, se contentent d’opposer leur propre appréciation à celle du SMS, s'agissant, aussi bien, de l’élaboration de la fiche de recensement 1______ et du projet de fiche 12______, que des préavis émis.
S'agissant de l'expression architecturale de la véranda concernée et de son insertion dans l'environnement bâti, il ne faut pas perdre de vue que ce projet s'inscrit dans un contexte de village protégé. Or, il découle des préavis successifs du SMS, qu'une attention particulière a été accordée à ce contexte, ainsi qu'aux qualités du site.
En effet, le SMS et la DAC ont relevé que la maison des recourant, située en zone 4B protégée, constituait un objet ancien bien intégré dans un ensemble construit sous une même identité et qui, de par sa situation géographique, nécessitait une protection particulière conformément aux dispositions applicables à dite zone. En outre, il ressort clairement des photographies au dossier que la véranda est positionnée sur l’ouverture en plein cintre du bâtiment, obstruant en grande partie cette dernière. À ce titre, il n’est pas déterminant que cette porte n’ait, comme s’en prévalent les recourants, jamais servi de porte de grange, mais qu'elle ait été reconstruite après un incendie, dès lors que ce sont ses caractéristiques architecturales actuelles qui doivent être préservées. Il en va de même de l’argument selon lequel ce bâtiment aurait servi auparavant de logement pour les ouvriers, sa destination antérieure ne modifiant pas ses caractéristiques architecturales et leur intérêt patrimonial. Enfin, l’absence de bâtiment protégé à proximité de leur bâtiment n’est pas déterminante, la loi ne conditionnant pas l’application de l’art. 106 LCI à la présence avoisinante d’un tel type de bâtiments. Partant, aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause l'appréciation effectuée par ces instances de préavis s'agissant de l'expression architecturale du projet de construction querellé.
Quant aux critiques formulées à l’encontre de la fiche 1______, soit son défaut de motivation ou encore le fait qu’elle laisserait en réalité apparaître une valeur architecturale douteuse vu les nombreuses modifications regrettables retenues, il sera rappelé que l’objet du litige, qui correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible, est principalement défini par l’objet du recours et les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; ATA/353/2023 du 4 avril 2023 consid. 2.1). Dès lors, les recourants ne sauraient valablement contester, par le biais de leur recours dirigé contre une décision de refus d’autorisation de construire et contre un ordre de remise en état, le respect des conditions de motivation d’une fiche de recensement ayant uniquement été prise en compte, au même titre que d’autres éléments, dans la décision de refus attaquée. Il en va de même de l’évaluation à laquelle le SMS a procédé dans le cadre de cette fiche de recensement, pour parvenir à la conclusion que la valeur 4+ devait lui être attribuée.
Quant au fait que plusieurs autorisations de construire une véranda auraient été délivrées récemment en faveur de parcelles situées à proximité, il sera rappelé que, selon le texte de l’art. 106 al. 1 LCI, la situation doit être examinée par le DT au cas par cas, de sorte que les recourants ne sauraient valablement se prévaloir de la présence d’autres vérandas autorisées dans le secteur pour en déduire un droit à l’obtention d’une telle autorisation, étant relevé que ces derniers ne se plaignent d’ailleurs pas à ce titre d’une violation du principe d’égalité de traitement.
Enfin, les recourants invoquent des intérêts privés. Les problématiques d’infiltrations d’eau et de déperdition de chaleur au niveau de la véranda actuelle ne sauraient être prises en compte, faute d’avoir été documentées et démontrées, alors même, pourtant, que les recourants ont fait état, à ce propos, d’une visite des SIG sur place et de la réalisation d’un bilan, document qui n'a cependant pas été produit. Les prétendues pertes financières que les recourants subiraient en cas de suppression de la véranda et l’éventuelle existence de mesures moins drastiques sont des arguments non pertinents dans le cadre de l'examen du refus d'autorisation. Ils seront traités ci-après dans le cadre de l’examen de l’ordre de remise en état également litigieux.
En définitive, les recourants entendent avant tout substituer leur propre appréciation à celle de l'autorité intimée. Le fait que le département ait procédé à une analyse différente de la leur pour parvenir à la conclusion que le projet faisant l’objet de la décision de refus d’autorisation querellée nuit au caractère et à l’intérêt du site et du bâtiment concernés, sur la base des différents éléments exposés supra, ne permet pas de retenir un abus ou un excès de son - large - pouvoir d'appréciation ni, partant, une violation du principe de proportionnalité. Sa prise de décision, forgée sur la base des préavis défavorables de la DAC et du SMS, ne prête pas le flanc à la critique, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'interprétation ou l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé, viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire.
Par conséquent, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à cette dernière, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, même si celle-ci n'est pas dénuée de pertinence, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire. Infondés, les griefs en lien avec une violation du principe de proportionnalité seront ainsi écartés.
31. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus d’octroi de l’autorisation de construire APA 4______/1 est conforme au droit et que le département n'a ainsi ni abusé ni excédé de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.
32. Les recourants contestent également l’ordre de remise en état rendu par le DT, invoquant une violation du principe de proportionnalité.
33. Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le département peut ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).
34. Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).
35. De jurisprudence constante (ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b; ATA/463/2021 du 27 avril 2021 consid. 5b ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 7), pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur, par comportement ou par situation, étant précisé que le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATA/ 432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c). Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux pour la zone à bâtir. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé, purement financier, de l'intéressé, voire de ses clients, au maintien des installations litigieuses.
36. L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées).
37. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées ; ATA/738/2017 du 3 octobre 2017 consid. 8).
Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).
La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire, ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4 p. 218 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24d et les arrêts cités); Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public – notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 218).
38. Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).
Même si la bonne foi du constructeur peut être reconnue, elle ne saurait le prémunir contre l'intervention de l'autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit, lorsque cette intervention respecte le principe de la proportionnalité (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_162/2014 du 20 juin 2014 consid. 6.2 ; 1C_250/2009 du 13 juillet 2009 consid. 4.2 ; 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.3).
39. S’il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d’un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (ATF 147 II 309 consid. 5.5 et 5.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1).
40. Sous l'angle de la proportionnalité, on peut notamment prendre en compte le fait que la démolition et la remise en état des lieux engendreraient des frais excessifs que l'intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012 ; 1C_101/2011 du 26 octobre 2011 consid. 2.4 ; 1C_248/2010 du 7 avril 2011 consid. 4.2 ; 1C_273/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3.2 ; 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2).
41. En l'espèce, l'ordre de remise en état a été adressé aux recourants, qui sont propriétaires de la parcelle concernée par la véranda litigieuse. À ce titre, ces derniers sont perturbateurs par situation, ce qui n’est pas contesté par les parties. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée supra, le DT était fondé à s’adresser à eux en vue de solliciter la remise en état d’une véranda, sise sur une parcelle sur laquelle il possède une maîtrise juridique et de fait, même s’ils n’ont pas eux-mêmes fait procéder à la réalisation de cette véranda, ce qui n’est pas contesté.
En outre, il est manifeste que la véranda concernée par cet ordre n'a pas été autorisée, comme vu supra.
Pour le surplus, il n’apparaît pas, au vu des éléments au dossier, que cette véranda aurait été érigée il y a plus de 30 ans. Les recourants indiquent d’ailleurs eux-mêmes, dans le cadre de leur recours, que 20 ans se seraient écoulés depuis la réalisation de cette dernière.
L'autorité intimée n'a pas créé chez les recourants, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. En effet, les recourants ne pouvaient raisonnablement se fonder uniquement sur l’indication informative, dans le SITG, de l’existence de la véranda concernée avec la mention, dans la rubrique « no_autorisation », de l’APA 3______/1, pour en déduire que celle-ci avait été autorisée. En outre, la base de données SAD Consult - vers laquelle le SITG, juste en-dessous de la mention de l’APA précitée, renvoie au moyen d’un lien internet – précise explicitement, s’agissant de l’APA 3______/1 archivée depuis le 1er novembre 2005 que « le projet avait été abandonné ». Par conséquent, force est de constater que les recourants auraient objectivement été en mesure, à l’issue d’une recherche usuelle s’agissant des constructions présentes sur leur parcelle, de se rendre compte de l’existence d’une éventuelle problématique quant à la légalité de la véranda. La durée de 20 ans écoulée, selon les recourants, depuis l’installation de cette véranda sans réaction de la part des autorités ne constituait pas davantage une assurance que cet ouvrage pourrait être maintenu. En effet, selon les informations que le DT s’était vu communiquer par le mandataire des anciens propriétaires, le projet avait été abandonné. En outre, l’existence d’éléments qui auraient dû faire douter ce dernier d’un tel abandon n’a pas été démontrée. Partant, les conditions posées par la jurisprudence pour se prévaloir d’une violation du principe de la bonne foi ne sont in casu pas remplies.
Sous l'angle de la pesée des intérêts en présence et de la proportionnalité, l’intérêt privé des recourants à maintenir la véranda dont la remise en état est ordonnée ne saurait prévaloir. En effet, leur allégation relative à la prétendue perte de valeur de leur propriété en cas de suppression de la véranda, outre le fait qu’elle apparaît purement hypothétique, ne relève pas du droit de la construction, dès lors qu'il s'agit d'une question de droit privé. Quant à la perte de la jouissance de cet espace supplémentaire et de la luminosité que cette véranda apporterait, selon eux, à leur habitation, il sera rappelé que le confort et la convenance personnelle des recourants ne sauraient prévaloir sur le respect des dispositions de droit public en matière de droit de la construction. Finalement, leur allégation selon laquelle le délai de deux mois imparti dans l’ordre attaqué pour procéder à la suppression de la véranda serait inadapté ne saurait emporter conviction, faute d’éléments démontrant qu’une telle démolition ne serait pas réalisable dans ce délai.
Aucune autre mesure que la suppression de la véranda concernée n’apparaît en l’état être apte à atteindre le but visé par l’ordre de remise en état, soit la protection du bâtiment et du site concernés situés en zone 4B protégée. À ce titre, les recourants n’ont notamment pas proposé d’éventuelles versions alternatives de l’ouvrage concerné en vue de tenter de respecter les conditions posées par les instances spécialisées durant l’instruction de leur requête.
Enfin, les recourants n’ont pas démontré que la remise en état serait impossible ou qu’elle entraînerait des coûts disproportionnés. Il sera relevé à ce titre que le montant total du dommage découlant de la remise en état, évalué à CHF 100'000.- par les recourants, englobe, selon leurs explications, la perte de valeur de la maison - laquelle ne peut, comme vu supra, pas être prise en compte dans le cadre de la présente procédure. De plus, ledit montant ne saurait être déterminant, faute d’être détaillé et motivé. En tout état, comme retenu par la jurisprudence, un intérêt purement économique ne saurait prévaloir sur l’intérêt public important au rétablissement d’une situation conforme au droit.
Eu égard aux développements qui précèdent, il sera retenu que l'ordre de remise en état contesté constitue une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé et est ainsi conforme au principe de la proportionnalité. Partant, dès lors que l’ensemble des conditions d’une remise en état sont remplies, il n'apparaît pas que la décision du département soit contraire au droit. C’est ainsi à bon droit et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que le DT a prononcé l'ordre de remise en état querellé.
42. En conclusion, entièrement mal fondé, le recours interjeté contre la décision de refus d’autorisation de construire du ______ 2023 et contre la décision de remise en état du 14 juillet 2023 est rejeté.
43. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 2'000.-; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 6 septembre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision de refus d’autorisation de construire APA 4______/1 du département du territoire du ______ 2023 et contre l’ordre de remise en état I-5______ du département du territoire du 14 juillet 2023 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Julien PACOT et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties
Genève, le |
| La greffière |