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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/585/2023

JTAPI/35/2024 du 18.01.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ANTENNE;INSTALLATION DE TÉLÉCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE;LIMITATION DES ÉMISSIONS;ESTHÉTIQUE
Normes : LCI.3.al3; RCI.11.al4; LCI.2.al3; LCI.6.al1; RCI.1A; LPE.11.al2; LCI.14; LCI.15
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/585/2023 et A/589/2023 LCI

JTAPI/35/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 janvier 2024

 

dans la cause

 

COMMUNE DE A______, représenté par Me Jean-Pierre CARERA, avocat, avec élection de domicile

LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES B______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES C______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES D______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES E______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES F______, Madame G______, Monsieur H______, Monsieur I______, Monsieur J______, Madame K______, Monsieur L______, Madame M______, Monsieur N______, Madame O______, Monsieur P______, Monsieur Q______, Madame R______, Madame S______, Madame T______, représentés par Me Alexandre AYAD, avocat, avec élection de domicile

contre

Monsieur U______

V______ SA

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur W______, le 8 décembre 2021, était propriétaire des parcelles nos 1______, 2______ et 3______ de la commune de A______ (ci-après : la commune), sises en zone de développement 3, zone de fond 5, à l'adresse 4______-5______, chemin de X______ et sur lesquelles se trouvent plusieurs immeubles.

2.             Le fils de M. W______, Monsieur U______, est depuis lors devenu propriétaire desdites parcelles.

3.             Le 2 décembre 2019, V______ SA (ci-après : V______ SA) a déposé une requête au département du territoire (ci-après : DT ou le département) sollicitant la délivrance d'une autorisation de construire portant sur l'installation d'une nouvelle station de base pour téléphonie mobile / GE 7______ sur les parcelles précitées. Cette demande a été enregistrée sous la référence DD 8______.

Monsieur X______ y est indiqué sous la rubrique « mandataire » au nom de la société Y______ SA. Sous la case mandataire professionnellement qualifiée (ci-après : MPQ), la réponse « non » est cochée.

4.             Cette requête a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 19 décembre 2019 et a fait l'objet d'une mise à l'enquête publique publiée dans la FAO le 22 septembre 2022.

5.             Dans ce cadre, V______ SA a joint une fiche de données spécifique au site, établie le 18 novembre 2019.

6.             Lors de l'instruction de cette requête, les préavis des instances concernées ont été sollicités, dont notamment :

-          le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), le 9 janvier 2020, réitéré le 19 juin 2020, lequel a sollicité des pièces complémentaires, faisant référence aux travaux dirigés par l'office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) sur le déploiement de nouvelles antennes liées à la 5G, et indiquant que le canton se réservait sa position sur la conformité à l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710) dans l'attente du résultat desdits travaux, conformément à l'application du principe de prévention ;

-          la commune, le 21 janvier 2020, laquelle a émis un préavis défavorable, indiquant appliquer un principe de précaution quant à l'installation d'antennes 5G sur son territoire tant que l'étude en cours de l'OFEV sur les éventuels risques de la 5G pour la santé humaine n'avait pas été rendue.

Elle a réitéré son préavis défavorable le 19 mai 2020, indiquant qu'ensuite de la prise de connaissance des informations concernant les antennes adaptatives et la 5G, ainsi qu'au vu de la mise en place du moratoire adopté par le canton de Genève en février 2020, elle appliquait un principe de précaution quant à l'installation d'antennes 5G sur son territoire, tant que l'ensemble des principes et la publication de l'aide à l'exécution pour les antennes adaptatives de l'OFEV n'avaient pas été réalisés.

L'ensemble des autres instances de préavis sollicitées, à savoir la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) et l’office de l’urbanisme (ci-après : OU), ont émis des préavis favorables.

7.             Par décision du 30 octobre 2020, le département a refusé la demande d'autorisation de construire sur la base d'un moratoire décidé par le canton de Genève.

Les enquêtes et investigations de l'OFEV devant permettre de lever les incertitudes quant aux effets de la 5G n'avaient pas encore abouti et le moratoire avait été prolongé par le Conseil d'État début décembre 2019. L'absence de la transparence nécessaire au sujet de l'exposition effective de la population due à ces antennes et d'indications précises de la Confédération nécessaires à évaluer le respect de l'ORNI conduisaient à ce refus.

8.             Par acte du 18 novembre 2020, V______ SA a recouru contre cette décision (A/9______).

9.             Suite à la levée du moratoire et à l'envoi d'une nouvelle fiche de données spécifique au site concernant les stations de base pour la téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) par V______ SA, le département a annulé sa décision de refus du 30 octobre 2020 et a repris l'instruction de la DD 8______.

10.         La fiche de données spécifique au site modifiée, établie le 8 juin 2022, indiquait les mesures suivantes :

-          lieu à utilisation sensible (ci-après : LUS) n° 7 (habitation) : intensité de champ électrique = 4.69 V/m, valeur limite de l’installation (ci-après : VLInst) = 5.0 V/m ;

-          LUS n° 8 (habitation) : intensité de champ électrique = 3.62 V/m, VLInst = 5 V/m ;

-          LUS n° 9 (habitation) : intensité de champ électrique = 4.55 V/m, VLInst = 5 V/m.

Il était encore précisé que la VLInst était respectée pour tous les LUS précités et que la distance maximale pour former opposition était de 664 m.

11.         Lors de l'instruction de cette requête, les préavis des instances suivantes ont à nouveau été sollicités :

-          le SABRA, le 30 juin 2022, lequel a rendu un préavis favorable, sous conditions. Le projet se composait d'un groupe de douze antennes, fixées sur la superstructure du bâtiment sis au 6______ [recte: 4______]-5______, chemin de X______. L'installation était susceptible de produire des immissions dépassant la VLInst dans un rayon de 100 m. Des mesurages de contrôle aux lieux à utilisation sensible (ci-après: LUS) nos 7 et 9 devaient être effectués, les antennes devaient être intégrées dans le système d'assurance qualité de l'opérateur et les parties accessibles pour l'entretien, où la VLI était épuisée, devaient être dûment protégées ;

-          la commune, le 31 octobre 2022, laquelle a réitéré son préavis défavorable. La toiture sur laquelle le projet d'installation d'antennes était prévu était déjà pourvu d'une centrale photovoltaïque. Le gabarit conséquent des installations engendrerait inévitablement une ombre portée conséquente sur les panneaux et donc une perte de production d'énergie de la centrale. Or, une installation devait s'adapter au contexte existant sans prétériter ce dernier, surtout lorsqu'il s'agissait de répondre à des besoins de production énergétique à l'heure ou cette thématique était plus qu'actuelle.

12.         Par décision du 17 janvier 2023, le département a délivré l'autorisation de construire DD 8______, laquelle a été publiée dans la FAO du même jour.

13.         Selon les plans visés ne varietur à la même date, le projet consiste en la pose de trois mâts supportant chacune des antennes d'une hauteur de 1.1 m et de 2.0 m, le dispositif culminant à 5.70 m au-dessus de la dalle de couverture de l'immeuble (une ou deux pointes d'environ 1 m de haut s'élèvent encore au sommet de chacun des trois mâts). à ces mâts s'ajoutent, toujours sur le toit de l'immeuble, un meuble technique, quelques garde-corps et des dallages. L'immeuble, d'une hauteur de 18.55 m à l'acrotère, est d'une longueur d'un peu moins de 65 m et d'une profondeur d'un peu moins de 15 m. Les trois mâts d'antennes sont disposés, pour l'un, à l'angle Ouest du bâtiment, et, pour les deux autres, environ 45 m plus loin, chacun sur un bord opposé de la toiture.

14.         Par acte du 15 février 2023, sous la plume de son conseil, la commune a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) contre la décision précitée, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

En sa qualité de commune du lieu de situation, elle disposait de la qualité pour recourir.

L'écoulement du temps, soit plus de trois ans, entre les préavis délivrés par les instances de préavis et la reprise de l'instruction, puis la délivrance de l'autorisation, nécessitait de solliciter un nouveau préavis de la part de toutes les instances, comme cela avait été le cas pour le SABRA et la commune, à qui le dossier avait été soumis une nouvelle fois.

La demande d'autorisation de construire déposée le 29 novembre 2019 était par ailleurs entachée d'un vice formel manifeste, n'ayant jamais été signée par le propriétaire des parcelles concernées et portant faussement la signature de ce dernier dans la version figurant dans le dossier remis par l'OAC le 30 janvier 2023.

Au fond, en l'état des connaissances scientifiques et malgré le respect des valeurs limites fixées par l'ORNI, il n'était pas possible d'affirmer que l'installation ne constituait pas un danger pour la population. Même si la jurisprudence de la chambre constitutionnelle retenait que la fixation des valeurs relevait du droit fédéral, le département disposait d'une marge de manœuvre lui permettant de refuser le projet en question en se basant sur le principe de précaution, celui-ci ne se limitant pas au respect des valeurs limites de l'ORNI. Les enjeux de protection de la santé de la population étaient nettement plus importants que celui de la mise en place d'un réseau de communication moderne et efficace.

Enfin, la technologie 5G était susceptible de causer des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, notamment de porter atteinte à la santé des populations à proximité des antennes, en violation de l'art. 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ce d'autant que le projet se situait sur un immeuble de logement, dans un quartier fortement densifié, comprenant des habitations, places de travail et locaux sensibles tels que des écoles, dans un proche périmètre. En outre, les enjeux d'approvisionnement en énergie devaient l'emporter sur l'intérêt de la requérante. En effet, l'ombre portée par l'installation litigieuse, présentant un volume total très conséquent, engendrerait une réduction forte de la production d'énergie solaire de la centrale photovoltaïque déjà existante sur le toit.

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/585/2023.

15.         Par acte du 16 février 2023, sous la plume de leur conseil, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES B______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES C______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES D______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES E______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES F______, Madame G______, Monsieur H______, Monsieur I______, Monsieur J______, Madame K______, Monsieur L______, Madame M______, Monsieur N______, Madame O______, Monsieur P______, Monsieur Q______, Madame R______, Madame S______, Madame T______ (ci-après : la communauté des propriétaires par étages B______ et consorts) ont formé recours contre la décision précitée auprès du tribunal, concluant préalablement à la tenue d'un transport sur place et à la comparution personnelle des parties, principalement, à l'annulation de la décision litigieuse, subsidiairement, au renvoi de la cause au département pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants, et plus subsidiairement, à l'interdiction de l'ouverture du chantier tant que V______ SA n'aurait pas mandaté un mandataire professionnellement qualifié chargé de la direction des travaux, le tout sous suite de frais et dépens.

Étant propriétaires, respectivement habitants des immeubles situés sur les parcelles immédiatement adjacentes ou proches des parcelles litigieuses, ils étaient directement concernés par les travaux et avaient un intérêt digne de protection à ce que la décision litigieuse soit annulée, ce d'autant que l'installation litigieuse impacterait manifestement leur santé et porterait également atteinte à leur propriété en raison de la perte de valeur qu'elle causerait à leurs biens-fonds. Ils avaient donc qualité pour recourir.

Aucune nouvelle demande d'autorisation comportant la signature du nouveau propriétaire, M. U______, n'avait été déposée par la requérante et aucun document permettant d'établir que ce dernier consentait au projet de construction litigieux ne figurait au dossier, en violation de l'art. 11 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01). En outre, l'écoulement du temps entre les préavis délivrés par la DAC et le SPI et la reprise de l'instruction, puis la délivrance de l'autorisation, nécessitait de solliciter un nouveau préavis de la part de ces instances de préavis, ce qui n'avait pas été fait. Enfin, la demande d'autorisation et les plans joints à cette dernière n'avaient respectivement pas été signés ni établis par un mandataire professionnellement qualifié, alors qu'ils auraient dû l'être.

Au fond, au vu des connaissances scientifiques et médicales actuelles, les risques sanitaires liés à l'exposition aux rayonnement causés par les nouvelles antennes ne pouvaient en aucun cas être exclus. Bien au contraire, les études existantes tendaient à démontrer que l'exposition à ces rayonnements, bien que contenus dans les limites fixées par l'ORNI, avait des effets néfastes sur la santé. L'autorisation de construire aurait ainsi dû être refusée, en application du principe de précaution, ce d'autant que la construction litigieuse était prévue dans une zone densément peuplée, sur le toit d'un immeuble d'habitation, et à proximité immédiate de nombreux autres immeubles d'habitation, une crèche, deux écoles et des bureaux, dont certains figuraient d'ailleurs parmi les dix LUS les plus chargés.

La construction visée violait en outre l'art. 14 al. 1 let. a et c LCI, dès lors qu'elle nuirait à la santé de nombreux riverains et des enfants fréquentant les écoles et la crèche suscitées. De même, elle causerait inévitablement une perte de la valeur de leurs biens immobiliers, dès lors que des acheteurs potentiels renonceraient à les acquérir en apprenant la présence de telles antennes à proximité. Or, des solutions alternatives à proximité existait.

Une violation de l'art. 15 LCI était également à déplorer compte tenu de son aspect tentaculaire, peu esthétique et de l'ombre conséquente que la construction litigieuse projetterait sur les panneaux photovoltaïques installés sur le toit de l'immeuble. De plus, les différents immeubles érigés à proximité immédiate étant à toit plats, elle aurait pour conséquence de dénaturer l'harmonie architecturale du quartier et d'encombrer le paysage.

Enfin, il apparaissait qu'aucun mandataire professionnellement qualifié n'avait été nommé pour la direction des travaux.

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/589/2023.

16.         Dans ses observations séparées du 24 avril 2023 dans les causes A/585/2023 et A/589/2023, le département s'en est rapporté à justice quant à la recevabilité des recours et a sollicité la jonction des causes précitées, concluant pour le surplus à leur rejet et à la confirmation de sa décision, sous suite de frais et dépens. Il a produit son dossier.

Le projet n'avait subi aucun changement depuis le dépôt de la requête en décembre 2019, les plans visés ne varietur correspondant d'ailleurs pas à la version déposée en 2019. Seule la fiche de données spécifique au site avait fait l'objet d'une mise à jour entre 2019 et 2022, laquelle avait été examinée et validée par le SABRA. Il n'était ainsi pas nécessaire de soumettre le projet une nouvelle fois à l'ensemble des instances de préavis consultées.

Comme le requérait la loi, le formulaire de requête avait été déposé en 2019 en plusieurs exemplaires et portait bien la signature de M. W______ sur un des exemplaires à tout le moins. Les conditions prescrites par l'art. 11 al. 4 RCI étaient donc satisfaites, la requérante n'étant pas tenue de déposer une nouvelle requête en cas de changement de propriétaire.

Le département avait pour pratique de traiter les antennes de téléphonie mobile comme des installations d'importance secondaire au sens de l'art. 1A RCI, étant précisé que la liste de cas prévus à son al. 1 n'était pas exhaustive. Le projet litigieux tombait dès lors dans le champ d'application de l'exception prévue par l'art. 2 la. 3 dernière phrase LCI, de sorte que la signature d'un MPQ sur les plans n'était pas nécessaire. En tout état, il aurait pu, dans l'hypothèse où les plans n'étaient pas clairs, imposer un MPQ en vertu de l'art. 1A al. 2 RCI, ce qu'il n'a cependant pas fait puisque les plans apportaient toutes les informations nécessaires et cela sans équivoque.

L'autorisation litigieuse se basait sur l'examen minutieux opéré par le SABRA, lequel s'était fondé sur les valeurs indiquées dans la fiche de données spécifique au site du 21 juin 2022 pour rendre son préavis favorable sous conditions, jugeant que les valeurs limites de l'ORNI et du règlement cantonal topique étaient respectées, lesquelles protégeaient contre les effets sanitaires scientifiquement prouvés. Par ailleurs, les conditions prévues par l'autorisation de construire imposaient à l'opérateur de surveiller les données et de prendre les mesures qui s'imposaient en cas de dépassement. Dans ces conditions, aucune violation du principe de précaution ne pouvait être reproché à l'autorité intimée.

Dans la mesure où le projet autorisé respectait les valeurs limites d'immissions et que les conditions prévues par l'autorisation de construire imposaient à l'opérateur de surveiller les données et de prendre les mesures qui s'imposaient en cas de dépassement, il n'était pas susceptible de causer des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, étant précisé que le SABRA avait constaté qu'il n'y avait pas de lieu normalement accessible où la VLI était épuisée. Les recourants ne démontraient pas le contraire, se limitant à alléguer que des atteintes ne pouvaient être exclues sans pour autant démontrer qu'elles étaient avérées. Il ressortait en outre des plans visés ne varietur que le volume des antennes n'était que peu important et que leur ombre ne serait que temporaire en fonction du moment et de la journée. S'agissant de l'art. 15 LCI, la DAC avait rendu un préavis favorable sans observation, considérant que le projet ne nuisait pas au caractère du quartier et qu'il était conforme à la LCI. Pour un tel projet de peu d'importance, l'appréciation du département relative à l'esthétique, tenant compte des préavis sollicités, suffisait. Pour ce qui concernait la prétendue perte de valeur des immeubles des recourants, cette question était exorbitante à l'objet du litige.

Enfin, s'agissant de la direction des travaux, il était relevé que le projet concerné était d'importance secondaire, de sorte que l'exception prévue par l'art. 6 al. 1 dernière phrase LCI s'appliquait en l'espèce. D'autre part, dès lors que cet article prévoyait des prescriptions applicables à la phase d'exécution des travaux, postérieure à l'autorisation de construire, l'argument des recourants était manifestement prématuré et exorbitant au présent litige.

17.         Le 11 mai 2023, dans le délai prolongé par le tribunal, V______ SA a répondu aux recours dans les causes A/585/2023 et A/589/2023, concluant à leur rejet.

Les recourants ne précisaient pas quels motifs ni faits nouveaux justifieraient d'obtenir de nouveaux préavis, étant précisé que le SABRA s'était prononcé sur la fiche de donnée mise à jour.

Au moins un des dix exemplaires de la formule officielle déposée le 2 décembre 2019 portait bien la signature de Monsieur W______, alors propriétaire des parcelles concernées. En outre, rien n'indiquait que l'actuel propriétaire ne consentait pas à l'installation.

Le projet litigieux consistant à poser des éléments techniques sur la toiture existante et n'excédant pas 50 m2 de surface, c'était à juste titre que le département avait estimé qu'il pouvait être exempté de l'obligation de signature par un mandataire professionnellement qualifié. À toutes fins utiles, il était relevé que M. X______ était inscrit au registre des mandataires vaudois en tant qu'ingénieur civil.

Les recourants ne contestaient pas que le projet litigieux respectait bel et bien les valeurs limites imposées par l'ORNI dans tous les LUS considérés et ne produisaient pas d'éléments, en particulier scientifiques, pouvant justifier de s'écarter de la jurisprudence fédérale selon laquelle, dès lors que les VLI étaient respectées, il convenait d'admettre que le principe de précaution n'était pas violé.

Dans la mesure où la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) et l'ORNI étaient respectées, l'installation litigieuse ne pouvait être source d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage et le public. La prétendue perte d'efficacité des panneaux photovoltaïques, contestée par l'autorité intimée, n'était pas documentée, de sorte qu'il convenait de rejeter cet argument également. Quant à la prétendue perte de valeur immobilière, il s'agissait d'un argument relevant du droit privé, échappant à la cognition du tribunal. En ce qui concernait l'art. 15 LCI, il était relevé que l'office de l'urbanisme avait émis un préavis favorable au projet.

Enfin, le département avait estimé que le projet pouvait être exempté de l'obligation de faire suivre les travaux par un MPQ, mais qu'il conservait le droit d'en exiger l'intervention en tout temps si les circonstances l'exigeaient.

18.         Par courrier du 26 mai 2023 (cause A/585/2023), la commune a renoncé à répliquer et persisté intégralement dans les termes de son recours du 15 février 2023.

19.         Par réplique du 30 juin 2023 (cause A/589/2023), dans le délai prolongé par le tribunal, la communauté des propriétaires par étages B______ et consorts ont persisté dans leurs conclusions.

Reprenant en substance les arguments invoqués dans leur recours du 16 février 2023, ils ont ajouté qu'il ne pouvait être exclu que les instances de préavis auraient examiné différemment le projet litigieux, ni que d'autres organismes ou services supplémentaires auraient dû être consultés suite à un changement de pratique ou une réorganisation des services. L'autorité intimée était ainsi tenue de consulter à nouveau tous les organismes et services concernés. En outre, la catégorisation des antennes de téléphonie mobile en tant que construction ou installation d'importance secondaire ne trouvait aucun fondement dans le texte de l'art. 1A RCI et ne reposait sur aucun fondement légal. Les installations visées par la DD 8______ étaient non seulement massives – soit douze antennes, dont trois adaptatives, fixées sur trois mâts d'une hauteur de 5,7 m au sommet de quatre allées d'immeuble – mais également hautement techniques et sensibles. De plus, elles étaient prévues sur un bâtiment d'habitation déjà existant et non sur un terrain nu. L'objectif des art. 2 al. 3 LCI et 6 al. 1 LCI était qu'un projet présentant un seuil minimum d'importance volumétrique et technique soit élaboré et dirigé par un professionnel de la construction. Ils persistaient dès lors dans leur grief que les plans et autres documents joints à la demande d'autorisation devaient être établis et signés par un MPQ.

20.         Par duplique du 10 juillet 2023 (A/589/2023), V______ SA a persisté dans les conclusions prises dans ses écritures du 11 mai 2023.

21.         Par duplique du 8 août 2023 (A/589/2023), le département a persisté dans ses conclusions, ajoutant que, les autres préavis rendus n'ayant pas fait l'objet de changement spécifique lié à leur condition d'octroi, il se dispensait d'une nouvelle sollicitation auprès des offices concernés. En outre, ne remettant pas en cause la clarté des documents et plans visés ne varietur joints à la demande d'autorisation, les recourants ne démontraient pas en quoi le projet autorisé serait susceptible de leur causer des inconvénients graves du fait que ceux-ci n'avaient pas été établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ.

22.         M. U______ n’a pas produit d’observations ni dupliqué.

23.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             À teneur de l'art. 70 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

3.             En l'espèce, les procédures A/585/2023 et A/589/2023 portent sur la même autorisation de construire. Par conséquent, il se justifie de prononcer leur jonction, sous le n° de procédure A/585/2023.

4.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

5.             Pour qu’un recours soit recevable, encore faut-il que ses auteurs disposent de la qualité pour recourir (art. 60 LPA).

6.             En matière d'installation de téléphonie mobile, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui habitent dans un rayon en dehors duquel est produit un rayonnement assurément inférieur à 10% de la VLInst. Elles ne sont pas uniquement habilitées à se plaindre d'un dépassement des émissions ou des VLInst sur leur propriété mais peuvent en général également remettre en question la légalité du projet de construction (ATF 133 II 409 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C.112/2007 du 29 août 2007 consid. 2 ; ATA/694/2012 du 16 octobre 2012 ; Monika KOLZ, La loi fédérale sur la protection de l'environnement, jurisprudence de 2000 à 2005, DEP 2007, p. 247 ss, 321-322). Ce périmètre est déterminé sur la base de la fiche de données spécifiques au site, qui indique la distance pour former opposition, définissant le rayon dudit périmètre.

7.             Selon l'art. 3 al. 3 ORNI, on entend par LUS, entre autres, les locaux situés l’intérieur d'un bâtiment dans lesquels des personnes séjournent régulièrement durant une période prolongée.

8.             Selon le document « Lieux à utilisation sensible » de l'OFEV, sont notamment considérés comme des LUS les habitations (au même titre les appartements de vacances), y compris les cuisines et les salles de bains (cf. ATF 128 I l 340) et les couloirs à l'intérieur de l'habitation.

9.             En l’espèce, dès lors que les recourants sont domiciliés dans le périmètre d’opposition, fixé à 664 m selon la fiche de données spécifique au site du 8 juin 2022, ils disposent de la qualité pour recourir.

Partant, le recours est recevable sous cet angle également.

10.         À titre préalable, la communauté des propriétaires par étages B______ et consorts ont sollicité la tenue d'un transport sur place ainsi que la comparution personnelle des parties.

11.         Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2s p. 157 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1Aux termes de l’art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en fait l’objet passe à l’autorité de recours. La jurisprudence admet que le tribunal, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu’il peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3b ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 4).

12.         Cependant, l’ensemble des actes d’instruction ne sont pas obligatoires (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5D_204/2016 du 15 mars 2017 consid. 4.4 ; 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.4 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 2.1 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d, s'agissant de l'audition orale des parties ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C_327/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 et ATA/384/2011 du 21 juin 2011, s'agissant de l'inspection locale) dès lors qu’ils n'apparaissent pas indispensables, si le dossier contient déjà les éléments utiles et nécessaires permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le litige (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 III 208 consid. 2.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_109/2015, 2C_110/2015 du 1er septembre 2015 consid. 4.1 ; 1C_61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1).

13.         Le droit d'être entendu ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

14.         En l'espèce, le tribunal estime disposer d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause. En effet, le projet litigieux a été soumis à l'examen minutieux de plusieurs instances spécialisées, dont notamment le SABRA, lequel a rendu un préavis détaillé après analyse des éléments du projet, notamment la fiche de données spécifique au site présentée par V______ SA. En outre, la consultation du Système d'Information du Territoire à Genève (ci-après : SITG) ainsi que du dossier de la requête en autorisation de construire litigieuse, accompagné notamment des plans produits, permettent d'avoir une image suffisamment nette et précise de la situation actuelle. Enfin, les recourants ont eu la possibilité de faire valoir leurs arguments, dans le cadre de leur recours et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ces écritures, sans qu'ils n'expliquent quels éléments la procédure écrite les aurait empêchés d'exprimer de manière pertinente et complète. Dans ces circonstances, le tribunal, procédant à une appréciation anticipée des preuves, considère que tant la tenue d'un transport sur place ainsi que la comparution personnelle des parties ne seraient pas de nature à changer sa conviction. En conséquence, les demandes de mesures d'instruction, non obligatoires, sont rejetées.

15.         Sur le fond, les recourants font tout d'abord valoir une violation de l'art. 3 al. 3 LCI, estimant que, suite à la reprise de l'instruction, l'autorité intimée aurait dû solliciter de nouveaux préavis de la part de toutes les instances de préavis, en sus de ceux du SABRA et de la commune.

16.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste ainsi libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser. Il n'en demeure pas moins que la délivrance des autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

17.         Si un projet de construction subit des modifications essentielles en cours d'instruction, après avoir été porté à la connaissance de l'autorité de préavis, il appartient à l'autorité de décision de requérir à nouveau le préavis de cette dernière (ATA/927/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6d ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4b ; ATA/198/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/273/2011 du 3 mai 2011). Un projet subit une modification essentielle, lorsque pris dans leur ensemble, tant l'implantation que la volumétrie des bâtiments ont été modifiées, notamment par une augmentation de l'emprise au sol de la construction réduisant les distances aux limites de propriété ou par un déplacement d'un bâtiment et une augmentation du nombre d'étages prévus. Il en est de même lorsque les modifications intervenues changent le régime juridique d'un projet le faisant passer notamment des règles ordinaires en matière de gabarit de hauteur à celles régissant les surélévations d'immeubles (ATA/198/2013 du 26 mars 2013).

18.         Dans l’affaire objet de l’arrêt ATA/414/2017 précité, la chambre administrative a confirmé la décision du TAPI de solliciter, après l’audition d’un de ses représentants, un préavis complémentaire de l’autorité spécialisée (soit l’office cantonal de l’énergie) sur la modification du projet litigieux due à la production d’une nouvelle pièce (à savoir un bilan thermique actualisé) par la requérante devant le TAPI et de donner aux parties la possibilité de se déterminer sur ce préavis complémentaire, au lieu de renvoyer le dossier au département pour nouvelle décision sur la demande d’autorisation de construire. Ladite modification, si elle pouvait avoir un certain impact sur les aspects énergétiques du bâtiment en cause, n’induisait pas de changement de régime juridique du projet querellé et ne pouvait pas être qualifiée d’essentielle au sens de la jurisprudence (consid. 4c).

19.         Dans une affaire plus récente, la chambre administrative a admis, à la lumière de la jurisprudence précitée, qu’avant de rendre son jugement, le TAPI exige du département la production du préavis de la commission d’urbanisme – qui manquait au dossier – au sujet de la dérogation à la hauteur de gabarit et au coefficient d’occupation du sol du bâtiment, à vocation industrielle et artisanale, envisagé et qu’il transmette ledit préavis – favorable dans ce cas – aux parties en donnant à celles-ci la possibilité de se déterminer à son sujet. La chambre de céans a estimé qu’il ne ressortait pas de la jurisprudence précitée que « seuls des compléments relatifs à des préavis déjà émis pourraient être demandés par le TAPI » (ATA/615/2020 du 23 juin 2020 consid. 3b, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_449/2020 du 26 août 2021 consid. 3.2).

20.         En l'espèce, il ressort des différents préavis que l'autorisation de construire initiale avait été refusée uniquement sur la base des incertitudes liées au développement de la 5G et dans l'attente du résultat des travaux de la Confédération à ce sujet. En revanche, comme relevé par l'autorité intimée, il ressort du dossier que le projet n'a pas évolué depuis son dépôt initial. Seule la fiche de données spécifique au site remise par la requérante a fait l'objet d'une mise à jour entre 2019 et 2022. Ainsi, le contexte global ayant évolué, la reprise de la procédure n'est due qu'à la fin du moratoire sur le développement de la 5G et à la publication des résultats des études de l'OFEV. L'autorité intimée a, à juste titre, consulté le SABRA, instance spécialisée chargée de vérifier la conformité du projet aux dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, dont notamment l'ORNI, laquelle a examiné et validé la nouvelle version de la fiche de données spécifique au site. Il est en revanche manifeste que le projet n'a subi aucune modification essentielle nécessitant obligatoirement une nouvelle consultation de autres instances de préavis.

Partant, en ne sollicitant pas un nouveau préavis de ces instances de préavis, le département n'a pas violé l'art. 3 al. 3 LCI.

Le grief doit donc être écarté.

21.         Les recourants font ensuite valoir une violation de l'art. 11 al. 4 RCI. D'une part, le formulaire de demande d'autorisation de construire déposé en 2019 n'aurait pas été signé par le propriétaire des parcelles concernées à l'époque, à savoir M. W______. D'autre part, une nouvelle demande, comportant la signature de M. U______, en sa qualité de nouveau propriétaire des parcelles, voire un document confirmant son consentement au projet de construction litigieux, aurait dû être déposé.

22.         Selon l'art. 11 al. 4 RCI, toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel MPQ, conformément à l’art. 2 al. 3 LCI.

Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).

23.         Conformément à l’art. 9 al. 1 RCI, la demande définitive doit être adressée au département sur formule officielle, en dix exemplaires. Dans le but d'accélérer l'instruction d'une demande impliquant le recueil de nombreux préavis ou en fonction de l'importance de l'objet, le département peut solliciter un nombre inférieur ou supérieur d'exemplaires.

24.         Selon la jurisprudence, une requête déposée en vue de la délivrance d'une autorisation de construire doit émaner, ou du moins avoir l'assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s'agit pas d'une simple prescription de forme, car elle permet de s'assurer que les travaux prévus ne sont pas d'emblée exclus et que le propriétaire qui n'entend pas réaliser lui-même l'ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/1459/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2 ; ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5g ; ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 3b et l'arrêt cité). Ainsi, la signature du propriétaire du fonds a également comme but d'obtenir l'assurance que celui qui a la maîtrise juridique du fonds consent aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/461/2020 du 7 mai 2020 consid. 5c ; ATA/85/2022 du 1er février 2022, consid. 11 b).

Le Tribunal fédéral, qui a eu l'occasion d'examiner une exigence similaire du droit neuchâtelois, a retenu qu'une autorité tomberait dans le formalisme excessif, incompatible avec l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) si elle refusait de prendre en considération une autre pièce du dossier qui révélerait sans ambiguïté, le cas échéant, l'accord de la seconde copropriétaire d'une parcelle, laquelle n'avait pas signé la demande d'autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1P.620/2002 du 27 mai 2003 consid. 5 ; ATA/1529/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b).

Selon une jurisprudence constante de la chambre administrative de la Cour de justice, la législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve les dispositions légales et réglementaires édictées par la Confédération, le canton et les communes ainsi que les droits des tiers, auxquelles aucune autorisation ne peut être opposée (art. 3 al. 6 LCI). Elle n'a pas pour objet de veiller au respect des droits réels, comme les servitudes par exemple (ATA/588/2017 du 23 mai 2017 consid. 3d et les références citées) ; elle a ainsi retenu qu’une demande d’autorisation de construire pouvait ne pas être signée par tous les propriétaires d’une parcelle (ATA/1515/2017 du 21 novembre 2017, considérant 5).

25.         Selon l’art. 560 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les héritiers acquièrent de plein droit l’universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte (al. 1). Ils sont saisis des créances et actions, des droits de propriété et autres droits réels, ainsi que des biens qui se trouvaient en la possession du défunt, et ils sont personnellement tenus de ses dettes ; le tout sous réserve des exceptions prévues par la loi (al. 2). L’effet de l’acquisition par les héritiers institués remonte au jour du décès du disposant et les héritiers légaux sont tenus de leur rendre la succession selon les règles applicables au possesseur (al. 3).

26.         En l'espèce, s'il appert que sa signature ne figure pas sur l'ensemble des copies de la demande d'autorisation déposées à l'autorité intimée, il n'en demeure pas moins que, contrairement à ce que prétend la commune, la demande d'autorisation de construire figurant au dossier et déposée par la requérante le 2 décembre 2019 comporte manifestement la signature de M. W______. La signature sur l'un des exemplaires déposés doit, eu égard à la législation applicable et la jurisprudence rappelée ci-dessus, être considérée comme pleinement suffisante pour prouver que feu M. W______ a donné son consentement au projet de construction. Par conséquent, dès lors que le but visé par l’exigence de la signature du propriétaire des parcelles concernées, soit de s’assurer de l’accord de ce dernier, est atteint, il y a lieu de retenir, sauf à verser dans le formalisme excessif, que la requête d’autorisation concernée est valable.

En outre, à la suite du décès de M. W______, M. U______, en tant qu'héritier unique, a acquis de plein droit, conformément à la disposition légale précitée, l'universalité de la succession, devenant à ce titre titulaire de toutes les créances et actions, des droits de propriété et autres droits réels, ainsi que des biens qui se trouvaient en la possession du défunt. Or, après être devenu le nouveau propriétaire de la parcelle, il n'a à aucun moment signifié son désaccord ou émis de réserve au sujet de la demande d'autorisation déposée par le de cujus et n'a pas demandé, d'une façon ou d'une autre, à intervenir dans la procédure suite au dépôt du recours. Ces éléments permettent au tribunal de considérer avec le département que le propriétaire actuel des parcelles litigieuses adhère au projet de construction litigieux.

Mal fondé, ces griefs doivent être écartés.

27.         La communauté des propriétaires par étages B______ et consorts font valoir une violation de l'art. 2 al. 3 LCI dans la mesure où le projet n'a pas été porté par un MPQ, ainsi qu'une violation de l'art. et 6 al. 1 LCI au vu de l'absence de MPQ pour assurer la direction des travaux. Portant sur les mêmes éléments, il se justifie d'examiner ces deux griefs en même temps.

28.         Selon l’art. 2 LCI, les demandes d’autorisation sont adressées au département (al. 1). Le règlement d’application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d’autorisation publiée dans la Feuille d’avis officielle doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ dans la catégorie correspondant à la nature de l’ouvrage, au sens de la LPAI. Demeurent réservés les projets de construction ou d’installation d’importance secondaire qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 3).

En application de cette disposition, l’art. 11 al. 4 RCI stipule que toutes les demandes d’autorisation de construire doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l’éventuel mandataire professionnellement qualifié.

29.         L'art. art. 6 al. 1 LCI prévoit que la direction des travaux dont l’exécution est soumise à autorisation de construire doit être assurée par un mandataire inscrit au tableau des mandataires professionnellement qualifiés, dont les capacités professionnelles correspondent à la nature de l’ouvrage. Demeurent réservées les constructions ou installations d’importance secondaire, qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire.

Le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l’égard de l’autorité jusqu’à réception de l’avis d’extinction de son mandat (al. 2).

A défaut de mandataire annoncé ou en cas de cessation de mandat, le département peut interdire l’ouverture du chantier ou ordonner la suspension des travaux (al. 3).

30.         Selon l'art. 1A al. 1 RCI, sont notamment réputés d’importance secondaire, au sens des art. 2 al. 3 et 6 al. 1 LCI :

a) les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, serres ;

b) les constructions dites de peu d’importance, au sens de l’article 3, alinéa 3(120), du présent règlement ;

c) les places de stationnement ;

d) l’aménagement d’une issue sur la voie publique ;

e) la modification de la couleur d’une construction ou d’une installation ;

f) la modification intérieure d’une construction ou d’une installation, sans changement de la destination des locaux ni modification des façades ou des éléments porteurs ;

g) la démolition d’une construction ou d’une installation d’importance secondaire ;

h) les petits bâtiments n’excédant pas 1 000 m3 destinés à l’usage personnel du constructeur.

S’il apparaît toutefois, lors de l’examen de la demande ou pendant l’exécution des travaux, que le requérant ne maîtrise pas suffisamment la conception ou la réalisation de l’ouvrage, le département chargé des autorisations de construire peut exiger en tout temps le concours d’un mandataire professionnellement qualifié (art. 1A al. 2 RCI).

31.         Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi.

La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 ; 135 II 416 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 140 V 485 consid. 4.1 ; 140 V 227 consid. 3.2 et les arrêts cités).

32.         En l'espèce, l'usage du terme « notamment » à l'art. 1A al. 1 LCI révèle que cette disposition contient une liste exemplative de types de constructions et installations réputées d'importance secondaire. La formulation de cet article n'étant pas exhaustive, elle laisse aux autorités une certaine liberté d'appréciation leur permettant de tenir compte de chaque cas. À ce titre, le tribunal relève que selon les particularités propres à chaque antenne de téléphonie mobile, l'une ou l'autre peut être considérée comme une construction d'importance secondaire au sens des art. 2 al. 3 et 6 al.1 LCI (art. 1A RCI).

En l'occurrence, la demande litigieuse porte sur la construction d'une nouvelle station de base pour téléphonie mobile, constituée d'un groupe de douze antennes, fixées sur trois mâts d'une hauteur de 5.7 m, installée sur la superstructure d'un bâtiment de 18.55 m de hauteur. Certes, une telle installation ne saurait être comparée à une construction aussi modeste qu'un poulailler ou un portail (art. 1A al. 1 let. a RCI), mais elle est assurément moins imposante qu'un bâtiment de 1'000 m³, tel que visé par l'art. 1A al. 1 let. h RCI. La hauteur de l'installation litigieuse est légèrement plus importante que le gabarit maximal de 4.5 m admis pour une construction de peu d'importance (art. 1A al. 1 let. b cum art. 3 al. 3 let. c RCI), mais sa surface au sol et bien inférieure aux 50 m² admis pour une telle construction (art. 3 al. 3 in fine RCI) ou à la surface potentiellement bien supérieure que pourrait couvrir une issue sur la voie publique (art. 1A al. 1 let. d RCI). Ces éléments de comparaison montrent que la notion de construction ou d'installation d'importance secondaire peut recouvrir des constructions ou des installations dont la typologie et les dimensions peuvent être extrêmement variables et qui peuvent aller d'une simple pergola à un bâtiment dont la hauteur serait de 4 m et la surface au sol de 250 m² (art. 1A al. 1 let. h RCI). Il faut ajouter à ce qui précède qu'en l'occurrence, les trois mâts et les antennes qu'ils supportent apparaissent matériellement et visuellement (selon les plans) comme des modifications extrêmement minimes du bâtiment au sommet duquel ils prendront place. Pour toutes ces raisons, il paraît justifié de considérer que les installations litigieuses doivent être rangées davantage dans la catégorie des installations d'importance secondaire que dans celle des constructions nécessitant le dépôt d'une requête d'autorisation définitive.

Il est de surcroît relevé que la demande d'autorisation ainsi que les plans ont été établis et signés par M. X______, lequel est inscrit au registre des mandataires vaudois en tant qu'ingénieur civil. En outre, comme relevé par l'autorité intimée, les plans produits sont clairs et apportent toutes les informations nécessaires et cela sans équivoque. Il apparaît dès lors que la requérante maîtrise manifestement suffisamment la conception et la réalisation de l’ouvrage querellé, étant en tout état précisé que le DT peut exiger en tout temps le concours d’un MPQ, y compris lors de l’exécution des travaux, conformément à l'art. 1A al. 2 RCI.

Partant, aucune violation à l'art. 2 al. 3 LCI, respectivement 6 al. 1 LCI ne peut être déplorée.

Mal fondés, ces griefs sont dès lors écartés.

33.         Les recourants allèguent ensuite une atteinte à la santé en violation du principe de précaution garanti par l'art. 11 al. 2 LPE ainsi que des inconvénients graves en violation de l'art. 14 LCI. Ces deux griefs, allégués par l'ensemble des recourants, portent en substance sur des éléments proches, ce qui justifie de les examiner en même temps.

34.         La Confédération veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (art. 74 al. 2 Cst.). Comme déjà mentionné, les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). Les valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228). Les valeurs limites spécifiées dans l'ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral et son autorité spécialisée, l'OFEV, suivent en permanence l'évolution de la science avec un groupe consultatif d'experts (ci-après : BERENIS) et doivent, si nécessaire, adapter les valeurs limites à l'état de la science ou de l'expérience (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3).

35.         De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de conformité de la VLInst dans les lieux à utilisation sensible où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c ; ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006 consid. 3.2 in SJ 2006 I 314). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral quant à l'établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu'en l'état des connaissances, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces valeurs limites devraient être modifiées (arrêts du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5).

36.         Selon le rapport de novembre 2019 du groupe de travail « Téléphonie et rayonnement » mandaté par le DETEC, qui prend en considération les rapports d'évaluation publiés depuis 2014, aucun effet sanitaire n'a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites fixées dans l'ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Le groupe de travail a constaté que les éléments de preuves demeuraient insuffisants (DETEC, Rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019, p. 8-9).

Il en découle qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible d'invoquer le principe de prévention pour s'opposer à la technologie 5G, dès lors que les valeurs-limites prévues par l'ORNI sont concrètement respectées (ATA/415/2022 du 26 avril 2022 consid. 6).

37.         Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a nié une violation du principe de précaution au sens du droit de l'environnement, relevant que les prévisions du rayonnement établies de manière arithmétique n'étaient pas critiquables et que tant la méthode de mesure recommandée par la Confédération que le système d'assurance de la qualité s'avéraient appropriés (arrêts 1C_100/2021 précité ; 1C_153/2022 du 11 avril 2023).

38.         Enfin, dans la mesure où la LPE et l'ORNI sont respectés, un projet ne peut être source d'inconvénients graves pour le voisinage au sens de l'art. 14 LCI (ATA/404/2016 du 10 mai 2016 consid. 10 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 consid. 4c).

39.         Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser qu’en s’inspirant de la réglementation existante, une perte d’ensoleillement pour les bâtiments environnants due à une ombre qui recouvre la totalité de l’habitation ou du bien-fonds voisin, de deux heures au maximum, à l’équinoxe ou un jour moyen d’hiver était, en principe, admissible. Toutefois, la question devait être examinée par l’autorité avec un large pouvoir d’examen, compte tenu des circonstances locales. Le critère de deux heures ne saurait au surplus avoir une portée absolue et constituer à lui seul l’élément décisif (ATF 100 Ia 334 consid. 9b et 9d ; ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a et les références citées). Il a également indiqué que, dans la mesure où la construction projetée respectait les prescriptions applicables à la zone (indice d’utilisation du sol, gabarit, distances aux limites, etc.), il n’existait pas de droit du voisin à voir sa parcelle ensoleillée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.3).

Le Tribunal fédéral a encore précisé que toute projection d’ombre ne saurait constituer une atteinte à la propriété et qu’il appartenait dès lors à l’intéressé d’apporter la preuve du fait qu’il alléguait et en particulier, de quantifier la perte d’ensoleillement subie, puisqu’il tentait d’en déduire un droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 3.2).

40.         Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

41.         En l'espèce, d'après la fiche de données spécifique au site du 8 juin 2022, transmise par V______ SA dans le cadre de l'instruction de l'autorisation de construire litigieuse, la VLInst à respecter est celle prévue à l'art. 3 al. 3 let. c ORNI, soit 5.0 V/m, ce que ne contestent au demeurant pas les recourants. S'agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés, soit les LUS nos 7 et 9, toutes les mesures présentent une intensité de champ électrique inférieure à la VLInst fixée à 5.0 V/m. Ces mesures ont été vérifiée par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celle-ci n'ait mis en doute leur véracité. En l'absence d'éléments indiquant le contraire, il n'y a également pas lieu pour le tribunal de céans de les remettre en cause.

Globalement, la procédure suivie par le département n'est pas critiquable. Le permis de construire garantit le respect des valeurs limites pertinentes, notamment par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA, notamment une mesure de contrôle aux LUS nos 7 et 9, et une intégration de cette installation dans son système d'assurance qualité (système AQ). C'est précisément le mécanisme de contrôle rétrospectif qui garantit que les calculs effectués à l'avance pourront être corrigés si nécessaire, au cas où la réalité ultérieure ne correspondrait pas aux hypothèses prévues. Il sied à cet égard de préciser que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire : la limitation préventive des émissions prévues par l'ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel. Ainsi, en octroyant l'autorisation de construire sur la base de la prévision que l'installation respecterait les VLInst, moyennant les réserves émises dans le préavis favorable sous conditions du SABRA, la décision du département est conforme au droit fédéral.

Par ailleurs, concernant les inquiétudes des recourants au sujet des effets des antennes 5G sur le corps humain, ceux-ci soutiennent que les ondes électromagnétiques induites par les antennes téléphoniques litigieuses présentent un risque pour la santé. Or, s’il n’est pas contesté que le corps humain est sensible aux champs électromagnétiques, la question est de savoir quelle intensité d'exposition peut être jugée acceptable. À cet égard, des généralités en soi pertinentes sur les effets des champs électromagnétiques induits par les antennes de téléphonie mobile ne permettent pas de s’écarter des VL fixées par l'ORNI, ce d'autant plus que les valeurs mesurées sont inférieures aux VL, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé.

Partant, dès lors les VLInst sont respectées dans le présent cas, il convient d'admettre que le principe de précaution n'a pas été violé.

Il en va de même de l'art. 14 LCI, qui prévoit que le département peut refuser les autorisations prévues à l’article 1 lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c), offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection, ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e). À cet égard, il est notamment relevé que les recourants font valoir une perte d'ensoleillement sans toutefois la déterminer, encore moins la démontrer, alors que selon la jurisprudence, il appartient à celui qui se prévaut d'une perte d'ensoleillement d'en apporter les éléments probants, notamment par la production de plans ou des projections d'ombres.

Partant, les griefs sont écartés.

42.         La communauté des propriétaires par étages B______ et consorts soulèvent également une violation de l'art. 15 LCI dans la mesure où, par ses dimensions, sa situation et son aspect extérieur, l'installation litigieuse nuirait indiscutablement au caractère du quartier et de l'immeuble sur lequel elle se trouverait.

43.         Selon l’art. 3 al. 3 in initio LCI, les demandes d’autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés ; l’autorité de décision n’est pas liée par ces préavis.

44.         Conformément à l’art. 15 LCI (esthétique des constructions), le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1) ; la décision du département se fonde notamment sur le préavis de la CA ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS ; elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

45.         Cette disposition légale renferme une clause d’esthétique, qui constitue une notion juridique indéterminée, laissant un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (ATA/548/2014 du 17 juillet 2014, consid. 3 et 4 ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 consid. 7 ; ATA/453/2011 du 26 juillet 2011 consid. 10b).

46.         En l'espèce, il ressort du dossier que ni les parcelles, ni les immeubles sur lesquels les mâts et les antennes projetés doivent être installés, ne sont protégés d’une quelconque façon. Or, les recourants ne disposent d’aucun droit pour exiger que l’aspect extérieur des immeubles en question ne soit pas modifié par la pose d’une antenne. Il importe peu à cet égard que lesdits immeuble soient à toit plats. La pose des antennes litigieuses constituerait, certes, une modification de l’aspect extérieur des immeubles en cause, mais ne saurait en tant que tel nuire au caractère, à l’intérêt du quartier ou de la rue au sens de l’art. 15 LCI, étant de surcroît précisé que l'OU a préavisé favorablement le projet litigieux.

Il apparaît ainsi que le département n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en autorisant la construction litigieuse.

Les griefs sont dès lors écartés.

Enfin, la communauté des propriétaires par étages B______ et consorts soutiennent que le projet litigieux entraînerait une moins-value de leurs biens-fonds, argument dont leurs écritures n'indiquent pas clairement s'il doit démontrer une violation de l'art. 14 ou de l'art. 15 LCI. S'il est douteux qu'une moins-value économique puisse être comprise comme une violation de l'une l'autre de ces dispositions légales, plutôt que comme une problématique de droit privé qui échapperait à la compétence du tribunal de céans (ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7b; ATA/166/2018 du 20 février 2018 consid. 5 ; ATA/1639/2017 précité ; ATA/442/2015 du 12 mai 2015 ; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014), force est de constater de toute manière que les recourants ne font qu'alléguer leur préjudice sans chercher à le chiffrer ni même à justifier les éléments qui permettraient de le considérer comme vraisemblable, de sorte qu'il reste une simple hypothèse sur laquelle le tribunal n'a pas à entrer en matière.

47.         Entièrement mal fondés, les recours sont rejetés.

48.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 2'500.- ; il est partiellement couvert par les avances de frais versées à la suite du dépôt des recours pour un total de CHF 2'100.- .

49.         V______ SA n'ayant pas fait appel à un mandataire externe, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

Il en ira de même s’agissant de M. U______, qui, bien que dûment informé de l’existence de la présente procédure, n’y a pas participé.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.             ordonne la jonction des procédures A/585/2023 et A/589/2023 sous le numéro de cause A/585/2023 ;

2.             déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2023 par la commune de A______ contre la décision du département du territoire du 17 janvier 2023 ;

3.             déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2023 par LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES B______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES C______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES D______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES E______, LA COMMUNAUTÉ DES PROPRIÉTAIRES PAR ÉTAGES F______, Madame G______, Monsieur H______, Monsieur I______, Monsieur J______, Madame K______, Monsieur L______, Madame M______, Monsieur N______, Madame O______, Monsieur P______, Monsieur Q______, Madame R______, Madame S______, Madame T______ contre la décision du département du territoire du 17 janvier 2023 ;

4.             rejette les recours ;

5.             met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 2'500.- qui est partiellement couvert par les avances de frais ;

6.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;


 

 

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Patrick BLASER et Saskia RICHARDET-VOLPI, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière