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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2110/2019

ATA/415/2022 du 26.04.2022 sur JTAPI/1161/2021 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;ANTENNE;INSTALLATION DE TÉLÉCOMMUNICATION;RADIOCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE;AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL);RAYONNEMENT ÉLECTROMAGNÉTIQUE;ORDONNANCE SUR LA PROTECTION CONTRE LE RAYONNEMENT NON IONISANT;VALEUR LIMITE(EN GÉNÉRAL);PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ
Normes : Cst.74.al2; ORNI.1; ORNI.2.al1.leta; ORNI.2.al1.letb; ORNI.2.al1.letc; ORNI.3; ORNI.4.al1; ORNI.Annexe 1.ch64; LPE.11.al2; LPE.13.al1; ORNI.Annexe 1.ch65; ORNI.12.al2; ORNI.Annexe 1.al5.ch62
Résumé : Recours contre l’autorisation accordée par le département de modifier une antenne existante afin de la rendre compatible avec une antenne de téléphonie mobile 5G en Ville de Genève. Respect du droit de l'environnement, en particulier en matière de rayonnement non ionisant. Confirmation des valeurs calculées (VLInst) en relation avec la valeur limite de l'installation. Au vu des VLInst calculées, des valeurs devront être mesurées lors de la mise en service. Pas de motif de s'écarter des préavis favorables des instances consultées lors de l'instruction.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2110/2019-LCI ATA/415/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2022

 

dans la cause

 

VILLE DE GENÈVE

contre

 

SWISSCOM (SUISSE) SA
et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC


_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 novembre 2021 (JTAPI/1161/2021)



EN FAIT

1) Le 26 septembre 2018, Swisscom (Suisse) SA (ci-après : Swisscom) a déposé une demande d'autorisation de construire auprès du département du territoire
(ci-après : le département) portant sur la modification d’une installation de téléphonie mobile existante (antenne 5G), à l'adresse A______, en Ville de Genève (ci-après : la ville), parcelle no 4'036, de la commune de B______.

Elle a été enregistrée sous DD 1______.

2) Le 31 octobre 2018, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a émis un préavis favorable sous conditions.

La valeur limite d’installation (ci-après : VLInst) était respectée sur le bâtiment et les bâtiments voisins. Toutefois, comme les immissions étaient supérieures à 80 % de la VLInst dans sept lieux à utilisation sensible
(ci-après : LUS), il convenait de procéder, après l’installation, à des mesures de contrôle des immissions de rayonnements non ionisants.

3) Le 7 janvier 2019, la ville a émis un préavis défavorable.

L’installation était trop proche d’une école primaire. Il fallait en outre qu’elle soit en tous points conforme aux règles fixées par l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710) et qu’il soit démontré qu’aucune autre installation à proximité ne puisse répondre aux besoins couverts par l’installation projetée.

4) Les autres préavis délivrés étaient tous favorables.

5) Par décision du 23 avril 2019, le département a octroyé à Swisscom l'autorisation de construire sollicitée.

6) Le 28 mai 2019, la ville a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), contre l’autorisation de construire du 23 avril 2019 concluant à son annulation.

Avec un écart maximal de ± 45 %, l’incertitude de la prise d’échantillon quant au respect de la VLInst, arrêtée à 5,0 V/m par l’ORNI, était trop grande pour garantir que celle-ci ne serait pas dépassée. Le dernier étage de l’école primaire C______ enregistrait par exemple une valeur de 4,83 V/m correspondant à 96,6 % de la VLInst et le sixième étage du bâtiment d’habitation au n° 22, avenue D______, enregistrait 4,75 V/m, soit 95 % de la VLInst. Trois autres LUS enregistraient respectivement 4,93 V/m et 4,94 V/m, soit respectivement 98,6 % et 98,8 % de la VLInst.

Le département aurait dès lors dû fixer à 3,45 V/m la limite maximale de la VLInst, en prenant en compte la marge d’erreur de 45 %, et non pas à 5,0 V/m.

En outre, les dernières informations fournies par l’office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) quant aux effets sur la santé n’étaient pas rassurantes. D'après divers travaux scientifiques récents examinés par le groupe consultatif d'experts en matière de rayonnements non ionisants, ceux-ci auraient notamment une influence sur l'irrigation du cerveau, un effet nocif sur la qualité du sperme, voire une déstabilisation du patrimoine génétique, ainsi que des répercussions sur l'expression des gènes, le stress oxydatif des cellules et sur leur mort programmée. Or, un groupe de travail mis en place par le Conseil fédéral devait rendre à l’été 2019 un rapport accompagné de recommandations sur les besoins et les risques en matière de téléphonie mobile. Il fallait donc attendre la remise de ce rapport.

7) Le 1er juillet 2019, Swisscom a conclu au rejet du recours.

Les installations de communication mobile étaient tenues de respecter les exigences de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de l'ORNI. Les VLInst prévues par l'ORNI étaient dix fois plus restrictives que les valeurs limites d’immissions (ci-après : VLI) et permettaient en particulier de prévenir les éventuels effets non thermiques du rayonnement non ionisant. Elles mettaient donc en œuvre le principe de précaution.

De plus, la question des immissions en matière d'installations de télécommunication mobile était réglée à satisfaction et de manière exhaustive dans l'ORNI. L'argumentation de la ville revenait à demander la réduction des valeurs limites fixées dans l'ORNI, ce qui était de la compétence exclusive de la Confédération. Le recours devait donc être rejeté pour ce motif déjà.

En outre, les données comprises dans la fiche de données spécifique au site étaient contrôlées par le SABRA, qui ne délivrait un préavis positif que si les données étaient exactes et les valeurs limites respectées, ce qui était le cas en l'espèce. De toute façon, ces données seraient automatiquement contrôlées dès la mise en service de l'installation, par le système d'assurance qualité qu’elle avait mis en place.

8) Le 4 septembre 2019, le département, appuyé par la ville, a réclamé la suspension de l’instruction du recours jusqu’au dépôt du rapport du groupe d’experts.

Quelques jours avant la délivrance de l’autorisation, le Grand Conseil genevois avait voté une motion invitant le Conseil d’État à mettre en place un moratoire concernant l’installation de la 5G, et, le 5 avril 2019, le président du Conseil d’État avait décidé de suspendre la délivrance des autorisations permettant d’installer les antennes 5G, dans l’attente du résultat des travaux en cours de l’OFEV.

9) Le 12 septembre 2019, Swisscom s’est opposée à cette demande de suspension.

10) Par décision du 4 octobre 2019 (DITAI/465/2019), le TAPI a ordonné la suspension de la procédure.

Le rapport à rendre par le groupe d’experts mandaté par l’OFEV était de nature à influer sur la procédure, ses conclusions pouvant affecter la légalité de l’autorisation querellée.

11) Les 12 mars et 5 juin 2020, Swisscom a demandé la reprise de la procédure.

Le rapport du groupe d’expert avait été publié le 18 novembre 2019 (rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » par le groupe de travail éponyme mandaté par le département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication [ci-après : DETEC]). Il confirmait qu'en l’état actuel de la science, aucun effet sur la santé n’avait été prouvé pour des valeurs en dessous des VLInst.

Le principe de précaution était fixé exclusivement dans l’ORNI et les autorités cantonales ne disposaient d’aucune marge de manœuvre pour élaborer des dispositions visant à protéger la population contre le rayonnement des installations de téléphonie mobile. L’office fédéral de métrologie (ci-après : METAS) avait publié, le 18 février 2020, la méthodologie applicable aux nouvelles fréquences 5G, laquelle péjorait le résultat des mesures de l’opérateur. L’OFEV avait adressé le 31 janvier 2020 aux cantons et aux communes des informations confirmant que rien ne s’opposait à la délivrance des permis de construire des antennes 5G. C’était le calcul du rayonnement qui était déterminant pour l’octroi du permis ; l’absence de recommandations sur les mesures ne pouvait avoir d’incidence sur la validité de ce dernier.

12) Entre les 13 et 15 mai 2020, la ville et le département se sont opposés à la reprise de la procédure.

Les experts n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord sur le respect du principe de précaution par les VLInst en cas de développement des antennes de téléphonie mobile, et ils n’avaient pas émis de recommandations sur une éventuelle modification des VLInst, ni donné de réponse sur le principe de précaution, puisque le rapport admettait que les effets sanitaires des nouvelles fréquences utilisées pour la 5G n’étaient pas encore totalement connus. Le risque de décisions contradictoires subsistait, ce que Swisscom ne contestait pas. Le principe de célérité devait céder le pas au principe de précaution.

La reprise de l’instruction était prématurée. Le groupe de travail de l’OFEV, faute d’expertise nécessaire, n’avait pas pris en compte de nombreuses études préoccupantes sur l’effet du rayonnement à haute fréquence. Or, plusieurs menaces sur la santé étaient probables, voire établies. Les experts préconisaient une surveillance des effets sur la santé, l’encouragement de la recherche sur les effets potentiels sur la santé et la création d’un service de consultation de médecine environnementale sur les rayonnements non ionisants.

13) Par décision du 1er octobre 2020 (DITAI/402/2020), le TAPI a jugé que la suspension n’était plus d’actualité, le groupe d’experts fédéral ayant rendu son rapport.

14) Par acte remis à la poste le 12 octobre 2020, la ville a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision de reprise.

15) Par arrêt ATA/157/2021 du 9 février 2021, la chambre administrative a déclaré le recours irrecevable.

16) Entre le 6 mai et 29 juillet 2021, les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs observations et conclusions.

17) Par jugement du 18 novembre 2021 (JTAPI/1161/2021), le TAPI a rejeté le recours.

La ville avait qualité pour recourir, car le projet de modification d'une installation pour téléphonie mobile litigieux était situé sur son territoire, sur la parcelle n° 4’036.

Toutes les mesures du rayonnement dans les LUS les plus chargés présentaient une intensité inférieure à la VLInst fixée à 5,0 V/m. Le SABRA avait vérifié ces mesures et leur véracité n’avait pas été remise en doute. La procédure suivie par le département n’appelait pas de critiques. La décision octroyant l’autorisation était donc conforme au droit fédéral.

Les références aux études sur les effets des champs électromagnétiques induits par les antennes de téléphonie mobile n’entraînaient pas pour autant une modification des valeurs fixées par l’ORNI, ces dernières étant considérées par la jurisprudence fédérale comme conformes à la règlementation actuelle. En outre, la jurisprudence retenait qu’il existait une présomption du respect du principe de prévention si les valeurs limites de cette ordonnance étaient respectées.

18) Par acte expédié le 3 janvier 2022, la ville a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation, ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire DD 1______ délivrée le 23 avril 2019. Les frais devaient être mis à la charge de Swisscom.

Les « huit LUS mesurés avaient des valeurs supérieures à la VLInst ». Cette valeur aurait dû être fixée à 3,45 V/m, en particulier la place de jeux du quai
A______, l’école C______ et le bâtiment d’habitation à l’avenue D______ . Cette situation était contraire au principe de précaution consacré à l’art. 11 al. 2 LPE, ainsi qu’à l’art. 4 al. 1 ORNI, lesquels prescrivaient que les installations devaient être construites et exploitées de telle façon que les limitations préventives des émissions définies à l’annexe 1 ne soient pas dépassées.

Le TAPI avait considéré à tort que les contrôles postérieurs des valeurs permettraient de corriger les calculs préalables, si besoin était. Or, le respect du principe de précaution était d’autant plus essentiel que la téléphonie mobile avait des effets délétères sur la santé.

19) Dans ses observations du 7 février 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Il n’existait aucune violation du principe de précaution. La recourante ne contestait ni les données sur lesquelles l’instance précédente s’était basée, ni les VLInst. Le principe de précaution était réputé respecté, selon la jurisprudence, en cas de conformité de ces valeurs dans les LUS où elles s’appliquaient.

L’autorisation querellée était pour le surplus soumise à la condition que les mesures de contrôles soient effectuées au moment de la mise en service de l’installation, et que les VLInst soient aussi respectées à ce moment. Ce procédé en deux temps était largement admis par la jurisprudence. Le grief de la recourante quant à la probabilité du non-respect des VLInst au moment de l’exploitation de l’installation était donc prématuré, étant pour le surplus rappelé que « le contrôle de la conformité échappait aux tribunaux et appartenait au département ».

Enfin, la jurisprudence récente avait retenu qu’aucun effet sanitaire n’avait été prouvé de manière cohérente quant aux fréquences de téléphonie mobile utilisées. Au demeurant, le grief relatif à l’emploi intensif des téléphones portables et de l’effet délétère pour la santé en résultant sortait de l’objet du litige.

20) Dans ses observations du 21 janvier 2022, Swisscom a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la recourante au versement d’une indemnité pour les frais causés par le recours.

Il n’était pas possible pour les cantons de durcir les VLInst, car la fixation de ces valeurs était une compétence fédérale. Le calcul du rayonnement était déterminant pour l’octroi de l’autorisation. La méthode de calcul tenait également compte d’une marge de sécurité, ce qui était accepté par la jurisprudence fédérale.

Selon la jurisprudence fédérale, les VLInst n’étaient pas des valeurs de danger mais des limites préventives, pour lesquelles la valeur calculée était déterminante, sans ajout ni déduction de l’incertitude de mesure. Cette incertitude de mesure de 45 % était admise par le Tribunal fédéral. Or, c’était justement ce que réclamait la recourante, en demandant que la valeur calculée sur chaque LUS soit 45 % inférieure à la VLinst. La recourante confondait au demeurant les valeurs calculées et les valeurs mesurées.

21) Le 29 mars 2022, la ville a persisté dans les termes et conclusions de son recours.

22) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La qualité pour recourir de la ville, admise par le TAPI, n'est à juste titre plus contestée.

3) La recourante considère que l’autorisation de construire ne fixerait pas les conditions propres à garantir le respect de la VLInst. L’autorité aurait dû prendre en compte l’incertitude propre aux mesures et exiger de fixer à 3,45 V/m et non à 5,0 V/m la limite maximale de la VLInst, en prenant en compte la marge d’erreur de ± 45 %.

Ni le département ni l’intimée ne partagent cette approche, considérant que cette demande réduirait les valeurs limites fixées dans l’ORNI, alors qu’il s’agissait d’une compétence exclusive de la Confédération, ce que le TAPI avait constaté.

4) a. En droit fédéral, la protection contre les effets nocifs ou gênants causés notamment par les rayonnements non ionisants issus des antennes de téléphonie mobile est régie par la LPE et les ordonnances qui en découlent (ATF 138 II 173 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 3.1 ; Joel DRITTENBASS, Risk-Based Approach als Konkretisierungsvariante des umweltschutzrechtlichen Vorsorgeprinzips : Angewendet am neuen5G-Mobilfunkstandard, DEP 2021-2, p. 140).

b. Selon son art. 1 al. 1, la LPE a pour but de protéger l'homme, les animaux et les plantes, leurs communautés biotiques et leurs habitats contre les atteintes nuisibles ou incommodantes et de préserver à long terme les bases naturelles de la vie.

Les impacts qui pourraient devenir nuisibles ou gênants doivent être limités à un stade précoce par mesure de précaution (art. 1 al. 2 LPE). L'émission de rayonnements est limitée par des mesures à la source (art. 11 al. 1 LPE), notamment par l'édiction de valeurs limites d'émission dans les ordonnances (art. 12 al. 1 let. a et al. 2 LPE).

Pour l'évaluation des effets nocifs ou gênants, le Conseil fédéral fixe par voie d'ordonnance des valeurs limites d'immission (art. 13 al. 1 LPE). Selon
l'art. 14 let. a LPE, les valeurs limites d'immission doivent être fixées de telle manière que des immissions inférieures à ces valeurs ne mettent pas en danger l'homme, les animaux et les plantes, leurs communautés biotiques et leurs habitats selon l'état de la science ou l'expérience. Bien que la disposition précitée se réfère à la pollution atmosphérique, elle s'applique également en règle générale à d'autres immissions, notamment celles causées par les rayonnements non ionisants (ATF 146 II 17 consid. 6.5 ; 126 II 399 consid. 4b ; 124 II 219 consid. 7a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.3).

c. Sur la base de la délégation de compétence de l'art. 13 al. 1 LPE, le Conseil fédéral a édicté l'ORNI pour protéger les personnes contre les rayonnements non ionisants nocifs ou gênants provenant de l'exploitation d'installations fixes
(art. 1 ORNI). Cette ordonnance règle les limites d'émission, ainsi que les limites d'immission pour les émetteurs de radiocommunication mobile et les raccordements d'abonnés sans fil (art. 2 al. 1 let. a et annexe 1 ch. 6 ; annexe 2 ORNI ; ATF 138 II 173 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 3.1). Pour se protéger contre les effets thermiques scientifiquement fondés du rayonnement des installations de radiocommunication mobile, l'ORNI prévoit des valeurs limites d'immission qui doivent être respectées partout où des personnes peuvent être présentes (art. 13 al. 1 et annexe 2 ORNI ; ATF 126 II 399
consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

En outre, le Conseil fédéral a fixé des valeurs limites d'installation pour concrétiser le principe de précaution en vertu de l'art. 11 al. 2 LPE (art. 3 al. 6 et art. 4 al. 1, annexe 1 ch. 64 ORNI). Les valeurs limites d'installation ne sont pas directement liées à des dangers avérés pour la santé, mais ont été fixées en fonction de la faisabilité technique et opérationnelle, ainsi que de la viabilité économique afin de minimiser le risque d'effets nocifs, dont certains ne sont que soupçonnés et pas encore prévisibles (ATF 126 II 399 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1). Avec les valeurs limites d'installation, le Conseil fédéral a créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé (ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1 ; 1C_576/2016 du 27 octobre 2017 consid. 3.5.1). Dans les LUS, les installations de radiocommunication mobile doivent toujours respecter la valeur limite d'installation d'une installation donnée (art. 3 al. 3 et al. 6, art. 4 al. 1 et annexe 1 ch. 65 ORNI ; ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

L'annexe 1 ch. 64 ORNI prévoit que la valeur limite d'installation à respecter est de 4,0 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses (let. a) ; 6,0 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1’800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées (let. b) ; et de 5,0 V/m pour toutes les autres installations (let. c).

Ainsi, les valeurs limites d'immission et d'installation de l'ORNI sont principalement adaptées à la protection de l'homme (arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.4 ; 1C_254/2017 du 5 janvier 2018 consid. 9.2 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.2). La doctrine a au surplus relevé que les valeurs limites prévues dans l'ORNI étaient dix fois plus strictes que celles recommandées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (Joel DRITTENBASS, op. cit., p. 138).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'étendue de la limitation préventive des émissions selon l'art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec la fixation des valeurs limites d'installation, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l'art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; 126 II 399 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003 consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002 consid. 2.2 ; Joel DRITTENBASS, op. cit., p. 141-142).

d. Au sens de l'art. 12 al. 2 ORNI, pour vérifier si la valeur limite d’installation, au sens de l’annexe 1 n’est pas dépassée, l'autorité procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou elle se base sur des données provenant de tiers. L'OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées.

Sur cette base, l'OFEV a publié le 23 février 2021 un document intitulé « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) ». Il y est expressément indiqué que l'ORNI s’applique aussi bien à la technologie de téléphonie mobile de type 2G (GSM), 3G (UMTS), 4G (LTE) ou 5G (New Radio)
(https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/59385.pdf, consulté le 11 avril 2022).

Aussi, en date du 23 février 2021, l'OFEV a publié un complément à la recommandation d'exécution de l'ORNI concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de 2002 (ci- après : complément – https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/65394.pdf, consulté le 11 avril 2022).

Le complément définit comment les paramètres techniques des antennes adaptatives doivent être déclarés dans la fiche de données spécifique au site et comment leur contribution à l'intensité du champ électrique de l'installation de téléphonie mobile doit être calculée. Il indique en outre comment les antennes adaptatives doivent être contrôlées dans les systèmes d'assurance de la qualité utilisés par les opérateurs (complément, p. 6).

Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que si, sur la base d'une prévision mathématique, il est assuré que les valeurs limites fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul est la fiche de données spécifique au site que doit remettre le propriétaire de l'installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci doit contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l'installation, dans la mesure où celles-ci sont déterminantes pour l'émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Les données correspondantes servent de base pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24 septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site doit également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

Il est vrai que la prévision calculée qui doit être faite sur la base de ces informations est sujette à certaines incertitudes, car elle prend en compte les principaux facteurs d'influence mais pas toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que dans ce calcul, l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite. Seules les valeurs mesurées doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4 ; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS (complément ch. 2.1.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s'avère que la valeur limite de l'installation est dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible doit être redéfinie et le respect des valeurs prescrites doit être démontré par des mesures supplémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1er décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d'un pronostic erroné est supporté par le maître d'ouvrage dans la mesure où il peut encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des valeurs limites ultérieurement, c'est-à-dire après la mise en service de l'installation (ATF 130 II 32 consid. 2.4).

e. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de
celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

5) En l’espèce, le TAPI a examiné de manière détaillée les éléments produits par la recourante. Il a considéré que tous les LUS présentaient une intensité de champ électrique inférieure à la VLInst fixée à 5,0 V/m. Il a souligné que les calculs, vérifiés par l’instance spécialisée, n’ont pas été remis en question par la recourante. La procédure suivie par le département n’était au surplus pas critiquable, le contrôle en deux temps permettant justement de garantir le respect des VLInst. Il n’y avait donc pas lieu de réduire ces dernières, afin de tenir compte de la marge d’incertitude de mesures, contrairement à l’avis de la recourante.

Si la recourante remet en question cette approche, force est de constater que cette dernière est non seulement adéquate mais conforme à la jurisprudence fédérale. En particulier, la chambre de céans constate que les données sur lesquelles le département, l’instance spécialisée de préavis, et le TAPI se sont fondés, ne sont pas contestées par la recourante et démontrent que les VLInst sont respectées, étant dans tous les LUS inférieures à 5,0 V/m.

Il n’y a pas lieu de présumer, malgré l’incertitude des mesures de 45 %, au demeurant admise par la jurisprudence, que les conditions de l’autorisation de construire ne seront pas respectées au moment de la mise en service. En effet, l’autorisation implique que des mesures soient effectuées à ce moment-là, et, en cas de dépassement, il appartiendra à l’intimée de modifier l’installation afin qu’elle soit conforme. La recourante n’apporte aucun élément permettant de remettre en cause le jugement querellé sur ce point, et partant l’autorisation de construire. Ses développements sur la diminution « anticipée » des VLInst afin de tenir compte de la marge d’incertitude de 45 % sont contraires à la jurisprudence du Tribunal fédéral, laquelle précise que les VLInst, visant à limiter préventivement les émissions, telles que prévues dans l’ORNI, sont exhaustives et de compétence fédérale, de telle sorte qu’il n’appartient pas au département d’exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels.

Dans ces conditions, il sera souligné, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, qu’en amont de la réalisation de l’installation, comme en l’espèce, ce sont les valeurs prévisionnelles calculées selon les méthodes prescrites par les directives qui font foi. Partant, ce sont le calcul et les valeurs ainsi obtenues, respectant la limite de 5,0 V/m, qui sont déterminants pour l’octroi de l’autorisation et non les mesures faites après la mise en service. L’argumentation de la recourante relative à l’incertitude des mesures n’est donc pas pertinente, la recourante ne critiquant pas les valeurs obtenues par calcul.

En conséquence, ce grief sera écarté.

6) La recourante considère que le TAPI aurait méconnu les dangers liés aux effets des ondes téléphoniques sur la santé. Cet élément aurait dû l’inciter à appliquer strictement le principe de précaution et à garantir le respect des VLInst.

a. La Confédération veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (art. 74 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Comme déjà mentionné, les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). Les valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228). Les valeurs limites spécifiées dans l'ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral et son autorité spécialisée, l'OFEV, suivent en permanence l'évolution de la science avec un groupe consultatif d'experts (ci-après : BERENIS) et doivent, si nécessaire, adapter les valeurs limites à l'état de la science ou de l'expérience (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3).

b. De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de conformité de la VLInst dans les lieux à utilisation sensible où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c ; ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006 consid. 3.2 in SJ 2006 I 314). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral quant à l'établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu'en l'état des connaissances, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces valeurs limites devraient être modifiées (arrêts du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5).

Selon le rapport de novembre 2019 du groupe de travail « Téléphonie et rayonnement » mandaté par le DETEC, qui prend en considération les rapports d'évaluation publiés depuis 2014, aucun effet sanitaire n'a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites fixées dans l'ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Le groupe de travail a constaté que les éléments de preuves demeuraient insuffisants (DETEC, Rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019, p. 8-9).

c.  En substance, la recourante souhaite démontrer que les ondes électromagnétiques présentent un risque pour la santé. Elle cite à cet égard de nombreux passages d'ouvrages et de rapports traitant de la question en général. Or, il n’est pas contesté que le corps humain est sensible aux champs électromagnétiques, la question étant de savoir quelle intensité d'exposition peut être jugée acceptable. Par conséquent, ces généralités, en soi pertinentes que la recourante fait valoir sur les effets des champs électromagnétiques induits par les antennes de téléphonie mobile, ne permettent pas de s’écarter des valeurs limites fixées par l'ORNI. À cet égard, la recourante ne cite aucune référence ayant trait au seuil admissible pour les valeurs limites précitées.

Dans ces circonstances, les arguments présentés par la recourante ne permettent pas de renverser la présomption de respect du principe de prévention par les valeurs limites actuelles, ce que le TAPI a constaté à juste titre. Ce grief doit ainsi être écarté.

Entièrement mal fondé, le recours doit ainsi être rejeté.

7) Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe et qui ne défendait pas sa propre décision (art. 87 al. 1 LPA).

Aucune indemnité de procédure ne sera toutefois allouée à Swisscom, bien qu’elle y ait conclu, dès lors qu’à teneur du dossier, elle n’a pas fait appel à un mandataire externe (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 janvier 2022 par la Ville de Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de la Ville de Genève ;

dit qu’aucune indemnité de procédure ne sera allouée à Swisscom (Suisse) SA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève, à Swisscom (Suisse) SA, au département du territoire, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen- Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :