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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11468/2020

AARP/14/2023 du 18.01.2023 sur JTCO/83/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 20.02.2023, rendu le 28.08.2023, REJETE, 6B_259/2023
Descripteurs : BRIGANDAGE;FLAGRANT DÉLIT;VOL(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.111; CP.22; CP.140; CP.139
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11468/2020 AARP/14/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 10 janvier 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu en exécution anticipée de peine à l'Etablissement fermé de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

intimé sur appel joint,

contre le jugement JTCO/83/2022 rendu le 29 juin 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

D______, partie plaignante, comparant par Me E______, avocat,

intimé,

appelant sur appel joint,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 29 juin 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a reconnu coupable de tentative de brigandage aggravé (art. 22 al. 1 cum art. 140 ch. 1 et 3 du code pénal [CP]), de tentative de meurtre (art. 22 al. 1 cum art. 111 CP) et d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et l’a condamné à une peine privative de liberté de cinq ans et sept mois, sous déduction de la détention avant jugement subie, a ordonné son expulsion de Suisse de A______ pour une durée de sept ans et ordonné le signalement de cette mesure dans le système d'information Schengen (SIS). Le TCO a rejeté ses conclusions en indemnisation et renvoyé D______ à agir par la voie civile, avec suite de frais.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à l’indemnisation de la détention subie.

b. Dans le délai légal, D______ forme un appel joint, concluant à l’octroi d’une indemnité de CHF 10’763.75, avec intérêts à 5% dès le 28 juin 2020 au titre de dommages et intérêts pour sa perte de gain (CHF 5'372.-) et ses frais médicaux (CHF 391.75) ainsi qu’à titre de tort moral (CHF 5'000.-).

c. Selon l'acte d'accusation du 26 avril 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 28 juin 2020, vers 04h30, à Genève, sur la Plaine de Plainpalais, de concert avec un second individu, A______ a dérobé la sacoche de D______ et ce, dans le but de se l'approprier, ainsi que son contenu, et de s'enrichir illégitimement, avant de prendre la fuite. Alors que D______ les avait rattrapés et apostrophés pour leur réclamer son bien, A______ et le second individu s'en sont pris physiquement et violemment à lui, dans le but de conserver la sacoche qu'ils venaient de dérober. L'un d'entre eux lui a ainsi donné à tout le moins un coup de poing à la mâchoire puis A______ a asséné un coup de couteau au niveau thoracique antérieur droit de D______, dans le but de le tuer ou acceptant à tout le moins ce risque, étant précisé que D______ a survécu à ses blessures grâce à l'intervention rapide des secours.

D______ a souffert notamment d'une plaie antérieure droite du thorax, d'un hémopneumothorax droit avec lacération pulmonaire minime du lobe droit, ainsi que de plusieurs dermabrasions à la main gauche.

Le 27 juin 2020, vers 17h, A______ a pénétré sur le territoire suisse sans être au bénéfice des autorisations nécessaires et sans être muni d'une pièce de légitimation reconnue et dans le but d'y commettre des infractions, représentant ainsi une menace pour l'ordre et la sécurité publics.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 28 juin 2020, vers 04h45, la police a été alertée pour une grosse bagarre sur la plaine de Plainpalais (B-3). A son arrivée, elle a constaté que D______ avait reçu un coup de couteau au thorax et était emmené en ambulance. Son pronostic vital a été engagé en raison de sa lésion.

Les témoins présents ont désigné F______ comme faisant partie de la bande qui avait agressé la victime. Ils ont également indiqué un morceau de t-shirt blanc (qui se trouvait à côté d’une flaque de sang) comme appartenant à l’agresseur (C-407). Les recherches effectuées sur ce vêtement ont mis en évidence la présence de sang (test OBTI) et le profil ADN de D______ sur les traces rougeâtres à l’intérieur du col et au niveau de l’épaule ; le rapport de vraisemblance est de l’ordre du milliard, ce qui signifie vraisemblablement qu’il y a du sang de D______ sur le t-shirt, mais pas nécessairement qu’il en était le porteur (C-512). Un profil ADN de mélange, avec une fraction majeure masculine et au moins trois contributeurs pour la fraction mineure, a été mis en évidence dans le prélèvement effectué au niveau du col, en évitant les traces de sang. Les profils ADN de la victime (fraction mineure) et celui de A______ (fraction majeure) sont compatibles avec ce mélange. Le rapport de vraisemblance est de l’ordre du milliard pour A______, ce qui était compatible avec le fait qu’il était porteur de ce vêtement (C-510) et de 46’000 pour D______ (C-29). La présence conjointe de A______ et de D______ est compatible avec ce profil de mélange. Le profil de F______ (cf. infra) en est exclu (C-547).

G______, entendu le jour-même par la police, avait constaté qu’une connaissance, D______ se battait avec un homme inconnu de type magrébin ; il les avait séparés et l’inconnu avait chuté au sol. Cette personne s’était relevée et avait porté un coup au thorax de D______ avant de prendre la fuite. Il avait alors constaté une tache de sang sur la victime, mais n’avait pas vu l’arme utilisée. Il a fourni une description de l’agresseur (homme de type maghrébin, 20-25 ans, environ 170 cm et 55-60 kg, cheveux courts, un peu de barbe sur le bas de la mâchoire, cicatrice sur la joue droite et vêtu de blanc avec une casquette, B-7), et précisé que lorsqu’il avait fui, il était accompagné d’une ou deux personnes, dont F______ (identifié par son t-shirt rouge), lequel n’avait pas participé à la bagarre. Le t-shirt de l’agresseur avait été déchiré dans la mêlée et la police en avait saisi des morceaux. Il avait vu un couteau suisse au sol, sans pouvoir dire s’il avait été utilisé lors des faits (ce couteau n’a pas été retrouvé, ni d’ailleurs l’arme utilisée contre le plaignant ; B-8 et dossier).

H______, également entendu le jour-même, a vu D______ courir après deux jeunes qui marchaient en provenance du boulevard Georges-Favon en direction de l’avenue du Mail et frapper l’un d’eux (porteur d’un t-shirt blanc) à l’arrière de la tête afin de récupérer sa sacoche, que l’homme lui avait prise. D______ et cet inconnu avaient chuté à terre ; ils s’étaient agrippés et l’inconnu avait donné un coup dans le ventre de D______. Il avait alors constaté que la victime perdait du sang au niveau du sternum, mais n’avait pas vu l’arme utilisée. Il a fourni une courte description de l’agresseur (homme de type maghrébin, 18-22 ans, 170-175 cm, corpulence fine, cheveux courts avec une crête châtain foncé, t-shirt blanc, bermuda beige, parlait arabe, B-14) et de son compagnon, identifié comme étant F______ par son pull rouge. L’un des deux protagonistes, sans qu’il soit en mesure de dire lequel, avait une balafre sur le visage (B-15).

Interpellé par la police, F______ a nié toute participation et refusé d’indiquer avec qui il se trouvait le soir en question.

b. Deux jours après ces faits, D______ a pu être auditionné par la police. Alors qu’il discutait avec un ami à Plainpalais, après avoir passé la soirée avec lui au I______ [boîte de nuit], il s’était rendu compte de la disparition de sa sacoche, qu’il avait posée sur un banc. Il avait vu deux hommes qui s’éloignaient en emportant son bien et leur avait crié de le lui rendre. L’un des hommes lui avait donné un coup de poing au visage, ils s’étaient empoignés et avaient chuté au sol. Le second individu s’était approché et avait pris part à la bagarre. Il avait déchiré son polo blanc, l’avait également projeté au sol, puis les deux hommes étaient partis en laissant sa sacoche. Il n’avait pas senti le coup de couteau et ne s’était pas rendu compte de la gravité de sa lésion avant plusieurs minutes. Il n’était pas en mesure de désigner qui, des deux hommes, lui avait porté ce coup de couteau et a fourni leur description sommaire.

Sa sacoche, saisie par la police au moment de son intervention, lui a été restituée à cette occasion. Les recherches effectuées ont mis en évidence la présence de sang (test OBTI) et un profil ADN de mélange complexe sur l’arrière de la sacoche, correspondant à plus de deux personnes. Les profils ADN de la victime et celui de A______ sont compatibles avec ce mélange. Le rapport de vraisemblance est de l’ordre de 500 millions pour A______ et du milliard pour D______. Il n’est pas possible de déterminer si le sang détecté provient d’une ou plusieurs personnes
(C-31). La présence conjointe de A______ et de D______ est compatible avec ce profil de mélange. Le profil de F______ en est exclu (C-547).

c. Selon le constat de lésions traumatiques (C-40 ss) et les déclarations des médecins légistes qui ont examiné D______ à l’hôpital (C-290 ss), celui-ci présentait une plaie pénétrante à bords nets au niveau de la région para-sternale droite, d’une profondeur minimale de 30 mm mais vraisemblablement plus profonde, ayant entraîné une lacération pulmonaire au niveau du lobe supérieur droit d’une longueur d’environ 2.25 cm. Cette lésion avait entraîné un hémopneumothorax ayant nécessité la pose d’un drain thoracique ; la vie du blessé n’avait pas été concrètement mise en danger, notamment grâce à la prise en charge médicale rapide. Il n’était pas possible de déterminer la position des parties impliquées, mais les lésions constatées étaient compatibles avec les explications de D______. Le coup avait été porté avec un objet tranchant et piquant, tel qu’un couteau, sans pouvoir émettre d’hypothèse plus précise. Il était difficile de se prononcer sur les chances de survie avec de telles lésions sans intervention médicale ; cela pouvait « aller dans les deux sens ».

d. Selon le rapport de police du 1er juillet 2020, la fuite des deux auteurs présumés est visible sur des images de vidéosurveillance. On y distingue notamment, à 04h46, deux personnes traverser l’avenue du Mail en courant et s’engager dans la rue Gourgas, perpendiculaire. L’un des hommes est torse nu et porte un objet à la main, qui pourrait être un vêtement ; l’autre homme est coiffé d’une casquette et muni d’une sacoche en bandoulière. Sur les images, il n’est pas possible de dire s’il porte un t-shirt ou est également torse nu.

d. Suite à son identification par la découverte de son profil ADN, A______ a été placé sous mandat d’arrêt international et extradé de France le 30 avril 2021. Il a été détenu dans ce pays à titre extraditionnel du 21 octobre 2020 au 1er février 2021 et du 10 au 30 avril 2021 (Y-52).

Auparavant, A______ avait été contrôlé le 4 juin 2020 par les gardes-frontière, qui avaient à cette occasion relevé son numéro de téléphone ainsi que les références de ses cartes SIM. Il a également été photographié à cette occasion (C-20). Les recherches effectuées avec ce numéro de téléphone ont mis en évidence que l’utilisateur se trouvait en Suisse le 27 juin 2020 en fin d’après-midi (17h55) ainsi que le 28 juin à 02h26 et 06h23 (sans localisation).

e. Selon sa première déclaration, A______ était présent le soir en question et il y avait eu une bagarre entre des albanais et des arabes pour de la drogue. Il avait voulu séparer des gens et reçu des coups ; il avait chuté, s’était déboîté l’épaule (en raison d’une blessure antérieure) et cassé une dent. Des « mecs de W______ [France] » l’avaient sorti et l’avaient sauvé ; il avait pris la fuite en courant. Il n’avait ni volé de sacoche ni donné de coup de couteau. Il était la victime, un kosovar très costaud lui avait donné un coup de poing. Il se trouvait avec un nommé J______, ainsi que K______ et L______ et des filles de W______ et de Genève. Confronté aux images de vidéosurveillance, il ne s’est pas reconnu et a indiqué que l’individu torse nu était J______ ; il a ensuite indiqué qu’il était peut-être l’autre personne, porteur d’une casquette et d’une sacoche.

Quelqu’un lui avait arraché son polo la nuit des faits. Il n’avait pas de couteau et n’avait vu personne muni d’une telle arme.

f. Lors de leurs auditions ultérieures au Ministère public (MP), A______ et D______ ont confirmé leurs précédentes déclarations.

La victime n’avait gardé que peu de souvenirs des faits, n’a pas été en mesure de décrire son agresseur et ne se souvenait d’ailleurs plus avoir arraché son polo. Elle n’a pas reconnu A______. Personne n’avait cherché à le séparer des deux voleurs lorsqu’il s’était battu avec eux. Il pensait que c’était plutôt l’homme qui avait sa sacoche, qui était resté debout, qui lui avait donné un coup de couteau, sans pouvoir être formel. Lui-même n’avait pas de couteau suisse le soir des faits (C-263 ss).

Le prévenu ne s’est plus reconnu sur les images de vidéosurveillance, précisant ne pas être en mesure de le faire en raison de leur mauvaise qualité. Il n’a pas reconnu le morceau de polo saisi par la police sur les lieux, expliquant que son t-shirt s’était entièrement déchiré et d’une manière différente de celle visible sur les images figurant au dossier : son vêtement était resté en une pièce.

g. G______, entendu en novembre 2021, a également confirmé ses déclarations antérieures. Il n’avait pas vu le début de la bagarre ; il n’avait pas vu D______ chuter, mais bien son (unique) agresseur. Il n’a pas reconnu A______, lequel portait une barbe à l’audience au MP, contrairement à l’agresseur qu’il avait vu la nuit des faits, lequel lui avait aussi paru plus jeune. L’agresseur avait des cheveux courts sur le côté, touffus sur le dessus avec des pointes teintes en blond, en bande sur le dessus (C-301). La cicatrice de l’agresseur, décrite à la police, était plus bas sur la joue que celle que présentait A______. Il se trouvait à 10 ou 15 mètres des protagonistes de la bagarre au moment où il l’avait constatée. A son arrivée, l’agresseur était immédiatement parti en courant quand il avait commencé à séparer les protagonistes.

h. H______, également entendu en novembre 2021, n’avait plus le souvenir d’avoir vu les protagonistes de la bagarre chuter au sol. Il s’est remémoré certains détails lorsque le MP lui a donné lecture de sa déclaration de juin 2020 et n’a pas reconnu A______. Il ne pensait notamment pas pouvoir reconnaître la cicatrice que celui-ci présentait sous l’œil gauche ; l’agresseur en présentait une au niveau de la joue plutôt que de la bouche, sans pouvoir préciser de quel côté. Il se trouvait à environ 25 mètres des protagonistes lorsqu’il avait vu l’échange de coups et s’était ensuite rapproché ; il n’avait pas tout vu et n’excluait pas que D______ se soit battu avec deux personnes. Il n’avait pas souvenir d’avoir vu une grande bagarre à Plainpalais le soir des faits. A______ avait la même corpulence que l’agresseur (C-362).

i. Le MP et la police ont également auditionné plusieurs personnes, présentes ou non le soir des faits, qui n’ont apporté aucun élément pertinent. M______ avait passé la soirée avec D______ ; celui-ci était parti soudain, « comme une fusée », pour chercher sa sacoche ; il ne l’avait retrouvé qu’une fois celui-ci blessé (C-151). D’autres personnes, mentionnées par l’un ou l’autre, n’ont pas été formellement identifiées, ou n’ont jamais répondu aux convocations du MP ou du TCO. Le MP a notamment ordonné à la police d’identifier des personnes qui, selon A______, se trouvaient en sa compagnie le soir des faits et pouvaient le mettre hors de cause ; aucune de ces recherches n’a abouti, les indications données par le prévenu s’avérant fantaisistes (C-135 ss).

j. Aux débats de première instance, le TCO a informé les parties qu’il examinerait également les faits, qualifiés par le MP de brigandage aggravé au sens de l’art. 140 ch. 1 et 4 CP et de tentative de meurtre, sous l’angle du brigandage aggravé au sens de l’art. 140 ch. 1 et 3 CP, également en concours avec la tentative de meurtre.

Le prévenu a persisté dans ses explications, maintenant n’avoir jamais vu la victime le soir des faits. Plusieurs témoins convoqués par le TCO n’ont pas comparu à l’audience.

C. a. A l’appui de sa déclaration d’appel, A______ a sollicité l’audition de plusieurs témoins ainsi que d’un expert ADN. Le 9 décembre 2022, soit 11 jours avant les débats d’appel, il a également sollicité divers actes d’instruction en lien avec une agression dont il a dit avoir été victime le 6 novembre précédent à N______ [établissement pénitentiaire]. Ces réquisitions ont toutes été rejetées par la direction de la procédure.

Le 19 décembre 2022, à sa demande, il a été mis au bénéfice du régime d’exécution anticipée de peine.

b. Aux débats d’appel, l’appelant a modifié sa version des faits. Il n’avait jusqu’alors pas dit la vérité par crainte de représailles, et avait d’ailleurs été agressé à la prison par un codétenu après avoir confié à d’autres qu’il allait « balancer ». Ainsi, A______ a expliqué que le soir des faits il était venu de W______ [France], en tram, avec O______ (phon. ; ci-après : O______). Ni l’un ni l’autre n’avait de couteau puisqu’en raison du Covid il y avait de nombreux contrôles. Ils étaient venus boire un verre en Suisse car tout était fermé en France et s’étaient retrouvés à la plaine de Plainpalais avec un groupe de connaissances. A un moment donné, il y avait eu une altercation et il n’avait pas regardé ce que faisait O______ ; celui-ci était arrivé avec une sacoche et était resté trois ou quatre minutes avec le groupe avant de dire qu'il y avait trop de monde et qu'il fallait partir. O______ lui avait dit qu'il avait trouvé la sacoche. Ils avaient marché un peu puis il avait entendu quelqu'un crier « ma sacoche », à 20 ou 25 mètres derrière eux. O______ lui avait dit de prendre la fuite mais lui-même n'ayant rien fait de mal, il avait essayé de le calmer ; il s’était retourné et avait vu deux personnes arriver vers eux. Il parlait avec O______ et ces personnes étaient dans son dos ; il lui avait dit de rendre la sacoche à son propriétaire. O______ était en panique et il tentait de le calmer en attendant la personne, sans fuir. Le plaignant ne l'avait pas rattrapé, il l’avait attendu ; si D______ ne s'était pas énervé, il lui aurait rendu cette sacoche en lui demandant de les excuser car O______ l'avait trouvée. Mais D______ lui avait tout de suite donné un coup et O______, qui avait vu l'action, lui avait transmis la sacoche : c’est pour cela qu'on avait trouvé son ADN. S’il avait pris la sacoche lui-même, il y aurait eu ses empreintes. Après, D______ l'avait saisi, jeté par terre et coincé. Il avait eu peur pour son épaule blessée. Alors qu’il était au sol, O______ avait donné le coup de couteau pour qu’il puisse se dégager et ils étaient partis.

Il avait vu la victime avec ses amis. O______ voulait fuir et lui avait raconté toute l'histoire par la suite ; lui-même aurait voulu que la police les interpelle tous les deux pour qu'il explique ce qu'il avait fait. O______, dont le t-shirt avait aussi été déchiré par D______, lui avait expliqué que les caméras de surveillance allaient permettre d’établir les faits. Ils avaient marché jusqu'à l'arrêt du tram 17. Selon O______, il avait trouvé le couteau suisse dans la sacoche de la victime et l’avait jeté avec la sacoche. Ils étaient rentrés ensuite à W______. Le lendemain, les amis de O______ lui avaient dit que le coup de couteau donné à D______ était grave. Par peur d’une arrestation, O______ était parti pour P______ [France] mais A______ avait refusé de partir avec lui, n’ayant rien fait. Il présentait ses excuses à D______. Il était en prison depuis 18 mois pour quelque chose qu’il n’avait pas fait. On le traitait de balance depuis qu’il avait dit qu’il ne voulait pas aller en prison pour d'autres.

Il ne comprenait pas que la police n’ait retrouvé qu’un demi t-shirt, il avait laissé tout son t-shirt sur place et ne reconnaissait donc pas celui figurant en image au dossier. Il était la personne avec une casquette et une sacoche sur les images de la rue Gourgas ; ni lui ni son compagnon ne portaient de t-shirt. Il ne portait pas la sacoche visible sur les images, qui était tombée, lorsque D______ lui avait enlevé ce vêtement ; il l’avait récupérée et remise ensuite. Il n’avait pas vu le couteau et confirmait que O______ lui avait jeté la sacoche au moment où il avait vu D______ arriver. Il n’avait pas touché la sacoche auparavant. Il ne l’avait pas touchée, sinon par hasard. La sacoche était au sol lorsqu’il était tombé. O______ avait dû prendre le couteau avant de jeter la sacoche.

Il a désigné O______ sur la planche photos n° 2 figurant au dossier de la procédure comme l’individu en position 3, soit la seule personne, sur cette planche photos (ou l’autre planche figurant au dossier), qui présente une crête blonde. Lorsque la Cour lui a fait remarquer que la personne figurant sur les images de la rue Gourgas n’avait pas les cheveux blonds, il a indiqué que dans son souvenir O______ n’était pas blond. Lorsque la Cour lui a demandé comment il s’était rendu jusqu’à un arrêt du tram 17, celui-ci se trouvant dans une direction opposée au chemin de fuite par la rue Gourgas, il a expliqué avoir marché en direction du lac ou de la rivière.

Il avait cherché depuis la prison, notamment avec l’aide de son frère, à retrouver O______ pour qu’il vienne s’expliquer, en vain. Il était prêt à l’appeler sous le contrôle de la police pour permettre à celle-ci d’entendre ce que O______ expliquerait.

En lien avec le reproche d’entrée illégale en Suisse, A______ a expliqué qu’il était « un clandestin comme tout le monde ».

D______ a pour sa part confirmé ses précédentes déclarations, notamment qu’il n’y avait pas de couteau dans la sacoche, laquelle contenait notamment deux porte-monnaie et deux trousseaux de clés, lesquels se trouvaient encore dedans quand il avait pu la récupérer. Il n’avait jamais eu de couteau suisse.

Sa famille et lui avaient été affectés par les faits ; il avait encore des douleurs et craignait toujours de se faire agresser lorsqu’il sortait. On lui avait recommandé d’aller voir un thérapeute, ce qu’il envisageait finalement de faire. Il était blessant d’entendre de nouvelles déclarations du prévenu, qui présentait chaque fois une autre version alors que lui-même avait toujours été honnête dans ses explications.

c. A l’issue des auditions, le conseil de l’appelant a renouvelé à titre incident ses réquisitions de preuve rejetées, sauf celle concernant l’audition d’expert ADN, et demandé l’interpellation et l’audition du nommé O______. Le MP et la partie plaignante se sont opposés à ces incidents. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a rejeté ces requêtes au bénéfice d’une motivation plus complète dans le présent arrêt.

d. Par la voix de son conseil, D______ a confirmé son appel joint. Ses déclarations avaient été sincères tout au long de la procédure, il avait clairement indiqué que le morceau de t-shirt blanc retrouvé par la police avait été arraché à son agresseur. L’enquête avait clairement mis en cause A______, dont les explications étaient inconsistantes et adaptées au fur et à mesure des éléments de la procédure. Si les témoins avaient une faible crédibilité, en raison de l’heure et du lieu, ses propres déclarations, mesurées et claires, permettaient d’établir les faits.

e. A______ persiste également dans ses conclusions. Il avait eu le courage d’expliquer la vérité et demandé une protection contre les représailles, il voulait contribuer à l’arrestation du véritable auteur et on le lui reprochait, alors qu’il avait agi de bonne foi. L’ADN ne démontrait pas qu’il était l’auteur du coup de couteau ; au vu du déroulement des faits et de la présence d’ADN inconnus, aucune hypothèse ne pouvait être écartée.

Il n’y avait pas eu vol puisque le sac avait été trouvé sur un banc, abandonné par la victime. Il n’y avait a fortiori pas d’agression. Il n’avait pas de couteau et n’avait pas demandé l’aide de O______, qui était intervenu spontanément pour l’aider alors qu’il était maintenu à terre par D______. Sans vouloir blâmer la victime, sa réaction était inhabituelle et il avait porté le premier un coup. Or le risque d’une telle réaction était notoire. Le coup n’avait pas été porté pour conserver l’objet du vol mais pour libérer l’appelant, pour qui le coup avait été porté au bras, alors que la victime était bien entourée de ses amis et qu’il n’y avait donc pas à s’inquiéter de sa prise en charge. Il n’y avait ainsi pas de brigandage (au sens de l’art. 140 CP) mais un vol d’opportunité. Le prévenu ne s’était pas concerté avec O______ et ne savait d’ailleurs pas qu’il avait un couteau. D______ avait arraché le t-shirt de la personne qui ne lui avait pas porté le coup de couteau. S’il craignait encore aujourd’hui que le second comparse n’intervienne et ne lui donne le coup de grâce, c’était peut-être que dans son inconscient il savait que son agresseur était celui qui était encore en liberté.

La version de la victime était compatible avec la sienne : ce n’était pas la personne au sol qui avait donné le coup de couteau, mais bien O______, qui était debout, ce que confirmaient les légistes. Le t-shirt retrouvé par la police avait manifestement été manipulé par quelqu’un et ne pouvait pas avoir été déchiré de la sorte au cours des événements.

La lésion était tout au plus une lésion corporelle simple au sens de l’art. 123 CP, faute d’intention homicide et en l’absence de mise en danger concrète. Les conditions d’un brigandage n’étaient pas non plus réalisées faute de simultanéité, le coup de couteau n’avait pas été porté pour sauvegarder le butin, qui avait été jeté au sol dès le début de l’altercation, mais pour libérer A______ de l’emprise de D______. En tout état de cause, la circonstance aggravante de l’art. 140 ch. 3 CP n’était pas réalisée.

Il acquiesçait à l’intégralité des prétentions civiles, nonobstant son rôle secondaire.

Il n’avait participé à aucune infraction, tout au plus s’était-il rendu coupable d’une entrée illégale pour laquelle il devait être mis au bénéfice d’une exemption de peine au sens de l’art. 52 CP.

f. Le MP a conclu au rejet de l’appel. La nouvelle version de l’appelant était incohérente, montée de toutes pièces en désespoir de cause, en s’appuyant sur les éléments de la procédure et notamment la photographie d’un homme figurant au dossier qui pourrait correspondre à la description faite par un témoin entendu 18 mois après les faits, qui n’avait aucun lien avec ceux-ci.

L’appelant ne figurait pas sur la première planche photo soumise aux témoins des faits, raison pour laquelle personne ne l’avait reconnu. L’enquête permettait néanmoins de le mettre en cause au-delà de tout doute comme l’auteur du vol et du coup de couteau.

Les faits étaient bien constitutifs de brigandage dans la mesure où le lésé avait immédiatement constaté la disparition de son bien et poursuivi les voleurs qu’il avait rattrapés en leur courant après. La violence avait été exercée pour conserver le butin et les conditions d’un brigandage, en concours avec une tentative de meurtre, étaient réalisées.

D. A______ indique être né le ______ 1992 à Q______ en Algérie, pays dont il est originaire. Il est célibataire et a un fils né le ______ 2020 qu'il n'a jamais vu et n’a pas pu reconnaître en raison de sa détention. Il est en contact avec son fils et la mère de celui-ci, lesquels vivent à R______ en Espagne. Sa compagne est espagnole mais il converse avec celle-ci en arabe. Il a grandi en Algérie, où il est allé à l'école jusqu'en deuxième année de lycée. Il a ensuite obtenu un diplôme de frigoriste. Ses parents vivent en Algérie. Il a deux frères qui vivent dans son pays et deux sœurs, l'une vivant en Algérie et l'autre à S______ [France]. Il est arrivé en Europe, soit en Espagne, en septembre 2014. Puis, il est allé en France, soit à P______ [France] et à T______ [France]. Avant son incarcération, il ne travaillait pas mais il avait travaillé auparavant dans le bâtiment et pour U______ [livraison à domicile], jusqu'à son accident à l'épaule, pour laquelle il a subi une seconde et lourde intervention pendant son incarcération à Genève. Il vivait à P______. A l'avenir, il a exposé qu'il souhaitait retourner en Espagne auprès de sa femme qui souffrait sans sa présence et car sa famille avait besoin de lui.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ n'a pas d'antécédent. Selon l'extrait de son casier judiciaire français, il a été condamné à trois reprises, soit les :

- 7 juin 2019 par le Tribunal correctionnel de P______ pour vol avec destruction ou dégradation, à un mois d'emprisonnement avec sursis ;

- 8 janvier 2020 par le même tribunal pour vol en réunion, à trois mois d'emprisonnement ;

- 11 juin 2020 par le Tribunal correctionnel du V______ pour vol dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, à six mois d'emprisonnement avec sursis.

E. a. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 30 heures et 50 minutes d'activité de chef d'étude hors débats d'appel, lesquels ont duré 5h30 dont une heure consacrée à l’étude du jugement motivé, 14 heures de préparation des débats d’appel (3h le 6.12, 4h le 16.12 et 7h le 19.12) et 3h50 en lien avec la procédure administrative initiée par son mandant à la suite de l’agression dont il dit avoir été victime à la prison et CHF 100.- à titre de débours correspondant aux frais d'interprète.

b. Me E______, conseil juridique gratuit de D______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, neuf heures et dix minutes d'activité de chef d'étude hors débats d'appel. Il détaille les correspondances avec son mandant (3h11) en soulignant qu’elles excèdent le forfait de 20%.

Il indique s’en rapporter à justice sur la question de savoir si ces frais d’avocat doivent être remboursés par le prévenu à l'État de Genève au vu de l'octroi de l'assistance juridique.

EN DROIT :

1. L’appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. Le rejet des questions incidentes soulevées par l’appelant lors des débats d'appel est motivé comme suit.

2.1. Selon l'art. 10 al. 2 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure. À teneur de l'art. 139 al. 1 CPP, les autorités pénales mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l’état des connaissances scientifiques et l’expérience, sont propres à établir la vérité. Il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés (art. 139 al. 2 CPP).

Lorsqu’il constate, en cours de délibération, que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal peut ordonner un complément de preuves, puis reprendre les débats (art. 349 CPP, applicable à la procédure d’appel par le renvoi de l’art. 405 al. 1 CPP).

2.2. En l’espèce, le dossier soumis à la Cour est a priori complet et instruit. La question principale posée par la défense – l’interpellation et l’audition d’un tiers, désigné par l’appelant comme le réel auteur des faits – requiert une appréciation anticipée complète des preuves, à laquelle la CPAR ne peut procéder qu’à l’issue d’un examen complet de la procédure et non sur le siège. En effet, cette requête implique une suspension des débats d’appel et une reprise de l’instruction préparatoire. Une telle reprise ne s’impose que si la nouvelle version des faits présentée par l’appelant doit être tenue pour vraie.

En ce qui concerne spécifiquement les auditions supplémentaires, les témoignages figurant déjà au dossier de la cause sont fragmentaires et, pour certains, se contredisent partiellement entre la première et la seconde audition. Cela tient principalement à l’heure des faits (fin de nuit), à l’absence de lumière du jour, à la fatigue et à la rapidité des faits. Même les témoins entendus immédiatement après les faits ont oublié certains éléments qu’ils avaient initialement apportés. Il est ainsi difficilement concevable que d’autres témoins, qui ne se sont pas manifestés le soir des faits auprès de la police, puissent apporter un quelconque élément utile et pertinent plus de deux ans après les faits, si tant est qu’ils puissent être localisés et entendus.

Les questions incidentes ont ainsi été rejetées, sous réserve que l’appréciation des preuves doive conduire la CPAR à ordonner un complément de preuves.

3. 3.1. Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1 Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3.2. À l'instar des autres moyens de preuve, le juge apprécie librement la force probante d'une expertise – dont celles portant sur l'analyse de profils d'ADN (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 2 ad art. 182 ; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2,7, 10 ad art. 182) –, étant rappelé qu'il ne peut s'écarter des conclusions de l'expert sans motifs sérieux et qu'il doit alors motiver sa décision (ATF 129 I 49 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_787/2009 du 27 novembre 2009 consid. 1.1).

Dans ce domaine particulier, le risque d'un transfert secondaire d'ADN, soit le fait pour un individu "A" de déposer sur un objet l'ADN d'un autre individu "B" avec lequel il a été en contact, par exemple en lui serrant la main, existe mais reste faible selon les recherches en la matière (J. VUILLE, Ce que la justice fait dire à l'ADN [et que l'ADN ne dit pas vraiment] : étude qualitative de l'évaluation de la preuve par ADN dans le système judiciaire pénal suisse, Lausanne 2011, p. 38 ; M. PHIPPS / S. PETRICEVIC, "The tendency of individuals to transfer DNA to handled items", Forensic Science International 2007 (168), p. 166).

La probabilité d'un transfert secondaire d'ADN dépend notamment de la propension de chacun à laisser des traces biologiques (en fonction également de la zone cutanée concernée, de l'âge, des conditions hormonales et des éventuelles maladies cutanées de l'individu, cf. S. ZOPPIS / B. MUCIACCIA / A. D'ALESSIO / E. ZIPARO / C. VECCHIOTTI / A. FILIPPINI, "DNA fingerprinting secondary transfer from different skin areas: Morphological and genetic studies, in Forensic Science International", Genetics 2014 (11), p. 137 ss, p. 143) et des circonstances temporelles du transfert. Ainsi, il se peut, dans des conditions "idéales", soit en présence d'un objet propre et de participants qui se sont lavés les mains, que seul le profil ADN d'un individu qui n'a pas touché l'objet soit mis en évidence sur ledit objet, lorsque tous les contacts ont eu lieu sans délai. Dans un cas d'espèce, cela nécessiterait que les individus se trouvent ensemble sur la scène du crime. En revanche, un profil de mélange était mis en évidence lorsque trente minutes ou une heure s'étaient écoulées entre le contact humain et le contact avec l'objet. Par conséquent, le réel risque d'un transfert secondaire d'ADN se poserait en pratique davantage lorsqu'un profil de mélange est mis en évidence (A. LOWE / C. MURRAY / J. WHITAKER / G. TULLY / P. GILL, "The propensity of individuals to deposit DNA and secondary transfer of low level DNA from individuals to inert surfaces", Forensic Science International 2002 (129), p. 33).

3.3.1. En l’espèce, il ressort des déclarations de l’appelant devant la CPAR qu’il ne conteste finalement plus s’être trouvé sur place le soir des faits et avoir été l’une des deux personnes que le plaignant a vues en train de s’éloigner avec son bien. Il affirme toutefois ne pas avoir pris la fuite, avoir attendu le plaignant qui l’a agressé et fait chuter au sol, amenant son comparse à lui porter un coup de couteau.

Cette version comporte plusieurs incohérences irréconciliables, qui permettent de comprendre que l’appelant a construit cette nouvelle version uniquement pour les besoins de la cause, en fonction des éléments du dossier qu’il a perçus et adaptés (voire adoptés) pour présenter une version alternative compatible avec les preuves recueillies et lui permettant de se soustraire à l’accusation portée à son encontre.

La première de ces incohérences, et non des moindres, est la tardiveté de ces nouvelles déclarations. Si l’appelant avait uniquement craint des représailles, on comprend mal pourquoi il n’aurait pas spontanément fourni la version présentée en décembre 2022 et expliqué ne pas oser fournir l’identité de son comparse ou tout simplement l’ignorer. La version présentée jusque devant les premiers juges n’était pas utile ni nécessaire à sa propre protection si sa seule crainte avait été celle de mesures de rétorsion d’un autre homme. La manière dont l’appelant a présenté sa version à la Cour (en insistant pour expliquer à chaque fois en quoi ses propos expliquaient les traces retrouvées) laisse songeur, tout comme ses affirmations selon lesquelles il n’avait pas voulu fuir mais y avait été entraîné par son comparse.

Ensuite, l’appelant explique que le couteau utilisé serait un couteau suisse, tout en disant ne pas l’avoir vu et expliquant qu’il venait de la sacoche de la victime. Or, s’il a été fait mention d’un couteau suisse en procédure, notamment par un témoin entendu en présence de l’appelant (C-300), la victime a toujours déclaré ne pas avoir eu un quelconque couteau en sa possession, bien avant qu’il soit question que l’arme utilisée aurait été la sienne. Cette version est accréditée par le fait que le plaignant s’est rendu, avant les faits, dans un établissement public (I______ [boîte de nuit]) auquel l’accès ne serait pas autorisé avec un tel objet. L’appelant a manifestement accroché son récit au témoignage faisant état d’un couteau suisse – dont il n’est pas établi qu’il s’agirait de l’arme du crime, étant relevé qu’un seul témoin mentionne cette arme blanche, alors que les policiers intervenus rapidement sur place ne l’ont pas retrouvé (contrairement au t-shirt), ce qui conduit plutôt à penser que le témoin s’est trompé et que l’arme n’a pas été abandonnée sur place mais emportée par l’auteur, voire que le couteau vu par le témoin se serait trouvé ailleurs sur la plaine de Plainpalais.

Par ailleurs, dans le scénario présenté, la sacoche aurait été jetée en direction de l’appelant principal avant ou au tout début de l’empoignade avec la victime. Si le couteau utilisé provenait réellement de la sacoche, il en aurait donc été extrait auparavant ; il n’est toutefois pas crédible que l’auteur se soit emparé uniquement de cet objet, de peu de valeur, et non de l’argent qui s’y trouvait et qui était encore dans la sacoche lorsque le plaignant l’a récupérée. Selon la version du prévenu, au moment où la sacoche a été abandonnée par le voleur, il n’y avait pas encore d’altercation et donc aucune raison de garder un couteau plutôt que des valeurs.

Les explications de l’appelant sur la provenance du couteau, centrales à sa version, sont ainsi contredites par tous les éléments du dossier. A cela s’ajoute, sans que cela ne soit réellement utile à l’établissement des faits, que ses explications sur l’impossibilité de détenir un couteau à la période des faits sont inconsistantes. Même en période de Covid 19, l’appelant a pu circuler facilement depuis la France voisine, alors qu’il n’a pas la moindre pièce d’identité. En réalité, à cette époque, les forces de police étaient certainement bien plus concentrées sur la vérification des comportements en lien avec la pandémie (masques, distances, réunions, etc.) que sur la fouille des personnes.

La nouvelle version est également incompatible avec la présence d’ADN de l’appelant sur l’arrière de la sacoche, puisque l’appelant persiste à dire qu’il ne l’a pas touchée ou alors seulement très brièvement, ce qui ne correspond pas aux traces retrouvées qui ont été prélevées sur la zone en contact avec la personne qui porte la sacoche. Ces éléments donnent le sentiment d’une version construite sur la base des éléments que l’appelant a perçus, au cours de l’instruction et dans le dossier de la procédure, voire dans le jugement entrepris.

A cela s’ajoute encore l’identification du supposé comparse. En effet, il est particulièrement peu probable que celui-ci figure parmi les personnes utilisées comme plastrons dans une planche photo où l’appelant lui-même figure, étant relevé que cette seconde planche photo a été établie par la police pour être présentée aux protagonistes après que l’appelant a été identifié par son ADN. Par ailleurs, il est piquant de relever que l’appelant désigne comme son comparse la seule personne qui corresponde, par son apparence, à la description que fait un témoin lors de son audition au MP en sa présence, description qui ne correspond pas à celle que le témoin en question avait fait le jour même des faits18 mois auparavant. Or, dans la mesure où cette description (cheveux avec crête blonde) n’apparaît que 18 mois après les faits, elle procède manifestement d’une erreur dudit témoin, qui a pu, avec l’écoulement du temps, confondre ou mélanger ses souvenirs. Ce qui importe à cet égard est d’une part que cette description – pourtant frappante – n’est donnée par personne immédiatement après les faits, et ne correspond d’autre part pas aux seules images sur lesquelles l’appelant se reconnaît aux côtés d’un tiers, lequel n’a manifestement pas les cheveux clairs. L’appelant a d’ailleurs compris son erreur lorsque la Cour l’a interpellé à ce sujet, puisqu’il a alors déclaré que dans son souvenir l’intéressé n’avait pas les cheveux blonds, quand bien même il le désigne sous cette apparence parmi les photographies figurant au dossier.

La version de l’appelant diverge encore sur plusieurs points de celle des autres protagonistes. Il en va ainsi du fait qu’il se serait écoulé plusieurs minutes entre le moment où son comparse aurait ramené la sacoche au sein du groupe et celui où ils s’en seraient éloignés : le lésé a toujours expliqué s’être rendu immédiatement compte de la disparition de son bien et l’avoir retrouvé moins d’une minute plus tard dans les mains des voleurs. Tous les témoins, y compris l’ami du plaignant qui a passé la soirée avec lui mais ne l’a pas accompagné dans la poursuite des voleurs, désignent le plaignant seul face à deux individus (dont un seul, pour les témoins, a participé activement aux faits) ; l’appelant n’est pas crédible quand il dit que deux personnes lui ont couru après. De même, le lésé est constant quand il explique que les hommes s’éloignaient et se sont retournés pour le frapper. Certes, un témoin décrit le plaignant comme ayant porté le premier coup ; néanmoins, même dans la version de ce témoin, qui est la plus proche de celle de l’appelant, les voleurs s’éloignent d’un pas rapide au moment où le plaignant les rattrape. Les deux témoins décrivent par ailleurs très clairement l’agresseur ayant chuté au sol comme celui qui porte le coup au ventre, après s’être relevé. Par ailleurs, si le plaignant dit avoir été confronté à deux personnes, les témoins décrivent un seul protagoniste comme actif, le second ayant uniquement assisté passivement aux faits.

Les témoignages des personnes présentes le soir des faits doivent certes être lus avec retenue, au vu de l’heure tardive (et festive) ainsi que de la faible luminosité. Néanmoins certains éléments de ces déclarations, notamment le fait que le plaignant a déchiré le t-shirt de son agresseur, le coup de poing dans le ventre porté par cette personne (personne n’ayant vu d’arme) sont des éléments concordants, qui plus est corroborés par des constatations objectives : la police a retrouvé sur place un t-shirt portant le sang du plaignant ; celui-ci a reçu un coup au niveau du sternum, qui a été porté par un poing armé d’un objet tranchant et piquant.

Les déclarations du plaignant sont constantes et sincères, étant relevé qu’il n’a jamais reconnu son agresseur, ni d’ailleurs l’autre personne désignée par les témoins et interpellée par la police, sur les planches photos de la procédure ou en confrontation. Il n’a pas non plus été en mesure de désigner l’auteur du coup de couteau. En revanche, il a fourni des explications constantes sur le déroulement des faits. Il n’y a pas de raison de les mettre en doute, notamment lorsqu’il affirme clairement ne pas avoir porté le premier coup ; il n’est pas exclu que ce témoin, qui se trouvait à distance, n’ait pas vu le premier coup reçu par le plaignant.

Il découle de ce qui précède que la version présentée pour la première fois devant la Cour de céans est dépourvue de toute crédibilité et qu’il n’y a notamment pas lieu de chercher l’individu opportunément désigné par l’appelant comme auteur des faits.

3.3.2. Les éléments recueillis par l’enquête mettent en réalité clairement l’appelant en cause comme le seul auteur du coup de couteau. En effet, alors que le plaignant n’est pas en mesure de décrire l’auteur de ce coup et ne l’a même pas ressenti, rendant toute explication de sa part pure conjecture, les deux témoins entendus directement après les faits décrivent un coup de poing à la poitrine donné au cours de l’altercation par le porteur du t-shirt blanc. Le plaignant et l’un des témoins expliquent que le t-shirt de l’agresseur a été arraché ; le témoin l’a d’ailleurs désigné, ce qui a conduit la police à le saisir. Aucun témoin ne parle d’un second t-shirt arraché et aucun autre vêtement (sinon ceux de la victime) n’a été mis sous inventaire. Or, le t-shirt saisi comporte, outre des traces, vraisemblablement de sang, du plaignant (qui peuvent avoir été apportées après coup, puisque ce vêtement a été retrouvé à proximité d’une flaque de sang), une trace ADN au niveau du col accréditant qu’il s’agit du t-shirt porté par l’appelant. Certes, cette trace ADN de mélange contient, outre l’ADN des protagonistes, deux profils ADN inconnus ; néanmoins, elle présente un profil dont la fraction majeure correspond à l’appelant, ce qui, compte tenu de l’ensemble des autres éléments, confirme qu’il s’agit bien de son t-shirt. Aucun témoin ne mentionne de second porteur d’un t-shirt blanc. Ainsi, les témoignages désignent l’agresseur – les témoins n’en ont vu qu’un – comme vêtu de ce t-shirt et désignent ainsi clairement l’appelant comme l’auteur du coup de couteau.

A cela s’ajoute que l’appelant a manifestement manipulé la sacoche et ne s’est pas contenté de la recevoir accidentellement de son comparse. Aucun témoin ne décrit le geste de lancer de la sacoche, et il n’est tout simplement pas crédible que les deux hommes se soient échangés cet objet au moment où le plaignant les a surpris en sa possession. Ici également, les traces ADN confirment un contact entre l’appelant et l’objet qui va au-delà d’un simple transfert et attestent qu’il avait bien la sacoche en sa possession avant la bagarre.

Enfin, les variations de l’appelant confortent en réalité les éléments le mettant en cause. Sa nouvelle version, construite de toute pièce, ne s’explique que par la volonté de diriger les soupçons sur une fausse piste pour s’exonérer de toute responsabilité.

Il ne fait dès lors aucun doute que c’est bien l’appelant qui a porté le coup de couteau à la partie plaignante lorsque celle-ci a cherché à récupérer son bien.

Il n’y a dès lors pas lieu de rouvrir l’instruction et la question préjudicielle de l’appelant est définitivement rejetée.

3.3.3. La sacoche de la partie plaignante a été subtilisée alors qu’elle avait été déposée sur un banc. Il ne s’agit toutefois pas d’un abandon, et la sacoche est restée en permanence à portée de son propriétaire, lequel s’est rendu compte immédiatement de sa disparition. Il n’est pas possible d’établir avec certitude qui, de l’appelant ou de son comparse, s’en est emparé ; le plaignant lui-même n’est pas en mesure de dire lequel des deux hommes détenait son bien lorsqu’il les a rattrapés. Compte tenu de la succession rapide des faits, et notamment du peu de temps écoulé entre la disparition de la sacoche et la poursuite engagée par la partie plaignante, qui a retrouvé l’appelant et son comparse en possession de son bien, il faut retenir que les deux hommes ont agi de concert. Il importe ainsi peu que ce soit l’appelant ou son comparse qui a physiquement pris la sacoche, leurs actions et leur fuite ayant manifestement été coordonnées.

Il convient maintenant de qualifier juridiquement ces événements.

4.1.1. Selon l'art. 140 ch. 1 al. 1 CP, se rend coupable de brigandage celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister. Conformément à l'art. 140 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, pris en flagrant délit de vol, aura commis un des actes de contrainte mentionnés à l'al. 1 dans le but de garder la chose volée encourra la même peine.

L'auteur qui exerce une contrainte après le vol pour assurer sa fuite ne commet pas un brigandage, contrairement à celui qui exerce une contrainte pour conserver le butin. S’il agit à la fois pour conserver le butin et assurer sa fuite, il commet l'infraction (ATF 92 IV 153 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1404/2020, consid. 1.2.2 non publié aux ATF 147 IV 124 ; 6B_1465/2020 du 18 novembre 2021 consid. 3.1).

Le vol est consommé au moment de la rupture de la possession, alors que la fin du vol n'intervient qu'au moment de la mise en sûreté du butin ou de l'enrichissement. Dans le cas d'un vol dans un supermarché, le Tribunal fédéral a retenu qu’une fois que le voleur est sorti du commerce, d’éventuels actes de contrainte au moment où il est interpellé par les responsables qui ont observé ses agissements ne sont pas constitutifs de brigandage, même s'ils ont pour but d'assurer la possession des biens volés, le vol étant achevé à ce moment-là (arrêt du Tribunal fédéral 6B_409/2021 du 19 août 2022).

4.1.2. La notion du caractère particulièrement dangereux, constitutive de l’aggravante visée par l'art. 140 ch. 3 CP, doit être interprétée restrictivement, dès lors que le brigandage implique, par définition, une agression contre la victime et donc une mise en danger plus ou moins grave. Il faut que l'illicéité de l'acte et la culpabilité présentent une gravité sensiblement accrue par rapport au cas normal. Cette gravité accrue se détermine en fonction des circonstances concrètes. Sont des critères déterminants notamment le professionnalisme de la préparation du brigandage, la façon particulièrement audacieuse, téméraire, perfide, astucieuse ou dépourvue de scrupules avec laquelle il a été commis et l'importance du butin escompté (ATF 117 IV 135 consid. 1a ; ATF 116 IV 312 consid. 2d et e ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_370/2018 du 2 août 2018 consid. 3.1 ; 6B_296/2017 du 28 septembre 2017 consid. 8.2).

Une mise en danger concrète de la victime suffit, sans qu'une lésion ne soit nécessaire. L'implication de plusieurs auteurs est une circonstance à prendre en considération dans la qualification de l'art. 140 ch. 3 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_370/2018 du 2 août 2018 consid. 3.1 ; 6B_296/2017 du 28 septembre 2017 consid. 8.2 ; 6B_305/2014 du 14 novembre 2014 consid. 1.1).

4.2.1. L'art. 111 CP réprime le comportement de celui qui aura intentionnellement tué une personne.

Sur le plan subjectif, l'auteur doit avoir l'intention de causer par son comportement la mort d'autrui. Le dessein de commettre une infraction est donné si l'auteur agit en vue de parvenir à un but qui se confond avec la perpétration du délit ou qui la présuppose. Pour admettre le dessein, il est nécessaire et suffisant d'établir que l'auteur a consciemment agi en vue de réaliser l'état de fait incriminé (cf. P. GRAVEN, L'infraction pénale punissable, 2e éd., Berne 1995, p. 200 n. 152). 

Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà avec intention, sous la forme du dol éventuel, lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte pour le cas où celle-ci se produirait. Le dol éventuel suppose que l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156; 133 IV 9 consid. 4.1 p. 16 s.; 131 IV 1 consid. 2.2 p. 4).

4.2.2. On peut retenir l'intention homicide lors d'un unique coup de couteau sur le haut du corps de la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_775/2011 du 4 juin 2012 consid. 2.4.2). Celui qui porte un coup de couteau dans la région du buste ou du ventre lors d'une altercation dynamique doit s'attendre à causer des blessures graves. L'issue fatale d'un coup de couteau porté dans la région thoracique doit être qualifiée d'élevée et est notoire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_798/2020 du 16 septembre 2020 consid. 3.2.2 ; 6B_924/2017 du 14 mars 2018 consid. 1.4.2 ; 6B_230/2012 du 18 septembre 2012 consid. 2.3 ; 6B_239/2009 du 13 juillet 2009 consid. 1 et 2.4).

4.3. À teneur de l'art. 115 al. 1 LEI, sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse prévues à l'art. 5 LEI (let. a).

Aux termes de l'art. 5 LEtr, tout étranger doit, pour entrer en Suisse, remplir les conditions suivantes : avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne faire l'objet d'aucune mesure d'éloignement (let. d).

Selon le texte légal, l'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEtr est réalisée si l'une des prescriptions, cumulatives, sur l'entrée en Suisse, au sens de l'art. 5 LEtr, est violée.

Les ressortissants algériens sont tenus, pour entrer en Suisse, d’être munis d’un visa. Les ressortissants d’Etats tiers titulaires d’une autorisation de séjour valable délivrée par un Etat Schengen ou d’un visa D valable, pour autant qu’ils soient en possession d’un document de voyage reconnu et en cours de validité, sont exemptés de l’obligation de visa (cf. Prescriptions fédérales en matière de documents de voyage et de visas selon la nationalité, https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/publiservice/ weisungen-kreisschreiben/visa/liste1_staatsangehoerigkeit.html).

4.4.1. En l’espèce, il est établi que la partie plaignante a été victime d’un vol. Ce vol a été consommé dès la disparition de la sacoche et l’éloignement des auteurs. La victime a poursuivi ceux-ci, sans avoir elle-même vu le vol, ni n’avoir cherché à le prévenir ou à l’interrompre. Lorsqu’elle a rattrapé les voleurs, environ une minute après les faits, ceux-ci avaient déjà accompli tous les éléments constitutifs de l’infraction de vol : bris de possession et appropriation du bien à des fins d’enrichissement. Dans ces circonstances, et même s’il s’agit d’un cas limite au vu de la proximité temporelle, l’accusation de brigandage doit être écartée au profit du vol simple au sens de l’art. 139 al. 1 CP, commis en coactivité entre l’appelant et son comparse inconnu.

L’appel doit être admis sur ce point.

4.4.2. Le fait que le vol ait été consommé au moment où le plaignant s’en est pris à ses voleurs ne rend pas pour autant son intervention illégitime, au contraire. Victime d’un vol, il était parfaitement autorisé à poursuivre les voleurs pour récupérer son bien et mettre ainsi un terme au bris de sa possession en rétablissant son droit de propriété sur le bien volé.

Confronté à la volonté du propriétaire de récupérer sa sacoche, l’appelant a résisté, lui portant un premier coup et suscitant une bagarre lorsque le plaignant ne s’est pas laissé faire. Il n’a ensuite pas hésité à lui porter un coup de couteau dans le ventre, vraisemblablement pour protéger sa fuite puisqu’il a abandonné son butin sur place.

En portant de la sorte un coup de couteau dans le thorax de son adversaire, l’appelant ne pouvait ignorer qu’il portait un coup dans une région du corps abritant de nombreux organes vitaux, et notamment les poumons, qui ont en l’occurrence été touchés. Il importe peu qu’au dire des médecins, la vie du plaignant n’ait pas été concrètement mise en danger : en agissant de la sorte, avec violence, pour se soustraire à son adversaire dans une situation où il était pris en faute, l’appelant a pris le risque de porter atteinte à un organe vital et donc à la vie de la partie plaignante. Les médecins légistes entendus ont d’ailleurs expressément confirmé la gravité de la lésion, qui aurait pu évoluer de façon moins heureuse (« dans les deux sens »).

Le verdict de tentative de meurtre (art. 22 et 111 CP) doit dès lors être confirmé et l’appel rejeté sur ce point.

4.4.3. L’appelant ne conteste plus réellement être entré en Suisse sans respecter les règles applicables, puisqu’il admet être clandestin et n’avoir disposé d’aucun document valable. Il ne prétend à raison plus, en appel, avoir ignoré qu’il franchissait la frontière, étant relevé qu’à la période des faits la différence entre la Suisse et la France était marquée, notamment en raison des restrictions très différentes liées à la période de pandémie.

Le verdict de culpabilité d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. a LEI sera dès lors confirmé.

5. 5.1. Le meurtre (art. 111 CP) est passible d'une peine privative de liberté de cinq à vingt ans ; le vol (art. 139 CP) d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus et l’entrée illégale (art. 115 al. 1 LEI) d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté d’un an au plus.

Conformément à l’art. 22 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. Dans ce cas, ce sont des circonstances extérieures qui viennent faire échec à la consommation de l'infraction, de sorte que l'atténuation de la peine n'est que facultative. Toutefois, selon la jurisprudence, si le juge n'a pas l'obligation de sortir du cadre légal, il devrait tenir compte de cette circonstance atténuante en application de l'art. 47 CP, la mesure de l'atténuation dépendant de la proximité du résultat et des conséquences effectives des actes commis (ATF 121 IV 49 consid. 1b p. 54-55 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_553/2014 du 24 avril 2015 consid. 3.5.1). En d'autres termes, la réduction devra être d'autant plus faible que le résultat était proche et ses conséquences graves. Cette réduction peut en outre être compensée par une augmentation de la peine s'il existe des circonstances aggravantes, celles-ci pouvant de la sorte neutraliser les effets de circonstances atténuantes (ATF 127 IV 101 consid. 2b p. 103 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 6.1.1 ; 6B_42/2015 du 22 juillet 2015 consid. 2.4.1).

5.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

5.2.2. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, Bâle 2019, n. 130 ad art. 47 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47). Il en va de même des antécédents étrangers (ATF 105 IV 225 consid. 2). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136 consid. 3b). En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps. Les condamnations qui ont été éliminées du casier judiciaire ne peuvent plus être utilisées pour l'appréciation de la peine ou l'octroi du sursis dans le cadre d'une nouvelle procédure pénale (ATF 135 IV 87 consid. 2 p. 89).

5.2.3. Pour apprécier la situation personnelle, le juge peut prendre en considération le comportement postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender. Des dénégations obstinées peuvent être significatives de la personnalité et conduire à admettre, dans le cadre de l'appréciation des preuves, que l'intéressé n'éprouve aucun repentir et n'est pas disposé à remettre ses actes en question (ATF 113 IV 56 consid. 4c p. 57 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_675/2019 du 17 juillet 2010 consid. 4.1).

Le droit de se taire et de ne pas s'auto-incriminer, qui fait partie des normes internationales généralement reconnues, selon l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 121 II 257 consid. 4a p. 264), n'exclut en effet pas la possibilité de considérer comme un facteur aggravant de la peine le comportement du prévenu qui rend plus difficile l'enquête pénale par des dénégations opiniâtres en présence de moyens de preuve accablants et des mensonges répétés, dont on peut déduire une absence de remords et de prise de conscience de sa faute (arrêts du Tribunal fédéral 6B_693/2020 du 18 janvier 2021 consid. 6.3 ; 6B_222/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.2 ; 6B_675/2019 du 17 juillet 2019 consid. 4.2).

5.2.4. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

Pour satisfaire à cette règle, le juge, dans un premier temps, fixera la peine pour l'infraction la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il doit augmenter la peine de base pour tenir compte des autres infractions en application du principe de l'aggravation (Asperationsprinzip) (ATF 144 IV 217 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1), en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 in medio ; 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 27.2.1). Si la Haute Cour a initialement admis, en présence d'infractions étroitement liées sur les plans matériel et temporel, de sorte qu'elles ne peuvent pas être séparées et être jugées pour elles seules, la fixation d'une peine de manière globale, il est par la suite revenu sur cette jurisprudence en indiquant que le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'était pas possible (ATF 144 IV 217 consid. 3.5). Le juge a l'obligation d'aggraver la peine en cas de concours d'infraction (ATF 103 IV 225 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1).

5.2.5. Les principes de l'art. 47 CP valent aussi pour le choix entre plusieurs sanctions possibles, et non seulement pour la détermination de la durée de celle qui est prononcée. Que ce soit par son genre ou sa quotité, la peine doit être adaptée à la culpabilité de l'auteur. Le type de peine, comme la durée de celle qui est choisie, doivent être arrêtés en tenant compte de ses effets sur l'auteur, sur sa situation personnelle et sociale ainsi que sur son avenir. L'efficacité de la sanction à prononcer est autant décisive pour la détermination de celle-ci que pour en fixer la durée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_611/2014 du 9 mars 2015 consid. 4.2). La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 consid. 4.2 p. 100 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).

La durée de la peine privative de liberté est en règle générale de trois jours au moins et de 20 ans au plus (art. 40 CP).

5.3. Selon l'art. 52 CP, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à lui infliger une peine.

L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur, tels que les antécédents, la situation personnelle ou le comportement de l'auteur après l'infraction. Une violation du principe de célérité ou un long écoulement de temps depuis les faits peuvent également être pris en considération (ATF 135 IV 130 consid. 5.4 p. 137 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_839/2015 du 26 août 2016 consid. 6.1).

5.4. En l'occurrence, la faute de l'appelant est très lourde.

Il a commis un vol d’opportunité, profitant d’un instant d’inattention de la partie plaignante pour s’approprier son bien. Surpris dans sa fuite, il n’a pas hésité à faire acte de violence pour tenter de protéger son butin, puis, face à la résistance de la victime, à faire usage d’une arme pour empêcher le plaignant de le retenir et éviter d’avoir à répondre de ses actes.

Il a agi par lâcheté et par appât du gain facile, sans aucun respect pour le bien et la vie d’autrui. Il a fait montre d’une indifférence complète en prenant la fuite, et a ensuite cherché par tous les moyens à se soustraire à sa responsabilité en niant toute implication puis en adaptant sa version aux éléments du dossier qui étaient portés à sa connaissance. Il n’a pas hésité, en appel, à reprocher les faits à la victime en la blâmant pour le tour pris par l’altercation qui avait failli lui coûter la vie. Il ne fait montre d’aucune prise de conscience, cherchant encore à reporter la responsabilité de ses actes sur autrui. Seul son acquiescement aux conclusions civiles permet d’entrevoir une certaine contrition, même si les perspectives concrètes qu’il s’exécute un jour sont minimes.

La situation personnelle de l'appelant ne justifie en rien son comportement. Il n’avait aucune raison de venir à Genève et de s’en prendre aux biens de la victime, puisque sa compagne enceinte se trouvait alors en Espagne et qu’il aurait pu rester à ses côtés et prendre les dispositions nécessaires pour subvenir aux besoins de sa famille en devenir.

Il n’y a pas de place pour appliquer l’art. 52 CP aux faits en lien avec l’entrée illégale, d’une part car cela reviendrait à faire obstacle de manière générale à l’application de cette infraction, aucune circonstance particulière ne justifiant de mettre l’appelant au bénéfice d’une exemption. D’autre part, l’appelant est entré illégalement en Suisse et y a commis des faits graves qui justifient d’autant moins l’application de cette disposition.

La collaboration de l’appelant a été exécrable. Il a donné des explications invraisemblables jusque devant la Cour de céans, rejetant la responsabilité de ses actes sur autrui et la victime.

Ses antécédents sont mauvais, en partie spécifiques (infractions contre le patrimoine) ; il n’a manifestement pas su apprendre de ses erreurs. Compte tenu de ce qui précède, et notamment de la gravité des actes commis et de son absence de toute source de revenu lui permettant de s’acquitter d’une peine pécuniaire, seule une peine privative de liberté entre en considération. Il ne conteste d’ailleurs pas réellement le genre de peine.

L’infraction la plus grave est la tentative de meurtre. Au vu de la violence et de la gratuité de ce geste, de sa lâcheté, mais aussi de la fuite immédiate de l’appelant et de son comportement jusque devant la Cour de céans, qui dénote une absence totale de remords, cette infraction est adéquatement sanctionnée par une peine de base de cinq ans. Cette peine tient compte de ce que l’infraction en est restée au stade de la tentative mais aussi des conséquences potentiellement très graves, étant relevé que la victime a échappé à la mort par chance, le coup porté n’ayant pas gravement atteint son poumon. Cette circonstance échappait toutefois complètement à la maîtrise de l’appelant, qui a visé sans hésiter et en toute connaissance de cause la poitrine de son adversaire.

Cette peine doit être augmentée de deux mois pour tenir compte du vol (peine hypothétique de trois mois) et de 20 jours (peine hypothétique d’un mois) pour l’entrée illégale.

La peine privative de liberté d’ensemble doit ainsi être fixée à cinq ans, deux mois et 20 jours, et l’appel principal partiellement admis sur ce point.

6. 6.1. Conformément à l'art. 66a al. 1 let. a CP, le juge expulse de Suisse, pour une durée de cinq à quinze ans, un étranger qui est condamné pour meurtre, étant rappelé que l'art. 66a al. 1 CP s'applique également à la tentative de commettre une infraction énumérée dans le catalogue (ATF 144 IV 168 consid. 1.4.1 p. 171).

6.2. Le juge doit fixer la durée de l'expulsion dans la fourchette prévue de cinq à quinze ans, en tenant compte du principe de la proportionnalité. Le critère d'appréciation est la nécessité de protéger la société pendant un certain temps en fonction de la dangerosité de l'auteur, du risque qu'il récidive et de la gravité des infractions qu'il est susceptible de commettre à l'avenir, à l'exclusion de toute considération relative à la gravité de la faute commise. La durée de l'expulsion n'a pas à être symétrique à la durée de la peine prononcée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_93/2021 du 6 octobre 2021 consid. 5.1).

6.3. L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) était jusqu'au 11 mai 2021 régie par le chapitre IV du règlement SIS II (règlement CE n° 1987/2006) relatif aux signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour. La Suisse a repris le 11 mai 2021 le nouveau règlement (UE) 2018/1861 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières (RS 0.362.380.085). La question de savoir si c'est le règlement (UE) 2018/1861 ou le règlement SIS II qui s'applique à la présente procédure peut être laissée ouverte dans la mesure où les dispositions topiques sont, dans une large mesure, identiques. Les deux normes exigent que la présence du ressortissant d'un pays tiers constitue une "menace pour l'ordre public ou la sécurité nationale" ou "une menace pour l'ordre public ou la sécurité publique ou nationale", ce qui est le cas lorsque le ressortissant d'un pays tiers a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an. Selon les deux règlements, la décision d'inscription doit être prise dans le respect du principe de proportionnalité (individuelle) (cf. art. 21 du règlement SIS II ; art. 21, par. 1, du règlement [UE] 2018/1861, et arrêt du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.1). Vu le contenu similaire des deux actes, la jurisprudence développée en lien avec le premier s'applique pleinement.

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une « menace pour l'ordre public et la sécurité publique ». En particulier, il n'est pas nécessaire que la personne concernée constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Il suffit que la personne concernée ait été condamnée pour une ou plusieurs infractions qui menacent l'ordre public et la sécurité publique et qui, prises individuellement ou ensemble, présentent une certaine gravité. Ce n'est pas la quotité de la peine qui est décisive mais la nature et la fréquence des infractions, les circonstances concrètes de celles-ci ainsi que l'ensemble du comportement de la personne concernée. Par conséquent, une simple peine prononcée avec sursis ne s'oppose pas au signalement dans le SIS. La mention d'une peine privative d'au moins un an fait référence à la peine-menace de l'infraction concernée et non à la peine prononcée concrètement dans un cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1178/2019 du 10 mars 2021 destiné à la publication consid. 4.6 et 4.8).

L'inscription de l'expulsion au SIS ne fait pas obstacle à l'octroi d'une autorisation de séjour par un Etat membre, en application de la législation européenne. En effet, un ressortissant d’un Etat tiers peut obtenir un titre de séjour d’un Etat Schengen si celui-ci considère, après consultation entre Etats, que l’inscription ne fait pas obstacle à l’octroi d’une telle autorisation, par exemple au titre du regroupement familial. Il importe néanmoins de procéder à l’inscription pour informer les états membres de l’existence d’une condamnation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2021 du 5 mai 2022 c. 2.2.5).

6.4.1. Compte tenu de la confirmation du verdict de culpabilité de l'appelant pour tentative de meurtre, son expulsion de Suisse doit être ordonnée. A raison, l’appelant ne le conteste pas au-delà de l’acquittement plaidé, étant relevé qu’aucun élément de la procédure ne permet ne serait-ce que d’envisager l’application de la clause de rigueur au sens de l’art. 66a al. 2 CP.

Compte tenu de la gravité des faits, du lien inexistant de l’appelant avec la Suisse et de son absence totale de prise de conscience, la durée de sept ans prononcée par les premiers juges apparaît adéquate, voire clémente. Elle sera confirmée.

6.4.2. La peine prononcée commande également l’inscription de l’expulsion au SIS, laquelle est obligatoire dans de telles circonstances. Il appartiendra à l’appelant de s’adresser aux autorités espagnoles s’il entend régulariser sa situation dans ce pays, lesquelles pourront examiner sa demande en toute connaissance de cause et, cas échéant, requérir de la Suisse la radiation de l’inscription de l’expulsion au SIS.

7. L’appelant acquiesce aux conclusions civiles de la partie plaignante. Il lui en sera dès lors donné acte et il sera condamné, en tant que de besoin, à verser à celle-ci les indemnités sollicitées, qui sont adéquates et justifiées.

Compte tenu de l’impécuniosité de l’appelant, et afin de l’encourager à s’acquitter en priorité des prétentions civiles, il sera renoncé à le condamner à supporter les frais d’avocat de la partie plaignante, qui y aurait en principe droit (cf. art. 138 al. 2 et 433 CPP et arrêt du Tribunal fédéral 6B_695/2017 du 26 avril 2018 consid. 3.3.2), celle-ci s’en étant rapportée à justice sur ce point.

8. L’appelant, qui obtient partiellement gain de cause, supportera la moitié des frais de la procédure d’appel, le solde étant laissé à la charge de l'État (art. 428 CPP).

La modification de la qualification juridique et la réduction de peine qui en découle n’ont pas d’influence sur la répartition des frais de la procédure de première instance, qui sera dès lors confirmée.

Le verdict de culpabilité étant confirmé pour l’essentiel, l’appelant sera débouté de ses conclusions en indemnisation.

9. 9.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS [éds], Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

9.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

9.3. En l'occurrence il n’y a pas lieu d’indemniser au titre de l’assistance judiciaire pénale les démarches à caractère administratif (3h50 d’activité) entreprises par le conseil de l’appelant en lien avec les événements survenus pendant la détention de celui-ci ; il lui incombe de formuler le cas échéant une nouvelle demande d’assistance judiciaire pour ce volet. Par ailleurs la prise de connaissance de la décision entreprise (1h) est une activité couverte par l’indemnisation forfaitaire. Enfin, quand bien même la nouvelle version présentée par l’appelant aux débats d’appel a certainement nécessité une adaptation de la stratégie de la défense, la durée de préparation de l’audience, totalisant 14h, est excessive pour un dossier somme toute peu volumineux (trois classeurs) et connu du défenseur pour l’avoir suivi dès l’interpellation de l’appelant. Cette durée sera ramenée à huit heures, durée déjà importante (surtout comparée à l’activité, certes par définition plus restreinte, du conseil de l’intimé qui n’a pris connaissance de la procédure qu’au stade de l’appel) et qui tient suffisamment compte du revirement de l’appelant.

En conclusion, la rémunération de Me C______, défenseur d'office de A______, sera arrêtée à CHF 6'249.65 correspondant à 25h30 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 10%, l’activité totale excédant 30 heures, une vacation à CHF 100.-, l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 439.65 et les frais d’interprète en CHF 100.-.

9.4. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me E______, conseil juridique gratuit de D______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, étant relevé que compte tenu de la durée d’audience, l’indemnisation forfaitaire de 20% (2h56) correspond grosso modo au détail des correspondances, qu’il n’y a dès lors pas lieu d’examiner plus avant.

La rémunération de Me E______ sera partant arrêtée à CHF 3’898.75 correspondant à 14h40 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20%, une vacation à CHF 100.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 278.75.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel et l'appel joint formés par A______ et par D______ contre le jugement JTCO/83/2022 rendu le 29 juin 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/11468/2020.

Admet partiellement l’appel principal joint et admet l’appel joint.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de vol (art. 139 al. 1 CP), de tentative de meurtre (art. 22 al. 1 cum art. 111 CP) et d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de cinq ans deux mois et 20 jours, sous déduction de 125 jours de détention extraditionnelle et de la détention avant jugement et en exécution anticipée de peine subie depuis son extradition le 30 avril 2021 (art. 40 et art. 51 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de sept ans (art. 66a al. 1 let. a et c CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Constate que A______ acquiesce aux conclusions civiles de D______ (art. 124 al. 3 CPP).

Condamne A______, en tant que de besoin, à payer à D______ CHF 10’763.75 avec intérêts à 5 % dès le 28 juin 2020.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 18'378.25, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal correctionnel a arrêté à CHF 31'394.05 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP), pour la procédure préliminaire et de première instance et arrête à CHF 6'249.65 celle due pour la procédure d’appel.

Arrête à CHF 3’898.75 le montant des frais et honoraires de Me E______, conseil juridique gratuit de D______ pour la procédure d'appel.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'055.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 1'027.50 à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Secrétariat d'Etat aux migrations, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service d’application des peines et mesures.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

18'378.25

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

320.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

160.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'055.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

20'433.25