Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/819/2024 du 23.08.2024 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 22 août 2024
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dans la cause
Monsieur A______ et Madame B______, représentés par
Me Yves MAGNIN, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Monsieur A______ et Madame B______ sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de C______, sise en zone 5, à l'adresse ______[GE], sur laquelle sont cadastrés une habitation à plusieurs logements, un garage privé en sous-sol ainsi qu'un garage privé (bâtiment 2______ de 44 m2) et un autre garage.
2. Suite à un constat sur place effectué le 11 janvier 2022, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a ouvert un dossier d'infraction n° I-3______ et a interpellé les époux, en date du 28 janvier 2022, leur indiquant que le bâtiment 2______ aurait été transformé et agrandi en habitation sans autorisation. Il les invitait à lui faire part de leurs observations.
3. S'en sont suivis de nombreux échanges de correspondances entre le DT et le conseil, respectivement l'architecte, des époux et en date du 19 avril 2022, leur conseil a demandé un nouveau délai de trois mois pour déposer une demande en bonne et due forme par le biais de leur architecte afin de rectifier la situation.
4. Par décision du 29 avril 2022, le DT a ordonné aux époux de requérir une autorisation de construire d'ici au 3 juin 2022 ou, s'ils ne souhaitaient pas régulariser la situation, de procéder à la remise en conformité des lieux revenant à un état légal d'ici à la même date. Sans dépôt dans le délai imparti, l'autorité statuerait par décision séparée sur les mesures applicables visant au rétablissement d'une situation conforme au droit.
5. Par décision du 22 juillet 2022, le DT a prononcé l'interdiction immédiate d'habiter le garage et ordonné de rétablir une situation conforme au droit, selon la dernière autorisation en force, soit la DD 4______ délivrée le ______ 1962, dans un délai de 5 mois.
6. Par jugement du ______ 2023 (JTAPI/5______), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a rejeté le recours des époux contre cette décision.
7. Par acte du ______ 2023, les époux ont déposé une action en cessation du trouble par devant le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) (C/6______). Une expertise judicaire sur preuve à futur (C/7______) avait auparavant été réalisée.
L’Association D______ et la Société E______ SA avaient entrepris d'importants et nombreux travaux sur la parcelle n° 8______ qui surplombait leur parcelle, lesquels avaient engendré de nombreux désordres sur cette dernière, dont le terrain tendait à glisser vers le bas, causant des dommages sur les constructions existantes.
8. Le ______ 2023, M. A______ a requis une autorisation de construire (APA 9______) ayant pour objet le changement d'affectation d'un garage à voitures en atelier privé de peinture et création de jours en toiture afin de tenter de régulariser l'infraction n° I-3______.
9. En date du ______ 2023, le département a délivré l'autorisation requise.
10. Par décision du 12 janvier 2024, le département a infligé une amende de CHF 20'000.- aux époux et ordonné de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la réalisation des travaux conformément à l'APA 9______ dans un délai de 60 jours.
11. Par acte du 14 février 2024, sous la plume de leur conseil, les époux ont formé recours à l'encontre de cette décision auprès du tribunal concluant, principalement à son annulation, à la constatation de la prescription de l'amende administrative et à l'octroi d'un délai de 90 jours, à compter de l'entrée en force du jugement dans la procédure C/6______ pendante au TPI, pour effectuer les travaux de l'APA 9______, soit, subsidiairement, au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens.
Ils ont conclu préalablement à l'audition de Messieurs F______, G______, H______ et Madame I______ lesquels pourraient attester que les travaux avaient eu lieu il y avait bien plus de sept ans, ainsi que celle de Monsieur J______, architecte, qui pourrait confirmer que la durée des travaux de remise en état était estimée à 3 mois.
Les aménagements du garage et son changement affectation étaient intervenus en 2005, soit il y avait quelques 19 ans. Or, la prescription commençant à courir dès que les actes interdits par la loi avaient été entièrement exécutés, pour une durée de sept ans, la poursuite de l'infraction en cause était dès lors prescrite lors du prononcé de l'amende le 12 janvier 2024, laquelle devait donc être annulée. À défaut, il y aurait lieu de la réduire, car le département avait fondé sa quotité sur des éléments manifestement erronés, à l'instar du loyer qu'il retenait comme gain illicite, alors que celui-ci incluait moult autres postes licites. Il devait également être tenu compte de leur situation de retraités.
De plus, le délai de remise en état était trop court. Le département avait ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation et violé de manière arbitraire le principe de proportionnalité. Aucune urgence ni intérêt public ne dictait que les travaux soient entrepris dans un délai de 60 jours. Selon le maçon contacté, au minimum 90 jours étaient nécessaires, car il n'y avait pas que la démolition de la structure à effectuer, mais également la consolidation du mur mitoyen déjà fissuré par les travaux de l'école et qui risquait de s'effondrer avec les vibrations du chantier.
Ce délai devrait en outre courir qu'à compter du moment où le jugement sur le fond serait rendu dans le cadre de la procédure pendante par devant le TPI. En effet, les travaux de l'autorisation de construire auraient pour conséquence de faire disparaître des éléments de preuve indispensables dans le cadre de cette procédure. Il serait inique et disproportionné, qu'après avoir été dénoncés par l’Association D______ et la Société E______ SA suite à l'introduction de la procédure civile, cette dénonciation leur profite.
Ils ont joint diverses pièces, notamment leurs écritures auprès du TPI, des attestations des personnes qu’ils entendaient faire entendre comme témoins ainsi qu’un rapport de nivellement de contrôle du 11 septembre 2018.
12. Dans ses observations du 22 avril 2024, le département a indiqué que l'amende administrative avait été annulée, ce dont il avait informé les recourants par courrier séparé. Pour le surplus il a conclu au rejet du recours.
L'ordre de remise en état n'était pas contesté dans son principe, seul le délai imparti était remis en cause.
Sur ce point, il relevait que la durée de 90 jours alléguée était nullement étayée. À l'inverse, il ressortait des documents produits par le mandataire professionnellement qualifié des recourants, dans le cadre de l'instruction de la requête en autorisation de construire APA 9______, que la durée annoncée des travaux était d'un mois. Dès lors, le délai imparti de 60 jours, qui correspondait au double de la durée annoncée des travaux, était largement proportionné.
Par ailleurs, le dies a quo de ce délai ne devait pas dépendre de l'entrée en force du jugement rendu par le TPI, une expertise de preuve à futur ayant été diligentée, ce qui était une mesure conservatoire qui pouvait être réalisée en cas de mise en danger des preuves. Ainsi, même à supposer que cette expertise était à présent remise en cause l'on pouvait néanmoins en déduire que les faits utiles à sa mise en œuvre avaient déjà été constatés et établis et que les preuves nécessaires à la procédure au fond étaient ainsi préservées. La réalisation des travaux selon l'APA 9______ n'aurait ainsi pas d'impact sur la procédure civile pendante.
Au surplus, selon les pièces produites par les recourants, pas moins de six repères avaient été disposés sur leur propriété. Or, seul l'un d'eux serait concerné par les travaux autorisés à teneur des allégations des recourants. Les autres repères permettraient sans nul doute de continuer à monitorer le tassement et les mouvements éventuels de la parcelle, nonobstant la réalisation des travaux de l'APA 9______.
13. Par réplique du 21 mai 2024, les recourants ont persisté intégralement dans les conclusions qui n'étaient pas devenues sans objet suite à l'annulation de l'amende par le département.
Le garage constituait une preuve indispensable dans le cadre de la procédure en cessation du trouble qui était toujours pendante par devant le TPI. Il faisait partie des éléments qui avaient subi et subissaient des désordres suite aux travaux entrepris par les propriétaires de la parcelle n° 8______, sise au-dessus de la leur, ainsi que le relevait notamment le constat d'huissier du 25 avril 2024.
L’Association D______ et la Société E______ SA contestaient les désordres comme leur constante évolution et amplification et avaient requis le 29 avril 2024, un complément d'expertise, respectivement une nouvelle expertise.
Il était ainsi primordial que le garage puisse subsister dans son état actuel afin que l'évolution des désordres sur leur parcelle puisse être mesurée et ceux-ci chiffrés.
Ils ont joint des nouveaux éléments de leur procédure civile, à savoir le procès-verbal de l’audience du 29 avril 2024 du TPI, un mémoire du même jour produit devant le TPI, ainsi qu’un constat d’huissier du 25 avril 2024.
14. Par duplique du 10 juin 2024, le département a persisté intégralement dans ses conclusions.
Le garage avait fait l'objet d'une expertise dans le cadre d'une procédure de preuve à futur qui était considérée comme complète et concluante par les recourants. Par ailleurs, les nouveaux désordres allégués avaient fait l'objet d'un constat d'huissier. Au vu des mesures conservatoires ainsi obtenues, rien ne justifiait de reporter l'exécution de l'ordre de remis en état.
15. Par courrier du 18 juin 2024, les recourants ont persisté intégralement dans leurs conclusions.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 515 p. 179).
4. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1, 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).
5. En préambule, il y a lieu de rappeler que l'objet du recours porte désormais uniquement sur le délai pour rétablir une situation conforme au droit, fixé à 60 jours, ainsi que son dies a quo, l'amende administrative ayant été annulée par le département dans le cadre de la présente procédure et le principe de l'ordre de remise en l'état n'étant pas contesté.
6. Préalablement les recourants concluent à l’audition de témoins dont MM. F______, G______, H______ et Mme I______ lesquels pourraient attester que les travaux avaient eu lieu il y avait bien plus de sept ans, ainsi que celle de M. J______, architecte, afin de confirmer que la durée des travaux de remise en état était estimée à 3 mois.
7. Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; ATA/168/2020 du 11 février 2020 consid. 2 et les références citées). Par ailleurs, il ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).
8. En l'espèce, l'audition de MM. F______, G______, H______ et Mme I______, en lien avec la prescription de l'amende, n'apparaît plus nécessaire, celle-ci ayant été annulée. S'agissant de M. J______, les recourants ont versé à la procédure une attestation écrite de ce dernier concernant la durée des travaux de remise en état et n’expliquent pas quels éléments supplémentaires l’intéressé viendrait apporter en audience que la procédure écrite ne lui permettait pas déjà d’exprimer. En tout état, les recourants ont pu développer leur argumentation dans leur recours et déposer les pièces justificatives qu'ils estimaient utiles. Le tribunal dispose ainsi des éléments suffisants et nécessaires pour statuer immédiatement sur le litige. Dès lors, il ne se justifie pas de procéder aux auditions requises.
9. Les recourants considèrent que le département a abusé de son pouvoir d'appréciation et a violé de manière arbitraire le principe de proportionnalité en fixant un délai de 60 jours pour effectuer les travaux de l'APA 9______ et en ne reportant pas le dies a quo au jour de l'entrée en force du jugement de la procédure civile pendante au TPI.
10. Conformément à l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), modifier la configuration du terrain (let. d) et aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).
L'art. 1 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) précise que sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol, ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit, notamment, les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c) et les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e).
11. Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescription de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).
12. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/19/2016 du 12 janvier 2016 consid. 5 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 6b et les références citées).
13. Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).
14. Un délai de remise en état ne saurait par nature être fixé de manière abstraite, puisqu'il s'agit, tout en soumettant la personne concernée à une certaine contrainte de temps, de déterminer de manière adéquate (par application du principe de proportionnalité) le temps dont elle a besoin a minima pour se mettre en règle en faisant preuve de toute la diligence que l'on peut attendre d'elle. Il en découle que l'ampleur et la nature de la remise en état doit conduire l'autorité intimée à une appréciation au cas par cas, en prenant en considération, de manière tout à fait concrète, les difficultés auxquelles la personne concernée risque d'être confrontée, notamment sur le plan conjoncturel (JTAPI/178/2022 du 24 février 2022 consid. 16).
15. S'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 consid. 5.5 et 5.6).
16. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).
17. L’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b).
À cet égard, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/738/2017 du 3 octobre 2017 consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).
18. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).
19. En l'espèce, le département a fixé un délai de 60 jours aux recourants, à compter de la notification de sa décision du 12 janvier 2024, pour le rétablissement d’une situation conforme au droit en procédant à la réalisation des travaux conformément à l’APA 9______.
S'agissant tout d'abord du délai, de 60 jours, celui-ci est conforme à la pratique du département et apparait tout à fait proportionné. En effet, la durée de travaux annoncée dans le cadre de l'instruction de l'APA 9______ était d'un mois et l’on peine à comprendre pour quels motifs cette durée devrait être aujourd’hui trois fois supérieure. En tout état, il sera rappelé que l'ordre de remise en état, non contesté dans son principe, a été prononcé le 12 janvier 2024, et que depuis lors les recourants ont déjà pu prendre des mesures préparatoires, comme l'atteste l'évaluation des travaux nécessaires effectuée par leur architecte.
S'agissant ensuite du dies a quo dudit délai, que les recourants voudraient lier à l’entrée en force du jugement qui sera rendu dans la procédure civile C/6______, ceux-ci ne peuvent être suivis. En effet, s’ils estimaient que le sort du présent recours était lié à la procédure civile, il leur était loisible de requérir la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé au civil, ce qu’ils n’ont pas fait. Cela étant, il n’appartient pas département ni au tribunal de se soucier ni de s'immiscer dans les conflits de droit privé opposant des propriétaires. En tout état, au vu des démarches mises en place et en cours sur le plan civil, les preuves nécessaires à l'établissement des faits invoqués dans ce cadre apparaissent manifestement d’ores et déjà suffisamment sauvegardées.
Au vu de ce qui précède, les griefs des recourants seront rejetés et la décision querellée, en tant qu’elle fixe un délai de 60 jours aux recourants, à compter de la notification de sa décision du 12 janvier 2024 – en l’occurrence de son entrée en force –, pour le rétablissement d’une situation conforme au droit en procédant à la réalisation des travaux conformément à l’APA 9______, confirmée.
Le recours est ainsi partiellement admis dans la mesure où l’amende prononcée à leur encontre dans la décision querellée est annulée.
20. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui n’obtiennent partiellement gain de cause que du fait de la prescription, sont condamnés au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais de CHF 200.- leur sera restitué.
21. Au vu des circonstances, aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 14 février 2024 par Monsieur A______ et Madame B______ contre la décision du département du territoire du 12 janvier 2024 ;
2. l'admet partiellement dans le sens des considérants ;
3. donne acte au département de ce qu'il a annulé l'amende de CHF 20'000.- prononcée dans sa décision du 12 janvier 2024 ;
4. annule la décision du département du territoire du 12 janvier 2024 en tant qu'elle prononce une amende administrative de CHF 20'000.- à l'encontre des recourants, et la confirme pour le surplus ;
5. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument réduit de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais et ordonne la restitution en leur faveur du solde de cette avance, soit CHF 200.- ;
6. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
7. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Patrick BLASER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| Le greffier |