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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3628/2014

ATA/573/2015 du 02.06.2015 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : RETRAIT(VOIE DE DROIT) ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; OBJET DU LITIGE ; MODIFICATION DE LA DEMANDE ; MAXIME INQUISITOIRE ; DEVOIR DE COLLABORER ; APPRÉCIATION DES PREUVES ; RESTAURANT ; EXPLOITANT ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; ORDRE PUBLIC(EN GÉNÉRAL) ; BRUIT ; VOISIN ; TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION) ; DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PROTECTION DE LA BONNE FOI
Normes : LPA.60; LPA.19; LPA.22; RRDBH.1; LRDBH.5.al1; LRDBH.6.al1; LRDBH.6.al2; LRDBH.8A; LRDBH.13; RRDBH.5; Cst.5.al3; Cst.9
Parties : DIONYSOS SA, SDEIP SA, AVRIL Jérôme ET AUTRES / SERVICE DU COMMERCE, C2I COMPTOIR D'INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS SA
Résumé : Le refus d'une autorisation d'exploiter un café-restaurant au motif que des nuisances pour le voisinage y ont été commises par le passé, alors qu'il était exploité par des tiers, n'est pas conforme à la loi, qui n'habilite pas l'autorité à intervenir de manière préventive, indépendamment de l'existence d'une menace concrète, ce d'autant que le nouvel exploitant a effectué des travaux pour un montant conséquent en vue d'assurer la tranquillité publique.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3628/2014-EXPLOI ATA/573/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 juin 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Jérôme AVRIL

et

DIONYSOS Sàrl

et

SDEIP SA
représentés par Me Rodolphe Gautier, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE

et

C2I COMPTOIR D’INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS SA, appelée en cause
représentée par Me Christian Buonomo, avocat



EN FAIT

1) Dionysos Sàrl (ci-après : Dionysos) est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) depuis le 9 juillet 2014, dont le but est l’exploitation et la gestion d’un pub. Son associé-gérant est Monsieur Jordan FABRE. Jusqu’en mars 2015, Monsieur Jérôme AVRIL était titulaire d’une procuration collective à deux, qui a été radiée et remplacée à compter de cette date par une procuration individuelle en faveur de Monsieur Frédéric MAHRER.

2) SDEIP SA (ci-après : SDEIP) est une société anonyme inscrite au RC depuis le 7 février 2014 et a pour but l’exploitation d’un café-restaurant. Monsieur Robin LUISIER en est l’unique administrateur.

3) La société C2I Comptoir d’Investissements Immobiliers SA (ci-après : C2I) est propriétaire par étages de l’unité 21/4902-24 se trouvant au rez-de-chaussée et au sous-sol de l’immeuble sis Grand-Rue 14 en Vieille-Ville de Genève (ci-après : l’arcade).

L’extrait du registre foncier (ci-après : RF) mentionne, pour cet immeuble, « habitation à plusieurs logements avec rez-de-chaussée commercial » et, s’agissant de l’arcade, « 1.01 partie restaurant - 2.03 partie restaurant, entrées, cour - locaux annexes : 1.03 dépôt - 2.04 cave » selon le cahier de répartition des locaux enregistré le 13 janvier 1977, inchangé depuis lors sur ce point.

4) Jusqu’en 2010, l’arcade était occupée par le « Flanagan’s Irish Bar », qui a été sanctionné à plusieurs reprises par le service du commerce (ci-après : le service ou le Scom) en raison de nuisances sonores.

5) Entre 2010 et fin 2011, la société Vodkafé Sàrl, alors locataire de l’arcade, y a exploité le « VodKafé ».

6) Dans le courant de l’année 2011, le Scom a été saisi de nombreuses plaintes du voisinage en raison de nuisances sonores provenant du « VodKafé ».

7) En mai, puis en juin 2011, C2I a résilié le contrat de bail à loyer la liant à Vodkafé Sàrl, respectivement pour demeure du locataire et violation du devoir de diligence.

8) Le 27 mai 2011, le service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants, devenu depuis lors le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a établi un rapport concernant le « VodKafé ». Lors des mesures effectuées, les valeurs-limites étaient dépassées en raison du bruit provenant de la diffusion de musique dans l’établissement, ainsi que de l’utilisation d’un sèche-mains dans les sanitaires.

9) Par décision du 6 juillet 2011, le Scom a infligé une amende de CHF 400.- à l’exploitant du « VodKafé » pour avoir engendré des inconvénients graves pour le voisinage.

10) Le 28 juillet 2011, le Scom a communiqué à Vodkafé Sàrl le résultat des mesures effectuées par le SABRA et lui a imparti un délai pour lui remettre un « plan de mise en conformité ».

11) Une assemblée générale extraordinaire des copropriétaires de l’immeuble de la Grand-Rue 14 (ci-après : les copropriétaires) s’est tenue le 15 novembre 2011, lors de laquelle une modification du règlement de copropriété a été adoptée afin que les locaux du rez-de-chaussée et du sous-sol ne puissent plus être occupés par un restaurant ou un bar, en raison des nuisances olfactives et sonores occasionnées par ce type d’exploitation.

12) Par jugement du 30 janvier 2012 (JTPI/1758/2012), le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de Vodkafé Sàrl.

13) Le 31 octobre 2012, Monsieur Pierre MAUDET, Conseiller d’État en charge du département de la sécurité, devenu depuis lors le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE) a adressé à son homologue, Monsieur Pierre-François UNGER, alors Conseiller d’État en charge du département des affaires régionales, de l’économie et de la santé (ci-après : DARES), dont relevait à l’époque le Scom, et devenu dans l’intervalle le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS), un courrier intitulé « préavis pour l’ouverture d’un établissement public en Vieille-Ville ». La Grand-Rue connaissait depuis quelques années des problèmes récurrents de nuisances sonores, qui avaient pour origines le nombre et la typologie de la clientèle fréquentant les établissements s’y trouvant. S’agissant plus spécifiquement de l’arcade, « en raison des interventions de la police, au nombre de quatorze entre octobre 2010 et janvier 2012, de la sensibilité de l’emplacement, du voisinage direct abritant des familles, de la fréquentation assidue d’une clientèle jeune et festive, de la problématique des fumeurs à l’extérieur, des lieux propices à l’alcoolisation "privée", du "futur" exploitant (ex Flanagan’s), peu crédible quant à ses responsabilités d’exploitant, des pétitions à répétition des associations de la Vieille-Ville », il se permettait d’« appuyer fortement l’idée de refuser un préavis négatif à la requête en ouverture pour un nouvel établissement public à la Grand-Rue », par quoi il fallait comprendre qu’il était d’avis qu’il fallait « refuser cette demande ».

14) Le 19 décembre 2012, M. UNGER a répondu à M. MAUDET qu’aucune requête en autorisation n’avait à ce jour été déposée en vue de l’exploitation d’un établissement public sis à la Grand-Rue 14, mais qu’il tiendrait néanmoins compte de cet avis défavorable dans le cadre d’une telle demande, à l’égard de laquelle ses services rendraient une « décision de non-entrée en matière ».

15) Lors d’une assemblée générale s’étant tenue le 10 avril 2013, les copropriétaires ont annulé la décision prise le 15 novembre 2011, consenti à l’exploitation d’un pub dans l’arcade et donné acte à C2I de ce qu’elle s’engageait à effectuer les travaux nécessaires pour que les locaux n’occasionnent aucune nuisance sonore et olfactive et à prendre toutes les précautions utiles afin de ne pas provoquer de réclamation de la part des habitants de l’immeuble, sous peine d’un dédommagement financier.

16) Le 28 avril 2014, C2I et SDEIP ont conclu un contrat de bail à loyer commercial portant sur l’arcade, avec effet au 1er mai 2014, pour un loyer annuel de CHF 144'000.- la première année, augmenté progressivement jusqu’à atteindre un montant de CHF 180'000.- dès 2017 par an, en vue de « l’exploitation d’un pub restaurant selon plans annexés ». Les quatre premiers loyers mensuels étaient « offerts » par le bailleur et le locataire devait veiller à « s’entourer » de toutes les autorisations nécessaires.

17) Le 22 août 2014, le service a établi un « rapport de renseignements LRDBH » après que Madame Christine LECHENNE, inspectrice, se fut rendue, entre le 13 et le 20 août 2014, à la Grand-Rue 14, où elle avait constaté le déroulement d’importants travaux de rénovation intérieurs de l’arcade, sur une surface d’environ 400 m2, qui devaient s’achever fin septembre 2014. Renseignement pris, le « VodKafé » n’existait plus et un nouveau café-restaurant, à l’enseigne du « Spring Brother Irish Pub » (ci-après : le pub), devait le remplacer. Le fonds de commerce était propriété de SDEIP, qui avait conclu un contrat de gérance avec Dionysos en vue de sa future ouverture. Selon les déclarations de M. LUISIER, les démarches pour l’obtention des autorisations avaient été entreprises et étaient en cours auprès du « DCTI » (recte : département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, ci-après : DALE), de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), du Scom et de la police du feu. Copie de ce rapport a été transmis au secteur « autorisations » du service.

18) Le 9 septembre 2014, Mme LECHENNE a envoyé un courriel à « dionysos.sarl@gmail.com » ayant pour objet « Requête et liste des pièces à remettre au Scom ». Elle faisait suite à un appel téléphonique et à une demande de son interlocuteur et lui transmettait, en annexe audit courriel, « 1 requête LRDBH » et « 1 liste des pièces à joindre à la requête », restant à sa disposition en cas de questions.

19) a. Le 15 octobre 2014, SDEIP et M. AVRIL ont déposé au guichet du Scom la formule « requête en vue de l’obtention de l’autorisation d’exploiter un établissement régi par la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 [LRDBH – I 2 21] », dont l’objet indiqué était « changement de propriétaire de fonds de commerce », « changement de la société d’exploitation », « changement d’exploitant », pour le « Spring Brother Irish Pub », sis à la Grand-Rue 14. L’établissement devait être ouvert tous les jours de 10h00 à 02h00 et le dimanche de 12h00 à 02h00. L’exploitant responsable, qui devait entrer en fonction le 1er octobre 2014, était M. AVRIL, ressortissant suisse né le 5 octobre 1978, lequel exploitait déjà la buvette « Zio Italian Food » (ci-après : la buvette), sise à la rue de l’Athénée 14. SDEIP était mentionnée comme propriétaire du fonds de commerce. La requête était signée par le représentant de cette société, ainsi que par M. AVRIL.

b. Ils ont joint à leur requête notamment les documents suivants :

– un contrat de bail à loyer commercial conclu entre SDEIP et Dionysos le 23 septembre 2014, avec effet au 1er octobre 2014, portant sur la location de l’arcade pour un loyer annuel de CHF 180'000.-. Ce document comportait deux pages et quatre rubriques. Outre celles intitulées « renouvellement et résiliation » et « chauffage/eau chaude/climatisation/électricité », il comportait les rubriques « objet », à savoir l’exploitation d’un « pub restaurant », et « conditions », mentionnant notamment que l’exploitation des locaux ne devait pas occasionner de nuisances sonores incompatibles avec les normes en vigueur, qu’il s’engageait à effectuer les travaux nécessaires afin de supprimer toute nuisance olfactive et à ne pas utiliser la cour intérieure, les dispositions particulières du contrat de bail principal étant applicables en tant que de besoin ;

– un extrait du casier judiciaire de M. AVRIL daté du 5 septembre 2014 selon lequel il avait été condamné : le 22 mars 2013 par le Tribunal militaire 2 à une peine pécuniaire de quarante jours-amende à CHF 30.- le jour avec sursis, délai d’épreuve de deux ans, et à une amende de CHF 500.- pour insoumission et absence injustifiée, fraude pour esquiver le service militaire et inobservation des prescriptions de service, infractions commises à réitérées reprises ; le 30 juillet 2010 par le Tribunal de police à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 60.- le jour avec sursis, délai d’épreuve de quatre ans, et à une amende de CHF 1'300.- pour conduite en état d’ébriété avec taux d’alcool qualifié ;

– un courrier de M. FABRE adressé au Scom, non daté, l’informant que du personnel de sécurité devait être placé dans le pub pour travailler en coordination avec la police et les « chuchoteurs » et ainsi minimiser les excès sonores à l’extérieur de l’établissement lors des périodes de forte affluence ;

– un courrier du 10 septembre 2014 de Monsieur Arnaud BOUSQUET, inspecteur du travail à l’OCRIT, adressé à Dionysos et l’informant que la visite de l’arcade n’avait mis en évidence aucune situation de « non-conformité des aménagements intérieurs (vestiaires, douches, toilettes, ventilation, vue sur l’extérieur, voies d’évacuation, etc.) », les réglementations en matière d’autorisation de construire, de la police du feu, sanitaire et des eaux demeurant réservées.

20) Par décision du 24 octobre 2014 adressée à M. AVRIL, le Scom a rejeté la requête de celui-ci.

Les établissements qui s’étaient succédé à la Grand-Rue 14 avaient considérablement troublé l’ordre public et engendré de graves inconvénients pour le voisinage. Les changements d’enseignes et d’exploitants n’avaient pas permis de remédier à ces nuisances ni aux infractions répétées à la loi, qui avaient atteint leur paroxysme en 2011 et étaient intrinsèques à l’implantation de l’arcade. En raison de cette situation, M. MAUDET avait rendu, en fin d’année 2012, un préavis négatif s’agissant de l’ouverture de tout établissement public à la Grand-Rue. Il en résultait que l’autorisation sollicitée ne pouvait être délivrée pour ce motif déjà.

Par ailleurs, la requête présentait un certain nombre d’irrégularités, parmi lesquelles l’absence de toute autorisation de construire relative aux travaux envisagés, d’autorisation de mise en service par la police du feu ou d’attestation de cuisine délivrée par l’OCIRT. Le contrat de bail principal mentionnant la destination des locaux et faisant partie intégrante du contrat de sous-location n’avait pas non plus été produit. L’examen des pièces annexées à la requête montrait par ailleurs que Dionysos, et non SDEIP, aurait dû signer la demande. À cela s’ajoutait que M. AVRIL ne remplissait pas les conditions d’honorabilité imposées par la loi, au regard des condamnations pénales dont il faisait l’objet.

21) a. Le 13 novembre 2014, M. AVRIL, Dionysos et SDEIP ont requis la reconsidération de la décision du Scom du 24 octobre 2014.

Dès lors que les travaux entrepris dans l’arcade ne portaient que sur des aménagements intérieurs, aucune autorisation du DALE n’était requise. Ils avaient produit le contrat de bail principal, qui avait été annexée à la demande. Par ailleurs, M. AVRIL s’était vu accorder l’autorisation d’exploiter une buvette, malgré les condamnations dont il faisait l’objet.

b. Ils ont notamment versé au dossier un courriel de M. BOUSQUET au Scom du 13 novembre 2014 confirmant que, suite à la visite de l’arcade effectuée le 3 novembre 2014, les locaux étaient aménagés conformément aux prescriptions de l’OCIRT. En particulier, la cuisine n’ayant pas subi de modification, l’établissement était équipé pour préparer des mets chauds et disposait d’un système de ventilation en toiture.

22) a. Par acte expédié le 24 novembre 2014, M. AVRIL, Dionysos et SDEIP ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du service du 24 novembre 2014, concluant, avec « suite de frais et dépens », à l’exploitation à titre provisoire du café-restaurant et, sur le fond, à son annulation, à l’octroi de l’autorisation d’exploiter le café-restaurant et à la prolongation de l’horaire, jusqu’à 02h00 tous les jours, subsidiairement le week-end seulement et jusqu’à 01h00 les autres jours.

Les mesures provisionnelles sollicitées visaient à ce qu’ils soient autorisés, à titre temporaire, d’exploiter, de manière restreinte, le pub, afin de pouvoir payer les loyers, les salaires et les autres charges et ainsi éviter une mise en faillite.

Dans la mesure où elle interdisait, de manière générale, l’exploitation de tout établissement dans l’arcade, la décision entreprise était abusive et consacrait une violation de la liberté économique. Le fait que, par le passé, des nuisances aient été occasionnées par le comportement d’anciens tenanciers et clients, qui ne pouvait d’ailleurs leur être imputé, n’était pas intrinsèquement lié à l’implantation de l’arcade, ce d’autant qu’elle était destinée à abriter un établissement public, conformément à la volonté des copropriétaires, ce qu’attestait au demeurant l’inscription figurant au RF. Le service n’avait pas démontré pour quels motifs l’implantation de l’arcade était inappropriée et susceptible de troubler concrètement l’ordre public, et s’était limité à se retrancher derrière une opinion émise par M. MAUDET en dehors de tout cadre procédural, qui était dépourvue de portée juridique. La Grand-Rue comportant de nombreux cafés-restaurants, autoriser l’implantation d’un établissement dans un lieu plutôt qu’un autre était constitutive d’une inégalité de traitement et contraire au principe de libre concurrence, d’autant moins justifiée que ces autres bars avaient également fait l’objet de plaintes du voisinage par le passé. En ordonnant une interdiction générale et un refus sans condition, la décision litigieuse était au demeurant contraire au principe de proportionnalité. En particulier, le Scom ne s’était jamais enquis de savoir si la situation avait évolué, alors même qu’ils avaient entamé des démarches pour assurer la tranquillité publique, comme des discussions avec la police municipale et l’engagement de « chuchoteurs ».

Le service n’avait examiné le caractère honorable de M. AVRIL qu’à la lumière de la condamnation dont il avait fait l’objet en 2010, sans tenir compte du temps qui s’était écoulé depuis lors ni prendre en considération les circonstances concrètes du cas ou solliciter des renseignements de police, qui lui étaient pourtant favorables. Le Scom avait adopté un comportement d’autant plus contradictoire que M. AVRIL s’était vu accorder l’autorisation, en 2013, d’exploiter un établissement similaire, sans émettre de quelconques réserves s’agissant de son caractère honorable.

Par ailleurs, le service avait fait preuve de formalisme excessif, en refusant leur requête en lien avec l’absence, au dossier, de certains documents, qu’il ne leur avait jamais demandé de produire à l’appui de leur demande et qui n’étaient d’ailleurs pas exigés, comme les autorisations de construire, de mise en service et de cuisine.

b. Ils ont joint à leurs écritures notamment les documents suivants :

– un contrat de bail à loyer commercial entre SDEIP et Dionysos conclu le 23 septembre 2014, avec effet au 1er octobre 2014, portant sur la location de l’arcade pour un loyer annuel de CHF 180'000.-. Ce document comportait une page et deux rubriques intitulées « renouvellement et résiliation » et « chauffage / eau chaude / climatisation / électricité » ;

– un tableau des investissements, des paiements effectués et du solde à payer pour le pub établi en octobre 2014, mentionnant des investissements totaux de CHF 909'121.50 pour les postes « concept », « système de contrôle », « matériel d’exploitation », « caisses informatiques », « sono vidéo-audio », « électricité », « ventilation », « plomberie, sanitaire », « garantie de loyer » ;

– un courriel du 21 novembre 2014 de Monsieur Roland MINGHETTI, chef de service de la police du feu du DALE, à leur conseil selon lequel, pour la catégorie d’établissements dont faisait partie le pub, la police du feu n’intervenait que dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire. Dès lors que l’arcade n’avait fait l’objet que de travaux d’entretien, sans modification architecturale et d’affectation, l’établissement était considéré « conforme », ayant précédemment été exploité sous la même forme. Il était toutefois de la responsabilité des « propriétaires, requérants et mandataires » de s’assurer que les travaux avaient été réalisés selon les règles de l’art et dans le respect des prescriptions anti-incendie ;

– un courrier d’ICS Installations câbles et satellites du 3 novembre 2014 indiquant que le matériel audio installé dans l’arcade était équipé d’amplificateurs possédant un réglage de volume maximum (limiteur) afin de limiter le niveau sonore dans l’établissement.

23) Par décision du 26 novembre 2014, le Scom a déclaré irrecevable la demande en reconsidération de sa décision du 24 octobre 2014, dont il confirmait les termes, en l’absence de faits et de pièces nouveaux.

24) Le 1er décembre 2014, C2I a écrit à la chambre administrative, appuyant les conclusions du recours de M. AVRIL, Dionysos et SDEIP et sollicitant son appel en cause.

25) Le 3 décembre 2014, le juge délégué a appelé en cause C2I, l’invitant à se déterminer.

26) Le 8 décembre 2014, C2I s’est déterminée sur le recours de M. AVRIL, Dionysos et SDEIP, concluant, « avec suite de frais et dépens », à ce que l’autorisation d’exploiter provisoirement le bar leur soit accordée et, sur le fond, à ce qu’il soit fait droit à leurs conclusions.

L’arcade, dont elle était propriétaire depuis 2007, avait toujours été affectée à l’usage d’un restaurant, ce qui était d’ailleurs inscrit au RF. Face aux nuisances provoquées par les précédents locataires, elle avait entrepris les démarches nécessaires pour les faire cesser, notamment en résiliant leur contrat de bail à loyer, contrairement au service, qui était resté inactif et n’avait jamais retiré l’autorisation d’exploiter le « VodKafé ». En 2013, un accord entre les copropriétaires était intervenu, au terme duquel ils avaient accepté la poursuite de l’exploitation d’un établissement public dans l’arcade, pour autant que des travaux y soient effectués, de manière à réduire les nuisances sonores et olfactives. Ces exigences avaient été reprises dans le contrat de bail à loyer conclu en 2014 avec SDEIP, qui avait, sur cette base, consenti d’importants travaux d’aménagement. La décision litigieuse portait gravement atteinte à ses intérêts économiques, dès lors que sans revenu, le locataire de l’arcade se verrait rapidement dans l’impossibilité de payer le loyer, l’autorisation d’exploiter à titre provisoire permettant leur sauvegarde jusqu’à droit jugé sur le fond.

27) Dans ses observations du même jour, le Scom a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif (sic) et en délivrance d’une autorisation provisoire d’exploiter le bar jusqu’à droit connu sur le fond.

En présence d’une décision négative, qui leur refusait l’octroi de l’autorisation d’exploiter le pub, l’effet suspensif ne pouvait être restitué. Il en allait de même des mesures provisionnelles, sous peine d’accorder à M. AVRIL, Dionysos et SDEIP ce qu’ils demandaient sur le fond, en contradiction avec la jurisprudence. Par ailleurs, avant de s’engager financièrement et contractuellement dans le projet, en prenant le risque de ne pas obtenir l’autorisation requise, il leur aurait été loisible de saisir le service afin qu’il se prononce sur le principe même de la création de leur établissement et de s’assurer ainsi de la faisabilité de leur projet, comme le permettait la loi. Ils étaient ainsi les seuls responsables de cette situation, ce d’autant qu’ils n’avaient déposé leur requête que deux semaines avant l’ouverture prévue de leur établissement, alors que le délai légal pour statuer était de deux mois.

28) Le 12 décembre 2014, M. AVRIL, SDEIP et Dionysos ont versé à la procédure un certificat de bonne vie et mœurs établi le 24 novembre 2014 par l’officier de police attestant que M. AVRIL répondait à toutes les exigences d’honorabilité et de bonne réputation.

29) Par décision du 19 décembre 2014 (ATA/1036/2014), la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de mesures provisionnelles et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé sur le fond.

Même si la délivrance d’une autorisation provisoire n’équivalait pas forcément à une autorisation définitive, le défaut de l’une ou l’autre des conditions requises rendait légalement impossible l’octroi d’une autorisation d’exploiter, à titre pérenne ou provisoire. Accorder une telle autorisation provisoire revenait à admettre à titre préjudiciel que les conditions étaient satisfaites, ce qui n’était possible qu’à l’issue du litige sur le fond ; le préjudice financier allégué n’était pas de nature à faire échec à ce constat.

30) Le 15 janvier 2015, C2I s’est déterminée sur le fond du recours, concluant, avec « suite de frais et dépens », à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de M. AVRIL, Dionysos et SDEIP.

Elle reprenait en substance les termes de ses précédentes écritures, précisant que la décision entreprise consacrait une ingérence injustifiée à la garantie de la propriété. Le Scom avait ainsi agi au-delà de ses compétences, dès lors que l’arcade avait toujours été affectée à l’exploitation d’un établissement public et qu’il ne s’agissait pas de la nouvelle ouverture d’un café-restaurant, mais d’une réouverture, avec un nouvel exploitant. Il n’existait au demeurant pas de base légale permettant au service de changer l’affectation de l’arcade, étant précisé que l’opinion émise par M. MAUDET était dépourvue de toute portée juridique. La décision litigieuse n’était pas non plus conforme au plan d’utilisation du sol en Ville de Genève, qui prévoyait que les cafés-restaurants conservaient leur dernière exploitation s’il s’agissait de locaux vacants, et était disproportionnée, puisqu’elle supposait que toute requête tendant à l’exploitation d’un établissement public dans l’arcade serait à l’avenir refusée. Une mesure aussi radicale s’imposait d’autant moins que le Scom disposait de moyens moins incisifs pour éviter que le voisinage soit importuné et subisse des nuisances sonores, notamment en soumettant l’autorisation à des charges et conditions ou des horaires restreints. La manière de procéder du service était également contraire à la bonne foi, puisqu’il avait toujours admis l’affectation de l’arcade en café-restaurant, au vu des précédentes autorisations délivrées pour son exploitation, qu’il n’avait jamais révoquées. Elle ne pouvait ainsi s’attendre à ce que le Scom considère à présent cette arcade comme inappropriée pour ce même usage, ce d’autant au regard des échanges ayant eu lieu avec les autorités. Le fait, pour le service d’appliquer le courrier de M. MAUDET en refusant la réouverture d’un établissement public, indépendamment du dossier présenté et des qualités du requérant, n’était tout simplement pas admissible. La décision n’expliquait au surplus pas pour quels motifs l’arcade était, concrètement, inappropriée et susceptible de troubler l’ordre public et se limitait à mentionner les violations répétées des dispositions légales et des autorisations d’exploiter, ce qui était sans lien avec la typologie ou la structure des locaux.

b. Elle a joint à ses écritures plusieurs courriers qu’elle a adressés à Vodkafé Sàrl entre 2010 et 2011 lui faisant part des plaintes des copropriétaires liées à l’exploitation de l’arcade ainsi que des lettres au Scom, datées de la même période, lui demandant d’intervenir afin de faire cesser les nuisances liées à l’exploitation du VodKafé.

31) Le 16 janvier 2015, le Scom a répondu au recours, concluant, avec suite de frais, à l’irrecevabilité de la conclusion tendant à l’obtention d’une prolongation d’horaire et au retrait de la procédure de trois pièces et, sur le fond, à son rejet.

Les conclusions prises s’agissant des horaires d’exploitation étaient irrecevables, à défaut de décision les concernant. Par ailleurs, plusieurs pièces produites étaient de nature à mettre en doute la bonne foi de M. AVRIL, Dionysos et SDEIP, dès lors qu’elles étaient tronquées et incomplètes et ne correspondaient pas aux pièces remises à l’appui de la requête. Il en allait ainsi du contrat de travail de M. AVRIL, de l’autorisation délivrée pour la buvette ou du contrat de sous-location. Ce dernier document, tel que produit à l’appui de la requête, comportait quatre rubriques, alors que la version annexée au recours, plus courte, n’en mentionnait que deux.

Pour le surplus, il reprenait en substance les termes de sa décision, précisant que les démarches entreprises auprès du DALE et de l’OCIRT n’avaient été portées à sa connaissance que postérieurement au prononcé de la décision litigieuse, de sorte qu’il ne pouvait que constater que ces documents faisaient défaut. Le contrat de gérance entre SDEIP et Dionysos n’avait toutefois jamais été produit, alors qu’il s’agissait d’un document essentiel permettant de déterminer laquelle des deux sociétés était propriétaire du fonds de commerce.

Tous les établissements qui s’étaient succédé dans les locaux de la Grand-Rue 14 avaient entraîné de graves troubles à l’ordre public, intrinsèquement liés à l’implantation de l’arcade et non à la personne de l’exploitant. Pour cette raison, M. MAUDET avait préavisé défavorablement l’ouverture de toute nouvelle enseigne à cette adresse. La décision litigieuse n’était en outre pas contraire au principe d’égalité de traitement, puisqu’aucun nouvel établissement de même type n’avait récemment été autorisé à ouvrir.

Si M. AVRIL avait certes obtenu, malgré son casier judiciaire, l’autorisation d’exploiter une buvette, la situation devait être analysée de manière plus stricte s’agissant d’un café-restaurant situé au centre-ville aux horaires d’ouverture élargis, pour lequel il ne remplissait pas les conditions d’honorabilités requises.

32) Le 18 février 2015, le Scom a produit des observations complémentaires, persistant en substance dans les conclusions et termes de ses précédentes écritures. La décision litigieuse ne modifiait en rien l’affectation de l’arcade, ce qui ne relevait d’ailleurs pas de sa compétence, dans la mesure où les locaux en question conservaient pleinement leur destination commerciale. D’autres établissements publics pouvaient ainsi y être exploités, comme un magasin, un commerce de service, des bureaux ou une boulangerie-pâtisserie, qui n’étaient pas de nature à troubler l’ordre public.

33) a. Le 20 mars 2015, sous la plume du conseil des trois recourants, Dionysos et SDEIP ont répliqué, concluant à ce qu’il soit pris acte de ce que M. AVRIL n’était plus partie à la procédure et qu’il soit donné droit à leurs conclusions telles que figurant dans leur recours du 24 novembre 2014.

Des pourparlers avaient eu lieu avec le Scom, au terme desquels il avait été décidé de désigner un nouvel exploitant du pub, en la personne de M. MAHRER, qui offrait toutes les garanties d’honorabilité prévues par la loi. M. AVRIL n’étant plus partie à la procédure, la chambre de céans devait uniquement décider si le nouvel exploitant remplissait toutes les garanties requises, étant précisé que leurs conclusions demeuraient pour le surplus inchangées. D’ailleurs, celles tendant à la prolongation des horaires d’ouverture du pub n’étaient pas irrecevables, puisqu’elles se limitaient à reprendre les prétentions figurant dans leur requête.

Les incohérences documentaires alléguées par le service étaient sans objet, dès lors que l’intégralité des pièces du dossier avaient été produites devant la chambre de céans, qui disposait d’un plein pouvoir d’examen, en fait et en droit. De plus, la production du contrat de gérance n’était pas exigée par la loi en vue de l’obtention d’une autorisation d’exploiter un établissement public, ce d’autant qu’un tel document relevait de rapports de droit privé entre les deux sociétés.

La position du Scom n’était pas acceptable et revenait à considérer qu’un appartement serait devenu inhabitable au motif que des locataires « turbulents » y avaient autrefois résidé. Elle faisait d’autant moins sens que le service n’avait jamais retiré les autorisations d’exploiter aux précédents locataires de l’arcade, en dépit de la gravité des troubles qu’il faisait valoir. Le concept commercial du pub ne visait au demeurant pas le même type de clientèle que le « VodKafé » et faisait prévaloir la consommation de boissons fermentées, comme la bière, sur celle des boissons distillées, étant précisé qu’à terme, il était prévu d’y accueillir, au sous-sol, des groupes de musique, et non d’y installer une discothèque permanente.

b. Ils ont notamment joint à leurs écritures un courriel du 19 novembre 2014 de Monsieur Giuseppe TOMASIELLO, inspecteur auprès de l’office des autorisations de construire, adressé à leur conseil, selon lequel il avait effectué une visite de l’arcade le 25 septembre 2014 et constaté que les travaux en cours ne nécessitaient pas l’obtention d’une autorisation de construire, s’agissant de simples travaux d’entretien.

34) Dans ses observations complémentaires du 20 mars 2015, C2I a persisté dans les conclusions et termes de ses précédentes écritures. Elle était d’accord que l’exploitation de l’établissement soit confiée à M. MAHRER, conformément à ce qu’étaient convenus M. AVRIL, Dionysos et SDEIP. Selon le projet présenté par Dionysos, cette société avait pris les précautions requises pour se conformer aux obligations figurant dans le contrat de bail à loyer conclu avec SDEIP et avait réalisé des travaux importants.

35) Par courrier du 31 mars 2015, Dionysos et SDEIP ont informé la chambre de céans que les pourparlers menés entre les parties à la procédure n’avaient pas abouti.

36) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Dans sa réplique du 20 mars 2015, le conseil des trois recourants a annoncé à la chambre de céans que l’un d’entre eux, à savoir M. AVRIL, retirait son recours et n’était plus partie à la procédure. Le retrait du recours de M. AVRIL met ainsi un terme à la procédure en ce qui le concerne (art. 89 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), ce dont il sera pris acte dans le dispositif du présent arrêt, étant précisé que le recours subsiste pour les deux autres recourantes, en l’absence de consorité nécessaire.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

3) a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les deux lettres de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/193/2013 du 26 mars 2013 consid. 2b ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012). Le recourant doit dès lors être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais peut être un intérêt de fait, devant se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Il faut donc que l’admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_343/2014 du 21 juillet 2014 consid. 2.2 ; 1C_152/2012 précité consid. 2.1 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; ATA/134/2015 du 3 février 2015 ; ATA/65/2015 du 13 janvier 2015 ; ATA/686/2014 du 26 août 2014 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1 ; ATA/65/2015 précité).

b. En l’espèce, suite au retrait du recours de M. AVRIL, à qui la décision litigieuse est adressée et a été notifiée, la qualité pour recourir de Dionysos et de SDEIP doit être examinée. Devant la chambre de céans, les recourantes ont expliqué que SDEIP avait cédé le fonds de commerce en vue de l’exploitation du pub à Dionysos, société pour laquelle M. AVRIL disposait d’une signature collective à deux, qu’il ne détient au demeurant pas pour SDEIP. Ils n’ont toutefois versé à la procédure aucun document attestant de cette cession et se sont limités à produire un contrat de sous-location portant sur la remise à bail de l’arcade devant accueillir le pub en faveur de Dionysos, qui plus est en deux versions différentes. Il ressort toutefois de la requête déposée par M. AVRIL et SDEIP auprès de l’autorité intimée le 15 octobre 2014, postérieurement à la conclusion du contrat de sous-location susmentionné, que seule cette dernière société figure sur la formule idoine et y est mentionnée comme propriétaire du fonds de commerce. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de cet élément, étant encore précisé que SDEIP est également titulaire du bail principal portant sur l’arcade, conclu avec C2I en date du 28 avril 2014. Il en résulte que SDEIP dispose d’un intérêt à recourir, dès lors que la décision entreprise l’empêche, en cette qualité, d’exploiter le pub. La question de savoir si Dionysos dispose également de la qualité pour recourir peut par conséquent souffrir de rester ouverte. Il en découle que le recours est également recevable de ce point de vue.

4) a. Peuvent notamment faire l’objet d’un recours les décisions finales (art. 57 let. a LPA), soit les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal et communal au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, qui mettent fin à une procédure pour leur récipiendaire. L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant, ainsi que l’exposé des motifs et l’indication des moyens de preuve (art. 65 al. 1 et 2 LPA). La juridiction administrative applique le droit d’office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

b. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant et accessoirement par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/138/2015 du 3 février 2015 ; ATA/603/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/751/2013 du 12 novembre 2013), qui délimite son cadre matériel admissible. La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés (ATA/336/2014 du 13 mai 2014 ; ATA/790/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/18/2013 du 8 janvier 2013 ; ATA/560/2006 du 17 octobre 2006). Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/138/2015 précité ; ATA/603/2014 précité ; ATA/18/2013 précité ; ATA/163/2010 du 9 mars 2010 ; ATA/503/2009 du 6 octobre 2009).

c. En l’espèce, la décision litigieuse rejette la requête en vue de l’exploitation du pub au motif que tant les conditions relatives à l’exploitant que celles relatives à l’établissement ne sont pas réunies. Les recourantes ont entrepris la décision du Scom sur ces deux points. Dans leur réplique du 20 mars 2015, ils ont toutefois annoncé le retrait du recours de M. AVRIL. Même s’ils ont indiqué persister dans leurs conclusions sur le fond, ils ont néanmoins renoncé à contester la décision sous l’angle des conditions d’honorabilité de ce dernier, lui ayant substitué un autre exploitant, en la personne de M. MAHRER. Dans ce cadre, les recourantes ne sauraient demander à la chambre de céans de procéder à l’examen des conditions d’honorabilité de M. MAHRER, non examinées par l’autorité intimée, et ainsi se substituer à celle-ci. En effet, il n’appartient pas à la juridiction administrative, qui est une instance de recours, d’instruire la demande et d’examiner si l’intéressé remplit les conditions d’honorabilité prévues par la loi et statuer en lieu et place de l’autorité administrative, dont le pouvoir d’examen, contrairement à la chambre de céans (art. 61 al. 2 LPA), s’étend également à l’opportunité.

Le litige se limite ainsi, devant la chambre de céans, au contrôle des conditions relatives à l’établissement, qu'il convient d'examiner avant de pouvoir dire s'il y a lieu de renvoyer la cause au Scom afin qu’il statue sur les conditions relatives à l’exploitant, à savoir M. MAHRER.

5) Le service conclut à ce que trois pièces produites par les recourantes, à savoir le contrat de travail de M. AVRIL, l’autorisation délivrée pour la buvette et le contrat de sous-location conclu entre Dionysos et SDEIP, soient retirées du dossier.

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

La constatation des faits, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1, 2ème phr., LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/716/2013 du 29 octobre 2013 ; ATA/538/2013 du 27 août 2013 ; ATA/426/2012 du 3 juillet 2012). Selon ce dernier, le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées : ce n’est ainsi ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/716/2013 précité).

b. En l’espèce, suite au retrait du recours de M. AVRIL, la conclusion de l’autorité intimée, visant au retrait du dossier du contrat de travail conclu entre Dionysos et M. AVRIL et l’autorisation d’exploiter la buvette octroyée par le service à ce dernier devient sans objet, dès lors que les recourantes ne contestent plus la décision entreprise sous l’angle de l’honorabilité de l’intéressé, comme précédemment mentionné. S’agissant du troisième document litigieux, à savoir le contrat de sous-location conclu entre Dionysos et SDEIP portant sur l’arcade, dont deux versions différentes ont été produites par les recourantes, il appartiendra à la chambre de céans, le cas échéant dans le cadre de l’examen du fond du litige, pour autant qu’il soit pertinent pour juger du cas, d’en apprécier la valeur probante, aucun élément du dossier ne permettant d’affirmer que ces moyens de preuve auraient été obtenus illégalement, ce que le service n’allègue au demeurant pas. Il ne sera ainsi pas fait droit à la requête du Scom visant à écarter ces documents du dossier.

6) a. La LRDBH régit notamment l’exploitation à titre onéreux d’établissements voués à la restauration et au débit de boissons à consommer sur place (art. 1 let. a LRDBH).

En application de l’art. 82 LRDBH, le Conseil d’État a édicté le règlement d’exécution de la LRDBH du 31 août 1988 (RRDBH - I 2 21.01). Aux termes de l’art. 1 RRDBH, le DSE est chargé de l’application de ce règlement (al. 1), tandis que le Scom reçoit et instruit les requêtes et délivre les autorisations prévues par la LRDBH, de même qu’il prononce les mesures et les sanctions administratives prévues par celle-ci (al. 2).

b. L’exploitation de tout établissement, notamment des cafés-restaurants (art. 17 al. 1 let. a LRDBH), est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation d’exploiter, qui doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie, agrandissement et transformation d’établissement, changement d’exploitant ou de propriétaire de l’établissement ou modification des conditions de l’autorisation antérieure (art. 4 al. 1 et 2 LRDBH ; art. 2 let. a RRDBH).

c. L’art. 5 LRDBH fixe les conditions requises relatives à l’exploitant. Selon l’art. 5 al. 1 LRDBH, l’autorisation d’exploiter est délivrée à condition que l’exploitant soit de nationalité suisse ou ressortissant au bénéfice d’un titre de présence en Suisse d’un État de l’Union européenne (let. a), ait l’exercice des droits civils (let. b), soit titulaire du titre de formation requis attestant de son aptitude à gérer un établissement soumis à la loi (let. c), offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’établissement soit exploité conformément aux dispositions de la loi et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail (let. d), offre toute garantie d’une exploitation personnelle et effective de l’établissement (let. e), soit désigné par le propriétaire de l’établissement, s’il n’a lui-même cette qualité (let. f), produise l’accord du bailleur des locaux de l’établissement, s’il n’en est lui-même propriétaire (let. g) ainsi qu’un extrait du registre du commerce attestant qu’il est doté d’un pouvoir de signature (let. h).

d. L’art. 6 LRDBH a trait aux conditions relatives à l’établissement. Aux termes de l’art. 6 al. 1 LRDBH, l’autorisation d’exploiter est délivrée à condition que les locaux de l’établissement ne soient pas susceptibles de troubler concrètement l’ordre public, en particulier la tranquillité publique, du fait de leur construction, de leur aménagement et de leur implantation manifestement inappropriées (let. a), soient conformes à la vocation de la catégorie à laquelle ils appartiennent (let. b), répondent, le cas échéant, aux dispositions particulières prévues par la loi pour certaines catégories d’établissements (let. c). L’art. 6 al. 2 LRDBH réserve les dispositions en matière de sécurité, de salubrité et d’hygiène prévues par d’autres lois ou règlements, leur application ressortissant aux départements compétents.

L’art. 6 al. 1 let. a LRDBH, dans sa teneur actuelle, a été introduit dans la LRDBH par la loi 6’765, entrée en vigueur en 1994. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à cette disposition que deux avis contraires s’opposaient en commission. D’un côté, le département en charge du service souhaitait, dans le but de préserver la tranquillité publique, avoir la possibilité de refuser l’autorisation d’exploiter s’il apparaissait que l’établissement projeté était de nature à la troubler. De l’autre côté, certains membres de la commission, estimant que la panoplie des sanctions prévues par la loi en vue de réprimer les perturbateurs était suffisante, s’opposaient à toute forme de censure préalable, dès lors qu’il ne pouvait être présumé d’un exploitant qu’il puisse troubler l’ordre public. Une solution intermédiaire a finalement été trouvée, sous la forme de l’actuel art. 6 al. 1 let. a LRDBH, dont le but n’était pas d’introduire une « clause du besoin fondée sur le bruit », en octroyant au département la compétence de refuser l’autorisation, une telle mesure, constitutive d’une restriction à la liberté économique, ne pouvant intervenir que dans des cas exceptionnels, précis et concrets, limitativement énumérés. Sur cette base, le département pouvait par exemple interdire les implantations d’établissements publics dans les locaux d’un hôpital, mais pas dans un quartier résidentiel pour la simple raison qu’ils étaient susceptibles de troubler la tranquillité publique. Ainsi, seuls des motifs graves, intervenant dans des cas concrets, pouvaient amener le département à refuser l’autorisation d’exploiter (MGC1993 VI 7600 s).

Le 19 mars 2015, le Grand Conseil a adopté la loi 11’282 sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement (LRDBHD), qui abroge la LRDBH et dont l’art. 11 al. 1 let. a LRDBHD reprend la teneur de l’actuel art. 6 al. 1 let. a LRDBH. Sous l’intitulé « conditions relatives à l’entreprise », l’art. 11 al. 1 let. a LRDBHD prévoit ainsi que l’autorisation d’exploiter est délivrée à conditions que les locaux de l’entreprise ne soient pas susceptibles de troubler l’ordre public, la sécurité, l’environnement et la tranquillité publique, du fait notamment de leur construction, de leur aménagement et de leur implantation manifestement inappropriés, à teneur des préavis des autorités compétentes dans les domaines visés à l’art. 1 al. 4 LRDBHD, qui réserve l’application des dispositions en matière de construction, de sécurité, de protection de l’environnement, de tranquillité publique, d’utilisation du domaine public, de protection du public contre les niveaux sonores élevés et les rayons laser, de prostitution, de protection contre la fumée et l’alcool, d’âge d’admission pour des spectacles ou divertissements, de denrées alimentaires et d’objets usuels, d’hygiène, de santé, ainsi que de sécurité et/ou de conditions de travail prévues par d’autres lois ou règlements, leur application ressortissant aux autorités compétentes. Selon l’exposé des motifs relatif à cette loi, l’art. 1 al. 4 LRDBHD rappelait que cette dernière ne réglait pas tous les aspects liés à l’exploitation d’une entreprise tombant dans son champ d’application, dès lors que d’autres textes législatifs et réglementaires s’appliquaient au domaine visé et relevaient de la compétence de diverses autorités, indépendamment des dispositions spécifiques à l’exploitation proprement dite des entreprises. Ainsi, l’art. 11 LRDBHD qui portait sur les conditions relatives aux locaux, à la vocation et aux équipements des entreprises, se référait, à l’al. 1, aux domaines énumérés à l’art. 1 al. 4 afin de rappeler l’ensemble des législations à observer avant l’ouverture d’une entreprise, certaines autorités n’intervenant, en application des législations dont elles étaient chargées, qu’après le commencement de l’exploitation de l’entreprise, et non pas avant le début de celle-ci.

e. Selon l’art. 8A LRDBH, tout créateur d’un établissement justifiant d’un intérêt digne de protection peut demander au département de se prononcer sur le principe même de la création d’un établissement d’une catégorie et d’une superficie déterminées à l’endroit d’implantation prévu (al. 1). Le département statue sous forme d’accord de principe de création limité dans le temps et précisant la catégorie et la superficie de l’établissement, ainsi que, le cas échéant, d’autres charges et conditions (al. 2).

f. Aux termes de l’art. 13 LRDBH, toute requête tendant à l’octroi d’une autorisation prévue par la loi est adressée par l’exploitant propriétaire de l’établissement au département, accompagnée des pièces nécessaires à son examen. Lorsque l’exploitant n’est pas le propriétaire de l’établissement, la requête doit être adressée au département conjointement par l’exploitant et le propriétaire (al. 1). Son dépôt ne dispense pas le requérant, respectivement les requérants, ou toute autre personne intéressée à l’aménagement ou à l’exploitation d’un établissement, de solliciter d’autres départements ou services de l’administration les autorisations nécessaires à la réalisation de leur projet en vertu d’autres textes législatifs ou réglementaires (al. 2).

L’art. 5 RRDBH mentionne les pièces à produire. Ainsi, à toute demande d’autorisation d’exploiter, le requérant doit joindre une attestation du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant certifiant qu’il a le plein exercice des droits civils, un extrait du casier judiciaire central, le contrat de bail relatif aux locaux, s’il n’en est lui-même propriétaire (al. 1). En cas de création, de changement de catégorie, d’agrandissement et de transformation d’un établissement voué à la restauration et au débit de boissons, le requérant doit produire des plans au 1:100, clairs, précis et cotés de tous les étages (sous-sols, caves et combles compris) avec indication de l’affectation des différents locaux, ainsi que de toutes les installations fixes (al. 3).

7) Aux termes de l’art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi, ce qui implique notamment qu’ils s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 134 V 306 consid. 4.2). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l’État, consacré à l’art. 9 Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 ; 136 I 254 consid. 5.2). Le principe de la bonne foi protège le citoyen, à certaines conditions, dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, notamment lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration et qu’il a pris sur cette base des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir de préjudice (ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_153/2015 du 23 avril 2015 consid. 4 ; 1C_291/2014 du 1er décembre 2014 consid. 3.3). Le principe de la confiance, découlant de celui de la bonne foi, commande également à l’administration d’adopter un comportement cohérent et dépourvu de contradiction ; la jurisprudence y a recours parfois pour corriger les conséquences préjudiciables aux intérêts des administrés qui en découleraient (ATF 111 V 81 consid. 6 ; 108 V 84 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_153/2015 précité consid. 4).

8) En l’espèce, l’autorité intimée a refusé d’accorder aux recourantes l’autorisation sollicitée en raison des troubles à la tranquillité publique que l’exploitation d’un pub, dans l’arcade, pouvait engendrer, au regard des précédents exploitants, lesquels avaient suscité de nombreuses plaintes du voisinage et nécessité l’intervention des forces de l’ordre à plusieurs reprises.

Bien que la sauvegarde de l’ordre et de la tranquillité publics constitue un but d’intérêt public important au regard des nuisances que peut engendrer l’exploitation d’un café-restaurant, un tel raisonnement ne saurait pour autant être suivi. En effet, l’art. 6 al. 1 let. a LRDBH ne peut pas être interprété par le Scom comme lui octroyant la compétence d’intervenir, dans ce but, de manière préventive, en refusant l’autorisation d’exploiter à tout établissement susceptible de troubler l’ordre public, indépendamment d’une menace concrète. Une telle interprétation revient à conférer à ce service des pouvoirs que le législateur n’a précisément pas voulu lui octroyer, lequel avait pour préoccupation d’éviter la création d’une « clause du besoin fondée sur le bruit », matérialisée par l’exigence de troubles concrets de l’ordre public. L’autorité intimée ne saurait davantage voir dans le comportement passé des précédents exploitants l’existence de troubles concrets, sous peine de perdre de vue que chaque autorisation délivrée à un exploitant l’est à titre individuel, la décision y relative étant appréciée en fonction de chaque cas particulier.

Outre ces éléments, l’autorité intimée n’en mentionne pas d’autres et n’indique au demeurant pas en quoi, dans le cas de l’arcade, celle-ci serait concrètement, de par sa construction, son aménagement et de son implantation manifestement inappropriée, susceptible de troubler l’ordre public. En particulier, le fait que les locaux l’abritant se trouvent à la Grand-Rue, à savoir un lieu animé de la Vieille-Ville, n’apparaît pas suffisant pour admettre que leur implantation serait manifestement inappropriée, pas davantage qu’il n’est déterminant qu’un établissement se situe dans un quartier résidentiel pour en refuser l’exploitation, ce qu’expriment les travaux préparatoires relatifs à l’art. 6 al. 1 let. a LRDBH.

À cela s’ajoute qu’il ressort des inscriptions figurant au RF et dans la cahier de répartition des locaux de la Grand-Rue 14 qu’à tout le moins depuis 1977, l’arcade était affectée en « restaurant », les copropriétaires ayant, lors de l’assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2013, consenti au maintien de cette affectation et donné leur accord à l’exploitation d’un pub, assortissant leur décision à certaines conditions, notamment liées à l’exécution de travaux, pour éviter les nuisances sonores et olfactives. Bien que le dossier n’indique pas la nature précise des travaux effectués dans l’arcade, ils apparaissent néanmoins avoir été consentis dans ce but, les parties s’entendant sur le fait que ces travaux de rénovation intérieurs étaient importants, ce qu’a au demeurant constaté le Scom dans son rapport du 22 août 2014. L’autorité intimée ne pouvait ainsi occulter ces éléments et considérer que l’arcade ne répondait pas aux exigences de la LRDBH, sans même procéder à leur examen, alors que les travaux entrepris avaient pour vocation de procéder aux aménagements nécessaires en vue de préserver au mieux la tranquillité publique, tout comme d’ailleurs les mesures prises par les recourantes à cette fin, à savoir notamment les discussions initiées avec la police municipale et les « chuchoteurs ».

Le fait que le conseiller d’État en charge du DSE, auquel le service est rattaché depuis la dernière législature, ait été d’un avis contraire, comme il l’a exprimé dans son courrier du 31 octobre 2012, n’y change rien. Outre le fait qu’à cette époque le service relevait du DARES, actuellement le DEAS, et n’était pas rattaché à celui de M. MAUDET, le Conseil d’État, n’apparaît, à teneur de la loi, pas être l’autorité de préavis pour l’octroi d’une autorisation d’exploiter un établissement public. Par ailleurs, en l’absence de toute demande d’exploitation pendante et en dehors de tout cadre procédural, les conditions d’une évocation du dossier au sens de la loi sur l’exercice des compétences du Conseil d’État et l’organisation de l’administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15) ne sont pas réalisées, ce qu’a en substance confirmé M. UNGER dans son courrier du 19 décembre 2012, en indiquant à son interlocuteur qu’aucune demande d’exploitation de l’arcade de la Grand-Rue 14 n’avait été déposée.

Le service ne pouvait ainsi fonder sa décision sur le courrier de M. MAUDET, en lui conférant un sens qu’il n’a pas, pour refuser la requête des recourants, pas plus qu’il n’était en mesure de procéder, implicitement du moins, à un changement d’affectation de l’arcade en y refusant par principe toute future exploitation d’un café-restaurant, mais en y proposant l’ouverture d’une boutique ou de bureaux, ce qui dépasse son champ de compétence aux termes de la LRDBH.

La décision litigieuse pose également problème du point de vue du principe de la bonne foi, que le Scom est tenu de respecter, à l’instar de toute autorité administrative. Il ressort du rapport de renseignements établi le 22 août 2014 par l’autorité intimée que celle-ci était au courant, bien avant le dépôt de la demande des recourantes, du fait qu’elles envisageaient d’ouvrir un établissement à cet endroit, l’inspectrice du Scom, intervenant en cette qualité, leur ayant d’ailleurs transmis la formule type et la liste des documents à y joindre, sans pour autant mentionner que le service n’entendait pas faire droit à leur requête pour les motifs mentionnés dans la décision entreprise, les laissant ainsi continuer, puis terminer les travaux, dont les coûts ont atteint des montants élevés, comme le mentionne le tableau établi en octobre 2014. Aucun élément ne permettait en outre aux recourantes d’anticiper cette décision, dès lors que les précédents exploitants de l’arcade ne s’étaient pas vu imposer une mesure aussi radicale, s’étant tout au plus vu infliger des amendes pour avoir engendré des inconvénients graves pour le voisinage. L’on ne saurait ainsi reprocher aux recourantes de ne pas avoir fait usage de la possibilité mentionnée à l’art. 8A LRDBH, qui s’applique au demeurant à la création de nouveaux établissements, alors que l’arcade est affectée à un établissement de type café-restaurant depuis plusieurs décennies.

À cela s’ajoute que l’autorité intimée a pour le moins adopté une attitude chicanière, au regard des documents qu’elle a requis des recourantes. Outre le fait que certains ne figurent pas parmi ceux devant être produits à l’appui de la requête, elle n’a pas non plus pris en compte les différents courriels émanant de plusieurs autorités que lui ont transmis les recourantes attestant que les travaux ne nécessitaient pas la délivrance d’une autorisation de construire et que l’établissement était conforme aux exigences de la police du feu et de l’OCIRT, étant précisé que l’application des dispositions y relatives appartient aux départements compétents, comme le prévoit l’art. 6 al. 2 LRDBH, et non au Scom. Même si certains de ces documents ont été produits en cours de procédure, rien n’empêchait ce dernier de les prendre en compte et de reconsidérer ou retirer sa décision, conformément à l’art. 67 al. 2 LPA.

Le Scom a par conséquent abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les conditions de l’art. 6 LRDBH n’étaient pas réalisées et en rejetant la requête pour ce motif, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs soulevés par les recourantes.

9) Il s’ensuit que le recours sera partiellement admis, la décision attaquée annulée et le dossier renvoyé au Scom pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis conjointement et solidairement à la charge des recourantes, qui obtiennent partiellement gain de cause, ainsi qu’à l’appelée en cause, qui exerce les droits conférés aux parties (art. 87 al. 1 et 71 al. 2 LPA). Les recourantes et l’appelée en cause se verront allouer chacune une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement

prend acte du retrait du recours de Monsieur Jérôme AVRIL ;

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 novembre 2014 par Dionysos Sàrl et SDEIP SA contre la décision du service du commerce du 24 octobre 2014 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service du commerce du 24 octobre 2014 ;

renvoie la cause au service du commerce pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge conjointe et solidaire de Dionysos Sàrl et de SDEIP SA ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de C2I Comptoir d’Investissements Immobiliers SA ;

alloue à Dionysos Sàrl et SDEIP SA une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

alloue à C2I Comptoir d’Investissements Immobiliers SA une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Rodolphe Gautier, avocat des recourantes, au service du commerce, ainsi qu’à Me Christian Buonomo, avocat de l’appelée en cause.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :