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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2443/2024

ATA/15/2025 du 07.01.2025 ( AIDSO ) , ADMIS

Descripteurs : PRESTATION D'ASSISTANCE;AIDE FINANCIÈRE;BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS;RÉTROACTIVITÉ;REMBOURSEMENT DE FRAIS(ASSISTANCE);RESTITUTION(EN GÉNÉRAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI;COMPORTEMENT CONTRADICTOIRE
Normes : Cst.12; Cst.9; LIASI.21.al1; LIASI.23; LIASI.35; LIASI.36; LIASI.37; LIASI.42; LRDU.6; LRDU.7; LRDU.13; RIASI.1.al1
Résumé : Recours d'une bénéficiaire contre le refus du service des prestations complémentaires de lui octroyer des prestations d'aide sociale suite à l'augmentation soudaine de sa fortune mobilière. L'augmentation de sa fortune était toutefois due au versement rétroactif de prestations d'aide sociale et de prestations complémentaires familiales par le service des prestations complémentaires lui-même. Ce dernier ne pouvait dès lors pas en tirer argument pour lui refuser un droit à l'aide sociale sans violer le principe de la bonne foi. Le recours est admis, la décision annulée et la cause renvoyée au service des prestations complémentaires pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2443/2024-AIDSO ATA/15/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 janvier 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la bénéficiaire), née le ______ 1996, est ressortissante suisse.

b. Le ______ 2015, elle a eu un fils, B______, avec C______.

c. Le 28 septembre 2015, C______ et A______ ont soumis au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) une demande de prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam).

La demande indiquait qu'A______ était sans activité lucrative et n'avait pas de dettes.

d. La précitée habite seule avec son fils à Genève depuis 2018.

e. A______ est titulaire d'un compte bancaire auprès de la banque UBS n° 1______ (ci-après : compte UBS).

f. Le 1er septembre 2021, A______ a commencé une activité lucrative auprès de D______ SA à l'aéroport de Genève en tant qu'agente de sécurité auxiliaire, pour un salaire horaire brut de CHF 25.06. Selon les informations contenues dans ses relevés bancaires, son salaire mensuel oscillait entre CHF 1'800.- et CHF 2'000.-.

g. Par décision du 17 décembre 2021, le SPC a arrêté les droits rétroactifs d'A______ aux PCFam à CHF 3'546.- (CHF 1'182.- par mois), ainsi qu'aux prestations d'aide sociale à CHF 2'187.- (CHF 729.-) pour la période allant du 1er octobre au 31 décembre 2021.

Le montant total à verser rétroactivement sur le compte UBS de la précitée s'élevait à CHF 4'863.-, après soustraction de CHF 870.- de subsides d'assurance-maladie.

La décision se fondait sur un socle de fortune de la bénéficiaire de CHF 1'595.-.

h. Le 27 décembre 2021, le SPC a versé cette somme sur le compte UBS d'A______.

Avant ce versement, le compte UBS de la précitée présentait un solde de CHF 2'407.33.

Après ce versement, le compte UBS de la précitée présentait un solde de CHF 7'270.33.

Au 31 décembre 2021, le compte UBS d'A______ présentait un solde de CHF 7'118.58.

i. Durant les mois de janvier et de février 2022, le compte UBS d'A______ a été crédité des montants correspondant à son salaire, au versement de prestations sociales par le SPC et aux contributions versées par le père de son fils.

Au 31 janvier 2022, le compte UBS d'A______ présentait un solde de CHF 8'256.68.

j. Le 2 février 2022, la bénéficiaire a débité son compte UBS de CHF 4'000.- pour rembourser sa mère qui lui avait prêté cette somme dans l'attente du versement rétroactif du SPC.

Au 28 février 2022, le compte UBS d'A______ présentait un solde de CHF 5'514.28.

k. Par décision du 10 mars 2022, le SPC a recalculé le droit aux prestations d'A______ pour la période du 1er février au 31 mars 2022 en lui refusant un droit aux prestations d'aide sociale, le montant de sa fortune établi à CHF 7'195.40 à partir de février 2022 étant supérieur au barème prévu dans le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01).

Une fois les nouveaux montants d'aide sociale et de PCFam calculés et compensés, il résultait un solde en faveur du SPC d'un montant de CHF 1'474.-.

l. Le 11 avril 2022, A______ s'est opposée à cette décision.

Elle indiquait ne pas comprendre pourquoi elle devait rembourser ledit montant au SPC, car elle ne possédait aucune fortune.

m. Par décision du 27 avril 2022, le SPC a recalculé le droit aux prestations d'A______ pour la période du 1er octobre 2021 au 30 avril 2022 en lui refusant un droit aux prestations d'aide sociale pour les mois de février et mars 2022, le montant de sa fortune établi à CHF 7'195.40 dès février 2022 étant supérieur au barème prévu dans le RIASI.

Après compensation entre le nouveau droit aux PCFam et les PCFam déjà versées à la bénéficiaire, un solde de CHF 2'947.- était arrêté en faveur du SPC.

Après compensation entre le nouveau droit aux prestations d'aide sociale et les prestations d'aide sociale déjà versées à A______, un solde de CHF 780.- était arrêté en sa faveur.

Une fois les montants d'aide sociale et de PCFam compensés, il résultait un solde en faveur du SPC d'un montant de CHF 2'167.-.

n. Par décision du 5 mai 2022, le SPC a rejeté l'opposition d'A______ relative à sa décision du 10 mars 2022.

L'extrait de son compte bancaire UBS au 31 décembre 2021 indiquait un solde de CHF 7'118.58. L'épargne personnelle de la précitée était dès lors manifestement supérieure au barème de CHF 6'000.- qui lui était applicable et la somme de CHF 1'474.- restait due.

o. A______ n'a pas recouru contre cette décision.

p. Le 6 novembre 2023, le SPC a initié une révision périodique du dossier d'A______ et a requis divers documents et justificatifs, transmis par la précitée le 11 janvier 2024.

q. Par décision du 24 janvier 2024, le SPC a une nouvelle fois recalculé le droit aux prestations d'A______ pour la période allant du 1er janvier au 31 mai 2022, en lui refusant un droit aux prestations d'aide sociale pour les mois de février et mars 2022, le montant de sa fortune établi à CHF 7'195.40 pour ces mois-là étant supérieur au barème prévu dans le RIASI.

Après compensation entre le nouveau droit aux PCFam et les PCFam déjà versées à la bénéficiaire, un solde de CHF 965.- était arrêté en faveur du SPC.

Le droit rétroactif aux prestations d'aide sociale était également revu et arrêté à CHF 1'135.- pour la période allant du 1er au 31 janvier 2022 et à CHF 2'284.- pour la période allant du 1er avril au 31 mai 2022.

Aucune prestation d'aide sociale n'était comptabilisée pour les mois de février et mars 2022.

Après compensation entre le nouveau droit aux prestations d'aide sociale et les prestations d'aide sociale déjà versées à la bénéficiaire, un solde de CHF 2'476.- était arrêté en faveur de cette dernière.

Une fois les montants d'aide sociale et de PCFam compensés, il résultait un solde en faveur d'A______ d'un montant de CHF 1'511.-.

r. Le même jour, le SPC a rendu deux autres décisions relatives au recalcul des prestations d'aide sociale et des PCFam en faveur d'A______ portant sur la période du 1er juin 2022 au 31 décembre 2023 et sur la période du 1er au 31 janvier 2024.

La décision portant sur la période du 1er juin 2022 au 31 décembre 2023 arrêtait un solde de prestations indûment perçues en faveur du SPC à hauteur de CHF 5'522.-, composé d'un solde de prestations d'aide sociale de CHF 139.- et d'un solde de PCFam de CHF 5'383.-.

B. a. Le 14 février 2024, A______ s'est opposée à ces décisions, plus particulièrement au calcul effectué par le SPC pour l'année 2022.

Le SPC avait estimé à tort que sa fortune dépassait les CHF 6'000.- au début de l'année 2022 et l'avait, par conséquent, privée d'aide sociale en février et mars 2022. Elle avait reçu le 27 décembre 2021 un rétroactif de CHF 4'863.- de la part du SPC. Au cours du mois de février 2022, elle avait remboursé CHF 4'000.- à sa mère qui lui avait avancé l'argent qu'elle devait recevoir du SPC.

Elle était pénalisée à cause du versement de ce capital de manière rétroactive. Elle avait soulevé cet argument à plusieurs reprises sans aucune réponse du SPC sur ce point.

b. Par décision du 26 juin 2024 relative aux prestations d'aide sociale, le SPC a partiellement admis l'opposition d'A______.

Le remboursement des prestations perçues indûment pouvait être réclamé si le bénéficiaire n'était pas de bonne foi. Étaient pris en compte les revenus énoncés par l'art. 4 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) ce qui comprenait notamment les revenus de l'activité lucrative. Les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière étaient de CHF 6'000.- pour une personne seule avec un enfant à charge.

Le SPC avait entamé une procédure de révision périodique du dossier de la précitée le 6 novembre 2023 et avait mis à jour ses gains d'activité lucrative. En effet, l'examen des relevés de son compte UBS indiquait un solde de CHF 7'118.58 au 31 décembre 2021, de CHF 8'238.68 au 31 janvier 2022 et de CHF 5'431.08 au 28 février 2022. Dès lors que sa fortune dépassait le seuil de CHF 6'000.- en janvier et en février 2022, aucune aide sociale ne pouvait être calculée pour ces mois-là. Le calcul de l'aide sociale redevenait en revanche possible pour le mois de mars 2022, l'opposition étant partiellement admise sur ce point et modifiée en conséquence.

Les prestations dues étaient modifiées comme suit : CHF 0.- du 1er janvier au 28 février 2022 ; CHF 440.- en mars 2022 ; CHF 4'221.- du 1er avril au 31 décembre 2022 et CHF 5'604.- pour l'année 2023.

Après compensation entre le montant de prestations d'aide sociale déjà versé et le montant dû, le solde restant en faveur du SPC était de CHF 2'180.-.

c. Par décision du même jour relative aux PCFam, le SPC a admis l'opposition d'A______ et a modifié le calcul des prestations en conséquence.

Les prestations dues étaient modifiées comme suit : CHF 1'360.- du 1er au 31 janvier 2022 ; CHF 5'484.- du 1er février au 31 mai 2022 ; CHF 9'338.- du 1er juin au 31 décembre 2022 et CHF 11'580.- pour l'année 2023.

Après compensation entre le montant des PCFam déjà versé et le montant dû, le solde restant en faveur du SPC était de CHF 2'018.- et non de CHF 5'383.-.

La fortune prise en compte pour le mois de janvier 2022 était de CHF 7'195.- au lieu des CHF 1'594.- retenus par la décision du 24 janvier 2024, de CHF 8'315.- pour le mois de février 2022 au lieu de CHF 7'195.- et de CHF 5'507.- pour le mois de mars 2022 au lieu de CHF 7'195.-.

L'addition des dettes de prestations d'aide sociale et de PCFam arrêtait le montant total du solde dû au SPC à CHF 4'198.- au lieu de CHF 5'522.-.

C. a. Le 17 juillet 2024, A______ a interjeté recours à l'encontre de cette décision par devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation.

Elle ne comprenait pas pourquoi les prestations d'aide sociale n'étaient pas dues pour les mois de janvier et de février 2022. Le SPC n'avait pas pris en compte le fait qu'il lui avait versé, en date du 27 décembre 2021, des rétroactifs de PCFam et d'aide sociale. Elle avait ensuite remboursé sa mère qui lui avait avancé l'argent durant les mois où elle n'avait reçu aucune aide.

b. Le 9 août 2024, A______ a complété son recours en indiquant que la situation demeurait complexe pour elle et qu'elle ne comprenait pas pourquoi le SPC considérait qu'elle dépassait le seuil de CHF 6'000.- pour les mois de janvier et février 2022. Elle n'avait pas eu de revenus supplémentaires durant cette période et la hausse soudaine de sa fortune était uniquement due au versement rétroactif par le SPC des prestations sociales en décembre 2021. Elle avait reçu le 27 décembre 2021 un montant de CHF 4'863.- de la part du SPC qui avait fait grimper sa fortune d'un coup. Elle avait ensuite, le 2 février 2022, retiré la somme de CHF 4'000.- pour rembourser sa mère qui lui avait avancé l'argent. Elle ne comprenait pas pourquoi le SPC lui avait versé la somme de CHF 4'863.- si ce versement l'endettait par la suite de CHF 4'198.-.

Les relevés bancaires de son compte UBS de décembre 2021 à avril 2022 étaient joints.

c. Le 12 août 2024, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice a transmis à la chambre administrative copie du courrier du 9 août 2024 d'A______ tout en l'informant de l'ouverture d'une procédure de recours relative au même dossier.

d. Le 9 septembre 2024, le SPC a conclu au rejet du recours en se référant à ses décisions du 26 juin 2024, sans autre développement.

e. Le 15 octobre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus de l'intimé de reconnaître à la recourante un droit aux prestations d'aide sociale pour les mois de janvier et février 2022.

À cet égard, la recourante fait valoir que le montant de CHF 4'863.- versé rétroactivement sur son compte bancaire le 27 décembre 2021 au titre d'aide sociale et de PCFam pour les mois d'octobre à décembre 2021, ne sauraient être pris en considération en tant que fortune mobilière.

Elle conteste dès lors la restitution de CHF 4'198.- à l'intimé au titre de remboursement.

2.1 Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

2.2 En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le RIASI concrétisent l’art. 12 Cst.

La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 2e phr.).

2.3 L'Hospice général (ci-après : l’hospice) est l’organe d’exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI).

2.4 Le SPC gère et verse les prestations d’aide sociale notamment pour les personnes au bénéfice de PCFam (art. 3 al. 2 let. c LIASI ; art. 22 al. 1 RIASI).

2.5 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

2.6 Conformément à l'art. 9 LIASI, les prestations d'aide financière versées en vertu de la LIASI sont subsidiaires à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004, ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (al. 1). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (al. 2).

2.7 Selon l’art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État.

2.8 L’art. 23 al. 1 LIASI prévoit que sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 LRDU, sous réserve des exceptions figurant à l'art. 23 al. 3 et 4 LIASI. Ainsi, ne sont notamment pas prises en compte comme déductions les dettes chirographaires et hypothécaires (art. 23 al. 4 let. a LIASI).

2.9 Le revenu déterminant le droit aux prestations sociales comprend notamment, au titre de la fortune prise en compte, l’argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d’une somme d’argent (art. 6 let. c LRDU).

2.10 Les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aides financière sont fixées par règlement du Conseil d’État (art. 23 al. 5 LIASI).

L’art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a), de CHF 8'000.- pour un couple (let. b) et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser CHF 10'000.- pour l'ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).

Les travaux législatifs préparatoires de la LIASI et de la LRDU ne contiennent aucune précision quant à la notion de fortune à prendre en considération au sens des art. 23 LIASI et 6 LRDU (MGC 2005-2006/I A 267 ; MGC 2003-2004/IV A 1379).

2.11 L’art. 13 LRDU précise que les prestations catégorielles et de comblement doivent être demandées dans l’ordre suivant : a) les prestations catégorielles : 1) les subsides de l’assurance-maladie, 2) l’avance des pensions alimentaires, 3) les allocations de logement, 4) les subventions personnalisées habitations mixtes (HM) ; b) les prestations de comblement : 1) les prestations transitoires pour les chômeurs âgés, 2) les prestations complémentaires fédérales à l’AVS, 3) les prestations complémentaires fédérales à l’AI, 4) les prestations complémentaires cantonales à l’AVS, 5) les prestations complémentaires cantonales à l’AI, 6) les bourses d’études, 7) les prestations complémentaires familiales, 8) l’aide sociale, 9) l’aide sociale aux rentiers AVS/AI.

Si une prestation demandée est obtenue, il en est tenu compte dans le revenu servant de base de calcul pour la prestation suivante (art. 11 al. 3 LRDU).

2.12 Pour la fixation des prestations, sont déterminantes les ressources du mois en cours (art. 27 al. 1 let. a LIASI).

2.13 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a).

2.14 La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a).

Le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

2.15 Toute prestation perçue indûment, soit touchée sans droit, peut faire l'objet d'une demande de remboursement (art. 36 al. 1 LIASI). Le remboursement peut être exigé du bénéficiaire d'aides financières s'il a agi par négligence ou fautivement, ou encore s'il n'est pas de bonne foi (art. 36 al. 2 et 3 LIASI).

Aux termes de l'art. 37 LIASI, si les prestations d'aide financière prévues par ladite loi ont été accordées à titre d'avances, dans l'attente de prestations sociales ou d'assurances sociales, les prestations d'aide financière sont remboursables, à concurrence du montant versé par l'hospice durant la période d'attente, dès l'octroi desdites prestations sociales ou d'assurances sociales (al. 1) ; il en va de même lorsque des prestations sociales ou d'assurances sociales sont versées au bénéficiaire avec effet rétroactif pour une période durant laquelle il a perçu des prestations d'aide financière (al. 3).

Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/942/2020 du 22 septembre 2020 consid. 3e ; ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 consid. 5 ; ATA/127/2013 du 26 février 2013).

2.16 Conformément à l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1). Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement. Cette demande de remise est adressée à l'Hospice général (al. 2).

De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/595/2024 du 14 mai 2024 consid. 4.1).

La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où le bénéficiaire concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4 ; ATA/595/2024 précité consid. 4.1 ; ATA/50/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.1).

La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - RS 210 ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3 ; ATA/1310/2023 du 5 décembre 2023 consid. 3).

La juridiction de céans a déjà jugé que ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi l'administré qui avait contrevenu à son obligation d'information en n'annonçant qu'en juin un travail qu'il avait commencé en mars (ATA/102/2012 du 21 février 2012 consid. 11), ou qui n'avait pas indiqué la totalité des comptes bancaires dont il était titulaire (ATA/644/2011 du 11 octobre 2011) ou encore qui n'avait pas annoncé des aides financières versées par l'un de ses proches pendant plusieurs mois, état de fait découvert par un collaborateur de l'hospice (ATA/174/2012 du 27 mars 2012 consid. 5). N'était pas non plus de bonne foi l'administrée qui avait dissimulé pendant plusieurs années l'existence d'un compte postal sur lequel étaient notamment versées ses indemnités de chômage, des allocations perte de gain ainsi que des salaires en grande partie non déclarés, fait que l'hospice avait découverts suite à une enquête (ATA/1240/2017 du 29 août 2017 consid. 12).

La bonne foi de l'administré a en revanche été retenue dans un dossier où l'hospice savait que le recourant devait recevoir prochainement une rente AVS et des prestations complémentaires, mais n'avait pas établi un ordre de paiement afin de s'assurer du recouvrement des prestations d'aides sociales (ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 12), ainsi que dans un cas où il devait s'attendre à ce que la bénéficiaire reçoive rapidement les arriérés de contribution d'entretien (ATA/103/2012 du 21 février 2012 consid. 9). La bonne foi a de même été retenue dans un cas où le trop-perçu était exclusivement imputable à une erreur de l'hospice (ATA/588/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5) ou dans une situation où tous les documents nécessaires avaient été régulièrement transmis à celui-ci (ATA/948/2016 du 8 novembre 2016 consid. 6).

2.17 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1).

Le principe de la bonne foi commande également aux autorités comme aux particuliers de s'abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2). Il découle de ce principe que l'administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4).

2.18 À cet égard, la chambre de céans a notamment admis le recours d'une bénéficiaire qui contestait le refus de droit à l'aide sociale au motif que des prestations d'aide sociale avaient été versées tardivement par le SPC et avaient ainsi augmenté considérablement sa fortune. La chambre administrative a considéré que le principe de la bonne foi imposait à l'intimé de s'abstenir de tout comportement contradictoire. Celui-ci ne pouvait dès lors pas valablement considérer le versement rétroactif en tant que fortune mobilière imputable à la situation financière de la recourante (ATA/1293/2019 du 27 août 2019 consid. 6).

3.             En l'espèce, la recourante conteste devoir rembourser au SPC le montant de CHF 4'198.- arrêté par décision sur opposition du 26 juin 2024. Elle soutient que c'est à tort que le SPC a tenu compte dans ses calculs de son versement rétroactif de CHF 4'863.- du 27 décembre 2021.

Ce versement correspondait à ses droits d'aide sociale et de PCFam pour la période allant du 1er octobre 2021 au 31 décembre 2021 pour un montant total de PCFam de CHF 3'546.- (CHF 1'182.- par mois), soustrait de CHF 870.- de subsides d'assurance-maladie, ainsi que d'aide sociale de CHF 2'187.- (CHF 729.- par mois).

Avant ce versement, son compte UBS présentait un solde de CHF 2'407.33. Après ce versement, il présentait un solde de CHF 7'270.33.

L'analyse des relevés bancaires de la recourante pour les mois de janvier et février 2022 révèlent que ni ses revenus d'activité lucrative ni les versements effectués par le père de son fils n'avaient augmenté au cours de la période litigieuse.

Ainsi, et comme argué par la recourante à maintes reprises, l'augmentation du solde de son compte bancaire au 31 décembre 2021 et au 31 janvier 2022 est effectivement due au versement rétroactif du 27 décembre 2021 par l'intimé de prestations d'aide sociale et de PCFam.

Toutefois, à la lecture des décisions de l'intimé du 24 janvier et du 26 juin 2024, il semblerait que ce dernier ait considéré l'augmentation de la fortune de la recourante au 31 décembre 2021 comme découlant uniquement d'une augmentation de ses revenus d'activité lucrative. La motivation de sa décision sur opposition du 26 juin 2024 relative à l'aide sociale indique en effet que la demande de restitution des prestations d'aide sociale résulte de la mise à jour des gains d'activité lucrative de la recourante.

Le SPC ne s'est au surplus pas prononcé sur le grief de la recourante et n'a pas expliqué en quoi ni comment cette dernière aurait été de mauvaise foi.

Le fait que la recourante ait reçu, le 27 décembre 2021, un versement unique de CHF 4'863.- regroupant les prestations d'aide sociale et les PCFam pour les mois d'octobre, novembre et de décembre 2021 n'est pas contesté. D'après les documents remis, avant la réception dudit versement, le compte bancaire de la recourante présentait un solde de CHF 2'407.33. Alors que cet argent était considéré comme nécessaire à la recourante pour subvenir aux besoins de la famille, l'intimé en tire argument pour lui dénier un droit à des prestations d'aide sociale pour les mois de janvier et février 2022.

Elle le fait, quand bien même la situation professionnelle et financière de la recourante demeurait inchangée, comme le démontrent les relevés bancaires produits par celle-ci. Il s'agit ici d'examiner la décision du SPC de refuser un droit, au motif que des prestations d'aide sociale et de PCFam ont été versées tardivement. Dans l'hypothèse où la recourante aurait reçu les sommes en question durant les mois y afférents, soit ceux d'octobre, novembre et décembre 2021, il apparaît fort probable que le solde de son compte bancaire au 31 décembre 2021 et au 31 janvier 2022 aurait été moindre. Une telle approche est d'ailleurs confirmée par le fait que l'intimé lui reconnaît à nouveau le droit à des prestations d'aide sociale à compter du 1er mars 2022.

En l'absence de mauvaise foi de la part de la recourante, cette dernière ne peut être soumise au remboursement des sommes versées. Au contraire, le principe de la bonne foi imposait à l'intimé de s'abstenir de tout comportement contradictoire. Dans ces circonstances, ce dernier ne pouvait dès lors pas considérer le versement rétroactif du 27 décembre 2021, opéré par ses propres soins, en tant que fortune mobilière imputable à la situation financière de la recourante.

Le recours sera ainsi admis, la décision querellée annulée et le dossier renvoyé à l'intimé pour nouvelle décision quant au droit aux prestations d'aide sociale de la recourante pour les mois de janvier et de février 2022, sans tenir compte du versement rétroactif du 27 décembre 2021.

4.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 3 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA), la recourante n'y ayant pas conclu et n'ayant pas exposé de frais pour sa défense.

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2024 par A______ contre la décision sur opposition du service des prestations complémentaires du 26 juin 2024 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision précitée et renvoie la cause au service des prestations complémentaires pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :