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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1280/2020

ATA/942/2020 du 22.09.2020 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1280/2020-AIDSO ATA/942/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 septembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Steve Alder, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née en 1972, et Monsieur B______, né en 1984, sont les parents non mariés de C______, née le ______ 2014.

Mme A______ a une deuxième fille, D______, née le ______ 2002.

2) Mme A______ et ses deux filles sont bénéficiaires des prestations de l'Hospice général (ci- après : hospice).

3) Le 20 février 2013, Mme A______ a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » (ci-après : « Mon engagement ») et s'est engagée à :

- faire valoir immédiatement tous les droits auxquels elle pouvait prétendre, notamment ceux qui découlent de rapports de droit privé (exemples : contribution alimentaires fondées sur le droit du mariage, du divorce, de la filiation et de la famille, salaires, indemnités tenant lieu de salaire, assurances privées) ;

- à signer tout ordre de paiement nécessaire au recouvrement des prestations accordées par l'hospice dans l'attente des prestations précitées auxquelles elle pouvait prétendre ;

- donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement, notamment, de sa situation économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune ;

- informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation économique ;

- rembourser à l'hospice toute prestation exigible à teneur des dispositions légales en vigueur.

4) Mme A______ a renouvelé la signature de ce document à quatre reprises, soit le 21 février 2014, le 25 mars 2015, le 31 mai 2016 et le 7 avril 2017.

5) En 2016, elle a saisi le Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI) d'une requête en mesures provisionnelles, M. B______ ne versant pas les contributions d'entretien dues pour sa fille. Le 3 mars 2016, elle en a informé son assistante sociale.

6) Lors de l'entretien du 11 juillet 2016 avec son assistante sociale, elle a fait savoir que le TPI n'avait pas encore rendu son jugement. L'assistante sociale a attiré son attention sur le fait que si elle percevait un rétroactif de pensions, elle devait immédiatement en informer l'hospice et rembourser les sommes reçues par l'hospice. Mme A______ a confirmé comprendre les explications données.

7) Par jugement du 22 décembre 2016, le TPI a condamné M. B______ à verser à l'intéressée la somme de CHF 9'000.- à titre d'arriérés de contributions d'entretien de C______, pour les mois de février 2015 à novembre 2016, et à lui verser chaque mois une contribution d'entretien à hauteur de CHF 500.-.

8) Lors de l'entretien du 16 janvier 2017, Mme A______ a signalé à son assistante qu'elle ne recevait pas les contributions d'entretien.

9) Lors de l'entretien du 8 février 2017, Mme A______ a annoncé former recours contre le jugement du TPI auprès de la chambre civile de la Cour de justice (ci-après : chambre civile) et a confirmé ne pas percevoir les contributions d'entretien de C______.

10) Le 7 avril 2017, Mme A______ a signifié à son assistante sociale l'irrégularité des paiements opérés par M. B______. Dès lors qu'elle attendait l'arrêt de la chambre civile, il lui était impossible de s'adresser au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA).

En raison des versements aléatoires de M. B______ et dans le but de ne pas péjorer la situation de Mme A______, l'hospice a comptabilisé uniquement les versements lorsqu'elle les recevait.

11) Le 24 août 2017, l'intéressée a remis à son assistante sociale son relevé de compte relatif au mois de juillet 2017. Il en ressortait un versement en faveur de sa fille de CHF 500.- le 6 juillet 2017. Le relevé était partiellement caviardé, ce dont l'assistante sociale s'est aperçue car le solde au 30 juin 2017 était inexpliqué. À la demande de celle-ci, Mme A______ lui a remis le relevé de compte complet le 17 octobre 2017. Il en ressortait que, le 6 juillet 2017, M. B______ avait versé la somme totale de CHF 1'800.-.

Par décision, non contestée, du 23 novembre 2017, l'hospice a demandé à sa bénéficiaire le remboursement des prestations indument perçues en juillet 2017.

12) Par arrêt du 6 septembre 2017, la chambre civile a fixé la contribution d'entretien de C______ à CHF 380.- par mois pour la période du 17 mars 2015 au 31 décembre 2016, à CHF 700.- par mois dès le 1er janvier 2017 jusqu'au 12 ans révolus de C______ et à CHF 900.- par mois jusqu'à sa majorité, voire au-delà en cas d'études sérieuses et régulières.

13) Le 24 octobre 2017, Mme A______ a communiqué le contenu de l'arrêt précité à son assistante sociale. Elle ne percevait toujours pas les pensions. Si le débirentier devait persévérer dans son attitude, elle saisirait le SCARPA.

14) Le 21 novembre 2017, l'intéressée a indiqué à son assistante sociale qu'elle ne percevait pas les contributions d'entretien. Elle avait l'intention de rétribuer son mandataire avec le rétroactif qu'elle recevrait des contributions d'entretien, estimé à CHF 10'000.-. Son assistante sociale lui a alors rappelé le principe de subsidiarité de l'aide sociale et lui a fait signer un « ordre de paiement », par lequel Mme A______ s'engageait à rembourser à l'hospice le montant qu'elle percevrait à titre de rétroactif des contributions d'entretien.

15) Par courrier du 21 novembre 2017, adressé à l'avocat de Mme A______, l'hospice a exposé que, conformément à l'art. 37 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), ses prestations étaient remboursables. Il a transmis « l'ordre de paiement » précité et précisé qu'à teneur de ce document, l'hospice devait être remboursé des avances qu'il avait accordées depuis le 1er mars 2013.

16) Lors de l'entretien du 18 janvier 2018, Mme A______ a indiqué qu'elle ne percevait pas de versements de M. B______.

17) Le 7 février 2018, M. B______ s'est acquitté du rétroactif des pensions alimentaires, en créditant le compte bancaire de l'intéressée d'un montant de CHF 10'000.- avec la mention « C______ 2016-2017 ».

18) Lors de l'entretien du 3 avril 2018, Mme A______ a produit son relevé bancaire sur lequel figurait le paiement du 7 février 2018. Le 7 mars 2018, elle avait confié à un de ses amis la somme de CHF 8'200.- « à titre de fiduciaire » pour une période limitée. Elle a produit le reçu signé par cet ami le 7 mars 2018. Selon ce reçu, la somme confiée ne lui appartenant pas ; il la rendrait à Mme A______ à première demande. Le but étant de « sécuriser cette somme sur un compte en banque au lieu de [ la ] laisser au domicile » de l'intéressée.

L'hospice lui a rappelé qu'elle aurait dû immédiatement l'informer de la réception de ce montant et déposer le décompte y relatif, ce qu'elle n'avait pas fait. Mme A______ a expliqué qu'elle devait utiliser la somme précitée pour rétribuer son conseil. L'assistante sociale lui a rappelé l'ordre de paiement signé et qu'elle devait rembourser les avances accordées par l'hospice en priorité.

19) Le 19 juin 2018, l'assistante sociale a signifié à Mme A______ son obligation de rembourser l'hospice. Faute de paiement de sa part, une demande de remboursement lui serait adressée.

Lors de l'entretien du 31 août 2018, les informations précitées ont été répétées à l'intéressée.

20) Par courrier du 25 septembre 2018, le conseil de Mme A______, se référant au courrier de l'hospice du 21 novembre 2017, a contesté que celui-ci fût fondé à réclamer le remboursement, à hauteur du versement des arriérés des contributions d'entretien, de l'aide accordée. La disposition sur laquelle l'hospice se fondait ne permettait pas de réclamer un tel remboursement.

Il a invité l'hospice à rendre une décision formelle s'il entendait persister dans sa volonté.

21) Lors de l'entretien du 6 novembre 2018 avec son assistante sociale, Mme A______ a indiqué que M. B______ avait commencé à lui verser la contribution d'entretien de CHF 700.-, ce depuis le 8 octobre 2018.

L'assistante sociale a intégré cette ressource dans le calcul des prestations dès le mois de décembre 2018 ; les prestations de l'hospice pour les mois d'octobre et novembre 2018 avaient déjà été versées.

22) Le 15 novembre 2018, puis le 10 décembre 2018, Mme A______ a remis une copie de ses relevés bancaires des mois d'octobre et novembre 2018, sur lesquels sont apparus deux versements de CHF 700.- de M. B______, respectivement le 8 octobre et le 1er novembre 2018.

23) Par décision du 1er mars 2019, l'hospice a demandé à Mme A______ la restitution de CHF 10'582.-.

La famille était aidée depuis avril 2015. Pendant l'entretien du 3 avril 2018, l'intéressée avait remis son relevé bancaire faisant état du versement de CHF 10'000.- provenant de M. B______, avec le commentaire « C______ 2016-2017 ». Par ailleurs, la bénéficiaire n'avait annoncé que le 6 novembre 2018 les versements perçus par ce dernier en octobre et novembre 2018. Ces montants n'avaient pas pu être intégrés dans le calcul des prestations versées par l'hospice pendant ces deux mois, ceux-ci ayant été annoncés tardivement. L'hospice en demandait donc le remboursement en application des dispositions de la « section 8 LIASI ».

Il était encore rappelé que l'aide sociale était subsidiaire aux prestations découlant du droit de la famille. L'attention de Mme A______ était aussi attirée sur la teneur des art. 9, 36 et 42 LIASI, qui étaient annexés à la décision.

Était également joint à la décision un tableau intitulé « décompte avances », faisant état des prestations d'aide sociale, des « subsides comblement », du total des prestations sociales et des « ressources non prévues HG ».

24) Le 5 avril 2019, Mme A______ a formé opposition contre la décision précitée, en concluant au non-remboursement de la somme sollicitée et à l'annulation de ladite décision en raison d'une application erronée de l'art. 37 LIASI.

25) Le 16 avril 2019, l'instance d'opposition a accusé réception de l'opposition et précisé que la demande de remboursement se fondait sur les art. 9 et 36 LIASI. Un délai au 17 mai 2019 était accordé à Mme A______ pour indiquer si, compte tenu des bases légales précitées, elle maintenait son opposition, auquel cas elle pouvait se déterminer sur d'éventuels motifs et moyens de preuves.

26) Le 17 mai 2019, Mme A______ a confirmé maintenir son opposition. Elle a souligné l'obligation de l'hospice de rendre une nouvelle décision formelle susceptible d'opposition, s'il fondait sa demande de remboursement sur l'art. 36 LIASI. Cette disposition avait été appliquée de manière erronée.

Par ailleurs, elle contestait la violation de son obligation de collaborer, dans la mesure où elle avait fait preuve de transparence envers l'hospice en lui indiquant qu'elle allait probablement percevoir un rétroactif. Elle déplorait la retenue de CHF 200.- sur ses prestations en remboursement de sa dette et exigeait la cessation de celle-ci ainsi que le remboursement des montants prélevés par l'hospice.

27) Le 21 mai 2019, l'hospice a restitué les CHF 200.- déduits prématurément de ses prestations.

28) Par décision du 3 mars 2020, l'hospice a rejeté l'opposition.

L'intéressée avait dûment été informée du caractère subsidiaire des prestations sociales versées, en particulier de celles découlant du droit privé telles que les contributions d'entretien et les pensions alimentaires, ceci étant expressément stipulé dans le document « Mon engagement », qu'elle avait signé à maintes reprises.

Les contributions d'entretien entraient dans les ressources prises en compte dans le calcul des prestations, puisque l'hospice comptabilisait celles-ci lorsqu'elles étaient versées. L'opposante était consciente de son l'obligation d'informer immédiatement l'hospice de tout fait susceptible d'entraîner une modification du montant des prestations perçues. Dès lors, en n'informant son assistante sociale de la réception du rétroactif de pensions alimentaires du 7 février 2018 que le 3 avril 2018, elle avait manqué à ladite obligation.

En signant « l'ordre de paiement » le 21 novembre 2017, Mme A______ était parfaitement avertie de son obligation de restituer à l'hospice tout rétroactif, dès lors qu'il couvrait une période durant laquelle l'hospice lui avait versé des prestations sans tenir compte des pensions alimentaires. Puisque l'intéressée avait perçu des prestations dans l'attente du jugement du TPI, lesdites prestations devaient être remboursées pour toute la période d'attente et jusqu'à concurrence du montant versé par l'hospice, dès la réception des arriérés.

La demande de remboursement portant sur les mois d'octobre et novembre 2018 se justifiait en raison de l'annonce et de la production tardives des relevés bancaires sur lesquels figuraient les versements opérés par M. B______, de sorte que l'hospice n'avait pas pu en tenir compte dans le calcul des prestations.

29) Par acte du 4 mai 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision sur opposition. Elle a conclu à son annulation et à ce qu'il soit dit qu'elle n'était pas redevable de la somme de CHF10'582.-.

Elle s'est plainte de la violation de son droit d'être entendue, dans la mesure où les courriers des 21 novembre 2017 et 1er mars 2019 de l'hospice n'étaient pas motivés et faisaient mention de bases légales erronées, permettant ainsi à l'hospice de modifier le fondement de sa demande de remboursement.

Elle avait honoré ses obligations envers l'hospice, dès lors qu'elle l'avait prévenu de l'éventuel rétroactif qu'elle percevrait et avait transmis tous les documents utiles à cet effet. Le principe de subsidiarité de l'aide sociale était respecté en ce sens que les prestations financières qu'elle avait perçues étaient dues et non-remboursables.

La somme réclamée se référait aux années 2016 et 2017, de sorte que l'hospice ne pouvait demander le remboursement pour une autre période, à savoir notamment celle partant du mois d'avril 2015 jusqu'à novembre 2018. Si la chambre administrative estimait qu'un montant devait être remboursé, celui-ci ne devrait pas dépasser la somme de CHF 5'000.10., à savoir celle se rapportant aux année 2016 et 2017.

30) L'hospice a conclu au rejet du recours.

Il avait, par courrier du 16 avril 2019, précisé les fondements juridiques de sa demande de remboursement, tout en invitant l'intéressée à s'exprimer sur ladite demande. Celle-ci avait ainsi eu l'occasion de se déterminer sur la cause et, partant, l'éventuelle violation de son droit d'être entendue avait été réparée dans la procédure d'opposition.

L'obligation de restituer un rétroactif de contributions d'entretien avait été admise par la jurisprudence. En recevant les arriérés de contributions pour une période d'aide financière, le bénéficiaire percevait des prestations à double puisque l'aide de l'hospice avait été déterminée sans tenir compte desdites contributions d'entretien. La recourante avait averti tardivement son assistante sociale des versements opérés par le père de C______ et avait manqué à ses obligations légales.

L'hospice avait mensualisé l'arriéré de CHF 9'000.- perçu le 7 février 2018 par la recourante pour la période où elle avait bénéficié de prestations, en remontant au mois d'avril 2015. C'était ce qui ressortait du tableau qui avait été annexé à la décision. Le tableau contenait une erreur en ce sens que la chambre civile avait modifié le jugement du TPI avant tout pour le rétroactif 2016-2017, qui se montait à CHF 10'000.- et non à CHF 9'000.-. Pendant cette période, la recourante avait bénéficié des prestations d'aide sociale. La somme totale due se montait à CHF 11'400.-, comportant l'arriéré de CHF 10'000.- perçu en 2018 et les montants de deux fois CHF 700.- correspondant aux contributions d'entretien courantes perçues, annoncées tardivement. L'hospice renonçait toutefois à revenir sur le montant de CHF 10'582.- réclamé.

31) La recourante n'a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

32) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans un premier grief, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, dès lors que les courriers de l'intimé n'étaient pas motivés et se référaient à des dispositions légales incorrectes, ne lui permettant pas de se déterminer sur les faits retenus dans la décision attaquée.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend, notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24  juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2).

b. En l'espèce, la décision du 1er mars 2019 indique qu'elle est motivée par le fait qu'il était ressorti du relevé bancaire produit lors de l'entretien du 3 avril 2018 que la recourante avait perçu le 7 février 2018 CHF 10'000.- du père de C______ et que lors de l'entretien du 6 novembre 2018, il était apparu que le débirentier avait commencé à verser les contributions d'entretien courantes en octobre 2018. Les prestations de l'hospice avaient déjà été versées, de sorte qu'il demandait le remboursement de ces sommes, en application de la section 8 LIASI. La décision mentionnait également les art. 9, 36 et 42 LIASI, annexés à la décision. Dans le cadre de la procédure d'opposition, l'hospice a précisé que la demande de remboursement était fondée sur les art. 9 et 36 LIASI et a laissé l'opportunité à la recourante de s'exprimer à ce sujet avant de rendre sa décision sur opposition.

Ainsi, à supposer que la décision du 1er mars 2019 ait consacré une violation du droit d'être entendu du fait d'un défaut de motivation, celle-ci a été réparée au cours de la procédure l'opposition. L'intéressée a pu faire valoir son point de vue et se déterminer devant la même autorité avant que la décision querellée ne soit rendue.

Par conséquent, le grief de la violation du droit d'être entendu sera écarté.

3) Le litige porte sur le principe et le montant de la demande de remboursement. Dans un premier temps, il convient de déterminer si le principe de la demande en remboursement de l'intimé est fondé.

a. La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel
(art. 1 al. 1 LIASI).

Les prestations d'aide financière versées en vertu de la LIASI sont subsidiaires à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, du 18 juin 2004, ainsi qu'à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit (art. 9 al.1 LIASI).

Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l'aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en oeuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI). Les pensions alimentaires font partie des revenus pris en compte pour le calcul du droit à des prestations en vertu de l'art. 22 al. 1 LIASI qui renvoie à l'art. 4 let. c de la loi sur le revenu déterminant unifié (LRDU- J 4 06).

L'art. 9 al. 3 LIASI énumère de façon non exhaustive les cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être accordées au titre d'avance sans mentionner le cas des pensions alimentaires dues (ATA/825/2015 du 11 août 2015 consid. 6). La jurisprudence retient ainsi l'exemple du recouvrement opéré par le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires. Elle a aussi retenu que si le bénéficiaire venait à percevoir directement le rétroactif, il était tenu de le rembourser à l'hospice à hauteur du montant des prestations d'aide sociale qui lui avaient été accordées (ATA/825/2015 précité consid. 6).

b. Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière
(art. 32 al. 1 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau, de nature à entraîner une modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou à les supprimer (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/1083/2016 du 20 décembre 2016 consid. 7b).

Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer à l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5c ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b ; aussi ATA/239/2015 et ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014;).

La juridiction de céans a déjà jugé que ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi l'administrée qui avait dépensé l'intégralité de la somme qui devait revenir de droit à l'hospice suite au versement par son mari du rétroactif de pensions alimentaires, alors qu'elle avait signé un ordre de paiement en faveur de l'hospice (ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5d ; ATA/825/2015 du 11 août 2015 consid. 11).

c. Toute prestation perçue indûment, soit touchée sans droit, peut faire l'objet d'une demande de remboursement (art. 36 al. 1 LIASI). Le remboursement peut être exigé du bénéficiaire d'aides financières s'il a agi par négligence ou fautivement, ou encore s'il n'est pas de bonne foi (art. 36 al. 2 et 3 LIASI).

d. Aux termes de l'art. 37 LIASI, si les prestations d'aide financière prévues par ladite loi ont été accordées à titre d'avances, dans l'attente de prestations sociales ou d'assurances sociales, les prestations d'aide financière sont remboursables, à concurrence du montant versé par l'hospice durant la période d'attente, dès l'octroi desdites prestations sociales ou d'assurances sociales (al. 1) ; il en va de même lorsque des prestations sociales ou d'assurances sociales sont versées au bénéficiaire avec effet rétroactif pour une période durant laquelle il a perçu des prestations d'aide financière (al. 3) ; l'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement ; le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 4).

e. De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment au sens de l'art. 36 LIASI (ATA/365/2020 du 16 avril 2020 consid. 4c ; ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 5b ; ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 consid. 5).

A fortiori, il en est de même pour toute prestation obtenue en violation d'une obligation de rembourser à l'hospice des prestations sociales constituant des revenus au sens de l'art. 22 LIASI, perçues avec effet rétroactifs
(art. 35 al. 1 let. f LIASI) - et donc aussi de rembourser des prestations conformément à l'art. 37 LIASI -, indépendamment d'une violation de l'obligation de renseigner (ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5a).

Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/72/2017 précité consid. 5 ; ATA/127/2013 du 26 février 2013).

4) En l'espèce, la recourante a signé, à plusieurs reprises, le document intitulé « Mon engagement » résumant ses obligations d'informer immédiatement ce dernier de toute modification dans sa situation financière et s'engageant à signer tout ordre de paiement relatif aux prestations accordées par l'hospice dans l'attente des prestations de tiers auxquelles elle pouvait prétendre. Elle a, par ailleurs, signé l'ordre de paiement par lequel elle s'engageait à rembourser à l'hospice tout arriéré de contribution d'entretien qu'elle percevrait.

Or, elle ne s'est pas conformée à ces obligations. En effet, elle n'a pas immédiatement signalé qu'elle avait reçu le 7 février 2018 l'arriéré de contributions d'entretien de CHF 10'000.-. Elle n'a communiqué cette information que lors de l'entretien du 3 avril 2018 avec son assistante sociale. Elle a, de même, tardé à informer l'hospice du fait que le père de sa fille avait repris le versement des contributions d'entretien courantes le 8 octobre 2018. Elle n'en a fait part à l'hospice que lors de son entretien du 6 novembre 2018. En outre, elle n'a pas remboursé le montant perçu le 7 février 2018, contrairement à l'engagement pris.

L'imprévisibilité des versements effectués par le père de sa fille ne justifie pas de ne pas avoir informé l'intimé. La recourante savait que celui-ci n'intégrait dans le calcul de ses prestations la contribution d'entretien que lorsqu'elle était versée. En outre, elle s'était expressément engagée à faire parvenir le rétroactif des pensions alimentaires à hauteur des prestations qu'il avait consenties.

Ainsi, la recourante a non seulement manqué à son obligation d'informer immédiatement et spontanément l'intimé de tous renseignements concernant sa situation financière, mais ne s'est pas non plus conformée à son engagement de rembourser l'hospice à hauteur des prestations de celui-ci lorsqu'elle percevrait l'arriéré de pensions.

La demande de remboursement est donc fondée en son principe.

5) a. À teneur de l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1) ; dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2). Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1377/2017 du 10 octobre 2017 consid 11).

b. En l'espèce, il a été établi ci-dessus que la recourante a violé son obligation de renseigner l'intimé à laquelle elle avait expressément souscrit en signant à plusieurs reprises le document « Mon engagement », ce dont elle était pleinement consciente ou devait l'être compte tenu de ses engagements. Pour cette raison, à teneur de la jurisprudence constante en la matière, l'intéressée ne peut se prévaloir de la bonne foi.

La deuxième condition, à savoir celle de la situation difficile que pourrait engendrer le remboursement, n'a pas lieu d'être traitée, les conditions posées par l'art. 42 al. 1 LIASI étant cumulatives.

6) La demande de remboursement étant fondée, il reste encore à déterminer son montant.

a. La recourante argue que le montant remboursable se chiffre tout au plus à CHF 5'000.10, dans la mesure où elle n'a perçu un rétroactif que pour les années 2016 et 2017.

b. Contrairement à ce que soutient l'intéressée, la demande de remboursement doit se fonder sur l'ensemble du rétroactif des contributions d'entretien qu'elle a perçu. L'arriéré de pensions alimentaires de CHF 10'000.- a été versé en février 2018. Il ressort du tableau des prestations versées par l'intimé entre avril 2015 et novembre 2018 que celles-ci s'élèvent à plus de CHF 100'000.- ; elles dépassent ainsi largement le montant dont le remboursement est demandé.

Par ailleurs, même à supposer qu'il ne faille tenir compte que des prestations versées par l'hospice en 2016 et 2017 au motif que l'arriéré de CHF 10'000.- ne se rapporterait qu'à cette période, lesdites prestations excèdent également ce montant, les seules prestations versées entre janvier et mai 2017 totalisant plus de CHF 10'000.-.

Enfin, il convient de relever que, compte tenu de la violation de l'obligation d'informer l'hospice du versement des pensions courantes, celui-ci aurait été fondé à réclamer la restitution de l'intégralité de ses prestations versées en octobre et novembre 2018. Il s'est toutefois limité à réclamer le remboursement des seules pensions de deux fois CHF 700.- non déclarées à temps par la recourante. Celle-ci ne semble d'ailleurs pas contester la décision sur ce point.

Pour le surplus, l'hospice a limité sa demande de remboursement à CHF 10'582.-, montant qu'il n'y a pas lieu de corriger, au regard du pouvoir d'appréciation laissé à cet égard à l'autorité intimée, qui a confirmé dans sa réponse au recours qu'elle renonçait à réclamer un montant supérieur à celui figurant dans sa décision.

Au vu de ce qui précède, le recours, en tous points mal fondé, sera rejeté.

7) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2020 par Madame A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 3 mars 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Steve Alder, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :