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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1414/2009

ATA/364/2010 du 01.06.2010 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 12.07.2010, rendu le 17.11.2010, REJETE, 2C_579/2010
Descripteurs : PLAGIAT; SANCTION ADMINISTRATIVE ; EXCLUSION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LDA.2 ; LDA.3 ; LDA.25
Résumé : Recours interjeté à l'encontre d'une décision d'élimination fondée sur une accusation de plagiat ainsi que sur l'insuffisance des crédits obtenus aux examens. En l'occurrence le tribunal n'a pas retenu le plagiat, l'étudiante ayant cru de bonne foi qu'elle intégrait dans son texte les corrections du professeur alors que ces dernières étaient en fait des extraits d'article destiné à la publication. En revanche décision d'élimination confirmée sur la base de l'insuffisance des crédits.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1414/2009-FORMA ATA/364/10

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 1er juin 2010

 

dans la cause

 

Madame K______
représentée par Me Jacques Emery, avocat

contre

INSTITUT DE HAUTES ÉTUDES INTERNATIONALES ET DU DÉVELOPPEMENT
représenté par Me Fernand Chappuis, avocat


EN FAIT

1. Madame K______, née en X______, s'est inscrite en juin 2006 à l'Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement (ci-après : IHEID) pour suivre un programme de master en affaires internationales (ci-après : MEI) à partir de septembre 2006.

Sur le formulaire d'inscription, Mme K______ a indiqué, au titre de formation suivie préalablement, qu'elle allait obtenir en juin 2006 un « master of arts in EU Studies in Economics ».

2. La durée des études était de quatre semestres consécutifs. Au cours de cette période, l'étudiante devait obtenir 120 crédits, dont 30 provenaient de l'admission du mémoire et 90 de la réussite des examens.

3. Déjà en septembre 2007 l'étudiante avait du retard dans l'obtention des crédits prévus par le programme.

4. Par courrier électronique du 22 novembre 2007 du secrétariat de l'IHEID, il était rappelé aux étudiants du MEI les délais concernant les échéances pour le mémoire : 18 février 2008 pour la remise du plan détaillé et 22 août 2008 pour le dépôt de la version finale.

5. Au mois de février 2008, l'étudiante a sollicité une entrevue avec le Professeur Charles Wyplosz, responsable du département d'économie. Elle avait reçu un courrier du directeur de son programme, le Professeur Liebich, lui indiquant qu'au vu de ses résultats elle n'allait pas obtenir le diplôme.

6. Suite à cet entretien, le Prof. Wyplosz a pris contact avec le Prof. Liebich. A l'issue de cette conversation, le Prof. Wyplosz a indiqué à Mme K______ qu'une prolongation d'une année serait envisageable si elle suivait le dernier semestre de cours en passant les cinq examens y relatifs et qu'elle présentait son mémoire à temps.

7. L'étudiante a réussi deux examens au terme du semestre d'été.

8. Mme K______ devait rédiger le mémoire sous la direction du Professeur Cédric Tille. Après un premier contact avec lui pour définir le sujet en automne 2007, il lui appartenait de trouver des données pour réaliser son mémoire dont la rédaction devait débuter en mai-juin 2008 afin de pouvoir tenir le délai imposé.

9. A cette fin, l'étudiante a sollicité l'aide du Docteur Xavier Debrun, qu'elle connaissait parce qu'il avait été professeur invité par l'IHEID pour l'année 2006-2007.

En 2008, celui-ci travaillait auprès du Fonds monétaire international (ci-après : FMI). Techniquement il ne pouvait pas être directeur de mémoire mais il avait déjà aidé certains de ses anciens étudiants.

Il a signalé au Prof. Wyplosz qu'il était d'accord d'aider Mme K______ en lui fournissant des données et en suivant la rédaction du travail, le Prof. Tille restant directeur du mémoire. Le Prof. Wyplosz n'a pas émis d'objection.

10. Accaparée par les cours et la préparation d'examens, Mme K______ n'a commencé la rédaction du mémoire qu'à la fin du quatrième semestre.

11. Comme il s'est avéré difficile de trouver des informations sur le thème initialement choisi et qu'il restait peu de temps, le Dr Debrun a conseillé à l'étudiante de changer de sujet.

Il l'a aiguillée sur un sujet en corrélation avec une problématique sur laquelle lui-même travaillait et avait entrepris des recherches afin d'être en mesure de l'aider en lui fournissant des données statistiques prêtes à l'emploi. Il lui a ainsi suggéré d'étudier le lien entre taux d'intérêt et variables de politique fiscale : dette, déficit et règles fiscales. L'idée étant qu'elle puisse répliquer des exercices assez simples, identiques à ceux sur lesquels il travaillait, pour qu'elle se familiarise avec des méthodes de base, puis d'étendre l'analyse dans plusieurs directions qu'il n'envisageait pas d'explorer lui-même.

12. Par courrier électronique du 4 septembre 2008, Mme K______ a remis au Prof. Tille un projet de dissertation de trente-six pages intitulé : « Dissertation sur la politique fiscale et les taux d'intérêts dans l'Union Européenne : Une Analyse Empirique » (Fiscal Policy and Interest Rates in the European Union : An Empirical Analysis).

La version définitive de son mémoire, répondant au même titre et comportant quarante-trois pages, a été remise au Prof. Tille à la fin du mois de septembre 2008.

13. Le 24 septembre 2008, le Dr Debrun a publié le résultat de ses travaux, en collaboration avec Messieurs J______ et M______, avec le titre « International Monetary Fund Hungary : Selected Issues » (Note N° 08/314 MFI), sous l'égide du FMI.

14. Par courrier électronique du 29 septembre 2008, Mme K______ a remis la version définitive de son mémoire au Prof. Wyplosz en lui demandant de fonctionner comme deuxième lecteur.

15. A lecture du mémoire, les Profs Tille et Wyplosz se sont rendus compte que de larges extraits du document n'avaient pas été écrits par son auteur et provenaient de quelqu'un d'autre. En insérant des extraits du texte dans un moteur de recherche informatique, ils ont trouvé le document du FMI dont l'auteur était le Dr Debrun.

16. Le Prof. Wyplosz, soupçonnant un plagiat, a alors pris contact avec le Dr Debrun pour avoir son opinion.

17. Dans sa réponse par courrier électronique du 3 octobre 2008, celui-ci a indiqué que le problème auquel il avait été confronté avec Mme K______ était d'avoir une idée réalisable qui puisse être rapidement utilisée et de trouver les données à cet effet. C'était pour cette raison qu'il lui avait suggéré de développer quelque chose de similaire au travail qu'il effectuait en vue d'une publication sur des questions choisies. Ainsi il n'était pas étonnant que, dans plusieurs cas, les résultats soient similaires ou même identiques. Il l'avait encouragée à appliquer à ces données « l'étude de Ardagna et al. » afin de motiver le choix des spécifications et des experts qu'elle utilisait. Le mémoire constituerait ainsi une expérience d'apprentissage et fournirait aux professeurs la preuve qu'elle pouvait trouver sa voie à travers une analyse empirique.

En fait elle semblait s'être limitée très strictement aux spécifications qui donnaient des résultats et n'avait fait que « bricoler » avec le texte d'un projet dont elle disposait.

En conclusion, il fallait revoir les critères de sélection pour l'admission des étudiants car le problème de fond était que cette étudiante n'avait pas la formation adéquate pour suivre le programme du MEI. Une telle situation pouvait avoir de sérieuses implications au niveau humain. En réalité il s'était retrouvé à aider une personne qui n'aurait pas dû être là. Il s'excusait pour le rôle involontaire qu'il avait joué dans cette affaire, le cas lui paraissant malheureusement clair (sic).

18. Par pli du même jour au Professeur Riccardo Bocco, directeur du MEI, le Prof. Wyplosz l'a informé du fait que le mémoire de Mme K______ constituait un plagiat et lui a transmis le dossier.

Pour corroborer son opinion il fournissait deux exemples :

- les pages 28 et suivantes du mémoire étaient une reprise directe des pages 12 et suivantes du texte du Dr Debrun ;

- les tableaux des pages 25, 30 et 34 étaient quasi identiques à ceux des pages 16, 18 et 20.

L'étudiante avait présenté son travail comme étant le sien propre, sans mentionner que les explications des résultats, identiques mot pour mot, n'étaient pas les siennes. De même, elle n'avait pas indiqué à son superviseur, le Prof. Tille, qu'elle avait eu des discussions détaillées avec le Dr Debrun.

19. Par courrier recommandé du 9 octobre 2008, l'IHEID a notifié à Mme K______ son élimination du MEI au motif qu'elle n'avait pas obtenu le total de 90 crédits d'enseignement requis par le programme et qu'elle avait commis un acte de plagiat dans son mémoire.

20. L'étudiante, choquée par l'accusation de plagiat, s'est expliquée auprès du corps professoral par courrier électronique du 15 octobre 2008.

Après avoir exposé dans quelles circonstances elle avait fait appel au Dr Debrun, elle a reconnu qu'elle l'avait souvent sollicité, lui posant d'innombrables questions. Il l'avait beaucoup aidée en lui prodiguant de nombreux conseils.

Il lui avait fourni les données ainsi que des directives pour procéder à leur interprétation. Il lui avait notamment donné une liste de références à étudier en lui conseillant de leur appliquer « l'étude de Ardagna et al ». Il avait également conseillé d'opérer des régressions sur la base de données particulières qui apportaient des résultats très similaires à son propre travail. Comme elle rencontrait des difficultés au sujet des interprétations, le Dr Debrun lui avait suggéré quelques phrases en lui donnant la possibilité de les utiliser. Elle avait suivi sa supervision, n'ayant pas le temps par ailleurs de développer l'analyse comme il l'aurait souhaité. Elle s'était limitée à ce qui fonctionnait et avait suivi à la lettre les conseils du Dr Debrun. Ce dernier ne lui avait jamais indiqué qu'il utilisait ces données pour rédiger une contribution destinée à la publication.

Elle avait toujours pensé qu'elle pouvait utiliser librement, dans son mémoire, les informations qu'il lui avait fournies. D'ailleurs, le Dr Debrun n'avait fait aucune remarque lorsqu'elle lui avait soumis la dernière version de son mémoire, se bornant à constater que le travail était terminé.

Elle s'était limitée à suivre ses conseils, ce qui ne constituait pas un plagiat. Elle n'avait pas eu connaissance de l'article du Dr Debrun, qui n'avait d'ailleurs paru qu'après qu'elle ait remis son travail au Prof. Tille. Cette histoire ne constituait qu'un tragique malentendu et non un plagiat.

21. Dans sa réponse à l'étudiante du 16 octobre 2008, le Prof. Wyplosz a donné sa propre interprétation des évènements.

Le Dr Debrun lui avait fourni les données sur lesquelles lui-même travaillait ainsi que les indications nécessaires pour effectuer l'analyse économétrique, l'invitant en fait à répliquer ses analyses. L'étudiante avait réussi à obtenir des résultats très semblables aux siens et lui avait demandé de l'aider pour les interpréter. Le Dr Debrun n'ayant pas le temps de traiter toutes ces questions, il avait copié et envoyé l'interprétation qu'il avait déjà écrite. L'étudiante avait recopié le texte en l'insérant dans son mémoire. Comme le Dr Debrun ne lui avait pas indiqué qu'il préparait un article, elle ne s'était pas rendue compte qu'elle plagiait un texte destiné à la publication. Cependant il ressortait de son mémoire que des paragraphes entiers n'étaient pas rédigés de sa plume. Même si le Dr Debrun l'avait autorisée à utiliser son texte, il n'en demeurait pas moins qu'elle l'avait présenté comme le sien propre alors que tel n'était pas le cas. En outre, si le professeur lui avait fourni des tableaux, elle aurait à tout le moins dû se demander s'il ne préparait pas une publication.

Indépendamment de la question du plagiat, restait le problème de savoir si le mémoire représentait un travail original. En effet elle n'avait pas rassemblé les informations elle-même, reproduisant les résultats du Dr Debrun, sans s'écarter du modèle. De surcroît, elle avait utilisé l'interprétation de ce dernier au mot près.

Lorsqu'elle avait envoyé le texte de son mémoire au Dr Debrun, ce dernier ne l'avait pas lu assez attentivement pour se rendre compte qu'elle avait inséré ses indications directement dans le texte. N'étant pas son superviseur, il n'avait d'ailleurs pas à le faire, l'ayant déjà bien trop aidée.

En conclusion, Mme K______ n'avait pas réalisé qu'elle avait copié un ouvrage à paraître et le Dr Debrun n'avait pas compris de quelle manière elle avait utilisé les informations qu'il lui avait fournies. Il n'en demeurait pas moins qu'elle s'était révélée incapable de faire davantage que de reproduire le travail d'autrui. En conséquence l'IHEID ne pouvait pas attribuer une note à son mémoire puisqu'elle ne l'avait pas rédigé. Il appartenait au Prof. Bocco, directeur du MEI, de prendre une décision finale à ce sujet.

22. Il ressortait d'un échange de courriers électroniques intervenu les 20 et 21 octobre 2008 entre la recourante et le Prof. Tille, qu'elle attribuait en partie son échec académique à une dépression qui s'était intensifiée au cours de ses études et qu'elle avait tout d'abord tenté de dissimuler. Ayant changé d'avis, elle envisageait de consulter un médecin.

23. Le 24 octobre 2008, Mme K______ a consulté en urgence la Doctoresse Suzanna Joliat DuBerg, psychiatre et psychothérapeute.

Il ressortait d'un certificat médical daté du 14 novembre 2008 que l'étudiante était en état de choc. Ce qui dominait le tableau clinique était un état d'angoisse et de détresse extrême avec des phobies d'impulsions suicidaires.

Cette décompensation dépressivo-anxieuse grave était en rapport direct avec les évènements survenus dans le cadre de son école et notamment l'accusation de plagiat ainsi que les notes insuffisantes dans une matière pour laquelle elle n'avait pas reçu le soutien nécessaire.

Ces événements revêtaient un caractère traumatique, mais s'ils avaient eu un impact psychologique si fort c'était qu'ils avaient fonctionné comme déclenchement du rappel d'autres événements traumatiques vécus par le passé par l'étudiante. La thérapie en cours devait lui permettre de retrouver toutes ses capacités de travail. Le projet de finir sa formation apparaissait comme une tâche envisageable ainsi qu'une partie importante de son processus de guérison.

24. Mme K______ a formé opposition en temps utile à l'encontre de la décision d'élimination.

Elle avait été admise au MEI sur la base de ses excellents résultats académiques malgré le fait qu'elle n'avait pas de solides bases en économie. Elle avait rapidement réalisé que ses lacunes dans cette branche ne lui permettaient pas de suivre les cours à la même vitesse que ses camarades. Elle s'était entretenue avec ses professeurs des difficultés qu'elle rencontrait. Bien qu'ils aient manifesté une certaine compréhension, ils ne lui avaient fourni aucun soutien concret. A la fin de la première année, elle avait pris contact avec le directeur du programme pour demander à pouvoir bénéficier d'une prolongation d'une année pour terminer le MEI. Alors même qu'elle n'avait pas encore passé toutes les matières obligatoires, l’IHEID avait posé la condition qu'elle réussisse les examens relatifs aux matières obligatoires du troisième semestre et que, parallèlement, elle rédige son mémoire pour qu'elle puisse bénéficier d'une telle prolongation. Ces exigences n'ayant fait qu'aggraver les difficultés qu'elle rencontrait déjà, elle avait demandé l'aide du Dr Debrun.

Pour ce qui concernait la préparation du mémoire, elle a repris l'argumentation déjà développée dans son message électronique du 15 octobre 2008, contestant l'accusation de plagiat.

Enfin, elle faisait valoir que la pression qu'elle avait subie pendant le programme et tout particulièrement vers la fin de la deuxième année, lui avait occasionné des problèmes de santé qui s'étaient intensifiés au fil du temps. Ces deux raisons l'avaient d'ailleurs conduite à rechercher l'aide et le soutien du Dr Debrun.

Elle demandait à ce que la décision soit revue à la lumière de ces circonstances. Elle ne sollicitait pas l'acceptation de son mémoire, mais qu'on lui donne la possibilité de se concentrer sur les cours obligatoires afin qu'elle puisse passer les examens et que grâce aux connaissances ainsi acquises elle soit à même de rédiger un nouveau mémoire.

En conclusion, elle requerrait l'annulation de l'élimination et demandait qu'une année supplémentaire lui soit accordée pour remplir ses dernières obligations.

25. L'étudiante a obtenu de pouvoir continuer à suivre les cours pendant la durée de la procédure, participant ainsi à un cinquième semestre sans être formellement enregistrée.

26. Dans un courrier électronique du 25 novembre 2008 adressé au Professeur Philippe Burrin, directeur de l'IHEID, le Dr Debrun, informé de l'opposition interjetée par Mme K______, a pris position sur l'accusation de plagiat. L'étudiante pouvait légitimement considérer qu'il n'avait aucune prétention à la propriété intellectuelle des informations qu'il avait partagées avec elle et que, par conséquent, elle bénéficiait de son autorisation tacite d'utiliser ou de transformer celles-ci sous son propre nom.

Au vu de la pression à laquelle Mme K______ avait été soumise pour se conformer aux échéances convenues avec la section d'économie, il lui avait suggéré de concentrer ses efforts sur la reproduction et l'élaboration de travaux existants dans le but de démontrer sa capacité à maîtriser les bases nécessaires à la conduite d'une étude empirique. Contraint par ses propres échéances professionnelles, il lui avait transmis une base de données qu'il étudiait, l'invitant à exécuter certains tests statistiques y compris certains tests sur lesquels lui-même travaillait dans le cadre de sa propre étude.

L'étudiante avait travaillé pendant l'été pour apprendre les méthodes et techniques nécessaires à l'exécution de cette étude. Il lui avait fourni de nombreux conseils spécifiques, y compris sur la programmation et les interprétations. Il avait partagé avec elle des formats standardisés de tableaux pour la présentation des résultats.

L'accusation de plagiat était essentiellement basée sur deux tableaux qui étaient nécessairement presque identiques à ceux de son rapport. En effet, elle appliquait les mêmes tests statistiques, utilisant les mêmes données et le même logiciel de calcul. Par ailleurs, il avait identifié au moins un tableau qui n'était pas dans son rapport et qu'il n'avait pas produit, mais qui utilisait le format standardisé qu'il lui avait fourni. Si le mémoire de Mme K______ comportait des paragraphes similaires ou quasi identiques aux siens, c'était parce qu'il avait copié et inséré des paragraphes issus de son propre rapport dans des courriels répondant à ses questions à propos de l'interprétation des résultats.

Il n'avait jamais informé l'étudiante du fait que ses conseils étaient fondés sur des travaux pour lesquels le FMI pourrait prétendre à la propriété intellectuelle. Bien que Mme K______ ait fait usage de ses contributions, parfois de manière littérale, ce qui au demeurant était fréquent chez les étudiants, il n'y avait pas de droit intellectuel sur les conseils. Il avait volontairement communiqué à l'étudiante les éléments que l'IHEID retenait à l'encontre de cette dernière en les lui présentant comme des conseils.

Pour le surplus, en réexaminant les « éléments probants » fournis par le Prof. Wyplosz pour lui demander son avis, il s'était rendu compte que ces pages n'étaient pas partie intégrante du mémoire final qui avait été soumis à l'IHEID.

Au vu de ces circonstances, les éléments de preuve fournis en soutien à l'accusation de plagiat lui paraissaient invalidés, cette accusation ne pouvant subsister. Encore une fois, il s'excusait du malentendu qu'il avait contribué à créer.

27. A l'issue du cinquième semestre, Mme K______ s'est présentée à deux examens qu'elle a réussis.

A sa requête, le Professeur Ugo Panizza, professeur d'économétrie, a adressé un courrier le 19 février 2009 au Prof. Burrin pour appuyer la demande d'extension d'une année académique. L'étudiante était extrêmement motivée et avait obtenu la note 5 en économétrie. Cette note consistait en une moyenne entre la note obtenue en macro-économétrie soit 5,5, l'une des plus élevées du cours et la partie micro-économétrie.

En macroéconomie elle avait obtenu la note 4.

28. Il ressortait d'un échange de courriers électroniques survenu en février 2009 entre Mme K______ et le Prof. Wyplosz, qu'elle serait éliminée du MEI au motif qu'elle n'avait pas obtenu les crédits suffisants et qu'elle n'avait pas rédigé le mémoire, raison pour laquelle aucune note ne pouvait lui être attribuée. L'étudiante en avait déduit que l'accusation de plagiat était abandonnée.

29. En date du 2 mars 2009, la commission des oppositions, constituée de Messieurs Arcidiacono, Bocco, Dupont, Jacquet, Schulte-Tenckhoff et Tille, a rédigé un rapport à l'attention du collège des professeurs.

Elle laissait ouverte la question de la recevabilité de l'opposition dans la mesure où cette dernière était mal fondée.

L'étudiante était soumise au règlement d'études du MEI du 25 novembre 2005 ainsi qu'à son règlement d'application du 1er novembre 2005, entrés en vigueur le 1er janvier 2006.

Il ne ressortait pas clairement des conclusions de l'opposante si la réclamation portait sur le contrôle des connaissances en tant que tel, qui relevait de la compétence de la commission des oppositions, ch. III du règlement interne relatif aux procédures d'opposition et de recours du 14 juin 2007 (RIOR), ou si cette réclamation se voulait être une opposition de caractère général du ressort de l'organe qui avait pris la décision, donc du directeur de l'IHEID en l'occurrence (RIOR ch. II). Dans la mesure où l'opposante semblait contester la méthode d'évaluation de son travail, la commission des oppositions instruisait le volet relatif au contrôle des connaissances.

Il n'y avait aucune trace d'arbitraire dans la manière dont le travail de Mme K______ avait été évalué, puisqu'il avait été constaté sans doute possible que le mémoire déposé correspondait, sur de larges parties, mot pour mot au travail intellectuel d'autrui, que l'étudiante présentait faussement comme sien. Son comportement remplissait les éléments constitutifs du plagiat, notamment l'absence de création personnelle. Ce faisant, elle avait violé les règles élémentaires de correction scientifique, des problèmes de santé ne pouvant en aucun cas excuser un tel comportement.

Le plagiat étant bien réalisé, l'attribution de la note zéro était justifiée sous l'angle de l'évaluation et du contrôle des connaissances.

La commission proposait donc au collège des professeurs de rejeter l'opposition de l'étudiante dans la mesure où elle relevait de sa compétence.

Sur les autres points ne portant pas sur le contrôle des connaissances, la commission transmettait le dossier à l'organe compétent, le directeur, en l'occurrence.

Le message électronique du Prof. Wiplosz au Prof. Bocco du 3 octobre 2008 était joint au rapport.

30. Par pli du 6 mars 2009, l'étudiante a complété son opposition, reprenant pour l'essentiel les arguments déjà développés précédemment.

31. Suite au dépôt de ces écritures, Mme K______ a été publiquement expulsée des cours en étant invitée à quitter la classe et à ne plus y revenir. Selon les explications fournies par le Prof. Burrin le 14 mars 2009, l'étudiante avait dû quitter les cours parce qu'elle ne s'était pas acquittée des frais d'écolage pour l'année académique 2008-2009.

32. Par décision du 18 mars 2009 le directeur de l'IHEID a rejeté l'opposition interjetée par Mme K______ à l'encontre de la décision d'élimination du 9 octobre 2008.

En tant que l'opposition pouvait porter sur l'évaluation et le contrôle des connaissances, la présence d'un plagiat et la note 0 avaient été confirmées par le collège des professeurs par décision du 10 mars 2009.

Le plagiat apparaissait comme grave compte tenu des circonstances. Il n'y avait pas lieu d'admettre la présence d'éléments exceptionnels de nature à atténuer ou supprimer la conséquence de l'acte répréhensible, la présence de problèmes personnels, notamment de santé, ne constituant pas un tel élément.

L'élimination était une sanction respectant le principe de proportionnalité.

Au surplus, après l'écoulement des quatre semestres réglementaires, le relevé des résultats de l'étudiante du 29 septembre 2008 laissait apparaître l'acquisition de 48 crédits d'enseignement sur un total de 90 crédits à réunir à ce titre. L'insuffisance des crédits étant sévère, elle amenait également à fonder l'élimination de l'étudiante.

Au vu de ce qui précédait, il n'était pas possible d'entrer en matière sur les autres requêtes de l'étudiante, notamment la demande de prolongation d'une année supplémentaire.

Etait joint à la décision le rapport d'instruction de la commission des oppositions au collège des professeurs.

33. Par acte du 20 avril 2009, Mme K______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif à l'encontre de la décision précitée. Elle a conclu à son annulation. Elle demandait que l'IHEID valide les examens réussis lors du premier semestre 2008-2009 (cinquième semestre pour la recourante) ainsi que le mémoire et qu'il lui permette de passer les examens qu'elle devait encore réussir au cours du deuxième semestre de l'année académique 2008-2009.

En substance, le plagiat ne pouvait être retenu dans la mesure où elle ignorait que les conseils du Prof. Debrun devaient être insérés dans un texte destiné à la publication. De plus, la décision querellée était contraire au principe de la confiance puisqu'au moment de l'inscription, la recourante ne savait pas qu'elle pouvait faire une demande visant à la prolongation de la durée des études. Son élimination sur la base des crédits insuffisants obtenus dans les diverses matières était contraire, tant au principe de la proportionnalité, que de la subsidiarité. Enfin, il se justifiait de lui accorder une prolongation extraordinaire au vu de la dépression dont elle avait souffert.

Pour le surplus, les arguments développés seront repris ci-après en tant que de besoin.

34. Par pli du 8 juillet 2009, l'IHEID a conclu au rejet du recours.

Pour l'essentiel il a repris les arguments déjà développés dans la décision querellée.

L'éventuel accord de l'auteur plagié ainsi que l'absence de publication de l'ouvrage copié ne guérissaient pas le défaut d'originalité du travail de l'étudiante. Pour le surplus, cette dernière avait eu connaissance du règlement au moment de l'inscription. Enfin, elle avait déjà obtenu de l'IHEID divers aménagements, partant il n'y avait pas de raison d'entrer en matière sur une prolongation extraordinaire.

35. Par pli du 16 septembre 2009, la recourante a transmis au tribunal de céans la traduction d'un certain nombre de pièces et a sollicité l'audition de témoins.

36. Le 26 octobre 2009, le juge délégué a procédé à l’audition des parties.

a. Mme K______ a contesté l’accusation de plagiat. Pour ce qui avait trait au paragraphe dont le texte était très similaire à celui de l'article du Dr Debrun, elle avait écrit ses textes et les lui avait soumis. Il les avait corrigés puis elle avait intégré la version finale dans son travail. Le Prof. Tille était resté son directeur de mémoire. Elle avait contacté le Dr Debrun, qui avait suggéré de changer de sujet. Elle n’avait pas pu s’occuper beaucoup de son mémoire à cause des cours qu’elle suivait et elle s’était mise à travailler sur le mémoire seulement à la fin du quatrième semestre. Le Dr Debrun avait signalé au Prof. Wyplosz qu’il était d’accord de l’aider en fournissant des données et en suivant la rédaction du mémoire.

Avant d'arriver à l'IHEID, elle n'avait suivi qu'un cours d'introduction très général à l'économie, sans mathématiques ni statistique.

b. Selon le Prof. Bocco, directeur des études de master de l'IHEID, il y avait plagiat car le travail d’un autre avait été repris tel quel sans que cela soit mentionné. Le Dr Debrun n’était pas le directeur de mémoire et il intervenait dans une relation privée sans que le Prof. Tille soit au courant. En principe, un directeur de mémoire était là pour assister et structurer les travaux de l’étudiant. La densité des échanges variait en fonction des étudiants et des directeurs de thèse. L’institut attendait de ses enseignants qu’ils suivent les travaux et qu’ils répondent aux éventuelles questions de l’étudiant. Il savait que le Prof. Wyplosz avait été mis au courant mais pas le Prof. Tille.

Tant que l’IHEID n’avait pas admis qu’il y avait plagiat, les professeurs pondéraient la possibilité d'accorder à Mme K______ une année supplémentaire. Une fois le plagiat admis, la question ne se posait plus. C’était la commission des oppositions qui avait eu connaissance de la lettre du Dr Debrun. La commission rédigeait un avis qu’elle transmettait au collège des professeurs, qui n’avait pas accès à l’intégralité des pièces, sauf s’il les demandait.

c. Le Prof. Tille a expliqué que les étudiants rédigeaient leur mémoire au cours de la deuxième année. Il avait vu Mme K______ plusieurs fois pendant l’automne pour définir le sujet. Par la suite, il avait eu des difficultés à avoir des contacts avec elle.

Elle l’avait contacté pendant l’été pour lui indiquer qu’elle avait changé le thème de son travail et lui avait remis, deux ou trois jours plus tard, la première version de son mémoire, sous forme de document électronique. A ce stade, sa seule intervention au niveau scientifique avait été de lui donner un « feed-back » très bref au sujet de ce document. Elle avait un problème de délai car elle était déjà en retard.

Il n'avait appris que le Dr Debrun aidait son étudiante qu’au moment où cette dernière l'avait informé du changement de sujet. Il n’avait jamais eu de contact au sujet de ce travail avec le Dr Debrun.

A lecture du texte de l’étudiante, il avait été frappé par les sauts qualitatifs dans le projet de mémoire. En insérant le titre dans un moteur de recherche informatique, il s’était aperçu que les travaux du Dr Debrun ressortaient. Il avait pu constater que la date de publication de ces travaux était postérieure à la date du mémoire. Il avait alors transmis ces informations au Prof. Wyplosz pour qu'il se renseigne auprès du Dr Debrun afin de savoir si ce dernier avait donné du matériel à Mme K______. Le Prof. Tille savait que le Dr Debrun était intervenu, ce qui n'autorisait toutefois pas l'étudiante à reprendre ses travaux, sans mentionner la source et sans ajouter de valeur à la réflexion. Il n’avait pas été frappé par le fait que la première version du mémoire soit beaucoup plus courte que la seconde. La substance était identique. Il ne se rappelait pas s’il avait eu des soupçons de plagiat avant ou après avoir reçu la deuxième version du mémoire.

Pour lui, l’analyse statistique qu’un étudiant devait réaliser dans le cadre d’un mémoire devait aller plus loin ou être différente de celle déjà effectuée par le professeur. Si un étudiant parvenait à des résultats que lui-même avait déjà obtenus, il lui demandait d’aller plus loin. La rédaction du texte d’interprétation des résultats était du ressort de l’étudiant uniquement. Si un étudiant qu’il suivait pendant l’élaboration du mémoire reprenait intégralement des textes qu’il avait écrits sans les citer et sans valeur ajoutée, il lui demandait de rectifier le tir et de compléter le travail. Dans le cas où ces éléments se trouvaient encore dans le travail final, il ne l’admettait pas. Lorsqu'un étudiant reprenait intégralement les analyses statistiques ou le texte du professeur qui le conseillait, sans amener un éclairage personnel et sans faire référence à l’auteur des écrits, il commettait un plagiat.

Il n’avait pas indiqué à Mme K______ que l’accusation de plagiat était abandonnée. Elle lui avait indiqué que c’était le cas, ce qu’elle disait tenir du Prof. Wyplosz. Selon lui, la décision finale appartenait à l’IHEID.

Lorsque Mme K______ lui avait dit qu’elle désirait obtenir une année supplémentaire, il lui avait répondu que la décision appartenait à l’institut et il en avait parlé avec le Prof. Bocco. Il ne se rappelait pas que Mme K______ lui ait présenté d’autres documents de travail que les deux versions du mémoire. La pièce n° 5 de l’institut démontrait le défaut d’originalité du travail de Mme K______. Pour lui, il s’agissait d’un plagiat. Sur question du juge, il indiquait par exemple que les n°s 27 et 28 à la fin du document amenaient des éléments qui dépassaient l’analyse statistique et lui faisaient penser que l’auteur originel était le Dr Debrun et non Mme K______.

Il estimait que l’institut avait donné toutes ses chances à Mme K______. A titre d'exemple, elle avait suivi à trois reprises les cours de macro-économie et obtenu une note située vers la moyenne (4,0). Il avait déjà eu des étudiants qui n’avaient pas les bases d’économie en début de master. Ils devaient beaucoup travailler et c’était très difficile pour eux. Personnellement, il essayait de les repérer pour pouvoir les épauler un peu plus. Grâce à un gros effort, ils pouvaient arriver au succès.

d. Le Dr Debrun a indiqué qu'il avait été contacté par Mme K______ pendant le printemps 2008.

Elle désirait obtenir des données statistiques sectorielles concernant la Corée du Sud pour son travail de mémoire. Malgré ses recherches, il n’avait pas trouvé ces informations. Ils s’étaient revus en juin 2008 à Genève et elle lui avait expliqué devoir faire face à de gros problèmes car elle n’arrivait pas à avancer dans son mémoire. Il lui avait alors suggéré de changer de thème et de travailler sur un sujet pour lequel il existait déjà une littérature abondante. Tout d’abord, il lui avait remis des données statistiques brutes qui n’étaient malheureusement pas exploitables. Ensuite, il lui avait transmis des données sur lesquelles lui-même travaillait, de même qu’un article sur le sujet, dont il n’était pas l’auteur. Il avait exercé de facto un intense travail de superviseur. Mme K______ avait exploité les données d’une manière fructueuse, ce qui lui avait permis de prendre confiance et d’élaborer des analyses originales. Il y avait eu quelques parties originales, mais pas autant qu’il l’espérait, principalement à cause des courts délais à disposition.

Pour ce qui avait trait aux tableaux statistiques, il ne lui avait pas fourni de tableaux déjà complétés. Il lui avait suggéré les outils d’analyse connus et traditionnels qui, appliqués aux données qu’il lui avait transmises, donnaient forcément les mêmes résultats statistiques. Il lui avait également fait parvenir les squelettes de présentation excel. Il n’y avait pas de données dans ces squelettes. En conséquence, les tableaux litigieux dans le mémoire n’étaient pas des « copier-coller » serviles. Elle avait utilisé les squelettes qu’il avait produits et les avait remplis avec ses propres résultats, obtenus avec les données qu’il lui avait transmises.

En ce qui concernait le texte, Mme K______ lui avait tout d’abord proposé des interprétations qui étaient erronées. Il lui avait dit que cela n’allait pas et qu’il fallait pousser la réflexion plus loin. Ils avaient eu de nombreux échanges par mail. Il travaillait personnellement à l’élaboration d’un article sur le sujet, qui lui demandait beaucoup de temps. Il lui était arrivé, dans ses courriels, de lui dire que son interprétation n’allait pas et de lui en suggérer une autre en insérant dans le message des parties de son propre texte. Cependant, il n’avait pas communiqué des passages qu'elle aurait dû mentionner, comme des citations. Il ne s’agissait que de travaux en cours d’élaboration. Il ne pensait pas avoir indiqué à Mme K______ qu’il rédigeait un article sur le sujet. Il avait eu en sa possession, sans le lire, le mémoire final de Mme K______. Il n’avait pas lu non plus les versions intermédiaires. Il n’était même pas sûr de les avoir reçues.

A propos de son courrier électronique du 3 octobre 2008 en réponse au courriel du Prof. Wyplosz qui lui soumettait des extraits de texte proches de sa publication, il avait répondu trop rapidement que leur ressemblance avec son propre article était frappante. Il ne s’était rendu compte qu’ultérieurement de l’impact que cela pouvait avoir pour Mme K______. Il avait alors désiré préciser ce qui s’était passé, raison pour laquelle il avait rédigé le courrier du 25 novembre 2008. Il était exact que le document annexé au courriel du Prof. Wyplosz n’était pas la version finale du mémoire de diplôme. Il avait considéré qu’il s’agissait d’une version intermédiaire car certaines parties figurant dans le mémoire final n’y étaient pas.

D'un point de vue moral, il ressentait une certaine responsabilité. D'une part en ayant partagé les squelettes qui donnaient bien évidemment une apparence identique aux tableaux et, d’autre part, en insérant dans ses messages des morceaux de son propre article en cours de rédaction. Il estimait que Mme K______ avait amené des éléments originaux dans son mémoire qui ne figuraient pas du tout dans son article. Il pensait au test de robustesse, c'est-à-dire l’utilisation d’autres indicateurs que ceux qu’il lui avait proposés. Il y avait également l’analyse de la littérature et le lien qu’elle avait développé entre cette littérature et les hypothèses testées. Le mémoire comportait plusieurs tableaux qui ne figuraient pas dans sa recherche.

Il n’avait pas lu le mémoire dans le courant de l’été 2008. Il n’en avait pris connaissance de façon assez approfondie que lorsqu’il avait été mis au courant des accusations de plagiat. Les paragraphes 27 et 28 consistaient en une interprétation et relevaient du cœur de l’analyse. S’il avait été deuxième lecteur, l’interaction avec le Prof. Tille aurait été différente. Il n’aurait pas soutenu l’accusation de plagiat. Il aurait proposé, avec la note du superviseur, la note 4,0 tant pour tenir compte du fait que Mme K______ n’avait jamais fait de macro-économie avant d’être à l’institut que des efforts et de l'apprentissage qu’elle avait accomplis pendant la réalisation du travail. Cela permettait également de prendre en considération qu'à l’institut, le mémoire ne consistait pas en une étape finale mais une simple étape de passage. Il s’agissait bien évidemment d’une hypothèse.

37. Par pli du 2 novembre 2009, la recourante a sollicité que le tribunal de céans procède à l'audition de la Dresse Joliat DuBerg.

En effet, très stressée pendant ses examens, elle avait été victime d'angoisses qui avaient occasionné une décompensation dépressive grave qui l'avait handicapée pendant ses examens. Cette circonstance justifiait une dérogation à la durée de quatre semestres consécutifs prévue par le master.

38. Dans un courrier adressé au tribunal de céans le 3 novembre 2009, l'IHEID a sollicité l'audition des Profs Wyplosz et Tille, ainsi qu'un deuxième échange d'écritures à l'issue des enquêtes. Il a également déposé des pièces complémentaires dont un document confrontant l'entier du corps de travail de master de la recourante au texte du Dr Debrun ainsi qu'une liste de questions à soumettre à ce dernier par le tribunal.

39. Le 18 novembre 2009, la recourante a indiqué par écrit au tribunal de céans qu'elle s'opposait à l'audition des Profs Wyplosz et Tille ainsi qu'aux questions écrites adressées au Dr Debrun. Elle contestait la valeur probante de la pièce reportant les comparaisons de son propre texte avec celui du Dr Debrun, leur présentation donnant délibérément l'impression qu'elle avait recopié des passages entiers alors que les similitudes étaient dispersées sur plusieurs pages.

40. Par décision du 3 décembre 2009, la recourante a été mise au bénéfice de l'assistance juridique, à l'exclusion d'un éventuel émolument de décision, avec effet au 10 novembre 2009.

41. Dans une lettre du 4 décembre 2009 adressée au tribunal de céans, l'IHEID a maintenu sa requête de renseignements écrits à l'intention du Dr Debrun.

42. Le 20 janvier 2010 a eu lieu une nouvelle audience d'enquêtes.

a. La Dresse Joliat DuBerg avait vu Mme K______ pour la première fois le 24 octobre 2008. A sa connaissance, celle-ci n'avait jamais consulté de psychiatre auparavant.

Au moment de la consultation, l'étudiante ne dormait plus, ne mangeait plus et était en état de choc. Suite à l'accusation de plagiat et à l'insuffisance de notes en économie, elle avait des idées suicidaires importantes.

La doctoresse l'avait soutenue et aidée à se réorganiser pour qu'elle puisse reprendre une vie normale. Selon elle, Mme K______ n'avait pas rencontré de problèmes psychologiques pendant ses études. Vraisemblablement, le problème du plagiat et des notes en économie avaient réveillé des traumatismes antérieurs, occasionnant une décompensation. Ce qui avait été déterminant, c'était l'humiliation des accusations qui avaient été portées contre elle car les évènements traumatiques antérieurs avaient également une dimension d'humiliation. Un autre élément qui était à l'origine de la décompensation était qu'elle n'avait pas été suffisamment soutenue dans la branche où elle avait annoncé avoir une faiblesse.

Lors des examens, Mme K______ était probablement désécurisée parce qu'elle n'avait pas reçu suffisamment de soutien en économie. Elle n'était vraisemblablement pas en état de choc et ne subissait pas les effets d'une décompensation. La doctoresse ne pouvait émettre que des déductions à ce sujet puisqu'elle ne la connaissait pas encore à l'époque.

En 2009, la doctoresse avait vu l'étudiante sept ou huit fois. Au jour de l'audience, le traitement continuait au rythme d'une fois par mois environ, lorsque Mme K______ était en Suisse.

Pour le surplus, la doctoresse confirmait son certificat du 14 novembre 2008.

Lorsqu'elle avait pris en charge l'étudiante, celle-ci ne bénéficiait plus de l'assurance maladie parce qu'elle avait été exmatriculée.

b. Mme K______ a précisé que le semestre se terminait en septembre et que les accusations avaient été faites en octobre. Elle avait été expulsée de la classe en présence de tous les étudiants, ce qui avait été très humiliant. Dès ce moment, elle n'avait plus été inscrite et n'avait plus reçu de facture ni de formulaire d'inscription pour le nouveau semestre. Elle n'avait plus été en mesure de payer les taxes pour rester inscrite au cours de la procédure.

Elle avait envoyé au Prof. Tille tant le projet que la version finale du mémoire. Elle ignorait lequel de ces deux textes le Prof. Tille avait transmis au Prof. Wyplosz.

c. Le Prof. Wyplosz a confirmé que Mme K______ était venue le voir à la fin du troisième semestre, lorsque le directeur de son programme lui avait indiqué qu'au vu de ses résultats elle allait échouer. Il avait alors été voir le prédécesseur du Prof. Bocco (le Prof. Liebich) en lui proposant d'accorder une dernière chance à l'étudiante. A condition qu'elle suive le quatrième semestre, qu'elle réussisse ses examens et qu'elle rende un mémoire de qualité, le Prof. Wyplosz irait plaider sa cause devant le conseil des professeurs pour qu'elle puisse continuer ses études et repasser les examens qui lui manquaient pour obtenir le master. Les chances étaient faibles, le directeur du programme ayant dit qu'il s'opposerait à cette remise, mais Mme K______ avait été d'accord d'essayer.

En effet, à la fin du troisième semestre, elle n'avait pas assez de crédits pour pouvoir obtenir le diplôme en réussissant tous les crédits réunis au quatrième semestre. Comme elle avait progressé entre le premier et le troisième semestre, la stratégie du Prof. Wyplosz était d'espérer que les résultats du quatrième semestre confirment la progression et lui donnent des arguments pour convaincre ses collègues de lui accorder une troisième année pour rattraper les crédits manquants. Cette stratégie avait commencé à vaciller lorsqu'elle n'avait pas remis le mémoire dans les délais et s'était effondrée lorsqu'il s'était rendu compte que le mémoire n'était pas original.

Il ne se rappelait plus à quel moment il avait été informé de l'intervention du Dr Debrun, et en particulier si ce dernier lui en avait parlé avant que Mme K______ le lui indique à la fin du mois d'août 2008. En tout état, il ne pouvait s'agir d'une réelle supervision admise par l'IHEID car le Dr Debrun n'y enseignait pas.

En septembre, Mme K______ lui avait remis le mémoire et lui avait demandé de fonctionner comme deuxième lecteur. En le lisant, il s'était rapidement rendu compte que de larges extraits n'étaient pas originaux. C'était la différence de style de rédaction, de précision et de qualité du travail qui l'avait alerté. En insérant une portion du texte dans google, il avait trouvé un document du FMI dont l'auteur était le Dr Debrun.

Se basant sur les explications fournies par ce dernier dans un courrier électronique du 3 octobre 2008, il avait transmis le dossier au Prof. Bocco avec un rapport explicatif du même jour, indiquant qu'on ne pouvait pas corriger le travail de l'étudiante qui n'était pas personnel.

Il avait travaillé sur la version électronique du mémoire qu'il avait reçue dans un message de l'étudiante.

Il n'avait pas participé à la commission des oppositions, en revanche il était au conseil de direction. Il ne se rappelait pas s'il avait pris connaissance du courriel adressé par le Dr Debrun au Prof. Burrin le 25 novembre 2008.

c. Le Prof. Bocco a rappelé qu'il fallait 120 crédits pour avoir le master, dont 30 provenaient de la réussite du mémoire. Mme K______ en avait obtenu 48. Elle aurait dû en obtenir 42 correspondant à sept cours ou séminaires pendant l'année supplémentaire.

Au terme du quatrième semestre, l'étudiante avait cinq examens. Il y en avait un auquel elle ne s'était pas présentée. Elle en avait réussi deux et avait raté les deux derniers. Elle avait ainsi obtenu 12 crédits ECTS.

43. Dans ses conclusions après enquêtes du 18 février 2010, la recourante a nié l'existence du plagiat en se fondant sur les auditions des divers témoins. Ses arguments seront repris ci-après, dans la mesure utile.

Enfin, elle a contesté la décision d'élimination également dans la mesure où celle-ci ne tenait pas compte de sa situation exceptionnelle, contrevenant ainsi au règlement d'étude des masters. En effet, puisqu'elle avait été acceptée dans le programme de master, il lui était impossible au début du programme de réaliser qu'elle ne serait pas capable de terminer le programme en quatre semestres et qu'elle devait demander, dès l'inscription, une prolongation d'une année. Elle a toutefois reconnu qu'elle avait eu connaissance du règlement de l'IHEID au moment de l'inscription.

44. L'IHEID s'est déterminé par acte du 19 février 2010.

De par l'insuffisance des crédits de la recourante à la fin du quatrième semestre, son élimination était fondée dans son principe.

La demande de prolongation extraordinaire du délai réglementaire devait être rejetée, dans la mesure où les problèmes de santé invoqués par la recourante, ayant nécessité l'intervention de la Dresse Joliat DuBerg, étaient postérieurs aux examens et à la rédaction du mémoire. Pour le même motif, on n'était pas en présence d'une situation exceptionnelle dont il fallait tenir compte dans le cadre d'une décision d'élimination.

Le mémoire de la recourante constituait bien un plagiat, dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une création originale et indépendante, mais de la reprise de textes dus à la réflexion et au travail original d'un tiers. Peu importait à cet égard que les textes repris n'aient pas encore été publiés et que le tiers ait donné son consentement. La décision d'élimination reposait sur une base légale (art. 8 ch. 3 du règlement d'application ) et était conforme au principe de la proportionnalité.

Enfin, aucun des arguments avancés par la recourante ne pouvait conduire à l'atténuation de la sanction. Tant le consentement de l'auteur du texte original que le manque de temps à disposition ne pouvant fonder une atténuation de la sanction. En conséquence, la décision d'élimination déjà fondée sur l'insuffisance des crédits obtenus devait être confirmée au vu de l'existence d'un plagiat.

45. Par pli du 22 février 2010, le tribunal de céans a informé les parties que l'affaire était gardée à juger.

46. Le 2 mars 2010 la recourante a demandé à plaider.

47. Une audience de plaidoiries a été fixée au mardi 27 avril 2010 à l'issue de laquelle la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 18 mars 2009 et interjeté dans le délai légal de trente jours (art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) auprès de l’autorité compétente (art. 56A al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05), le recours est recevable.

2. a. Le programme d'études auquel la recourante est inscrite fait l'objet d'un règlement interne à l'IHEID, soit à l'heure actuelle le règlement d'étude des diplômes de masters du 13 juin 2008, entré en vigueur le 15 septembre 2008 et consultable sur internet (http//graduaateinstitut.ch/students/home/academic/ masters.html). A teneur de son art. 15, ce règlement ne s'applique qu'aux étudiants ayant commencé leurs études après sa date d'entrée en vigueur. La situation de la recourante, qui a débuté son programme de master en septembre 2006, doit être appréciée au regard des dispositions de l'ancien règlement d'études, soit le règlement d'études du master en études internationales du 25 novembre 2005 (ci-après : RE) ainsi que son règlement d'application (ci-après : RA) du 1er novembre 2005 dont les textes ont été produits tant par la recourante que par l'intimé.

b. Les activités de l'IHEID étant rattachées à l'Université de Genève (ci-après : l’université), elles sont également soumises à la législation régissant cette institution, à laquelle, au demeurant, le RE se réfère.

3. Le 17 mars 2009, est entrée en vigueur la nouvelle loi sur l'université (LU - C 1 30) qui a abrogé la loi sur l'université du 26 mai 1973 (aLU) ainsi que le règlement sur l'université du 7 septembre 1988 (aRU - C 1 30.06). De même est entré en vigueur à cette date le règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 (RIO-UNIGE) qui a remplacé le RIOR. Les faits de la cause étant antérieurs à ces dates-ci et ayant été instruits avant le 17 mars 2009, le recours doit être examiné au vu des dispositions légales qui prévalaient alors, soit la aLU, le aRU et le RIOR (ATA/531/2009 du 27 octobre 2009), quand bien même la décision litigieuse est datée du 18 mars 2009. Ce point n'est d'ailleurs pas contesté par les parties.

4. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.200/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004 consid. 2). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui lui paraissent pertinents (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.32/2004 du 12 février 2004 consid. 6 ; 1P.24/2001 du 30 janvier 2001 consid. 3a et les arrêts cités ; ATA/292/2004 du 6 avril 2004).

En l'espèce, les parties ont sollicité l'audition de nombreux témoins que le juge délégué a entendu au cours de deux audiences d'enquêtes. En particulier, il a longuement auditionné le Dr Debrun qui s'est déplacé à cet effet depuis les Etats-Unis. Au vu de ces éléments et des nombreuses pièces produites par les parties, le tribunal de céans estime qu'il dispose des éléments nécessaires pour juger et qu'il n'y a pas lieu de soumettre de nouvelles questions écrites au Dr Debrun. Cette requête de l'intimé sera ainsi écartée.

5. La décision d'élimination qui frappe la recourante est basée tant sur l'insuffisance de crédits obtenus au terme de quatre semestres d'études que sur l'accusation de plagiat.

6. Dans la mesure où elle découle du plagiat, la décision d'élimination est consécutive à un comportement fautif de la recourante. Elle relève du droit disciplinaire et constitue une sanction (ATA/499/2009 du 6 octobre 2009).

a. Le droit disciplinaire se présente comme un ensemble de sanctions dont dispose l’autorité à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes qui sont soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale (P. MOOR, Droit administratif, vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, 2ème édition, Berne 2002, p. 124).

b. Les usagers d’établissements publics, tels que les étudiants de l’université, font l’objet d’un régime juridique particulier pouvant aboutir à des sanctions disciplinaires (P. MOOR, op. cit., p. 124 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, n° 1746).

c. En l'espèce, la sanction infligée à la recourante se fonde sur l'art. 8 ch. 3 RA stipulant que le comité exécutif examine les éléments probants de l'existence d'une fraude ou d'un plagiat dans le cadre d'un enseignement ou d'un mémoire. Dès qu'il constate la fraude ou le plagiat, la note 0 est attribuée. Lorsque les éléments soumis révèlent une irrégularité, mais sont insuffisants pour permettre de constater l'existence d'une fraude ou d'un plagiat, le comité exécutif peut annuler les résultats de l'évaluation et autoriser le candidat à passer une nouvelle évaluation. Dans le cas d'une fraude ou d'un plagiat grave ou répété, le comité exécutif peut prononcer l'élimination du candidat du programme de MEI.

7. a. Une sanction disciplinaire implique que l'on puisse imputer un comportement fautif à la personne à laquelle elle est infligée. Elle peut avoir agi tant intentionnellement que par négligence (ATA/662/2006 du 12 décembre 2006). En l'occurrence, la recourante est accusée de plagiat, lequel se définit comme l'action de celui qui donne pour sien ce qu'il a pris à l'œuvre de l'autre (« plagiat » : Encyclopédie Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/encyclopedie).

b. Aux termes de l'art. 8 RE, la fraude et le plagiat, dûment attestés, sont sanctionnés. Le RA spécifie les critères qui permettent d'identifier la fraude et la plagiat ainsi que les sanctions applicables.

Selon l'art. 8 ch. 2 RA, le plagiat consiste à présenter les pensées ou les mots d'autrui comme le résultat de son propre travail. La reproduction d'extraits de texte (données, images), publiés ou non publiés, doit être clairement identifiée par l'utilisation de guillemets et une référence à la source utilisée doit être fournie. Une série de brefs extraits de sources différentes, qui ne sont pas identifiées, constitue un plagiat au même titre qu'un extrait plus long d'une source unique. De la même manière, si on résume les idées ou le jugement d'une personne, référence doit être faite à cette personne et à la source utilisée.

c. S'agissant d'un plagiat, la jurisprudence de la commission de recours de l’université (ci-après : CRUNI), compétente pour trancher ces litiges avant le 1er janvier 2009, a posé comme principe le contrôle du travail incriminé à l'aune de la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992 (LDA - RS 231.1 ; ACOM/67/2008 du 28 mai 2008). A teneur des art. 2 et 3 LDA, une œuvre littéraire est protégée, de même que les œuvres dérivées, à savoir toute création de l’esprit qui a un caractère individuel, mais qui a été conçue à partir d’une ou plusieurs œuvres préexistantes reconnaissables dans leur caractère individuel.

L’art. 25 LDA prévoit pour sa part que les citations tirées d’œuvres divulguées sont licites dans la mesure où elles servent de commentaire, de référence ou de démonstration et pour autant que leur emploi en justifie l’étendue.

d. Ce droit d’opérer des citations conformément à cette disposition doit être apprécié au sens strict et de manière restrictive, étant précisé que le terme citation n’est pas synonyme d’extrait (ACOM/100/2004 du 6 octobre 2004 et les références citées). Lors de l’élaboration d’un travail soumis à évaluation par un étudiant, celui-ci doit impérativement se distancer des ouvrages de référence dont il s’est inspiré pour fonder son opinion, de manière à se faire l’auteur à son tour d’une création indépendante, donc les emprunts à ces ouvrages doivent apparaître à ce point minimes qu’ils s’effacent devant l’individualité de son travail et dont la substance sera l’objet de l’évaluation (ATF 125 III 328 ; ATA/499/2009 du 6 octobre 2009).

Tant la CRUNI que le Tribunal administratif ont rendu une jurisprudence abondante en matière de plagiat. Dans la plupart des cas il s'agissait de copies serviles d'ouvrages (ATA/499/2009 du 6 octobre 2009 ; ACOM/109/2008 du 25 novembre 2008 ; ACOM/100/2004 du 6 octobre 2004) ou de compilations systématiques de sources trouvées sur internet (ACOM/60/2008 du 7 mai 2008 ; ACOM/22/2005 du 21 avril 2005 ; ACOM/9/2005 du 4 février 2005 ; ACOM/5/2005 du 25 janvier 2005).

Le cas d'espèce est cependant différent.

Il ressort des explications de la recourante, corroborées par celles du Dr Debrun, que le travail de l'étudiante est le fruit d'un échange constant entre elle-même et celui-là. Elle a suivi ses instructions et elle a cru de bonne foi qu'elle intégrait à son travail les conseils et les corrections de ce dernier. Ce d'autant plus qu'elle ignorait qu'il préparait un article sur le même sujet, destiné à la publication. Dans son courrier du 16 octobre 2008, le Prof. Wyplosz ne donne pas une autre interprétation des évènements : l'étudiante n'avait pas réalisé qu'elle avait copié un ouvrage à paraître et le Dr Debrun n'avait pas compris de quelle manière elle avait utilisé les informations qu'il lui avait fournies.

Retenir à l'instar de l'intimé qu'un étudiant ne peut insérer dans son travail de mémoire les conseils et les corrections du professeur qui le supervise revient à nier la fonction du mémoire. Certes, celui-ci doit être un travail personnel de l'étudiant sur la base duquel il est évalué. Il n'en demeure pas moins qu'il est rédigé sous l'égide d'un superviseur. Le Prof. Bocco a d'ailleurs souligné qu'un directeur de mémoire assistait et structurait les travaux de l'étudiant et que la fréquence et le contenu des échanges variaient en fonction des étudiants et des directeurs de thèse. L'IHEID attendait de ses enseignants qu'ils suivent les travaux et qu'ils répondent aux éventuelles questions de l'étudiant.

Il est vrai que dans le cas d'espèce le Dr Debrun n'était pas le directeur de thèse de la recourante mais force est d'admettre que dans les faits il a fonctionné comme tel au vu de l'absence d'implication du Prof. Tille. En effet ce dernier n'a aucunement assisté la recourante puisqu'il a même appris incidemment à la fin du mois d'août que celle-ci avait changé de sujet de mémoire. L'éloignement géographique ne constituait pas une excuse à cet égard, étant donné qu'il lui était loisible d'utiliser le courrier électronique, ainsi que l'a fait le Dr Debrun.

La question posée par cette procédure est de savoir jusqu'à quel stade peut aller l'assistance du directeur de thèse pour que le travail de l'étudiant reste un travail personnel et original qui peut être évalué. Si les interventions du professeur peuvent ici être aisément discernées, tel n'est pas le cas en général puisque le directeur de thèse ne suggère ordinairement pas à un étudiant des corrections basées sur des phrases tirées d'un de ses ouvrages à paraître. Il est dès lors généralement difficile de déterminer la part d'influence du professeur dans le travail de l'étudiant, ce d'autant plus qu'elle peut varier en fonction des professeurs et des étudiants.

Compte tenu des spécificités du cas d'espèce, le tribunal de céans estime qu'il n'y a pas eu plagiat. En conséquence, la recourante ne pouvait pas être éliminée pour ce motif. L'IHEID aurait dû annuler le résultat du mémoire et admettre que Mme K______ présente un nouveau texte, conformément à l'art. 8 ch. 3 RA.

8. Au vu de ce qui précède, la décision d'élimination de la recourante ne constitue pas une sanction disciplinaire. Reste à examiner si elle pouvait néanmoins être fondée sur l'insuffisance de crédits obtenus au terme du quatrième semestre.

9. Selon l'art. 4 RE, la durée des études est de quatre semestres consécutifs, sauf cas de dérogation dans les conditions prévues par le règlement d'application. Le cycle d'étude commence au semestre d'hiver.

Pour obtenir le diplôme, l'étudiant doit obtenir 120 crédits (art. 9 RE), dont 90 crédits d'enseignement et 30 crédits associés à la rédaction d'un mémoire (art. 5 RA).

Selon l'article 10 RE, sauf dérogation prévue par le règlement d'application, un candidat qui, à la fin du quatrième semestre, n'a pas obtenu les 120 crédits requis est éliminé du programme du MEI.

A l'issue du quatrième semestre, la recourante n'avait obtenu que 48 crédits d'enseignement au lieu de 90. Son élimination basée sur l'insuffisance des crédits obtenus était ainsi fondée dans son principe. Reste à déterminer si l'étudiante pouvait bénéficier d'une dérogation.

10. Conformément à l'art. 4 ch. 3 RA, un candidat qui, pour des motifs fondés d'ordre professionnel ou personnel, ne s'estime pas en mesure de compléter le programme dans le délai de quatre semestres doit solliciter une dérogation dans sa demande d'admission. Une dérogation peut être octroyée par le directeur du programme de MEI et est notifiée avec la décision d'admission. En dehors de ce cas particulier, le directeur du programme de MEI ne peut accorder une suspension des études ou une prolongation du délai de quatre semestres que pour des raisons de force majeure (notamment maladie, accidents) ou de maternité, dûment certifiées.

La recourante n'a pas sollicité de dérogation dans sa demande d'admission alors même qu'elle avait eu connaissance du règlement.

En revanche, elle a sollicité une prolongation d'une année en février 2008 sans toutefois alléguer de cas de force majeure, seule condition pour l'octroi d'une dérogation en cours de programme du MEI.

Elle a fait état de problèmes de santé pour la première fois à fin octobre 2008 dans un échange de courriers électroniques avec le Prof. Tille. Elle n'a consulté la Dresse Joliat DuBerg que le 24 octobre 2008.

Il ressort tant du certificat médical établi le 14 novembre 2008 que de l'audition de la doctoresse que l'état d'angoisse et de détresse extrême de l'étudiante était lié à l'accusation de plagiat et à son échec en économie et étaient donc postérieurs aux diverses sessions d'examens et notamment à celle de juin 2008. Selon les déductions de la psychiatre, au moment des examens Mme K______ était probablement désécurisée mais n'était pas en état de choc et ne subissait pas les effets d'une décompensation. D'ailleurs, la recourante n'a consulté une psychothérapeute qu'à la fin du mois d'octobre 2008, soit après la réception de la décision d'élimination du MEI.

Enfin, au cours de son audition, le Prof. Bocco a indiqué qu'au moment de la remise des mémoires, les professeurs pondéraient la possibilité d'accorder à Mme K______ une prolongation d'une année. Il ne s'agissait pas d'un engagement ferme ayant recueilli le consensus des professeurs concernés. Cette option ne consistait qu'en un engagement à bien plaire qui n'était fondé sur aucune disposition réglementaire.

Au vu de ce qui précède, le refus de toute prolongation d'études apparaissant justifié, cet argument doit être rejeté.

11. L’art. 22 al. 2 let. a aRU dispose que l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auquel il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études est éliminé.

La décision d’élimination est prise par le doyen de la faculté, respectivement la direction de l’IHEID, qui tient compte des situations exceptionnelles (art. 22 al. 3 aRU).

Selon la jurisprudence constante rendue par la CRUNI à propos de l'art. 22 al. 3 aRU et qui est applicable par le tribunal de céans dans cette cause, n'est exceptionnelle que la situation qui est particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. En outre, les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l’autorité de recours ne censure que l'abus (ATA/531/2009 du 27 octobre 2009 ; ACOM/118/2008 du 18 décembre 2008).

a. Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d’un proche (ACOM/69/2006 du 31 juillet 2006 ; ACOM/51/2002 du 22 mai 2002), de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant, à condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu'un rapport de causalité soit démontré par l'étudiant (ATA/327/2009 du 30 juin 2009 et les références citées).

b. En revanche, et toujours selon la jurisprudence constante en la matière, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d’exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte (ATA/357/2009 du 28 juillet 2009 ; ACOM/20/2005 du 7 mars 2005 et les références citées). Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/161/2009 du 31 mars 2009 ; ACOM/87/2008 du 26 août 2008). Le fait de se trouver à bout touchant de ses études n’a également pas été retenu comme une circonstance exceptionnelle, chaque étudiant se trouvant nécessairement à ce stade de ses études à un moment donné pour autant qu’il les mène à leur terme (ACOM/23/2004 du 24 mars 2004). De même, le redoublement pour deux centièmes ne pouvait constituer une circonstance exceptionnelle ni apparaître comme étant disproportionné (ACOM/23/2004 du 24 mars 2004).

c. De graves problèmes de santé sont considérés comme des situations exceptionnelles (ACOM/50/2002 du 17 mai 2002), à condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (ACOM/119/2002 du 1er novembre 2002). Ainsi, la CRUNI n’a pas retenu de circonstances exceptionnelles dans le cas d’une étudiante invoquant des problèmes de santé mais n’ayant fourni aucune indication concernant la maladie et son impact sur le bon déroulement de ses études (ACOM/71/2005 du 22 novembre 2005). Elle a jugé de même dans le cas d’un étudiant ne s’étant pas présenté aux examens et invoquant par la suite plusieurs arguments, notamment le fait qu’il suivait une psychothérapie (ACOM/23/2006 du 28 mars 2006 ; ACOM/72/2005 du 1er décembre 2005). Enfin, la CRUNI n’a pas davantage admis les circonstances exceptionnelles dans le cas d’un étudiant ayant connu des problèmes de santé, mais dont les effets perturbateurs n’étaient pas établis lors des sessions d’examens concernées (ACOM/75/2005 du 15 décembre 2005). Les circonstances exceptionnelles n’étaient pas davantage réalisées dans le cas d’une étudiante ayant souffert de céphalées et de vomissements avant une session d’examen et ayant par ailleurs produit une attestation médicale faisant mention d’une situation psychologique difficile et d’une fragilité en lien avec sa situation familiale, l’intéressée n’ayant pas démontré que ces problèmes entraient dans la catégorie des effets perturbateurs particulièrement graves (ACOM/87/2008 du 26 août 2008). De même, le Tribunal administratif a jugé qu’un état clinique de deuil et un déni défensif rencontrés au cours des deux premières années académiques, suivi d’une amélioration lors de la troisième année académique n’étaient pas constitutifs d’une circonstance exceptionnelle (ATA/226/2010 du 30 mars 2010 ; ATA/449/2009 du 15 septembre 2009).

L'étudiante n'a pas été en mesure de démontrer le lien entre la décompensation psychologique constatée en octobre 2008 et son échec aux diverses sessions d'examens, en particulier à celle de juin 2008.

Elle a encore invoqué au titre de situation exceptionnelle le fait d'avoir été admise au programme du MEI en ayant des connaissances insuffisantes en économie, ce qui aurait rendu son parcours difficile à l'excès.

Ce raisonnement ne peut être suivi. La recourante remplissant les conditions d'admission de l'art. 2 RE, c'était à juste titre qu'elle avait été admise. Dans le cas contraire, elle aurait pu reprocher à l’IHEID de ne pas l'avoir acceptée. Certes, les professeurs ont reconnu qu'il était plus difficile pour un étudiant d'obtenir le master lorsque celui-ci ne disposait pas d'une solide préparation en économie, cependant il était possible d'y parvenir, raison pour laquelle le cas de l'étudiante ne constituait pas une situation exceptionnelle au sens de l' art. 22 al. 3 aRU.

Au vu de ce qui précède, la décision d'élimination, fondée sous l'angle de l'insuffisance des crédits d'enseignement obtenus à l'issue du quatrième semestre, doit être confirmée.

12. Le recours est partiellement admis. La décision du 18 mars 2009 est annulée en tant qu'elle reconnaît Mme K______ coupable de plagiat. Elle est confirmée en tant qu'elle prononce son élimination pour insuffisance de crédits.

La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique aucun émolument ne sera mis à sa charge. Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité (art. 87 LPA).

Le témoignage du Dr Debrun ayant été déterminant dans l'admission partielle du recours de Mme K______, les frais relatifs à son déplacement s'élevant à CHF 1'365.- seront mis à la charge de l'IHEID, le solde des frais de la cause de CHF 530.- étant laissé à la charge de l'Etat de Genève.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 avril 2009 par Madame K______ contre la décision du 18 mars 2009 de l'Institut de hautes études internationales et du développement ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du 18 mars 2009 en tant qu'elle porte sur l'accusation de plagiat ;

confirme la décision du 18 mars 2009 pour le surplus ;

met à la charge de l'intimé les frais de procédure arrêtés à CHF 1'365.- ;

dit que le solde des frais de procédure, s’élevant à CHF 530.-, est laissé à charge de l’Etat de Genève ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Emery, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Fernand Chappuis, avocat de l'Institut de hautes études internationales et du développement.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :