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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/5173/2007

ACOM/87/2008 du 26.08.2008 ( CRUNI ) , REJETE

Résumé : élimination ; circonstances exceptionnelles
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/5173/2007-CRUNI ACOM/87/2008

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 26 août 2008

 

dans la cause

 

Madame Z______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

FACULTÉ DES SCIENCES éCONOMIQUES ET SOCIALES

 

 

 

(élimination ; circonstances exceptionnelles)


EN FAIT

1. Madame Z______, née le ______ 1985, s’est immatriculée à l’université de Genève (ci-après : l’université) afin d’y suivre, depuis le mois d’octobre 2005, les enseignements du baccalauréat en faculté de droit.

2. N’ayant pas réussi la première année en droit, elle a présenté une demande de changement de faculté le 1er novembre 2006, en vue d’être admise à suivre les études du baccalauréat universitaire en relations internationales en faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté).

3. Par courrier du 6 novembre 2006, le doyen de la faculté a informé l’intéressée que, compte tenu de ses études antérieures, son admission pour l’année académique 2006-2007 était autorisée à titre conditionnel. Le délai de réussite du programme de première année était fixé à septembre 2007, sous peine d’exclusion de la faculté.

4. A la session de février 2007, Mme Z______ a présenté sept examens, sanctionnés par six notes en dessous de la moyenne et un 4.

5. A l’issue de la session d’examens de juin 2007, Mme Z______ a obtenu une moyenne générale de 3,08, le relevé de notation du 6 juillet 2007 précisant qu’elle se trouvait en situation d’échec provisoire.

6. Par décision du 21 septembre 2007, Mme Z______ a été exclue de la faculté au motif que le délai de réussite était échu. Elle avait en effet totalisé une moyenne générale de 3,58 à l’issue de l’année académique.

7. Mme Z______ a formé opposition contre cette décision en date du 3 octobre 2007, en concluant à ce qu’une chance supplémentaire lui soit accordée. Elle était de condition modeste et obligée de travailler pour financer ses études. Elle travaillait les week-ends auprès de S______, à l’aéroport. Elle avait aussi connu des soucis de santé. Ainsi, avant la session d’examens de février 2007, elle avait été hospitalisée durant deux jours pour de très fortes migraines, vomissements, paralysie musculaire partielle et avait ensuite souffert de fortes migraines et nausées très pénalisantes, pour lesquelles elle était suivie par son médecin traitant, la Doctoresse Ani Faineteau. Elle avait ensuite tout mis en œuvre pour réussir les examens en juin qu’elle avait, pour la plupart, réussis. Au mois de septembre, elle avait dû repasser les six examens qu’elle n’avait pas réussis en février ainsi que ceux du mois de juin dont elle avait voulu améliorer les notes. Souffrant de stress très important avant les examens, elle avait perdu ses moyens, les notes obtenues ne reflétant pas le travail fourni pendant l’été. Sachant que le stress était très handicapant pour ses résultats, elle avait d’ailleurs consulté le psychologue de l’université. Elle suivait par ailleurs une thérapie auprès du service médico-pédagogique depuis plusieurs années, pour des problèmes familiaux, soit la séparation de ses parents et la maladie de sa mère.

Elle joignait à son opposition les documents suivants : le contrat de travail avec S______; un certificat médical établi par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) faisant état d’une hospitalisation d’un jour, du 18 au 19 janvier 2007, et d’une incapacité de travail d’une semaine ; un certificat du Dresse Faineteau, du 17 septembre 2007, précisant que Mme Z______ avait été traitée pour une affection médicale diminuant les compétences physiques et mentales du 18 janvier au 2 mars 2007 ; une attestation du centre de conseil psychologique de l’université (ci-après : CCP) du 1er octobre 2007, certifiant que l’intéressée consultait le centre depuis le 1er août 2007 ; qu’elle était très fragile et que son état nécessitait de l’aide pour suivre ses études ; une attestation du service médico-pédagogique du Lignon du 28 septembre 2007, aux termes de laquelle Mme Z______ suivait une psychothérapie régulière et que son échec aux examens était dû à un état de stress généralisé.

8. Par décision du 29 novembre 2007, le doyen a rejeté l’opposition et confirmé la décision d’exclusion. Le fait de devoir travailler en parallèle aux études ne constituait pas une circonstance exceptionnelle. Quant aux problèmes de santé avancés, il était observé que de nombreux étudiants étaient confrontés à des problèmes liés au stress et à la pression des études, cette situation n’étant pas exceptionnelle. S’agissant des problèmes psychologiques rencontrés, notamment en relation avec la séparation des parents, ils étaient présents depuis de nombreuses années et n’étaient pas survenus en concomitance avec les examens ou une session en particulier. Dans ces conditions, Mme Z______ aurait eu la possibilité d’aménager son parcours universitaire pour tenir compte de ses problèmes, voire d’interrompre provisoirement les études (congé, exmatriculation) jusqu’à la stabilisation de la situation.

9. Par acte mis à la poste le 28 décembre 2007, Mme Z______ interjette recours contre cette décision par devant la commission de recours de l’université (ci-après : CRUNI), en concluant à son annulation. C’était à tort que l’intimée avait examiné séparément chacun de ses problèmes matériels et psychologiques à l’origine de son échec, dès lors que c’était le cumul de toutes ces circonstances qui aboutissait à retenir l’existence d’une situation exceptionnelle. Elle avait d’ailleurs fait de son mieux pour réussir tous les examens et participé à tous les examens, ce qui lui avait permis d’augmenter ou d’égaliser toutes les notes des matières refaites en septembre 2007. Durant la thérapie auprès du CCP, on ne l’avait par ailleurs pas suffisamment alertée, ni de l’incompatibilité de son état de santé avec les examens, ni sur la sanction irrémédiable à laquelle elle s’exposait.

10. Dans sa réponse datée du 8 février 2008, l’université a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. Aucun des arguments avancés par Mme Z______ ne permettait de retenir l’existence de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 22 alinéa 3 règlement de l’université du 7 septembre 1988 (RU - C 1 30.06) et de la jurisprudence y relative. S’agissant notamment des problèmes de santé rencontrés, si on pouvait admettre que les mauvais résultats obtenus à la session de février-mars 2007 pouvaient avoir été influencés par les migraines et vomissements dont avait souffert Mme Z______ en janvier et février 2007, les résultats obtenus aux sessions suivantes, notamment à la session de septembre 2007, étaient largement insuffisants ; le fait de suivre une psychothérapie ou de rencontrer des fragilités psychologiques ne pouvant pas être rangés dans la catégorie des situations exceptionnelles. Quant aux problèmes financiers rencontrés, il n’étaient pas, de pratique constante, des circonstances exceptionnelles.

11. Une copie de cette correspondance a été communiquée à la recourante pour information en date du 21 février 2008. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 29 novembre 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 88 et 90 RU ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. Les conditions d'élimination des étudiants sont fixées par le RU (art. 63D al. 3 LU). L’article 22 alinéa 2 RU dispose que l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (ci-après : RE) (let. a) ou qui ne subit pas ses examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d'études (let. b), est éliminé.

b. En l’espèce, ayant débuté les études du baccalauréat en relations internationales en octobre 2006, la recourante est soumise au RE afférent à ce cursus en vigueur à cette date, soit celui du 1er octobre 2005.

3. Aux termes de l’article 20 alinéa 1 RE, la première partie est réussie si l’étudiant obtient une moyenne générale égale ou supérieure à 4, et si aucune note n’est inférieure à 3. Selon l’article 21 alinéa 1 lettre b RE, est éliminé l’étudiant admis à titre conditionnel, qui, à l’issue de deux semestres, n’a pas satisfait aux conditions requises.

En l’espèce, il est constant et pas contesté que par décision du doyen du 6 novembre 2006, la recourante a été admise à titre conditionnel à suivre les enseignements du baccalauréat en relations internationales auprès de la faculté et qu’elle était tenue de réussir les examens de la première année après deux semestres d’études, soit dans un délai fixé à septembre 2007. Ayant obtenu une moyenne générale de 3,58, soit inférieure à 4, à l’issue de la session d’examens de septembre 2007, la recourante n’a pas réussi la première partie d’études dans le délai fixé à septembre 2007 et n’a ainsi pas satisfait aux conditions posées par l’admission conditionnelle. Dans ces conditions, elle s’exposait à une décision d’élimination.

4. a. Il reste à examiner si la recourante peut bénéficier de circonstances exceptionnelles.

b. A teneur de l’article 22 alinéa 3 RU, il doit être tenu compte des situations exceptionnelles lors d’une décision d’élimination. Selon une jurisprudence constante, une situation peut être qualifiée d’exceptionnelle lorsqu’elle est particulièrement grave et difficile pour l’étudiant. Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. Cette jurisprudence est conforme au principe de l’instruction d’office (ACOM/41/2005 du 9 juin 2004 consid. 7c ; ACOM/13/2005 du 7 mars 2005 consid. 5). Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont la CRUNI ne censure que l’abus (ACOM/1/2005 du 11 janvier 2005 ; ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées).

c. Selon la jurisprudence constante de la CRUNI, de graves problèmes de santé sont considérés comme des situations exceptionnelles (ACOM/50/2002 du 17 mai 2002) à condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (ACOM/119/2002 du 1er novembre 2002). Ainsi, la CRUNI n’a pas retenu de circonstances exceptionnelles dans le cas d’une étudiante invoquant des problèmes de santé mais n’ayant fourni aucune indication concernant la maladie et son impact sur le bon déroulement de ses études (ACOM/71/2005 du 22 novembre 2005). Elle a jugé de même dans le cas d’un étudiant ne s’étant pas présenté aux examens et invoquant par la suite plusieurs arguments, notamment le fait qu’il suivait une psychothérapie (ACOM/23/2006 du 28 mars 2006 ; ACOM/72/2005 du 1er décembre 2005). Enfin, la CRUNI n’a pas davantage admis les circonstances exceptionnelles dans le cas d’un étudiant ayant connu des problèmes de santé, mais dont les effets perturbateurs n’étaient pas établis lors des sessions d’examens concernées (ACOM/75/2005 du 15 décembre 2005).

d. Quant aux difficultés financières ou économiques, elles ne sont pas suffisantes pour justifier une situation exceptionnelle. La CRUNI a, en effet, toujours considéré que de telles difficultés, comme le fait d'exercer une activité lucrative en sus de ses études, n'étaient pas exceptionnelles, même si elles constituaient à n'en pas douter une contrainte (ACOM/20/2005 du 7 mars 2005 consid. 5 et les références citées). La CRUNI a aussi jugé que n’était pas non plus exceptionnel, au sens de l’article 22 alinéa 3 RU (cf. ACOM/90/2007, du 5 novembre 2007 et les références), le fait de devoir faire face à des problèmes financiers et familiaux qui, s’ils peuvent apparaître malheureux, font partie d’une réalité commune à de très nombreux étudiants.

En tant que la recourante fait valoir des difficultés économiques l’ayant contrainte à travailler à côté de ses études, force est donc de constater qu’une telle situation ne relève pas de circonstance exceptionnelle au sens de l’article 22 alinéa 3 RU.

5. S’agissant des troubles somatiques survenus en janvier-février 2007, la CRUNI relève que le certificat des HUG fait état d’une hospitalisation d’un jour, suivie d’une semaine d’arrêt de travail en janvier 2007. Quant à l’attestation de la Dresse Faineteau rapportant l’existence d’une « affection médicale ayant diminué les compétences physiques et mentales de la recourante du 18 janvier au 2 mars 2007 », elle revêt un caractère trop général, indéterminé et laconique pour admettre que l’affection dont souffrait la recourante pouvait être rangée dans la catégorie des graves problèmes de santé, au sens de la jurisprudence. Il apparaît en tout état de cause que si les symptômes décrits par la recourante (céphalées et vomissements) ont pu exercer une certaine influence sur le résultat des examens de février-mars 2007, ils avaient complètement disparu à partir du mois de mars 2007, ce qui aurait dû permettre à la recourante d’obtenir des résultats satisfaisants aux deux sessions d’examens suivantes. Or, tel n’a pas été le cas. S’agissant des problèmes psychologiques allégués, aucun des certificats figurant au dossier n’atteste de l’existence d’un problème de santé grave susceptible de conduire à un échec répété aux examens. L’attestation du CCP, consulté une première fois en août 2007, fait état de manière très générale d’une situation psychologique difficile et d’une fragilité. Quant au rapport de Madame Katia Casanova, psychologue au service médico-pédagogique du Lignon que l’assurée consulte depuis plusieurs années en relation avec sa situation familiale, il ne fournit pas la preuve que les problèmes personnels dont la recourante souffre de longue date entrent dans la catégorie des effets perturbateurs particulièrement graves. Ces documents ne mentionnent concrètement ni les motifs à l’origine de la psychothérapie entreprise, ni la période durant laquelle elle a eu lieu, ni les résultats de celle-ci et ne font état d’aucune affection médicale pouvant être assimilée à une maladie grave. Enfin, la CRUNI observe que la recourante a exposé dans son opposition qu’elle souffrait de stress très important avant les périodes d’examens et qu’elle avait perdu ses moyens lors de la session de rattrapage, les notes obtenues ne reflétant pas le travail fourni. Ces explications confirment l’absence d’un grave problème de santé qui serait à l’origine de l’échec répété aux examens.

6. Il résulte de ce qui précède qu’en considérant que les faits allégués par la recourante n’étaient pas constitutifs de circonstances exceptionnelles, l’intimée n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation.

7. Mal fondé, le recours ne peut qu’être rejeté.

Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 décembre 2007 par Madame Z______ contre la décision sur opposition de la faculté des sciences économiques et sociales du 29 novembre 2007;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué de dépens ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Madame Z______, au service juridique de l’université, à la faculté des sciences économiques et sociales ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Madame Pedrazzini Rizzi et Monsieur Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Ravier

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :