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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1889/2004

ACOM/9/2005 du 04.02.2005 ( CRUNI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1889/2004-CRUNI ACOM/9/2005

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 4 février 2005

 

dans la cause

 

Monsieur D__________

contre

 

UNIVERSITE DE GENEVE

et

FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES


(élimination DEA : plagiat)


1. Monsieur D__________, originaire du Sénégal, est titulaire d’une maîtrise en économie et gestion, délivrée par l’Académie des études économiques de Bucarest en 1998, après avoir obtenu son baccalauréat dans son pays d’origine et suivi en outre deux années d’études en sociologie auprès de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.

2. En mai 2002, il a formé une demande d’immatriculation auprès de l’Université de Genève (ci-après : l’université), en vue de son inscription en faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté), afin d’y suivre les enseignements du diplôme d’études approfondies (DEA) en gestion d’entreprise.

3. Admis par la faculté à ce programme post-grade et immatriculé en novembre 2002, il s’est présenté aux examens obligatoires de fin de semestres, aux sessions d’hiver et d’été 2003, sauf pour un seul examen.

Il a sollicité en revanche une dérogation pour la session de rattrapage d’automne devant lui permettre de présenter à nouveau les matières pour lesquelles il n’avait pas acquis une note suffisante lors des sessions précédentes, expliquant qu’il souffrait de diabète qui le perturbait dans sa préparation, ce qui était médicalement attesté.

4. Éliminé dans un premier temps de la faculté, il a finalement été admis à suivre à nouveau les enseignements pour lesquels il n’avait pas obtenu la moyenne nécessaire, compte tenu de ce qui précède, le délai d’obtention du DEA étant prolongé jusqu’en octobre 2004.

5. Dans le cadre de l’examen écrit de Ressources humaines, session hiver 2004, lequel consiste en une rédaction que les étudiants doivent exécuter à domicile, et qui disposent pour cela d’un laps de temps de deux semaines, M. D__________ a été suspecté de plagiat par le Professeur Susan Schneider, car le travail du candidat comprenait plusieurs phrases et paragraphes dont il n’était pas l’auteur, mais tirés de textes découverts sur Internet, et cela sans aucune référence bibliographique. Il était donc proposé que ce travail soit crédité de la note zéro.

6. Par LSI du 9 mars 2004, le doyen de la faculté a fait savoir à M. D__________ que le collège des professeurs avait décidé de sanctionner ce comportement par l’annulation de l’ensemble de la session et son exclusion de la faculté, le dossier étant pour le surplus transmis au Conseil de discipline de l’université. Indication des voie et délai d’opposition s’y trouvait dûment mentionnée.

7. M. D__________ a formé opposition en temps utile, réitérant les problèmes de santé auxquels il était confronté depuis deux ans qui l’avaient empêché de travailler convenablement et de suivre le rythme intensif du DEA et qui l’avaient finalement poussé à commettre une erreur qu’il regrettait. Il demandait à pouvoir malgré tout poursuivre sa formation.

8. Le collège des professeurs a rejeté l’opposition selon décision du 9 août 2004, les arguments opposés par l’étudiant n’étant pas de nature à excuser la fraude dont il s’était rendu coupable.

9. Par acte du 9 septembre 2004, posté le 10, adressé au Tribunal administratif, selon les indications figurant sur la décision querellée elle-même, M. D__________ forme recours contre son exclusion.

Regrettant derechef son erreur, il ajoute qu’en sus des problèmes de santé qui ont amenuisé ses chances de réussite, il a encore dû faire face au retard avec lequel il a commencé le DEA, ainsi qu’à des problèmes de logement. Parallèlement à ses études, il travaille dix heures par semaine et est inscrit également comme remplaçant à l’instruction publique.

10. L’université s’oppose au recours. Les cas de plagiat doivent être sanctionnés sous peine de discriminer les étudiants consciencieux qui, en dépit des difficultés qu’ils peuvent rencontrer, ne cèdent pas au piège de la facilité.

Elle précise encore que par décision du 14 septembre 2004, le Conseil de discipline de l’université a prononcé l’exclusion de l’université de M. D__________, après avoir procédé à son audition, confirmée sur opposition le 3 novembre 2004.

En l’absence de recours de l’étudiant, dite décision est par conséquent entrée en force.

11. Dans le cadre de l’instruction de la cause, la CRUNI a obtenu confirmation de la date de remise de la décision sur opposition à l’intéressé, à savoir le 11 août 2004, et a sollicité la production du travail de l’étudiant, ainsi que des documents trouvés sur Internet.

1. Le recours a été formé devant le Tribunal administratif et transmis d’office à la CRUNI pour raison de compétence. Interjeté pour le surplus dans le délai légal et la forme prescrite contre la décision sur opposition du 9 août 2004, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06; art. 26 et 27 al. 1 et 2 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 – RIOR ; art. 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Les conditions d’inscription et d’élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l’université (art. 63 D al. 3 LU).

Celui-ci prévoit que les règlements des facultés fixent les conditions d’obtention au diplôme d’études approfondies (art. 27 al. 2 RU).

En outre, l’étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études ou qui ne termine pas ses études dans les délais fixés par ce dernier est éliminé (art. 22 al. 2 RU).

b. Le programme d’études du DEA brigué par M. D__________ s’étend sur deux semestres au minimum et trois semestres au maximum, sous réserve de justes motifs qui peuvent prolonger la durée des études d’un ou deux semestres supplémentaires (art. 53 al. 1 et 2 du règlement d’études de la faculté (ci-après : RE). L’obtention du diplôme est subordonnée à la réussite des examens des enseignements prévus au plan d’études, ainsi qu’à la rédaction et la soutenance d’un mémoire (art. 54 al. 1 RE).

Est enfin éliminé l’étudiant qui a notamment enregistré un échec définitif aux examens ou à la soutenance de mémoire ou qui n’a pas obtenu le diplôme dans les délais fixés (art. 61 al. 1 RE).

c. M. D__________ a présenté des examens lors des deux sessions suivant son admission aux études de diplôme (art. 55 al. 2 RE), soit hiver et été 2003. Éliminé pour ne pas avoir subi la session de rattrapage, il a finalement bénéficié de deux semestres supplémentaires pour raison médicale, le DEA devant être obtenu en octobre 2004 au plus tard.

d. Accusé de plagiat à l’occasion de l’examen en Ressources humaines (cours 4471, comportement organisationnel et GRH), le candidat a vu sa session être annulée, étant lui-même exclu de la faculté.

3. En matière de sanctions, un étudiant qui enfreint les règles et usages de l’université est passible, compte tenu de la gravité de l’infraction :

- d’un avertissement ;

- d’une suspension ;

- de l’exclusion.

Ces sanctions sont prononcées par le Conseil de discipline (art. 63 E LU).

Dans les cas de fraude, le collège des professeurs peut annuler tous les examens subis par le candidat dans la session et ajourner les examens du candidat à une autre session. L’annulation de la session entraîne l’échec du candidat à cette session. Il peut en outre proposer au rectorat une exclusion temporaire ou définitive du candidat (art. 38 RU).

Dans une jurisprudence récente, la CRUNI a eu l’occasion de reconnaître que cette compétence appartenait désormais au Conseil de discipline (art. 63 E RU ; décision CRUNI K. du 16 décembre 2004).

Le RE sanctionne pour sa part toute fraude ou tentative de fraude par l’attribution de la note zéro à toutes les épreuves présentées pendant la session, la procédure de l’article 38 RU étant au demeurant réservée (art. 11).

4. En l’espèce, le recourant se voit reprocher la commission d’un plagiat dans la rédaction de l’examen de Gestion des ressources humaines que les candidats doivent accomplir à domicile, lequel entraîne l’annulation de toute la session d’examen.

À teneur de l’article 87 RU, la CRUNI doit se borner à vérifier que la décision dont est recours ne comporte ni violation du droit, ni constatation inexacte ou incomplète des faits sur lesquelles elle repose, l’excès ou l’abus de pouvoir d’appréciation étant assimilé à une violation du droit.

5. Le plagiat se définit comme l’action visant à donner pour sienne tout ou partie d’une œuvre dont une tierce personne en est en réalité l’auteur.

Se fait ainsi l’auteur d’un plagiat celui qui recourt sans justification particulière à des citations dont l’étendue est manifestement exagérée, outrepassant de ce fait le droit de citations, reconnu par l’article 25 de la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992 (LDA - 231.1), lequel doit être apprécié de façon restrictive, de telle manière qu’un caractère original émane de l’œuvre qui comporte de telles citations.

En revanche, le défaut de création personnelle traduisant un apport imaginatif et une individualité propres à l’œuvre nouvellement créée constitue un comportement illicite (D. BARRELET/W. EGLOFF, Le nouveau droit d’auteur, 2000, p. 138 ; I. CHERPILLOD, Le droit d’auteur en Suisse, 1986, p. 149, 150, F. DESSEMONTET, Le nouveau droit d’auteur, 1999, p. 351, K. TROLLER, Manuel du droit suisse des biens immatériels, 1996, p. 891).

6. Le travail de M. D__________ se compose de huit pages de texte réparties en trois questions.

Pour chacune de ces questions, il apparaît que des paragraphes entiers ont été recopiés, mot à mot, de textes trouvés sur Internet, et issus de sites universitaires suisse et étrangers.

L’examen comparatif fait ainsi apparaître que plus du tiers du travail du candidat relève ainsi de la copie servile.

On notera à cet égard qu’aussi bien dans son opposition que dans son recours, M. D__________ ne conteste pas les faits, qu’il dit regretter, mais qu’il impute aux difficultés qu’il a rencontrées, de santé et de logement notamment.

7. Il résulte de ce qui précède que l’on ne saurait reprocher à l’autorité académique d’être tombée dans l’excès et d’avoir abusé de la liberté d’appréciation qui est la sienne en considérant que le recourant s’est rendu coupable de fraude, en fournissant un travail d’examen dont il n’était pas l’auteur, du moins partiellement.

S’étant présenté une première fois aux examens des sessions d’hiver et d’été, il était désormais susceptible d’élimination de la faculté et partant, à son exclusion, puisqu’à teneur de l’article 22 alinéa 1 RU, l’étudiant qui est éliminé d’une faculté ne peut plus s’inscrire aux enseignements de cette dernière.

8. Dans son recours, M. D__________ ne conteste pas, comme déjà dit, s’être fait l’auteur d’un plagiat. Il l’explique en revanche par les circonstances difficiles qu’il a dû affronter alors qu’il préparait son DEA.

Selon l’article 22 alinéa 3 RU, la décision d’élimination est prise par le doyen de la faculté, lequel tient compte de situations exceptionnelles.

a. Selon la jurisprudence constante de la CRUNI, n’est exceptionnelle que la situation qui particulièrement grave pour l’étudiant.

Lorsque des circonstances exceptionnelles sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant, les autorités facultaires disposant au demeurant d’un large pouvoir d’appréciation, dont la CRUNI ne censure que l’abus (Décision CRUNI G. du 12 octobre 2004).

b. M. D__________ fait valoir qu’il a débuté les cours avec retard, sans pouvoir bénéficier de la séance d’information.

S’il a certes fait valoir ce moyen pour obtenir une répartition différente des examens, qui lui a été refusée, on ne distingue pas le profit qu’il pourrait en tirer puisque son élimination consécutive à son comportement coupable est postérieure de seize mois environ alors qu’il avait bénéficié de deux semestres supplémentaires.

c. Il invoque ensuite des problèmes de logement. Hormis le fait qu’il n’allègue pas que ces problèmes l’aient perturbé au-delà de l’époque de son arrivée à Genève, il ne s’agit pas d’une circonstance qui, en l’état, puisse être qualifiée d’exceptionnelle, au même titre que l’obligation de travailler parallèlement à ses études, les difficultés de logement étant à Genève, le lot de nombre d’étudiants (décision S. du 10 juin 2003).

d. M. D__________ fait enfin état du diabète dont il est atteint. La CRUNI a jugé à de réitérées reprises que des problèmes de santé graves devaient être considérés comme des situations exceptionnelles, sous la condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (décision CRUNI B.-N. du 24 mai 2004).

Le recourant produit trois certificats médicaux, tous trois datés du 15 septembre 2003, desquels il ressort que M. D__________ n’a pas pu se préparer convenablement pour « la prochaine session » (celle d’automne) mais que les traitements mis en place devaient lui permettre d’être prêt pour celle de mars 2004.

Le recourant ayant obtenu une prolongation de ses études sur cette base, il a donc été tenu compte de son état, et il n’apporte aucun autre élément propre à démontrer que le pronostic était trop optimiste.

Le moyen ne saurait en conséquence être retenu.

9. Mal fondé, le recours doit dès lors être rejeté.

Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2004 par Monsieur D__________ contre la décision sur opposition de la faculté des SES du 9 août 2004;

au fond :

le rejette;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

communique la présente décision à Monsieur D__________, à la faculté des sciences économiques et sociales ainsi qu'au service juridique de l'Université de Genève et au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Madame Bertossa-Amirdivani et Monsieur Schulthess, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Marinheiro

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :