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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2168/2006

ATA/662/2006 du 12.12.2006 ( DSE ) , REJETE

Descripteurs : ; MESURE DISCIPLINAIRE ; FONCTIONNAIRE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; FAUTE ; COMPORTEMENT ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPAC.16
Résumé : Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2168/2006-DSE ATA/662/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 12 décembre 2006

dans la cause

 

Madame X______

contre

OFFICE CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES


 


EN FAIT

1. Madame X______ (ci-après : Mme X______ ou la recourante), née en 1951, domiciliée à Genève, a été nommée fonctionnaire de l’Etat de Genève le 21 février 1990. Elle avait été engagée en mars 1987 au département de justice et police, devenu depuis lors le département des institutions, où elle est restée jusqu’au mois de juillet 1989. Dès le 1er août 1989, elle a été engagée en qualité de commise administrative 3 à la caisse d’allocations familiales, devenue depuis lors le service cantonal des allocations familiales (SCAF ; ci-après : le service), rattachée à la caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC ; ci-après : la caisse).

2. Le 12 novembre 1996, Mme X______ s’est vue notifier un avertissement.

Malgré plusieurs entretiens, son comportement était inacceptable aussi bien sur le plan de l’attitude vis-à-vis des assurés et des affiliés qu’au niveau de son manque d’esprit de collaboration au sein du service.

Mme X______ était invitée à modifier son attitude tant vis-à-vis de son travail que de ses collègues, des affiliés et des allocataires. A défaut, il serait envisagé des mesures plus sévères à son égard.

Cette décision a été confirmée par le chef du département de l’action sociale et de la santé sur recours de Mme X______ le 6 décembre 1996.

3. Le 5 avril 2005, le chef de service de Mme X______ a établi une note à l’attention de la direction du service (ci-après : la direction).

Plusieurs collaborateurs se plaignaient du comportement de Mme X______ qui adoptait une attitude professionnelle peu compatible avec le règlement.

Une réunion a eu lieu en mars 2005 au cours de laquelle la hiérarchie a fait part à Mme X______ des remarques de ses collègues au sujet de son attitude. Mais aucun changement positif ne s’en était suivi. En substance, il était reproché à Mme X______ un manque de collaboration avec son groupe de travail, des occupations étrangères au service, une attitude irrespectueuse, voir insolente et moqueuse envers certains collaborateurs, un manque de disponibilités pour assurer les permanences, des absences quotidiennes et fréquentes pour fumer à l’extérieur du bureau, une attitude insolente, narquoise et désinvolte au téléphone que ce soit envers les bénéficiaires ou les employeurs, le fait de laisser carillonner son téléphone fort longtemps avant de répondre et ne prenant jamais les appels de ses collègues absents, un manque de discrétion lors de ses communications téléphoniques, le refus de dévier sa ligne vers le guichet, une attitude désinvolte envers le public, un manque de professionnalisme et de respect tant envers ses collègues qu’envers le public dans ses fonctions au guichet.

4. Un entretien a réuni M. R______, directeur de la caisse, Mme D______, directrice-adjointe du service, M. M______, chef de service et Mme X______ le 11 avril 2005. La direction a relevé que les problèmes comportementaux étaient récurrents depuis 15 ans et de plus en plus inadmissibles. Mme X______ s’est déclarée prête à faire un effort.

Vu l’épaisseur du dossier et l’inanité des mesures précédentes, la direction a informé Mme X______ qu’elle proposerait au Conseil d’administration de lui infliger un blâme.

5. Par décision du 18 avril 2005, le directeur de la caisse a infligé à Mme X______ un blâme à titre de sanction disciplinaire. L’attention de l’intéressée était attirée sur le fait que si son comportement ne s’améliorait pas, la direction s’acheminerait vers des procédures entraînant des mesures plus graves. Mme X______ n’a pas recouru contre cette décision.

6. Le 9 mars 2006, la direction de la caisse a rappelé à Mme X______ qu’elle devait se conformer aux règles en vigueur de l’institution, notamment eu égard au respect des horaires. En l’état, elle présentait un solde négatif d’heures au 28 février 2006 de sorte qu'il lui a été déduit un jour de vacances pour l’année 2006.

Par courrier du 9 mars 2006, Mme X______ a présenté ses excuses et accepté la décision précitée.

7. Le 27 mars 2006, le chef de service a établi une nouvelle note à l’intention de la direction concernant l’attitude de Mme X______.

Depuis le début de l’année 2006, le comportement de Mme X______ s’était à nouveau dégradé. Suivait une liste de griefs ayant traits à l’attitude professionnelle de Mme X______, reprenant pour l’essentiel les observations déjà faites le 5 avril 2005.

8. Dans une note complémentaire du 8 mai 2006, le chef de service a consigné que l’attitude de Mme X______ ne s’était guère améliorée. Il a en outre fait état de manquements professionnels dans la gestion de dossiers qui lui incombaient.

Pour le surplus, en substance et en résumé, Mme X______ faisait un horaire à la carte, prenait ses vacances quand bon lui semblait et travaillait à sa manière sans se soucier, ni de ses collègues, ni de ses supérieurs hiérarchiques.

9. Un entretien réunissant le directeur de la caisse, la directrice-adjointe, le chef de service et le sous-chef de service ainsi que Mme X______ a eu lieu le 9 mai 2006.

Les notes des 27 mars et 8 mai 2006 résumant les griefs retenus à l’encontre de Mme X______ ont été lues à l’intéressée. Celle-ci a admis certains des reproches et en a minimisé d’autres.

Un délai au 15 mai 2006 lui a été imparti pour faire part de sa détermination écrite avant qu’une sanction ne soit prise à son encontre.

10. Mme X______ a présenté ses observations en temps utile.

Elle a justifié son attitude par rapport à ses collègues, relevant qu’elle n’avait pas les mêmes centres d’intérêts que ces derniers. Elle a contesté ne pas respecter ses horaires de travail. Elle épurait ses dossiers en consultant l’informatique. Les reproches professionnels qui lui étaient faits sur deux dossiers ne résistaient pas à l’analyse. Une enquête de 2002 démontrait que ces dossiers étaient bien tenus. Dans les deux cas, sa décision était juste. Concernant ses vacances de mars 2006, elle avait été victime d’un accident le 19 mars 2006. Plutôt que de partir en vacances, elle avait décidé de venir travailler, car elle était apte à le faire. Depuis lors, elle avait produit un certificat médical. Enfin, s’agissant de son attitude générale, elle estimait être victime d’une grave incompréhension pour ne pas dire plus, de la part de son supérieur hiérarchique. Elle estimait inadmissible d’être accusée d’adopter un comportement irrespectueux vis-à-vis de ses collègues ou des clients. Il s’agissait-là d’une véritable atteinte à sa personnalité. Enfin, si elle avait effectivement rempli sa déclaration d’impôts pendant ses heures de pause, elle estimait inadmissible d’être à la fois surveillée et critiquée dans des activités purement privées qui n’avaient jamais nui à la bonne marche du service.

11. Par décision du 19 mai 2006, le président du conseil d’administration de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) a notifié à Mme X______ une sanction administrative, en réduisant son salaire de deux annuités, pendant deux ans, dès le 1er juin 2006. Une évaluation des prestations serait effectuée avant l’échéance de ces deux ans et la direction osait espérer que le comportement de l’intéressée se serait d’ici-là sérieusement amélioré. Au vu du dossier, cette sanction était clémente et Mme X______ était incitée une dernière fois à amender son comportement pour éviter le recours à des sanctions ultimes.

Ladite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Elle indiquait la voie de droit au Tribunal administratif.

12. Mme X______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 13 juin 2006.

En novembre 2005, elle avait conclu un accord oral avec le sous-chef de service l’autorisant à s’absenter un jour sur deux à 11h30. En compensation elle effectuait la quasi-totalité des permanences de 17h00. Depuis plus de 10 ans, elle prenait ses vacances aux dates fixes des manifestations hippiques officielles en France, soit fin mars, début mai, début juin puis les vacances d’été. En mars 2006, alors qu’elle devait prendre ses congés du 21 au 24, elle avait été victime d’un accident le dimanche 19 mars. Elle n’était pas partie et elle était venue travailler. Elle collaborait au service depuis août 1989 et traitait annuellement plus de 1000 dossiers. Le rapport d’audit 2002 portant sur la qualité de son travail démontrait que les dossiers sous sa responsabilité étaient bien tenus. Elle contestait des accusations qui lui étaient faite d’être irrespectueuse vis-à-vis de ses collègues ou des clients.

Au nombre des pièces produites, l’on retiendra un photomontage intitulé « X______ et Calypso du Schemm » sur lequel on voit des cavaliers, dont celui de tête montant un cochon rose.

Elle conclut à l’annulation de la sanction, celle-ci étant injustifiée et excessive car elle cumulait les deux mesures prévues par la loi soit la réduction de deux annuités durant 2 ans. Elle a fait état de dettes importantes contractées suite à un traitement dentaire urgent et coûteux.

Elle sollicite l’effet suspensif à la décision.

Enfin, elle joint à son recours un courrier adressé à la direction de la caisse pour solliciter une réunion afin de déterminer exactement ce que l’on attendait d’elle car elle souhaitait que les choses s’arrangent.

13. Dans ses observations du 23 juin 2006, la direction de la caisse s’est opposée à la restitution de l’effet suspensif.

14. Par décision du 27 juin 2006, le Président du Tribunal administratif a rejeté la demande de mesures provisionnelles présentée par Mme X______.

15. Le 14 juillet 2006, la caisse s’est déterminée sur le fond. Mme X______ n’avait cessé de contrevenir aux devoirs de sa charge et ses manquements professionnels avaient été sanctionnés une première fois en 1996 puis à nouveau en 2005. La sanction était appropriée, étant donné que Mme X______ s’était déjà vue infliger un avertissement et un blâme pour des motifs semblables et que ce nonobstant, elle persistait dans son attitude et ne semblait pas encline à se soumettre aux obligations inhérentes à son statut.

Elle conclut au rejet du recours.

16. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 13 septembre 2006.

S’agissant des adaptations d’horaires intervenues en novembre 2005, Mme X______ a confirmé qu’aucun document écrit n’en attestait. Il était courant dans le service que les horaires soient modifiés, par exemple en raison de cours que suivaient les collaborateurs.

Le chef de service présent à l’audience a déclaré ne pas connaître de telles pratiques.

Mme X______ a précisé que suite à son courrier du 13 juin 2006, un entretien avait eu lieu le 13 juillet 2006. Elle n’avait pas reçu le procès-verbal de cette séance.

La caisse a produit le procès-verbal établi à cette occasion, signé par la directrice-adjointe du service, le chef et le sous-chef de service, et déclaré ignorer les raisons pour lesquelles ce document n’aurait pas été transmis à Mme X______.

La caisse a également versé aux débats le rapport d’audit du 22 février 2002, document dont la recourante a déclaré avoir eu connaissance. La caisse a relevé que la qualité du travail de Mme X______ s’était péjorée du fait de ses difficultés relationnelles.

Mme X______ a confirmé que le but de son recours était que la sanction qui lui avait été infligée soit commuée en un blâme. Elle a ajouté que depuis une année, le chef de service lui avait confié des fonctions qui étaient celles de chef de groupe mais elle n’avait pas demandé une adaptation de salaire en conséquence.

Le chef de service a contesté cette déclaration. Pendant une certaine période, il avait donné à Mme X______ une partie des éléments informatiques nécessaires pour qu’elle puisse effectuer son travail sans déranger le sous-chef et le chef de groupe.

A la demande de la recourante, un délai lui a été imparti pour présenter ses observations par écrit.

La caisse a demandé l’audition de témoins sur la question des horaires.

17. Mme X______ a présenté ses observations le 28 septembre 2006.

Le collage (photomontage) cité au chiffre 12 ci-dessus (ndr), d’un mauvais goût certain, était le fait du chef de service qui ne s’était pas caché en être l’auteur. Les dossiers qu’elle produisait illustraient qu’aucun reproche ne pouvait lui être formulé sur le plan professionnel. Si elle avait omis d’indiquer une voie de droit dans l’un des dossiers, cela provenait d’une méconnaissance de ses outils de travail.

Enfin, le procès-verbal du 13 juillet 2006 ne mentionnait pas qu’elle avait sollicité cet entretien afin de trouver une issue positive au litige ni que la hiérarchie avait constaté que la situation actuelle était satisfaisante.

18. La caisse s’est déterminée le 24 octobre 2006.

Le collage n’avait pas été réalisé par le chef du service mais probablement par un stagiaire ou un étudiant au début de l’année 2005.

Il était rappelé qu’il était fait grief à Mme X______ de n’avoir pas correctement traité les dossiers qui lui étaient confiés, notamment en omettant de rendre une décision sujette à opposition.

Mme X______ faisait preuve de mauvaise foi (sic) quand elle évoquait la réunion du 13 juillet 2006. Le préambule du procès-verbal précisait que cette réunion avait eu lieu à la demande de Mme X______ et que cette dernière souhaitait en tirer une issue positive. Si la direction n’avait pas indiqué que la situation était satisfaisante, c’est tout simplement parce qu’elle ne l’était pas. Les membres de la hiérarchie présents à cet entretien avaient constaté que Mme X______ avait fait des efforts depuis la décision litigieuse, mais ils ne pouvaient pas encore en conclure que la situation était satisfaisante. Il a été rappelé à Mme X______ qu’il était attendu d’elle une nette amélioration sur le long terme. La caisse relevait que le comportement de Mme X______ ne s’était pas amélioré et qu’il y avait encore eu lieu de la remettre à l’ordre, aussi bien au sujet de son comportement que de son travail.

La caisse a persisté dans la demande d’audition de témoins.

19. Dans son audience du 30 novembre 2006, le Tribunal administratif a entendu la supérieure hiérarchique directe de la recourante ainsi que le sous-chef de service.

Mme N______ a déclaré travailler à la caisse depuis novembre 2004 et dans le même bureau que Mme X______ depuis mars 2006. Elle était cheffe de groupe, donc la supérieure hiérarchique directe de la recourante.

Avant qu’elle ne partage le bureau de Mme X______, elle n’avait pas fait d’observations particulières quant au comportement de celle-ci ni à la qualité de son travail. Depuis mars 2006, elle avait effectivement pu constater que la recourante n’acceptait pas volontiers les tâches qu’on lui demandait de faire, mais après discussion les choses s’arrangeaient généralement. Il lui était arrivé toutefois d’en référer au chef de service. Elle avait constaté une amélioration dans le comportement de Mme X______ au cours des jours précédents l’audience. Celle-ci était devenue beaucoup plus positive dans la répartition du travail.

Il était arrivé que Mme X______ conteste du travail qui relevait de son cahier des charges, de même que celui qui devait être réparti en raison de l’absence de collaborateurs. Elle invoquait qu’elle avait trop à faire pour accepter d’autres tâches. Parfois, elle répugnait à prendre un téléphone pour une collègue alors que cela était parfaitement compatible avec ses occupations. Il arrivait également que Mme X______ refuse du travail supplémentaire alors qu’elle aurait parfaitement eu le temps de le faire même si elle devait s’organiser en conséquence.

Le service comptait six gestionnaires à plein temps et trois à temps partiel ainsi qu’une personne à plein temps s’occupant du secrétariat.

Concernant l’horaire, celui-ci était flexible mais en cas de départ à 11h30, il fallait avertir les collègues afin qu’ils prennent la ligne téléphonique. Depuis qu’elle partageait le bureau avec Mme X______, celle-ci ne partait pas à 11h30 et les horaires ne posaient pas de problème.

M. V______ a été entendu en sa qualité de sous-chef de service de Mme X______.

Au début de l’année 2006, il avait accepté que Mme X______ quitte le bureau un jour sur deux à 11h30. Cet accord n’avait pas fait l’objet d’un document écrit. Jusque-là, Mme X______ partait très souvent à 11h30 sans avertir ses collègues et c’est pour remédier à cette situation qu’il avait mis sur pied l’arrangement précité. Depuis lors, il n’y avait plus de problème concernant les horaires. Il avait également passé un accord oral avec une autre collaboratrice du service qui était autorisée à partir à 11h30 une fois par semaine.

Mme X______ le contredisait souvent dans les rapports de travail et il devait fréquemment hausser le ton pour se faire comprendre. Les remises en question de Mme X______ lui faisaient perdre beaucoup de temps. A première vue, la qualité de son travail lui donnait satisfaction.

20. Du dossier, l’on retiendra encore les éléments suivants :

Le 16 novembre 2001, la caisse a confié à Pricewaterhousecoopers un audit portant sur le travail de Mme X______. Il s’agissait de procéder à un contrôle de la gestion technique des demandes d’allocations et de la qualité des relations de cette employée avec les bénéficiaires d’allocations familiales. Dans un document du 22 février 2002, les auteurs du rapport ont précisé avoir choisi vingt dossiers et examiné le traitement des questionnaires, l’obtention des justificatifs, le calcul des allocations et par sondages la conformité du domicile de paiement. De plus, il avait été répondu de manière satisfaisante aux quelques questions qu’ils avaient posées et ils n’avaient pas de remarques à formuler.

Le 2 juin 2006, le chef de service a surpris Mme X______ occupée à écrire des notes personnelles sur le service qui n’étaient pas en rapport avec son travail. Il lui a demandé de rédiger ses notes en dehors des heures de travail. Il s’était aperçu de cela après avoir entendu un fort ricanement de Mme X______. Il s’était alors approché et avait remarqué qu’elle avait noté sur un bloc de feuilles A4 le chiffre 11 correspondant à un numéro de page de ses notes manuscrites. Depuis cet épisode, le groupe du service était passé à un silence total, les collègues se sentant observés et se taisant à outrance. Le chef de service a relaté ces faits à la hiérarchie de Mme X______.

Il résulte du procès-verbal de l’entretien du 13 juillet 2006 que Mme X______ attendait que la direction revienne sur sa décision du 19 mai 2006. Elle souhaitait que lui soient indiqués des éléments concrets sur ce qu’elle devait faire pour s’améliorer. Elle n’entendait pas discuter sur les griefs qui lui étaient reprochés. Cela étant, elle contestait le fait qu’elle laissait sonner le téléphone, ne respectait pas le planning des vacances et était désagréable avec ses collègues ou les assurés etc. La hiérarchie a rappelé à Mme X______ qu’elle attendait d’elle une amélioration de son comportement tant envers ses collègues, que les assurés et ses supérieurs hiérarchiques et qu’elle fournisse un effort pour traiter ses dossiers en conformité avec les directives en vigueur.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon l’article 1 alinéa 2 de la loi relative à l’office cantonal des assurances sociales du 20 septembre 2002 (LOCAS - J 7 04), l’OCAS est un établissement de droit public autonome doté de la personnalité juridique. Il regroupe la caisse (al. 3).

2. Les relations entre la recourante, fonctionnaire, et l'Etat de Genève sont régies par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (art. 1 al. 3 ; LPAC - B 5 05).

Les devoirs du personnel sont énumérés aux articles 20 et suivants du règlement relatif au personnel de l'administration cantonale du 24 février 1999 (RLPAC - B 5 05.01). L'article 20 prévoit que les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'Etat et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Ils se doivent par leur attitude d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnées. Ils doivent justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c). Dans l'exécution de leur travail, ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1) et respecter leur horaire de travail (art. 22 al. 2). Les membres du personnel chargés de fonctions d'autorité sont tenus de veiller à la réalisation des tâches incombant à leur service (art. 23 let. c). Il est interdit aux membres du personnel de solliciter ou d’accepter pour eux-mêmes, ou pour autrui, des dons ou d’autres avantages en raison de leur situation officielle (art. 25).

3. L’article 16 alinéa 1 LPAC contient le catalogue des sanctions.

Les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef de service; au sein de l'établissement, par le supérieur hiérarchique :

1 l'avertissement;

2 le blâme;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'Etat d'entente avec l'office du personnel ou les services administratifs et financiers du département de l'instruction publique; au sein de l'établissement, par le directeur général :

3 la suspension d'augmentation de traitement pendant une durée déterminée;

4 la réduction du traitement à l'intérieur de la classe;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'Etat; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

5 le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de 3 ans.

Demeurent réservées les dispositions sur la résiliation des rapports de service pour un motif objectivement fondé (alinéa 2).

4. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (C.-A. JUNOD, Infractions administratives et amendes d'ordre in SJ l979, pp. 165 ss et 184 ; ATA/705/1997 du 18 novembre 1997 et les références citées).

La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience (SJ l981 p. 328 ; ATA/705/1997 précité), la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (V. MONTANI et C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996, pp. 345 ss, not. 349).

5. En l’espèce, les manquements reprochés à la recourante sont de trois ordres.

a. Il lui est tout d’abord fait grief d’aménager ses horaires à sa propre guise.

Si tel a été le cas par le passé, cette question a été résolue au début de l’année 2006 en accord avec son chef de service. Cet arrangement est intervenu avant les notes internes des 27 mars et 8 mai 2006 qui ont conduit à la décision querellée. Ce reproche n’est donc plus d’actualité et ne sera pas retenu par le tribunal de céans.

b. Il est également reproché à la recourante de travailler à sa manière, sans tenir compte de ses collègues.

Cet élément a été confirmé par la supérieure hiérarchique directe de la recourante lors de son audition devant le tribunal de céans le 30 novembre 2006.

Il sera retenu à charge de la recourante.

c. Le comportement de la recourante envers sa hiérarchie est également mis en cause et le chef de service entendu par le tribunal de céans a confirmé les difficultés qu’il rencontrait liées à l’attitude peu positive de la recourante.

Il ne fait aucun doute que l’attitude de la recourante et en particulier son insubordination et son manque d’empressement à collaborer au besoin du service, constituent des fautes professionnelles qui par leur continuité - puisqu’elles se perpétuent depuis une dizaine d’années - présentent une certaine gravité et sont de nature à entraver la bonne marche du service. Ces manifestations d’un caractère égoïste sont difficilement gérables au sein des rapports de travail en général et plus particulièrement lorsque, comme en l’espèce, elles interviennent dans une équipe de plusieurs personnes. Il faut donc admettre que le comportement de la recourante est difficilement compatible avec les devoirs du personnel de l’administration cantonale tels que la loi les prescrits.

Ce sont d’ailleurs des agissements de ce type qui ont débouché sur les deux sanctions disciplinaires précédentes, à savoir l’avertissement en 1999 et le blâme en 2005. Ces deux mesures ont de plus été suivies d’un rappel à l’ordre en 2006.

Force est de constater que les sanctions susmentionnées ont été parfaitement vaines. Dès lors, l’autorité intimée était fondée à en prononcer une plus sévère.

6. Reste à examiner si la sanction querellée respecte le principe de la proportionnalité. En effet, celle-ci doit être proportionnelle à la gravité de la violation du devoir de fonction, à l’importance du devoir ainsi violé et à la faute de l’agent public.

Si les peines légères répriment des manquements bénins, les peines lourdes ne peuvent être prononcées que si le fonctionnaire s'est rendu coupable d'une infraction unique mais spécialement grave ou s'il a commis un ensemble de transgressions qui, prises isolément, ne seraient pas graves, mais dont la gravité résulte de leur répétition (ATA/397/2005 du 31 mai 2005 et les références citées).

Dans des causes similaires, le tribunal de céans a eu l’occasion de confirmer un blâme et une mise à pied de trois jours avec suppression de traitement d’un employé de voirie qui s’était montré relativement indiscipliné, avait manifesté une certaine mauvaise volonté à exécuter les ordres de son contremaître, accompli ses fonctions avec peu d’assiduité, était arrivé fréquemment en retard, s’était absenté plusieurs jours sans s’excuser auprès de son supérieur et avait consommé de l’alcool sur les lieux de son travail (ATA M. du 12 septembre 1990).

Le Tribunal administratif a prononcé la mise au temporaire en lieu et place de la révocation d’un employé de voirie qui avait fréquenté un établissement public pendant ses heures de service et avait adopté un comportement insolent à l’égard du secrétaire de la mairie de la commune qui l’employait, alors qu’il avait déjà fait l’objet d’un avertissement et de deux blâmes (ATA/688/1995 du 28 novembre 1995).

Enfin, le tribunal de céans a confirmé la mise à pied pour une semaine avec suppression de traitement et la rétrogradation dans une classe inférieure, avec réduction de traitement dans les limites de la nouvelle catégorie d’un employé communal montrant peu d’entrain dans l’accomplissement de sa tâche (ATA/741/2001 du 20 novembre 2001).

Enfin, plus récemment, le Tribunal administratif a confirmé le licenciement d’une fonctionnaire à laquelle il était reproché des manquements répétés aux devoirs de service. Pendant une dizaine d’années, cette personne avait donné pleine satisfaction à sa hiérarchie puis la qualité et la quantité de son travail s’étaient dégradées. Il lui était reproché notamment d’avoir refusé de répondre à des appels téléphoniques, de faire montre d’un manque de motivation en considérant que les tâches qui lui étaient confiées ne correspondaient pas à sa formation. Le tribunal de céans a jugé que dans ce contexte, le licenciement respectait le principe de la proportionnalité (ATA/34/2006 du 24 janvier 2006).

7. A charge de la recourante, il y a lieu de retenir les précédentes mesures prononcées à son encontre.

A sa décharge, le Tribunal administratif retiendra que ses prestations professionnelles semblent avoir donné satisfaction ainsi que cela ressort du rapport d’audit 2002. Certes, l’autorité intimée fait état de deux dossiers dans lesquels il y aurait lieu de reprocher des erreurs à la recourante. Ces remarques semblent toutefois isolées et méritent d’être relativisées compte tenu du fait que la recourante a déclaré traiter plus de 1'000 dossiers par an, sans être contredite sur ce point par l’autorité intimée.

8. Au vu de ce qui précède, la sanction de réduction de traitement prise à l’encontre de la recourante échappe à tout grief. Cette mesure s’inscrit dans la fourchette moyenne des sanctions prévues par l’article 16 LPAC. Elle devrait inciter la recourante à respecter scrupuleusement ses devoirs de service. La recourante voit dans le fait que cette mesure est limitée à deux ans un cumul de sanctions. Certes, à rigueur de texte, cette sanction n’est pas limitée dans le temps comme l’est celle de la suspension d’augmentation de traitement qui elle doit être prononcée pendant une durée déterminée. L’on ne saurait toutefois déduire du silence de la loi que le législateur voulait que la réduction de traitement pourrait être prononcée pour une durée illimitée. En fixant la durée de la mesure à deux ans, l’autorité intimée n’a pas excédé le pouvoir d’appréciation qui est le sien en la matière.

9. La décision attaquée sera ainsi confirmée et le recours rejeté. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2006 par Madame X______ contre la décision de l’office cantonal des assurances sociales du 19 mai 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

communique le présent arrêt à Madame X______ ainsi qu'à l’office cantonal des assurances sociales.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :