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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7870/2013

AARP/367/2015 (3) du 31.08.2015 sur JTDP/347/2014 ( PENAL ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 07.10.2015, rendu le 03.06.2016, ADMIS/PARTIEL, 6B_1057/2015
*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : FAUTE PROPRE; DÉTENTION INJUSTIFIÉE; DÉTENTION ILLICITE
Normes : CP.123.2.6; CPP.429.1.a; CPP.429.1.c; CPP.430.1.a; CPP.431.1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7870/2013AARP/367/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 31 août 2015

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Robert ASSAËL, avocat, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,

appelant et intimé sur appel joint,

 

contre le jugement JTDP/347/2014 rendu le 17 juin 2014 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé sur appel principal et appelant joint.


EN FAIT :

A. a. Par courrier déposé le 25 juin 2014, A______ a annoncé appeler du jugement rendu le 17 juin 2014 par le Tribunal police, dont les motifs ont été notifiés le 31 juillet 2014, par lequel il a été acquitté des chefs de viol (art. 190 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP ; RS 311.0]), de séquestration (art. 183 ch. 1 CP), de contrainte (art. 181 CP) et de lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 1 et 2 CP) pour les faits figurant sous chiffre B.I § 5 de l'acte d'accusation, mais reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 1 et 2 CP), de menaces qualifiées (art. 180 al. 1 et 2 lit. b CP), d'infraction à l'art. 117 al. 1 de la Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr ; RS 142.20), d'usage abusif de plaques (art. 97 al. 1 lit. a de la Loi sur la circulation routière du 19 décembre 1958 [LCR ; RS 741.01]) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup ; RS 812.121). Il a été condamné à une peine privative de liberté de 6 mois, sous déduction de 389 jours de détention avant jugement, et à une amende de CHF 300.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 3 jours, sa libération immédiate étant ordonnée, de même qu'un traitement ambulatoire dans une consultation spécialisée dans les addictions, l'Etat de Genève étant condamné à lui verser CHF 20'900.- avec intérêts à 5% dès le 5 mars 2014, à titre de réparation du tort moral, A______ étant débouté de ses autres ou plus amples conclusions en indemnisation et condamné à la moitié des frais de la procédure s'élevant dans leur totalité à CHF 11'973.40, y compris un émolument de jugement global de CHF 6'000.-.

b. Par acte du 20 août 2014, A______ attaque partiellement le jugement précité, concluant à son acquittement des chefs de lésions corporelles simples qualifiées et de menaces qualifiées, au prononcé d'une peine privative de liberté n'excédant pas 90 jours et devant être assortie du sursis durant 2 ans, l'Etat de Genève devant être condamné à lui verser CHF 59'600.- à titre de réparation du tort moral pour la détention injustifiée, ainsi que CHF 67'524.65 et CHF 179'773.10 à titre de dommage économique.

c. Dans sa détermination du 10 septembre 2014, le Ministère public conclut au rejet de l'appel. Il forme un appel joint, concluant à ce que A______ soit reconnu coupable de viol, de séquestration, de contrainte et de lésions corporelles simples qualifiées pour le chiffre B.I § 5 de l'acte d'accusation, soit condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 389 jours de détention avant jugement, soit débouté de toutes ses conclusions en indemnisation et soit condamné à payer l'intégralité des frais de la procédure de première instance et d'appel, le jugement entrepris devant être confirmé pour le surplus.

d. Au stade de l’appel, il reste reproché à A______ d’avoir :

- de 2010 au 25 mai 2013, à Genève, fait subir à sa compagne, B______ (ci-après : B______), avec laquelle il faisait ménage commun dans l’appartement sis route C______ 18, des atteintes répétées à son intégrité corporelle (chiffre B.I § 1 de l’acte d’accusation), en particulier :

- le 25 mai 2013, vers 7h00, à la Pizzeria-Kebab ""D______"" sise rue E______ 33, de lui avoir donné deux claques au visage puis asséné un coup au niveau de la tête et au bras avec une batte de baseball et lancé de la vaisselle sans toutefois parvenir à l’atteindre, lui causant ainsi les lésions décrites par certificat médical du Dr F______ du 25 mai 2013 (chiffre B.I § 2 et 3 de l’acte d’accusation) ;

- vers la fin 2010, alors qu’elle rentrait de l’hôpital, de l’avoir frappée au visage, à une reprise, lui causant des hématomes (chiffre B.I § 4 de l’acte d’accusation) ;

- de l’avoir frappée à plusieurs reprises et de lui avoir causé des lésions telles qu’elle a dû se rendre à l’hôpital, au point de lui faire tomber le pivot qu’elle portait à l’une de ses dents (chiffre B.I § 5 de l’acte d’accusation) ;

- le 25 mai 2013, vers 7h00, à la Pizzeria-Kebab ""D______"", au cours d’une altercation avec B______, menacé celle-ci, d'abord de lui casser un verre sur la tête, puis avec un couteau, l’effrayant fortement (chiffre B.II de l’acte d’accusation) ;

- le 25 mai 2013, vers 7h00, à la Pizzeria-Kebab ""D______"", fermé à clef la porte d’entrée de l’établissement, retenant de la sorte sa compagne prisonnière, afin de pouvoir la frapper pour des raisons de jalousie et d’argent, l’avoir tirée par les cheveux, l’emmenant jusqu’à proximité du bar alors qu’elle tentait de prendre la fuite, de l’avoir obligée, à l’arrivée de la police à se rendre dans la cuisine, en lui enfonçant l’index dans l’œil gauche et en la saisissant par le bras, puis en la forçant à s’asseoir à une table, pour que la police ne la voie pas, de l’avoir ensuite menacée de s’en prendre à sa famille si elle se levait, et de l’avoir de la sorte maintenue, sans droit, de force dans l’établissement, l’empêchant de s’en aller à sa guise (chiffre B.III de l’acte d’accusation) ;

- en 2010, à Genève, alors qu’B______ venait de le quitter et s’était rendue en Espagne, d’avoir menacé de tuer son frère si elle ne revenait pas à Genève, étant précisé que celle-ci, se conformant à ses exigences, est rentrée à Genève 14 jours plus tard (chiffre B.IV de l’acte d’accusation) ;

- entre 2010 et 2013, à de nombreuses reprises, la dernière fois au début du mois de mai 2013, contraint sa compagne, B______, à subir l’acte sexuel, en ayant recours à la force ou à des pressions psychologiques, soit de l’avoir, la première fois, pénétrée de force en lui tirant les cheveux violemment alors qu’elle était endormie, à certaines reprises saisie par les cheveux alors qu’elle était couchée sur le ventre, avant de lui écarter les jambes de force pour la pénétrer par le vagin ou la sodomiser, à d’autres reprises, alors qu’elle était allongée sur le dos, étranglée avec son avant-bras de manière à ce qu’elle ne parvienne que difficilement à respirer, avant de lui écarter les jambes de force et de la pénétrer et, dans d’autres cas, profitant du climat général de frayeur qu’il avait instauré, de lui avoir fait subir l’acte sexuel en la faisant céder, contre sa volonté, par crainte qu’il ne la frappe pour cause de jalousie (chiffre B.V de l’acte d’accusation).

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a.a. Le 25 mai 2013, à 7h11, la police est intervenue à laPizzeria-Kebab "D______", sise rue E______ 33, en raison d’un conflit entre deux personnes, soit A______, gérant dudit établissement, et B______.

Sur place, tandis que A______ indiquait aux agents avoir eu un différend sans gravité ni échange de coups avec sa compagne, B______ était sortie en courant pour se réfugier dans la voiture de police, expliquant avoir reçu plusieurs coups de poing au visage. Elle avait ajouté subir des menaces, des coups, des insultes et des pressions psychologiques depuis plusieurs années.

Les deux intéressés et G______ (ci-après : G______), qui disait avoir été témoin de la scène, ont alors été conduits au poste de police. D’après le test de l’éthylomètre, A______ présentait un taux d'alcoolémie de 0,85 ‰ dans le sang.

a.b. Le restaurant "D______" a été perquisitionné le 26 mai 2013. Trois verres brisés, une bouteille cassée et deux morceaux de bois, soit un pied de table et un manche d’outil, y ont été découverts.

a.c. Les éléments suivants ressortent des images de vidéo-surveillance de l'établissement qui ont été saisies :

- 6h52 (5h52 selon l’image) : A______ présente ostensiblement des fiches blanches à B______ ;

- 6h53 : A______ donne une claque derrière la tête d'B______, la tire vers lui par le bras, lui donne à nouveau une claque derrière la tête, la tire derechef vers lui par le bras tout en lui montrant lesdites fiches, puis la tient par le bras avec une main et lui donne une claque au visage avec l'autre ;

- 6h54 : A______ s'approche d'B______, qui met ses mains sur son visage pour se protéger. Un tiers intervient pour les séparer, mais A______ le repousse. Il ramène B______ à la hauteur des fiches se trouvant sur le comptoir et lui donne deux nouvelles gifles ;

- 6h55 : A______ montre ostensiblement les fiches à B______ tout en s'agitant. Il se saisit d'un verre se trouvant sur le comptoir, qu'il repose immédiatement. Il tire B______ par les cheveux d'une main, tout en la tenant pendant plusieurs secondes avec l'autre ;

- 6h56 : A______ assène à B______ une claque au visage, avant de la ramener à la hauteur des fiches se trouvant sur le comptoir. Il lui saisit le poignet gauche, qu'il tord afin qu'elle s'accroupisse ;

- 6h57 : A______ frappe B______ à deux reprises au niveau de la tête, avec la main. La discussion se poursuit autour des fiches ;

- 6h58 : A______ se saisit d'un verre, qu'il lève à hauteur de tête, avant de le reposer. La discussion est vive : il agite les bras ;

- 6h59 : A______ s'adresse à une autre jeune femme, dont il attend visiblement des explications, jette les fiches sur le comptoir et donne une gifle à B______, avant de lui prendre le bras ;

- 7h00 : A______ et B______ entrent dans la cuisine. Dès 7h01, successivement, A______ vaque au bar (7h01-7h07), fait des aller-retour à la cuisine avec les fiches (7h07-7h08), présente ces fiches à trois hommes au bar (7h10-7h13) et frappe un tiers, avant que cinq hommes, dont lui, ne s'agrippent les uns aux autres (7h18-7h19), trois d'entre eux quittant ensuite l'établissement (7h20-7h21), lequel sera fermé peu après l'arrivée de la police (7h24).

b.a. A la police, B______ a déclaré fréquenter A______ depuis 2006. Ce 25 mai 2013, il l’avait frappée car il était jaloux du cuisinier qui travaillait avec elle la nuit dans l'établissement, dont elle était l'employée à plein temps pour un salaire de l'ordre de CHF 300.- à CHF 600.- par mois. Il l'avait aussi accusée d'avoir volé de l'argent dans la caisse car des tickets manquaient. Pour ces motifs, il lui avait d’abord donné deux claques au visage, puis avait menacé de lui casser un verre sur la tête, qu'il avait toutefois reposé. Elle avait tenté de s'enfuir, mais il l'avait agrippée par les cheveux et ramenée à côté du bar. Vu qu'il était insensible à ses explications, elle s'était réfugiée dans la cuisine. Il l'avait suivie en lui lançant des verres, des assiettes et un poivrier dans sa direction. Elle avait pu éviter ces objets. Il s'était emparé d'une batte de baseball et lui avait porté un coup à la tête avec. Elle s’était protégée du coup avec son avant-bras gauche ; elle avait eu très mal. Il l'avait menacée avec un couteau, avant de le jeter parterre. Sa collègue, G______, avait saisi A______ pour qu'il cesse de la frapper. A son tour, il l’avait lui-même saisie par le bras en lui disant de partir. Après qu’il eut vu la police arriver, elle avait dû le suivre à la cuisine, où il lui avait enfoncé l'index dans l'œil gauche, puis l'avait saisie par le bras pour l'obliger à s'asseoir, afin que la police ne la voie pas. Il avait alors menacé de s'en prendre à sa famille. Elle avait constaté, à l'arrivée de la police, que A______ avait verrouillé la porte d'entrée de l'établissement avant de se mettre à la taper. Lorsque la porte de l'établissement s'était ouverte, elle avait fui pour se réfugier dans la voiture de police.

En fait, A______ la maltraitait depuis cinq ans. Plusieurs fois, elle avait dû se rendre à l'hôpital suite aux coups qu'il lui avait donnés. Il avait été si violent qu'elle portait un dentier. Après les premiers coups et avoir appris qu'il allait se marier, elle l'avait quitté et s'était rendue en Espagne. Il avait alors menacé de tuer son frère si elle ne rentrait pas à Genève. Elle s'était donc exécutée 14 jours plus tard.

Les viols avaient commencé trois ou quatre ans auparavant. Alors qu’elle était endormie, il l’avait tirée violemment par les cheveux, puis l’avait pénétrée de force. Par la suite, il était arrivé qu’il abusât d’elle en usant de violence dans les premiers instants de l’acte. Ainsi, quand elle se trouvait sur le dos, il l’étranglait avec son avant-bras pour qu’elle ne puisse plus respirer, lui écartait les cuisses avec force et la pénétrait. Si elle était sur le ventre, il la tirait par les cheveux et la pénétrait par son vagin ou la sodomisait. Avec l’habitude, elle parvenait à le calmer. L'excuse donnée par A______ était qu'il dormait ou n'avait pas conscience de ses actes. Elle ne pouvait préciser les dates, ni la fréquence de ces actes, si ce n'est que le dernier abus était survenu deux semaines auparavant. Ils dépendaient des envies de A______, sans considération de son propre état physique. En dépit de ce qui avait été protocolé, elle n'avait jamais prétendu qu'il l'avait violée plusieurs fois en la menaçant avec un couteau, ayant dû être mal comprise par le policier qui l'auditionnait. Elle s'était uniquement référée à un incident survenu lorsqu’elle habitait à la rue H______ avec deux de ses amis, lors duquel A______ s'était montré menaçant avec un couteau en disant qu’elle lui appartenait, ses amis s’étaient alors interposés et elle avait fui. Elle n’avait fait établir aucun constat médical de ses blessures ou après les viols et avait lavé tous ses sous-vêtements.

b.b. Selon certificat médical du Dr F______ du 25 mai 2013, B______ présentait un érythème douloureux de l'orbite inférieure droite, des tuméfactions érythémateuses douloureuses à la palpation du front et du nez, une douleur à la palpation du cuir chevelu sans érythème ni hématome, et des érythèmes et hématomes aux coude droit, avant-bras droit et gauche, avec mobilité limitée du poignet gauche. Les constatations physiques étaient compatibles avec les dires de la patiente.

b.c. Devant le Ministère public, B______ a expliqué avoir retiré sa plainte pénale le 27 mai 2013, sa volonté étant surtout que A______ comprenne qu’elle désirait vivre seule, sans lui. Cela étant, elle maintenait ses précédentes déclarations. Quand elle envisageait de le quitter, A______ la menaçait, notamment de faire appel à la police, sachant qu’elle se trouvait en situation irrégulière en Suisse. Elle voulait lui faire savoir qu’elle était désormais capable de résister à ses menaces et entendait vivre en Suisse.

A son arrivée en Suisse en 2006, elle avait sympathisé avec A______. Après y avoir séjourné pendant un an, elle avait perdu son emploi auprès d'une famille indienne et était retournée en Espagne pendant plusieurs mois. Durant cette période, son frère, travaillant à Genève, avait été menacé de mort par des Albanais, au moyen d'une arme à feu. Elle avait ainsi contacté A______ qui, à sa demande, avait pris en charge son frère et l'avait protégé contre les Albanais. A ses yeux, il était comme « superman ». Plus tard, quand elle était revenue en Suisse, elle s'était rendue chez lui pour le remercier.

A______ avait ensuite mis à sa disposition une chambre indépendante à la rue H______. Vers 2009-2010, ils avaient noué une relation amoureuse et, début 2010, une relation intime, s'étant « mis ensemble ». Il ne lui faisait plus payer de loyer, s'occupait parfois des commissions et lui offrait des vêtements. Vers la fin de l’année 2010, soit après avoir repris le restaurant "D______", A______ était devenu agressif, ayant commencé à boire. Il venait de temps en temps chez elle et y passait la nuit. Sinon il dormait chez lui et venait le matin pour partager le petit déjeuner avec elle. Il s’énervait rapidement et était souvent insatisfait de ce qu’elle faisait. Elle avait ainsi commencé à le craindre. Par la suite, elle avait emménagé avec A______ dans un logement sis route C______ 18. Un soir, en rentrant à la maison, il s'était énervé. Comme elle lui avait refusé une relation intime, il l'avait frappée au visage et elle avait eu les yeux « tout gonflés » le lendemain matin. A une autre occasion, le pivot de sa dent était tombé après avoir reçu un coup de poing de A______ sur la bouche. Une infection s’en était suivie, raison pour laquelle elle portait un dentier.

Concernant les viols, certaines des explications fournies à la police étaient correctes alors que d'autres avaient dû être « confondues avec d'autres déclarations » ou étaient dues au fait qu'elle s'était mal exprimée. La nuit, il lui arrivait de se réveiller avec le coude de A______ sur le cou, l'empêchant ainsi de respirer. Elle réagissait en le repoussant. Il s’excusait alors en indiquant avoir mal dormi, ce qui signifiait selon elle qu'il avait fait un cauchemar. Une fois tous deux réveillés, ils entretenaient une relation intime ; elle était d'accord. Elle n'avait jamais osé dire non. Il était tellement jaloux qu'en cas de refus, il aurait pu croire qu'elle avait une relation avec un autre homme. Ultérieurement, B______ a expliqué que, s'agissant du premier viol évoqué à la police, A______, qui était rentré à la maison très énervé, l'avait saisie par les cheveux alors qu'elle était endormie. Ils avaient ensuite eu une relation intime et elle ne s'y était pas opposée, car c'était le seul moyen qu'elle avait trouvé de le calmer. Lorsqu'il rentrait en colère à la maison et qu'il se montrait violent, il était clair qu'elle n'était pas d'accord d'entretenir une relation sexuelle. Dans son for intérieur, elle ne voulait pas mais finissait par accepter. C'est pour cela qu'elle pensait qu'il s'agissait d'un viol. Elle n’exprimait pas clairement son refus, précisément afin qu'il se calme. A______ ne savait pas qu'elle ne voulait pas, car s'il l'avait su, il se serait encore plus énervé.

Durant son séjour en Espagne, A______ s’était marié, ce qui l’avait affectée car elle était amoureuse de lui. Elle connaissait son épouse, puisqu'il s'agissait d'une de ses amies, qu'elle ne fréquentait plus. Une partie de leurs problèmes relationnels était due à la jalousie tant de la part de A______ que de la sienne.

Durant la nuit du 24 au 25 mai 2013, A______ avait bu beaucoup d’alcool. En le voyant dans cet état, elle n’avait rien osé dire, préférant aller se cacher au sous-sol peu après 2h00 car elle en avait peur.

b.d. Par courrier daté du 15 juillet 2012 (recte : 2013) adressé au Ministère public, B______ a demandé à ce que A______ soit remis en liberté. S’il était en prison parce qu'elle avait dit avoir été violée, il s'agissait d'un malentendu car elle n'avait jamais refusé aucune de leurs relations intimes. Elle ne pouvait pas aller de l'avant en le sachant emprisonné à cause d'un malentendu. Lorsqu’il ne buvait pas ou ne consommait pas de la cocaïne, A______ était un homme exemplaire.

c. Le 25 mai 2013, vers 7h00, G______ avait vu A______ frapper B______ à trois reprises sur le front, avec la main droite, tenant des papiers dans l'autre main. Il lui avait ensuite à nouveau donné deux coups sur le front et B______ s'était réfugiée dans la cuisine, en pleurs ; son front et sa pommette gauche étaient marqués et rouges. Elle avait alors appelé la police. Comme A______ s'était aussi énervé contre elle à cause des tickets de caisse, qu'il l'avait saisie par le bras et « jetée » contre le bar, elle s'était rendue au sous-sol pour appeler à nouveau la police. De là, elle avait cru entendre quelqu'un dire à A______ « d'arrêter avec le couteau ». Ce dernier demandait à B______ de sortir de la cuisine pour s'excuser. Le dénommé « Ali », qui s'était interposé, avait été frappé par A______. Elle était ensuite remontée au rez-de-chaussée, puis sortie du restaurant pour fumer une cigarette. Après l'arrivée de la police, B______ s'était précipitée dans la voiture des agents. Le dénommé « I______ » avait nettoyé les bris d'assiette et de verres. A______ avait proféré des menaces à son encontre, à l’extérieur de l’établissement, lors de son interpellation par la police.

B______ lui avait également raconté que six ans auparavant, A______ avait envoyé quelqu'un la chercher en Espagne. Il avait menacé le frère de celle-ci avec une arme à feu, pour qu'elle revienne en Suisse.

Ultérieurement, G______ a ajouté que A______ était « une bonne personne » et l’avait beaucoup aidée lorsqu'elle vivait à Genève. Lors des faits, il n’était pas lui-même en raison des stupéfiants qu’il avait consommés cette nuit-là.

d.a. A la police, A______ a déclaré que, le 25 mai 2013, le restaurant était resté fermé entre 2h00 et 4h00. Vers 7h00, il avait voulu contrôler les tickets de commandes. Ayant constaté qu’il en manquait, il s'était énervé et avait giflé sa copine, B______. Employée du restaurant comme responsable pour un salaire mensuel d’environ CHF 3'800.-, elle avait accès à la caisse. Il était donc persuadé qu’elle y avait volé de l’argent. Il ne se rappelait pas d’avoir menacé de lui casser un verre sur la tête – ce qu’il n’excluait pas vu son état –, ni de l’avoir agrippée par les cheveux quand elle essayait de s’enfuir. Il lui avait seulement jeté une salière dessus. Il était alors sous l’emprise d’alcool, précisant qu’au cours de la nuit, ses invités et lui avaient bu deux bouteilles de whisky et peut-être d’autres alcools comme de la bière. En sermonnant B______, son doigt avait pu toucher son œil même s'il n'en avait pas l’intention. Il avait uniquement poussé G______ afin qu’elle ne se mêle pas de leurs affaires. La porte du restaurant était verrouillée car l’établissement était fermé. A l’arrivée de la police, il était assis à côté d’B______ pour discuter. Elle s’était alors précipitée dehors. Il ne l'avait pas enfermée dans la cuisine pour la cacher. B______ et lui se fréquentaient depuis sept ans et vivaient ensemble chez lui. Il n’avait jamais menacé ni frappé sa compagne, encore moins avec une batte de baseball ou un couteau, ni la famille – en particulier le frère - de celle-ci. B______ et lui avaient toujours été en bons termes. C’était la première fois qu’ils se disputaient ainsi. Il ne l’avait pas non plus maltraitée. Etant donné qu’ils entretenaient une relation intime, ils décidaient ensemble d’avoir ou non des rapports sexuels. Il ne l’avait jamais contrainte. A la suite d’une infection, B______ portait une prothèse dentaire qu’il lui avait achetée. En moyenne toutes les deux semaines, il consommait environ 1 gramme cocaïne pour un montant de l’ordre de CHF 300.-/350.- par mois.

Après la perquisition, A______ a confirmé que les objets trouvés lui appartenaient. Ceux-ci n’avaient aucun lien avec son altercation avec B______. Le 25 mai 2013, il avait peut-être tenu le manche d’outil découvert, mais ne l’avait pas utilisé pour donner un coup. Par ailleurs, il contestait en totalité les déclarations de G______. Il ne possédait pas de pistolet à son domicile. Ses affaires personnelles se trouvaient en partie à la Pizzeria-Kebab "D______" et dans l'appartement sis route C______ qu’il partageait avec B______.

d.b. Devant le Ministère public, A______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il contestait avoir frappé B______, tout en admettant néanmoins lui avoir donné trois gifles. Il n'avait pas l’intention de recommencer, d'autant qu'il estimait que leur relation était désormais terminée. S'il comprenait que son amie puisse être fâchée contre lui, il n'en allait pas de même s'agissant de G______.

A______ a également précisé que les circonstances dans lesquelles B______ et lui s'étaient connus et l'évolution de leur relation, telles qu'exposées par cette dernière, étaient exactes ; leur liaison intime avait bien débuté juste après Noël 2009, soit au début de l'année 2010. Il était également vrai qu'il avait protégé le frère d’B______ d’Albanais. En revanche, il n’avait pas commencé à boire de l’alcool en 2010 puisqu’il en buvait depuis une vingtaine d'années. Ce qui avait pu le rendre agressif aux yeux d’B______ était en réalité du stress causé par la reprise d’un second établissement, en particulier par les difficultés financières de fin de mois. Comme il ne pouvait pas parler de ses problèmes à son épouse, il les partageait avec sa compagne. S’il s’énervait, il s’en excusait ensuite. En réalité, B______ craignait qu’il la quitte pour une autre femme. Il se rappelait l'avoir giflée à une autre occasion, un jour où elle était rentrée tard de l’hôpital, mais c'était par jalousie et non parce qu’elle aurait refusé des rapports sexuels. Suite à ce geste, elle avait dû se taper contre une porte ou un mur, car ses pommettes étaient devenues bleues. D’ailleurs, sa peau marquait très vite, ce qu’elle confirmait. Il ne l'avait jamais forcée à avoir une relation intime et il ne comprenait pas pourquoi elle disait de telles choses, alors qu'ils se fréquentaient depuis six ans. Dans son sommeil, il lui arrivait de la prendre dans ses bras, inconsciemment, et de la serrer trop fort, auquel cas elle le repoussait et il s'excusait. Jamais il ne l'avait sciemment étranglée avec son coude. Il ne lui avait pas cassé de dent à pivot. Le 25 mai 2013, c'était la deuxième fois qu'il avait reproché à B______ de lui avoir volé de l’argent. Dans les deux cas, il avait beaucoup bu. Quand il était dans cet état, il avait l’impression que les gens lui volaient de l’argent. Cette nuit-là, il avait également consommé de la cocaïne. Il ne se sentait pas prêt à devenir totalement abstinent à l’alcool et à la cocaïne, n’excluant pas une consommation occasionnelle lors d'évènements, mais souhaitait néanmoins réduire considérablement sa consommation d’alcool, ayant conscience que ses problèmes en découlaient. Quant aux substances psychotropes, il jurait qu’il n’en prendrait plus.

e. Selon le rapport d'expertise du 14 novembre 2013, confirmé et complété oralement en audience contradictoire par le Dr J______, A______ présentait des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool et de cocaïne, avec syndrome de dépendance à l'alcool. Au moment des faits, son intoxication à l'alcool et à la cocaïne était aigüe. L’absorption conjointe de ces substances ayant un effet potentialisateur, combiné à ses traits de personnalité, augmentait le risque de passage à l’acte. S'il pouvait apprécier le caractère illicite de ses actes, sa faculté de se déterminer par rapport à cette appréciation était entravée par la prise de ces substances. Sa responsabilité était faiblement restreinte. Les actes punissables étaient en lien avec son état mental. Il présentait le risque de commettre de nouvelles infractions du même type. Un traitement ambulatoire (par exemple par la soumission à des contrôles réguliers), dans une consultation spécialisée dans les addictions comme le Centre ambulatoire d'addictologie psychiatrique (CAAP) ou la Fondation PHENIX, était susceptible de diminuer ce risque. L'expertisé était prêt à se soumettre à un tel traitement, bien qu'il estimait pouvoir contrôler seul sa consommation. Un traitement ordonné contre sa volonté pouvait néanmoins être mis en œuvre et était compatible avec l'exécution d'une peine privative de liberté.

f. Le 22 mai 2014, B______ a sollicité du Tribunal pénal l’autorisation de rendre plusieurs visites à A______.

g. A l’audience de jugement du 17 juin 2014, A______ a confirmé qu’B______ était venue le visiter à la prison à deux reprises car elle était désolée de son incarcération. Son avocat avait entrepris les démarches auprès de la Fondation PHENIX pour le faire sortir de prison mais il ne souhaitait pas s’y rendre, ne se considérant pas comme alcoolique. Il refusait tout traitement ambulatoire, cette mesure n’étant désormais plus justifiée. Il reconnaissait avoir donné des gifles à B______ le 25 mai 2013 car il était très énervé, pensant qu’elle l’avait volé. Plus tard, il lui avait présenté ses excuses et elle avait retiré sa plainte. Quand il l’avait saisie par le bras, il lui avait dit « Vas t’en, je ne veux plus te voir ! ». Il ne l’avait pas frappée à la tête ni avec une batte de baseball. Il reconnaissait l'avoir giflée à une autre reprise dans le cadre d’une dispute due à la jalousie et qu'elle avait ensuite eu un hématome vers l’œil, mais c'était en 2009, non pas à fin 2010. Il ignorait comment elle s’était fait ce "bleu", raison pour laquelle il avait déclaré qu’elle avait dû se taper contre une porte ou un mur. Il contestait avoir frappé B______ à d'autres occasions et lui avoir causé des lésions nécessitant qu’elle se rende à l’hôpital. Sa dent à pivot avait dû être changée ensuite d’une infection. Il contestait les faits visés sous chiffres B.II à B.V de l’acte d’accusation. Il n’avait jamais empêché B______ de partir. Au contraire, c’était ce qu’il voulait. Il n'avait pas davantage menacé son frère, l'ayant au contraire protégé d'Albanais. Les quatre autres hommes qu'on apercevait s’agrippant sur les images de vidéosurveillance étaient des amis et son neveu, lequel était intervenu pour le calmer et l’empêcher de frapper sa compagne. Il était révolté d’être encore emprisonné alors qu’B______ avait retiré sa plainte. Il ne l’avait jamais violée. L'intéressée variait sans cesse dans ses déclarations et mentait. Pour le surplus, il reconnaissait les faits visés sous chiffres B.VI à B.VIII de l’acte d’accusation, précisant avoir dû engager du personnel sans autorisation, car "personne ne veut travailler à la rue E______, surtout avec des horaires comme les [s]iens : fermeture à 2h00 et réouverture à 4h00".

A______ a déposé une requête en indemnisation, concluant au versement d’une indemnité de CHF 59'600.- à titre de réparation du tort moral pour détention injustifiée (298 jours à raison de CHF 200.- par jour), de CHF 67'524.65 pour le gain manqué durant sa détention (calculé sur un revenu net de CHF 5'296.05 durant 12.75 mois) et de CHF 179'773.10 correspondant aux dettes demeurées impayées en raison de la cessation des activités de son commerce suite au prononcé de sa faillite personnelle.

A______ a également produit un chargé de pièces comprenant :

- une copie du jugement du 13 janvier 2014 du Tribunal des baux et loyers prononçant l’évacuation immédiate de l’appartement sis route C______ 18, qu'il avait pris à bail le 3 juillet 2012, pour défaut de paiement du loyer des mois de mai et juin 2013 selon un avis comminatoire du bailleur du 12 juin 2013 ;

- la liste des productions de créances dans sa faillite personnelle, dont le total s’élève à CHF 179'773.10.

h. Par ordonnance du 14 juillet 2014, le Tribunal de mesures de contrainte (ci-après : TMC), statuant sur une requête formée par A______ le 30 mai 2014 et se fondant sur un rapport de la Direction de la prison de Champ-Dollon du 5 juin 2014 détaillant l'ensemble des conditions de détention - qui a été remis aux parties lors des débats de première instance -, a constaté que les conditions dans lesquelles s’était déroulée la détention provisoire de l'intéressé durant la période du 1er juillet 2013 au 5 juin 2014 n’avaient pas respecté les exigences légales. Les motifs en étaient l’insuffisance de la surface nette individuelle à disposition en cellule (soit en l'espèce 3,83 m2) sur une période consécutive de 339 jours dans une situation de confinement en cellule de pratiquement 23h sur 24h (possibilité d'avoir au moins une heure de visite des familles et de pratiquer des activités sportives quelques heures par semaine, en sus de l'heure quotidienne de promenade à l'air libre). A______ n'avait pas travaillé en prison et n'avait pas présenté de demande en ce sens.

A cet égard, il ressort notamment de l'ordonnance du TMC et/ou du rapport de la prison que, durant la période précitée, A______ avait séjourné dans une cellule dite triple de l'unité Sud de la prison, comportant une surface nette de 23 m2, soit l'espace brut moins les sanitaires [douche, toilette et lavabo avec séparation représentant 2,50 m2], avec cinq autres détenus. En comparaison, l'unité Est de Champ-Dollon, aire réservée aux travailleurs, comporte deux types de cellules, dans lesquelles chaque détenu dispose d'un espace individuel de 4 m2 au minimum (cellule individuelle d'une surface nette de 12.85 m2, occupée usuellement par deux prisonniers, ou cellule triple d'une surface nette de 28.16 m2, occupée par cinq à six détenus). Les détenus souhaitant travailler doivent s'inscrire sur une liste d'attente, le délai pour l'obtention d'une place de travail étant d'environ six mois.

Cette décision précise finalement que « l’indemnité pour tort moral allouée par le premier juge à A______ était fondée sur l’art. 429 al. 1 let. c CPP du fait de son acquittement partiel et qu’il ne ressort pas du dispositif dudit jugement qu’il ait tenu compte dans cette indemnité des conditions de détention du détenu sur la période de 339 jours susmentionnée ».

C. a. Par ordonnance OARP/70/2015 du 19 février 2015, la Chambre pénale d’appel et de révision (ci-après : CPAR) a ordonné l’instruction de l’appel par la voie orale, en impartissant à A______ un délai pour le dépôt de ses éventuelles conclusions complémentaires en indemnisation.

b. Par requête complémentaire en indemnisation du 28 avril 2015, A______ conclut à la condamnation de l’Etat à lui verser CHF 10'206.- avec intérêts à 5% dès le 29 avril 2015 au titre d’honoraires de son conseil et CHF 67'800.- avec intérêts à 5% dès le 6 juin 2014 au titre d’indemnité pour ses conditions de détention illicites, correspondant à une indemnisation de CHF 200.- par jour.

La note d’honoraire de Me Robert ASSAEL mentionne 21 heures 30 minutes d’activité (au tarif horaire de CHF 450.-) pour la période du 23 juin 2014 – veille de la date à laquelle cet avocat s'est constitué en remplacement du défenseur nommé d'office pour la défense de intérêts de A______ - au 28 avril 2015, dont 3 heures estimées pour l’audience d’appel ainsi que 3 heures 30 minutes pour la rédaction de courriers et des entretiens téléphoniques.

c.a. A l’audience du 28 avril 2015, à titre préjudiciel, le Ministère public a conclu à l’irrecevabilité de la conclusion de A______ tendant à l’octroi de l'indemnité précitée de CHF 67'800.-. Ce dernier s'y est opposé, étant précisé que les parties ont accepté de plaider cette question avec le fond.

c.b. A______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il n’avait pas suivi de traitement ambulatoire, estimant ne pas en avoir besoin puisqu’il ne consommait pas régulièrement de l’alcool et de la cocaïne. Désormais, il ne buvait qu’un peu d’alcool, notamment avec les repas. Bien qu’B______ l’ait contacté, il n’y a pas donné suite.

c.c. Selon la défense, les « infractions qualifiées » ne pouvaient être retenues en l'espèce, car le prévenu et B______ n’avaient pas eu de résidence commune. Tant avant qu'après son mariage, le 14 octobre 2008, A______ avait vécu avec son épouse, même s'il s'en était distancé lorsqu'il avait débuté sa relation intime avec B______ en 2010. Avant la conclusion du contrat de bail relatif au logement sis route C______ 18, le 3 juillet 2012, il passait peu de de temps avec cette dernière, vivant toujours avec son épouse. Les faits datant de 2010 ne pouvaient donc pas être retenus. Après, la situation était plus délicate, mais les déclarations faites par A______ devant le Tribunal de police – la seule fois où il avait été véritablement interrogé à ce sujet – ne correspondaient pas à la notion de ménage commun, de sorte qu'il devait être acquitté au bénéfice du doute. Par ailleurs, les déclarations de la victime avaient beaucoup varié, notamment au sujet du viol, et pas seulement sur des détails. Tout ceci était une construction de la victime fâchée par le comportement de A______, comme cela était démontré par ses mensonges, notamment quant à l'existence d'une batte de baseball. Le fait que A______ lui avait mis l’index dans l’œil n’était pas non plus établi. Le premier juge n'avait pas davantage retenu que la porte du restaurant avait été verrouillée à l'arrivée de la police. Pour le surplus, le Tribunal de police avait retenu plus de violences que celles reprochées dans l’acte d’accusation, alors que la peine ne pouvait être fixée qu’en fonction de celles-ci et non pas de ce qui apparaissait sur les images de vidéosurveillance. S’agissant de la peine, en particulier de l’octroi du sursis, l’expert n’avait pas fait état d'un pronostic défavorable. Depuis sa sortie de prison, A______ ne consommait plus de cocaïne et ne buvait qu’occasionnellement de l’alcool. Il avait ainsi un « parcours sans faute » depuis dix mois, bien que n'ayant pas suivi le traitement préconisé. Ses antécédents de 1997 et 2003 étaient trop anciens pour refuser de lui octroyer le sursis, d'autant qu'ils auraient été radiés en Suisse.

A______ persistait intégralement dans ses requêtes en indemnisation. Son dommage économique était justifié et avait été documenté en première instance. A cet égard, le raisonnement du Tribunal de police ne tenait pas, étant donné que la peine ferme était injustifiée. Son arrestation avait fait plonger ses affaires. En outre, il fallait considérer qu’un jour de détention dans des conditions illicites en valait deux. Aucune conclusion dans ce sens n’avait été prise devant le Tribunal de police. Comme ce point n’avait pas été abordé par cette juridiction, il n'avait pas à figurer dans sa déclaration d’appel. Si la décision du TMC était intervenue avant l’audience de jugement, sa demande n’aurait pas été irrecevable. Le principe de l’économie de procédure imposait donc de la traiter.

c.d. Le Ministère public soutient que l’indemnisation réclamée pour les conditions de détention illicites est irrecevable. S'il fallait retenir que le Tribunal de police ne s’était pas déterminé à ce sujet en raison de la chronologie des événements, la CPAR ne pouvait se saisir d’une question n’ayant pas fait l’objet du jugement de première instance. En revanche, s’il fallait considérer que le Tribunal de police avait d’ores et déjà débouté A______ de cette conclusion, celui-ci était désormais forclos pour la faire valoir, faute de l’avoir invoquée dans sa déclaration d’appel, mais conservait la faculté d'agir en responsabilité contre l'Etat. Au demeurant, l’indemnité fixée à CHF 200.- par jour ne visait pas les conditions de détention. Les conclusions relatives à la détention injustifiée devaient être rejetées vu la quotité de la peine requise en appel. Quant à l’indemnité sollicitée pour le dommage économique, la faillite de A______ avait été déclarée seulement trois mois après son placement en détention provisoire et aurait donc aussi été prononcée s’il fallait admettre que l’appelant n’aurait pas dû être détenu plus de 90 jours. A______ était responsable de cette situation.

Sur le fond, le jugement entrepris détaillait la notion de ménage commun, retenue à juste titre. Pour les menaces qualifiées, les images de vidéosurveillance montraient la peur de la victime. Pour les infractions de viol, séquestration, contrainte et lésions corporelles simples qualifiées, les faits étaient précis. Initialement, les déclarations de la victime étaient détaillées. Elles avaient ensuite fluctué car B______ était intimidée par l’appelant, comme cela ressortait du fait qu'elle s’était réfugiée dans le véhicule de police. Les faits filmés correspondaient d'ailleurs parfaitement à ses propos. La compétence du Tribunal de police avait été choisie en raison de la responsabilité légèrement restreinte de A______, nonobstant la gravité des faits. Le risque de récidive était important puisqu’aux termes du rapport d’expertise, le prévenu souffrait d’une pathologie nécessitant un traitement ambulatoire.

D. a. A______, né le ______ 1975, de nationalité ______, est titulaire d’un permis B, depuis son mariage, le 14 octobre 2008, lequel est en cours de renouvellement en vue de l’obtention d’un permis C. Depuis sa sortie de prison, il déclare faire à nouveau ménage commun avec son épouse, laquelle n’exerce pas d’activité lucrative. Ils n’ont toujours pas de logement fixe. Dans l’attente de percevoir l’aide sociale, des amis et des parents les aident à subvenir à leurs besoins. Il est, par ailleurs, père de deux enfants mineurs, résidant aux Pays-Bas avec leur mère. Il ne leur verse pas de contribution d’entretien, faute de moyens financiers. Il n'avait pas demandé à travailler en prison, car on lui avait dit qu'il n'y avait pas de place disponible.

Après avoir travaillé dans un restaurant sis à la rue de la ______ géré par sa tante dès son arrivée en Suisse en 2006, puis dans celui de la rue E______, dont il a repris la gérance à fin 2011, A______ s'est associé à l'un de ses cousins pour exploiter un second établissement à ______ en 2012. Son entreprise individuelle a été inscrite au Registre du commerce le 7 février 2012. Il résulte des déterminations que son conseil a adressées au TMC que, durant sa détention, son cousin a poursuivi l'exploitation des deux restaurants jusqu'au prononcé de sa faillite personnelle. Sa faillite a été déclarée par jugement du 29 août 2013, consécutivement à une commination de faillite notifiée le 10 avril 2013, et elle a été liquidée en la forme sommaire.

Selon la seule pièce figurant au dossier à ce sujet, qui fut produite à l'appui d'une demande de leasing pour un véhicule VW Touran d'une valeur d'environ CHF 40'000.- en février 2013, A______ a reçu un salaire net de CHF 5'296.05 en janvier 2013. Toutefois, d’après les fiches de situation personnelle établies les 21 et 25 mai 2013 lors de ses auditions par la police, son revenu net se situait entre CHF 3'500.- et 4'000.-, étant précisé que celui mentionné comme étant réalisé par son "conjoint/concubin" correspondait en fait au salaire d'B______ et non de son épouse. Ces documents font aussi état de "poursuites" à hauteur de CHF 20'000.- ou d'un "emprunt" de CHF 25'000.-. A cet égard, A______ a expliqué, lors de l'audience de jugement, que son revenu variait selon les mois en fonction de l'activité des restaurants qu'il gérait, précisant que les affaires n'allaient pas bien entre janvier et mars 2013 et qu'il n'assumait ses paiements, en fin de mois, qu'avec difficulté, ayant même dû prendre un crédit de CHF 30'000.-. Il lui arrivait de prélever CHF 10'000.- à 13'000.- par mois mais, après avoir réglé les charges d'exploitation, il ne lui restait plus que CHF 1'000.- pour vivre.

b. A______ n’a pas d’antécédent judiciaire en Suisse.

Selon l’extrait de son casier judiciaire néerlandais, il a été condamné :

-       le 12 février 1997 par le Parquet de l’arrondissement de Rotterdam à une peine de prison de dix mois, dont cinq assortis du sursis avec un délai d’épreuve de deux ans, pour tentative d’homicide ;

-       le 28 mai 2003 par le Parquet de l’arrondissement de Rotterdam à une peine de prison de six mois, dont trois assortis du sursis avec un délai d’épreuve de deux ans, pour "contravention" intentionnelle à la loi sur les stupéfiants.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0).

Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

1.2. La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

1.3. Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité des conclusions en indemnisation prises par le prévenu en se prévalant d'une violation de l'art. 3 CEDH pour ses conditions de détention à Champ-Dollon.

1.3.1. Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Sur le plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. A teneur de l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. La Constitution genevoise le prévoit aussi (art. 18 al. 2 Cst./GE) et précise que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1 Cst./GE).

Le prévenu qui estime avoir subi, dans le cadre de sa détention avant jugement, un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH dispose d'un droit à ce que les agissements dénoncés fassent l'objet d'une enquête prompte et impartiale (art. 13 CEDH ; ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1) pour en faire, cas échéant, constater l'existence. Si la compétence pour procéder à ce constat est généralement dévolue à l'autorité de contrôle de la détention (ATF 139 IV consid. 3.1), le principe de l'économie de la procédure, rappelé par le Tribunal fédéral dans diverses affaires où l'autorité de contrôle était saisie de conclusions constatatoires (arrêts du Tribunal fédéral 1B_56/2014 du 10 avril 2014 consid. 1.3, 1B_129/2013 du 26 juin 2013 consid. 2.2 et 2.3, 1B_351/2012 du 20 septembre 2012 consid. 2.3), conjugué au fait que de telles conclusions sont nécessairement subsidiaires à celles condamnatoires ou formatrices (arrêt du Tribunal fédéral 1B_129/2013 précité), permettent au juge du fond d'opérer un tel constat, pour autant que ce magistrat, qui sera appelé à statuer sur d'éventuelles conséquences d'une telle violation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 2.1 et 1B_129/2013 précité), soit déjà saisi du litige ou en passe de l'être.

Le prévenu qui se prévaut pour la première fois en appel de l'illicéité des conditions de sa détention doit se laisser opposer, si ces conditions portent sur une période antérieure au terme des débats de première instance, le fait que seule l'autorité d'appel statuera sur ses prétentions, en application du principe de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2013 du 6 mai 2014 consid. 1.3) ancré à l'art. 3 al. 2 CPP.

1.3.2. En l'espèce, il ressort de la procédure que le prévenu n'a pas émis de prétentions à ce sujet en première instance, même s'il aurait été en mesure de le faire puisque le rapport de la direction de l'établissement pénitentiaire lui a été communiqué au cours des débats de première instance, et que le Tribunal de police n'a pas statué sur cette question. Il ne saurait dès lors être fait grief au prévenu de n'avoir pas pris de conclusions sur ce point dans sa déclaration d'appel. Comme elle l'a déjà admis à plusieurs reprises dans des cas similaires (voir par exemple AARP/487/2014 du 1er octobre 2014 consid. 6.6.1 et AARP/566/2014 du 7 octobre 2014 consid. 8.1), la CPAR est habilitée à examiner de telles prétentions même lorsqu'elles sont invoquées pour la première fois en appel, le requérant perdant uniquement le bénéfice d'un double degré de juridiction. Celles émises par l'appelant sont donc recevables et seront examinées au consid. 4.7.3 ci-dessous.

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss, ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).

2.2.1. L'art. 123 ch. 1 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP.

Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Les lésions corporelles sont une infraction de résultat qui implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 p. 191 ; ATF 135 IV 152 consid 2.1.1 p. 154). A titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1. p. 191 ; ATF 107 IV 40 consid. 5c p. 42 ; ATF 103 IV 65 consid. 2c p. 70). Un coup de poing dans la figure ayant provoqué un hématome doit être sanctionné en application de l'art. 123 CP, parce qu'un hématome est la conséquence de la rupture d'un vaisseau sanguin, dommage qui est une lésion du corps humain, même si celle-ci est superficielle et de peu d'importance (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 27).

2.2.2. A teneur de l'art. 123 ch. 2 CP, les lésions corporelles simples se poursuivent d'office notamment si l'auteur a fait usage d'une arme ou d'un objet dangereux ou s'il est le partenaire de la victime, pour autant qu'ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que l'atteinte ait été commise durant cette période ou dans l'année qui a suivi la séparation.

Par concubinage au sens étroit, il faut entendre une communauté de vie d’une certaine durée, voire durable, de deux personnes de sexe opposé, à caractère exclusif, qui présente aussi bien une composante spirituelle, corporelle et économique et peut être également définie comme une communauté de toit, de table et de lit. Les trois composantes ne revêtent cependant pas la même importance. S’il manque la cohabitation ou la composante économique, mais que les deux partenaires vivent tout de même une relation à deux stable et exclusive et s’accordent une assistance réciproque, l’on doit admettre qu’il s’agit d’une communauté de vie assimilable au mariage. L’auteur doit faire ménage commun avec la victime pour une durée indéterminée. La victime, qui partage le même toit que l’auteur, se trouvera, en effet, souvent dans une relation de dépendance, qui peut être matérielle ou psychique et qui l’empêchera de décider librement s’il convient de déposer une plainte pénale (FF 2003, page 1'758 et l'ATF 118 II 235 cité).

2.3. L’art. 180 ch. 1 CP vise, sur plainte, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne. La poursuite de l'infraction a aussi lieu d'office lorsque l'auteur est le partenaire hétérosexuel ou homosexuel de la victime pour autant qu’ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que la menace ait été commise durant cette période ou dans l’année qui a suivi la séparation (art. 180 ch. 2 let. b CP).

Il y a menace si l’auteur fait volontairement redouter à la victime la survenance d’un préjudice au sens large (ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100). Il doit évoquer la survenance future d’un événement préjudiciable dont la réalisation dépend de sa volonté (ATF 106 IV 125 consid. 2a p. 128). La menace peut être exprimée par la parole, l’écrit ou par un comportement concluant (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, n. 3ss ad art. 180 CP). Une menace est dite grave lorsqu’elle est objectivement de nature à alarmer et à effrayer la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 consid. 3.1). Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d’une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (ATF 99 IV 212 consid. 1a p. 215s ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_435/2011 du 6 octobre 2011 consid. 3.1). Sont considérées comme des menaces graves, les menaces contre la vie, l’intégrité corporelle ou tout autre bien juridique fondamental (J. HURTADO POZO, Droit pénal : partie spéciale, nouvelle édition, Genève/Zurich/Bâle 2009, n° 2395). Pour que l’infraction soit consommée, il faut que la personne visée soit effrayée ou alarmée par la menace grave. Il ne suffit pas que le destinataire ait conscience d’être menacé, il faut encore que la menace grave l’alarme ou l’effraye effectivement (ATF 99 IV 212 consid. 1a p. 215).

L'auteur doit avoir l'intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d'alarmer ou d'effrayer le destinataire. Le dol éventuel suffit (CORBOZ, op. cit. n. 15, 16 ad art. 180 CP).

2.4. Se rend coupable de contrainte au sens de l’art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou la menaçant d’un dommage sérieux ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Alors que la violence consiste dans l’emploi d’une force physique d’une certaine intensité à l’encontre de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a p. 44), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l’auteur, sans toutefois qu’il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b p. 448 ; ATF 106 IV 125 consid. 2a p. 128) ni que l’auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 122 IV 322 consid. 1a p. 324 s. ; ATF 105 IV 120 consid. 2a p. 122). La loi exige un dommage sérieux, c’est-à-dire que la perspective de l’inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l’auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d’action (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19). La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d’une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a p. 324/325 ; ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19).

Il peut également y avoir contrainte lorsque l’auteur entrave sa victime « de quelque autre manière » dans sa liberté d’action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive, n’importe quelle pression de peu d’importance ne suffisant pas. Il faut encore que le moyen de contrainte utilisé soit propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action. Il s’agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1 p. 328 ; ATF 134 IV 216 consid. 4.2 p. 219 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_281/2013 du 16 juillet 2013 consid. 1.1.1).

2.5. Se rend coupable de séquestration au sens de l'art. 183 ch. 1 CP celui qui, sans droit, aura arrêté une personne, l'aura retenue prisonnière, ou l'aura, de toute autre manière, privée de sa liberté.

Il y a séquestration si l'auteur maintient la personne au lieu où elle se trouve sans droit (ATF 119 IV 216 consid. 2.a). Il n'est pas nécessaire que la privation de liberté dure longtemps, quelques minutes suffisent. Le moyen utilisé pour atteindre le résultat, c'est-à-dire priver la personne de sa liberté, n'est pas décrit par la loi. La personne peut être empêchée de partir par la menace ou par la violence (ATF 104 IV 170 consid. 2). On peut aussi imaginer que l'auteur lui enlève les moyens de s'en aller ou la place dans des conditions telles qu'elle se sent dans l'impossibilité de s'en aller (arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2011 du 13 avril 2012 consid. 3.3.1 et la doctrine citée).

2.6. Aux termes de l'art. 190 al. 1 CP, se rend coupable de viol celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel.

Le viol suppose en règle générale une agression physique. Il en résulte que toute pression, tout comportement conduisant à un acte sexuel non souhaité ne saurait être qualifié de contrainte. L'art. 190 CP, comme l'art. 189 CP (contrainte sexuelle), ne protège des atteintes à la libre détermination en matière sexuelle que pour autant que l'auteur surmonte ou déjoue la résistance que l'on pouvait raisonnablement attendre de la victime (ATF 133 IV 49 consid. 4 p. 52 ; ATF 131 IV 167 consid. 3.1 p. 170). L'infraction visée par l'art. 190 CP exige donc non seulement qu'une personne subisse l'acte sexuel alors qu'elle ne le veut pas, mais également qu'elle le subisse du fait d'une contrainte exercée par l'auteur. A défaut d'une telle contrainte, de l'intensité exigée par la loi et la jurisprudence, et même si la victime ne souhaitait pas entretenir une relation sexuelle, il n'y a pas viol (arrêts du Tribunal fédéral 6B_710/2012 du 3 avril 2013 consid. 3.1 et 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 5.2).

Les pressions d'ordre psychique visent les cas où l'auteur provoque chez la victime des effets d'ordre psychique, tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir, propres à la faire céder (ATF 128 IV 106 consid. 3a/bb p. 111 ; ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100). En cas de pressions d'ordre psychique, il n'est toutefois pas nécessaire que la victime ait été mise hors d'état de résister. La pression exercée doit néanmoins revêtir une intensité particulière, comparable à celle d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 133 IV 49 consid. 6.2 p. 55). Au vu des circonstances du cas et de la situation personnelle de la victime, on ne doit pas pouvoir attendre d'elle de résistance, ni compter sur une telle résistance, de sorte que l'auteur peut parvenir à son but sans avoir à utiliser de violence ou de menace (ATF 131 IV 167 consid. 3.1 p. 170 ss).

Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. Une appréciation individualisée est nécessaire, laquelle doit reposer sur des éléments suffisamment typiques. La mesure de l'influence qui doit avoir été exercée sur la victime pour qu'il y ait pression d'ordre psychique n'est pas aisément déterminable, de sorte qu'il y a lieu de se montrer prudent dans l'application des dispositions réprimant le viol (cf. ATF 128 IV 97 consid. 2b p. 99).

2.7.1. S’agissant des faits du 25 mai 2013, les images de vidéosurveillance de l’établissement démontrent le comportement violent de l’appelant à l’égard d’B______. Il en ressort indubitablement que l’appelant lui a asséné plusieurs gifles au visage, à la tête, lui a tiré les cheveux, le bras et tordu le poignet, lui occasionnant les lésions relevées dans le certificat médical du même jour. Il le reconnaît partiellement en admettant lui avoir asséné deux gifles et l’avoir tirée par le bras. Quant aux coups potentiellement portés avec une batte de baseball, force est de constater qu’un tel objet n’a pas été retrouvé sur les lieux lors de la perquisition au lendemain de l’interpellation de l’appelant. Il ne ressort pas davantage des images précitées que ce dernier aurait fait usage d'un objet similaire, à l'instar du manche d'outil découvert sur place. En revanche, on peut y voir l’appelant saisir à réitérées reprises un verre en menaçant de le casser sur la tête d’B______, dont le comportement traduit une peur manifeste. L’éventuel usage d’un couteau, rapporté par le témoignage imprécis de G______, n’apparaît toutefois aucunement.

Durant l'année 2010, alors qu’B______ revenait de l’hôpital, l’appelant s’est souvenu lui avoir asséné une gifle. Bien qu’il ait concédé que les pommettes de celle-ci étaient ensuite devenues bleues, ses explications quant au déroulement de cet épisode et aux conséquences de son geste n’apparaissent pas crédibles. Dans la mesure où une gifle est susceptible d’occasionner de telles marques – a fortiori sur une personne à la peau délicate selon les dires de l’appelant –, cet acte a bien occasionné une lésion corporelle simple, compte tenu de l'apparition d'un hématome.

B______ a également indiqué avoir été frappée à plusieurs reprises par l’appelant entre 2010 et 2013, présentant de la sorte des lésions telles qu’elle avait dû se rendre à l’hôpital, en particulier après avoir perdu le pivot qu’elle portait à l’une de ses dents. Les versions des parties à ce sujet étant contradictoires et faute d’élément de preuve en attestant, ces faits ne peuvent être retenus à la charge de l’appelant.

2.7.2. Lors de l’interpellation de l’appelant, B______ et lui vivaient ensemble, à tout le moins depuis le mois de juillet 2012, dans l’appartement situé aux C______. Pour la période précédant cette date, ils ont tous deux indiqué et confirmé se fréquenter depuis 2009, avant de nouer une relation intime dès le début de l’année 2010. L’appelant ne faisait alors plus payer de loyer à B______ pour le logement qu'il avait mis à sa disposition. Il y dormait avec elle lorsqu’il n’était pas au domicile conjugal. Quand il n’y passait pas la nuit, il venait y prendre le petit déjeuner. Il faisait également parfois les commissions et lui offrait des vêtements. Il confiait à B______ les difficultés qu’il rencontrait notamment sur le plan professionnel, dont il ne parlait pas à son épouse. Ainsi, avant d’emménager ensemble en 2012, B______ et l’appelant vivaient déjà une relation stable depuis 2010, dans le cadre de laquelle ils s’accordaient une assistance réciproque, synonyme de communauté de vie assimilable au mariage. Il en découlait aussi pour la victime une dépendance tant psychique que matérielle de nature à l'empêcher de décider librement de l'opportunité de de déposer une plainte pénale, ce que le législateur a précisément voulu prévenir en instaurant une poursuite d'office.

Dès lors, au vu des éléments retenus dans l’acte d’accusation (art. 9 al. 1 CPP), l’appelant s’est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées et de menaces qualifiées à l’encontre d’B______ en lui assénant deux claques, en lui causant des hématomes aux avant-bras consécutifs à des coups ou des pressions et en la menaçant de lui casser un verre sur la tête le 25 mai 2013, ainsi qu’en lui donnant une gifle au cours de l’année 2010. L'appel principal doit donc être rejeté sur ces points.

2.8.1. Il est, par ailleurs, reproché à l’appelant d’avoir privé de sa liberté B______ lors de faits du 25 mai 2013. Selon cette dernière, l’appelant avait alors verrouillé l’établissement afin de s’en prendre à elle, de la frapper, ce que celui-ci conteste. Dans la mesure où elles mettent en scène les allers et venues de diverses personnes entre l’intérieur et l’extérieur de l’établissement, les images de vidéosurveillance ne permettent pas de confirmer ces accusations, qu’aucun autre élément ne vient étayer. Il en va de même quant au fait que l’appelant aurait saisi la victime par les cheveux dans le but de la maintenir à l’intérieur de l’établissement et l’aurait ensuite contrainte, par la menace ou la violence, à rester à la cuisine. Avec le premier juge, il convient de considérer le fait que la victime se soit réfugiée dans la voiture de police comme le signe qu’elle était effrayée, non pas qu’elle aurait été empêchée de quitter les lieux.

2.8.2. Quant aux menaces relatives au frère d’B______, les déclarations de celle-ci à ce sujet ont notablement varié. Dès son audition par le Ministère public, elle s'est rétractée, donnant une version diamétralement opposée dans laquelle l’appelant apparaît comme « superman » à ses yeux, ce qui aurait d’ailleurs conforté ses sentiments à son égard.

2.8.3. En ce qui concerne les accusations de viols, voire de contrainte sexuelle, les propos de la victime ne sont pas davantage convaincants. Tout au long de l’instruction, elle n’a cessé de minimiser ses déclarations initiales à la police, invoquant tantôt l’incompréhension des agents ayant recueilli ses propos, tantôt le caractère involontaire de la violence physique exercée par l’appelant pour laquelle il s’excusait une fois réveillé et qui donnait ensuite généralement lieu à des relations sexuelles consenties. Si la victime maintient avoir fait l’objet de pressions psychiques en raison du comportement de l’appelant, elle admet également n’avoir jamais manifesté son refus et avoir au contraire accepté de satisfaire à ses demandes afin de le « calmer », soulignant elle-même que l'appelant ne pouvait pas se rendre compte de son opposition. Dans le même temps, elle a reconnu que les difficultés de leur couple résidaient dans leur jalousie respective. En outre, tant le contenu de la lettre qu’elle a adressée au Ministère public que ses visites à l’appelant en prison rendent difficilement crédibles les atteintes initialement alléguées. Elles n'ont d'ailleurs jamais fait l'objet d'un constat médical et ne sont corroborées par aucun autre élément du dossier.

2.9. Au vu de ce qui précède, le verdict de culpabilité rendu en première instance doit être intégralement confirmé, l’appelant devant être acquitté des chefs de viols, de séquestration, de contrainte et de lésions corporelles simples qualifiées selon le chiffre B.I § 5 de l’acte d’accusation. L'appel joint s'avère donc infondé sur ces points.

3. 3.1. Les infractions de lésions corporelles simples qualifiées et de menaces qualifiées sont passibles d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

L’appelant a également été reconnu coupable en première instance d’infractions à la loi fédérale sur les étrangers pour avoir employé, parfois pendant plusieurs mois, sept ressortissants étrangers, dont B______ durant plus d'un an et G______ durant plus de deux mois, ne disposant d'aucune autorisation d'exercer une activité lucrative en Suisse, faits établis consécutivement à l'enquête menée ensuite d'une inspection inopinée du service compétent, et à celle sur la circulation routière, délits passibles des mêmes peines, ainsi que d'une contravention à la LStup, faits reconnus et qui ne sont plus litigieux en appel.

3.2. Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, le caractère répréhensible de l’acte, les motivations et les buts de l’auteur ainsi que la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Le facteur essentiel est celui de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 5.1).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la
lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20; arrêt du Tribunal fédéral 6B_198/2013 du 3 juin 2013 consid. 1.1.1).

Selon la jurisprudence, l'absence d'antécédents a, en principe, un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être prise en considération dans un sens atténuant. Exceptionnellement, il peut toutefois en être tenu compte dans l'appréciation de la personnalité de l'auteur, comme élément atténuant, pour autant que le comportement conforme à la loi de celui-ci soit extraordinaire. La réalisation de cette condition ne doit être admise qu'avec retenue, en raison du risque d'inégalité de traitement (ATF 136 IV 1 consid. 2.6).

3.3. La durée de la peine privative de liberté est en règle générale de six mois au moins et de 20 ans au plus (art. 40 CP).

D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. En revanche, lorsque la loi pénale ne prévoit pas le même genre de peine pour toutes les infractions, l'art. 49 al. 1 CP ne s'applique pas et les peines doivent être prononcées cumulativement (ATF 137 IV 57 consid. 4.3 p. 58 ss). Il y a plusieurs peines identiques lorsque le tribunal prononce dans le cas d'espèce, pour chaque norme violée, des peines du même genre (méthode concrète) ; le fait que les dispositions pénales applicables prévoient, de manière abstraite, des peines d'un même genre ne suffit pas (ATF 138 IV 120 consid. 5.2 p. 122 ss).

3.4. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Pour l'octroi du sursis, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_233/2011 du 7 juillet 2011 consid. 3.1).

Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Désormais, il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude. (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2)

Si les conditions d'application de l'une ou l'autre des mesures prévues aux art. 56 ss CP sont remplies, le pronostic déterminant pour l'octroi du sursis est nécessairement négatif, puisque le prononcé de ces mesures suppose un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. a CP). Les conditions du sursis, intégral ou partiel, ne sont donc pas remplies. (arrêt du Tribunal fédéral 6B_268/2008 du 2 mars 2009 consid. 6).

3.5. En l'espèce, la faute de l’appelant est relativement importante. Pour des motifs futiles et totalement injustifiés s'agissant de ceux du 25 mai 2013, il s’en est pris à l’intégrité corporelle et à la liberté d’autrui. Ces actes sont d’autant plus graves qu’il a dirigé sa violence contre sa compagne alors qu’ils vivaient et travaillaient ensemble. Bien qu’il ait reconnu certains de ses actes et malgré la violence qui résulte des images de vidéosurveillance, il n’a exprimé aucun regret. Au contraire, il s’est contenté de minimiser ses agissements en les justifiant par des contraintes extérieures ou en reportant la responsabilité sur la victime. Sa prise de conscience apparaît donc très limitée.

A décharge, comme retenu par l'expert, il était sous l'emprise d'une intoxication aigüe à l'alcool et à la cocaïne, dont les effets étaient, de par leur absorption conjointe, potentialisés, ce qui, combiné aux traits de caractère de l’appelant, avait augmenté le risque de passage à l’acte, en particulier pour les violences commises le 25 mai 2013. Sa responsabilité est ainsi faiblement diminuée et sa faute l'est d'autant.

Il y a en revanche concours d’infractions, facteur aggravant, étant relevé que la violation de la LEtr, répétée dans le temps et concernant pas moins de sept employés, ne doit pas être relativisée. L’appelant a deux antécédents à l’étranger, dont un pour tentative d’homicide, mais il est vrai qu'ils sont assez anciens et que, s'ils avaient été inscrits au casier judiciaire suisse, ils auraient été radiés depuis lors (art. 369 al. 3 CP), de sorte que leur incidence sur la peine à prononcer apparaît négligeable.

Au vu de ce qui précède, la peine privative de liberté de six mois fixée par le premier juge, dont la nature n'est d'ailleurs pas contestée, apparaît en adéquation avec la situation personnelle de l’appelant et proportionnée à sa culpabilité, compte tenu de la gravité et de la multitude des actes reprochés. Etant donné l’absence de réelle prise de conscience de l’appelant et de volonté de sa part de cesser sa consommation d’alcool, voire de stupéfiants, en dépit du risque de récidive mis en évidence par l'expert, un pronostic permettant d’envisager l’octroi du sursis ne peut être posé, d'autant que le prononcé de la mesure préconisée par ce dernier s'impose (cf consid. 3.4 in fine et 3.6.2 ci-dessous). L’amende prononcée pour sanctionner la contravention pour consommation de stupéfiants n'est pas contestée et doit aussi être confirmée.

3.6.1. En vertu de l'art. 63 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, qu'il est toxico-dépendant ou qu'il souffre d'une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire si, d'une part, l'acte punissable – crime, délit ou contravention (art. 104 CP et 105 al. 3 CP a contrario) – est lié à ce trouble mental ou à cette addiction et si, d'autre part, il est à prévoir que le traitement détournera l'auteur d'autres infractions en relation avec son état. Cette mesure doit être ordonnée lorsqu'une peine ne peut écarter à elle seule le danger que l'auteur commette d'autres infractions en relation avec son état (cf. art. 56 al. 1 let. a CP), mais sans qu'il soit pour autant nécessaire de prévoir une mesure thérapeutique institutionnelle (cf. art. 56a al. 1 CP). Il y a cependant lieu de renoncer à ordonner cette mesure s'il apparaît que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulterait pour l'auteur serait disproportionnée au regard de la vraisemblance et de la gravité des nouvelles infractions qui sont à craindre de lui (cf. art. 56 al. 2 CP).

Si la peine n’est pas compatible avec le traitement, le juge peut suspendre, au profit d’un traitement ambulatoire, l’exécution d’une peine privative de liberté ferme prononcée en même temps que le traitement ou l’exécution d’une peine privative de liberté devenue exécutoire à la suite de la révocation du sursis et l’exécution du solde de la peine devenu exécutoire en raison d’une décision de réintégration (al. 2). La suspension de la peine revêt toutefois un caractère exceptionnel. Cela ressort du principe de subsidiarité des mesures, prévu par l’art. 56 al. 1 let. a CP. Ainsi, chaque fois qu’une peine est apte, seule, à prévenir une nouvelle infraction, elle doit être ordonnée. Un traitement ambulatoire, et la suspension éventuelle de l’exécution de la peine, nécessitent une justification particulière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_282/2007 du 5 octobre 2007 consid. 4.2 avec référence à l’ATF 129 IV 161 consid. 4.1 p. 162-163 et 4.3 p. 165).

3.6.2. Aucun élément ne permettant de s'écarter du rapport d'expertise, l'appelant sera soumis à un traitement ambulatoire, tel qu'instauré par le premier juge. Il est en effet important que l’appelant cesse à long terme sa consommation d’alcool et de stupéfiants, substances influençant son impulsivité et son agressivité, ce qu’il reconnaît d’ailleurs.

Le traitement ambulatoire ordonné dans une consultation en addictologie sera ainsi confirmé.

4. 4.1.1. À teneur de l'art. 429 al. 1 CPP, s'il bénéficie d'un acquittement total ou partiel, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a.) à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b.) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c.).

Selon l'alinéa 2 de cette disposition, l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu et peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier.

Conformément aux principes généraux, la preuve de l'existence du dommage, son ampleur et sa relation de causalité adéquate avec la poursuite pénale introduite à tort incombent au requérant (ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47 ; 117 IV 209 consid. 4b p. 218 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_596/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.2).

4.1.2. L'art. 436 al. 2 CPP spécifie en outre pour la procédure de recours que si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses. Le prévenu obtient gain de cause sur "d'autres points" notamment s'il est condamné à une peine moins sévère (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 6 ad art. 436).

4.1.3. Il n'y a pas lieu d'envisager une indemnisation du prévenu en cas de condamnation aux frais, l'obligation de supporter les frais et l'allocation d'une indemnité s'excluant réciproquement (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). En cas de classement partiel ou d'acquittement partiel, le principe doit être relativisé. Si le prévenu est libéré d'un chef d'accusation et condamné pour un autre, il sera condamné aux frais relatifs à sa condamnation et aura respectivement droit à une indemnité correspondant à son acquittement partiel (cf. Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1057, p. 1313). Il est donc concevable d'indemniser, dans une mesure réduite, le prévenu qui doit supporter l'ensemble des frais de justice (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 5 ad art. 430 CPP). De la même manière que la condamnation aux frais n'exclut pas automatiquement l'indemnisation du prévenu partiellement acquitté, l'acquittement partiel n'induit pas d'office l'octroi d'une indemnisation. Celle-ci présuppose qu'aucun comportement illicite et fautif ne puisse être reproché au prévenu relativement aux agissements ayant donné lieu au classement ou à l'acquittement partiel (cf. art. 430 CPP a contrario).

4.1.4. Selon l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'indemnité ou la réparation du tort moral peut être refusée en tout ou partie au prévenu qui a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci, c'est-à-dire en cas de faute concomitante de l'intéressé. D'une façon générale, il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l'on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la survenance ou l'aggravation du dommage ; autrement dit, si le lésé n'a pas pris les mesures qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt (cf. ATF 107 I b 155 consid. 2b p. 158 ; A. VON TUHR / H. PETER, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts I, Zurich 1979, § 14 p. 108). La faute concomitante suppose que l'on puisse reprocher au lésé un comportement blâmable, en particulier un manque d'attention ou une attitude dangereuse, alors qu'il n'a pas déployé les efforts d'intelligence ou de volonté que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2010 du 27 mai 2010 consid. 2.2).

4.1.5. A teneur de l'art. 42 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations ; RS 220), lorsque le montant exact du dommage ne peut pas être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Cette disposition édicte une règle de preuve de droit fédéral dont le but est de faciliter au lésé l'établissement du dommage. Elle s'applique aussi bien à la preuve de l'existence du dommage qu'à celle de son étendue. L'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, mais ne dispense pas le lésé de fournir au juge, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant l'évaluation ex aequo et bono du montant du dommage. Les circonstances alléguées par le lésé doivent faire apparaître un dommage comme pratiquement certain ; une simple possibilité ne suffit pas pour allouer des dommages-intérêts. L'exception de l'art. 42 al. 2 CO à la règle du fardeau de la preuve doit être appliquée de manière restrictive (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1016/2013 du 10 juin 2014 consid. 3.1).

4.1.6. Lorsque l'indemnisation se fait sous la forme d'un capital, le demandeur a droit aux intérêts de celui-ci. Ces intérêts, dont le taux s'élève à 5% (art. 73 CO ), courent en principe à partir du jour de l'évènement dommageable et ce, jusqu'au moment de la capitalisation. Il s'agit d'intérêts du dommage ou intérêts compensatoires, qui ont pour but de remettre le lésé dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne si la réparation du dommage avait eu lieu immédiatement (L. THÉVENOZ / F. WERRO, Commentaire romand : Code des obligations I, Genève, Bâle, Munich, 2003, n. 19 ad art. 42 et n. 3 ad art. 104).

Lorsque les actes à l'origine du tort moral se répètent pendant une certaine durée, il y a lieu, en l'absence de circonstances particulières, de se fonder sur un moment situé au milieu du laps de temps considéré. Telle est la pratique de la CPAR (cf. notamment AARP/5/2012 du 13 janvier 2012 et AARP/161/2011 du 7 novembre 2011 ; ACPR/72/2012 du 21 février 2012).

4.2. A l'instar des autres postes du dommage, l'évaluation du préjudice économique se fait en application des règles générales en matière de responsabilité civile (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 41 ad art. 429 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, (éds), Strafprozessordnung – Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 25 ad art. 429 ; Y. JEANNERET / A. KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n. 5064). Ainsi, le dommage correspond à la diminution involontaire de la fortune nette. Il peut consister dans une réduction de l'actif, en une augmentation du passif ou dans un gain manqué ; il équivaut à la différence entre le montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 139 V 176 consid. 8.1.1 p. 187 ss ; ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 470 et les références citées). Le responsable n'est tenu de réparer que le dommage qui se trouve dans un rapport de causalité adéquate avec l'acte qui fonde sa responsabilité (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 470).

4.3.1. En matière de détention injustifiée, le montant de l'indemnité pour tort moral doit être fixé en fonction de la gravité de l'atteinte portée à la personnalité (art. 49 al. 1 CO ; ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47 ; 113 IV 93 consid. 3a p. 98). Il faut tenir compte de toutes les circonstances, notamment des effets négatifs de la détention sur l'intégrité physique, psychique ou encore sur la réputation de l'intéressé (ATF 112 Ib 446 consid. 5b/aa p. 458). L'activité professionnelle du lésé doit également être prise en compte dans cette appréciation (ATF 113 IV 93 consid. 3a p. 98). Il appartient au demandeur d'invoquer et de prouver les atteintes subies (ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47, 117 IV 209 consid. 4b p. 218).

4.3.2. En l'absence de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur, le Tribunal fédéral considère qu'un montant de CHF 200.- par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_437/2014 du 29 décembre 2014 consid. 3 ; 6B_133/2014 du 18 septembre 2014 consid. 3.2 et les arrêts cités). Lorsque la détention injustifiée s'étend sur une longue période, la jurisprudence a précisé qu'une augmentation linéaire du montant accordé dans les cas de détentions plus courtes n'est pas adaptée, car le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la personne incarcérée (cf. ATF 113 Ib 155 consid. 3b p. 156).

Le montant obtenu sur la base d'une indemnité journalière peut être modifié en fonction des circonstances de la privation de liberté, de la sensibilité du prévenu, du retentissement de la procédure sur son environnement, notamment sur son entourage, et de la publicité ayant entouré le procès, le fait que les proches amis du prévenu soient informés de l'ouverture d'une procédure pénale n'étant cependant pas de nature en soi à entraîner un tort moral (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 48 ad art. 429).

4.3.3. En application de ces principes, le Tribunal fédéral a relevé que, dans le cas qui lui était soumis, les seuls facteurs permettant de réduire l'indemnité étaient la relativement longue période de détention (un peu plus de six mois in casu) et son impact réduit sur l'occupation professionnelle du recourant, lesquels n'étaient toutefois pas de nature à compenser les nombreux facteurs d'aggravation du tort moral subi par le recourant. Il a, partant, considéré que l'autorité cantonale avait mésusé de son pouvoir d'appréciation en fixant l'indemnité à CHF 150.- par jour, qu'il a en conséquence portée à CHF 200.- (arrêt du Tribunal fédéral 6B_133/2014 du 18 septembre 2014 consid. 3.5).

4.4. L'art. 51 CP impose au juge d'imputer la durée de la détention avant jugement sur la sanction infligée. La privation de liberté à subir doit toujours être compensée avec celle déjà subie, pour autant que cela soit possible (ATF 133 IV 150 consid. 5.1.1 p. 155). L'art. 431 al. 2 CPP énonce d'ailleurs qu'une détention avant jugement dûment autorisée n'est indemnisée que si elle ne peut pas être imputée sur les sanctions prononcées à raison d'autres infractions, et le prévenu doit se le laisser opposer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_169/2012 du 25 juin 2012 consid. 6). En d'autres termes, l'imputation, tant qu'elle reste possible, l'emporte sur l'indemnisation (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1314 ; R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 9 ad art. 51), et le prévenu n'a pas le choix entre l'une ou l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 1B_179/2011 du 17 juin 2011 consid. 4.2. et les références citées ; ACPR/409/2013 du 29 août 2013).

4.5.1. Dans différents arrêts datés du 26 février 2014, le Tribunal fédéral a posé le principe de la limite au-delà de laquelle il fallait admettre que les conditions de détention à la prison de Champ-Dollon étaient indignes, et partant qu'elles ouvraient le droit à une réparation.

Selon le Tribunal fédéral, "l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3.83 m2 peut constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étend sur une longue période et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention (…). Il faut dès lors considérer la période pendant laquelle le recourant a été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approche de trois mois consécutifs (délai que l'on retrouve en matière de contrôle périodique de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté; cf. art. 227 al. 7 CPP) apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention susmentionnées ne peuvent plus être tolérées (…). Ce délai ne peut cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention" (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 139). Pour le Tribunal fédéral et par rapport au cas qui lui était soumis, "l'effet cumulé de l'espace individuel inférieur à 3.83 m2, le nombre de 157 jours consécutifs passés dans ces conditions de détention difficiles et surtout le confinement en cellule 23h sur 24h ont rendu la détention subie pendant cette période comme étant incompatible avec le niveau inévitable de souffrance inhérent à toute mesure de privation de liberté. Un tel mode de détention a ainsi procuré au recourant, sur la durée, une détresse ou une épreuve qui dépasse le minimum de gravité requis, ce qui s'apparente alors à un traitement dégradant. Ces conditions de détention ne satisfont ainsi pas aux exigences de respect de la dignité humaine et de la vie privée" (ibidem).

Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral a abouti à une conclusion identique pour un détenu qui avait passé 89 jours consécutifs dans les mêmes conditions que celles sus-décrites (arrêt 1B_335/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3).

Le Tribunal fédéral n'a pas précisé si le standard de 4 m2 recommandé par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans son commentaire relatif à la Recommandation Rec(2006)2 sur les Règles pénitentiaires européennes du Conseil de l'Europe, dont s'inspirent les autorités suisses, se comprend comme une surface brute, soit y compris les installations sanitaires et les meubles, ou nette, soit déduction faite de ces installations et meubles. Il a cependant relevé qu'en "cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus - chacun disposant d'un espace individuel de 4 m2 restreint du mobilier - est une condition difficile, mais non constitutive d'une violation de l'art. 3 CEDH" (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3).

4.5.2. Appelée à statuer sur la requête d'un détenu qui se plaignait d'avoir séjourné pendant de brèves périodes non consécutives - notamment pendant un intervalle de vingt-sept jours - dans une cellule où il disposait d'un espace individuel légèrement inférieur à 3 m2, la Cour européenne des droits de l'homme a nié une violation de l'art. 3 CEDH, aux motifs que l'intéressé avait joui, durant ces périodes, d'une liberté de circulation et d'activités extérieures suffisantes - trois heures hors cellule ainsi que la possibilité de s'adonner à diverses activités notamment sportives -, respectivement qu'il avait été incarcéré dans un établissement adapté (arrêts CourEDH Mursic c. Croatie du 12 mars 2015 § 58 et ss).

4.5.3. La jurisprudence du Tribunal fédéral évoque, dans divers obiter dictum, trois types de réparations envisageables en cas de détention jugée illicite au sens de l'art. 3 CEDH : la constatation de l'illicéité dans le dispositif de la décision, l'octroi d'une indemnité par le juge du fond, enfin une réduction de la peine, référence étant ici faite aux principes applicables en matière de violation du principe de la célérité (ATF 133 IV 158 consid. 8 p. 170 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 2.1 et 1B_129/2013 du 26 juin 2013 consid. 2.3).

Le Tribunal fédéral a notamment accordé une indemnité de CHF 50.- par jour, sauf pour les premières 48 heures, soit le montant réclamé, en considérant qu'il n'était pas exagéré eu égard aux conditions de détention subies, précisant toutefois que "la réparation pécuniaire admise en l'espèce ne signifie cependant pas de manière générale qu'une autorité cantonale saisie d'une problématique similaire ne puisse pas envisager une autre forme de réparation, à l'instar de ce qui prévaut pour une violation du principe de la célérité (cf. ATF 133 IV 158 consid. 8 p. 170)". Même pour une période limitée d'une dizaine de jours, les conditions de détention étaient, dans le cas examiné, intolérables et constitutives d'un traitement dégradant violant l'art. 3 CEDH, puisque le recourant avait été détenu dans des locaux sans fenêtre dans lesquels la lumière restait allumée 24h sur 24h, ne bénéficiant en outre que d'une demi-heure de promenade par jour, de sorte qu'un simple constat de l'illicéité était insuffisant, d'autant qu'elles se révélaient également contraires à la réglementation cantonale en tant qu'elles excédaient 48 heures (ATF 140 I 246 consid. 2.4.2, 2.5.2 et 2.6.1 p. 249 ss).

4.6.1. L'indemnisation pour frais de défense, au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, vise les frais de la défense de choix, ceux de la défense d'office relevant des frais de procédure en vertu de l'art. 422 al. 2 let. a CPP (ATF 138 IV 205 consid. 1 p. 206 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_144/2012 du 16 août 2012 consid. 1.2 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 12 ad art. 429).

4.6.2. Le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès (art. 135 al. 1). Aussi, quelles que soient les ressources financières du prévenu, d'une part, l'indemnité du défenseur d'office doit toujours être payée à celui-ci par l'Etat et, d'autre part, à Genève, cette indemnité sera calculée au taux horaire réduit prévu par le Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale, du 28 juillet 2012 (RAJ ; RS E 2 05.04). Celui-ci prévoit en son art. 16 al. 1 que l'indemnité due au défenseur d'office en matière pénale est la même que celle prévue pour l'avocat en cas d'assistance juridique gratuite ou administrative, le taux horaire fixé étant de CHF 200.- pour les avocats chefs d'étude, débours de l'étude inclus. La TVA est versée en sus.

Seule l'activité nécessaire à la défense devant les juridictions cantonales est retenue, laquelle s'apprécie en fonction, notamment, de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

La CPAR s'inspire des "Instructions relatives à l'établissement de l'état de frais" et de l' "Etat de frais standard – Mode d'emploi et modèle" émis en 2002 et 2004, dans un souci de rationalisation et de simplification, par le Service de l'assistance juridique, autrefois chargé de la taxation. Une indemnisation forfaitaire de 20% jusqu'à 30 heures d'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure, respectivement de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, est allouée pour les démarches diverses, telles que la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier l'existence.

4.6.3. Dans un arrêt AARP/145/2012 du 4 mai 2012, la CPAR a retenu une faute concomitante à charge du prévenu acquitté qui n'avait pas requis le bénéfice de l'assistance juridique alors que sa situation financière le lui aurait permis. L'indemnité en couverture des frais de défense a par conséquent été réduite au montant qui aurait été alloué au défenseur d'office. Cette jurisprudence ne consacre pas d'inégalité de traitement entre prévenus indigents et aisés. Elle sanctionne la faute concomitante commise par le prévenu indigent qui n'a pas requis l'assistance juridique selon l'ancien droit de procédure, respectivement la défense d'office selon le nouveau droit, ce qui lui aurait permis d'éviter la survenance de son dommage dans la mesure où les diligences de son avocat auraient été entièrement prises en charge par l'Etat. La différence de rémunération entre le défenseur d'office et le défenseur privé, outre qu'elle découle du droit fédéral, n'a de conséquences que pour l'avocat sans toucher les intérêts du prévenu, pareillement défendu qu'il soit indigent ou non (arrêt AARP/272/2012 du 14 septembre 2012).

4.7.1. En l'espèce, le dommage économique allégué par l'appelant équivaut à la perte de revenus subie en raison de son incarcération, soit pendant 388 jours (sous déduction de 90 jours de détention admis), ainsi qu’aux dettes de sa faillite personnelle en raison de la fermeture des établissements qu'il exploitait.

Force est toutefois de constater que l'appelant n'a nullement établi l'étendue du dommage invoqué, encore moins le lien de causalité entre celui-ci et la détention injustifiée. Il ressort du dossier qu'il se trouvait déjà dans une situation financière précaire avant son incarcération, comme cela résulte notamment des "poursuites" à hauteur de CHF 20'000.- dont il a fait état lors de sa première audition par la police ou encore de l'emprunt de CHF 30'000.- qu'il a déclaré en dernier lieu avoir dû effectuer en raison des mauvais résultats obtenus durant les premiers mois de l'année 2013. Ainsi, selon ses propres dires, il parvenait difficilement à régler ses factures en fin de mois et, après paiement des charges d'exploitation, il ne lui restait plus qu'un montant de l'ordre de CHF 1'000.- pour vivre, lequel est sans commune mesure avec le salaire net de plus de CHF 5'000.- qu'il a pris en considération pour chiffrer sa perte de gain et qui ne correspond pas davantage au revenu moyen de l'ordre de CHF 3'500.- à 4'000.- qu'il a parallèlement déclaré. La commination de faillite, qui a donné lieu au jugement du 29 août 2013 le déclarant en faillite personnelle, lui a d'ailleurs été notifiée plus d'un mois avant son placement en détention et il ressort aussi de la liste des créances produites dans le cadre de cette procédure que nombre de celles-ci datent de l’année 2012, voire des tous premiers mois de l'année 2013. L'appelant ne s'était d'ailleurs pas acquitté du loyer de son logement sis aux C______ pour le mois de mai 2013. Il n'est ainsi pas établi que l'incarcération de l'appelant soit à l'origine de sa mise en faillite, d'autant que son cousin a apparemment poursuivi l'exploitation des deux restaurants durant plusieurs mois, postérieurement à son placement en détention, ce qui aurait logiquement dû permettre de maintenir un chiffre d'affaires équivalant à celui réalisé auparavant.

A cela s'ajoute le fait qu'au moment du prononcé de la faillite, la détention provisoire de l'appelant était pleinement justifiée et l'est restée au-delà de cette date, puisque la peine privative de liberté de six mois qui lui a été infligée en première instance a été confirmée en appel. Le lien de causalité entre sa faillite personnelle et la détention injustifiée n’est donc nullement démontré, de sorte que la perte de gain et les dettes qui en découleraient ne le sont pas davantage.

C'est ainsi à juste titre que l'appelant a été débouté de ses prétentions en réparation du préjudice économique invoqué, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

4.7.2. L'appelant sollicite une indemnisation de CHF 59'600.- pour la détention injustifiée, soit à raison de CHF 200.- par jour durant 298 jours (388 jours sous déduction de 90 jours de détention admis).

Il a été arrêté le 25 mai 2013, mis en détention provisoire par ordonnance du TMC du
27 mai 2013 et libéré par le Tribunal de police le 17 juin 2014, totalisant ainsi 389 jours de détention avant jugement. Dans la mesure où la peine privative de liberté a été fixée à six mois, correspondant à 180 jours, entièrement compensés par la détention avant jugement, seule la part excédant cette durée se révèle injustifiée, ce qui représente 209 jours.

Pour fixer l’indemnité due à l’appelant, le premier juge a considéré qu'un montant journalier de CHF 100.- était suffisant, compte tenu du fait que son arrestation et sa mise en détention étaient justifiées sous l’angle des délits pour lesquels il a été reconnu coupable.

L’appelant a cependant été acquitté de crimes graves, en particulier d’accusations de viol, dont on peut admettre qu'elles l’ont affecté et heurté. Cela étant, il n'a pas fait état d'autres éléments l'ayant fait souffrir ou ayant rendu son incarcération particulièrement difficile à supporter. Objectivement, la présente affaire n’a fait l’objet d’aucune publicité et les répercussions de la détention injustifiée sur l’activité professionnelle de l’appelant n’ont pas été démontrées. L'intéressé n'a pas non plus allégué que sa détention aurait rendu vaines les recherches d'emploi qu'il aurait pu effectuer depuis sa sortie de prison, déclarant uniquement être dans l'attente de l'aide sociale. Il apparaît aussi avoir conservé toutes ses relations familiales et amicales, bénéficiant du soutien de celles-ci sur le plan financier et s'étant rapproché de son épouse, avec laquelle il déclare faire à nouveau ménage commun.

Ainsi, sous réserve de la question liée aux conditions matérielles de son incarcération, il n'y a, en l'occurrence, aucun facteur d'aggravation du tort moral subi par l'appelant du fait de la détention injustifiée, alors qu'il existe un facteur de réduction découlant de la durée de la privation de liberté. Comme cela résulte de la jurisprudence (cf consid. 4.3.2 et 4.3.3 supra), le montant de CHF 200.- par jour constitue une indemnité appropriée en cas de détention injustifiée de courte durée, mais qui, sous réserve de circonstances particulières, n'est pas adaptée lorsque la détention s'étend sur une longue période, soit lorsqu'elle équivaut ou dépasse un laps de temps de l'ordre de six mois. En l'espèce, l'appelant est resté incarcéré durant près de treize mois, de sorte qu'il convient de lui accorder une indemnité journalière inférieure aux CHF 200.- réclamés pour les 209 jours qu'il a effectués en trop (soit au-delà de la peine de six mois prononcée), laquelle sera arrêtée à CHF 150.- par jour, celle de CHF 100.- retenue en première instance paraissant insuffisante.

Il lui sera en conséquence alloué à ce titre CHF 31'350.- (209 jours à CHF 150.-), montant portant intérêts à 5 % dès le 5 mars 2014, date moyenne. La décision querellée devra donc être réformée sur ce point.

4.7.3.1. L'appelant prétend à une indemnisation supplémentaire de CHF 67'800.- en raison de ses conditions de détention contraires à l'art. 3 CEDH, soit CHF 200.- par jour durant 339 jours.

En l'espèce, il est établi que, durant la période du 1er juillet 2013 au 5 juin 2014, l'appelant a séjourné pendant 339 nuits consécutives dans une cellule dite triple en compagnie de cinq autres détenus, ne disposant ainsi que d'une surface individuelle de 3,83 m2. Comme il n'a pas travaillé, il n'a bénéficié que d'une heure de sortie journalière, restant confiné dans sa cellule pratiquement le reste du temps (sous réserve des visites reçues ou des activités sportives pratiquées pouvant représenter quelques heures par semaine). Par conséquent, à la lumière de la jurisprudence citée (cf consid. 4.5.1 supra), l'appelant a en principe droit à une réparation pour la violation de ses droits durant quelques onze mois, sous une forme qu'il convient de déterminer.

4.7.3.2. Cela étant, l'appelant ne s'est jamais inscrit sur la liste d’attente de la prison pour bénéficier d'une place de travail, qu'il aurait pu obtenir après une période de l'ordre de six mois, ce qui aurait également entraîné son transfert dans l’aile Est de la prison, s'agissant du processus préalable à l'octroi d’une place de travail, comme la CPAR a déjà eu l'occasion de le constater à plusieurs reprises (cf. par exemple AARP/124/2015 du 4 février 2015 consid. 5.2, AARP/223/2015 du 15 mai 2015 consid. 6.2 et AARP/298/2015 du 4 juin 2015 consid. 4.4). Or, les cellules de cette unité sont plus spacieuses que celles des autres ailes et, en dépit de la surpopulation carcérale, permettent de garantir une surface nette d'au moins 4 m2 par détenu (cf. à cet égard lettre B. h 2ème § in fine de la partie EN FAIT). Aussi, l'appelant aurait-il été en mesure d'occuper une cellule plus vaste environ quatre mois après son inscription sur la liste d'attente et donc son incarcération, puis, dès l'obtention d'une place de travail, de passer plusieurs heures par jour à l'extérieur de sa cellule (soit en moyenne 4h30) à l'occasion de l'exercice d'une activité.

En conséquence, la CPAR considère que seule une période consécutive de quatre à cinq mois d'emprisonnement à compter du 1er juillet 2013 (les conditions de détention antérieures restant conformes aux standards admissibles) consacre une violation de l'art. 3 CEDH, puisque l'appelant doit se laisser opposer son refus au moins implicite de se voir installer dans une cellule plus spacieuse, dans l’attente d’un travail, qui lui aurait permis de ne pas rester confiné en cellule 23h sur 24h, faisant ainsi lui-même perdurer ses conditions plus pénibles de détention (dans le même sens, AARP précités).

4.7.3.3. Selon le Tribunal fédéral, la constatation simplement déclaratoire d'une illicéité, assortie d'une condamnation de l'Etat aux dépens, constitue une forme de réparation au moins partielle de la violation (ATF 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85). Comme cela ressort aussi de l'ATF 140 I 246, les critères posés par le Tribunal fédéral dans l'ATF 140 I 125 excluent toutefois de qualifier de "peu d'importance" une violation de l'art. 3 CEDH, puisqu'elle n'est admise qu'en cas de dépassement d'un certain seuil de gravité, réalisé in casu par l'effet cumulé d'un espace individuel insuffisant en cellule, pendant une période consécutive supérieure à trois mois, et du confinement en cellule 23h sur 24h. Ainsi, compte tenu de l'importance du bien juridique protégé par l'art. 3 CEDH, à savoir la dignité humaine, il apparaîtrait peu adéquat de juger satisfaisante une réparation de ce type, à tout le moins comme mode exclusif de réparation.

Une réduction de peine, que la CPAR a admise à plusieurs reprises (voir par exemple AARP/566/2014 du 7 octobre 2014 consid. 6.4.3 et AARP/223/2015 du 15 mai 2015 consid. 4.4), en appliquant par analogie les principes déduits d'une violation du principe de célérité, peut constituer une autre forme de réparation. Outre le fait que l'appelant n'y conclut pas, elle n'apparaît cependant pas appropriée en l'occurrence dans la mesure où l'intéressé ne se trouve plus en détention et n'aura pas à subir un solde de peine à l'avenir, ayant déjà passé trop de temps en détention par rapport à la sanction fixée.

Ainsi, seule une indemnisation entre en ligne de compte en l'occurrence. Il s'agit d'un mode de réparation expressément prévu par le CPP, fondé sur l'art. 431 al. 1 CPP, lequel prévoit que si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral. Pour définir les types de dommages susceptibles d'être indemnisés en application de l'art. 431 CPP, il y a lieu d'opérer un rapprochement avec l'art. 429 CPP, ces dispositions instituant toutes deux une responsabilité de l'Etat du chef d'agissements, illicites dans le premier cas et injustifiés dans le second. Mais contrairement à l'art. 429 CPP, qui traite de l'indemnité due pour le prononcé de mesures en soi légitimes mais qui se révèlent ultérieurement injustifiées en raison de l'acquittement du prévenu, l'art. 431 CPP reconnaît le droit à une réparation indépendante de l'issue de la poursuite pénale, la mesure, ou les modalités de son exécution, étant elle(s)-même(s) illicite(s) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_291/2013 du 12 décembre 2013 consid. 2.3, paru in SJ 2014 I
p. 218). Le prévenu peut ainsi solliciter le versement d'une indemnité fondée sur
l'art. 431 al. 1 CPP, soit avant l'issue de l'enquête pénale, en introduisant une procédure en indemnisation (ATF 137 IV 118 consid. 2.2 in fine), soit devant le juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 6B_291/2013 précité et 1B_351/2012 du 20 septembre 2012 consid. 2.3). La doctrine (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 1 ad art. 431 CPP ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 4 ad art. 431) et la jurisprudence incluent dans les mesures visées à l'art. 431 CPP celle de la détention avant jugement (arrêts 6B_917/2013 du 6 novembre 2013).

4.7.3.4. Sur un plan théorique, deux options sont envisageables pour chiffrer la quotité du tort moral. La première consiste à fixer une indemnité d'ordre général et global, sans se référer au nombre de jours pendant lesquels la détention a été jugée illicite. La seconde consiste à chiffrer l'indemnisation en tenant précisément compte de ce quota, situation qui prévaut actuellement pour l'art. 429 al. 1 let. c CPP. Cette dernière alternative a le mérite de fournir une base de calcul concrète et de prendre en considération la souffrance qu'a effectivement subie le détenu, nécessairement influée par le nombre de jours concernés.

Il n'en reste pas moins que, dans l'hypothèse d'une violation du principe de célérité, la réduction d'une peine s'opère en équité, en regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, sans imputation mathématique, sur celle-ci, du nombre de jours de retard concernés. Il devrait donc en aller de même dans le cas où une violation de
l'art. 3 CEDH est constatée et appelle réparation.

4.7.3.5. Pour déterminer le nombre de jours à indemniser, il pourrait paraître nécessaire de retrancher du nombre de jours total pendant lequel le prévenu a subi des conditions de détention dégradante une période de 90 jours environ, correspondant à la durée consécutive de trois mois retenue par le Tribunal fédéral, période en deçà de laquelle l'existence d'une violation de l'art. 3 CEDH doit être niée. Renoncer à imputer ce qui tient du délai de carence reviendrait, en effet, à créer une inégalité de traitement entre les détenus qui ont subi des conditions de détention critiquables pendant moins de trois mois et ceux pour lesquels ces mêmes conditions se sont prolongées au-delà de 90 jours, alors même que seule la période excédant trois mois est jugée illicite.

La CPAR y renoncera toutefois dans le cas d'espèce dans la mesure où elle a déjà retenu que l'appelant ne pouvait de toute manière pas prétendre à être indemnisé pour l'ensemble de la période durant laquelle ses conditions de détention se sont avérées illicites (cf. consid. 4.7.3.2 supra).

4.7.3.6. S'agissant du montant de l'indemnité, il ne saurait être équivalent à celui préconisé pour la détention injustifiée. On conçoit, en effet, difficilement, en l'absence de circonstances particulières, les raisons pour lesquelles un prévenu qui a été détenu dans des conditions, certes usuelles mais à tort, devrait souffrir moins que celui qui, emprisonné à juste titre, a passé 23h sur 24h dans un espace confiné pendant trois mois d'affilée. On peut en revanche s'inspirer du montant de CHF 50.- par jour admis par le Tribunal fédéral dans le cas d'une personne incarcérée dans des locaux sans fenêtre, éclairés 24h sur 24h, conditions de détention violant de façon encore plus flagrante l'art. 3 CEDH et justifiant de ce fait une indemnisation même lorsqu'elles ont été subies durant une courte période. Or, en l'occurrence, la surface disponible dont l'appelant a bénéficié, outre qu'elle ne comprend pas les sanitaires, alors que la question est encore indécise dans la jurisprudence, n'est inférieure que de 0.17 m2 au standard recommandé, ce qui constitue une différence somme toute modeste.

En conséquence, une indemnité de l'ordre de CHF 20.- à CHF 25.- par jour paraît adaptée pour réparer le préjudice subi à ce titre par l'appelant. Le montant de cette indemnité devrait a priori être encore réduit dans l'hypothèse où celle-ci se cumulerait avec une indemnisation fondée sur l'art. 429 al. 1 let. c CPP, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le montant dû au titre de l'art. 431 al. 1 CPP étant alloué pour les conditions dégradantes subies durant les six premiers mois de détention, alors que celle-ci s'est révélée injustifiée pour la période allant au-delà de cette date.

Ainsi, l'appelant se verra octroyer en équité une indemnité globale de CHF 3'000.- pour ses conditions de détention, montant portant intérêts à 5 % dès le 11 septembre 2013, date moyenne.

4.8.1.1. Se fondant sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP, l'appelant conclut à la condamnation de l’Etat à lui verser CHF 10'206.- avec intérêts à 5% dès le 29 avril 2015, pour ses frais de défense en appel.

Toutefois, il succombe pour l'essentiel dans ses conclusions d'appel, puisqu'il n'obtient en définitive que partiellement gain de cause sur l'étendue de l'indemnité qui lui est due pour la détention injustifiée. En vertu de l'art. 436 al. 2 CPP, il convient par conséquent d'admettre qu'il a droit, dans cette faible mesure, correspondant approximativement au quart de l'ensemble de ses conclusions, à une juste indemnité pour ses dépenses. A cet égard, il n'y a pas lieu de tenir compte des conclusions nouvelles prises en appel en lien avec l'indemnisation fondée sur l'art. 431 CPP, dont le principe est admis mais avec l'allocation d'un montant bien inférieur à celui réclamé, puisque la disposition susmentionnée n'est applicable qu'à la procédure de recours au sens large de ce terme.

4.8.1.2. L'appelant, qui relève de la défense obligatoire et qui était pourvu d'un défenseur d'office en première instance, a choisi de confier la défense de ses intérêts à un avocat de choix pour la procédure d'appel, alors qu'il ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour le rémunérer. Afin de ne pas s'exposer à subir un dommage de ce chef, il aurait dû soit conserver le même défenseur, soit, en cas de rupture du lien de confiance qui n'a pas été allégué en l'espèce, solliciter que celui-ci soit remplacé par un autre. En application de la jurisprudence de la CPAR (cf consid. 4.6.3 supra), il convient de retenir une faute concomitante à sa charge et, partant, de réduire l'indemnité en couverture partielle des frais de défense qui lui est due au montant qui aurait été alloué au défenseur d'office.

4.8.2. La note d’honoraires de son conseil n'est pour l'essentiel pas critiquable, sauf s'agissant des 3 heures 30 minutes consacrées à la rédaction de courriers et à des entretiens, qui sont comprises dans le forfait de 20 % pour l'activité diverse, ainsi que de la durée des débats d'appel, qui s'est révélée inférieure à 1 heure 30 minutes au lieu des 3 heures estimées. L'activité de son avocat représente ainsi au total 16 heures 30 minutes pour la procédure d’appel, dont seul le quart sera indemnisé et cela, sur la base d'un tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude, augmenté du forfait de 20 % et de la TVA à 8 %. C'est ainsi un montant arrondi à CHF 1'100.- qui sera alloué à l'appelant pour ses frais de défense en appel, montant portant intérêts à 5 % dès le 29 avril 2015.

5. L'appelant, qui succombe en grande partie, supportera la moitié des frais de la procédure, l’autre moitié étant mise à la charge de l’Etat vu le sort de l’appel joint (art. 428 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/347/2014 rendu le 17 juin 2014 par le Tribunal de police dans la procédure P/7870/2013.

Admet partiellement l'appel de A______ et rejette l'appel joint du Ministère public.

Annule le jugement entrepris en tant qu'il a condamné l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 20'900.- avec intérêts à 5% dès le 5 mars 2014, à titre de réparation du tort moral pour la détention injustifiée.

Et statuant à nouveau :

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 31'350.-, avec intérêts à 5% dès le
5 mars 2014, à titre de réparation du tort moral pour la détention injustifiée.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 3'000.-, avec intérêts à 5% dès le
11 septembre 2013, à titre de réparation du tort moral pour ses conditions de détention illicites et CHF 1'100.-, avec intérêts à 5% dès le 29 avril 2015, pour ses frais de défense en appel.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure d'appel, qui comprennent, dans leur totalité, un émolument de CHF 5'000.-.

Laisse le solde de ces frais à la charge de l'Etat de Genève.

Siégeant :

Madame Yvette NICOLET, présidente; Monsieur Pierre MARQUIS, juge; Madame Carole BARBEY, juge suppléante; Madame Mélanie MICHEL, greffière-juriste.

 

La greffière :

Regina UGHI

 

La présidente :

Yvette NICOLET

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

P/7870/2013

ÉTAT DE FRAIS

AARP/367/2015

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03)

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de première instance (CHF 7'973.40). Met l'émolument complémentaire de jugement (CHF 4'000.-) à la charge de A______.

CHF

11'973.40

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

260.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

40.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

5'000.00

Total des frais de la procédure d'appel

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure d'appel. Laisse le solde de ces frais à la charge de l'Etat de Genève.

CHF

5'375.00

Total général (première instance + appel)

CHF

17'348.40

 

A______ : CHF 10'674.20

Etat de Genève : CHF 6'674.20