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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7179/2013

AARP/566/2014 (3) du 07.10.2014 sur JTCO/11/2014 ( PENAL ) , JUGE

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : PRÉSOMPTION D'INNOCENCE; IN DUBIO PRO REO; LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES; AUDITION OU INTERROGATOIRE; TÉMOIN; LÉSION CORPORELLE SIMPLE; MEURTRE; INTENTION; TENTATIVE(DROIT PÉNAL); LÉGITIME DÉFENSE; COAUTEUR(DROIT PÉNAL); VIOLATION DE DOMICILE; RESPONSABILITÉ RESTREINTE(DROIT PÉNAL); CONCOURS D'INFRACTIONS; DÉTENTION PROVISOIRE; RÉGIME DE LA DÉTENTION; DÉTENTION ILLICITE; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CP.111; CP.186; CP.123.1.2; CP.22; CP.15; CP.47.1; CP.12.2; CP.20; CP.19.1; CP.19.2; CP.49.1; CPP.212.3; CPP.431.1; CEDH.3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7179/2013AARP/566/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 octobre 2014

 

Entre

A______, domicilié ______, Roumanie, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, comparant par Me Philippe CURRAT, avocat, rue Sautter 29, 1205 Genève,

appelant et

intimé sur appel joint,

B______, domicilié ______, Roumanie, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, comparant par Me Karim RAHO, avocat, Orjales et Raho avocats, rue Du-Roveray 16, 1207 Genève,

appelant,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3,

appelant joint et

intimé sur appels principaux,

 

contre le jugement JTCO/11/2014 rendu le 29 janvier 2014 par le Tribunal correctionnel,

 

et

C______, sans domicile connu, comparant par Me Pascal FAVRE, avocat, Etude Tavernier et Tschanz, rue Rodolphe-Toepffer 11, 1206 Genève,

D______, à l'att. de ______, Service de sécurité, case postale, ______,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par courriers respectifs des 31 janvier et 5 février 2014, B______ et A______ ont annoncé appeler du jugement rendu le 29 janvier 2014 par le Tribunal correctionnel, dont les motifs ont été notifiés le 26 février 2014, par lequel le Tribunal de première instance a :

- déclaré B______ coupable de tentative de meurtre (art. 22 al. 1 et 111 du Code pénal suisse, du 21 décembre 1937 [CP ; RS 311.0]) et de violation de domicile
(art. 186 CP), le condamnant à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 263 jours de détention avant jugement et révoquant les sursis octroyés par le Ministère public les 9 novembre 2012 (70 jours-amende à CHF 30.–, sous déduction de 2 jours-amende correspondant à 2 jours de détention avant jugement) et 31 mars 2013 (30 jours-amende à CHF 30.–),

- déclaré A______ coupable de lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 1 et 2 CP), le condamnant à une peine privative de liberté de 2 ans, sous déduction de 263 jours de détention avant jugement et révoquant les sursis octroyés le 20 février 2013 par le Ministère public de Genève (30 jours-amende à CHF 30.–, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement) et le 20 mars 2013 par le Ministère public de l'arrondissement de la Côte/Morges (60 jours-amende à CHF 30.–),

-       condamné B______ et A______, à raison de la moitié chacun, aux frais de la procédure, qui s'élèvent dans leur globalité à CHF 13'604.15, y compris un émolument de jugement de CHF 4'000.–, ordonné leur maintien en détention pour des motifs de sûreté (art. 231 al. 1 du Code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 [CPP ; RS 312.0]) et ordonné diverses mesures de confiscation et de restitutions de pièces.

b. Par actes des 14 février et 17 mars 2014, B______ et A______ ont formé la déclaration d'appel prévue à l'art. 399 al. 3 CPP.

B______ conclut :

-       principalement, à son acquittement de l'infraction à l'art. 186 CP, à ce qu'il soit reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées dans un contexte de légitime défense excessive à tout le moins putative, à ce qu'il soit dit que sa responsabilité pénale était restreinte au moment des faits, à sa condamnation à une peine compatible avec l'octroi du sursis, et l'y assortir, ainsi qu'à une condamnation réduite aux frais à la mesure de sa culpabilité,

-       subsidiairement, à son acquittement du chef de violation de domicile, à ce qu'il soit reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, à sa condamnation à une peine assortie à tout le moins du sursis partiel, ainsi qu'à une condamnation réduite aux frais à la mesure de sa culpabilité,

-       en tout état, à la réduction de la peine prononcée en première instance sans égard à la qualification juridique retenue s'agissant de sa culpabilité, avec suite de frais.

A______ attaque le jugement entrepris dans son ensemble, à l'exception des restitutions qui lui ont été accordées (ch. 1 et 2 de l'inventaire du 13 mai 2013), et conclut à son acquittement, tout en renonçant expressément à demander une indemnisation pour la période subie en détention injustifiée.

c. Par courrier transmis par messagerie sécurisée le 26 mars 2014, le Ministère public a déclaré former un appel joint à l'encontre de A______, portant tant sur la culpabilité que sur la quotité de la peine. Il conclut à l'annulation du jugement querellé en tant qu'il déclare A______ coupable de lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 1 et 2 CP) et le condamne à une peine privative de liberté de 2 ans, à la reconnaissance de sa culpabilité du chef de tentative de meurtre au sens des art. 22 et 111 CP et à sa condamnation à une peine privative de liberté de 4 ans et 6 mois.

d.a Par acte d'accusation du 21 novembre 2013, il est reproché à B______
d'avoir :

-       le 12 mai 2013, à Genève, entre 01h00 et 02h00 du matin, au parc E______, en agissant de concert avec A______, alors qu'il se trouvait assis sur un banc avec le dénommé "F______" et C______ (ci-après : C______), pris en main un couteau remis par A______, dont la lame mesurait 13 cm, et de l'avoir planté volontairement dans l'abdomen d'C______ dans le but de le tuer puis, tandis que ce dernier prenait la fuite, de l'avoir poursuivi en tenant ledit couteau à la main, toujours dans le but de le tuer, étant précisé qu'il a causé à C______ une plaie de 6 cm de longueur au niveau de la fosse iliaque droite (abdomen) avec éviscération d'une anse de 8 à 10 cm d'intestin grêle (région para-ombilicale droite), blessure située à proximité immédiate d'organes vitaux, justifiant l'admission rapide de la victime aux urgences, où elle est restée hospitalisée cinq jours après avoir subi une laparotomie médiane, un lavage et une suture de la plaie (ch. B.I de l'acte d'accusation),

-       à Lausanne, le 27 avril 2013, vers 14h00, pénétré sans droit dans le magasin à l'enseigne D______ (ci-après : la D______) sis rue 1______, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée dans les magasins de cette enseigne à tout le moins depuis le 2 avril 2013 (B.II).

d.b Par le même acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 12 mai 2013, entre 01h00 et 02h00, au parc E______, alors que B______ se trouvait assis sur un banc avec le dénommé "F______" et C______ et que lui-même se trouvait à proximité immédiate du trio, poussé et encouragé B______ à attenter à la vie d'C______ au motif que celui-ci l'avait frappé, de s'être dirigé vers une poubelle située à quelques mètres du banc, de s'être emparé d'un couteau ayant une lame de 13 cm, d'être revenu vers B______, de le lui avoir remis et d'avoir accepté pleinement et sans réserve que celui-ci plante le couteau dans l'abdomen d'C______ dans le but de le tuer, puis, tandis que ce dernier, qui avait reçu le coup de couteau, prenait la fuite, d'être allé chercher un sabre (katana) dissimulé vers le haut du parc, de l'avoir saisi, sorti de son fourreau et d'être descendu en courant vers le bas du parc à la poursuite de la victime, en tenant cette arme, dans le but de la tuer, étant précisé qu'il a accepté pleinement et sans réserve que B______ cause à C______ les blessures décrites sous ch. B.I (ch. C.I).

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

Plainte d'C______ (chiffres B.I et C.I de l'acte d'accusation)

a. Aux termes du rapport d'arrestation du 12 mai 2013, un individu avait contacté la Centrale d'Engagement de Coordination et d'Alarmes (CECAL), le jour même, à 01h37, pour signaler qu'un homme venait de se faire agresser au couteau dans le parc E______. C______ gisait à terre à la hauteur du 20 rue 2______ et présentait une blessure à l'abdomen. Comme le pronostic vital était engagé, il avait rapidement été acheminé aux urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Selon deux témoins, G______ et H______, l'agression venait d'avoir lieu juste au-dessus de la mare aux canards, à proximité d'un banc. L'agresseur, de nationalité roumaine, était blessé au visage. Son signalement avait immédiatement été diffusé sur les ondes de la police.

En possession d'un iPad de provenance douteuse, F______ avait été appréhendé.

A______ avait été contrôlé mais pas interpellé. Il avait par la suite refusé de déférer aux convocations de la police, affirmant ne pas avoir assisté à l'agression et ne pouvoir dès lors apporter aucun élément utile à l'enquête.

A 02h15, B______ avait été interpellé, rue 2______, par une patrouille de la police ferroviaire. Il s'était "débarrassé" d'un couteau de cuisine en le jetant au sol et avait été pris en charge sans opposer la moindre résistance. Il présentait un taux d'alcoolémie de 1,71 gramme o/oo à 02h50.

b.a Selon le rapport de la Brigade de police technique et scientifique (ci-après : BPTS), intervenue immédiatement après les faits, la lame du couteau abandonné par B______ mesurait 13 cm de long et 2 cm de large. L'examen visuel n'avait pas permis de découvrir des traces papillaires exploitables. Des mouchoirs ensanglantés avaient été retrouvés près de la mare du parc, à proximité d'un banc, ainsi qu'un sac à dos de couleur grise. En face du numéro 26 de la rue 2______, une épée, ne comportant aucune trace de sang, avait été découverte dans les buissons.

b.b L'analyse des prélèvements effectués sur des gouttes de sang retrouvées au pied du banc où s'était déroulée l'agression, sur le manche du couteau et sur la zone d'intersection entre la lame et le manche du couteau, a permis de mettre en évidence le profil ADN de B______ (rapport du Centre universitaire romand de médecine légale [CURML] du 21 juin 2013).

Le profil ADN d'C______ avait été identifié sur la lame du couteau (rapport CURML du 25 juillet 2013). Sur la partie du manche du couteau se situant dans le prolongement direct de la lame, un profil de mélange avec une fraction majeure masculine et une fraction mineure non interprétable, avait encore été mis en évidence.

Le profil ADN de A______ figurait sur la poignée du sabre (rapport de police du 6 août 2013).

c. L'examen des rétroactifs téléphoniques relatifs aux numéros utilisés par les deux prévenus durant la nuit du 12 mai 2013 a permis de mettre en exergue les éléments suivants :

-       entre 00h15 et 02h42, huit appels avaient été émis par le téléphone portable de A______ à destination du raccordement enregistré au nom de F______, mais figurant sous le nom "I______" (sic) dont A______ a indiqué qu'il s'agissait du pseudonyme de B______ (cf. procès-verbal du 7 juin 2013, pièce B-134).

Huit autres appels ont été émis à destination du numéro dont F______ a admis être l'utilisateur ;

-       entre 02h06 et 02h42, A______ avait essayé de joindre à six reprises un certain "J______" (identifié comme étant C______ d'après les déclarations du prévenu, cf. procès-verbal du 7 juin 2013, pièce B-134) ;

-       A______ n'avait reçu aucun appel entre 00h15 et 09h26 ;

-       à 02h51, A______ avait envoyé à F______ un message (sms) ayant la teneur suivante : "hé mon frère, que s'est-il passé avec K______ on l'a vraiment poignardé ou c'est une blague ? je ne veux pas m'impliquer, j'étais dans le parc, j'ai bu des bouteilles de whisky avec les gens et j'ai entendu qu'on l'a poignardé après quoi l'ambulance à emporter (sic) K______. Je suis désolé pour ce qui s'est passé. Je ne suis pas coupable et cela ne m'intéresse pas. Ciao" ;

-       B______ n'avait émis ni reçu aucun appel.

d.a Aux termes du rapport du CURML, le cardiomobile avait été appelé à 01h39 et était intervenu sur place à 01h52. A l'arrivée des secouristes, C______ était calme, conscient et présentait une tachycardie. Il souffrait d'une plaie de 6 cm de long au niveau de la fosse iliaque droite, avec éviscération d'une anse d'environ 8-10 cm d'intestin grêle, qui était bien perfusée. Aucun saignement actif n'avait été constaté sur place. Il était arrivé aux urgences des HUG à 02h05. Les examens avaient montré la présence d'une plaie du muscle grand droit de l'abdomen à droite avec une éventration de l'intestin grêle. Aucune lésion traumatique des organes internes n'avait été visualisée ni aucun liquide libre ou saignement actif dans l'abdomen. C______ avait subi une laparotomie médiane, avec désincarcération de l'intestin grêle, toilette de la cavité abdominale et suture de la paroi abdominale et de la plaie, décrite par les chirurgiens comme une plaie par arme blanche. Les suites post-opératoires avaient été normales et les paramètres vitaux du patient étaient toujours restés dans la norme. Le patient avait pu rentrer à son domicile le 17 mai 2013. Les lésions corporelles observées ne comprenaient pas de séquelles à long terme. En conclusion, dès lors que les paramètres vitaux d'C______ étaient restés stables tout au long de la prise en charge médico-chirurgicale, sa vie n'avait pas concrètement été mise en danger.

d.b B______, examiné le 12 mai 2013 à 03h30, se trouvait dans un état d'éthylisation aiguë. Il était toutefois conscient, collaborant et capable de discernement. L'examen clinique montrait la présence de deux plaies en regard de l'articulation temporo-mandibulaire gauche, qui avaient été suturées par trois respectivement cinq points. Une troisième plaie était présente au niveau de la face interne de l'avant-bras droit et avait nécessité sept points de suture. Le scan du massif facial montrait une fracture des os propres du nez. Les ecchymoses péri-orbitaire gauche, œdème orbitaire et zygomatique gauche et fracture du nez étaient la conséquence de traumatismes contondants. Les plaies observées au visage à gauche et aux avant-bras, ainsi qu'au doigt de la main droite, présentaient les caractéristiques de lésions provoquées par un instrument tranchant et/ou piquant et tranchant. Le tableau lésionnel observé était évocateur d'une hétéro-agression. La vie de B______ n'avait pas été concrètement mise en danger.

e. G______ a été entendu par la police immédiatement après les faits. Il avait passé la soirée du 11 au 12 mai 2013 en compagnie de son ami H______ avec l'intention de boire des bières au Parc E______. Ils s'étaient arrêtés en chemin pour en acheter avant de se rendre dans un bar pour se fournir en glaçons. Alors qu'ils se dirigeaient vers le bas du parc, ils avaient dépassé trois individus assis sur un banc sis face à la mare. Pendant qu'il attendait H______, qui était allé acheter de quoi manger, deux individus, d'origine roumaine, dont l'un était coiffé d'un bandana (A______), l'avaient accosté pour lui proposer d'acheter un iPad, ce qu'il avait refusé. Finalement, H______ et lui-même s'étaient installés sur le banc sis juste à côté des trois individus qu'ils avaient remarqués en arrivant. Celui assis au bout du banc à droite avait le visage tuméfié (B______). Ils leur avaient offert des cigarettes. Comme il était absorbé par sa discussion avec H______, avec lequel il écoutait de la musique, il ne s'intéressait pas vraiment à ses voisins, qui avaient été rejoints par les deux individus qui lui avaient proposé l'iPad. Après avoir vu l'état du visage de B______ ("celui qui avait été battu"), A______ ("l'homme au bandana") avait invectivé la personne assise sur la gauche du banc (C______), puis il avait soulevé le couvercle d'une poubelle, qui se trouvait juste à côté d'eux, et l'avait fouillée pour en sortir un "bon paquet de papier journal froissé", lequel semblait "emballer quelque chose". Pour sa part, il ne s'en était pas vraiment étonné, pensant qu'il cherchait de quoi manger, et s'était à nouveau désintéressé de ses voisins. Quelques secondes plus tard, des cris avaient attiré son attention. C______ ("l'individu qui s'était fait engueulé (sic) par celui qui portait un bandana") s'était enfui en courant en se tenant le ventre, poursuivi par B______, qui tenait un couteau à la main. Les autres individus avaient suivi en direction du bas du parc. H______ lui avait alors intimé de quitter les lieux au plus vite dès lors qu'un coup de couteau venait d'être asséné. Ils étaient partis dans la direction opposée à celle des protagonistes en vérifiant fréquemment ne pas être suivis. A______ était alors revenu dans leur direction en courant, les avait dépassés et s'était dirigé à l'arrière de toilettes publiques se trouvant une quinzaine de mètres en amont. Il en était revenu muni d'un "katana", qu'il avait sorti de son fourreau en redescendant vers ses compatriotes.

f.a H______ avait passé la soirée du 11 au 12 mai 2013 en compagnie de son ami G______ à son domicile. Ils projetaient de rejoindre une fête d'anniversaire se déroulant au parc L______. Comme la fête était terminée à leur arrivée, ils s'étaient rendus au parc E______ afin d'y consommer des bières. Ils s'étaient arrêtés dans un restaurant pour se fournir en glaçons. Dans le bas du parc, il avait aperçu cinq hommes et une femme assis vers les bancs. G______ avait attendu près de ce groupe pendant que lui-même était allé chercher des chips. Lorsqu'il l'avait rejoint, son ami discutait avec certains de ces individus à propos d'un iPad. L'un d'eux portait une veste en cuir foncé, un bandana sur la tête et parlait mal le français avec un accent roumain (A______). G______ et lui-même s'étaient installés sur un banc, éclairé par un candélabre, se situant près de la mare. Sur leur droite, deux individus, de nationalité roumaine, dont l'un avait le visage en sang (B______) et l'autre boitait (F______), étaient calmement assis sur le banc voisin et buvaient des bières. Ceux-ci avaient rapidement été rejoints par A______ ("l'homme au bandana") et "celui qui se fera agresser par la suite" (C______). Une dispute, en langue roumaine, avait immédiatement suivi. A______ désignait à C______ le visage de B______ ("celui qui avait le visage en sang") et semblait, d'après ces gestes, chercher des explications sur ce qui s'était passé. C______ était assis à côté de F______, alors que A______ était resté debout face à eux. Pour sa part, il se tenait également debout face à son ami G______ et regardait ses voisins. Il leur avait d'ailleurs offert deux cigarettes, pendant que A______ continuait à "s'exciter" verbalement et physiquement saisissant le visage de B______ pour le montrer à C______. A______ s'était alors dirigé vers une poubelle se trouvant juste à côté d'eux. Il l'avait ouverte, avait posé le couvercle de couleur blanche par terre, avait plongé les mains à l'intérieur et l'avait fouillée pour en sortir un journal, qu'il avait déroulé et qui contenait un long couteau, qu'il avait remis discrètement à B______, qui s'en était saisi en gardant la tête baissée. Les deux hommes n'avaient pas eu besoin de se parler. B______, tenant le couteau dans sa main droite, s'était retourné sur sa gauche et avait "puissamment planté le couteau dans le ventre de l'agressé". C______ avait crié, était tombé à terre, avait mis sa main sur son ventre, s'était relevé et était parti en courant en direction du bas du parc. Il était passé par la gauche de la mare, donc devant eux, et les autres lui avaient emboité le pas. B______ était le premier des poursuivants, suivi par A______ et finalement F______, qui boitait. Il avait immédiatement dit à G______ qu'il fallait partir, ce que celui-ci n'avait pas compris car il n'avait pas vu le coup de couteau. Ils s'étaient dès lors dirigés vers le haut du parc en se retournant fréquemment. A______ était remonté dans leur direction en courant et il avait eu peur qu'il ne revienne pour eux. Il les avait dépassés pour continuer son chemin jusqu'aux toilettes publiques. Il s'était baissé, avait pris un sabre dans un étui, l'avait ouvert et était reparti en courant, déterminé, en direction du bas du parc, le sabre dans la main et l'étui dans l'autre.

f.b Devant le Ministère public, H______, séparé des prévenus par un paravent, a confirmé ses précédentes déclarations, identifiant formellement B______ et A______. Il était formel s'agissant de ces explications sur la manière dont A______ s'était muni du couteau, l'avait discrètement remis à B______, puis était allé chercher un sabre avant de rejoindre ses compatriotes en bas du parc. Contrairement à ce qu'il avait déclaré à la police, A______ n'avait couru en direction de ses compatriotes qu'après avoir récupéré le sabre et non pas directement après la fuite d'C______. Il courait en hurlant et en brandissant le sabre. Il ne reconnaissait ni le sabre ni le couteau sur les photos qui lui avaient été soumises. B______ avait frappé en tenant le couteau par le manche avec la lame dirigée vers le bas en faisant un mouvement circulaire de haut en bas et de droite à gauche. Ne parlant pas le roumain, il n'avait pas compris les propos échangés durant la dispute. Il était toutefois évident que A______ avait cherché à savoir ce qui s'était passé. Depuis les containers, il voyait l'ensemble du parc, notamment le lieu de l'agression ainsi que les protagonistes en contrebas. La police était arrivée environ cinq minutes après le coup de couteau et A______ avait lancé quelque chose dans des buissons. Une des voitures de police était d'abord passée devant les protagonistes sans s'arrêter puis vers lui et G______ en leur braquant un projecteur dans la face. G______ et lui-même avaient indiqué à la police "c'est là-bas que ça se passe" sans désigner directement les agresseurs, car ils avaient peur.

g.a C______ était arrivé à Genève une quinzaine de jours avant son agression. Il se rendait quotidiennement dans le parc E______ pour y rejoindre des compatriotes comme F______, A______, ainsi qu'un couple dont l'homme se prénommait M______. Sur planches photographiques, il reconnaissait B______, qu'il savait violent. Après avoir constaté que du vin et du chocolat lui avaient été volés, B______ l'avait directement accusé du vol de ses denrées, malgré ses protestations, et avait insulté sa mère à plusieurs reprises. Il avait réagi en lui assénant quelques gifles, ce qui l'avait calmé. C______ s'était dès lors assis avec lui sur un banc et le dénommé M______, alors que A______ et F______ étaient restés debout face à eux. Pendant l'heure suivante, les esprits s'étaient apaisés et ils avaient tous fumé en buvant de l'alcool. Soudainement, B______ lui avait asséné un coup de couteau dans le ventre. Rien ne laissait présager son geste dans la mesure où ils s'étaient réconciliés. Il n'y avait personne d'autre à proximité directe du banc où l'agression avait eu lieu et personne n'avait incité B______ à le poignarder.

g.b Devant le Ministère public, C______ a confirmé l'essentiel de ses déclarations à la police, précisant avoir connu A______ aux Pays-Bas environ une année et demie avant les faits. Il s'agissait "d'une connaissance, d'un ami". B______ l'avait frappé environ 30 minutes après qu'ils eurent leur différend et il l'avait poursuivi sur une distance d'environ 200 mètres. Il n'avait pas vu d'où venait le couteau, ni entendu A______ inciter B______ à lui porter de coups.

h.a B______ a d'emblée reconnu être l'auteur du coup de couteau porté à C______. A la vue des policiers, il avait sorti le couteau de sa poche et l'avait posé sur le sol pour se rendre. Contrairement à ce qui était indiqué dans le rapport d'interpellation, il n'avait pas essayé de s'en débarrasser. Le 11 mai 2013, il avait passé toute la journée dans le parc E______ en compagnie de compatriotes, dont C______, A______ et F______. Dans la soirée, alors qu'ils étaient tranquillement installés sur un banc, C______ s'était soudainement levé et l'avait frappé après l'avoir accusé, à tort, de l'avoir insulté. Il lui avait asséné plusieurs coups de poing notamment au niveau du visage, en étant muni d'un objet coupant, avant de retourner s'asseoir auprès de F______, lequel ne s'était pas interposé. Comme A______ avait pris le parti d'C______, il s'était senti menacé et avait sorti un couteau de cuisine, dont la lame mesurait environ 10 cm, de son sac à dos. Il craignait d'être roué de coups, voire tué. Il avait immédiatement planté le couteau dans le ventre d'C______, en faisant un geste circulaire avec le bras et le haut du corps. Il n'avait pas eu besoin de se lever, son bras passant devant F______. Il avait délibérément placé sa main sur le haut de la lame pour éviter de l'enfoncer jusqu'à la garde "sinon le couteau aurait pu le transpercer". Il ne savait pas de combien de centimètres la lame s'était enfoncée. Sa main avait peut-être un peu glissé en arrière. Son but était d'effrayer C______ et les autres personnes présentes, mais pas de le tuer, raison pour laquelle il avait pris garde à ne pas frapper avec l'entier de la lame ni "à la hauteur du cou ou ailleurs". C______ avait pris la fuite en direction de la sortie du parc tandis que F______ et A______ faisaient écran. Pour sa part, il s'était enfui en direction de la gare. Il n'avait pas poursuivi C______. Il avait rapidement croisé une patrouille de police et s'était rendu de crainte d'être lynché par ses compatriotes. A______ l'avait poursuivi jusqu'à la sortie du parc après avoir été chercher un objet, qu'il n'avait pas identifié, à lui lancer.

Le couteau lui appartenait. A______ ne le lui avait pas donné pas plus qu'il ne l'avait sorti d'une poubelle. Il n'avait pas connaissance de l'existence du sabre trouvé sur les lieux.

h.b Devant le Ministère public, B______ a confirmé ses précédentes déclarations, tout en admettant que A______, F______ et C______ s'étaient disputés au sujet des coups dont il avait été victime. Il ne se rappelait plus des propos échangés. Cette histoire de chocolat n'était qu'un prétexte pour des compatriotes souhaitant se venger de lui. Son objectif était de pouvoir s'enfuir après avoir infligé à C______ une blessure superficielle. Il n'avait pas pris en considération le risque d'une issue fatale.

i.a A______ n'était pas présent durant la première altercation ayant opposé C______ à B______. Il en avait été prévenu par téléphone. Lorsqu'il avait rejoint ses amis installés sur un banc, B______ était calme. Il s'était soudainement levé et rué sur C______. Comme il ne savait pas que B______ était armé d'un couteau, il avait cru à un coup de poing. Personnellement, il n'avait "rien vu venir". B______ avait frappé avec le bras droit sur le côté gauche d'C______ à la hauteur de l'abdomen. C______ s'était levé, avait dit "il m'a planté" et s'était enfui. Il n'avait réalisé que B______ tenait un couteau qu'au moment de sa fuite. Dans la communauté roumaine, B______ était connu pour avoir des antécédents d'agression à l'arme blanche. A______ avait trouvé le sabre plus tôt dans la journée alors qu'il fouillait des poubelles. Il avait d'abord pensé à une sorte de bâton, puis s'étant rendu compte qu'il s'agissait d'une arme, il s'en était débarrassé en le jetant dans des buissons entre l'étang et la rue 2______. Il l'avait tenu au niveau de l'étui, du manche et éventuellement de la lame, sans l'utiliser et n'avait pas cherché à le cacher. Il ne l'avait plus touché après l'avoir jeté. Les témoins mentaient. Il n'avait pas incité B______ à poignarder C______, qui était son "meilleur ami", pas plus qu'il ne lui avait donné le couteau.

i.b Devant le Ministère public, A______ a persisté dans ses dénégations, précisant que trois autres compatriotes, dont il ignorait l'identité, étaient également présents lorsqu'il avait rejoint B______ et C______ dans le parc. Il n'avait pas eu connaissance d'injures proférées à l'encontre de son ami. Après l'agression, tout le monde s'était dispersé. Il avait aidé à l'identification de la victime. Inquiet au vu de la gravité de son état, il avait essayé de le contacter, sans succès, à plusieurs reprises le lendemain des faits. Par le biais d'un message (sms), il avait informé F______ des évènements, précisant ne pas être coupable et n'avoir personnellement "planté" personne. Il avait rencontré C______ aux Pays-Bas deux ou trois ans auparavant et le considérait davantage comme un ami que B______. Dans son répertoire téléphonique, C______ était enregistré sous "K______ ou J______" et B______ sous le nom "I______".

j. F______ a prétendu ne pas avoir assisté aux faits. Il comptait se rendre dans une discothèque proche du parc E______, raison pour laquelle il se trouvait dans les parages.

k. Le gendarme N______ avait interpellé B______ environ 45 minutes après la diffusion de son signalement. Maculé de sang, il leur avait fait signe en écartant les bras alors qu'il tenait un couteau à la main. Il n'avait fait aucun geste menaçant et s'était rendu de lui-même. Il avait l'air sonné et perdu, mais cela ne l'avait pas empêché de collaborer.

l. Le __ septembre 2013, A______ a déposé plainte pénale contre H______ et G______ pour faux témoignages et dénonciations calomnieuses, laquelle a été suspendue en attente du résultat de la présente procédure.

m.a Lors de l'audience de jugement, B______ a intégralement maintenu sa version des faits. Il n'avait pas eu l'intention de provoquer une blessure aussi grave que celle subie par la victime. Il n'avait pas visé d'endroit particulier. Son geste s'inscrivait dans une optique de défense et non de vengeance. Trois minutes environ s'étaient écoulées entre les coups qu'il avait reçus et le coup de couteau. Il regrettait son geste.

m.b A______ était victime d'une erreur judiciaire. S'agissant du sms envoyé à F______, il reconnaissait en être l'auteur et ne contestait pas la traduction figurant à la procédure.

Plainte de la D______ (chiffre B.II de l'acte d'accusation)

n. Selon rapport de la police lausannoise du 27 avril 2013, B______ a été appréhendé le jour même à 14h15 par le personnel de sécurité de la D______ sise rue 1______, en possession de quatre bouteilles de whisky qu'il venait de dérober. Plainte pénale a été déposée.

B______ s'était vu notifier les 1er décembre 2012 à la D______ de 3______, 26 mars 2013 à la D______ de 4______ et 2 avril 2013 à la D______ de 5______, une formule d'interdiction d'entrée qu'il avait signée et qui disposait, en français, qu'il lui était fait interdiction avec effet immédiat d'accéder aux points de vente répertoriés au verso du formulaire – soit notamment les points de vente de la D______ – pendant deux ans, sous peine de dépôt d'une plainte pénale pour violation de domicile.

o.a A la police, B______ a soutenu ne pas savoir qu'il était sous le coup de deux interdictions d'entrée dans les magasins D______ de Suisse.

o.b Au Ministère public et lors de l'audience de jugement, il a précisé n'avoir pris conscience de la portée territoriale de l'interdiction qu'après avoir été assisté d'un interprète lors de son audition par la police lausannoise. Précédemment, il pensait que celle-ci n'était valable que pour le magasin où elle lui avait été notifiée.

C. Conditions de détention de A______ et B______

a. Pendant la procédure d'appel, B______ et A______ se sont plaint de leurs conditions de détention, faisant valoir une violation de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 [CEDH ; RS 0.101]. Un rapport détaillé retraçant le parcours carcéral des appelants a ainsi été requis pour vérifier si, dans le cas d'espèce, avaient été commises des irrégularités susceptibles de constituer une violation de la CEDH, du droit fédéral ou du droit cantonal.

b. Le rapport de la direction de Champ-Dollon faisait état des éléments suivants relatifs au parcours cellulaire de B______ :

-       il avait notamment séjourné 279 nuits – dont 277 consécutives – dans une cellule triple d'une surface de 23 m2 hébergeant cinq autres détenus, laissant à disposition de chacun d'entre eux un espace individuel net de 3,83 m2 ;

-       il avait aussi passé, respectivement, 77 nuits avec une surface individuelle de 4,28 m2, 21 nuits avec 4,60 m2, 2 nuits avec 5,75 m2 et 2 nuits avec 6,42 m2 ;

-       il n'avait pas travaillé, refusant d'adhérer au processus d'accession au travail nécessitant son transfert dans une autre aile de la prison.

Selon le même rapport, les cellules dites triples des unités Nord et Sud avaient une surface brute de 25,5 m2 comprenant des douches et sanitaires avec séparation (2,5 m2), un frigo, un téléviseur et une penderie : ces cellules étaient systématiquement équipées de six lits et disposaient d'une douche dont les détenus pouvaient user à leur guise. Les places de travail étaient attribuées par ordre chronologique, le délai d'attente étant de l'ordre de six mois. Les visites du conseil étaient garanties sans restriction, celles de la famille une fois par semaine pendant une heure. Les délais d'attente pour les consultations médicales dépendaient de la gravité du cas : les consultations urgentes étaient immédiatement garanties, les autres pouvaient attendre jusqu'à un mois (consultation médicale somatique non urgente), voire plusieurs mois (consultation psychologique non urgente). Le délai d'attente pour obtenir un entretien avec le secteur socio-éducatif était de plusieurs semaines tandis que celui pour un appel téléphonique s'élèvait à deux mois environ. A part l'heure de promenade quotidienne à l'air libre, ce rapport ne faisait pas état d'autres activités régulières hors des cellules.

c. Aux termes du rapport le concernant, A______ séjourne depuis le début de son incarcération en cellule individuelle, disposant d'une surface de 4 ou 6 m2 en fonction de la présence dans la cellule d'un ou de deux codétenus. En raison de son activité de nettoyeur, il passe, en sus de l'heure de promenade, quotidiennement plus de six heures hors de sa cellule.

D. a. Par ordonnance présidentielle du 25 juillet 2014 (OARP/173/2014), la juridiction d'appel a ordonné l'ouverture d'une procédure orale et cité à comparaître G______, H______ et F______ comme témoins.

b. Par courrier du 4 août 2014, la D______ a persisté dans ses prétentions civiles.

c. B______ a souligné avoir été détenu dans des conditions illicites durant 279 jours. Il conclut au paiement d'une indemnité de CHF 55'800.-, équivalant à CHF 200.- par jour de détention illicite.

d.a Pendant les débats d'appel, A______ a produit un bordereau de pièces contenant plusieurs courriers qu'il avait adressés à son avocat où il affirme son intention de se battre pour prouver son innocence, ainsi qu'un courrier de l'Ambassade de Roumanie attestant avoir été contactée par le prévenu.

d.b Le témoin H______ a été le seul à se présenter (cf. infra, let. e. c), les témoins F______ et G______ n'ayant pu être atteints.

d.c Le président a informé les parties que les inspecteurs de la BPTS n'avaient pas connaissance, au moment de leur intervention, de la teneur des déclarations du témoin H______ au sujet de l'arme emballée dans du papier journal et placée dans une poubelle. Les investigations n'avaient donc pas porté sur le papier journal ou le couvercle de la poubelle, sujets d'éventuelles traces ADN.

e.a B______ a maintenu ses déclarations, précisant avoir été la cible d'une dizaine de personnes, ayant pris fait et cause pour C______, et non seulement des cinq compatriotes qu'il avait évoqués jusqu'aux débats d'appel. Précédemment, il n'avait parlé que des personnes dont il connaissait l'identité. A______ les avait rejoints cinq minutes après son "passage à tabac". Lui-même avait agi environ cinq minutes après l'arrivée de A______, lequel reprochait à C______ les coups portés. Comme il ne voulait pas tuer C______, il avait tenu la lame de manière à "ne pas faire trop mal". Il avait limité les risques de mettre sa vie en danger.

e.b A______ a continué de clamer son innocence. Au vu du grand nombre de drogués et de personnes de toutes nationalités cohabitant dans le parc, notamment "des Arabes", il était possible que les témoins en veuillent "aux Roumains". Comme il souhaitait porter secours à C______, il s'était spontanément annoncé à la police. Le sms envoyé à F______ n'avait pas pour but de le disculper, mais de se renseigner sur l'état de santé d'C______. Il était conscient qu'en maintenant son appel, il prenait le risque d'être condamné à une peine privative de liberté supérieure à celle fixée par les premiers juges en même temps qu'il renonçait à revendiquer une éventuelle libération conditionnelle. Il persistait toutefois dans sa position, d'autant qu'il s'était adressé à la Ligue suisse des droits de l'homme et au service consulaire de son ambassade pour que le procès soit suivi.

e.c H______ a été entendu derrière un paravent. Il a confirmé ses précédentes déclarations, malgré la plainte pénale pour faux témoignage déposée contre lui par A______. Initialement, il ne souhaitait pas témoigner et "avoir des ennuis", mais seulement orienter les policiers qui partaient dans la direction opposée au lieu de l'agression. Dorénavant, il ne se sentait plus en sécurité dans son quartier. Il avait été marqué par les faits et y repensait souvent. Ses souvenirs étaient restés précis malgré le temps écoulé. Comme B______ saignait beaucoup, il lui avait donné des mouchoirs pour s'éponger et des cigarettes. Selon lui, cinq minutes s'étaient écoulées entre "l'épisode de l'iPad" et le coup de couteau. Après avoir montré le visage ensanglanté de B______ à C______, A______ s'était approché d'une poubelle située entre les deux bancs, en avait soulevé le couvercle de couleur blanche, y avait introduit les mains et en avait sorti un objet emballé dans du papier journal, qu'il avait déroulé pour en sortir un couteau de grande taille. Il l'avait placé le long de son bras en le cachant entre celui-ci et son corps, puis s'était approché de B______, en passant devant C______ et F______, soit en contournant le banc par l'avant pour lui remettre le couteau. Il était formel sur le déroulement des évènements, en particulier sur les gestes accomplis par A______. La photographie figurant sous chiffre 12 du rapport de la BPTS montrait la poubelle en cause, ainsi que le couvercle blanc posé à l'arrière de celle-ci. Le fait qu'aucune trace ADN de A______ n'ait été décelée sur le couteau utilisé pour blesser C______ ne changeait rien à sa déposition. Il ne faisait que raconter ce qu'il avait vu. B______ s'était à peine levé pour frapper sa victime mais y avait mis "tout son poids". Dans sa fuite, C______ avait été poursuivi par son agresseur sur environ 300 mètres, puis il y avait eu "l'histoire avec le sabre" cherché par A______ vers les toilettes/containers. Lors de l'intervention de la police, ils s'étaient tous retrouvés dans le même faisceau lumineux et il n'avait pas osé désigner les protagonistes comme étant les agresseurs. Il lui semblait que quelque chose avait été "balancé dans les buissons vers le magasin de tabacs" devant lequel C______ s'était effondré.

f.a Au terme des débats d'appel, A______ persiste dans ses conclusions en acquittement, renonce à toutes prétentions financières en lien avec la détention potentiellement illégale subie et sollicite sa libération immédiate eu égard au fait qu'il a atteint un stade de détention où son maintien risque de heurter le principe de proportionnalité.

f.b B______ persiste dans les conclusions de sa déclaration d'appel et dans les conclusions complémentaires s'agissant de son indemnisation pour violation de l'art. 3 CEDH, concluant à titre subsidiaire à une réduction substantielle de sa peine en guise de réparation de la détention indigne subie.

f.c Le Ministère public persiste dans ses conclusions et demande à la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) d'écarter les conclusions en indemnisation de B______ et d'entrer en matière pour une réduction de la peine limitée à 10 % des jours de détention indigne.

g. A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger, la décision devant être rendue dans le délai de cinq jours de l'art. 233 CPP applicable à la demande de libération immédiate de
A______. Le dispositif de l'arrêt a été notifié aux parties le 7 octobre 2014, avec une brève motivation orale.

E. a. B______ est né le ______ 1968 en Roumanie. Il est célibataire, père d'une enfant âgée de 11 ans, qui vit avec sa grand-mère et avec laquelle il n'a pas de contact. Soudeur et peintre en bâtiment de formation, il a travaillé sur des chantiers et percevait à ce titre un gain mensuel de l'ordre de CHF 250.-. Il est venu en Suisse, en septembre 2012, avec l'espoir de trouver un emploi. Dépourvu de moyens de subsistance, il dépend d'organismes de charité et de l'aide d'amis. Il est atteint dans sa santé par le VIH et souffre de diverses maladies, ainsi que d'une diminution d'audition de l'oreille gauche, liée aux événements. Il est suivi par l'unité médicale de Champ-Dollon. Il projette de rentrer en Roumanie et de vivre auprès des siens.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, B______ a déjà été condamné par le Ministère public, le __ novembre 2012, à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à
CHF 30.- l'unité, assortie du sursis ainsi que d'un délai d'épreuve de 3 ans, pour rixe et séjour illégal et, le __ mars 2013, à une seconde peine pécuniaire de 30 jours-amende à
CHF 30.- l'unité, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, pour dommages à la propriété et violation de domicile.

La rixe pour laquelle il avait été condamné opposait des membres de la communauté roumaine. Sa condamnation pour violation de domicile était liée au fait qu'il était allé dormir dans un lieu qu'il croyait à tort public.

Durant son incarcération, plus précisément durant la période du 18 mai 2013 au 11 mars 2014, il avait partagé essentiellement sa cellule avec cinq autres détenus, chaque libération occasionnant un remplacement quasi immédiat.

b. A______ est né le ______ 1979 en Roumanie. Il est célibataire, sans enfant. Il avait débuté une formation de maçon sans la terminer, mais avait travaillé irrégulièrement pour des gains mensuels de l'ordre de EUR 50.-. Il réside à ______ chez un ami et est aidé financièrement par des membres de sa fratrie établis en Europe. Son père est décédé et il n'a plus de nouvelles de sa mère pour des raisons familiales obscures. Il souhaite retourner en Roumanie pour y gagner de quoi repartir aux Pays-Bas, afin d'y exercer la profession de vélo-taxi, qu'il avait déjà pratiquée durant trois ans.

Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné, le __ février 2013 par le Ministère public, à 30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et injure et, le 20 mars 2013 par le Ministère public de l'arrondissement de la Côte/Morges, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, pour vol.

Il ignorait la condamnation vaudoise pour vol, mais il était possible qu'elle soit liée à un épisode où il avait "pris" des parfums.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2.            2.1.1 Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss, ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).

2.1.2 Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 et 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1).

Dans le cadre du principe de libre appréciation des preuves, qui gouverne notamment l'appréciation des déclarations de la victime d'une infraction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_716/2010 du 15 novembre 2010 consid. 1.3 et 6B_360/2008 du 12 novembre 2008 consid. 4.3), rien ne s'oppose à ce que le juge ne retienne qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3 p. 39 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2012 du 21 janvier 2013 consid. 5.4). Les déclarations successives d'un même témoin ne doivent pas nécessairement être écartées du seul fait qu'elles sont contradictoires ; il appartient au juge de retenir, sans arbitraire, la version qui lui paraît la plus convaincante et de motiver les raisons de son choix (arrêt du Tribunal fédéral 6B_429/2008 du 7 novembre 2008 consid. 4.2.2).

2.1.3 Selon l’art. 6 par. 3 let. d CEDH, tout accusé a le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la citation et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Ce droit découle également des art. 29 et 32 al. 2 Cst. Les témoins à charge sont tous les auteurs de déclarations susceptibles d’être prises en considération au détriment de l’accusé, quelle que soit la qualité de ces personnes dans le procès (ATF 125 I 127 consid. 6a in fine p. 132 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_22/2012 du 25 mai 2012 consid. 3.1). Les éléments de preuve doivent en principe être produits en présence de l’accusé lors d’une audience publique, en vue d’un débat contradictoire. Il est néanmoins admissible de se référer aux dépositions recueillies avant les débats si l’accusé a disposé d’une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d’en interroger ou faire interroger l’auteur (ATF 133 I 33 consid. 3.1 p. 41 ; ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 481). Le droit du prévenu de faire poser des questions à un témoin à charge est absolu lorsque la déposition de cette personne constitue une preuve décisive (ATF 133 I 33 consid. 3.1 p. 41 ; ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 481 ; ATF 129 I 151 consid. 3.1 p. 154). Lorsqu’il n’est plus possible de faire procéder à une audition contradictoire en raison du décès, de l’absence ou d’un empêchement durable du témoin, la déposition recueillie au cours de l’enquête peut être prise en considération alors même que l’accusé n’aurait pas eu l’occasion d’en faire interroger l’auteur, à condition que la déposition soit soumise à un examen attentif, que l’accusé puisse prendre position à son sujet et que le verdict de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (ATF 124 I 274 consid. 5b p. 285s ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_704/2012 du 3 avril 2013 consid. 2.2).

2.2.1 Le témoin G______ n'a pas pu être entendu contradictoirement malgré plusieurs tentatives, tant devant le Ministère public, le Tribunal correctionnel que la juridiction d'appel. Son témoignage n'est pas pour autant dépourvu de force probante. Il peut être pris en considération dans la mesure où il est corroboré par celui de H______, lequel a été entendu contradictoirement à deux reprises. C'est sans compter que ce témoignage à la police ne constitue pas l'unique élément à charge figurant à la procédure. Les parties ont eu l'occasion de s'exprimer à son sujet, l'appelant A______ ayant d'ailleurs déposé plainte pénale pour faux témoignage.

2.2.2 Trois versions s'opposent : celles des témoins H______ et G______, celle de l'appelant B______, plaidant la légitime défense, et celle de l'appelant A______ clamant son innocence.

Les témoignages de H______ et G______ sont absolument identiques s'agissant des faits pertinents, de la description de chacun des protagonistes, de leurs positionnements sur les lieux et du déroulement global de l'agression. Ils décrivent tous deux la véhémence des reproches de l'appelant A______ à la partie plaignante au sujet des coups précédemment portés au visage de l'appelant B______, son déplacement vers une poubelle sise à proximité, son geste consistant à en soulever le couvercle, la fouille de son contenu et la prise dans les mains d'un objet emballé dans du papier journal. Seul à poursuivre ses observations, le témoin H______ avait ensuite vu, après que l'objet avait été déballé, un couteau de cuisine que l'appelant A______ avait remis discrètement à l'appelant B______. Celui-ci s'en était immédiatement saisi, sans qu'ils n'aient à se parler. Le témoin H______ avait observé le geste de l'appelant B______ en direction de la partie plaignante et le coup de couteau "puissant" qu'il lui avait assené, sans oublier la description du mouvement par lequel l'agresseur avait porté le coup. Les deux témoins avaient alors clairement observé que la victime s'enfuyait en courant et en se tenant le ventre, non sans être poursuivie par l'appelant B______ muni du couteau. Ils ont été unanimes à affirmer avoir observé l'appelant A______ se diriger à l'opposé et s'emparer d'un "katana" qu'il avait sorti de son fourreau. L'appelant A______ les avait dépassés avant de se diriger, son sabre à la main, en direction du bas du parc.

Le témoin G______ n'a certes pas vu la remise du couteau ni le coup proprement dit, mais force est de constater que son récit s'insère intégralement dans celui du témoin H______, notamment s'agissant de l'épisode de la fouille de la poubelle et du papier journal. Les déclarations des deux témoins sont en outre particulièrement significatives, dans la mesure où il n'est pas commun de cacher un couteau dans du papier journal dissimulé dans une poubelle. Cet élément a pour effet d'asseoir la véracité de leur récit. Il y a encore concordance de leurs déclarations sur la fin de l'épisode notamment quant à la fuite de la victime, sa poursuite immédiate par son agresseur et celle, différée, de l'appelant A______ qui avait pris soin d'aller chercher un sabre. Quelques divergences peuvent être relevées sur des éléments périphériques relatifs au début de soirée, mais cela renforce encore la crédibilité de leurs témoignages, tant il apparaît que leurs déclarations ne résultent ni d'une entente, ni d'un récit appris par cœur sujet à caution.

Malgré une forte pression, le témoin H______ n'a jamais varié dans ses déclarations, ce qui renforce leur force probante. Ses explications sur la manière dont l'appelant B______ a frappé sont par ailleurs corroborées par celles de l'appelant A______, tous deux ayant évoqué un coup puissant, porté par-dessus F______, atteignant la victime dans l'abdomen. Pour le surplus, des éléments techniques corroborent son témoignage, comme la présence de mouchoirs ensanglantés proches de la scène du crime.

Au contraire les versions soutenues par les appelants ne résistent pas à l'examen.

Ni la partie plaignante ni l'appelant A______ n'ont évoqué la présence d'un attroupement de compatriotes menaçant l'appelant B______, pas plus qu'il n'ont vu ce dernier sortir le couteau de son sac à dos. Il est établi que seuls la victime, F______ et les appelants étaient présents au moment de l'agression à l'arme blanche, les autres membres de la communauté roumaine n'ayant été évoqués, jusqu'aux débats d'appel, qu'au stade de l'épisode de l'iPad. La victime estimait s'être réconciliée avec l'appelant B______, si bien qu'elle n'avait pas compris pour quelles raisons elle avait été frappée. Pour l'appelant A______, l'appelant B______ était calme avant d'asséner le coup de couteau, ce qui explique qu'il n'avait "rien vu venir". L'appelant B______ lui-même a admis que l'appelant A______ s'était disputé avec C______ au sujet de ses blessures, mais qu'il n'avait pas fait attention aux propos tenus. Il ressort en outre du témoignage du gendarme N______ que l'appelant B______ a été interpellé environ 45 minutes après que son signalement eut été diffusé sur les ondes de la police, ce qui est incompatible avec les déclarations selon lesquelles le prévenu se serait rendu immédiatement après les faits pour éviter d'être lynché par ses compatriotes.

La version soutenue par l'appelant A______ ne saurait être suivie en raison de ses incohérences et des éléments techniques figurant au dossier. Ses allégations, selon lesquelles il avait touché le sabre plus tôt dans la journée, sont inconciliables avec le fait que les deux témoins ont eu connaissance de son existence et que l'un d'eux a même été capable d'indiquer aux policiers l'endroit exact où il avait été jeté après l'agression. De même, s'il avait vraiment souhaité porter secours à son meilleur ami, lequel est d'ailleurs beaucoup plus réservé que lui s'agissant de l'intensité de leur lien d'amitié, il est inexplicable qu'il prétende ne rien avoir su de l'agression, alors qu'il était aux premières loges pour témoigner en sa faveur. Au contraire, il apparait que, depuis le début de la procédure, l'appelant A______ cherche à se disculper par tous les moyens. Il a d'abord essayé de coordonner les différentes versions des faits en tentant de contacter, à réitérées reprises, les autres protagonistes directement après l'intervention de la police. Sachant que F______ avait été appréhendé et que son téléphone portable se trouvait en mains de la police, il n'a pas hésité à lui envoyer un sms fallacieux, prétendant ne rien savoir de l'agression tout en précisant "ne pas être coupable" des actes commis par l'appelant B______. Un tel comportement dénote une culpabilité que l'auteur essaye maladroitement de dissimuler.

Les déclarations de l'appelant B______, de la victime et de F______ ne sont d'aucun secours à l'appelant A______, tant il apparaît qu'elles sont dénuées de la moindre crédibilité, teintées d'un esprit communautaire, voire hiérarchique, et dans le souci, en ce qui concerne l'appelant B______, de protéger sa propre ligne de défense. Au contraire, la juridiction d'appel ne voit pas quel serait l'intérêt des deux témoins de mentir, alors qu'ils ne se sont attirés que des ennuis en ayant le courage de témoigner et qu'ils sont, de surcroît, visés par une plainte pénale.

Certes, l'ADN de l'appelant A______ n'a pas été retrouvé sur l'arme du crime, mais cet élément pris isolément n'est pas suffisant à remettre en cause la conviction de la juridiction d'appel s'agissant de la crédibilité des explications du témoin H______, notamment sur la manière dont le couteau avait été remis à l'appelant B______. A cet égard, il ressort d'ailleurs du dossier que l'appelant A______ n'était pas bras nus et qu'il portait une veste en cuir, de sorte que, même en plaçant le couteau le long de son bras, il n'est pas exclu qu'il n'y ait pas laissé de traces interprétables.

Au vu de ce qui précède, la juridiction d'appel tient pour établis, à l'instar du Tribunal correctionnel, les faits tels que relatés par les témoins H______ et G______. Leur qualification juridique reste à déterminer.

3. 3.1 Selon l'art. 123 ch. 1 CP, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé que grave sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La poursuite aura lieu d'office si le délinquant a fait usage du poison, d'une arme ou d'un objet dangereux (art. 123 ch. 2 al. 2 CP).

En édictant l'art. 123 ch. 2 CP, le législateur n'a pas tenu compte du résultat, mais a voulu que l'auteur de lésions corporelles soit poursuivi d'office lorsqu'il avait utilisé une arme, du poison ou un objet dangereux, car le simple fait d'employer ces instruments le fait apparaître comme particulièrement dangereux, même si, dans le cas particulier, cet emploi n'a pas entraîné de graves blessures (ATF 96 IV 16 consid. 3b p. 20).

3.2.1 L’art. 111 CP réprime le comportement de celui qui aura intentionnellement tué une personne. Aux termes de l’art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où elle se produirait. Il y a dol éventuel lorsque l’auteur envisage le résultat illicite, mais agit néanmoins, même s’il ne le souhaite pas, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156 ; ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2 et 3.2.4, p. 28s ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_548/2011 du 14 mai 2012 consid. 1.1). Il s’agit d’une forme d’intention, qui se distingue de la négligence consciente sur le plan volitif, non pas cognitif. Dans les deux cas, l’auteur est conscient que le résultat illicite pourrait se produire mais, alors que celui qui agit par négligence consciente escompte qu’il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l’accepte pour le cas où il se produirait (ATF 125 IV 242 consid. 3c p. 251). Faute d’aveux, il faut se fonder sur les éléments extérieurs, parmi lesquels figurent l’importance du risque, connu de l’intéressé, que les éléments constitutifs objectifs de l’infraction se réalisent, la gravité de la violation du devoir de prudence, les mobiles et la manière dont l’acte a été commis (ATF 125 IV 242 consid. 3c p. 252 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_355/2011 du 23 septembre 2011 consid. 4.2.1 et 6B_548/2011 du 14 mai 2012 consid. 1.1). Plus la survenance de la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l’infraction est vraisemblable et plus la gravité de la violation du devoir de prudence est importante, plus sera fondée la conclusion que l’auteur s’est accommodé de la réalisation de ces éléments constitutifs (ATF 135 IV 12 consid. 2.3.3 p. 18 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_548/2011 du 14 mai 2012 consid. 1.1). Ainsi, le juge est fondé à déduire la volonté à partir de la conscience lorsque la survenance du résultat s’est imposée à l’auteur avec une telle vraisemblance qu’agir dans ces circonstances ne peut être interprété raisonnablement que comme une acceptation de ce résultat (ATF 133 IV 222 consid. 5.3 p. 225s ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_548/2011 du 14 mai 2012 consid. 1.1). Cette interprétation raisonnable doit prendre en compte le degré de probabilité de la survenance du résultat de l’infraction reprochée, tel qu’il apparaît à la lumière des circonstances et de l’expérience de la vie (ATF 133 IV 1 consid. 4.6 p. 8).

3.2.2 Selon la jurisprudence, il y a tentative au sens de l’art. 22 al. 1 CP lorsque l’auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l’infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 137 IV 113 consid. 1.4.2 p. 115 ; ATF 131 IV 100 consid. 7.2.1 p. 103 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.1.1). La tentative suppose toujours un comportement intentionnel, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il faut ainsi qu’il existe un risque qu’un dommage puisse résulter de l’infraction et que l’auteur sache que ce danger existe (Wissensmoment) et qu’il s’accommode de ce résultat (Willensmoment), même s’il préfère l’éviter (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.1.1 et 6B_275/2011 du 7 juin 2011 consid. 5.1). La nature de la lésion subie par la victime et sa qualification d’un point de vue objectif est sans pertinence pour juger si l’auteur s’est rendu coupable de tentative de meurtre. Celle-ci peut être réalisée alors même que les éléments objectifs de l’infraction font défaut. Il n’est ainsi pas même nécessaire que l’intimé soit blessé pour qu’une tentative de meurtre soit retenue dans la mesure où la condition subjective de l’infraction est remplie (arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.3 et 6B_741/2010 du 9 novembre 2010 consid. 2.2.4).

3.3 Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances (art. 15 CP).

La légitime défense suppose une attaque, c’est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d’une attaque, soit le risque que l’atteinte se réalise. Il doit s’agir d’une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l’atteinte soit effective ou qu’elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 consid. 3.2). Cette condition n’est pas réalisée lorsque l’attaque a cessé ou qu’il n’y a pas encore lieu de s’y attendre (ATF 93 IV 81 p. 83). Une attaque n’est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d’une nouvelle atteinte ou d’une aggravation de celle-ci par l’assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 consid. 2b p. 4s). S’agissant en particulier de la menace d’une attaque imminente contre la vie ou l’intégrité corporelle, celui qui est visé n’a pas à attendre jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour se défendre ; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l’agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 81 p. 83s). Par ailleurs, l’acte de celui qui est attaqué ou menacé de l’être doit tendre à la défense : un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense, pas davantage qu’un comportement qui tend à prévenir une attaque, certes possible, mais encore incertaine (arrêt du Tribunal fédéral 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 consid. 3.2).

Il y a légitime défense putative si l'auteur agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits, en croyant par erreur qu'une attaque imminente menace de se produire (ATF 129 IV 6 consid. 3.2). Celui qui s'en prévaut doit prouver que son jugement s'est fondé sur des circonstances de fait qui expliquent son erreur. La simple impression qu'une attaque ou une menace imminente sont possibles ne suffit pas à faire admettre cet état (ATF 93 IV 81 consid. 2b p. 84-85).

Celui qui invoque un fait justificatif susceptible d’exclure sa culpabilité ou de l’amoindrir doit en rapporter la preuve, car il devient lui-même demandeur en opposant une exception à l’action publique. Si une preuve stricte n’est pas exigée, l’accusé doit rendre vraisemblable l’existence du fait justificatif. Il convient ainsi d’examiner si la version des faits invoquée par l’accusé pour justifier la licéité de ses actes apparaît crédible et plausible eu égard à l’ensemble des circonstances (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e édition, Zurich 2011, n. 555, p. 189).

3.4.1 L'appelant B______ soutient ne pas avoir eu l'intention de tuer la victime.

Il est établi qu'il a frappé la victime au moyen d'un couteau, dont la lame mesurait 13 cm de long et 2 cm de large, provoquant ainsi les lésions décrites dans le rapport du CURML. Selon le témoin H______, l'appelant B______ a frappé la victime en y mettant tout son poids. Il est rejoint dans ses déclarations, par celles de l'appelant A______, qui a indiqué que l'appelant B______ s'était rué sur la victime pour lui assener un coup.

En frappant la victime au moyen d’un couteau à la hauteur de l'abdomen, soit un endroit du corps abritant des organes vitaux, l'appelant B______ ne pouvait ignorer le risque de lui causer une blessure susceptible d’entraîner la mort. Il l'admet d'ailleurs implicitement en précisant avoir délibérément tenu la lame de manière à limiter les risques d'attenter à la vie de la victime. S'il n'avait pas accepté le risque de tuer et avait uniquement souhaité effrayer la victime, il l'aurait frappée dans la jambe ou le bras, mais pas dans une zone susceptible d'engendrer des blessures mortelles. Il a agi avec détermination et puissance, occasionnant des blessures qui auraient pu provoquer la mort si la victime n'avait pas rapidement été prise en charge par le milieu médical. En outre, il a immédiatement quitté les lieux sans s’enquérir de l’état de santé de la partie plaignante ni chercher à lui porter secours. Il l'a au contraire poursuivie sur quelques centaines de mètres son couteau à la main, ce qui constitue un indice corroboratif tendant à confirmer qu’il n’était pas surpris ou ébranlé par l’acte qu’il venait de commettre et qu’il avait envisagé les conséquences de son geste, les ayant acceptées au cas où elles se produiraient (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.3 et 6B_109/2009 du 9 avril 2009 consid. 2.3.2). Le fait que la victime, dont le pronostic vital était pourtant engagé, n'ait finalement subi que des lésions non invalidantes ne constitue pas un facteur d'atténuation du risque pris d'attenter à sa vie en frappant dans une région du corps aussi sensible.

Dans ces circonstances, il convient d’admettre que l’appelant a agi intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel et qu'il s'est rendu coupable de tentative de meurtre.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé sur ce point. L’infraction de lésions corporelles étant absorbée par la tentative de meurtre (cf. ATF 137 IV 113 consid. 1.5 p. 117), la requalification juridique demandée par l’appelant B______ devient sans objet.

3.4.2 Le même raisonnement vaut, au vu des faits retenus, pour l'argumentation de l'appelant B______ relative à la légitime défense, laquelle ne peut qu'être écartée sans qu'il ne soit besoin de plus amples développements tant il a apparaît que la menace imminente alléguée par ce dernier, fût-elle-même potestative, ne repose sur aucun élément factuel découlant du dossier soumis à l'appréciation de la juridiction d'appel (cf. supra consid. 2.2.2 6ème §).

3.5 Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet ; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité ; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Il est déterminant que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1 p. 155, 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66, 125 IV 134 consid. 3a p. 136 ; SJ 2008 I 373 consid. 7.3.4.5 p. 382-383). La jurisprudence exige même que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23, 136 consid. 2b p. 141, 265 consid. 2c/aa p. 271 s ; 118 IV 397 consid. 2b p. 399).

3.6 En l'espèce, la juridiction d'appel retient, à l'instar du Tribunal correctionnel, que l'appelant A______ a remis le couteau à l'appelant B______ et l'a donc encouragé à en faire usage contre la victime à laquelle il avait avec véhémence reproché les coups portés à l'appelant B______. Il a ainsi tenu un rôle essentiel dans la commission de l'infraction dont il n'était pas un acteur secondaire.

Même s'il n'est pas anodin de s'associer à une agression par arme blanche, laquelle dénote par définition un risque de provoquer des lésions graves, il n'est pas établi que l'appelant A______ ait su dans quelle région du corps son comparse allait frapper ni avec quelle violence le coup serait porté. Bien plus, aucun élément n'a pu être mis en évidence qui démontre que l'appelant A______ ait adhéré à une telle intention. Hors des spéculations dépourvues de force probante, rien ne permet de retenir qu'il y ait eu volontés concordantes quant à la manière d'utiliser l'arme blanche ni que l'appelant A______ ait eu conscience que son comparse allait prendre le risque d'attenter à la vie de la victime en frappant dans une région du corps comportant des organes vitaux. Faute de plan commun permettant de déterminer les intentions de l'appelant A______, la juridiction d'appel est dans l'impossibilité de se prononcer sur la nature des lésions auxquelles il était prêt à consentir en s'associant à l'appelant B______, si bien que l'intention homicide ne saurait être retenue en ce qui le concerne, par respect du principe in dubio pro reo.

Le seul fait que l'appelant se soit muni d'un sabre, dont il n'a pas fait usage, ne permet pas non plus de retenir qu'il avait l'intention de tuer la victime comme retenu dans l'acte d'accusation, même si l'intention d'en découdre avec la victime ne fait pas de doute.

L'intensité de son intention délictuelle ne pouvant être déterminée avec exactitude, le doute doit profiter à l'appelant A______, si bien qu'il sera reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées.

Le jugement entrepris sera par conséquent également confirmé sur ce point et, par voie de conséquence, le Ministère public débouté.

4. 4.1 Aux termes de l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile, celui qui, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

4.2 En l'espèce, trois interdictions d'entrée dans les magasins D______ de Suisse ont été signifiées à l'appelant B______, entre le 1er décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans trois enseignes sises dans des lieux différents.

Même s'il est probable que l'appelant B______ n'ait effectivement pas compris d'emblée toute la portée de l'interdiction qui lui avait été notifiée en français, il a nécessairement dû se rendre compte de son erreur dès la notification de la troisième, intervenue alors qu'il avait pénétré dans une D______ différente dont l'accès lui avait été initialement interdit. Interpellé à trois reprises dans un court laps de temps, il ne pouvait ignorer que sa présence dans les magasins de cette enseigne était indésirable quel qu'en soit le lieu.

Sa culpabilité du chef de violation de domicile sera par conséquent également confirmée.

5. 5.1.1 L'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation (art. 19 al. 1 CP) et la peine doit être atténuée si l'auteur ne possédait que partiellement l'une ou l'autre de ces facultés (art. 19. al 2).

5.1.2 La pleine responsabilité pénale de l'auteur est présumée en l'absence d'indices contraires (arrêt 6B_540/2008 du 5 février 2009 consid. 2.3 et les références).

5.1.3 Selon la jurisprudence, une concentration d'alcool de 2 à 3 grammes o/oo entraîne une présomption de diminution de responsabilité, alors qu'une concentration supérieure à
3 grammes o/oo pose la présomption d'une irresponsabilité totale. Il ne s'agit là toutefois que de présomptions qui peuvent être renversées dans un cas donné en raison d'indices contraires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2012 du 8 avril 2013 consid. 4 et les références citées).

5.2 En l'espèce, le test de l'éthylomètre pratiqué sur l'appelant B______ à 02h50 a mis en évidence un taux d'alcoolémie de 1.71 gramme o/oo, si bien qu'il ne pouvait être supérieur, selon calcul rétrospectif, à 2 grammes o/oo au moment des faits, soit vers 01h30. Par ailleurs, ni le Ministère public, ni les premiers juges n'ont estimé que la consommation d'alcool de l'appelant constituait une raison sérieuse de douter de sa responsabilité pénale et n'ont en conséquence ordonné une expertise sur ce point (art. 20 CP). L'appelant n'a pas davantage requis cette mesure d'instruction.

D'après les déclarations du gendarme intervenu sur place, l'appelant B______ était désorienté au moment de son interpellation, mais cela ne l'avait pas empêché de collaborer. Les médecins l'ayant examiné à 03h30 ont fait le même constat, relevant que nonobstant un état d'éthylisation aiguë, il était conscient, collaborant et capable de discernement.

Force est ainsi de considérer que la consommation d'alcool de l'appelant B______ n'a pas induit une altération de ses facultés intellectuelles et volitives qui soit propre à susciter des doutes quant à son entière responsabilité au moment d'agir.

Le jugement de première instance doit donc aussi être confirmé sur ce point.

6. 6.1.1 Selon l’art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

6.1.2 Selon l’art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l’exécution d’un crime ou d’un délit n’est pas poursuivie jusqu’à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.

6.1.3 D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. En revanche, lorsque la loi pénale ne prévoit pas le même genre de peine pour toutes les infractions, l'art. 49 al. 1 CP ne s'applique pas et les peines doivent être prononcées cumulativement (ATF 137 IV 57 consid. 4.3 p. 58 ss). Il y a plusieurs peines identiques lorsque le tribunal prononce dans le cas d'espèce, pour chaque norme violée, des peines du même genre (méthode concrète) ; le fait que les dispositions pénales applicables prévoient, de manière abstraite, des peines d'un même genre ne suffit pas (ATF 138 IV 120 consid. 5.2 p. 122 ss).

6.2 La faute de l'appelant B______ est lourde dans la mesure où il n'a pas hésité à s'en prendre au bien juridique le plus précieux et à mettre la vie de son compatriote en danger. Les circonstances sont certes particulières, l'appelant ayant été fortement violenté par la victime, mais sa réplique par arme blanche n'en demeure pas moins disproportionnée et inexcusable. Ses mobiles restent incertains même s'il a vraisemblablement agi par esprit de vengeance. S’il est vrai que l’infraction qui lui est reprochée n’a été que tentée, l'absence de résultat n’en est pas pour autant attribuable à un désistement.

Sa collaboration a été mauvaise, même s'il a admis être l'auteur du coup de couteau. Jusqu'aux débats d'appel, il a cherché à justifier son geste par des explications fallacieuses ne reposant sur aucun indice concret figurant à la procédure. Sa prise de conscience de la gravité de ses actes est par conséquent faible et il en va de même de son repentir, bien qu'il ait exprimé des regrets.

Ses antécédents, sans être catastrophiques, n'en sont pas moins troublants, dans la mesure où ils contiennent un précédent de violence avec arme blanche. Il n'a en outre pas hésité à récidiver dans le délai d'épreuve, si bien que la révocation des sursis qui lui avaient été octroyés est justifiée au vu du risque de récidive.

Sa responsabilité est pleine et entière et il ne peut faire valoir aucune circonstance atténuante.

Dans ces circonstances, la quotité de la peine initialement fixée par le Tribunal correctionnel est adéquate et conforme aux critères de l'art. 47 CP, de sorte qu'elle sera confirmée.

6.3 L'appelant A______ est reconnu coupable de lésions corporelles simples aggravées sans concours, contrairement à l'autre appelant principal.

Sa faute est lourde dans la mesure où il s'est associé avec l'appelant B______ pour intenter à l'intégrité corporelle d'autrui alors même qu'il était étranger à l'altercation ayant opposé les deux intéressés. Ses motivations restent obscures. Il savait que l'appelant B______ était connu dans la communauté roumaine pour des antécédents violents à l'arme blanche, ce qui ne l'a pas dissuadé de lui fournir un couteau pour qu'il s'en prenne à la partie plaignante.

Sa collaboration est inexistante, puisqu'il a nié les faits durant toute la procédure. Il en va de même de sa prise de conscience et de son repentir.

Ses antécédents ne sont pas spécifiques mais récents.

Les conclusions du Ministère public au sujet de la peine à infliger à l'appelant A______ sont essentiellement basées sur l'aggravation de la qualification juridique rejetée par la juridiction d'appel. Au regard des critères de l'art. 47 CP, la peine telle que fixée par les premiers juges apparaît adéquate et il n'y a pas lieu de la majorer, même sur la base d'une qualification similaire.

Le jugement entrepris sera par conséquent également confirmé sur ce point.

7. 7.1 A teneur de l’art. 212 al. 3 CPP, la détention pour des motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.

En vertu des articles 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre. Le juge peut (…) maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170; 132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 107 Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références). Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car le juge - de première instance ou d'appel - pourrait être enclin à prendre en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention préventive à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 et les arrêts cités).

7.2 Compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de l'appelant A______ ne se justifie plus, le principe de proportionnalité risquant sinon d'être violé.

Il y a lieu à cet égard de prendre en compte les jours de détention subie jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt, qui se chiffrent à 514. Au regard de ce chiffre, rapporté à la peine de deux ans, l'appelant A______ pouvait légitimement prétendre à sa libération conditionnelle, d'autant qu'il n'en n'a encore jamais bénéficié, les deux tiers de la peine étant déjà dépassés de près d'un mois.

Pour ces motifs, sa libération immédiate doit dès lors être ordonnée.

7.3 En revanche, par ordonnance présidentielle OARP/123/2014 du 7 octobre 2014, la CPAR a ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté de l'appelant B______.

8. L'appelant B______ se prévaut d'une violation de l'art. 3 CEDH pour ses conditions de détention à Champ-Dollon.

8.1 Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Sur le plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. A teneur de l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. La Constitution genevoise le prévoit aussi (art. 18 al. 2 Cst./GE) et précise que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1 Cst./GE).

Le prévenu qui estime avoir subi, dans le cadre de sa détention avant jugement, un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH dispose d'un droit à ce que les agissements dénoncés fassent l'objet d'une enquête prompte et impartiale (art. 13 CEDH ; ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1) pour en faire, cas échéant, constater l'existence. Si la compétence pour procéder à ce constat est généralement dévolue à l'autorité de contrôle de la détention (ATF 139 IV consid. 3.1), le principe de l'économie de la procédure, rappelé par le Tribunal fédéral dans diverses affaires où l'autorité de contrôle était saisie de conclusions constatatoires (arrêts du Tribunal fédéral 1B_56/2014 du 10 avril 2014 consid. 1.3, 1B_129/2013 du 26 juin 2013 consid. 2.2 et 2.3, 1B_351/2012 du 20 septembre 2012 consid. 2.3), conjugué au fait que de telles conclusions sont nécessairement subsidiaires à celles condamnatoires ou formatrices (arrêt du Tribunal fédéral 1B_129/2013 précité), permettent au juge du fond d'opérer un tel constat, pour autant que ce magistrat, qui sera appelé à statuer sur d'éventuelles conséquences d'une telle violation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 2.1 et 1B_129/2013 précité), soit déjà saisi du litige ou en passe de l'être.

Le prévenu qui se prévaut pour la première fois en appel de l'illicéité des conditions de sa détention doit se laisser opposer, si ces conditions portent sur une période antérieure au terme des débats de première instance, le fait que seule l'autorité d'appel statuera sur ses prétentions, en application du principe de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2013 du 6 mai 2014 consid. 1.3) ancré à l'art. 3 al. 2 CPP.

8.2 Dans différents arrêts datés du 26 février 2014, le Tribunal fédéral a posé le principe de la limite au-delà laquelle il fallait admettre que les conditions de détention à la prison de Champ-Dollon étaient indignes, et partant qu'elles ouvraient le droit à indemnisation.

Selon le Tribunal fédéral, "l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 m2 - restreinte encore par le mobilier - peut constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étend sur une longue période et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention (…). Il faut dès lors considérer la période pendant laquelle le recourant a été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approche de trois mois consécutifs (délai que l'on retrouve en matière de contrôle périodique de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté; cf. art. 227 al. 7 CPP) apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention susmentionnées ne peuvent plus être tolérées. (…) Ce délai ne peut cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention" (arrêt 1B_369/2013 consid. 3.6.3).

Pour le Tribunal fédéral et par rapport au cas qui lui était soumis, "l'effet cumulé de l'espace individuel inférieur à 3,83 m2, le nombre de 157 jours consécutifs passés dans ces conditions de détention difficiles et surtout le confinement en cellule 23h sur 24h ont rendu la détention subie pendant cette période comme étant incompatible avec le niveau inévitable de souffrance inhérent à toute mesure de privation de liberté. Un tel mode de détention a ainsi procuré au recourant, sur la durée, une détresse ou une épreuve qui dépasse le minimum de gravité requis, ce qui s'apparente alors à un traitement dégradant. Ces conditions de détention ne satisfont ainsi pas aux exigences de respect de la dignité humaine et de la vie privée" (ibidem).

Dans un autre arrêt du même jour, le Tribunal fédéral a abouti à une conclusion identique pour un détenu qui avait passé 89 jours consécutifs dans les mêmes conditions de détention dans une cellule dont la surface à disposition était également de 3,83 m2 (arrêt 1B_335/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3).

8.3 Au regard de ce qui précède, la CPAR est habilitée à traiter la demande de l'appelant B______.

L'appelant a séjourné pendant 279 nuits, dont 277 consécutives, dans une cellule triple en compagnie de cinq autres détenus, ne disposant ainsi que d'une surface individuelle de 3,83 m2. Comme il n'a pas travaillé, il n'a en outre bénéficié que d'une heure de sortie journalière, restant confiné dans sa cellule le reste du temps.

Par conséquent, à la lumière de la jurisprudence précitée, l'appelant B______ a droit, au regard des quelques neuf mois consécutifs qu'il a passés en cellule triple à six détenus, à une réparation pour la violation de ses droits, sous une forme qu'il convient de déterminer (cf. infra ch. 9).

9. 9.1 La jurisprudence du Tribunal fédéral évoque, dans divers obiter dictum, trois types de réparation envisageables en cas de détention jugée illicite au sens de l'art. 3 CEDH : la constatation de l'illicéité dans le dispositif de la décision, l'octroi d'une indemnité par le juge du fond, enfin une réduction de la peine, référence étant ici faite aux principes applicables en matière de violation du principe de la célérité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 2.1 et 1B_129/2013 du 26 juin 2013 consid. 2.3).

9.1.1 Selon le Tribunal fédéral, la constatation simplement déclaratoire d'une illicéité, assortie d'une condamnation de l'Etat aux dépens (hypothèse désormais ancrée à l'art. 417 CPP), constitue une forme de réparation au moins partielle de la violation (ATF 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85).

Dans une affaire Aleksandr MAKAROV contre Russie du 12 mars 2009, la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : la Cour CEDH) a considéré que le simple constat de la violation de dispositions de la Convention (parmi lesquelles figurait l'art. 3 CEDH) ne constituait pas, dans le cas concerné, une satisfaction suffisante au sens de l'art. 41 CEDH. L'allocation d'une indemnité pour tort moral se justifiait, aux triples motifs que plusieurs articles de la Convention avaient été violés, que le requérant avait, du fait des conditions dégradantes de sa détention, enduré diverses souffrances et frustrations, enfin que l'intéressé avait été emprisonné durant une longue période sans motif relevant et suffisant.

Dans un arrêt SULEJMANOVIC contre Italie (6 novembre 2009), la Cour CEDH a jugé que le simple constat de la violation de l'art. 3 CEDH, plaidé par l'Italie, ne constituait pas une satisfaction équitable au sens de l'art. 41 CEDH. Elle a décidé d'allouer, "en équité," une indemnité à l'intéressé, qui avait subi un "tort moral certain".

Dans une affaire RUIZ RIVERA contre Suisse (18 février 2014), la Cour CEDH a retenu que les autorités helvétiques avaient violé l'art. 5 § 4 CEDH pour avoir refusé d'ordonner une nouvelle expertise psychiatrique, respectivement pour avoir refusé de tenir une audience contradictoire, avant de statuer sur son maintien en internement. Elle a estimé que le constat de cette violation suffisait, "à la lumière de l'ensemble des circonstances de l'espèce" - qu'elle n'a pas énumérées -, à réparer le tort qui avait, ainsi, pu être causé au requérant.

9.1.2 Au vu de ce qui précède, il ne peut d'emblée être exclu que le constat d'une violation de l'art. 3 CEDH puisse constituer un mode de réparation valable, ainsi qu'en atteste l'arrêt RUIZ RIVERA. Mais cet arrêt, qui statue sur une autre violation de la Convention que l'art. 3 CEDH, n'est pas pertinent pour le cas d'espèce, une réparation de ce type pouvant seulement être envisagée pour des violations de peu d'importance. On peut, à cet égard, s'inspirer de la jurisprudence rendue en matière de violation du principe de la célérité selon laquelle un tel constat est adéquat lorsque le dépassement du délai concerné n'est pas choquant, l'hypothèse inverse devant nécessairement conduire à une réduction de la peine.

Or, les critères posés par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 1B_369/2013 excluent de qualifier de "peu d'importance" une violation de l'art. 3 CEDH. En effet, une violation de ce type n'est admise qu'en cas de dépassement d'un certain seuil de gravité, réalisé in casu par l'effet cumulé d'un espace individuel insuffisant en cellule, pendant une période consécutive supérieure à trois mois, et du confinement en cellule 23h sur 24h.

Compte tenu de l'importance du bien juridique protégé par l'art. 3 CEDH, à savoir la dignité humaine, il apparaîtrait peu adéquat de juger satisfaisante une réparation de ce type, à tout le moins comme mode exclusif de réparation.

9.2 L'indemnisation est un mode de réparation expressément prévu par le CPP qui se fonde sur l'art. 431 al. 1 CPP, lequel prévoit que si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral.

Pour définir les types de dommages susceptibles d'être indemnisés en application de l'art. 431 CPP, il y a lieu d'opérer un rapprochement avec l'art. 429 CPP, ces dispositions instituant toutes deux une responsabilité de l'Etat du chef d'agissements, illicites dans le premier cas et injustifiés dans le second. Mais contrairement à l'art. 429 CPP, qui traite de l'indemnité due pour le prononcé de mesures en soi légitimes mais qui se révèlent ultérieurement injustifiées en raison de l'acquittement du prévenu, l'art. 431 CPP reconnaît le droit à une réparation indépendante de l'issue de la poursuite pénale, la mesure, ou les modalités de son exécution, étant elle(s)-même(s) illicite(s) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_291/2013 du 12 décembre 2013 consid. 2.3, paru in SJ 2014 I p. 218). Le prévenu peut ainsi solliciter le versement d'une indemnité fondée sur l'art. 431 al. 1 CPP, soit avant l'issue de l'enquête pénale, en introduisant une procédure en indemnisation (ATF 137 IV 118 consid. 2.2 in fine), soit devant le juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 6B_291/2013 précité et 1B_351/2012 du 20 septembre 2012 consid. 2.3). La doctrine (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 431 CPP ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 4 ad art. 431) et la jurisprudence incluent dans les mesures visées à l'art. 431 CPP celle de la détention avant jugement (arrêts 6B_917/2013 du 6 novembre 2013).

Dans un arrêt 2C_443/2012 du 27 novembre 2012, la chambre civile du Tribunal fédéral, saisie d'un recours contre un refus d'octroi de l'assistance judiciaire à une personne qui sollicitait des autorités civiles le constat du caractère indigne de sa détention, respectivement le versement d'une indemnité réparatrice, s'est posée la question de savoir si, depuis le 1er janvier 2011, les prétentions en indemnisation en raison des conditions de la détention subie ne relèveraient pas des autorités pénales en vertu de l'art. 431 al. 1 CPP plutôt que des autorités civiles, question qu'elle s'est abstenue de trancher compte tenu de l'objet du litige (consid. 1.3).

Sur un plan théorique, deux options sont envisageables pour chiffrer la quotité du tort moral. La première consiste à fixer une indemnité d'ordre général et global, sans se référer au nombre de jours pendant lesquels la détention a été jugée illicite. La seconde consiste à chiffrer l'indemnisation en tenant précisément compte de ce quota, situation qui prévaut actuellement pour l'art. 429 al. 1 let. c CPP. Cette dernière alternative a le mérite de fournir une base de calcul concrète et de prendre en considération la souffrance qu'a effectivement subie le détenu, nécessairement influée par le nombre de jours concerné.

Pour déterminer le nombre de jours à indemniser, il paraît nécessaire de retrancher du nombre de jours total pendant lequel le prévenu a subi des conditions de détention dégradante une période de 90 jours environ, correspondant à la durée consécutive de trois mois retenue par le Tribunal fédéral, période en deçà de laquelle l'existence d'une violation de l'art. 3 CEDH doit être niée. Renoncer à imputer ce qui tient du délai de carence reviendrait, en effet, à créer une inégalité de traitement entre les détenus qui ont subi des conditions de détention critiquables pendant moins de trois mois et ceux pour lesquels ces mêmes conditions se sont prolongées au-delà de 90 jours, alors même que seule la période excédant trois mois est jugée illicite.

Au vu de ce qui précède, le détenu qui a fait l'objet de conditions de détention contraires à l'art. 3 CEDH pourrait, cas échéant, être indemnisé en application de l'art. 431 al. 1 CPP.

9.3 A titre liminaire, il convient de constater que le Tribunal fédéral retient implicitement que le prévenu ne peut être mis au bénéfice cumulé d'une indemnisation et d'une réduction de peine entière (ATF 130 IV 54 du 22 avril 2004). Il s'agit donc d'un mode de réparation alternatif.

Le libellé de l'art. 431 CPP ne semble pas exclure la possibilité d'opter pour un autre mode de réparation que l'indemnité financière, en procédant par analogie avec les principes applicables en matière de violation du principe de célérité. En effet, le Tribunal fédéral a fait découler du principe de la célérité des conséquences sur le plan de la peine, érigeant ainsi, de facto, la violation de ce principe en une circonstance atténuante de la peine à part entière (ATF 130 IV 54 du 22 avril 2004, consid. 3.3.1 et 3.3.2), distincte de celle du temps écoulé relativement long, ancrée à l'art. 48 let. e CP.

A l'instar des considérations qui précèdent valant pour le principe de célérité, le fait, pour une personne, d'avoir été l'objet de conditions dégradantes de détention ne peut être guéri a posteriori. Une application analogique du mode de réparation institué pour la violation du principe de la célérité, que la jurisprudence actuelle n'exclut pas, peut ainsi apparaître comme une solution appropriée, notamment quand les conclusions de l'appelant vont dans ce sens.

L'application analogique d'une réduction de la peine aux cas de violation de l'art. 3 CEDH ne risque pas de créer un précédent dans la mesure où les conditions dégradantes de détention constituent des cas spécifiques, difficilement transposables dans d'autres situations de contrainte illicite. On ne saurait ainsi écarter un tel mode de réparation au seul risque que tout prévenu subissant l'une des nombreuses mesures de contrainte visées par l'art. 431 CPP pourrait prétendre à être mis au bénéfice d'une réduction de peine.

De manière générale, la réduction d'une peine s'opère en équité, en regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, sans imputation mathématique, sur celle-ci, du nombre de jours de retard concernés dans l'hypothèse de la violation du principe de célérité. Il devrait donc en aller de même dans le cas où une violation de l'art. 3 CEDH conduirait au prononcé d'une peine réduite.

9.4 En réparation de la violation de l'art. 3 CEDH, l'appelant B______ a conclu principalement à son indemnisation et subsidiairement à la réduction de sa peine.

Au regard des développements qui précèdent et de la longue durée de la violation des droits de l'appelant, une réduction de la peine s'impose.

L'application analogique du mode de réparation institué pour la violation du principe de la célérité conduit en l'espèce la CPAR à accorder une réduction de peine d'une durée de six mois à l'appelant B______. La réduction ainsi opérée est de nature à constituer une réparation concrète et adaptée à la gravité de la violation, tout en respectant les critères dégagés par le Tribunal fédéral en la matière.

10. Les frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de CHF 5'000.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, du 22 décembre 2010 [RTFMP ; RS-GE E 4 10.03]), seront répartis entre les appelants B______ et A______, qui succombent pour l'essentiel, à raison du tiers pour chacun d'entre eux, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit les appels principaux et l'appel joint, respectivement formés par A______, B______ et le Ministère public, contre le jugement JTCO/11/2014 rendu le 29 janvier 2014 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/7179/2013.

Rejette l'appel principal de A______, sous réserve de la restitution des pièces figurant sous ch.1 et 2 de l'inventaire du 13 mai 2013 à son nom.

Admet très partiellement l'appel de B______.

Rejette l'appel joint du Ministère public.

Annule le jugement dans la mesure où B______ a été condamné à 5 ans de peine privative de liberté.

Et statuant à nouveau :

Condamne B______ à 4 ans et demi de peine privative de liberté, motif pris d'une violation de l'art. 3 CEDH liée aux conditions de détention à la prison de Champ-Dollon.

Ordonne le maintien en détention de B______ pour des motifs de sûreté par décision séparée.

Ordonne la libération immédiate de A______.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Condamne A______, B______ et le Ministère public aux frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 5'000.-, à raison du tiers pour chacun d'entre eux.

Siégeant :

Monsieur Jacques DELIEUTRAZ, président; Madame Yvette NICOLET, juge, et Monsieur Douglas HORNUNG, juge suppléant; Madame Julie ROY MÉAN, greffière-juriste.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Jacques DELIEUTRAZ

 


Indication des voies de recours
:

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P/7179/2013

ÉTAT DE FRAIS

AARP/566/2014

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

13'604.15

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

900.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

200.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

5'000.00

Total des frais de la procédure d'appel

CHF

6'175.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

19'779.15