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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1705/2022

JTAPI/1239/2022 du 17.11.2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;ASSAINISSEMENT(EN GÉNÉRAL);DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PERMIS DE CONSTRUIRE;PRÉJUDICE SÉRIEUX;MESURE PROVISIONNELLE
Normes : LCI.89; LCI.90; LCI.122; LCI.14; LCI.129
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1705/2022 LCI

JTAPI/1239/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 novembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pierre STASTNY, avocat, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur B______ et C______ SA, représentés par Me Mattia DEBERTI, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             C______SA et Monsieur B______ sont propriétaires des immeubles à l’adresse 1______ et 2______ rue D______, à E______.

M. B______ est administrateur avec signature individuelle de la société précitée.

2.             Le premier immeuble abrite des bureaux, ainsi que des dépôts alors que le second, qui lui est contigu, a pour destination « habitation activités ».

3.             F______ Sàrl (ci-après : la société), inscrite depuis le 19 octobre 1998 au registre du commerce genevois, a notamment pour but : achat, vente, gestion et exploitation d'établissements publics tels que cafés, restaurants, brasseries, bars, pubs, cabarets, discothèques et hôtels. Monsieur A______ en est l’associé-gérant avec signature individuelle.

4.             Par contrat de bail à loyer du 11 juillet 2013, M. B______ a remis à bail à la société et à M. A______ un hôtel/pension de 621 m2 au rez-de-chaussée, avec 17 chambres aux 1er -3ème étages de l'immeuble sis 2______, rue D______, dès le 1er janvier 2014, le bail ayant pour première échéance le 31 décembre 2028.

5.             Le 4 février 2022, M. B______ et C______SA ont déposé une demande d'autorisation de construire APA 3______ portant sur la rénovation d’un local commercial dans l’immeuble 1______, rue de G______.

6.             Dite autorisation a été délivrée le 19 avril 2022 et publiée dans la Feuille d'avis officielle (FAO) du même jour.

7.             Le chantier a été ouvert le 20 avril 2022.

8.             Par courriel du 6 mai 2022, M. A______ a informé la Régie H______, en charge de l’immeuble, des dégâts occasionnés par les travaux et de leur dangerosité. Il l’invitait à prendre immédiatement les mesures nécessaires afin d’évaluer l’atteinte à l’intégrité de la structure endommagée et celles adjacentes. Une chambre occupée par deux personnes, dans son hôtel, avait été touchée par les travaux et celles-ci auraient pu être blessées. Les travaux généraient enfin des nuisances sonores persistantes pour les clients et employés du restaurant et de l’hôtel.

Deux photographies des dégâts occasionnés (fissures) étaient jointes.

9.             Par courriel du 12 mai 2022, la Régie H______ a répondu à M. A______ qu’un contact avait été pris avec un ingénieur civil concernant les problèmes de fissures. Il semblerait que celles-ci soient dues au déplacement d’un cadre de porte d’une cloison, certaines cloisons rentrant en compression au bout d’un certain temps dans ce genre de vieille bâtisse.

10.         Par acte du 24 mai 2022, M. A______, sous la plume de son avocat, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), contre la décision du 19 avril 2022, concluant, principalement, à son annulation sous suite de frais et dépens. Préalablement et sur mesures provisionnelles, il a conclu à ce qu’un délai lui soit imparti pour compléter son recours, à ce que le tribunal fasse interdiction à M. B______ et C______ SA de continuer l’exécution des travaux visés par l’APA 3______, et prenne les mesures probatoires suivantes : inspection locale et expertise par un ingénieur statisticien. Il était directement touché par la décision, puisque les travaux autorisés impactaient concrètement les locaux qu'il louait dans l'immeuble adjacent. Des fissures étaient apparues dans une chambre ce qui impactait également potentiellement son chiffre d'affaires.

Le chantier avait été ouvert alors même que la décision n’était pas entrée en force et les travaux avaient commencé, sans qu’il n’y ait urgence pour le propriétaire et en lui causant des dommages, ce en violation de l'effet suspensif obligatoire attaché au recours. La décision entreprise violait également les règles en matière d'unité architecturale et de respect de la sécurité, soit en particulier les art. 89, 90 et 122 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Il a joint un chargé de pièces.

11.         Par courrier du 27 mai 2022, le tribunal a accordé à M. A______ un délai au 13  juin 2022 pour compléter son recours et inviter les parties intimées à se déterminer sur la demande du précité d’interdiction de poursuite des travaux.

12.         Le 3 juin 2022, le département a transmis son dossier et s’en est rapporté à justice quant à la demande d’interdiction de poursuivre les travaux.

13.         Le 7 juin 2022, M. B______ et C______SA, agissant sous la plume d’un avocat, ont conclu au rejet de la demande préalable en interdiction d'exécution des travaux prise par le recourant.

Suite à la résiliation du bail consenti à ce dernier et à la société, un contentieux avait surgi entre les parties. Les locataires avaient saisi la juridiction des baux et loyers. Les travaux litigieux comprenaient le désamiantage, les déposes de l'électricité, des sols et des faux plafonds, des travaux de plâtrerie, peinture, pose de carrelage et de parquet, de nouvelles installations électriques et sanitaires, des travaux de menuiserie, à l'exclusion de tous travaux de gros œuvre. M. A______ était au courant desdits travaux, s'étant manifesté pour se plaindre de nuisances déjà au stade des travaux préparatoires, courant janvier 2022, destinés à en savoir davantage sur l'état de l'immeuble. Il avait été informé, par courrier du 24 janvier 2022 qu'une demande d'autorisation en procédure accélérée serait déposée prochainement et que les travaux visés permettraient notamment d'améliorer la situation sur le plan de l'isolation phonique. Les travaux litigieux ne touchant pas aux éléments statiques des bâtiments, il n'y avait pas à « instruire » le dossier de demande d'autorisation sur ce point. Le 11 mai 2022, dès qu’il avait été informé des fissures, l'architecte responsable des travaux s'était rendu sur place afin de constater l'état des travaux en cours. Il lui avait toutefois été impossible d'accéder aux locaux de l'hôtel. Le 18 mai 2022, un ingénieur civil s'était rendu sur place et avait constaté qu'une poutre porteuse était cassée. M. A______ étant en Espagne, il avait été impossible d'accéder à la chambre concernée par les dégâts. Il en avait été de même le 25 mai 2022. Une concertation entre les intervenants avait permis de déterminer les travaux à effectuer en vue du remplacement des poutres de bois en mauvais état. Le 27 mai 2022, une demande d'installation de chantier sur la voie publique avait été effectuée auprès de l'office des autorisations de construire (OAC) et de la commune de E______ afin de pouvoir livrer les poutres métalliques. Des offres avaient été demandées en vue de l'exécution des travaux. Le 1er juin 2022, le bureau d'ingénieurs mandaté avait rendu son rapport aux termes duquel il concluait à ce que trois poutres porteuses en bois soient remplacées par des éléments métalliques, un étayage provisoire posé et les travaux définitifs exécutés dans les meilleurs délais, vu le défaut de résistance important que présentaient les trois poutres à remplacer.

Au fond, à lire le recours, les travaux autorisés n’étaient pas, en soi, contestés. M.  A______ évoquait une violation des règles relatives à « l'unité architecturale  », sans fournir aucune explication à cet égard. Il n’avait en tout état manifestement pas la qualité pour invoquer de telles règles qui n'avaient aucune incidence sur ses intérêts personnels, étant au surplus rappelé que les travaux ne portaient que sur la rénovation intérieure du bâtiment. Il n’en allait pas différemment du grief de violation de l'effet suspensif du recours. Faute d’émettre un grief quant au bien-fondé de l'autorisation de construire, on ne voyait pas en quoi il aurait un intérêt juridiquement protégé à l'interruption des travaux. S'agissant des problèmes liés au chantier, la procédure de recours n'était pas le moyen adéquat dont disposait un voisin pour faire valoir ses droits. Ils avaient en tout état pris les mesures nécessaires pour pallier au mauvais état d'une partie de la poutraison et l'arrêt des travaux, qui ne permettrait précisément pas l'exécution desdites mesures, irait à l'encontre des intérêts du recourant.

Ils joignaient un chargé de pièces, dont notamment le rapport du bureau d’ingénieur du 1er juin 2022.

14.         Dans le délai prolongé au 13 juin 2022, le recourant a répliqué sur mesures provisionnelles. Ni la résiliation de son bail ni les tensions ou querelles avec M.  B______ n’avaient à voir avec la présente procédure, étant rappelé que l’ingénieur mis en œuvre par les intimés avait lui-même constaté l’existence de fissures dans son établissement ainsi que des problèmes de statique au plancher suite aux travaux réalisés. Si ces derniers ne comprenaient pas de gros œuvre, ils semblaient néanmoins avoir concerné des cloisons, ce qui avait entraîné l’affaissement de la structure porteuse du plancher. L’ancienneté du bâtiment, sa vétusté et la fragilité des structures étaient connues des intimées. S’il s’opposait à l’exécution des travaux visés par l’APA 3______, tel n’était pas le cas pour les travaux rendus nécessaires par la situation pour stabiliser les structures porteuses.

15.         Dans son complément de recours du 23 juin 2022, le recourant a encore relevé qu’aucune mesure spécifique de sécurité n’avait été prise en amont des travaux de l’APA 3______/1, alors même que l’on était en présence d’immeubles mitoyens anciens et truffés de substances dangereuses. Faute d’examen poussé des conditions de sécurité, de salubrité et du contexte, l’autorisation avait ainsi été rendue en violation de l’art. 122 LCI. Elle violait également l’art. 90 al. 1 LCI, les conditions de préservation des éléments patrimoniaux voulues par le SMS étant mis en échec du fait de l’affaissement des planchers.

Il joignait un courriel de la Régie H______ du 13 juin 2022 relatifs aux travaux envisagés dans ce cadre.

16.         Par décision du 1er juillet 2022 (DITAI/4______), après avoir rappelé en tant que de besoin que le recours avait effet suspensif, le tribunal a admis la demande de mesures provisionnelles formée par M. A______, ordonné à M. B______ et C______SA de procéder à l'arrêt immédiat des travaux entrepris découlant de l'autorisation de construire APA 3______ et interdit à ces derniers de continuer le chantier en lien avec cette autorisation de construire jusqu'à droit connu sur le recours, le tout sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

17.         Dans leurs observations du 20 juillet 2022, les intimés ont conclu au rejet du recours sous suite de frais et dépens, invitant le tribunal à se référer aux faits tels qu’exposés dans leurs écritures du 7 juin dernier.

Au fond, les conditions posées par l'art. 122 LCI n’étaient pas applicables à la délivrance d'une autorisation de construire puisque cela ne concernait que des constructions ou installations achevées et exploitées. Cette disposition n'imposait ainsi pas à l'autorité de procéder à « un examen poussé des conditions de sécurité et de salubrité » avant la délivrance d'une autorisation de construire et le recourant ne prétendait pas, à juste titre, que les prescriptions de sécurité et de salubrité contenues dans le titre II de la loi ne seraient pas respectées dans l'autorisation litigieuse. Le grief de violation de l’art. 122 LCI devait ainsi être rejeté.

Celui de violation de l'art. 90 al. 1 LCI était pour le surplus irrecevable, la sauvegarde du plancher ancien de la construction voisine n'apportant manifestement aucun bénéfice au recourant, ni sa situation juridique, ni sa situation de fait n’étant modifiées. Il devrait en tout état être rejeté puisqu'il n'était, en réalité, pas dirigé contre l'autorisation de construire litigieuse mais contre l'exécution des travaux de réalisation de l'ouvrage autorisé. Cela étant, depuis que le fléchissement du plancher du 1er étage avait été constaté et analysé, des travaux avaient été entrepris de manière à remplacer la poutre partiellement rompue et, ainsi, à rétablir le plancher dans sa situation d'origine.

Ils ont joint un chargé de pièces.

18.         Dans ses observations du 26 juillet 2022, le département s’en est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours de M. A______, rappelant que s'agissant d'un recourant, tiers locataire, le Tribunal fédéral avait jugé que s'il existait un moyen de droit privé, même moins commode, à sa disposition pour écarter le préjudice dont il se plaignait, la qualité pour agir fondée sur l'intérêt digne de protection devait lui être niée.

Au fond, il a conclu au rejet du recours et des mesures d'instruction demandées, dans la mesure où le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires, soit en particulier les plans et les photographies versés à la procédure, ainsi que les diverses études géotechniques produites au dossier, ainsi que cas échéant, l'expertise judiciaire établie dans le cadre de la procédure civile.

Pour le surplus, s’agissant de la violation des art. 89 et 90 LCI, le recourant se bornait à relever une hypothétique violation des règles relatives à « l'unité architecturale » au sens des art. 89 ss LCI, sans fournir de plus amples explications à cet égard. Or, d’une part, le SMS avait émis un préavis favorable sous conditions le 30 mars 2022 après un examen minutieux de la situation et, d’autre part, la question de l'unité architecturale s'attachait à l'aspect extérieur des bâtiments, ce qui n'était pas l'objet de l'autorisation de construire contestée.

Partant, au vu des préavis positifs des instances consultées et dans la mesure où le recourant ne contestait ni les préavis émis par le SMS, ni le bien-fondé de l'autorisation de construire et les travaux autorisés, la délivrance de l'autorisation de construire querellée était parfaitement justifiée.

Le recourant faisait enfin un amalgame malheureux entre l'octroi de l'autorisation de construire qui est rendue par le département lorsque les conditions légales étaient remplies et l'obligation de sécurité, au sens de l'art. 122 LCI, qui était à charge du propriétaire. Il devait pour sa part examiner uniquement le respect des dispositions du droit de la construction relatives notamment à la profondeur et à l'emprise du sous-sol. Pour le surplus, le propriétaire était responsable de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations et de la prise de toutes mesures et précautions nécessaires au bon déroulement du chantier. Dans ces conditions, un éventuel problème de stabilité du plancher et de solidité des cloisons relevait de l'exécution de l'autorisation de construire et du droit privé et par conséquent, ne saurait remettre en cause la licéité de l'autorisation de construire délivrée. L'art 14 LCI visait pour le surplus les nuisances issues et induites par la construction ou l'installation projetée elle-même et non celles provoquées par les modalités de sa réalisation, soit, en l’espèce, les éventuels problèmes de stabilité du plancher et solidité des cloisons découlant du chantier.

Il a transmis son dossier.

19.         Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti et prolongé pour ce faire.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recevabilité du recours suppose encore que son auteur dispose de la qualité pour recourir.

4.             À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2019 du 26 février 2019 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/661/2018 du 26 juin 2018). Cette notion de l'intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), que les cantons sont tenus de respecter en application de la règle d'unité de la procédure figurant à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_170/2018 du 10  juillet 2018 consid. 4.1 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 2b).

5.             L'intérêt digne de protection, qui ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 142 V 395 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1), réside dans le fait d'éviter de subir directement un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre, qui serait causé par la décision entreprise. Il implique que le recourant, qui doit pouvoir retirer un avantage réel et pratique de l'annulation ou de la modification de la décision, doit se trouver dans une relation spécialement étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation et doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de façon à exclure l'action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid.  2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2020 du 4  mars 2021 consid. 1.2.1 ; 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.1 ; 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1 ; 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid.  3.1 ; 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1). Tel n'est notamment pas le cas de celui qui n'est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 138 V 292 consid. 4 ; 130 V 202 consid. 3 ; 133 V 188 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1054/2016, 2C_1059/2016 du 15 décembre 2017 consid. 2.2 ; ATA/988/2016 du 22 novembre 2016 consid. 2d ; ATA/229/2016 du 15 mars 2016 consid. 4 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3d).

6.             Le recours ne sert donc pas à faire contrôler abstraitement la légalité objective de l’activité étatique, mais plutôt à procurer un avantage pratique à la partie recourante. Le simple objectif d’empêcher l’adverse partie d’accéder à un avantage censément illicite ne suffit en outre pas à conférer la qualité pour recourir, si cet objectif ne se rattache pas à un avantage digne de protection pour le recourant (ATF 141 II 307 consid. 6.2 ; 141 II 14 consid. 4.4). Cela signifie notamment que le recours d'un particulier formé dans l'intérêt général et abstrait à la correcte application du droit ou dans l'intérêt de tiers est irrecevable, parce qu'assimilable à une action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2 ; 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3 ; 1C_236/2010 du 16  juillet 2010 consid. 1.4 et 1.5 et les références citées ; ATA/1218/2015 du 10  novembre 2015 consid. 8 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3c).

7.             S'agissant d'un recourant, tiers locataire, il convient d'apprécier l'enjeu de la procédure pour lui, en fonction de sa situation concrète, soit d'apprécier la gravité de l'atteinte apportée par le projet à ses intérêts. Le Tribunal fédéral a jugé que s'il existe un moyen de droit privé, même moins commode, à sa disposition pour écarter le préjudice dont il se plaint, la qualité pour agir fondée sur l'intérêt digne de protection doit lui être niée. Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail, complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (cf. ATA/710/2021 du 6 juillet 2021 consid. 4b et les arrêts cités ; ATA/985/2020 du 6 octobre 2020 consid. 3b ; ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3b).

8.             L’admission de la qualité pour recourir ne signifie pas encore que toutes les conclusions, respectivement griefs, formulés par un recourant soient recevables.

9.             En effet, le voisin ne peut pas présenter n’importe quel grief ; il ne se prévaut d’un intérêt digne de protection, lorsqu’il invoque des dispositions édictées dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit. Tel est souvent le cas lorsqu’il est certain ou très vraisemblable que l’installation ou la construction litigieuse sera à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le grief soulevé (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 5b).

10.         Selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre un requérant et un opposant. La législation genevoise en matière de police des constructions a en effet pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations (art. 3 al. 6 LCI ; cf. not. ATA/307/2021 du 9 mars 2021 consid. 4a ; ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7b ; ATA/1724/2019 du 26 novembre 2019 consid. 8e ; ATA/97/2019 du 29 janvier 2019 consid. 5 ; ATA/517/2018 du 29 mai 2018 consid. 5g ; ATA/166/2018 du 20 février 2018 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/588/2017 du 23 mai 2017 consid. 3d et e ; cf.  aussi arrêt du Tribunal fédéral 1C_413/2019 du 24 mars 2020 consid. 7.1 et les références citées). La procédure de recours prévue par l'art. 145 LCI ne permet donc en principe de faire valoir que des moyens de droit public et n'a pas pour vocation de veiller au respect de droits réels ou de ceux des tiers, le contrôle du respect de ceux-ci (de même que l'examen de tout autre litige relevant du droit privé) restant dévolu aux tribunaux civils (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_413/2019 du 24 mars 2020 consid. 7.1 et les références citées ; 1C_416/2012 du 6 décembre 2012 consid. 5 in fine ; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014 consid. 7c ; ATA/900/2010 du 21 décembre 2010 consid. 11 ; ATA/457/2010 du 29 juin 2010 consid. 9 ; ATA/257/2010 du 27 avril 2010 consid. 2e ; ATA/450/2009 du 15 septembre 2009 consid. 7 et l'arrêt cité ; ATA/21/2008 du 15 janvier 2008 consid. 5).

11.         En l'espèce, la qualité pour recourir de M. A______, qui exploite un hôtel dans l’immeuble contigu à celui visé par l’autorisation querellée, souffrira de rester ouverte, compte-tenu de ce qui suit.

12.         Dans ses écritures, le recourant fait grief à l’autorisation querellée de violer les règles en matière d’unité architecturale et de respect de la sécurité, soit en particulier les 89, 90 et 122 LCI. Préalablement, il sollicite une inspection locale ainsi qu’une expertise par un ingénieur statisticien, étant rappelé que les mesures provisionnelles requises dans le cadre de son recours ont été accordées par le tribunal, par décision du 1er juillet 2022 (DITAI/4______).

13.         Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit, pour l'intéressé, d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1123/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.1 ; 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.5).

14.         Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_842/2014 du 17 février 2015 consid. 6.2 ; ATA/224/2013 du 16 avril 2013). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1), ni à la tenue d'une inspection locale, en l'absence d'une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d'instruction, ce qui n'est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; 112 Ia 198 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1).

15.         En l'espèce, les pièces et les écritures versées à la procédure renseignent suffisamment le tribunal de céans pour résoudre le présent litige. Dès lors qu'elles n'apparaissent pas comme nécessaires et au regard des éléments qui suivent, il ne sera donc pas donné suite aux mesures d’instruction, en soi non obligatoires, requises par le recourant.

16.         Les art. 89 ss LCI prévoient la préservation de l'unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXème siècle et du début du XXème siècle qui sont situés en dehors des périmètres de protection (art. 89 al. 1 LCI). Sont considérés comme ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

17.         Selon l'art. 90 al. 1 LCI, les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés.

18.         Le département établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l'alinéa 1 (art. 90 al. 4 LCI). Sur cette base, le département a publié deux séries d'ensembles retenus, en novembre 1985, puis en octobre 1989. Cette liste indicative de quarante-six ensembles retient des immeubles construits en majorité entre la fin du 19ème siècle et les années 1920.

19.         S'agissant du grief de « violation des règles en matière d’unité architecturale », formulé de manière très vague, le tribunal déduit des écritures du recourant qu’il concerne les fissures apparues sur les parois et le plancher ancien dont la sauvegarde était demandée par le SMS. Concernant le plancher, le recourant ne démontre pas en quoi il serait touché directement et personnellement dans sa situation de fait ou de droit par son affaissement. Or, les recours dont le seul but serait de garantir l'application correcte du droit sont irrecevables. Partant, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce grief. En tout état, les intimés ont exposé, sans être contredits et pièces à l’appui, que depuis que le fléchissement du plancher du 1er étage avait été constaté et analysé, des travaux avaient été entrepris de manière à remplacer la poutre partiellement rompue et, ainsi, le rétablir dans sa situation d'origine.

Pour ce qui serait enfin d’une atteinte à « l'unité architecturale », comme relevé à juste titre par le département, le SMS a, d’une part, émis un préavis favorable sous conditions, le 30 mars 2022, au projet querellé, après un examen minutieux de la situation et, d’autre part, cette question s'attache à l'aspect extérieur des bâtiments, aux structures porteuses ainsi qu’aux autres éléments particulièrement dignes de protection qui doivent, en règle générale, être sauvegardés. La présence de fissures sur les parois, dont la cause est désormais connue et traitée, ne saurait constituer une telle atteinte.

20.         Le recourant fait également grief à la décision de violer les règles en matière de respect de la sécurité, soit en particulier l’art. 122 LCI.

21.         Selon l'art. 121 LCI, une construction, une installation et, d'une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la présente loi, son règlement d'application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires (al. 1).

Une construction, une installation et, d'une manière générale, toute chose doit être maintenue en tel état et utilisée de telle sorte que sa présence, son exploitation ou son utilisation ne puisse, à l'égard des usagers, du voisinage ou du public (al. 3 let. a) :

1° ni porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité,

2° ni être la cause d'inconvénients graves,

3° ni offrir des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions) par le fait que la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection.

22.         Aux termes de l'art. 122 LCI, les propriétaires sont responsables, dans l'application de la présente loi et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations.

23.         Conformément à l'art. 14 al. 1 let. a LCI, le département peut refuser les autorisations prévues à l'art. 1 lorsqu'une construction ou une installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public.

Les normes de protection, tel l'art. 14 LCI, sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée ; elles ne visent pas au premier chef à protéger l'intérêt des voisins. La construction d'un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe être source d'inconvénients graves, notamment s'il n'y a pas d'abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/801/2014 du 14 octobre 2014 ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 ; ATA/726/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/330/2009 du 30 juin 2009 et les arrêts cités).

La notion d'inconvénients graves de l'art. 14 al. 1 LCI est une notion juridique indéterminée qui laisse à l'autorité une liberté d'appréciation et n'est limitée que par l'excès ou l'abus de pouvoir (ATA/126/2013 précité ; ATA/723/2010 du 19  octobre 2010 ; ATA/619/2007 du 4 décembre 2007).

Enfin, l’art. 14 LCI vise les nuisances issues ou induites par la construction ou l’installation projetée elle-même et non celles provoquées par les modalités de sa réalisation (arrêt 1P.530/2002 du 3 février 2002 confirmant l’ATA/447/2002 du 27 août 2002 ; cf. aussi ATA/1220/2020 du 1er décembre 2020 consid. 7a et les arrêts cités ; ATA/399/2020 du 23 avril 2020 consid. 7d ; ATA/505/2014 du 1er  juillet 2014 consid. 6a ; ATA/521/2010 du 3 août 2010 consid. 5d).

24.         Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation sollicitée (art. 1 al. 6 LCI).

25.         En l'espèce, le recourant ne soutient pas, à juste titre, que les conditions légales pour la délivrance de l’autorisation querellée ne seraient pas remplies. Les préavis des instances consultées sont au demeurant tous favorables, sous conditions, au projet.

Pour le surplus, conformément à l’art. 122 précité, les problématiques de statique et de solidité de la construction litigieuse et des bâtiments attenants relèvent de la responsabilité privée du propriétaire constructeur et de ses mandataires, cas échéant, le recourant n’alléguant - et a fortiori ne démontrant - au surplus pas que le local commercial visé par l’APA 3______ serait, lui-même, source de nuisances.

Partant, le grief du recourant, que ce soit sous l’angle de l’art. 122 ou 14 LCI, ne saurait conduire à l'annulation de la décision querellée.

26.         A toutes fins utiles, le tribunal relèvera qu’en cas de défaillance du propriétaire, le département pourrait, au besoin, conformément à l'art. 129 LCI, et dans les limites des dispositions de l’art. 130 LCI, ordonner, à l’égard de tout ou partie des immeubles concernés, l’évacuation, le retrait du permis d’occupation, l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter et la remise en état, ainsi que la réparation, la modification, la suppression ou la démolition, s’il venait à constater que l’état de tout ou partie de ces derniers n’était pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

27.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, en tant qu’il est recevable.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

29.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’000.-, à la charge du recourant, sera allouée à M. B______ et C______SA (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6  RFPA), qui y ont conclu et sont assistés d’un conseil.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté 25 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 19 avril 2022 ;

2.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             condamne le recourant à verser à M. B______ et C______SA une indemnité de procédure de CHF 1’000.- ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Carmelo STENDARDO et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière