Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1144/2024 du 21.11.2024 ( OCIRT ) , REJETE
REJETE par ATA/301/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 21 novembre 2024
|
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Vadim NEGRESCU, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL
1. Monsieur A______, né le ______ 1998, est ressortissant d’Azerbaïdjan.
2. Le 14 décembre 2023, sous la plume de son conseil, il a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative dépendante, « en tant que salarié de sa future entreprise », subsidiairement, d’une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante.
Il suivait des études à Genève depuis dix ans. Après avoir fréquenté le Collège du Léman et la Webster University of Geneva, il avait obtenu un Bachelor en économie et management auprès de l’Université de Genève (ci-après : UNIGE) en 2022 et y suivait désormais une formation en vue d’obtenir un Master en management responsable. Il parlait le français, l’azéri, le turc, le russe et l’anglais. En parallèle de ses études, il avait travaillé auprès d’importantes sociétés de négoces.
Cela faisait environ 30 ans que son père dirigeait la société turque B______ (ci-après : B______) et la société azérie C______ (ci-après : C______). La première était active dans la fabrication et l'assemblage d'ascenseurs, y compris les « garages-ascenseurs », les monte-plats pour les restaurants, les systèmes d'assistance pour personnes âgées et les escalators. Elle était ainsi active dans l'intégralité des domaines d'infrastructure de mobilité pour bâtiments. Elle vendait également les pièces détachées pour chacune des variantes d'ascenseurs et exportait son savoir-faire et ses produits à travers le monde. La seconde était la plus grande société active dans le domaine de la construction de bâtiments en Azerbaïdjan, où elle avait actuellement plusieurs milliers de projets en cours.
M. A______ souhaitait créer une société en Suisse afin de commercialiser tant des produits finis, tels que des ascenseurs, des escalators et des « garages-ascenseurs », que des pièces détachées. L’assemblage des produits se ferait en Turquie, au sein de l’entreprise de son père, qui les vendrait ensuite à ses clients, l'objectif étant que les produits et les pièces proviennent de fournisseurs européens qui travaillaient déjà avec son père. Il projetait également de commercialiser divers matériaux de construction et de mobilier et disposait déjà d’un grand nombre de contacts et de partenaires commerciaux auprès desquels il pourrait se fournir.
À travers ces deux activités, il comptait devenir le fournisseur principal de matériel d'infrastructure de mobilité pour bâtiments, de matériaux de construction et de mobiliers divers sur les marchés azéri, kazakh, ouzbek, kirghize et turc. Il avait d’ailleurs déjà un certain nombre de clients potentiels, notamment en Azerbaïdjan. Il était aussi en discussions avancées avec le deuxième plus gros développeur immobilier des Émirats arabes unis.
Sa stratégie en trois axes consistait à se montrer compétitif sur les marchés azéri, turc et émirati, à accéder à de nouveaux marchés, à développer son portefeuille de clients et à exprimer sa réussite par des engagements et des résultats financiers.
Les forts liens qui l’unissaient à la Suisse l’avaient poussé à y implanter sa société et le fait de se trouver au centre de tous ses fournisseurs faciliterait grandement ses interactions avec ses partenaires européens.
Par ailleurs, il disposait indéniablement de toutes les qualités requises pour mener ce projet à bien. Il avait suivi des études en adéquation et bénéficiait d’expériences acquises, non seulement au sein des sociétés de son père, où il avait travaillé dès son adolescence, mais également auprès d’autres sociétés de renom. Il pouvait ainsi se prévaloir d’une grande expérience en matière de vente d'ascenseurs, de construction et de vente « clés en mains » d'immeubles résidentiels. Il disposait en sus d'un portefeuille de clients et de relations en Azerbaïdjan, en Turquie et dans les zones géographiques de l'ex-Union Soviétique, où étaient établis ses principaux prospects.
Il serait l’unique actionnaire et le directeur général de cette société qui servirait les intérêts économiques de la Suisse. En effet, il prévoyait de réaliser un chiffre d'affaires d'environ CHF 5'000’000.- en 2024, de CHF 7’000’000.- en 2025 et de CHF 9'000’000 en 2026. Quant au nombre de collaborateurs, il était estimé à trois en 2024, à cinq en 2025 et à six en 2026, soit un Chief Excutive Officer (ci-après : CEO), deux responsables du département des ventes, un Chief Financial Officer et deux assistants. Il occuperait lui-même la fonction de CEO, pour un salaire mensuel net d’environ CHF 12'000.-, et tous les autres employés seraient des ressortissants suisses ou européens. Il ferait également appel à des prestataires locaux actifs notamment dans les domaines juridiques, de l'audit et de la comptabilité, du conseil financier et fiscal, ainsi que bancaire.
Pour le surplus, son casier judiciaire était vierge, il ne faisait l’objet d’aucune dette et sa situation financière lui garantissait une indépendance durable.
Il a notamment joint les pièces suivantes :
- son curriculum vitae ;
- le Business plan de la future société D______ (ci-après : le Business plan) ;
- divers documents relatifs à ses études ;
- des extraits de son compte bancaire auprès d’E______.
3. Cette demande a été transmise à l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) pour raison de compétence.
4. Par décision du 17 janvier 2024, l’OCIRT a informé M. A______ qu’il ne lui était pas possible de rendre une décision favorable.
La condition de l'art. 19 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr) n’était pas remplie. La demande en vue de l'exercice d’une activité lucrative indépendante ne présentait pas un intérêt économique suffisant. En effet, conformément aux directives du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), un ressortissant d'État tiers pouvait être admis à l'exercice d'une activité indépendante s'il était prouvé que le marché suisse du travail tirerait durablement profit de l'implantation. Tel pouvait être le cas lorsque l'entreprise contribuait à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtenait ou créait des places de travail pour la main-d'œuvre locale, procédait à des investissements substantiels et générait de nouveaux mandats pour l'économie helvétique, conditions qui n’étaient pas réalisées en l’espèce. De plus, l'intéressé n'avait pas démontré qu'il disposait d'une source de revenus suffisante et autonome au sens de l’art. 19. let. c LEI.
5. Par acte du 26 février 2024, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’octroi de l’autorisation requise, subsidiairement au renvoi du dossier à l’OCIRT pour nouvelle décision « accordant un préavis favorable ». Il a préalablement sollicité son audition afin de démontrer le sérieux de son projet.
Le recourant a repris en substance les arguments développés dans sa requête du 14 décembre 2023, précisant qu’il percevait régulièrement une aide financière de son père qui lui avait versé plus de CHF 48'000.- entre novembre 2023 et février 2024 et qui s’était également engagé à lui faire don d’un montant de CHF 1'000'000.-, afin de garantir le capital social de la future société.
Il a ensuite reproché à l’OCIRT d’avoir violé son droit d’être entendu à plusieurs égards. Il ne lui avait pas donné l’opportunité de s’expliquer avant de rendre la décision litigieuse, dont la motivation était de surcroît lacunaire. Il ne s’était pas non plus prononcé sur sa demande principale relative à l’octroi d’un titre de séjour avec activité lucrative dépendante, se limitant à rejeter sa demande subsidiaire portant sur l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante. Or, le tribunal ne pouvait pas substituer son propre pouvoir d’appréciation à celui de l’OCIRT sans priver le recourant de son droit à un double degré de juridiction.
Par ailleurs, il disposait des qualifications personnelles requises (art. 23 LEI) et, au vu des explications qu’il avait fournies en lien avec l’activité de la future société et les projections d’ici à 2026, soit un chiffre d’affaires d’environ CHF 9'000'000.- et un effectif de six employés, l’autorité intimée avait considéré à tort que les conditions de l’art. 19 LEI n’étaient pas remplies. Elle avait également retenu à tort qu’il ne disposait pas d’une source de revenus suffisante et autonome, compte tenu du soutien financier que lui apportait son père. Pour finir, elle n’avait pas examiné la question de l’adéquation de la demande avec le contingent prévu par l’art. 20 LEI.
6. Dans ses observations du 30 avril 2024, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.
Aucune violation du droit d’être entendu ne pouvait lui être reproché. Le recourant n’avait pas produit le moindre élément à l’appui de sa requête, tel qu’un contrat de travail ou la preuve du respect de l’ordre de priorité, de nature à justifier une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative dépendante, si bien que le dossier n’avait été examiné que sous l’angle de l’exercice d’une activité lucrative indépendante.
De plus, la base légale applicable et les motifs qui avaient conduit au rejet de la requête ressortaient clairement de la décision litigieuse et le recourant avait pu faire valoir tous les griefs utiles à son encontre, dans le cadre de son recours.
En outre, l’OCIRT n’avait pas pour pratique d’adresser un projet de décision, après le dépôt d’une demande d’autorisation d’exercer une activité lucrative. Il sollicitait ne sollicitait le requérant que face à un dossier incomplet qui ne lui permettait pas, « à la lumière des renseignements fournis », de rendre une décision.
Sur le fond, le fait que le recourant avait bénéficié d'une autorisation temporaire pour formation jusqu'au 29 février 2024 ne lui conférait aucun droit quant à une prise d'activité. Il devait ainsi être considéré comme un nouveau demandeur d'emploi.
Cela étant, il ressortait du Business plan que deux sociétés, dont l’une appartenant au père du recourant, seraient les partenaires de la société projetée et que le recourant avait déjà six clients potentiels, notamment en Azerbaïdjan, au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au Kirghizistan. Or, aucune pièce démontrant un éventuel futur lien contractuel entre les parties n’avait été produite. En outre, le recourant avait pour objectif d’être compétitif sur les marchés azéri, turc et émirati. Il n’avait mentionné aucun client et/ou fournisseur en Suisse ni aucune stratégie pour développer son activité sur le marché helvétique. Partant, il était difficile de comprendre ce qui justifiait l’implantation de la société en Suisse, hormis les forts liens allégués par le recourant et le fait de se trouver « au centre de tous ses fournisseurs », ce qui ne correspondait d’ailleurs pas à la réalité géographique.
Au demeurant, une recherche menée sur le moteur de recherche du registre du commerce genevois avec les termes « matériel de construction » et « ascenseur » indiquait qu’il existait 136 entreprises actives dans le premier domaine et 33 dans le second, soit un nombre important pour le canton de Genève. Le recourant proposait ainsi un service qui semblait être déjà suffisamment fourni.
Par ailleurs, il ressortait des documents produits que, d’ici à 2026, seulement six emplois seraient créés pour une masse salariale de CHF 510'000.- et que le bénéfice net serait de CHF 312'180.-. Or, aucun élément concret relatif à de possibles futurs mandats n’avait été produit et les montants exposés dans le « Financial plan » n’étaient pas suffisamment démontrés. Il en allait de même des investissements.
Il apparaissait ainsi que la demande déposée en faveur du recourant ne représentait pas un intérêt économique suffisant pour la Suisse au sens de l’art. 19 LEI et qu’elle semblait plutôt servir ses propres intérêts. Le projet du recourant ne se démarquant ni par le nombre d'emplois créés, ni par d’importantes retombées fiscales, ni par un domaine d'activité innovant, le prélèvement d’une unité sur le contingent cantonal, qui n’était que de 91 permis B en 2024, ne se justifiait pas.
En outre, le recourant n’avait pas démontré qu’il disposait d’une source de revenus suffisante et autonome au sens de l'article 19 let. c LEI. Le montant de CHF 1’000'000.- que son père s'était engagé à lui transférer n’était pas déterminant, dès lors qu’aucune attestation formelle n’avait été versée à la procédure et que cette somme ne provenait pas de l'activité de l'entreprise du recourant.
Pour finir, l’OCIRT a rappelé qu’il avait traité la requête du recourant comme une demande d'autorisation de séjour pour activité lucrative indépendante (art. 19 LEI), compte tenu de l’absence d’éléments en sa possession lui permettant de l’examiner sous l'angle d'une activité salariée. Par économie de procédure, il a tout même procédé à cet examen dans le cadre de ses observations. Après avoir rappelé les exigences légales en la matière, il a indiqué que l’ordre de priorité stipulé à l’art. 21 LEI n’avait manifestement pas été respecté. En effet, dans la mesure où le recourant comptait occuper le poste de CEO, l’employeur n’avait effectué aucune recherche afin de trouver un candidat suisse ou ressortissant des pays de l'UE/AELE pour pourvoir le poste en question, étant précisé que les connaissances linguistiques du recourant ne permettaient pas de déroger à cette exigence. Partant, les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée au sens de l’art. 18 LEI n’étaient pas réalisées.
7. Le 10 juin 2024, le recourant a répliqué, sous la plume de son conseil.
La position de l’OCIRT confinait à la mauvaise foi. En affirmant qu’il n’avait pas examiné sa demande relative à l’exercice d’une activité lucrative salariée, en l’absence d’un document prouvant une telle activité, il perdait de vue que l’octroi de l’autorisation requise était la condition sine qua non à la création de la société. Si le recourant avait produit un contrat de travail, l’OCIRT lui aurait probablement reproché d’avoir mis les autorités devant le fait accompli.
Quant aux éléments que l’OCIRT lui reprochait de ne pas avoir suffisamment démontrés, il convenait de rappeler que la société n’existait pas encore et que le recourant n’allait certainement pas investir dans l’hypothèse où il ne pourrait pas être employé par celle-ci. S’agissant plus particulièrement de l’absence de documents formels démontrant l’existence de relations contractuelles avec des partenaires commerciaux, il ressortait de la jurisprudence, qu’au stade de la création d’une entreprise, une autorisation de séjour était octroyée pour une durée de deux ans et qu’elle pouvait être révoquée si les engagements n’étaient pas tenus. Il était ainsi dans l’intérêt du recourant de tenir ses engagements, ce qu’il ne serait en mesure de démontrer qu’aux échéances qu’il avait mentionnées.
Concernant les nouveaux mandats pour l’économie helvétique, l’OCIRT n’avait pas tenu compte des prérequis que nécessitaient la création d’une société anonyme, tels que la constitution de nouvelles relations bancaires, et le recours à des services juridiques, d'audit et de conseil fiscal de la place.
Sous l’angle de ses connaissances linguistiques, il convenait de rappeler que ses partenaires commerciaux étaient de langue turque, russe ou azérie, qu’il les connaissait personnellement et qu’ils n’accepteraient de travailler avec la société qu’à la condition qu’il en soit le directeur.
Par ailleurs, il ressortait du Business plan que les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise étaient remplies (art. 19 let. b LEI).
En outre, si l’OCIRT avait certes mené des recherches auprès du registre du commerce genevois, il n’avait pas effectué une analyse approfondie du marché dans lequel le recourant entendait être actif et qui comportait une dimension internationale. Or, il était de notoriété publique que la Suisse, et plus particulièrement Genève, avait un attrait important pour les sociétés de négoce international. En tout état, il ressortait de la doctrine que le fait d’offrir une alternative et faire jouer la concurrence dans un domaine d’activité donné profitait au marché suisse du travail.
Enfin, si l’existence de relations contractuelles ou d’affaires avec des sociétés établies en Suisse était effectivement un « critère d’examen majeur », il serait alors difficile de comprendre que des sociétés de renom aient pu s’établir à Genève, alors que leurs relations commerciales n’avaient quasi aucun lien avec la Suisse.
Pour le surplus, il versait notamment à la procédure les engagements écrits de son père de lui faire parvenir la somme de CHF 1'000'000.- afin de l'assister dans la mise en place et le démarrage de la société et de lui verser la somme de CHF 15'000.- par mois pour couvrir l'intégralité de ses dépenses, aussi longtemps qu’il ne serait pas en mesure de subvenir seul à ses besoins.
8. Dans sa duplique du 5 juillet 2024, l’OCIRT a persisté dans ses conclusions.
Le recourant semblait confondre activité salariée et activité indépendante. S’agissant de la première, une telle activité devait être prouvée, ce qui se faisait en général par le biais d’un contrat de travail qui pouvant contenir une clause conditionnelle soumettant le début de l'activité à la délivrance d'un permis de travail. Or, ni l’existence d’une activité salariée ni le respect du principe de la priorité n’avait été démontré. Partant, l’OCIRT ne pouvait examiner la demande sous l’angle de l’exercice d’une activité lucrative salariée.
Cela étant, il appartenait au requérant de démontrer que sa demande répondait à toutes les exigences légales. Or, en l’état, rien ne permettait de prouver que la société serait en mesure de générer une activité durable et de servir les intérêts économiques de la Suisse car le recourant attendait la délivrance de l’autorisation requise avant de mettre en place les principaux éléments de la société.
S’agissant de la donation de CHF 1'000'000.- prévue par le père du recourant, elle n’avait pas encore été effectuée et demeurait, en l’état, purement hypothétique. Quant au versement mensuel de CHF 15'000.- « until the company that Mr A______ intends to set up is financially stable and generates a turnover enabling him to receive a salary covering all his expenses », la teneur de l’engagement écrit de son père démontrait bien que les chiffres avancés dans le Business plan et dans le recours, notamment le salaire mensuel du recourant de CHF 12'000.-, seraient difficilement atteignables. Il convenait également de rappeler que le souhait du recourant d'investir dans la société ne lui conférait aucun droit à l’obtention d’une autorisation de séjour avec activité lucrative en Suisse (art. 6 al. 2 OASA).
Pour finir, la société projetée ne pouvait être considérée comme une société de négoce international. En effet, les montants figurant au Business plan étaient modestes par rapport à ceux d’une société de négoce international. L’activité du recourant pouvait difficilement être comparée avec l'activité économique des sociétés de renom citées par le recourant, dont l’une avait atteint en 2023 un résultat net de USD 7,4 milliards et un chiffre d'affaires de USD 244 milliards, selon Internet.
9. Les écritures et le contenu des pièces produites seront repris ci-après, dans la mesure utile.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. À titre préalable, le recourant sollicite son audition.
6. Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à leur détriment, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 II 218 consid. 2.3).
Ce droit ne peut toutefois être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l’issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou, en procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/ 2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).
7. Ce droit ne comprend pas non plus celui d’être entendu oralement (cf. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b), ni la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1). Enfin, dans la règle, l’audition d’un membre d’une instance spécialisée ne se justifie pas lorsque cette instance a émis un préavis versé à la procédure (ATA/ 126/2021 du 2 février 2021 consid. 2b ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 2, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1 et 3.2).
8. En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige, de sorte qu'il n'apparaît pas utile de procéder à la comparution personnelle du recourant qui souhaite, par ce biais, démontrer le sérieux de son projet. Or, il a eu la possibilité de faire valoir ses arguments à plusieurs reprises au cours de la procédure, soit dans le cadre de son recours, puis notamment à l’occasion de ses réplique et duplique, et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ses écritures, sans qu’il n'explique quels éléments la procédure écrite l’aurait empêché d'exprimer de manière pertinente et complète. Il perd surtout de vue que ce sont avant tout des éléments matériels, à démontrer à l'aide de preuves documentaires, qui déterminent l'issue du litige. De simples explications orales ne sauraient y suppléer.
Cette demande d'instruction, en soi non obligatoire, sera par conséquent rejetée, dans la mesure où elle n’apportera pas un éclairage différent sur le dossier.
9. Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu, à plusieurs égards. Il reproche à l’OCIRT de ne pas lui avoir fait part de son intention de refuser sa demande avant le prononcé de la décision litigieuse, de ne pas avoir suffisamment motivé cette dernière, et de ne pas s’être prononcé sur sa demande principale tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour avec activité lucrative dépendante.
10. Dans une procédure initiée sur requête d'un administré, celui-ci est censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents ; il n'a donc pas un droit à être encore entendu avant que l'autorité ne prenne sa décision afin de pouvoir présenter des observations complémentaires (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n° 1528 ss, p. 509 s ; ATA/277/2021 du 2 mars 2021 consid. 5c ; ATA/523/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b).
11. Le droit d'être entendu implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision.
Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver n'impose pas à l'autorité d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018, p. 531 n. 1573). Elle peut, au contraire, se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents. Une motivation est suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; ATA/661/2018 du 26 juin 2018 et les arrêts cités ; Pierre TSCHANNEN/Ulrich ZIMMERLI/Markus Müller, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème éd., 2014, p. 272 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 348 ss n. 2.2.8.3). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 138 IV 81 consid. 2.2; 134 I 83 consid. 4.1 et les références citées). L'autorité peut passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence (ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b). Il n'y a ainsi violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b et les références).
Sa violation peut néanmoins être réparée devant l'instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen des questions litigieuses que l'autorité intimée et si l'examen de ces questions ne relève pas de l'opportunité, car l'autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d'examen à celui de l'autorité de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_341/2016 du 3 octobre 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités; ATF 124 II 132 ; ATA/39/2019 du 15 janvier 2019 consid. 2b et les arrêts cités). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).
12. En l'espèce, la décision litigieuse est certes succincte, mais elle demeure parfaitement claire et ne nécessite pas de plus amples développements. Elle mentionne les bases légales applicables ainsi que les motifs de refus, ce qui a d'ailleurs permis au recourant, représenté par son conseil, de motiver son recours de manière complète. L'autorité intimée s'est également expliquée plus en détail, d’abord dans ses observations, puis dans sa duplique et le recourant a ensuite eu l’occasion de répliquer. Il convient de préciser à cet égard qu'un éventuel défaut de motivation peut être réparé par la prise de position de l'autorité intimée, suite à un recours, si l'administré se voit offrir la possibilité de s'exprimer à son sujet et que l'autorité de recours peut examiner librement les questions de fait et de droit (cf. ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.6.2 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1577 p. 522 et les arrêts cités), tel qu'en l'espèce.
Par ailleurs, l’OCIRT n'a certes pas fait part au recourant de son intention de refuser de faire droit à sa demande liée à l’exercice d’une activité lucrative indépendante. Il ne l’a pas non plus informé du fait qu’il ne disposait pas d’éléments suffisants lui permettant de se prononcer quant à l’exercice d’une activité lucrative dépendante et ne lui a, a fortiori, pas imparti de délai pour se déterminer avant de prononcer la décision litigieuse. Cela étant, dans le mesure où le recourant a initié la procédure ayant abouti à la décision litigieuse, il lui appartenait, conformément aux principes précités, de transmettre à l'appui de sa demande l'ensemble des éléments en sa possession pouvant justifier, tant l’octroi de l’autorisation requise à titre principal que celle requise à titre subsidiaire. L'OCIRT n'avait ainsi aucune obligation de l'interpeller préalablement au prononcé de la décision querellée. Au demeurant, il ressortait d'emblée des explications données par le recourant à l'appui de sa requête que les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative dépendante n'étaient pas réalisées, s'agissant en particulier du respect de l'ordre de priorité (art. 21 LEI), de sorte qu'il était inutile de l'interpeller à ce sujet. La suite a démontré que l'autorité intimée ne s'était pas trompée sur ce point.
La question de la réalisation des conditions de l’art. 18 LEI sera néanmoins reprise dans les considérants qui suivent, étant précisé que le tribunal dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée et qu'une éventuelle violation du droit d’être entendu serait de toute façon réparée devant le tribunal, de sorte que le renvoi de la cause à l’OCIRT ne constituerait qu’une vaine formalité.
Ce grief sera par conséquent écarté.
13. Sur le fond, le recourant conteste la décision de l’OCIRT consistant à refuser de lui délivrer une autorisation de séjour avec activité lucrative dépendante, subsidiairement avec activité lucrative indépendante, en qualité de CEO de sa société.
14. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.
15. Selon l’art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2).
16. Lorsqu’un étranger ne possède pas de droit à l’exercice d’une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admettre en vue de l’exercice d’une activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI). Dans le canton de Genève, la compétence pour rendre une telle décision est attribuée à l'OCIRT (art. 6 al. 4 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers, du 17 mars 2009 - RaLEtr - F 2 10.01). L’OCPM reçoit et traite les demandes d'autorisation d'admission pour d'autres motifs que ceux relevant de l’exercice d’une activité lucrative (art. 8 RaLEtr).
17. Des démarches telles que la création ou la participation à une entreprise ne confèrent, à elles seules, aucun droit lors de la procédure d’autorisation (art. 6 al. 2 OASA).
18. Aux termes de l’art. 83 al. 1 let. a de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), avant d'octroyer une première autorisation de séjour ou de courte durée en vue de l'exercice d'une activité lucrative, l'autorité cantonale du marché du travail décide si les conditions sont remplies pour exercer une activité lucrative salariée ou indépendante au sens des art. 18 à 25 LEI.
19. La procédure d’obtention d’autorisation est réglée à Genève aux art. 6 al. 1 à 7 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 9 mars 2009 (RaLEtr - F 2 10.01).
20. À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).
Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).
21. S’agissant plus particulièrement du respect de l’ordre de priorité, l’art. 21 al. 1 LEI stipule qu’un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé.
En d’autres termes, l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4226/2017 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.2 ; ATA/387/2023 du 18 avril 2023 consid. 5c).
22. Selon l'art. 2 al. 1 OASA, qui concrétise l'art. 19 LEI (admission en vue d'une « activité lucrative indépendante »), est considérée comme activité lucrative indépendante toute activité exercée par une personne dans le cadre de sa propre organisation, librement choisie, dans un but lucratif, soumise à ses propres instructions matérielles et à ses propres risques et périls. Cette organisation librement choisie peut être gérée par exemple sous la forme d'un commerce, d'une fabrique, d'un prestataire de service, d'une industrie ou d'une autre affaire (cf. ATF 140 II 460 consid. 4.1.3).
23. La jurisprudence a retenu qu'une personne, seule et unique associée d'une société à responsabilité limitée exerce une activité lucrative indépendante (cf. arrêt du Tribunal fédéral administratif C-7286/2008 du 9 mai 2011 consid. 6.1). La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a fait sienne cette appréciation (cf. ATA/858/2016 du 11 octobre 2016 consid. 5b).
24. En l’espèce, le recourant a certes allégué qu’il comptait signer un contrat de travail avec la société qu’il projetait de créer, ce qui lui conférerait a priori le statut de salarié. Cela étant, dans la mesure où il serait l’unique actionnaire et le CEO de ladite société, qu’il exercerait son activité exclusivement dans le cadre de sa propre organisation et qu’il assumerait les risques liés à son entreprise, il y a lieu de retenir, au vu de la jurisprudence précitée, qu’il exercerait en réalité une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 19 LEI, tel que l’a retenu à juste titre l’OCIRT.
25. Le tribunal examinera donc plus loin si les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante sont réalisées. Cela étant, dans la mesure où le recourant prétend que sa requête concernait une activité lucrative salariée au sein de sa propre société, le tribunal constate qu'en tout état, les conditions légales d'une telle activité ne seraient pas non plus réunies. En effet, il n’a été ni démontré ni même allégué que la moindre démarche aurait été entreprise afin de trouver un travailleur suisse ou ressortissant des pays de l’UE/AELE afin de pourvoir le poste en question. Bien au contraire, le recourant a clairement indiqué dans sa réplique du 10 juin 2024 que ses partenaires commerciaux n’accepteraient de travailler avec la future société qu’à la condition qu’il en soit le directeur.
Le recourant semble contester que l'on puisse lui opposer l'exigence de l'ordre de priorité, arguant que sa société n'est pas encore créée et que son propre engagement serait la condition sine qua non et préalable à cette création. Cependant, le recourant ne saurait à la fois contester sa qualité d'indépendant et échapper à la règle de l'ordre de priorité valable pour les personnes salariées, jouant ainsi sur deux tableaux et faisant en sorte de s'affranchir des conditions légales de la LEI.
Le respect de l’ordre de priorité (art. 21 al. 1 LEI) n’étant ainsi pas démontré et l'une des conditions légales cumulatives applicables n'étant par conséquent pas respectée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions de l'art. 18 LEI sont réalisées.
C’est ainsi à bon droit que l’OCIRT, qui, pour les motifs déjà exposés, a examiné cette question par économie de procédure dans le cadre de ses observations, a considéré que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée au sens de l’art. 18 LEI n’étaient pas réalisées.
26. Reste encore à examiner le bienfondé de la décision litigieuse sous l'angle de l'exercice d'une activité lucrative indépendante. À cet égard, l’art. 19 LEI stipule qu’un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative indépendante aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise sont remplies (let. b) ; il dispose d'une source de revenus suffisante et autonome (let. c) ; les conditions fixées aux art. 20 et 23 à 25 LEI sont remplies (let. d).
Ces conditions sont cumulatives (cf. notamment arrêt du TAF F-4755/2018 du 27 janvier 2021 consid. 4.3 in fine).
27. En raison de sa formulation potestative, cette disposition ne confère aucun droit à la délivrance d'une telle autorisation de séjour (arrêts du Tribunal fédéral 2C_56/2016 du 20 janvier 2016 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; 2C_541/2012 du 11 juin 2012 consid. 4.2) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2 ; ATA/1660/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4b).
28. L'octroi d'une autorisation de travail en vue de l'exercice d'une activité lucrative indépendante ne peut être admis que s'il est prouvé qu'il en résultera des retombées durables positives pour le marché suisse du travail (intérêts économiques du pays). On considère notamment que le marché suisse du travail tire durablement profit de l'implantation d'une entreprise, lorsque celle-ci contribue à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtient ou crée des places de travail pour la main d'œuvre locale, procède à des investissements substantiels et génère de nouveaux mandats pour l'économie suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-968/2019 du 16 août 2021 consid. 5.3.1). Dans une première phase (création et édification de l'entreprise), les autorisations idoines sont délivrées pour deux ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4160/2013 du 29 septembre 2014 ; Minh Son NGUYEN/ Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, Berne, 2017, p. 146 et les références citées ; SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, Séjour avec activité lucrative [Chapitre 4], 2013, état au 1er juin 2024 [ci-après : directives du SEM], ch. 4.3.1, 4.7.2.1 et 4.7.2.2).
29. Dans un arrêt du 22 février 2022, la chambre administrative a retenu que les prévisions d’emploi de six personnes à l’horizon 2023 ne pouvaient être considérées comme remplissant la condition de création de places pour la main-d'œuvre locale (ATA/184/2022, consid. 8.g).
30. La notion d'« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 ; et les références citées ; ATA/1363/2020 du 22 décembre 2020 consid. 8e ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5d). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/184/2022 du 22 février 2022 consid. 8e et les références citées ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).
31. Selon les directives établies par le SEM, qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré pour autant qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-968/2019 du 16 août 2021 consid. 5.4.2 ; ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 7b), lors de l’appréciation du cas, il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l’évolution économique durable et de la capacité de l’étranger concerné à s’intégrer. Il ne s’agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (directives du SEM, ch. 4.3.1; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4226/ 2017 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 7b).
32. Afin de permettre à l'autorité d'examiner les conditions financières et les exigences liées à l'exploitation de l'entreprise, les demandes doivent être motivées et accompagnées des documents conformément à la liste de vérification des annexes à fournir (cf. directives du SEM, ch. 4.8.11) et d’un plan d’exploitation. Celui-ci devra notamment fournir des indications sur les activités prévues, l'analyse de marché (business plan), le développement de l’effectif du personnel (plans quantitatif et qualitatif) et les possibilités de recrutement, ainsi que les investissements prévus, le chiffre d’affaires et le bénéfice escomptés. Les liens organisationnels avec d’autres entreprises sont également à indiquer. L’acte constitutif de l’entreprise et/ou extrait du registre du commerce sont à joindre (directives du SEM, ch. 4.7.2.3). L’autorisation doit également s’inscrire dans les limites du contingent fixé par le Conseil fédéral (art. 20 LEI), selon un nombre maximum fixé dans l’annexe 2 OASA, à savoir 92 permis B pour 2023 et 91 permis B pour 2024.
33. En l’espèce, l'analyse à laquelle a procédé l'OCIRT, qui dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, n'apparaît pas fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat.
34. En particulier, sous l'angle de l'art 19 LEI, l'autorité intimée a retenu à juste titre que les arguments développés par le recourant étaient insuffisants pour permettre de considérer que l’admission de sa demande servirait les intérêts économiques helvétiques au sens de la loi et de la jurisprudence.
Le recourant souhaite créer une société afin de commercialiser des ascenseurs, des escalators et des « garages-ascenseurs (produits finis), ainsi que leurs pièces détachées, de même que des matériaux de construction et de mobilier. Or, sous l’angle de la diversification du tissu économique régional et de ses activités, il résulte des recherches menées par l’autorité intimée avec le terme « ascenseur », dans le moteur de recherche du site Internet du registre du commerce genevois, que 33 entreprises sont actives dans ce domaine à Genève, et qu’avec les termes « matériel de construction », ce nombre atteint 136. Il en ressort que l’activité envisagée ne revêtirait pas une quelconque originalité dans le paysage économique genevois, ni qu’elle contribuerait à sa diversification dans un secteur qui serait sous représenté. Le recourant n’a pas non plus établi qu’il existerait, dans les domaines concernés, une demande non négligeable et durable à laquelle il serait susceptible de répondre sur le long terme et qui ne serait pas déjà fournie en abondance.
Les critères en lien avec la création de places de travail ne sont pas non plus remplis. En effet, le recourant occuperait le poste de CEO de la société qui compterait, au total, trois collaborateurs en 2024, cinq en 2025 et six en 2026, soit deux responsables du département des ventes, un Chief Financial Officer et deux assistants, pour une masse salariale durant ces différentes années équivalant respectivement à CHF 300'500.-, CHF 430'000.- et CHF 510'000.-. Or, compte tenu de la jurisprudence susmentionnée, de telles prévisions sont modestes et ne justifient pas l’octroi d’une autorisation avec activité lucrative indépendante, notamment en raison de l'exiguïté du contingent dans le canton de Genève (art. 20 LEI). Dans ces circonstances, on ne saurait retenir que l’implantation de la société permettrait la création d'un nombre d'emplois significatif pour la main-d’œuvre locale qui aurait des retombées positives et durables sur le marché suisse du travail.
Sous l’angle des investissements, il n’a pas démontré à satisfaction de droit l’existence d’investissements substantiels. Outre que l’engagement écrit du père du recourant de lui faire don de CHF 1'000'000.- n’apparaît pas contraignant, ce montant permettrait de couvrir les coûts de fonctionnement de la société pendant environ deux ans, sans pour autant représenter, à lui seul, un intérêt économique suffisant pour la Suisse. En tout état, d’éventuels investissements du recourant dans sa société ne lui confèrent aucun droit à obtenir une autorisation de séjour avec activité lucrative en Suisse (art. 6 al. 2 OASA) et ce, quel que soit le montant de l’investissement prévu et/ou effectué.
Enfin, et en relation avec ce qui vient d'être dit sur le soutien que le père du recourant pourrait lui apporter, ce dernier n’a pas démontré que les activités de la future société permettraient de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse. Il ressort au contraire du dossier que l’assemblage des produits se ferait en Turquie dans l’entreprise de son père qui les vendrait ensuite à ses clients et que les marchés visés par la future société et sur lesquels elle compte être compétitive sont notamment les marchés azéri, kazakh, ouzbek, kirghize, turc, voire émirati. Dans ces circonstances, force est d’admettre que la société ne contribuerait que dans une moindre mesure à l’économie locale, étant précisé que les mandats dont il est question ici sont en lien avec le volume d’affaires et les clients de la société. Le recours à des établissements bancaires ou à des services juridiques, d’audit et de conseil fiscal, notamment dans le cadre de la création et de la bonne marche de la société, ne rentrent pas dans la catégorie de mandats visés.
35. Dans ces circonstances, il n'a pas été démontré à satisfaction de droit que l'exploitation de la société représenterait un intérêt économique suffisant pour le canton de Genève, que ce soit sous l’angle de la création de places de travail, du montant des investissements ou de la diversification de l'économie genevoise, étant rappelé que l’intérêt économique de la Suisse ne doit pas être confondu avec l’intérêt économique du recourant.
36. Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a ni violé le droit, ni excédé son pouvoir d’appréciation en considérant que la condition de l’intérêt économique du pays n’était pas réalisée.
La première condition cumulative de l’art. 19 let. a LEI n’étant pas réalisée, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conditions prévues par cette disposition.
38. Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.
37. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
38. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 26 février 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 17 janvier 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 500.- ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |