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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4466/2018

ATA/1363/2020 du 22.12.2020 sur JTAPI/650/2019 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;AUTORISATION DE TRAVAIL;ACTIVITÉ LUCRATIVE;SUSPENSION DE LA PROCÉDURE;INTÉRÊT ÉCONOMIQUE
Normes : LPA.78.leta; LPA.14.al1; LPA.61; LEI.126.al1; LEI.1; LEI.2; LEI.11.al1; LEI.18.leta; LEI.19.leta; LEI.3.al1; LEI.62.al1.letd; LEI.96
Résumé : Confirmation du refus du renouvellement de l'autorisation de séjour avec activité lucrative sous l'angle des art. 18 ou 19 LEI. Les éléments avancés par les recourantes sont insuffisants pour permettre de considérer que le renouvellement de l'autorisation de séjour avec activité lucrative servirait les intérêts économiques du pays au sens de la loi et de la jurisprudence et que les conditions financières et les exigences relatives à l’exploitation de la société seraient garanties. La société n'a pas réalisé les objectifs annoncés lors de chaque demande de renouvellement. Elle a essuyé des pertes chaque année depuis le début de son activité. Ses employés ont souffert de retards dans le versement des salaires et la société a également accusé du retard s'agissant du règlement des cotisations sociales et dans ses obligations fiscales. Enfin, elle serait en situation de liquidation après faillite. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4466/2018-PE ATA/1363/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 décembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

A______ SA, en liquidation

et

Madame B______

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juillet 2019 (JTAPI/650/2019)


EN FAIT

1) Madame B______, née le ______ 1968, est ressortissante chinoise.

2) Le 25 septembre 2014, A______ SA (ci-après : A______ ou la société) a sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance, en faveur de Mme B______, d'une autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative (en qualité de « chief executive officer »).

À l'appui de sa requête, elle a notamment produit son « business plan », prévoyant le développement d'une centrale d'achats et d'une plateforme d'exportation de produits haut de gamme vers la Chine, ainsi que la réalisation d'un chiffre d'affaires de CHF 30'000'000.- en 2015, CHF 100'000'000.- en 2016 et CHF 200'000'000.- en 2017. Le bénéfice après impôts devait s'élever à environ CHF 4'800'000.- en 2015, environ CHF 19'000'000.- en 2016 et environ CHF 42'000'000.- en 2017.

Selon le registre du commerce de Genève, A______ est une société anonyme, fondée le 29 octobre 2013, qui avait, jusqu'au 17 juin 2019, pour but de : « servir de centre européen d'approvisionnement en Suisse et devenir une plateforme d'exportation de produits et services européens de haute qualité vers la Chine ; renforcer les relations entre le marché européen et le marché chinois par le biais d'une collaboration étroite avec les fabricants et fournisseurs européens, afin de réduire le nombre d'intermédiaires pour l'entrée des produits en Chine et d'améliorer la qualité des services ».

Mme B______ en est devenue la directrice le 6 août 2014.

3) Par décision conditionnelle du 22 octobre 2014, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui cette demande avait été transmise par l'OCPM pour raison de compétence, a accepté de délivrer l'autorisation sollicitée à Mme B______.

L'autorisation était valable douze mois. Sa prolongation était subordonnée à la concrétisation des projets annoncés par A______.

L'approbation de cette décision par l'office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), demeurait réservée.

4) Le 6 novembre 2014, le SEM a approuvé la décision préalable de l'OCIRT.

En considération des motifs particuliers invoqués et compte tenu de l'intérêt économique de ce projet, la demande était approuvée. Une prolongation pourrait être accordée sur présentation d'un rapport d'activité complet indiquant notamment que les objectifs prévus (chiffre d'affaires, bénéfice, création d'emplois, etc.) avaient été atteints. Les conditions figurant dans la décision préalable cantonale faisaient partie intégrante de la décision du SEM.

5) Le 11 janvier 2015, Mme B______ s'est vu délivrer ladite autorisation de séjour avec activité lucrative.

6) Le 1er décembre 2015, A______ a demandé à l'OCPM de renouveler l'autorisation de séjour de Mme B______.

En Suisse, elle employait une seule personne, soit Mme B______. Une assistante de direction avait toutefois été engagée au 1er décembre 2015, et A______ était en contact avec l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) afin de pourvoir un poste d'assistant comptable ou comptable. La société avait en outre engagé du personnel et des consultants en Europe.

Les objectifs qu'elle avait annoncés dans sa demande initiale n'avaient pas été atteints. Même si ses projets commerciaux n'avaient pas avancé conformément à ses premières prévisions, il semblait que le « rythme » s'accélérait depuis quelques mois, Mme B______ mettant toute son énergie à l'avancée du projet. Ainsi, « l'expansion de la société se concrétiserait dans les deux ans à venir par l'engagement de collaborateurs supplémentaires tant à Genève qu'à l'étranger ».

La masse salariale s'élèverait à CHF 700'000.- pour l'exercice 2016, puis CHF 1'400'000.- pour 2017 et CHF 2'100'000.- pour 2018, pour les employés en Suisse et ailleurs en Europe.

À teneur de ses comptes, au cours de la période du 1er janvier au 30 juin 2015, elle avait réalisé un chiffre d'affaires de CHF 129'369.12 et subi une perte de CHF 175'911.28. Elle prévoyait toutefois un chiffre d'affaires de « CHF 30'000'000.- d'ici la fin de l'année 2016 ».

7) Par décision du 16 décembre 2015, l'OCIRT a prolongé la validité de l'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______ de douze mois, toujours à titre conditionnel.

8) Le 5 janvier 2017, A______ a requis le renouvellement de cette autorisation.

À teneur de ses comptes commerciaux, au terme de son exercice 2015, elle avait réalisé un chiffre d'affaires de CHF 108'668.17 et subi une perte de CHF 629'493.37. Lors de l'exercice 2016, elle avait réalisé un chiffre d'affaires de CHF 828.64 et subi une perte de CHF 664'118.75.

9) Au cours de l'instruction de cette demande, sont parvenus à l'OCIRT des dénonciations d'employés d'A______ l'informant du fait que celle-ci ne leur avait pas versé leurs salaires et ne s'était pas acquittée des impôts dus à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) pour l'année 2015, ni des impôts à la source dus pour ses employés pour l'année 2016 (CHF 58'266.30).

10) Le 20 février 2017, le conseil d'A______ a indiqué à l'OCIRT que le projet de Mme B______ traversait « une phase de lancement mouvementée et accus[ait] un retard considérable par rapport au calendrier initial ». Elle avait dépensé beaucoup d'énergie et des sommes considérables pour développer son site web. En outre, elle connaissait des problèmes de liquidités sévères, ayant donné lieu « à un certain nombre de litiges et de poursuites », mais la venue attendue d'un investisseur stratégique lui permettrait néanmoins de « garder le cap ».

11) Le 27 février 2017, l'OCIRT a informé A______ qu'il estimait que les conditions de renouvellement de l'autorisation de séjour de Mme B______ n'étaient pas remplies. Le bénéfice escompté pour l'année 2015 (CHF 4'800'000.-) et pour 2016 (CHF 19'000'000.-) n'avait pas été atteint. Bien au contraire, la société subissait des pertes répétées. De plus, de nombreuses plaintes avaient été déposées par ses employés en raison du non-paiement de leurs salaires. Enfin, la société n'était en règle ni avec l'AFC-GE ni avec la caisse de compensation AVS.

Un délai de 30 jours lui était imparti pour exercer son droit d'être entendue et fournir notamment des attestations des caisses AVS et LPP confirmant qu'elle avait rempli ses obligations envers celles-ci, ainsi qu'un extrait du registre des poursuites la concernant.

12) Selon un extrait du registre des poursuites daté du 10 avril 2017, A______ faisait l'objet de poursuites s'élevant à CHF 760'064.17, notamment relatives à des prestations sociales obligatoires dues (AVS/LPP), aux impôts dus à l'AFC-GE et aux salaires de ses employés.

13) Le 28 avril 2017, A______ a notamment exposé à l'OCIRT qu'elle avait entrepris des démarches pour régler ses dettes et se conformer à l'ordre juridique suisse. Des accords avaient notamment été trouvés avec certains anciens employés et partenaires commerciaux. Un nouvel extrait des poursuites, daté du 28 avril 2017, démontrait que celles-ci ne s'élevaient plus qu'à environ CHF 340'000.-. Dès le 1er mai 2017, elle louerait de nouveaux locaux et allait travailler avec de nouveaux partenaires commerciaux, qui lui promettaient d'augmenter son chiffre d'affaires à plus de CHF 10'000'000.- en 2017. Elle produisait un nouveau « business plan 2017 » prévoyant un chiffre d'affaires de CHF 11'000'000.- et un bénéfice, après impôts, de CHF 773'524.-.

14) Le 16 juin 2017, A______ a notamment détaillé l'effectif actuel de la société, lequel se composait de Mme B______ et de trois autres collaborateurs.

L'extrait des poursuites du 16 juin 2017 produit faisait état de douze poursuites pour un montant total de CHF 555'745.33.

15) Par décision du 27 juillet 2017 et à la suite d'échanges de correspondance et remises de pièces, l'OCIRT a prolongé la validité de l'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______ jusqu'au 31 juillet 2018, toujours à titre conditionnel.

L'OCIRT attendait qu'au 31 juillet 2018, la situation de la société soit entièrement assainie et que les objectifs du business plan 2017-2019 soient atteints. Si tel ne devait pas être le cas, l'autorisation de Madame B______ ne pourrait pas être prolongée en 2018.

16) En juillet 2018, A______ a sollicité le renouvellement de l'autorisation de séjour de Mme B______.

17) Le 28 septembre 2018, répondant à une demande de renseignements de l'OCIRT du 13 août précédent, A______ a notamment exposé qu'elle employait alors huit salariés, dont cinq n'avaient pas reçu l'intégralité de leurs salaires, ce qui serait toujours le cas en octobre. S'agissant de ses ventes, elles avaient été quasi-inexistantes en 2018, en raison de son impossibilité de percer sur le marché en l'absence d'un site web opérationnel. Toutefois, après avoir reçu des conseils avisés de l'université de Fribourg et de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, elle espérait que son site pourrait être opérationnel à fin 2018 ou début 2019.

Dans le cadre d'un litige qui l'opposait à un partenaire, à savoir C______ SA (ci-après : C______), la chambre civile de la Cour de justice (ci-après : la chambre civile) avait rejeté la demande de cette dernière de déclarer la faillite d'A______ sans poursuite préalable.

À teneur de ses comptes commerciaux joints à ce courrier, A______ avait réalisé un chiffre d'affaires de CHF 67'521.23 en 2017 (CHF 268'158.62 en 2016) et subi une perte de CHF 667'665.91 (CHF 1'449'935.15 en 2016). Selon son nouveau « business plan 2019-2021 », elle projetait de réaliser des chiffres d'affaires de CHF 30'000'000.- en 2019, CHF 95'000'000.- en 2020 et CHF 190'000'000.- en 2021 et des bénéfices de, respectivement, CHF 226'395.-, CHF 5'023'458.- et CHF 17'517'060.-.

Quant à Mme B______, elle avait établi pour la société « un projet ambitieux et visionnaire » et était « résolue à [y] injecter les fonds nécessaires pour [la] maintenir à flot afin de réaliser les objectifs fixés ». Elle souhaitait poursuivre sa vie à Genève en compagnie de sa famille et que son fils puisse y continuer ses études.

18) Le 11 octobre 2018, l'OCIRT a informé A______ de son intention de ne pas renouveler l'autorisation de séjour de Mme B______. Ni les objectifs annoncés dans la demande initiale ni ceux revus à la baisse en 2017 n'avaient été atteints, puisqu'elle continuait à subir des pertes, de sorte que même Mme B______ n'avait pas pu recevoir le salaire annoncé (CHF 180'000.-).

Un délai au 31 octobre 2018 lui était imparti pour lui communiquer ses observations et fournir, notamment, un extrait du registre des poursuites.

19) Le 29 octobre 2018, Mme B______ a adressé à l'OCIRT un courrier.

A______ n'avait pas atteint ses objectifs en raison du « mauvais choix d'un partenaire », lequel non seulement n'avait pas effectué le « travail requis », mais avait également recouru à « la tromperie » pour « augmenter les charges ». Elle avait investi CHF 5'000'000.- dans la société. Celle-ci était « en bonne voie » et devait connaître le succès dans un avenir proche, si l'OCIRT lui accordait du temps pour « résoudre les différents précédents ».

La société avait employé vingt-neuf collaborateurs depuis sa création. L'effectif était de huit employés, mais des postes en informatique et marketing étaient en phase de recrutement.

Son fils étudiait à D______. Il travaillait durement, s'était bien intégré dans cette ville et obtiendrait son diplôme en 2020. Le système scolaire étant très différent en Chine, un départ immédiat dans ce pays « serait un grand échec pour l'avenir de [son] fils ».

20) Le 30 octobre 2018, A______ a notamment remis à l'OCIRT un extrait du registre des poursuites daté du 19 octobre 2018, faisant état de sept poursuites pour un montant total de CHF 379'277.26.

Quant à Mme B______, elle faisait l'objet de quatre poursuites pour un montant total de CHF 740'760.09.

21) Par décision du 15 novembre 2018, l'OCIRT a refusé de prolonger l'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______ et a retourné son dossier à l'OCPM.

Les objectifs annoncés dans le business plan fourni à l'appui de la demande initiale de septembre 2014 n'avaient pas été atteints. De plus, les conditions posées dans la décision du 27 juillet 2017 n'avaient pas été respectées. L'autorisation de séjour de Mme B______ avait été octroyée sur la base d'un plan d'affaires prévoyant le développement d'une plateforme d'exportation de produits et services vers la Chine. Or, les objectifs chiffrés (chiffre d'affaires, bénéfices, masse salariale) n'avaient pas été atteints. Au vu de la situation financière de la société, dont notamment ses dettes, les conditions de travail et les salaires des employés n'étaient plus garantis. L'OCIRT relevait que les salaires n'avaient pas été versés dans les délais légaux, et ce de manière répétée.

22) Par acte du 17 décembre 2018, A______ et Mme B______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision concluant à son annulation et au renouvellement de l'autorisation de séjour de cette dernière, avec suite de dépens.

Après sa création, A______ avait eu à affronter d'importantes difficultés quant au développement de ses activités, en particulier à l'établissement et la mise en service de son site internet. L'élément déterminant à l'origine de ces difficultés avait été la conclusion d'un contrat, le 25 février 2016, avec C______, qui avait pour mission de concevoir ledit site. Il s'agissait de l'élément phare de l'activité de la société. Or, sa partenaire n'avait pas procédé à la livraison du site dans le délai convenu, soit le 18 avril 2016 ; seul un site temporaire et incomplet, présentant de nombreux problèmes de fonctionnement, avait ainsi été mis en ligne. Pour cette raison, A______ n'avait pu mettre en oeuvre son activité commerciale dans les délais initialement fixés et avait commencé à accuser des pertes financières.

De plus, C______ était parvenue, de façon contestable, à faire signer à A______ et à Mme B______, conjointement et solidairement, des reconnaissances de dettes, alors que cette dernière ne maîtrisait pas la langue française. Des poursuites avaient par la suite été initiées par cette société à l'encontre d'A______ et de Mme B______. A______ avait ainsi eu à affronter de grandes difficultés financières, accumulant par ailleurs d'autres poursuites. Pour cette raison, elle avait tardé à verser les salaires à ses employés.

Mme B______ avait déployé des efforts considérables afin d'éponger ses dettes, ainsi que celles d'A______, et de régler les salaires dus aux employés de cette dernière. Ainsi, entre 2017 et 2018, Mme B______ avait investi près de CHF 4'000'000.- dans son entreprise. Pour ce faire, elle avait vendu tous ses biens personnels à Shanghai. En août 2018, elle avait dépensé plus de CHF 600'000.- pour régler les passifs transitoires d'A______, les salaires et charges sociales pour 2017 et 2018 et le loyer commercial pour 2018.

En vue de satisfaire ses obligations financières dans les meilleures conditions et termes possibles, A______ avait conclu en 2017 plusieurs accords de paiement avec ses créanciers. Elle avait réglé la totalité des salaires dus à ses employés actuels et précédents. Elle comptait désormais huit employés, soit cinq à temps complet, y compris Mme B______, et trois à temps partiel. La masse salariale mensuelle représentait environ CHF 35'000.- et était vouée à croître.

Ayant assaini sa situation financière, A______ entendait reprendre le développement de son activité. Elle projetait, pour 2019, une marge brute de CHF 8'800'000.- et un bénéfice net de CHF 226'395.- et, pour 2021, un bénéfice net de CHF 17'517'060.-. Elle prévoyait également une trésorerie croissante entre 2019 et 2021, qui devrait atteindre plus de CHF 20'000'000.- en fin d'année 2021. Dans ce contexte, elle menait à terme des négociations avec des sociétés chinoises de grande envergure en vue d'offrir à ses clients des services de qualité, dispensés par des acteurs commerciaux reconnus. Elle avait mis en ligne son application mobile permettant un accès facile à ses produits et services. Elle avait procédé à l'inscription de sa marque dans quatre États et, via l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, au niveau international. Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2019, elle quitterait les locaux commerciaux qu'elle occupait (d'une surface d'environ 50 m2) pour de nouveaux locaux (d'une surface d'environ 121 m2), ce qui impliquerait l'engagement de deux employés supplémentaires en janvier 2019.

Il n'était pas contesté que les objectifs initialement annoncés dans le cadre du business plan établi en 2014 et de ses projections financières 2017-2019 n'avaient pas été atteints. A______ avait en effet clôturé son exercice 2017 avec un passif de CHF 690'050.-. Cette circonstance s'expliquait néanmoins par le fait que son partenaire commercial, C______, n'avait pas respecté ses obligations contractuelles. Force était ainsi de constater que les importantes pertes subies par A______ avaient découlé de circonstances extérieures et indépendantes de sa volonté. En outre, les efforts considérables consentis par Mme B______ en vue de redresser pour l'avenir la situation financière de son entreprise et d'acquitter l'ensemble de ses dettes et celles d'A______ devaient également être pris en compte. Dans ces conditions, il devait être permis à Mme B______ de poursuivre ses efforts en sa qualité de « chief executive officer » de la société.

Il était regrettable que l'OCIRT eût conditionné, en 2017, toute future prolongation de l'autorisation séjour de Mme B______ à la réalisation du nouveau business plan 2017 d'A______. L'activité de cette dernière servait les intérêts économiques de la Suisse, dès lors qu'elle impliquait des transactions commerciales entre la Suisse et l'Europe, d'une part, et la Chine, d'autre part, de produits et services haut de gamme à travers un système transactionnel novateur et simple d'accès. Par ailleurs, l'ensemble des arriérés des salaires dus aux employés avait été réglé, et ceux-ci percevaient à ce jour leur rémunération chaque mois.

S'agissant des poursuites demeurant inscrites au registre à l'encontre d'A______ et de Mme B______, elles concernaient presque exclusivement C______, avec laquelle celle-là était en litige, une procédure y relative étant pendante.

Dès lors, au regard de la situation financière rétablie d'A______, qui garantissait à ses employés le respect de leurs conditions de travail et de rémunération, des perspectives d'évolution prometteuses de l'entreprise, tant en termes d'activité que de création d'emplois, et afin de permettre à Mme B______ de récolter, enfin, les fruits de ses efforts, il convenait de prolonger l'autorisation de séjour de cette dernière. Enfin, dans le cas où il subsisterait un « doute quelconque », il serait loisible, dans le respect des principes de la proportionnalité et de subsidiarité, de reconduire ladite autorisation pour une année encore et sous condition.

23) Le 18 février 2019, l'OCIRT a conclu au rejet du recours.

24) Le 16 janvier 2019, A______ et Mme B______ ont transmis de nouvelles pièces au TAPI

25) Le 13 mars 2019, A______ et Mme B______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

L'allégation de l'OCIRT selon laquelle elles n'avaient pas réalisé les deux conditions posées dans la décision du 27 juillet 2017 n'était pas exacte. En effet, si certains salaires des employés d'A______ avaient été versés après l'échéance de la dernière autorisation de séjour de Mme B______, une grande partie des salaires l'avait été avant cette échéance. Les salaires réglés à fin 2018 étaient ceux dus pour la période d'août à novembre 2018. Désormais, A______ était à jour quant au paiement de l'ensemble des salaires, charges sociales et impôts dus. En outre, afin d'assainir totalement son passif, elle entreprenait des démarches afin d'entrer en discussion avec C______ en vue d'un accord amiable concernant leur litige. Ainsi, la condition relative à l'assainissement de la société était réalisée.

Les objectifs annoncés dans le business plan 2017-2019 n'étaient effectivement pas encore atteints. Toutefois, si elle n'avait pas encore réalisé de bénéfices au mois de mars 2019, A______ « entend[ait] être en mesure d'attester » de ses bénéfices en fin d'exercice 2019. Elle avait par ailleurs bien assumé des charges salariales importantes, malgré de grandes pertes initiales. Ainsi, nonobstant la non-réalisation, à ce stade, des objectifs annoncés, les remarquables efforts concrétisés afin de parer aux importantes difficultés financières survenues devaient être mis à son crédit. Enfin, elle projetait d'augmenter, en avril 2019, son capital-actions à hauteur de CHF 3'000'000.-.

En annexe à leur réplique, elles ont produit des lettres de soutien de six des sept employés d'A______.

26) Le 22 mars 2019, A______ et Mme B______ ont remis les attestations des caisses AVS/LPP et de l'AFC-GE indiquant que la société avait réglé toutes ses obligations.

27) Le 5 avril 2019, l'OCIRT a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

28) Le 17 avril 2019, A______ et Mme B______ ont notamment exposé que C______ avait renoncé à ses prétentions envers elles. L'OCIRT ne tenait pas suffisamment compte de l'impact néfaste que le non-respect par cette société de ses obligations contractuelles avait eu sur la réalisation des objectifs d'A______. Les employés de celle-ci n'avaient pas établi les lettres de soutien par contrainte, mais par « conviction profonde » qu'après des années d'efforts, elle prenait désormais son envol en termes d'activités et de croissance.

A______ représentait un intérêt économique important pour la Suisse, sous la forme d'un service spécifique peu proposé dans le canton de Genève et à destination d'une clientèle aisée, de l'exportation de produits et services de la Suisse vers la Chine, de neuf places de travail à ce jour, des impôts et charges sociales dûment versés aux autorités compétentes.

Depuis la création d'A______, Mme B______ y avait investi CHF 4'300'000.- et s'était acquittée de plus de CHF 2'400'000.- de salaires, charges sociales et impôts.

La société, désormais libérée des litiges qui l'opposaient à C______, avait établi de nouvelles projections pour les trois prochaines années (chiffres d'affaires de CHF 1'880'000.- pour 2019, CHF 4'210'000.- pour 2020 et CHF 10'350'000.- pour 2021 ; bénéfice après impôts de CHF 43'081.- pour 2019, CHF 120'447.- pour 2020 et CHF 3'552'660.- pour 2021).

La situation d'A______ devait être appréciée au regard des efforts considérables « préalablement menés, des succès obtenus, en termes de réhabilitation de l'entreprise et de début de croissance, des places de travail continuellement créées et désormais pérennes et des perspectives véritablement prometteuses de son activité ». Elles requéraient que leur soit « accordé un regard tourné vers l'avenir et vers les retombées économiques positives futures de leurs actions, pour le canton de Genève ».

De nouvelles pièces étaient produites.

29) Le 13 mai 2019, A______ et Mme B______ ont informé le TAPI que la société avait augmenté son capital-actions à CHF 3'000'000.- et que Mme B______ en était devenue l'« associée unique », avec signature individuelle.

30) Le 11 juin 2019 et selon le registre du commerce de Genève, A______ a modifié ses statuts et son but social (art. 3).

La société a désormais pour but de créer et gérer un site de « Luxe + Réseaux sociaux » destiné aux touristes internationaux en Suisse. Ce portail numérique est la porte d'entrée d'un style de vie de haute qualité, associant étroitement les clients aux marques et aux fournisseurs de services, et propose tous services et ventes de biens dans les domaines suivants : la mode, le maquillage, les maisons de mode, les cérémonies de mariage, la médecine internationale, la gastronomie du monde, le service de transport privé sur mesure, les collections mondiales, l'éducation d'élite, la gestion de patrimoine, les services personnalisés et autres domaines ; les produits sont principalement les marques européennes. Cette plateforme présente le style de vie européen de l'excellence et promeut toutes activités commerciales et autres susceptibles de faciliter la réalisation des objectifs de la société. La société peut en outre effectuer toutes opérations commerciales, financières et mobilières se rapportant directement ou indirectement à son but.

31) Par jugement du 16 juillet 2019, le TAPI a rejeté le recours.

Aucun élément ne permettait de retenir que l'OCIRT, ayant indubitablement jusqu'ici fait preuve de compréhension et de bienveillance à l'égard de Mme B______ et de sa société - ce qui ne saurait durer éternellement -, tout en ayant à chaque reprise attiré leur attention sur le caractère conditionnel des autorisations de séjour successivement octroyées et en posant un cadre à cet égard, défini de surcroît par la société elle-même (en substance, la réalisation des projets commerciaux, du chiffre d'affaires et des bénéfices annoncés dans les plans d'affaires), aurait méconnu la loi ou mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant une nouvelle fois de prolonger l'autorisation de séjour litigieuse.

A______, et donc Mme B______ elle-même, n'avaient pas atteint les objectifs qui avaient été présentés dans les plans d'affaires produits les 25 septembre 2014 et 28 avril 2017, notamment le chiffres d'affaires et les bénéfices escomptés. En effet, à teneur du « business plan » initial, le développement d'une centrale d'achat et d'une plateforme d'exportation de produits vers la Chine, ainsi que la réalisation d'un chiffre d'affaires de CHF 30'000'000.- en 2016 (recte : 2015), CHF 100'000'000.- en 2017 (recte : 2016) et CHF 200'000'000.- en 2018 (recte : 2017) étaient prévus. Or, au 31 décembre 2015, seul un chiffre d'affaires de CHF 108'668.17 avait été réalisé et une perte de CHF 629'493.37 avait été subie. Sa situation ne s'était manifestement pas améliorée au terme de ses exercices 2016 et 2017, puisque la société y avait réalisé un chiffre d'affaires de seulement CHF 268'158.62, respectivement CHF 67'521.23, et engendré des pertes importantes de CHF 1'449'935.15, respectivement CHF 667'665.91. S'agissant des exercices 2018 et 2019, cette dernière n'avait pas versé au dossier les comptes commerciaux y relatifs. Dans son courrier du 28 septembre 2018, elle avait toutefois précisé que ses ventes avaient été quasi-inexistantes en 2018. Dans sa duplique du 13 mars 2019, elle s'était limitée à indiquer qu'elle n'avait certes pas encore réalisé de bénéfices, mais qu'elle « entend[ait] être en mesure d'[en] attester » à fin 2019. Outre le fait que de telles annonces optimistes perduraient depuis des années sans être concrétisées, force était de constater qu'elle n'avait jamais été bénéficiaire, et rien ne permettait concrètement de retenir qu'elle le serait dans un proche avenir. Le fait que C______ n'ait pas respecté ses obligations contractuelles envers elle ne saurait, à lui seul, expliquer les pertes subies consécutivement au terme de quatre exercices, d'autant que le choix de ses partenaires commerciaux relevait précisément de la gestion de ses affaires. Au demeurant, conformément à la jurisprudence, la survenance d'une telle difficulté, inhérente à toute activité économique, n'avait aucun poids particulier dans l'examen à conduire.

Dans ces circonstances, il apparaissait très aléatoire d'accorder un crédit suffisant au nouveau « business plan 2019-2021 », selon lequel la société projetait de réaliser des chiffres d'affaires de CHF 30'000'000.- (2019), CHF 95'000'000.- (2020) et CHF 190'000'000.- (2021) et des bénéfices de, respectivement, CHF 226'395.-, CHF 5'023'458.- et CHF 17'517'060.-. Au vu de l'évolution de ses affaires au cours de ses cinq premiers exercices, ces projections paraissaient très peu réalistes, les intéressées ne fournissant aucun élément objectif permettant de retenir le contraire.

Il n'était en aucune mesure démontré que, tant actuellement qu'au moment du prononcé de la décision querellée, les exigences posées par l'OCIRT à la prolongation de l'autorisation de séjour de Mme B______, soit la concrétisation des projets annoncés dans les plans d'affaires présentés jusqu'ici, avaient été respectées.

En outre, A______ et Mme B______ avaient toutes deux fait l'objet de poursuites portant sur des montants importants, que la société n'avait pas été en mesure, à tout le moins pendant une période non négligeable, de verser régulièrement les salaires de ses employés et de s'acquitter des cotisations sociales et des impôts dus et qu'elle n'employait, à l'heure actuelle, que neuf salariés, dont trois à temps partiel, une telle contribution à la création de places de travail sur le marché de l'emploi local demeurant modeste.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, on ne pouvait pas retenir que l'activité de la société pourrait avoir des retombées durables et positives pour le marché suisse du travail.

Par ailleurs, A______ et Mme B______ n'avaient produit aucune pièce démontrant que la société allait générer de nouveaux mandats pour l'économie helvétique. La seule augmentation de son capital-actions à CHF 3'000'000.-, intervenue en juin 2019, était loin d'inspirer une pleine confiance quant à l'avenir de la société.

L'extrait du registre du commerce du 15 avril 2019 indiquait que la société comptait parmi les seules sept entreprises genevoises actives dans l'exportation de produits et services vers la Chine. Toutefois, au vu de son nouveau but social (tel qu'il était inscrit au registre du commerce le 11 juin 2019), lequel ne relevait plus d'une telle activité, puisqu'elle avait à présent pour objectif de « créer et gérer un site de "Luxe + Réseaux sociaux" destiné aux touristes internationaux en Suisse », il paraissait plus que douteux que la société contribuerait désormais à la diversification de l'économie régionale. L'adoption de ce nouveau but, très fortement éloigné de celui qui avait initialement motivé l'octroi de l'autorisation de séjour de Mme B______, serait d'ailleurs susceptible de constituer en soi un motif supplémentaire à l'appui du refus du renouvellement de cette dernière, question qu'il n'était toutefois pas indispensable d'examiner plus avant.

En conséquence, l'intérêt économique d'A______ n'était de loin pas important, compte tenu de la mauvaise marche de ses affaires depuis 2015, de même que de son faible impact sur la création des places de travail pour la main-d'oeuvre locale, de sorte qu'une exception à la révocation de l'autorisation de séjour de Mme B______ ne se justifiait manifestement pas. Le fait que cette dernière ait fourni de réels efforts, ce qui n'était pas contesté, ne modifiait pas cet état de faits et ne saurait, en tant que tel, commander le renouvellement de son autorisation de séjour, la loi exigeant non la preuve d'efforts et de bonne volonté, mais celle de résultats concrets et bénéfiques pour l'économie suisse.

Dans ces conditions, le refus de l'OCIRT, reposant sur des motifs clairement exprimés quant à ses attentes dans sa décision du 27 juillet 2017 (« Nous attendons qu'à l'échéance susmentionnée, la situation de la société soit entièrement assainie et que les objectifs du business plan 2017-2019 soient atteints. Si tel ne devait pas être le cas, [...] l'autorisation de Madame B______ ne pourra pas être prolongée en 2018 »), n'apparaissait pas critiquable. L'OCIRT ne s'était pas fondée sur des considérations dénuées de pertinence et étrangères au but visé par les dispositions légales applicables pour forger sa décision. On devait parvenir à la conclusion que son appréciation de la situation demeurait parfaitement défendable et, partant, admissible, étant souligné que lorsque le législateur avait voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrigeait l'interprétation ou l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité avait procédé, violait le principe de l'interdiction de l'arbitraire.

Dans la mesure où ces seuls éléments suffisaient à considérer que la première des conditions cumulatives prévues par la loi n'était pas réalisée, point n'était besoin d'examiner les autres conditions et les autres arguments des intéressées.

Enfin, les arguments invoqués par la société et Mme B______ concernant sa situation personnelle ne relevaient pas de la compétence de l'OCIRT, d'une part, et, d'autre part, étaient sans portée sous l'angle des conditions de l'octroi, à cette dernière, d'une autorisation de séjour avec activité lucrative.

32) Par acte du 16 septembre 2019, A______ et Mme B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant, préalablement à ce qu'il soit ordonné de produire tous les documents ou moyens de preuve propres à prouver la réalité des faits invoqués. Principalement, le jugement du TAPI devait être annulé et l'OCIRT devait être invité à approuver la prolongation de l'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______, sous réserve de l'approbation du SEM.

L'application mobile d'A______ avait été lancée et mise en ligne en août 2019 et en l'espace de quarante jours, la société avait réalisé un chiffre d'affaires excédant CHF 1'000'000.- pour une marge de près de CHF 60'000.-. Il était prévu de conclure de nouvelles commandes pour un montant estimé à CHF 10'000'000.- d'ici fin septembre 2019. Il était également attendu de conclure un accord de coopération marketing avec le plus gros fournisseur de services dans le domaine du trafic de paiements d'ici à octobre 2019. Ce fournisseur devrait rediriger ses deux cents millions d'utilisateurs vers la plateforme d'A______, ce qui permettait d'espérer quatre cent mille nouveaux clients d'A______. Les ventes en ligne devraient ainsi atteindre CHF 20'000'000.-. Le chiffre d'affaires pour 2019 atteindrait CHF 30'000'000.- pour un bénéfice attendu de CHF 230'000.-.

A______ avait réglé l'intégralité des salaires dus au 25 septembre 2019, y compris les cotisations AVS/LPP, et était en règle avec l'AFC-GE s'agissant de l'impôt à la source.

Elle employait neuf employés à temps plein, auxquels viendraient se joindre deux nouveaux collaborateurs à temps plein en octobre et novembre 2019. Depuis sa création A______ avait employé un total de quarante-trois personnes. Certes, la société n'avait pas atteint les objectifs initialement annoncés, mais elle avait investi environ CHF 4'000'000.-, dont CHF 2'800'000.- de salaires, et réglé CHF 204'078.- d'impôts.

La modification du but social n'avait pas d'impact sur le modèle commercial de la société tel que présenté au moment de sa constitution. Dans le canton de Genève, seule A______ se profilait dans le modèle « e-commerce + réseaux sociaux ». Actuellement, l'ensemble des commandes provenait directement de Chine, de sorte que ses activités constituaient un export net pour Genève. E______ cherchaient à s'associer avec la société pour convertir des réservations en ligne d'achats hors ligne via la plateforme sociale A______. La société disposait d'un entrepôt sous douane dans la zone de libre-échange de Shanghai. Cet élément démontrait que la société mettait tout en oeuvre pour réaliser les objectifs annoncés.

Ces résultats et efforts devaient être pris en compte justifiant le renouvellement de l'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______.

Le litige avec C______ avait causé un dommage direct de l'ordre de CHF 884'553.-. En outre, certains employés avaient dénoncé anonymement A______, ce qui avait conduit à l'ouverture d'une procédure pénale et à la fermeture du compte bancaire durant quatre mois (de janvier à avril 2017). Ce séquestre avait été l'une des causes des retards de paiement connus par la société. L'enquête pénale avait été ensuite classée.

Les dettes restantes seraient réglées en décembre 2019, et l'application connaîtrait une nouvelle fonctionnalité d'ici juin 2020 (la fonctionnalité sociale par streaming). Pour le développement de la version chinoise, Mme B______ jouerait un rôle irremplaçable et essentiel.

Dans la mesure où le business plan 2019-2021 fourni par A______ en 2018 était réalisable, que la situation financière était satisfaisante et que les activités déployées par la société constituaient un réel intérêt économique pour Genève, créatrices d'emplois et contribuant à la diversification de l'économie régionale suisse, il convenait de renouveler l'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______.

33) Le 22 novembre 2019, l'OCIRT a conclu au rejet du recours.

A______ et Mme B______ reconnaissaient qu'elles n'avaient pas atteint les objectifs initialement annoncés. Elles n'avaient également pas réussi à atteindre les nouveaux objectifs revus à la baisse que la société s'était elle-même fixés plus de trois ans après la première autorisation de séjour.

Aucun business plan n'avait été produit à l'appui de la modification du but social de la société. En outre, une grande partie des pièces censées démontrer l'existence d'un intérêt économique renouvelé n'étaient soit pas fournies, soit non traduites, ou alors étaient signées uniquement par Mme B______.

En outre, l'augmentation du capital de CHF 2'900'000.- ne représentait en réalité que la conversion d'une dette équivalente qu'A______ avait envers Mme B______.

A______ reconnaissait elle-même qu'elle avait encore des dettes à régler. Sa situation financière n'était donc toujours pas stable et les intéressées n'avaient pas fourni d'extrait des poursuites.

Enfin, l'AFC-GE avait émis le 19 novembre 2019 une réserve envers A______, ce qui signifiait que la société n'était toujours pas en règle en ce qui concernait l'imposition à la source.

Il n'existait dès lors aucune raison de croire qu'A______ arriverait un jour à atteindre a posteriori les objectifs qu'elle s'était fixés d'abord en 2014 puis en 2017.

34) Le 24 janvier 2020, A______ et Mme B______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

Dès juin 2020, la nouvelle fonctionnalité de l'application mobile serait disponible. Elle visait à permettre aux consommateurs de disposer de produits et services provenant de Suisse. Cela mettrait en valeur que le « Made in Switzerland » était synonyme de qualité, et aurait pour l'économie genevoise et suisse des retombées indéniables. Mme B______ était essentielle à l'activité commerciale d'A______ et connaissait le marché chinois. Exiger son départ de Suisse signifierait la fin du leadership d'A______ alors que celle-ci étaient en pleine phase ascendante.

La conversion de la dette en capital était une opération autorisée. Cet investissement de CHF 2'900'000.- avait permis de réduire considérablement le ratio d'endettement de la société. Ces fonds avaient été utilisés pour payer les salaires des employés, les cotisations AVS/LPP et d'autres frais de fonctionnement.

Fin 2019, le bilan d'A______ était équilibré. De gros contrats internationaux allaient être signés en 2020.

A______ avait conclu des arrangements de paiement avec ses créanciers.

Entre 2015 et 2018, la société avait réglé CHF 173'737.05 d'impôts à la source. Pour 2019, un acompte de CHF 6'166.15 avait déjà été payé. Le solde de CHF 42'508.25 serait réglé en février 2020.

Les projets en cours avec deux partenaires devraient générer un chiffre d'affaires de CHF 100'000'000.- et permettraient à la société de se diriger vers les objectifs commerciaux promis.

Elles ont produit de nouvelles pièces et demandé un délai pour documenter le dossier.

35) Le 4 mai 2020, A______ et Mme B______ ont déposé de nouvelles pièces dont le bilan 2019.

Durant les premiers quatre mois de l'année, la société avait réalisé CHF 843'376.64 de chiffre d'affaires.

Elles ont demandé un nouveau délai pour produire de nouvelles pièces.

36) Le 12 juin 2020, A______ et Mme B______ ont repris et développé leur précédente argumentation.

Jusqu'à la fin 2019, la société avait réglé CHF 261'700.44 d'impôts (impôt à la source, impôt cantonal et communal et droit de timbre pour l'augmentation du capital). Le bilan 2019 affichait un bénéfice de CHF 47'669.56. Les salaires et avantages sociaux s'élevaient à CHF 2'949'688.42 (CHF 2'462'106.25 de salaires, CHF 96'699.97 de cotisations LPP, CHF 360'344.45 de cotisations AVS et CHF 24'537.75 de cotisations LAA. Les frais de gestion et autres frais (avocats, audits, loyers, eau, électricité, etc.) s'élevaient à plus de CHF 1'500'000.-. Ces montants avaient été directement injectés dans l'économie genevoise.

Au 30 avril 2020, A______ avait réalisé CHF 843'376.64 de chiffre d'affaires et des clients avaient passé des commandes pour un montant de CHF 286'232.91.

En mai 2020, la société avait conclu un contrat de collaboration avec des outlets en Chine pour des produits de beauté et cosmétique et le chiffre d'affaires annuel prévu pour 2020 était de plus de CHF 6'000'000.- avec CHF 400'000.- de marges.

A______ avait obtenu l'autorisation d'un partenaire de vendre un produit (kit de détection du SARS-CoV-2) sur sa plateforme vers le marché américain. Le chiffre d'affaires envisagé de mai à juillet 2020 était de CHF 6'000'000.- avec CHF 200'000.- de marges. La société était devenue partenaire d'une société pour la vente d'un autre kit de détection. A______ prendrait une commission de 10 % sur les ventes, soit USD 494'000.-. Le chiffre d'affaires pour le 3ème et 4ème trimestre avec les ventes en streaming sur TikTok devrait s'élever à plus de CHF 4'000'000.- avec des marges de CHF 400'000.-.

Les dettes d'A______ s'élevaient à ce jour à un total de CHF 800'872.99. Sans Mme B______, la réussite des projets à venir serait compromise et tous les créanciers subiraient des pertes économiques.

En 2020, Mme B______ prévoyait de libérer à nouveau CHF 1'500'000.- de dette, de régler les dettes, de créer un environnement d'exploitation durable favorable pour la société et enfin d'atteindre les objectifs prévisionnels du projet.

A______ et Mme B______ demandaient enfin à ce que la chambre administrative ne statue pas avant la fin de l'année.

37) Le 24 juin 2020, l'OCIRT a relevé que les derniers éléments mis en avant par A______ et Mme B______ n'étaient pas de nature à modifier sa position.

A______ n'avait pas atteint les objectifs initialement annoncés en 2016, ni ceux revus à la baisse.

La société prévoyait désormais de nouveaux objectifs encore revus à la baisse. Elle prévoyait un chiffre d'affaires de CHF 6'000'000.- pour 2020, soit un cinquième du résultat initialement attendu en 2016.

Sa situation financière n'était toujours pas stable. Alors qu'A______ s'était engagée à régler ses dettes en décembre 2019, les dettes s'élevaient encore à CHF 800'872.99, dont CHF 582'932.85 faisaient l'objet de poursuites.

Enfin, l'AFC-GE avait émis à nouveau une réserve envers la société, ce qui signifiait qu'elle n'était toujours pas en règle.

38) Le 13 juillet 2020, A______ et Mme B______ ont relevé que l'OCIRT ignorait leur contribution à l'économie genevoise, ainsi que l'impact de la pandémie de Covid-19 sur l'économie mondiale, ce qui avait causé l'arrêt de développement de la société pendant six mois.

La coopération avec ses nouveaux partenaires permettrait « l'exposition et la navigation » de onze millions de personnes, dont cent mille effectueraient des achats. Du 15 juillet au 31 août 2020, les ventes devraient atteindre CHF 3'000'000.- à CHF 5'000'000.-, ce qui permettrait de réduire de 50 % les dettes totales.

A______ avait réglé une partie de ses dettes, ce qui les avait réduites de 10 %.

En 2021, A______ atteindrait l'objectif promis lors de la première demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______.

39) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a, 63 al. 1 let. b et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La qualité pour recourir de Mme B______ contre une décision de l'OCIRT adressée à A______ souffrira de rester indécise (arrêt du Tribunal fédéral 2D_16/2018 du 10 août 2018 consid. 5.2 ; ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 1 et les arrêts cités), dans la mesure où la société a également fait recours.

3) Les recourantes semblent demander que la cause soit suspendue jusqu'à la fin de l'année 2020.

a. L'art. 78 let. a LPA précise notamment que l'instruction du recours est suspendue par la requête simultanée de toutes les parties. Par ailleurs, aux termes de l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions.

b. En l'occurrence, outre le fait que l'intimé n'a pas acquiescé à cette demande, il ne ressort pas du dossier que le sort de la présente procédure dépendrait de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante.

Les conditions des art. 14 et 78 LPA n'étant ainsi pas remplies, la demande de suspension de la procédure doit être rejetée.

4) L'objet du litige porte sur le refus de l'OCIRT de délivrer à A______ une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme B______.

5) La chambre administrative ne peut pas revoir l'opportunité de la décision attaquée. En revanche, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 et 2 LPA).

6) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

En l'espèce, dès lors que la demande de renouvellement de l'autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme B______ a été déposée en juillet 2018, soit avant le 1er janvier 2019, le litige est soumis aux dispositions de la LEI et de l'OASA dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, étant précisé que la plupart des dispositions de celle-ci sont demeurées identiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1).

7) La LEI et ses ordonnances, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de la République populaire de Chine (ATA/467/2017 du 25 avril 2017 consid. 5).

8) a. Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé.

b. L'art. 18 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b et les arrêts cités).

Quant à l'art. 19 LEI, celui-ci précise qu'un étranger peut être admis en vue d'exercer une activité lucrative indépendante aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise sont remplies (let. b) ; il dispose d'une source de revenus suffisante et autonome (let. c) ; les conditions fixées aux art. 20 et 23 à 25 LEI sont remplies (let. d).

Que l'on examine la situation de Mme B______ à l'aune de l'art. 18 ou de l'art. 19 LEI, son admission en vue d'exercer une activité lucrative en Suisse doit, dans tous les cas, servir les intérêts économiques du pays (ATA/795/2020 du 25 août 2020 consid. 7b).

c. Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (ATA/795/2020 du 25 août 2020 consid. 7c ; ATA/1660/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4b). En raison de sa formulation potestative, les art. 18 et 19 LEI ne confèrent aucun droit à l'autorisation sollicitée (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b ; ATA/1660/2019 précité consid. 4b et l'arrêt cité confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.1). De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

d. Selon le ch. 4.3.1 des Directives du SEM, domaine des étrangers, 2013, état au 1er juin 2019 (ci-après : Directives du SEM) - qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré et pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/1660/2019 précité consid. 4c) -, l'autorité doit apprécier le cas en tenant compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné de s'intégrer.

S'agissant de l'implantation d'une entreprise, il est admis que le marché suisse du travail tire durablement profit de l'implantation lorsque la nouvelle entreprise contribue à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtient ou crée des places de travail pour la main-d'oeuvre locale, procède à des investissements substantiels et génère de nouveaux mandats pour l'économie helvétique (Directives du SEM ch. 4.7.2.1).

Dans la phase de création de l'entreprise, les autorisations seront délivrées, en règle générale, pour deux ans. La prolongation des autorisations dépendra de la concrétisation, dans les termes prévus, de l'effet durable positif escompté de l'implantation de l'entreprise. Les autorisations ne doivent être prolongées que lorsque les conditions qui lui sont assorties sont remplies (art. 62 al. 1 let. d LEI ; Directives du SEM ch. 4.7.2.2).

e. La notion d'« intérêts économiques du pays » est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit, d'une part, des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. D'autre part, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d'oeuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5.1 ; ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 7c ; ATA/1018/2017 du 27 juin 2017 consid. 4c ; Marc SPESCHA/Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2ème éd., 2015, p. 173 et ss ; art. 23 al. 3 LEtr). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, Berne, 2017, p. 145 et les références citées). L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 146 et les références citées).

f. De plus, l'étranger doit fournir la preuve ou au moins rendre vraisemblable que les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise au sens de l'art. 19 let. b LEtr sont remplies. Au titre des conditions financières, la loi exige que l'activité prévue génère un revenu suffisant pour couvrir les coûts de l'activité ainsi que les frais d'entretien de l'étranger (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 146 et les références citées).

g. L'autorité compétente peut révoquer - et a fortiori refuser de renouveler - une autorisation, à l'exception de l'autorisation d'établissement, ou une autre décision fondée sur la LEI, si l'étranger ne respecte pas les conditions dont la décision est assortie (art. 62 al. 1 let. d LEI).

À teneur de l'art. 96 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (al. 1). Lorsqu'une mesure serait justifiée, mais qu'elle n'est pas adéquate, l'autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire (al. 2).

9) En l'espèce, l'activité d'A______ consiste, depuis l'adoption de ses nouveaux statuts en juin 2019, à créer et gérer un site internet visant les interactions sociales numériques destiné aux touristes internationaux en Suisse. Le projet vise plus particulièrement à permettre aux consommateurs de commander des produits de grandes marques européennes.

Si l'on peut admettre que le nouveau but social d'A______ s'inscrit dans la même optique que le but social qu'elle avait à sa création, force est toutefois de constater que la concrétisation des projets annoncés et des objectifs prévus, notamment en matière de chiffre d'affaires et de bénéfice, n'ont pas été atteints.

Initialement et selon le premier business plan et budget prévisionnel présenté le 25 septembre 2014, un bénéfice après impôts de CHF 4'800'000.- en 2015, environ CHF 19'000'000.- en 2016 et environ CHF 42'000'000.- en 2017 était annoncé. Or, ces objectifs n'ont, loin s'en faut, jamais été réalisés.

Alors que les recourantes ont vu l'autorisation de séjour conditionnelle prolongée par deux fois et que les projections ont été à chaque demande de renouvellement mises à jour à la baisse, les objectifs annoncés n'ont pas davantage été atteints.

En effet, selon les états financiers au 31 décembre, la société a enregistré des pertes de CHF 629'493.37 en 2015, CHF 1'449'935.15 en 2016, CHF 667'665.91 en 2017 et CHF 834'285.05 en 2018. Ces résultats négatifs démontrent les difficultés de la société à s'implanter dans le marché du travail suisse.

Son dernier bilan 2019 fait état d'un bénéfice de CHF 47'669.56.

Toutefois - et outre le fait que tous les bilans figurant au dossier ont été audités par la société elle-même et que pour l'année 2019, le bénéfice est dû à un « Exceptionnal result/Prior period » (sans quoi la société aurait présenté un résultat négatif de CHF 475'971.47) -, le registre du commerce du canton de Genève, consulté le 10 décembre 2020, fait état que la société serait actuellement en liquidation et que sa faillite aurait été prononcée avec effet à partir du 12 octobre 2020.

Le dernier extrait du registre des poursuites daté du 26 mai 2020, soit avant le prononcé de faillite, indique trente-six poursuites (dont certaines sont déjà au stade de la commination de faillite) pour un total au mieux de CHF 582'932.85. Certaines de ces poursuites ont en outre pour objet des créances de droit public (AVS) à propos desquelles le Tribunal fédéral relève que le non-paiement de ce type de créances peut constituer un indice de suspension des paiements (arrêt du Tribunal fédéral 5A_288/2020 du 18 juin 2020 consid. 3.2).

L'entreprise n'a ainsi pas, et cela quels que soient les motifs qui l'expliquent, connu le développement décrit ni dans le plan des affaires initialement produit ni dans les perspectives mises à jour lors des différentes demandes de renouvellement.

Même si la société a permis la création d'emplois, le dossier laisse également apparaître que des collaborateurs ont souffert de retard dans le paiement de leur salaire et que d'autres ont dû faire appel à un syndicat pour les recouvrer. La société a également accusé du retard s'agissant du règlement des cotisations sociales et dans ses obligations fiscales.

La jurisprudence citée par les recourantes (ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015) ne leur est d'aucun secours, dans la mesure où, d'une part, elle concernait une première demande de renouvellement d'autorisation de séjour pour activité lucrative et que, d'autre part, la société était bénéficiaire, ce qui au vu de la faillite récente d'A______ n'est pas comparable.

Par ailleurs, il ne peut être considéré que les difficultés financières de la société résultent de la crise sanitaire qui sévit depuis cette année au vu du passif d'A______ tel que constaté ci-dessus et qui remonte déjà au premier exercice comptable de 2015.

Enfin, force est de constater que les recourantes ont bénéficié de deux renouvellements de l'autorisation de séjour avec activité lucrative de Mme B______, de la part de l'OCIRT, afin de pouvoir faire leurs preuves. Ce nonobstant, elles n'ont pas réussi à atteindre les objectifs annoncés, qu'elles s'étaient elles-mêmes fixés.

Compte tenu de ces considérations, les éléments que font valoir les recourantes sont insuffisants pour permettre de retenir que le renouvellement de son autorisation de séjour avec activité lucrative servirait les intérêts économiques du pays au sens de la loi et de la jurisprudence et que les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de la société seraient garanties.

Dès lors que les conditions prévues à l'art. 18 ou à l'art. 19 LEI ne sont pas réalisées, tant l'OCIRT que le TAPI ont correctement appliqué la loi. L'OCIRT n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de donner suite à la demande de renouvellement de l'autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme B______ (art. 62 al. 1 let. d LEI).

Partant, le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige et le travail effectué - traitement de deux recours et obligation de prendre en compte de très nombreuses pièces parfois versées à contretemps -, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourantes, prises solidairement (art. 87 al.1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2019 par A______ SA et Madame B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juillet 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ SA et de Madame B______, prises solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, à Madame B______, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.