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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3857/2023

JTAPI/856/2024 du 29.08.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3857/2023 LCI

JTAPI/856/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 août 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Maurizio LOCCIOLA, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur B______ est propriétaire de la parcelle n°1______, sise ______[GE].

2.             Un contrat de bail à loyer a été conclu le 28 avril 2022 entre Monsieur C______, bailleur, et Monsieur A______, locataire, portant sur un appartement de 4,5 pièces, au sous-sol de la maison, sise ______[GE], propriété de B______, y compris l'accès et la jouissance du pavillon du jardin. L'entrée en jouissance du locataire était fixée au 1er mai 2022. Le loyer net s'élevait à CHF 2'200.- par mois, charges comprises − hors frais d'électricité calculés et dus par le locataire trimestriellement −, payables d'avance au plus tard le 30 du mois précédent pour le mois suivant à M. C______ et/ou à Madame D______. Ce contrat était conclu pour une durée d'au minimum une année, renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation adressée par lettre recommandée et reçue au minimum trois mois à l'avance par l'autre partie, ce pour le terme de l'échéance contractuelle initiale.

3.             Par courrier recommandé du 28 février 2023, distribué le 1er mars 2023, M. C______ a résilié le contrat de bail susmentionné, avec effet au 30 avril 2024, avis de résiliation du bail ci-annexée.

4.             Par courrier du 9 mai 2023, représenté par son mandataire, Monsieur Maurizio LOCCIOLA, Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA), M. A______ a informé son bailleur que le local qu'il lui louait présentait de graves défauts. Il vivait dans l'objet loué avec sa compagne, enceinte, et leurs enfants âgés de 4 et 2 ans. La température avait été insuffisante durant toute la saison hivernale en raison d'un dysfonctionnement du chauffage. Le propriétaire en avait été informé à maintes reprises, mais il n'avait rien entrepris pour y remédier. Diverses moisissures avaient été constatées. M. A______ souffrait de problèmes d'asthme dus à l'état de l'appartement. Il mettait ainsi en demeure M. C______ de procéder aux réparations nécessaires d'ici au 28 mai 2023, sous menace de consigner le loyer à partir du mois de juin 2023. D'autres défauts étaient encore révélés. La salle de bain n'avait pas été construite dans les règles de l'art. Il y avait des inondations lorsque lui-même et les membres de sa famille prenaient une douche. La chaudière était située à l'intérieur de l'appartement et jouxtait la chambre des enfants. Le système de chauffage émettait constamment des bruits inquiétants qui faisaient peur à la famille, aux enfants en particulier, et entraînaient des problèmes de sommeil. Aucun avis de fixation du loyer initial n'avait été remis au locataire. L'objet loué se trouvait en sous-sol et avait ainsi été aménagé en appartement de façon totalement illégale. Il ne s'agissait pas d'un appartement, de sorte que le loyer mensuel initial ne pouvait excéder CHF 500.-. Par ailleurs, au vu des graves défauts affectant l'objet loué, le montant du loyer mensuel devait être ramené à CHF 250.-. Etait ainsi réclamée à titre de restitution de la part de loyer payée en trop, la somme de CHF 25'350.- (correspondant à CHF 1'950.- multiplié par treize mois), plus intérêts à 5% dès le 15 novembre 2022. Enfin, dans la mesure où les défauts portaient atteinte à la santé du locataire et étaient susceptibles de porter atteinte à celle des enfants du couple, était réservé le droit de faire intervenir la police administrative, soit la police du feu, concernant les problèmes de moisissures et l'office des autorisations de construire concernant les autres problèmes identifiés.

5.             Par courrier du 21 juin 2023 adressé à l'ASLOCA, sous la plume de son conseil, M. C______ a indiqué être étonné de la consignation par M. A______ du montant du loyer du mois de juin 2023. L'installation de chauffage était exempte de tout défaut, comme le démontrait l'attestation établie par le chauffagiste Monsieur E______. Les moisissures alléguées, ainsi que les problèmes de chauffage résultaient du comportement de M. A______. Il était en outre relevé que la consommation d'eau depuis le début du bail le 1er mai 2022 avait plus que doublé par rapport à la même période en 2021, tableau comparatif de consommation d'eau en annexe. Cette consommation excessive d'eau, vraisemblablement due à de trop longues douches, provoquait manifestement d'importantes émanations de vapeur à l'origine desdites moisissures. Par ailleurs, M. A______ avait l'habitude de laisser les fenêtres ouvertes la nuit, y compris l'hiver, afin de dissiper les odeurs de cigarettes dues à son tabagisme. Dans ces circonstances, il était évident que le logement ne pouvait être correctement chauffé. Cela étant dit, par gain de paix et sans reconnaissance aucune de responsabilité, il consentait à faire exécuter les mesures préconisées. Il était également prêt, sans que cela n'ait été requis, à supprimer les traces de moisissures. Aussi, l'exécution des travaux rendait la consignation du loyer sans objet. Ce nonobstant, il apparaissait que M. A______ violait son contrat de bail à plusieurs égards. En premier lieu, en fumant dans l'appartement, ce qui était interdit. A cet égard, le locataire était ainsi formellement mis en demeure de cesser immédiatement de fumer dans l'appartement, sous peine d'une résiliation du contrat de bail avec effet immédiat. En second lieu, les frais d'électricité pour les mois de mars à mai 2023, pour un total s'élevant à CHF 369.90, n'avaient pas été réglés. A défaut de paiement dans un délai de 30 jours, le contrat de bail serait résilié en application de l'art. 257d de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) du 30 mars 1911 (CO– RS 220). En troisième lieu, le locataire était mis en demeure de revenir à une consommation d'eau normale. Enfin, au vu de la situation, seul l'accès à la pergola était maintenu conformément au contrat de bail, l'usage du jardin étant désormais réservé au propriétaire. La résiliation du bail pour la prochaine échéance était en outre maintenue.

6.             Par courrier du 17 octobre 2023, sous la plume de son mandataire, photographies à l'appui, M. A______ a saisi le département du territoire – office des autorisations de construire (ci-après : DT ou département) d'une demande d'intervention urgente. Au vu des faits susmentionnés, il avait été contraint de déposer une demande en justice. Il sollicitait en outre l'ouverture d'une procédure administrative à l'encontre de M. C______. Il était manifeste que le sous-sol avait été aménagé en « habitation » en violation crasse des dispositions de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05) et de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR – L 5 20). Les règles d'hygiène n'étaient par ailleurs manifestement pas observées. Il incombait ainsi aux services du DT de prendre en urgence les mesures nécessaires et d'ordonner à M. C______ de rétablir une situation conforme au droit et d'ordonner la restitution en sa faveur du gain illicitement perçu par le propriétaire.

7.             Par plis séparés du 10 novembre 2023, le DT a informé MM. C______ et B______ avoir été saisi d'une dénonciation dont il ressortait qu'un ou plusieurs éléments, potentiellement soumis à l'art. 1 LCI auraient été réalisés sur la parcelle 1______, sise ______[GE], sans autorisation.

Avant de se déterminer sur la suite à donner à cette affaire, et en application de l'art. 41 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA E 5 10), un délai de dix jours leur a été imparti pour présenter leurs éventuelles explications et/ou observations quant à la mise en location d'un logement en sous-sol de la propriété, sise à l'adresse susmentionnée, sans autorisation préalable délivrée par l'autorité.

Cela étant dit, compte tenu de la mise en danger des utilisateurs, s'agissant notamment des problèmes de sécurité et salubrité, et en application des art. 129ss LCI, il ordonnait à MM. C______ et B______ l'interdiction d'utiliser le sous-sol en tant que logement avec effet immédiat. En l'état et/ou à défaut du respect de l'ordre précité, ces derniers s'exposaient à toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation. La présente décision pouvait faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : tribunal) dans un délai de dix jours.

8.             MM. C______ et B______ n'ont pas recouru contre la décision du département du 10 novembre 2023, laquelle est donc entrée en force.

9.             Par acte du 20 novembre 2023, accompagné de pièces, M. A______ (ci-après : recourant), sous la plume de son mandataire, a recouru contre la décision rendue le 10 novembre 2023 par le DT à l'encontre de MM. C______ et B______.

A l'appui de son recours, il exposait avoir déposé une demande auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers en date du 30 juin 2023 au motif que le logement présentait divers défauts inquiétants. Par courrier du 17 octobre 2023, par l'intermédiaire de l'ASLOCA, il avait dénoncé la situation auprès du département.

Si MM. C______ et B______ devaient se conformer à la décision du DT, ils lui demanderaient de quitter le logement sans délai et déposeraient à cet effet une demande en évacuation auprès du Tribunal des baux et loyers, étant précisé que M. C______ avait résilié le bail pour le 30 avril 2024.

Il n'avait pas contesté cette résiliation. Il occupait ce logement avec son épouse, enceinte, le terme étant prévu en janvier 2024, ainsi que leurs deux enfants âgés de respectivement 4 et 2 ans. Il était à la recherche d'une solution de relogement. Toutefois, au vu de la grave crise du logement sévissant à Genève, il n'avait pas trouvé de nouveau logement. Quoi qu'il en soit, il quitterait avec sa famille le logement au plus tard le 30 septembre 2024.

Il avait qualité pour recourir au sens de l'art. 60 LPA, car il était manifestement touché par la décision de l'autorité administrative. Il était évident que la décision querellée portait atteinte à son droit de rester dans le logement conformément au contrat de bail qu'il avait conclu avec M. C______. Aussi, la condition de l'existence d'un intérêt digne de protection était donnée. Si MM. C______ et B______ décidaient de ne pas recourir, la décision du DT deviendrait définitive et ces derniers seraient en conséquence libres de déposer une demande en évacuation à son encontre auprès du Tribunal des baux et loyers.

Sur le fond, le recourant se prévalait du principe de proportionnalité. Le département n'avait nullement pris en considération ses intérêts et ceux des membres de sa famille. A le suivre, si la décision querellée devait être définitive, il existerait un risque concret que lui, son épouse, alors enceinte, et leurs deux enfants se retrouvent à la rue. Telle solution serait manifestement disproportionnée. Aussi, l'autorité administrative aurait dû prononcer une décision indiquant qu'il était fait interdiction à MM. C______ et B______ d'utiliser le sous-sol du logement dès qu'il aurait restitué le logement, mais au plus tard jusqu'au 30 septembre 2024.

Il concluait, préalablement, à l'audition des parties, à l'annulation de la décision querellée et, statuant à nouveau, à ce qu'il soit ordonné l'interdiction d'utiliser le sous-sol de l'immeuble, sis à l'adresse précitée, dès qu'il aurait restitué ledit logement à M. C______, mais au plus tard le 30 septembre 2024, sous suite de frais et dépens.

10.         Dans le délai imparti, le département a transmis ses observations. S'agissant de la recevabilité du recours interjeté par le recourant, l'autorité intimée s'en rapportait à justice. La décision querellée ayant été notifiée à MM. C______ et B______, le DT sollicitait l'appel en cause de ces derniers au sens de l'art. 71 LPA dans le cadre de la présente procédure afin qu'ils puissent assumer leur responsabilité en matière de location de locaux insalubres, impropres à l'habitation, et que le jugement qui sera rendu à son issue leur soit également opposable.

Au fond, le département rappelait qu'à teneur de l'art. 76 al. 1 LCI, les locaux dont le plancher se trouvait au-dessous du niveau général du sol adjacent ne pouvaient servir à l'habitation. L'art. 127 LCI prescrivait d'ailleurs à ce sujet qu'il était interdit d'utiliser, pour l'habitation des locaux dont le plancher est situé au sous-sol (al. 1), ces logements devant être supprimés sur demande du département (al. 2). De jurisprudence constante, il était encore rappelé que les normes de police des constructions avaient pour but de mettre en œuvre les intérêts publics de première importance, appelés intérêts de police, telles que la sécurité et la salubrité. Avec le temps, le cadre étroit du droit de police s'était élargi pour s'étendre à la sauvegarde du bien-être de la population et viser l'esthétique et la tranquillité, voire d'autres intérêts publics qui allaient au-delà de la notion traditionnelle d'intérêts de police. Les dispositions relatives à la salubrité des constructions permettaient de prévenir des dangers pour la santé de l'homme. Parmi celles-ci, on comptait les normes réglementant l'utilisation des pièces, notamment sur des questions d'éclairage (surface minimum de fenêtre par rapport à la surface de plancher, droit de vue) et celles relatives aux locaux enterrés (ATA/439/2022 consid. 6a). L'art. 127 LCI qui réglait l'utilisation des locaux en sous-sol tombait dans cette catégorie des normes de police des constructions et servait donc un intérêt public de première importance (ATA/811/2012 consid. 2c et les références citées). C'était également le cas de l'art. 76 al. 1 LCI pour la cinquième zone (ATA/377/2007 consid. 8a). Les travaux préparatoires de l'ancienne loi sur les constructions et les installations diverses, adoptée le 27 avril 1940, confirmaient le but de protection de la santé publique poursuivi par ce type de disposition (ATA/811/2012 consid. 2c). Aussi, le département n'avait aucun doute sur la mise en œuvre des dispositions susmentionnées dont le but était également de protéger la population dans sa santé.

C'était particulièrement le cas dans la situation d'espèce dès lors qu'il apparaissait, qu'en plus de n'offrir qu'un dégagement visuel limité, de par ses caractéristiques, l'appartement loué par le recourant et sa famille était anormalement humide (ce qui provoquait dans toutes les pièces l'apparition de tâches de moisissures), qu'il était particulièrement mal chauffé et que la chaufferie – avec toutes les nuisances olfactives et sonores qui pouvaient être les siennes – se situait à côté de la chambre des enfants.

En outre, eu égard aux problèmes auxquels le recourant et l'un de ses enfants seraient, selon les explications de ce dernier, exposés en raison des conditions d'habitation de ce logement, et de l'arrivée prochaine d'un nouveau-né, le département ne voyait pas quelle autre mesure moins incisive il pourrait, au niveau du principe de la proportionnalité, mettre en œuvre (ATA/998/2023 consid. 4.4) dès lors que ce sous-sol apparaissait être particulièrement impropre à l'habitation.

Pour les raisons qui précèdent, le département concluait à l'appel en cause de MM. C______ et B______ et au rejet du recours interjeté par M. A______ à l'encontre de sa décision du 10 novembre 2023, avec suite de frais et dépens.

11.         Par courriers du 25 janvier 2024, copie de la demande d'appel en cause a été transmise au recourant, ainsi qu'à MM. C______ et B______ les invitant à communiquer leurs éventuelles observations écrites, sur ce point seulement, d'ici au 5 février 2024.

12.         Dans le délai imparti, le recourant n'a pas transmis d'observations.

13.         MM. C______ et B______ n'ont pas donné suite à l'invitation du tribunal.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recevabilité du recours suppose encore que son auteur dispose de la qualité pour recourir.

4.             À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2019 du 26 février 2019 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/661/2018 du 26 juin 2018).

Cette notion de l’intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), que les cantons sont tenus de respecter en application de la règle d’unité de la procédure figurant à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 2b).

L’intérêt digne de protection, qui ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 142 V 395 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1), réside dans le fait d’éviter de subir directement un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre, qui serait causé par la décision entreprise. Il implique que le recourant, qui doit pouvoir retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, doit se trouver dans une relation spécialement étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et qu’il soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de façon à exclure l’action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1 ; 1C_96/2017 du 21 septembre 2017 consid. 2.1).

D’une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n’admettent que de manière relativement stricte la présence d’un intérêt propre et direct lorsqu’un tiers entend recourir contre une décision dont il n’est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3 ; 131 II 652 consid. 3.1 ; 131 V 300 consid. 3 ; 124 II 504 consid. 3b et les références citées). Il découle d’ailleurs du texte de l’art. 89 al. 1 let. b LTF que le législateur a voulu rendre encore plus stricte la condition de l’intérêt personnel au recours, puisqu’il est précisé que le recourant doit être « particulièrement atteint » par l’acte attaqué (ATF 133 II 468 consid. 1 et les auteurs cités). Ainsi, pour qu’une atteinte soit assez pertinente pour léser un intérêt digne de protection, il faut qu’il y ait véritablement un préjudice porté de manière directe, réelle et pratique à la situation personnelle du recourant (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n° 5.7.2.1 let. d p. 734 s.).

5.             S'agissant d'un recourant, tiers locataire, il convient ainsi d'apprécier l'enjeu de la procédure pour le recourant concerné en fonction de sa situation concrète, soit d'apprécier la gravité de l'atteinte apportée par le projet à ses intérêts (TA/VD du 13 décembre 2000, consid. 1c in RDAF 2001 I 344 p. 348). Selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé. Le Tribunal fédéral a jugé que s'il existe un moyen de droit privé, même moins commode, à disposition de l'intéressé pour écarter le préjudice dont il se plaint, la qualité pour agir fondée sur l'intérêts digne de protection doit lui être niée (TF 1P.70/2005 du 22 avril 2005, consid. 3 .3.3). Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du code des obligations en matière de droit du bail (cf. art. 253ss CO, spéc. 271ss CO s'agissant de la protection contre les congés abusifs) complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (ATF 131 II 649, consid. 3.4).

6.             La chambre administrative a déjà jugé de façon constante qu'en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse implique la démolition des locaux qui font l'objet d'un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'autorisation de démolition dès lors qu'il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu'à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours ; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n'est plus concerné par le projet de démolition et n'a ainsi plus d'intérêt pratique à recourir (ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3 ; ATA/581/2014 du 29 juillet 2014 consid. 3 et les références citées).

En revanche, la qualité pour recourir contre une autorisation de construire des locataires, dont les baux n'étaient pas résiliés, a été admise lorsque, si elle était confirmée, ladite autorisation les priverait de la jouissance de locaux situés dans les combles de l'immeuble dont la transformation était projetée. Certains des griefs invoqués portaient sur le gabarit de l'immeuble après travaux et sur les vices de forme ayant affecté la procédure qui, s'ils devaient se révéler bien fondés, pourraient abouti à un refus de l'autorisation de construire litigieuse, à l'abandon du projet, voire à un remaniement substantiel de celui-ci, et à la mise en œuvre d'une nouvelle enquête (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2011 du 4 mai 2011 ; ATA/181/2013 du 19 mars 2013 consid. 4 et les références citées).

De même, se sont vu reconnaître la qualité pour recourir les locataires d'immeubles d'habitation soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) ou dans les causes où l'application même de la LDTR était litigieuse (ATA/512/2010 du 3 août 2010 ; ATA/384/2010 du 8 juin 2010). Cette loi prévoit notamment l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsque le bailleur a l'intention d'exécuter des travaux (art. 43 al. 1 LDTR). Elle subordonne également l'ouverture du chantier au relogement des locataires touchés par l'autorisation définitive (art. 42 al. 4 LDTR).

7.             En l'espèce, le recourant invoque avoir la qualité pour recourir au motif que la décision querellée porte atteinte à son droit d'occuper le logement et, qu'en l'absence de recours, la décision du département deviendrait définitive, ouvrant la voie à un éventuel dépôt auprès de l'autorité civile d'une requête en évacuation à son encontre.

Ces arguments ne sont pas pertinents au vu des jurisprudences précitées. Le recourant n'est pas destinataire de la décision querellée, laquelle a été adressée à MM. B______ et C______, en leur qualité de propriétaire, respectivement de bailleur. La relation entre le recourant et le bailleur relève du droit privé, soit les dispositions relatives au contrat de bail à loyer. Or, le bail à loyer du recourant a été résilié par le bailleur le 28 février 2023 avec effet au 30 avril 2024. A teneur de ses propres allégués, le recourant n'a pas demandé l'annulation de la résiliation ou la prolongation du bail à loyer auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Il s'en suit qu'à la date du dépôt de son recours, le 21 novembre 2023, le recourant n'était plus locataire du logement susmentionné. Le fait que le recourant entende conserver l'usage de l'appartement jusqu'au 30 septembre 2024 relève d'un intérêt sur le plan civil uniquement qui n'est pas dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la décision administrative prononcée. De fait, cette dernière vise à interdire l'utilisation du sous-sol en tant que logement sans autorisation préalable. Le fait que cette interdiction prononcée avec effet immédiat ait des répercussions sur l'éventuel litige civil n'est pas pertinent sous l'angle de la procédure administrative car il n'établit pas l'existence d'un intérêt direct entre l'intérêt invoqué par le recourant et la conformité au droit de la décision du département. Il en va de même s'agissant de la difficulté alléguée par le recourant à se reloger. En effet, ce n'est que de manière indirecte qu'une éventuelle annulation de la décision du 10 novembre 2023 permettrait au recourant de retirer l'avantage pratique recherché consistant à conserver l'usage du logement jusqu'au 30 septembre 2024.

En conséquence, le recourant ne dispose pas d'un intérêt digne de protection pour contester la décision du département du 10 novembre 2023. La qualité pour recourir doit donc lui être déniée.

Au vu de ce qui précède, le respect du principe de proportionnalité n'a pas à être examiné. Ce nonobstant, force est de constater que, même si le recourant s'était vu reconnaître la qualité pour recourir, ce grief aurait dû être écarté, l'intérêt public à la protection des occupants s'agissant notamment des problématiques de sécurité et de salubrité primant sur l'intérêt privé du recourant à pouvoir conserver l'usage des locaux jusqu'au 30 septembre 2024.

Enfin, eu égard à l'irrecevabilité du recours, il sera constaté que la demande d'appel en cause formée par le département est devenue sans objet, étant relevé que la décision querellée est d'ores et déjà entrée en force à l'égard de MM. B______ et C______ qui n'ont pas interjeté recours.

8.             En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe sera condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 300.-; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 20 novembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 10 novembre 2023 ;

2.             constate que la demande d'appel en cause à la présente procédure formée le 22 janvier 2024 est devenue sans objet ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 300.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 600.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Julien PACOT et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière