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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/317/2012

ATA/181/2013 du 19.03.2013 sur JTAPI/592/2012 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; LOCATAIRE
Normes : LPA.60.leta ; LPA.60.letb
Parties : WIDER GENEVE SA / CHI DEVELOPPEMENT SA, DEPARTEMENT DE L'URBANISME, SWISSCANTO FONDATION DE PLACEMENT
Résumé : Examen de la qualité pour recourir d'un locataire contre une autorisation de construire préalable délivrée au propriétaire portant sur la démolition et la reconstruction de bâtiments abritant les activités artisanales du locataire. En l'espèce, constatation de l'absence de qualité pour recourir du locataire, aucun intérêt pratique et actuel, digne de protection, ne subsistant après la résiliation des baux.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/317/2012-LCI ATA/181/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2013

2ème section

 

dans la cause

 

WIDER GENEVE S.A.
représentée par Me Delphine Zarb, avocate

contre

SWISSCANTO FONDATION DE PLACEMENT
représentée par Me Patrick Blaser, avocat

et

DéPARTEMENT DE L'URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2012 (JTAPI/592/2012)


EN FAIT

1) Les parcelles nos 2218 et 2219, feuilles 33 et 50 du cadastre de la commune de Genève Petit-Saconnex, d'une surface respective de 518 et 16'416 m2, sont situées entre les rues de Bourgogne, des Franchises et de Lyon, à l'adresse 110-114, rue de Lyon, en zone industrielle et artisanale.

Depuis le 14 juin 2005, elles étaient la propriété de Soboss S.A., de siège au Luxembourg. Les anciens ateliers industriels d'Hispano-Suiza sont édifiés sur ces parcelles. Ceux-ci sont composés de quinze bâtiments, dont une usine de 10'326 m2, abritant des ateliers, des bureaux et des dépôts loués.

2) Le 8 juillet 2008, Chi développement S.A. (ci-après : CHI), société genevoise ayant pour but statutaire diverses prestations de services et de conseil dans le domaine de l'immobilier, ainsi que l'achat et la vente d'immeubles, a requis, pour le compte de la propriétaire, des autorisations préalables visant la démolition du site industriel existant et la construction en lieu et place d'un « complexe multi-activités » ainsi qu'un parking souterrain de 300 places. Le bâtiment projeté comportait 5 étages sur rez et mettait à disposition plus de 48'000 m2 de surface brute de plancher avec un indice d'utilisation du sol de 1,8.

3) Lors de l'instruction de cette demande, les préavis suivants ont notamment été émis :

- favorable, le 15 juin 2011, de la Fondation pour les terrains industriels de Genève (ci-après : FTI) a préavisé favorablement le projet. En accord avec la ville de Genève (ci-après : la ville), les ratios d'affectation correspondant à un accord du 14 mars 2011, soit 40% d'affectation artisanale avec un loyer maximum de CHF 200.-/m2/an ; 25% d'affectation de type high tech à loyer libre ; 35% d'affectation libre (bureaux, commerces) devaient être respectés. La FTI souhaitait « être informée quant à la faisabilité du maintien des activités sur le site durant toute la durée du chantier » et demandait « qu'une certaine priorité soit accordée au relogement des activités des entreprises du secteur Praille-Acacias-Vernet ». D'autres points pouvaient être approfondis : malgré la création de quais de chargement et de dépôts au 1er et 2ème sous-sol, la réflexion sur la prise en compte des besoins spécifiques des artisans dans le projet devra être poursuivie. Elle souhaitait également que le projet respecte l'article 5 de l'ordonnance relative à la loi sur le travail (OLT4) afin que les hauteurs libres répondent réellement aux besoins des artisans et industriels et permettent une plus grande flexibilité d'utilisation des locaux futurs ».

- favorable sous conditions, le 25 octobre 2011, de la ville. Celle-ci a pris notamment acte de l'engagement de la propriétaire du 25 août 2011 de respecter les affectations prévues par l'accord du 14 mars 2011. Cette répartition devait figurer sur les plans et figurer comme condition de l'autorisation de construire.

4) Le 8 décembre 2011, le département a délivré une autorisation de démolir (M 6'453-4) et accordé l'autorisation de construire préalable sollicitée (DP 18'110-4), portant sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet n° 8 du 15 septembre 2011. La décision réservait le droit des tiers sous point 1 et indiquait, sous point 4, que les directives contenues dans les préavis du service de l'énergie du 22 août 2008, de la FTI du 15 juin 2011, de la commission d'architecture du 18 mai 2010, de la police du feu du 20 mai 2011, du service d'étude de l'impact sur l'environnement du 28 juin 2010 et du service de géologie, sols et déchets du 19 janvier 2010, de la direction générale de la nature et du paysage du 1er février 2010, du service de la planification de l'eau du 10 février 2010 et de la ville du 25 octobre 2011 devaient être respectés. L'autorisation de démolir entrerait en force au plus tôt à l'entrée en force de l'autorisation définitive de construire.

Ces autorisations ont été publiées dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du 14 décembre 2011.

5) Le 30 janvier 2012, Wider Genève S.A. (ci-après : Wider) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l'autorisation préalable de construire en concluant à son annulation.

Elle était locataire de plusieurs surfaces dans le bâtiment sis 110, rue de Lyon. Elle exerçait son activité de menuiserie et d'ébénisterie dans un grand atelier et divers locaux dont les baux avaient été résiliés par la propriétaire pour leur échéance, variable entre 2011 et 2012. Ces résiliations faisaient l'objet de procédures pendantes devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers.

La résiliation des baux avait été opérée afin de permettre la construction du projet. Or, il résultait des préavis de la FTI qu'il aurait été possible de maintenir les activités des locataires durant le chantier. Cette possibilité avait été balayée d'un revers de manche par la bailleresse. La FTI avait également donné des pistes de réflexion afin que les futurs locaux puissent être véritablement exploitables par des artisans. Ces recommandations n'avaient pas été observées dans les plans d'autorisation.

Par renvoi de l'art. 80 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), la hauteur maximale des constructions en zone industrielle était de 21 m. (art. 27 al. 4 LCI), sauf si des logements étaient construits. Or, les plans de coupe des étages indiquaient une hauteur de 22 m.

L'autorisation délivrée violait le préavis de la FTI. Aucune information ne figurait dans le dossier et la propriétaire avait résilié tous les baux sans même évoquer la possibilité avec elle de rester active dans l'immeuble durant les travaux qui devaient pourtant pouvoir se dérouler par phases.

La FTI avait également demandé le respect de l'art. 5 OLT4 qui prévoyait la hauteur libre des locaux de travail en fonction de la surface du sol. Les plans de coupe du projet indiquaient que la hauteur sous plafond serait de 4 m., bien que les surfaces prévues mesuraient plus de 1'000 m2. Le projet autorisé ne tenait pas compte du préavis de la FTI et n'était pas adapté aux activités artisanales et ce, malgré la demande expresse de plusieurs autorités que 40% des surfaces soient dévolues aux activités artisanales.

Wider ne saurait attendre l'autorisation définitive pour relever ce point, dès lors que les baux avaient été résiliés pour 2011-2012. Ne pas s'occuper de ces points dès maintenant revenait à vider de sa substance le préavis de la FTI.

6) Le 3 mai 2012, le TAPI a déclaré irrecevable le recours de Wider pour défaut de qualité pour recourir. Les baux ayant été résiliés, Wider n'avait plus d'intérêt à l'issue du recours et cela, quelle que soit celle du litige civil.

7) Le 6 juin 2012, Wider a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à ce dernier pour instruction sur le fond.

Les avis de résiliation reçus les 15 et 16 juin 2011, pour l'ensemble des baux, pour des échéances variables, n'étaient pas motivés mais en lien probable avec la demande préalable d'autorisation de construire. Devant la commission de conciliation du tribunal des baux et loyers, elle avait conclu à l'annulation du congé et subsidiairement à la prolongation des baux pour une durée de six ans. La première conciliation du 15 mars 2012 n'avait pas abouti et une autre audience était prévue courant septembre 2012.

Elle avait la qualité pour recourir contre l'autorisation de construire préalable. Au stade de la conciliation en matière de baux, rien n'empêchait les parties de s'entendre pour que le locataire soit déplacé durant les travaux dans une autre partie du bâtiment ou dans un autre bâtiment et revienne ensuite, dans les locaux objets du bail. Dans ce cas, le locataire avait un intérêt actuel et pratique à ce que l'autorisation de construire soit conforme à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) dans la mesure où il avait un intérêt à ce que les locaux dont il pourrait continuer à bénéficier dans le futur soient conformes à la loi.

Le recours portait sur le respect du préavis de la FTI laquelle souhaitait être informée quant à la faisabilité du maintien des activités sur le site durant toute la durée du chantier. Si comme en l'espèce l'autorisation de construire était accordée en faisant fi d'un tel préavis, l'autorisation en question déniait ipso facto au locataire la chance de maintenir ses activités sur le site durant le chantier, dans la mesure où celui-ci était autorisable.

Elle avait un intérêt personnel au recours car l'autorisation de construire la touchait plus que quiconque puisqu'elle avait pour conséquence son départ de l'immeuble. Elle avait un intérêt pratique car si son recours était admis et l'autorisation annulée, elle pourrait rester dans l'immeuble ou alternativement, si l'autorisation était accordée dans le respect du préavis de la FTI, elle pourrait rester dans l'immeuble durant les travaux autorisables. Son intérêt était actuel car la procédure dérivant de la contestation de la résiliation du bail, s'ouvrait actuellement et la question administrative devait être traitée préjudiciellement.

8) Le 11 juin 2012, le TAPI a déposé son dossier en renonçant à formuler des observations.

9) Le 24 juillet 2012, le département a conclu au rejet du recours.

Wider, en tant que locataire d'un bail résilié n'avait pas d'intérêt personnel et actuel au recours. En outre, les souhaits de la FTI figurant dans son préavis étaient intégrés dans le chiffre 4 de l'autorisation querellée. La démolition de l'usine et la reconstruction prévue apporteraient une nette amélioration des conditions d'exploitation pour l'ensemble des activités sur le site.

10) Le 26 juillet 2012, CHI a répondu au recours en concluant à son rejet ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

Pour déterminer si Wider avait la qualité pour recourir, il convenait d'examiner les moyens soulevés contre l'autorisation de construire. Wider invoquait la violation de l'art. 27 LCI en matière de gabarits et indirectement la violation des hauteurs des locaux de travail.

Si par hypothèse la future construction dépassait les gabarits autorisés, cela ne changerait rien au fait que le congé avait été donné de bonne foi. Le dépassement d'un mètre des gabarits autorisés - qui était d'ailleurs contesté - n'aurait jamais pour conséquence l'annulation du projet. De même, la hauteur des locaux de travail n'était pas déterminante pour juger de la validité du congé dûment notifié à Wider. Il était donc erroné de prétendre que la question administrative était préjudicielle à la procédure en matière de contestation du congé.

11) Le 30 juillet 2012, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

12) Le 21 septembre 2012, Swisscanto fondation de placement (ci-après : swisscanto) a informé la chambre avoir récemment acquis les parcelles nos 2'218 et 2'219. Elle se substituait à CHI dans la procédure.

13) Le 8 février 2013, Swisscanto a produit une décision de la police du feu lui impartissant un délai au 1er juillet 2013 pour déposer l'autorisation de construire définitive. A défaut, des travaux de sécurisation du site seraient ordonnés.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Swisscanto ayant acquis la propriété des parcelles nos 2218 et 2219 en cours de procédure et ayant conclu au rejet du recours, s'est substituée à CHI comme destinataire de la décision querellée et comme partie à la procédure, ce que la chambre administrative constate liminairement en mettant CHI hors de cause (ATA/305/2012 du 15 mai 2012).

3) La seule question litigieuse est celle de la qualité pour recourir de la recourante qui lui a été déniée en première instance.

4) a. A teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/343/2012 du 5 juin 2012 consid. 2 et références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

Cette notion de l'intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 et 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 p. 24-25 consid 1.3 ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1 ; ATA/245/2012 du 24 avril 2012 ; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449, n. 1367). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299 ; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103).

c. Le recourant doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il faut donc que l'admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, de nature économique, matérielle ou idéale. Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l'action populaire (ATF 137 II 40 consid. 2.3 ; ATF 124 II 293 consid. 3b et les réf. citées). L'intérêt digne de protection n'exige pas une atteinte à des intérêts juridiquement protégés, soit la violation d'une norme ayant pour but la protection des droits subjectifs (ATF 123 V 113 consid. 5c).

d. L'application de ces principes au domaine du droit de la construction, implique que dans un recours contre une autorisation de construire, le recourant doit invoquer des dispositions du droit public des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 137 II  30 consid. 2.2.3 et 2.3 p. 133 ss ; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252, 468 consid. 1 p. 470 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2011 du 4 mai 2011, consid. 1). La proximité avec l'objet du litige ne suffit pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir s'il ne retire pas un avantage pratique de l'annulation ou la modification de la décision (ATF 137 II 30 consid 2 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1Cf : 328/2012 du 31 janvier 2013 consid. 1.2). En d'autres termes, pour lui reconnaitre un intérêt digne de protection, il faut que l'admission du recours soit apte à éliminer le préjudice que subirait le recourant (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005 consid. 3.3.3)

Le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'un tiers, pourtant voisin direct, n'avait pas qualité pour recourir par manque d'intérêt pratique, lorsque l'objet du litige concernait uniquement l'application de règles relatives à l'aménagement intérieur des constructions ou encore, la violation de dispositions relatives à l'indice d'utilisation des parcelles en sous-sol qui n'entraînait pas de modification du projet litigieux en surface. Même dans l'hypothèse de l'admission du recours, l'issue de la procédure n'était pas susceptible de procurer au recourant un avantage pratique, en l'absence de modification de l'impact visuel de la construction litigieuse (ATF 133 II 249 consid. 1.3.2 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_565/2012 du 23 janvier 2013).

e. S'agissant d'un recourant, tiers locataire, il convient d'apprécier l'enjeu de la procédure pour le recourant concerné en fonction de sa situation concrète, soit d'apprécier la gravité de l'atteinte apportée par le projet à ses intérêts (RDAF 2001 I 344 p. 348). Le Tribunal fédéral a jugé que s'il existait un moyen de droit privé, même moins commode, à disposition de l'intéressé pour écarter le préjudice dont il se plaint, la qualité pour agir fondée sur l'intérêt digne de protection devait lui être niée (ATF 101 1b 212 ; 100 Ib 119 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005). Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (ATF 131 II 649 consid 3.4). Dans cette dernière cause, le Tribunal fédéral a dénié la qualité pour recourir à un locataire, dont la résiliation de bail venait pourtant d'être annulée par le bailleur, dans le cadre d'un recours contre la vente de son appartement selon la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41). L'intérêt du recourant, quoique actuel, ne pouvait être considéré comme direct ni concret. De plus, le but recherché par le recourant, soit se prémunir contre une prochaine résiliation du bail, sortait manifestement des objectifs de la loi invoquée. Dans ces cas, l'intérêt du recourant est considéré insuffisant, voire inexistant, lorsqu'il a à sa disposition un autre moyen de droit pour régler le fond de l'affaire (P. MOOR, E. POLTIER, Droit administratif, volume II, 2011, p. 730).

La chambre de céans a déjà jugé de façon constante, qu'en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse concerne la démolition de locaux qui font l'objet d'un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'autorisation de démolition, dès lors qu'il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu'à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut plus avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours ; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n'est plus concerné par le projet de démolition et n'a ainsi plus d'intérêt pratique à recourir (ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 ; ATA/139/2006 du 14 mars 2006 ; ATA/916/2004 du 23 novembre 2004 ; ATA/548/2004 du 15 juin 2004 ; ATA/655/2002 du 5 novembre 2002).

En revanche, la qualité pour recourir contre une autorisation de construire des locataires, dont les baux n'étaient pas résiliés, a été admise lorsque, si elle était confirmée, ladite autorisation les priverait de la jouissance de locaux situés dans les combles de l'immeuble dont la transformation était projetée. Certains des griefs invoqués portaient sur le gabarit de l'immeuble après travaux et sur les vices de forme ayant affecté la procédure qui, s'ils devaient se révéler bien fondés, pourraient abouti à un refus de l'autorisation de construire litigieuse, à l'abandon du projet, voire à un remaniement substantiel de celui-ci, et à la mise en oeuvre d'une nouvelle enquête (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2011 du 4 mai 2011 ; ATA/900/2010 du 21 décembre 2010).

De même, se sont vu reconnaître la qualité pour recourir les locataires d'immeubles d'habitation soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) ou dans les causes où l'application même de la LDTR était litigieuse (ATA/512/2010 du 3 août 2010 ; ATA/384/2010 du 8 juin 2010). Cette loi prévoit notamment l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsque le bailleur a l'intention d'exécuter des travaux (art. 43 al. 1 LDTR). Elle subordonne également l'ouverture du chantier au relogement des locataires touchés par l'autorisation définitive (art. 42 al. 4 LDTR).

5) En l'espèce, la recourante estime que sa qualité pour recourir doit être reconnue pour lui permettre de faire annuler l'autorisation de construire préalable, dans un premier temps et obtenir une annulation de la résiliation du bail, dans un deuxième temps. Dans sa situation, malgré la résiliation des baux, un intérêt digne de protection subsiste.

A cet égard, il apparaît en premier lieu que l'intérêt de la recourante dans la procédure qu'elle a initiée contre l'autorisation de construire devant le TAPI n'est pas direct. La procédure initiée n'étant qu'un moyen pour agir dans ses rapports avec son bailleur.

Les griefs soulevés par la recourante démontrent également l'absence d'intérêt pratique et direct.

a. La recourante se plaint en premier lieu d'un dépassement du gabarit de hauteur de l'immeuble projeté en invoquant une violation de l'art. 27 LCI. A cet égard, la recourante n'a pas d'intérêt direct, digne de protection, puisque la modification du projet sur ce point n'est à l'évidence pas susceptible d'influer sur sa situation.

b. Dans un deuxième grief la recourante se plaint d'une violation du préavis de la FTI.

Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Un locataire de locaux affectés à des activités artisanales ou industrielles, telle que la recourante, ne dispose pas de la protection légale spéciale que confère la LDTR aux locataires d'immeubles d'habitation.

En conséquence, la recourante n'a pas à donner au préavis de la FTI la même portée que les dispositions de la LDTR pour en déduire un intérêt digne de protection.

Finalement, les conclusions de son recours en lien avec ce préavis sont sans substance puisqu'elle ne peut exiger plus que ce que l'autorisation litigieuse prévoit déjà, soit l'intégration, en tant que condition de la décision, dudit préavis.

6) La situation de la recourante n'est pas différente de celle des recourants dont la qualité pour agir n'a pas été reconnue, en raison de la résiliation de leur bail.

En raison de l'absence d'intérêt digne de protection de la recourante, son recours contre le jugement d'irrecevabilité du TAPI sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'intimée, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 juin 2012 par Wider Genève S.A. contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2012 ;

préalablement :

met hors de cause Chi développement S.A. et lui substitue Swisscanto fondation de placement ;

au fond :

rejette le recours ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Wider Genève S.A. ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Swisscanto fondation de placement, à la charge de Wider Genève S.A.

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

 communique le présent arrêt à Me Delphine Zarb, avocate de la recourante, à Me Patrick Blaser, avocat de Swisscanto fondation de placement, au département de l'urbanisme ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :