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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1512/2024

ATA/682/2024 du 05.06.2024 sur JTAPI/468/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1512/2024-MC ATA/682/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 juin 2024

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Betsalel ASSOULINE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mai 2024 (JTAPI/468/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1988, est ressortissant du Burkina Faso.

b. Entre les mois de décembre 2015 et de janvier 2024, il a été condamné à sept reprises pour diverses infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

B. a. Le 11 septembre 2014, A______ a déposé une demande d'asile, sur laquelle le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) n'est pas entré en matière, prononçant le renvoi du précité le 4 février 2015 et confiant l'exécution dudit renvoi au canton de Berne.

b. Le 28 avril 2015, A______ s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse valable du 28 avril 2015 au 27 avril 2018.

c. Le 28 avril 2015, il a été renvoyé en Italie.

d. Revenu en Suisse avant le terme de cette période d'interdiction, il a été à nouveau renvoyé le 31 mai 2022.

e. à la suite d'un nouveau retour en Suisse d'A______, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) lui a notifié le 6 décembre 2022 une décision du même jour, déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle il a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 15 janvier 2023 pour quitter le territoire.

Il ne s'est pas exécuté.

f. à compter du 6 juin 2023, A______ a été incarcéré en exécution de peine à la prison de B______. Il a bénéficié d'une libération conditionnelle le 5 décembre 2023.

g. Lors de sa libération, l'intéressé s'est vu remettre par l'OCPM une convocation l'invitant à se présenter le 18 décembre 2023 au Vieil Hôtel de Police afin d'« attester de sa présence ». Il n'a pas déféré à cette convocation, indiquant par la suite en avoir été empêché par des problèmes de santé.

h. Il a en revanche déféré à une nouvelle convocation de l'OCPM l'invitant à se présenter en ses locaux le 23 février 2024 muni de divers documents, dont une réservation de vol à destination du Burkina Faso pour le 3 mars 2024 au plus tard.

À cette occasion, il a indiqué réfléchir à un éventuel départ de Suisse et ne pas encore avoir fixé de date à cet effet. Il s'est engagé à prendre contact avec la C______ afin que cet organisme l'aide à préparer son départ, ce qu'il n'a toutefois pas fait.

i. Le même jour, il s'est vu notifier une nouvelle interdiction d'entrée en Suisse valable trois ans dès la date de son départ de Suisse.

j. A______ n'a donné aucune suite à un courrier de l'OCPM du 13 mars 2024 l'invitant à lui remettre les documents déjà sollicités, dont une copie d'un billet d'avion à destination du Burkina Faso pour le 27 mars 2024 au plus tard.

k. Le 22 avril 2024, il a été arrêté par les services de police à la suite d'un incident survenu dans un salon de coiffure.

Successivement entendu le 22 avril 2024 par les services de police puis le 23 avril 2024 par le Ministère public (ci-après : MP), A______ a indiqué connaître l'existence de la décision d'interdiction d'entrée notifiée le 23 février 2024 mais se rendre régulièrement en France voisine.

l. Par ordonnance pénale du 23 avril 2024, le MP l'a reconnu coupable d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b LEI, l'a condamné à une peine pécuniaire et a révoqué la libération conditionnelle dont il avait bénéficié, fixant à 95 jours de privation de liberté le solde de la peine devant être purgé.

Le MP l’a remis entre les mains des services de police, lesquels ont immédiatement procédé à la demande de réservation d'un vol de ligne en sa faveur à destination de son pays d'origine, ce pour le 26 avril 2024.

C. a. Le 23 avril 2024, à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre d'A______ pour une durée de deux mois.

Au commissaire de police, ce dernier a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi au Burkina Faso.

b. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

c. Entendu le 25 avril 2024 par le TAPI, A______ a indiqué qu'il n'avait pas pris contact avec la Croix-Rouge car son téléphone était demeuré pendant environ un mois en mains du MP. Quand bien même son fils vivait sur place, il estimait potentiellement risquer sa vie en cas de retour au Burkina Faso. La situation dans ce pays changeait très rapidement, était très instable et il y avait du terrorisme. Une stabilisation de la situation pourrait l'amener à envisager plus sérieusement son retour. Compte tenu de ces éléments, il n'entendait pas prendre l'avion à bord duquel une place lui avait été réservée pour le lendemain.

d. Par jugement du 25 avril 2024, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative, en réduisant toutefois la durée à un mois, soit jusqu'au 23 mai 2024 inclus.

e. Le 26 avril 2024, A______ a refusé de prendre le vol de ligne sans escorte (DEPU) à destination de son pays d'origine.

f. Par acte adressé le 5 mai 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a recouru contre ce jugement, concluant principalement à son annulation, à la constatation d'une violation de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et à sa libération immédiate, et subsidiairement à ce qu'une assignation à territoire au sens de l'art. 74 al. 1 LEI soit ordonnée.

g. Par arrêt du 16 mai 2024, la chambre administrative a rejeté le recours.

D. a. Par requête motivée du 6 mai 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative d'A______ pour une durée de deux mois.

b. Lors de l'audience du 14 mai 2024 devant le TAPI, A______ a déclaré qu’il n'avait pas pris le vol le 26 avril 2024 car il n'entendait pas rentrer au Burkina Faso. La situation n'y était pas stable. Trois ou quatre coups d’État avaient eu lieu en dix ans. Son fils et ses frères et sœurs y vivaient. Ses parents étaient décédés. Il n'avait pas d'autres enfants que son fils au Burkina Faso. Il craignait pour sa vie au Burkina Faso. Il y avait du terrorisme presque partout sur le territoire. Il faudrait une stabilité politique pour qu'il rentre dans son pays. Il était en bonne santé.

La représentante de l'OCPM a indiqué que ce dernier devait obtenir une réponse du SEM d'ici la fin de la semaine prochaine au plus tard pour un vol DEPA ou un vol spécial. Elle confirmait qu'il existait des vols avec escorte policière pour le Burkina Faso. Elle a conclu à la confirmation de la détention administrative pour une durée de deux mois.

Le conseil d'A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à une prolongation de deux semaines.

c. Par jugement du 14 mai 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative d'A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 juillet 2024 inclus.

Le précité avait violé l'interdiction d'entrée qui lui a été notifiée le 23 février 2024, valable pour trois ans dès la date de son départ. La légalité de sa détention administrative était donc admise au sens des dispositions précitées, étant rappelé qu'il faisait en outre l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée le 6 décembre 2022.

Les autorités suisses avaient fait preuve de toute la diligence nécessaire et étaient dans l’attente de la confirmation d’un vol de degré supérieur. La durée de la détention respectait le principe de la proportionnalité.

Il n'apparaissait pas que le Burkina Faso connaîtrait une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée au point qu'il faille admettre de manière générale que la vie ou l'intégrité corporelle de l'ensemble des personnes résidant dans le pays serait exposée à une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEI. A______ s'était borné à indiquer que la situation dans son pays d’origine n’était pas stable et qu’il y risquait sa vie, sans donner aucune précision sur l'endroit où il résiderait après son retour, ni aucune indication sur les conditions de vie qui pourraient être les siennes, alors que son enfant y vivait ainsi que ses frères et sœurs.

E. a. Par acte posté le 31 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation, à la constatation d'une violation de l'art. 3 CEDH, à sa libération immédiate et à l'octroi d'une indemnité de procédure, et subsidiairement à ce qu'une assignation à territoire au sens de l'art. 74 al. 1 LEI soit ordonnée.

La situation au Burkina Faso était instable et dangereuse, des actes de terrorisme y étant régulièrement perpétrés, entraînant de nombreuses victimes civiles. Le département fédéral des affaires étrangères (ci-après : le DFAE) déconseillait du reste les voyages dans ce pays au vu des risques sécuritaires élevés, relevant les nombreux actes de violence commis par des groupes terroristes et criminels. C'était donc de manière fondée qu'il indiquait craindre pour sa vie au cas où il devrait rentrer dans son pays d'origine. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (ci-après : HCR) avait du reste demandé en juillet 2023 l'arrêt des retours forcés au Burkina Faso, et il ressortait d'un arrêt du Tribunal cantonal vaudois de février 2024 qu'aucun renvoi à destination du Burkina Faso ne devait être considéré comme licite ou exigible sans un examen circonstancié.

Il risquait la mort en cas de renvoi dans son pays. Il était en outre notoire qu'aucun vol sous escorte policière ni aucun vol spécial n'était organisé à destination du Burkina Faso.

Il n'avait jamais disparu dans la clandestinité et avait donné suite à une convocation de l'OCPM, si bien qu'il n'y avait pas d'obstacle à l'assigner à un territoire déterminé.

b. Le 4 juin 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait été condamné à sept reprises et ne répondait que de manière sporadique et imprévisible aux convocations qui lui étaient adressées. Il s'était soustrait à l'exécution de son renvoi le 26 avril 2024 et était donc seul responsable de la durée de sa détention administrative.

Il n'était pas contesté que la situation au Burkina Faso était volatile à la suite d'un coup d'État, mais pas au point que l'ensemble des personnes y résidant serait concrètement en danger.

À la demande du SEM, un vol spécial était en cours d'organisation.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger, le recourant n'ayant pas répliqué dans le délai imparti.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 31 mai 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2e phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1re phr.).

3.             Le recourant ne conteste pas que les conditions de sa mise en détention administrative soient réalisées, ce que la chambre de céans a du reste déjà constaté.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.2 Selon l'art. 76 al. let b ch. 1 LEI, en relation avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si celle-ci a franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être immédiatement renvoyée.

3.3 Il résulte des propres déclarations du recourant devant le MP qu'il a « régulièrement » quitté le territoire suisse pour se rendre en France après qu'une interdiction d'entrer en Suisse lui eut été notifiée le 23 février 2024, ce qui implique qu'il a, à plusieurs reprises, violé cette interdiction en franchissant à nouveau la frontière vers la Suisse. Il fait par ailleurs l'objet d'une décision de renvoi dûment notifiée et exécutoire.

3.4 En tout état, au vu du refus du recourant de collaborer à l'exécution de son renvoi, il est à craindre, comme l'a retenu le TAPI, qu'il ne donne pas volontairement suite à une convocation pour un nouveau vol à destination de son pays d'origine. La mesure de mise en détention apparaît ainsi nécessaire en vue d'assurer sa présence le moment venu, et sa durée respecte le principe de proportionnalité, dès lors qu'un vol spécial est en cours d'organisation.

Au vu de ce qui précède, il ne saurait en outre être donné suite à la conclusion du recourant de se voir assigner à un territoire déterminé.

4.             Le recourant fait valoir que son renvoi à destination du Burkina Faso ne serait pas exigible.

4.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949 ; ATA/432/2023 du 25 avril 2023 consid. 4.3 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

4.2 L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées). Une simple possibilité de subir de mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque l'art. 3 CEDH démontre à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en œuvre de la protection issue de l'art. 3 CEDH tant que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement – et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux – par des mesures incompatibles avec cette disposition (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5397/2020 du 14 avril 2022 consid. 6.4).

4.3 Le juge de la détention administrative n'a pas à revoir le bien-fondé de la décision de renvoi de Suisse, à moins que celle-ci soit manifestement contraire au droit ou clairement insoutenable au point d'apparaître nulle (ATF 130 II 56 consid. 2 ; 128 II 193 consid. 2.2.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; 121 II 59 consid. 2c).

4.4 En l'occurrence, le recourant se réfère au site internet du DFAE ainsi qu'à une prise de position du HCR, invitant les pays voisins du Burkina Faso à s'abstenir de rapatrier les personnes originaires d'une région de ce pays en proie à une crise humanitaire et ayant trouvé refuge sur leur territoire, pour soutenir qu'un renvoi dans son pays d'origine mettrait concrètement sa vie en danger.

L'examen de ces documents, ainsi que d'autres communications publiées sur le site internet des nations unies (UN) (https://news.un.org), mettent effectivement en évidence une péjoration des conditions de sécurité au Burkina Faso. Il résulte en particulier des informations aux voyageurs, publiées sur le site internet du DFAE, qu'une partie du territoire national se trouve sous le contrôle de groupe islamiques et d'autres groupes armés, lesquels s'opposent lors d'affrontements armés aux forces de sécurité. Des actes de violence commis par des groupes terroristes et criminels, visant en particulier les infrastructures étatiques et touristiques ainsi que les grands rassemblements, font par ailleurs un grand nombre de victimes et de blessés parmi les civils. Les connexions routières sont fréquemment bloquées, y compris dans les grandes villes et la capitale Ouagadougou.

De plus, des organisations non gouvernementales ainsi que des agences de presse se sont fait l'écho d'exactions commises par l'armée en 2024 à l'encontre de civils habitant au nord du pays, apparemment pris pour cible car ils se voyaient reprocher de protéger des groupes armés en ne communiquant pas leurs déplacements aux autorités.

Nonobstant ces troubles graves à l'ordre public, il n'apparaît cependant pas que le Burkina Faso connaîtrait aujourd'hui une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée au point qu'il faille admettre de manière générale que la vie ou l'intégrité corporelle de l'ensemble des personnes résidant dans le pays serait exposée à une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEI.

Il paraît ainsi résulter des documents produits que les problèmes les plus graves concernent plus particulièrement certaines parties du territoire national, alors que les grandes villes semblent en l'état connaître des troubles moins importants. Il sera à cet égard relevé que le recourant s'est borné à invoquer de manière toute générale les risques auxquels il pourrait être soumis, sans donner aucune précision sur l'endroit où il pourrait être amené à résider au Burkina Faso après son retour et les conditions de vie qui pourraient être les siennes, alors même qu'il y a de la famille et y a déjà été renvoyé dans un passé récent.

Le renvoi est donc exigible au sens des art. 83 al. 4 LEI et 3 CEDH.

5.             Le recourant soutient enfin que l'exécution de son renvoi serait impossible.

5.1 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

5.2 Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1386/2023 précité consid. 4.5 ; ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a).

5.3 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

5.4 En l'espèce, comme déjà relevé par la chambre de céans dans son précédent arrêt, la seule raison pour laquelle le renvoi n'a pu être exécuté le 26 avril 2024 réside dans le refus du recourant d'embarquer sur le vol à bord duquel une place avait été réservée pour lui. Il en résulte que l'impossibilité supposée qu'il invoque est due à son absence de collaboration, de telle sorte qu'il ne peut s'en prévaloir.

De plus, l'affirmation du recourant selon laquelle aucun vol avec escorte policière ni vol spécial n'était organisé à destination du Burkina Faso est contredite de façon convaincante par l'intimé, dès lors qu'un vol spécial est en cours d'organisation par le SEM.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mai 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Betsalel ASSOULINE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement fermé de Favra, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CROCI TORTI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :