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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1834/2023

JTAPI/436/2024 du 08.05.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;REMISE EN L'ÉTAT;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LPA.59.letb; LCI.129; Cst
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1834/2023 LCI

JTAPI/436/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune d’B______ (ci-après : la commune) à l’adresse 2______ C______, située en zone agricole. Cette parcelle est utilisée depuis de nombreuses années par ce dernier dans le cadre de son activité professionnelle de vente de véhicules d’occasion. Il a aménagé la parcelle en la recouvrant notamment d’un revêtement de goudron recyclé et concassé sur une surface d’environ 2’000 m2 et en y installant des murets rehaussés d’une clôture afin d’en délimiter son pourtour.

2.             Le 15 septembre 2003, un inspecteur de la police cantonale des constructions a constaté que des travaux visant à aménager une aire de stationnement pour l’exposition et la vente de véhicules d’occasion avaient été entrepris sans autorisation sur cette parcelle. Cette situation a conduit à l’ouverture de la procédure d’infraction I-3______

3.             Par décision du ______ 2003, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenu le département du territoire (ci-après : le département) a ordonné l’arrêt immédiat des travaux et exigé le dépôt d’une requête en autorisation de construire. Cet ordre a été réitéré le ______ 2003.

4.             M. A______ a malgré tout poursuivi les travaux et le département lui a infligé une amende administrative de CHF 10’000.-, par décision du ______ 2003.

5.             Le ______ 2003, M. A______ a déposé une demande d’autorisation de construire auprès du département afin de tenter de régulariser les travaux réalisés sans autorisation DD 4______ - portant sur l’aménagement d’un garage automobile, de places de lavage et d’un parking sur la parcelle en cause).

6.             Le 1er juillet 2004, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 4______.

7.             Par décision du même jour, le département a ordonné à M. A______ d’évacuer tous les aménagements réalisés sans autorisation sur la parcelle litigieuse et de la remettre en son état antérieur dans un délai de nonante jours.

8.             Par arrêt du 5______2005 (ATA/6______), l’ancien Tribunal administratif, devenu la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), a confirmé les trois décisions précitées, contre lesquelles avait recouru M. A______.

Le recours interjeté par M. A______ contre l’arrêt du Tribunal administratif a été rejeté par le Tribunal fédéral le 25 octobre 2005 (arrêt A1.7______).

9.             Le 28 novembre 2005, M. A______ a déposé une demande de maintien à titre précaire auprès du Conseil d’État, lequel l’a rejetée par arrêté du ______ 2006.

10.         Le 17 octobre 2006, M. A______ a recouru contre cet arrêté auprès de l’ancien Tribunal administratif, expliquant notamment avoir acquis la parcelle litigieuse en août 2003 et que le terrain était impropre à l’agriculture. Des véhicules étaient stationnés sur cette parcelle depuis plus de vingt ans, sans que cette situation n’ait occasionné de dérangements jusqu’alors. Les travaux entrepris étaient modestes. En revanche, la démolition de ces installations entraînerait de graves difficultés pour lui, sinon sa faillite. Il était prêt à s’engager formellement à libérer la parcelle pour le 1er juillet 2010, date à laquelle il pourrait reprendre la station-service qu’il possédait en face de la parcelle et qu’il louait actuellement à un tiers.

11.         Par arrêt du ______ 2007 (ATA/8______), le Tribunal administratif a rejeté le recours, retenant que le maintien à titre précaire des aménagements litigieux équivaudrait à une autorisation exceptionnelle de construire hors de la zone à bâtir. Les dispositions légales applicables ne permettaient pas une telle dérogation.

12.         Par courrier du 25 novembre 2008, le département a imparti un ultime délai de dix jours à M. A______ pour les supprimer, faute de quoi il serait procédé à une exécution d’office.

13.         Par décision du ______ 2009, après avoir constaté que le muret et la clôture avaient été ôtés, mais que cela n’avait pas été le cas du revêtement et des véhicules d’occasion, le département a ordonné l’évacuation de l’ensemble des véhicules afin qu’il put être procédé à l’exécution des travaux d’office relatifs à sa remise en état. Une interdiction d’entreposer de nouveaux véhicules a également été prononcée. Cette décision précisait que l’ordre d’évacuation constituait une mesure d’exécution des décisions antérieures et n’était pas susceptible de recours.

14.         Par décision du ______ 2009 (procédure A/9_____), devenue définitive, la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), dont les compétences ont été reprises par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 1er janvier 2011, a déclaré partiellement irrecevable et rejeté pour le surplus le recours déposé par M. A______ contre l’ordre du ______ 2009.

15.         Le 29 septembre 2009, M. A______ a déposé une nouvelle demande de maintien à titre précaire auprès du Conseil d’État, lequel l’a rejetée par arrêté du ______ 2009.

16.         Son recours contre cette décision a été rejeté par la CCRA par décision du ______ 2010 (DCCR/10_____).

17.         Par courriel du 28 février 2023, le département a fait savoir à M. A______ qu’il avait été constaté que les différentes décisions rendues, confirmées par les autorités judiciaires saisies, n’avaient toujours pas été suivies d’effets, les photographies aériennes disponibles sur le site du Système d’Information du Territoire à Genève (ci-après : SITG) mettant en évidence que des voitures avaient continué à y être stationnées toutes ces années. En outre, le parking avait été agrandi par la pose d’un nouveau revêtement et de nouvelles installations d’agréments (dont une piscine) y avaient été aménagées.

18.         Invité à se déterminer sur ces constatations, M. A______ n’y a pas donné suite.

19.         Par décision du ______ 2023, le département a ordonné à M. A______ de se conformer à son ordre du ______ 2009 en débarrassant tous les véhicules stationnés sur la parcelle n° 1______ dans un délai au 26 mai 2023, un reportage photographique devant aussi être produit dans le même délai. S’agissant d’une mesure d’exécution d’un ordre en force, ce point ne pouvait faire l’objet d’un recours.

Il a également ordonné le rétablissement d’une situation conforme au droit en procédant à la suppression et à l’évacuation de divers objets aménagés sans droit et la remise en état du terrain naturel à leurs emplacements, dans un délai au 31 juillet 2023. Un reportage photographique attestant de manière univoque de cette remise en état devrait également lui parvenir dans le même délai. Il s’agissait :

1)        de revêtements de sol ;

2)        d’une piscine et autres installations d’agréments sur le fond de la parcelle ;

3)        d’installations diverses le long de la parcelle n° 11______' ;

4)        d’une clôture et d’un portail le long de la route.

Compte tenu de la situation de la parcelle en zone non-à-bâtir, le dépôt d’une requête en autorisation de construire serait superfétatoire et ces éléments ne pourraient être maintenus en l’état. L’ordre relatif à l’enlèvement de ceux-ci pouvait faire l’objet d’un recours au tribunal dans un délai de trente jours.

20.         Par acte du 24 mai 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ (ci-après : le recourant) a formé recours contre cette décision auprès du tribunal concluant, préalablement, à ce que le tribunal ordonne la comparution des parties et qu’il ordonne au département de produire un dossier complet, principalement, à l’annulation des décisions de remise en état du ______ 2023, le tout sous suite de frais et dépens.

La décision du ______ 2009 à laquelle la décision litigieuse faisait référence lui ordonnait d’évacuer les véhicules et lui faisait interdiction d’en entreposer de nouveaux, afin de permettre l’exécution de travaux d’office relatifs à la remise en état de la parcelle. Or, il avait exécuté ces travaux en 2010. Ainsi, l’enlèvement des voitures mentionné dans la décision querellée n’était pas une mesure d’exécution, dans la mesure où la décision du ______ 2009 avait un objectif différent, lequel était déjà exécuté. De plus, la décision querellée fixait un délai et réglait ainsi une question nouvelle.

Les décisions n’étaient pas motivées. Elles avaient été rendues sur la base d’informations fournies à l’évidence uniquement à l’occasion d’une dénonciation de Monsieur E______ du 26 mars 2022. En outre, les installations auxquelles faisait référence le département n’étaient pas précisément identifiées et décrites. Le dossier mis à sa disposition n’était également pas complet. À cela s’ajoutait que n’ayant pas accepté la communication sous format électronique, le département ne lui avait pas valablement donné l’occasion de se déterminer sur les faits de la cause par son courriel du 28 février 2023. Son droit d’être entendu avait ainsi gravement été violé.

Il exploitait la parcelle depuis les années 1990. Il y avait entreposé des véhicules de manière ponctuelle et avait procéder à certains travaux afin d’embellir la parcelle. Un délai de trente ans s’était ainsi écoulé depuis leur exécution. En outre, une zone artisanale était prévue à la C______ et concernait en particulier la parcelle n° 1______. Depuis qu’il occupait les lieux, la commune avait créer des expectatives à son égard, justifiant les installations litigieuses. Enfin, l’intérêt public au rétablissement de l’état conforme au droit était faible. La parcelle litigieuse était bordée d’autres installations et celles concernées par la décision litigieuse étaient mineures et bien intégrées, dans la mesure où la parcelle ne se situait pas dans une zone de césure agricole. Son intérêt était donc prépondérant, dès lors que son activité participait à la vie communale et à la diversité de son tissu social et économique. Enfin, les délais fixés n’étaient en tout état pas conformes au principe de proportionnalité.

21.         Le 31 août 2023, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

S’agissant de la mesure d’exécution portant sur l’enlèvement des véhicules, le recourant tentait une nouvelle fois d’induire en erreur le tribunal, alors qu’il ne faisait aucun doute, comme l’avait relevé à l’époque la CCRA (décision du ______ 2009 - DCCR/12_____), que l’ordre d’évacuation initial du 1er juillet 2004 comprenait l’ensemble des aménagements effectués sans autorisation de construire afin de permettre à cette parcelle de retrouver son état et affectation d’origine, soit à l’agriculture.

Au vu de la durée de la procédure d’infraction I-3______, ouverte vingt ans auparavant, le recourant faisait preuve d’une certaine mauvaise foi en alléguant la violation de son droit d’être entendu. La décision était claire et exposait ses motifs avec précision. Vu les circonstances du dossier, il était peu probable que le recourant n’eut pas été en mesure de comprendre la décision querellée. Par ailleurs, malgré la procédure initiée et les différentes décisions de justice rendues, le recourant avait continué à agir à sa guise et sans jamais se soucier des différents ordres et exigences qui lui avaient été signifiés tout au long de ces années. Concernant l’interpellation par courrier électronique du 28 février 2023, le recourant, sous la plume de son conseil, y avait donné suite en demandant à pouvoir accéder au dossier. Il était ainsi étonnant de remettre aujourd’hui en cause ce moyen de communication, uniquement dans la procédure de recours, ce d’autant plus que plusieurs échanges avaient eu lieu de manière électronique. Si le recourant avait finalement décidé de ne pas faire usage de son droit de se déterminer, il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même. Au demeurant, une réparation d’une éventuelle violation de son droit d’être entendu était possible, étant relevé que les normes de la loi sur l’administration en ligne du 23 septembre 2016 (LAeL - B 4 23) n’étaient pas applicables, dès lors qu’elles visaient à régir les services en ligne offerts par l’administration cantonale.

Le recourant n’apportait pas la preuve que les nouveaux aménagements mis en place sur la parcelle concernée l’avaient été plus de trente ans auparavant. Il suffisait de consulter les photographies aériennes disponibles sur le SITG pour constater le contraire. De plus, le département n’était pas lié par les discussions que le recourant avait pu avoir avec la commune au sujet d’un éventuel changement d’affectation de la zone, étant rappelé qu’à ce jour, sa parcelle se situait toujours en zone agricole, de sorte que seules les normes relatives à cette zone étaient applicables. Sur la base de la jurisprudence constante, l’intérêt du recourant devait céder le pas sur celui d’une remise en état de la parcelle. Vu son comportement durant toutes ces années, le délai qui lui avait été imparti était proportionné, sachant que cela faisait plus de dix ans qu’il s’évertuait à ne pas vouloir mettre en œuvre les différentes décisions rendues.

22.         Le 31 octobre 2023, le recourant a répliqué, maintenant les termes de son recours.

Depuis l’acquisition de sa parcelle en 1983, jusqu’à 2003, il avait paisiblement entreposé des voitures sur celle-ci, sans problème ni contestation de quiconque. Il avait obtenu de nombreuses garanties s’agissant de l’utilisation de celle-ci en lien avec une activité de la branche automobile, en particulier : l’utilisation qui en était faite avant son achat ; les indications figurant au registre foncier ; l’annonce de la mise en place d’une zone artisanale ; les autorisations de construire délivrées à ses voisins, dont les parcelles étaient aussi sises en zone agricole ; la tolérance des autorités pour entreposer ses véhicules sur la parcelle et la possibilité de jouir de différents services industriels et l’attribution d’une adresse.

La localisation de la parcelle entre deux parcelles occupées par des bâtiments la rendait impropre à une utilisation agricole, de sorte que l’intérêt public à la suppression de ses installations était faible.

Ses voisins avaient été autorisés à faire un emploi similaire de leurs parcelles. La décision querellée consacrait ainsi des distinctions injustifiées en violation du principe d’égalité de traitement.

23.         Le 4 décembre 2023, le département a dupliqué, persistant dans les termes de ses observations.

Il n’avait pas l’intention de revenir sur les différentes décisions entrées en force rendues jusqu’au ______ 2010.

Seuls les nouveaux aménagements pouvaient faire l’objet du recours, de sorte que les griefs du recourant relatifs à la proportionnalité, à la protection de la bonne foi et à l’égalité de traitement de l’ordre d’enlèvement des véhicules tombaient à faux.

24.         Le 3 janvier 2024, le recourant a transmis des observations spontanées.

L’ordre d’enlever les véhicules ne bénéficiait pas de l’autorité de chose jugée en raison de la tolérance du département à cet égard.

Ses griefs rentraient pleinement dans l’examen de la conformité au droit de l’ordre de remise en état.

Au surplus, il réitérait ses demandes de mesures d’instruction complémentaires et relevait que la question de l’appel en cause de la commune se posait également.

25.         Le 19 mars 2024, le recourant a transmis de nouvelles observations spontanées.

Il ressortait d'un arrêté du ______ 1966, autorisant la société D______ SA (ci-après: D______ SA) à acquérir la parcelle n° 13_____ – qui lui appartenait désormais –, qu'une autorisation de construire de principe pour l'édification d'une station-service avait été octroyée pour sa parcelle en date du ______ 1965. La licéité des installations litigieuses et sa bonne foi étaient dès lors établies. Au surplus, il sollicitait la production du dossier relatif à l'autorisation de construire de principe précitée.

26.         Le 25 mars 2024, le département s'est déterminé sur les observations spontanées du recourant du 19 mars 2024.

Hormis le fait que le recourant occultait l'existence des décisions en force au sujet de la remise en état de sa parcelle, l'objet de l'autorisation de construire de principe délivrée le ______ 1965 n'était pas comparable aux installations édifiées par le recourant sur sa parcelle, lesquels consistaient, pour rappel, en un agrandissement du revêtement, une piscine, diverses installations d'agrément, une clôture et un portail. En tout état, à teneur de la LCI en vigueur au moment de la délivrance de cette autorisation de construire de principe, cette dernière n'était valable qu'une année (art. 4 al. 4 aLCI), de sorte qu'elle était aujourd'hui caduque. Au surplus, il n'avait pas été en mesure de trouver le dossier y relatif dans ses archives.

27.         Dans le délai prolongé par le tribunal, le recourant a transmis ses observations le 29 avril 2024, persistant dans sa demande de comparution personnelles des parties et dans la production du dossier relatif à l'autorisation de construire de principe précitée. Il sollicitait également un transport sur place afin que le tribunal constate la très faible ampleur des installations litigieuses.

Le fait que l'autorisation de construire de principe concernait une station-service n'enlevait rien au caractère contradictoire de l'attitude des autorités à son égard, du fait que la construction d'une station-service lui avait été refusé des années plus tard. Cette décision s'ajoutait aux nombreuses garanties qui lui avaient été données au sujet de son droit d'exploiter sa parcelle en lien avec ses acticités dans le domaine de l'automobile.

Il a produit de nouvelles pièces concernant l'étendue des installations des SIG nécessaires au raccordement en eau et en électricité de la parcelle ainsi que de nouvelles photographies afin de démontrer que la piscine installée était parfaitement amovible.

28.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives et le contenu des pièces qu’elles ont produites seront repris et discutés dans la seule mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a). Aussi peut-il admettre le recours pour d’autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (cf. ATF 135 III 397 consid. 1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 2).

4.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 , 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l’arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

5.             En l’occurrence, le litige porte sur la validité des deux ordres compris dans la décision querellée, soit l’ordre d’enlever les véhicules présents sur la parcelle, que le département qualifie de mesure d’exécution, ce que conteste le recourant, ainsi que l’ordre d’évacuer et de supprimer les autres objets érigés sans droit et identifiés dans la décision litigieuse, dont aucune des parties ne conteste – à juste titre – le caractère final.

6.             Il convient donc de trancher en préambule la question de la recevabilité du recours s’agissant de l’ordre d’enlever les véhicules.

7.             Selon l’art. 59 let. b LPA, le recours n’est pas recevable contre les mesures d’exécution des décisions. La notion de « mesures » à laquelle se réfère cette disposition s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant en œuvre ces dernières (cf. ATA/920/2019 du 21 mai 2019 consid. 2 ; ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b ; ATA/974/2014 du 9 décembre 2014 consid. 2b et les références citées).

8.             L’acte par lequel l’administration choisit de recourir aux mesures d’exécution est une décision d’exécution. La possibilité de recourir contre une décision d’exécution s’impose si un acte règle une question nouvelle, non prévue par une décision antérieure, ou s’il contient une nouvelle atteinte à la situation juridique de l’intéressé (cf. ATF 119 Ib 492 consid. 3c/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_650/2018 du 22 mai 2019 consid. 4.1.2 ; 1C_310/2018 du 9 janvier 2019 consid. 3.1 ; 1C_6/2014 du 18 juillet 2014 consid. 1.2.1 ; 1C_603/2012 du 19 septembre 2013 consid. 4.1 ; cf. aussi ATA/920/2019 du 21 mai 2019 consid. 2a ; ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b ; ATA/974/2014 du 9 décembre 2014 consid. 2b et les arrêts cités). En revanche, si un acte ne fait que reprendre, sans les modifier, des obligations figurant déjà dans une décision antérieure, il n’y a pas d’objet possible à un recours et l’acte en cause doit être qualifié de mesure d’exécution, non sujette à recours (cf. ATF 129 I 410 consid. 1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_650/2018 du 22 mai 2019 consid. 4.1.2 ; 1C_310/2018 du 9 janvier 2019 consid. 3.1 ; 1C_6/2014 du 18 juillet 2014 consid. 1.2.1 ; 1C_603/2012 du 19 septembre 2013 consid. 4.1). En tout état, le recours dirigé contre une décision d’exécution ne permet pas de remettre en cause la décision au fond, définitive et exécutoire, sur laquelle elle repose. On ne saurait faire exception à ce principe que si la décision tranchant le fond du litige a été prise en violation d’un droit fondamental inaliénable et imprescriptible du recourant ou lorsqu’elle est nulle de plein droit (ATF 119 Ib 492 consid. 3c/cc et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_650/2018 du 22 mai 2019 consid. 4.1.2 ; 1C_6/2014 du 18 juillet 2014 consid. 1.2.1 ; 1C_603/2012 du 19 septembre 2013 consid. 4.1 ; cf. aussi ATA/920/2019 du 21 mai 2019 consid. 2a ; ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b).

L’élément déterminant est donc de savoir quels sont les actes qui règlent une question nouvelle. Contre ces actes, les recours prévus par la loi seront ouverts. Si, donc, au moment où est décidé le recours à une mesure d’exécution, notamment à travers la commination, l’administré ne saurait en principe contester l’obligation de base qui, par hypothèse, a déjà été posée par une décision antérieure, il lui est toujours possible de remettre en cause les modalités de l’exécution, notamment le choix de la mesure envisagée, le délai d’exécution qui lui a été fixé par sommation ou, en cas de sanction, la quotité de celle-ci. Ainsi, contrairement à ce que sa lettre pourrait laisser croire, l’art. 59 let. b LPA ne signifie pas que toutes les mesures visant l’exécution d’une décision préalable seraient soustraites à un recours. Il faut plutôt considérer qu’il rappelle le principe qu’une décision de base ne peut, en principe, être remise en cause à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute l’acte de base (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1149 ss p. 388 s. ; cf. aussi ATA/448/2007 du 4 septembre 2007 consid. 3 in fine, qui semble aller implicitement dans ce sens ; cf. encore Pierre MOOR/ Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 115 s ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 683 p. 180).

9.             En l’espèce, contrairement à ce que prétend le recourant, l’ordre d’enlèvement des véhicules stationnés sur la parcelle n° 1______ dans le cadre de son activité commerciale de vente de véhicules d’occasion fait manifestement déjà l’objet d’une décision entrée en force. En effet, cette question a déjà été tranchée par l’ancienne CCRA dans sa décision du ______ 2009 (procédure A/14_____). Ainsi, force est de constater que le recourant tente une nouvelle fois de jouer sur les mots lorsqu’il exprime l’idée que l’ordre d’enlèvement du ______ 2009 serait lié uniquement à l’exécution des travaux d’office précédemment ordonnés. Il est en effet patent que lesdits travaux visaient le rétablissement d’une situation conforme au droit, dont en particulier l’enlèvement des véhicules concernés, conformément à la décision du département du 1er juillet 2004, entrée en force. De ce fait, il est évident que l’ordre d’enlèvement des véhicules d’occasion doit être qualifié de mesure d’exécution, de sorte que le recours sera déclaré irrecevable sur ce point. Ce constat a pour conséquence que les arguments en lien avec cette décision, soit ceux relatifs à la proportionnalité, à la protection de la bonne foi et à l’égalité de traitement de l’ordre d’enlèvement des véhicules, sont exorbitants au litige.

10.         En revanche, s’agissant du délai d’exécution, il s’agit là d’une question nouvelle qui peut être examinée par le tribunal de céans.

11.         À titre préalable, le recourant sollicite la comparution personnelle des parties, la production par l’autorité intimée d’un dossier complet et du dossier de l'autorisation de construire de principe délivrée le ______ 1965 ainsi que la tenue d'un transport sur place. Il soulève également la question de l’appel en cause de la commune.

12.         Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1). Aux termes de l’art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en fait l’objet passe à l’autorité de recours. La jurisprudence admet que le tribunal, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu’il peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3b ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 4).

13.         Cependant, l’ensemble des actes d’instruction ne sont pas obligatoires (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5D_204/2016 du 15 mars 2017 consid. 4.4 ; 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.4 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 2.1 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d, s’agissant de l’audition orale des parties ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C_327/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 et ATA/384/2011 du 21 juin 2011, s’agissant de l’inspection locale) dès lors qu’ils n’apparaissent pas indispensables, si le dossier contient déjà les éléments utiles et nécessaires permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le litige (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 III 208 consid. 2.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_109/2015, 2C_110/2015 du 1er septembre 2015 consid. 4.1 ; 1C_61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1).

14.         Le droit d’être entendu ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

15.         En l’espèce, le tribunal estime disposer d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause. En effet, la consultation du SITG ainsi que du dossier de l’infraction concernée, accompagnés notamment des pièces produites par le recourant, permettent d’avoir une image suffisamment nette et précise de la situation en cause. Enfin, le recourant a eu la possibilité de faire valoir ses arguments, dans le cadre de son recours et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ces écritures, sans qu’il n’explique quels éléments la procédure écrite l’aurait empêché d’exprimer de manière pertinente et complète. Dans ces circonstances, le tribunal, procédant à une appréciation anticipée des preuves, considère que la comparution personnelle des parties ne serait pas de nature à changer sa conviction. Il en va de même d'un transport sur place, dès lors qu'une telle mesure d'instruction aurait pour objet de faire constater les mêmes éléments que ceux apparaissant suffisamment clairement à la lecture des éléments du dossier, cette mesure d’instruction n'apparaît donc pas susceptible de fournir des informations pertinentes supplémentaires.

S’agissant de sa conclusion préalable tendant à la production par l’autorité intimée d’un dossier complet, il ressort des éléments du dossier que par courriel du 13 mars 2023, le département a informé le conseil du recourant que le dossier complet d’infraction était à sa disposition pour consultation auprès de la réception de la direction des autorisations de construire. Certes, il estimait que le dossier mis à sa disposition n’était pas complet, en faisant essentiellement référence au courriel du 26 mars 2022 de M. E______ dénonçant la situation au département, cependant force est de constater que dans son recours, il décrit avec précision le contenu dudit courriel qu’il a, au surplus, produit dans son bordereau de pièces accompagnant sa réplique. Il est ainsi patent qu’il a eu l’occasion de consulter le dossier complet auprès du département avant le prononcé de la décision querellée. Au demeurant, il a également eu la possibilité de consulter le dossier auprès du tribunal de céans dans le cadre de l’instruction de son recours. S’agissant de la demande de production du dossier relatif à l'autorisation de construire de principe qui aurait été délivrée le ______ 1965 à la société D______ SA et par une appréciation anticipée des preuves, le tribunal retiendra qu’il ressort déjà de l'arrêté produit que ladite autorisation ne visait que la construction d'une station-service et non pas à permettre l'exploitation d'une activité en lien avec le commerce de véhicules. Dans cette mesure, la production du dossier relatif à cette autorisation de construire de principe n'apparait pas pertinente, de sorte qu'il ne sera pas donné suite à cette demande de mesure d'instruction.

Enfin, s’agissant de l’appel en cause de la commune, en application de l’art. 71 al. 1 LPA, rien n’indique que la situation juridique de celle-ci serait susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure de remise en conformité au droit, hormis le fait que la situation se passe sur son territoire. Au demeurant, le recourant se limite à soulever la question, sans expliquer en quoi l’appel en cause de la commune devrait être ordonné. Dans cette mesure, l’appel en cause de cette dernière ne sera pas ordonné.

En conséquence, les demandes de mesures d’instruction, en soi non obligatoires, sont rejetées.

16.         Reste ainsi à examiner la conformité au droit de l’ordre d’évacuation des éléments cités dans la seconde partie de la décision querellée, soit des revêtements de sol, d’une piscine et d’autres installations d’agréments sur le fond de la parcelle, des installations diverses le long de la parcelle n° 11______ , d’une clôture ainsi qu’un portail le long de la route.

17.         Le recourant prétend que son droit d’être entendu aurait été violé, dans la mesure où la motivation de la décision querellée serait insuffisante et qu’il n’aurait pas pu faire valoir ses observations avant le prononcé de la décision, en raison de la communication par courriel qu’il n’aurait pas acceptée.

18.         La garantie du droit d’être entendu, dont les fondements juridiques ont déjà été présentés dans les considérants qui précèdent, constitue une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1). Le droit d’être entendu n’est toutefois pas une fin en soi, mais constitue un moyen d’éviter qu’une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsque l’on ne voit pas quelle influence la violation du droit d’être entendu a pu avoir sur la procédure, il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée pour ce seul motif (arrêts du Tribunal fédéral 6B_93/2014 du 21 août 2014 consid. 3.1.3 ; 4A_153/2009 du 1er mai 2009 consid. 4.1 ; 2P.20/2005 du 13 avril 2005 consid. 3.2).

L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 123 I 63 consid. 2d ; 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1 ; 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3.4.1).

19.         Ce droit implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision (ATF 146 II 335 consid. 5.1). L’art. 46 al. 1 LPA fait ainsi obligation aux autorités administratives de rendre des décisions motivées. Selon une jurisprudence constante, le droit d’être entendu implique pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et afin que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a toutefois pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 6B_468/2022 du 12 janvier 2023 consid. 1.1). L’autorité peut passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l’évidence non établi ou sans pertinence. Il n’y a ainsi violation du droit d’être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2).

L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 ; 2C_713/2013 du 22 août 2013 consid. 2 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1573 p. 531). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 136 I 184 consid. 2.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2014 du 15 janvier 2015 consid. 5.1 ; 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.1 ; 1C_246/2013 du 4 juin 2013 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/679/2015 du 23 juin 2015 consid. 7 et les arrêts cités).

20.         Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit. Elles peuvent être notifiées par voie électronique aux parties qui ont expressément accepté cette forme de communication. Le Conseil d’État règle les modalités de la notification électronique par voie réglementaire (art. 46 al. 2 LPA).

21.         En l’espèce, la décision querellée mentionne les bases légales applicables, la voie de recours utile et indique clairement les éléments dont l’évacuation et la suppression sont demandées au recourant. Par ailleurs, à l’occasion du courriel du 28 février 2023, le département a explicité de manière détaillée les nouveaux aménagements réalisés sans droit dont l’enlèvement est exigé. En outre, par courriel du 13 mars 2023, le département a informé le conseil du recourant que le dossier complet d’infraction était à sa disposition pour consultation auprès de la réception de la direction des autorisations de construire. Au vu de ces éléments, il ne peut qu’être retenu que le recourant a manifestement très bien saisi le sens et la portée de l’ordre litigieux, ce qui lui a permis d’exercer son droit de recours en temps utile et en faisant valoir ses arguments et les faits pertinents sur lesquels il se fonde. En tout état, un éventuel défaut de motivation peut être réparé par la prise de position de l’autorité intimée, suite à un recours, si, comme en l’espèce, l’administré se voit offrir la possibilité de s’exprimer à son sujet et que l’autorité de recours peut examiner librement les questions de fait et de droit (cf. ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.6.2 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. . 1577 p. 522 et les arrêts cités).

Concernant la dénonciation, il est évident qu’elle n’a pas joué un rôle aussi majeur que l’affirme le recourant, dès lors qu’il faisait déjà l’objet d’un ordre de remise en état visant la remise en conformité au droit du terrain naturel, vierge de toute construction depuis de nombreuses années, soit bien avant l’envoi de la dénonciation de M. E______ en 2022.

Enfin, concernant la notification électronique en lien avec le courriel du 28 février 2023, il doit être relevé d’emblée que dans le cadre de la procédure devant le département, les parties ont échangé entre elles tantôt par courrier postal, tantôt par courriers électroniques. En particulier, suite au courriel du 28 février 2023, le conseil du recourant a communiqué lui-aussi par courriel du 9 mars 2023 avec le département expliquant que son client lui avait transféré ledit courriel - tout en contestant son contenu. À cela s’ajoute qu’à l’occasion des échanges de courriels visant la mise à disposition du dossier d’infraction, le conseil du recourant a indiqué au département, par courriel du 13 mars 2023, qu’une copie complète numérique « [irait] très bien ». Dans cette mesure, si le recourant n’a certes pas expressément manifesté son accord par écrit, il peut néanmoins être admis que, par les échanges de courriels intervenus entre les parties, le recourant a manifesté son accord avec cette forme de communication, à tout le moins par actes concluants.

La question d’une éventuelle violation du droit d’être entendu du recourant peut de toute façon souffrir de rester ouverte, dès lors que celle-ci aurait en tous les cas été réparée à l’occasion de la procédure devant le tribunal de céans. Le grief est donc écarté.

22.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., n. 515 p. 179).

23.         Le recourant estime que l’ordre de remise en état serait contraire aux principes de la bonne foi et de proportionnalité, et que son intérêt privé à maintenir son activité professionnelle serait prépondérant.

24.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, il doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s’être écoulé depuis l’exécution des travaux litigieux ; les constructions illégales hors de la zone à bâtir ne bénéficient cependant pas de ce délai de péremption (ATF 147 II 309 consid. 5.7). L’autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l’administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’elle serait liée par la bonne foi ; en particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l’autorité d’une façon qui serait constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. Finalement, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit doit l’emporter sur l’intérêt privé de l’intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/225/ 2023 du 7 mars 2023 consid. 3b).

25.         Au surplus, le principe de proportionnalité garanti par l’art. 5 al. 2 Cst. doit être respecté. Celui-ci exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et qu’ils ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).

26.         Les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur, à savoir celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d’un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l’objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s’agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATA/ 432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c).

27.         En 1981, dans une affaire relative à une construction située en zone à bâtir, le Tribunal fédéral a retenu que le rétablissement d’une situation conforme au droit ne pouvait pas être ordonné si un délai de plus de trente ans s’était écoulé depuis l’exécution des travaux non autorisés (ATF 107 Ia 121). Par la suite, il a admis, à plusieurs reprises, le principe de la prescription trentenaire hors de la zone à bâtir, sans se prononcer concrètement sur son application dans les cas d’espèces. Cette jurisprudence visait uniquement la question du rétablissement d’une situation conforme au droit : le fait qu’une affectation illégale perdurait depuis plus de trente ans sans intervention des autorités communales et cantonales n’avait pas pour effet de la rendre licite, mais s’opposait tout au plus à une remise en état des lieux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 2.2 ; ATA/ 635/2018 du 19 juin 2018 consid. 9b).

28.         Dans un arrêt du 28 avril 2021, le Tribunal fédéral a précisé qu’à l’inverse de ce qui prévalait pour les zones à bâtir, l’obligation de rétablir un état conforme au droit ne s’éteignait pas après trente ans s’agissant de bâtiments et installations érigés illégalement en dehors de la zone à bâtir (ATF 147 II 309 consid. 4 et 5). En particulier, s’il pouvait certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d’un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d’aménagement du territoire de la séparation des zones à bâtir des zones non constructibles, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (ATF 147 II 309 consid. 5.5 et 5.6 ; arrêt 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1).

Cette jurisprudence est régulièrement appliquée par la chambre administrative (cf. ATA/225/2023 du 7 mars 2023 consid. 5).

29.         Des constructions ou aménagements formellement non autorisés doivent en principe être démolis s’ils ne peuvent pas être légalisés a posteriori (ATF 136 II 359 consid. 6), surtout lorsqu’ils sont réalisés en dehors de la zone à bâtir car le principe de la séparation de l’espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel et fait partie intégrante de la notion d’utilisation mesurée du sol de l’art. 75 al. 1 Cst. (cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d’application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c) et l’ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée n’est en principe pas contraire au principe de proportionnalité. Si des constructions illégales sont indéfiniment tolérées, ce principe de séparation est remis en question et un comportement contraire au droit s’en trouve récompensé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1), alors que celui qui place l’autorité devant un fait accompli doit au contraire s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1). S’ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d’autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (cf. ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; ATF 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c) ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d’enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil-home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d’une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (arrêt du tribunal fédéral 1C_482/2017 du 26 février 2018), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). De manière générale dans l’examen de proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l’importance de préserver la zone agricole d’installations qui n’y ont pas leur place. Concernant le canton de Genève, « s’agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l’aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit l’emporte sur celui, privé, du recourant à l’exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011, consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013). La chambre administrative a, pour sa part, confirmé l’ordre de remise en état d’une clôture en zone agricole au motif que l’intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d’assolement, ainsi que l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit doivent l’emporter sur l’intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle (ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10). Dans un autre arrêt, elle a également confirmé un ordre de démolition, en zone à bâtir, s’agissant de travaux dans une villa qui ne figuraient pas dans l’autorisation de construire délivrée par l’autorité et relevant que le fait qu’une remise en état entraînerait aujourd’hui des contraintes, notamment en termes financiers, n’était pas déterminant, cette situation étant uniquement due à l’attitude de la recourante, qui s’était affranchie de l’obligation de solliciter au préalable une autorisation de construire pour les installations litigieuses (ATA/213/2018 du 6 mars 2018 consid. 12).

S’il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d’un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (ATF 147 II 309 consid. 5.5 et 5.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1).

30.         L’inaction de l’autorité face à une construction illicite ne lie cette dernière que si elle peut être assimilée à une tolérance « active ». Pour cela, l’autorité a dû rester passive pendant une période prolongée – de l’ordre d’une dizaine d’années au moins – alors qu’elle avait connaissance de la construction illicite, ou aurait dû en avoir connaissance si elle avait agi avec diligence (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public - notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 223).

Le Tribunal fédéral a déjà considéré que des délais de plus de quatre ans et même de plus de treize ans ne suffisaient pas pour retenir que l’autorité administrative aurait toléré des constructions et installations durant de longues années et que son intervention violerait le principe de la bonne foi (arrêts 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.2 ; 1C_181/2009 du 24 juin 2009 consid. 3.3). Des délais de vingt-quatre voire vingt ans peuvent suffire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2009 du 28 janvier 2010 consid. 2.2.2 et les références citées).

Récemment, la chambre administrative a retenu une telle violation dans le cadre de la présence d’un paddock et d’un marcheur dans un manège pendant plus de vingt ans (ATA/77/2023 du 24 janvier 2023).

31.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

32.         À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/ 2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).

Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d’un comportement de l’administration, notamment en cas de silence de l’autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l’autorité doit être intervenue à l’égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l’administration, des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

La précision que l’attente ou l’espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l’administré doit avoir eu des raisons sérieuses d’interpréter comme il l’a fait le comportement de l’administration et d’en tirer les conséquences qu’il en a tirées. Tel n’est notamment pas le cas s’il apparaît, au vu des circonstances, qu’il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l’autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 569 p. 193 et les références citées).

33.         L’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l’arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b).

34.         La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C’est à ce titre que le département peut renoncer à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage, sachant que son intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_ 544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2), si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c), si les frais de démolition et de remise en état des lieux engendreraient des charges excessives que l’intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/ 2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2).

Le postulat selon lequel le respect du principe de proportionnalité s’impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l’idée que le constructeur qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour lui constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, op. cit., p. 218).

35.         En l’occurrence, le recourant, en tant que propriétaire de la parcelle où se situe les objets litigieux, est – à tout le moins – perturbateur par situation.

Les objets litigieux n’ont pas été autorisés en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation et n’ont pas été régularisé par la suite. À cet égard, la référence au caractère amovible de la piscine n'y change rien, dès lors que le fait qu'une construction ou l’installation soit amovible ne suffit pas pour la dispenser de l’assujettissement au régime de l’autorisation (ATA/640/2024 du 24 août 2004) et n'est pas propre à lui seul à ôter le caractère de « construction/installation soumise à autorisation de construire » à cette piscine, ce que le recourant ne prétend au demeurant pas.

La question de la prescription trentenaire ne se pose pas en l’espèce puisqu’elle ne s’applique pas, à teneur de la jurisprudence, hors de la zone à bâtir et que la parcelle en cause se situe en zone agricole.

L’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit l’emporte, in casu, sur l’intérêt privé du recourant au maintien des objets en cause. En effet, il existe un intérêt public certain, de rang constitutionnel, à la préservation de la zone agricole et à la séparation entre espace bâti et non-bâti, outre l’intérêt à limiter le nombre et les dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi. L’intérêt privé du recourant ne l’emporte manifestement pas sur les intérêts publics précités.

Par ailleurs, le recourant ne peut se prévaloir du principe de la bonne foi pour s’opposer à l’ordre de remise en état. En effet, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l’autorité intimée n’aurait créé chez le recourant, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’elle serait liée par la bonne foi s’agissant des éléments non autorisés identifiés dans la décision querellée. À cet égard, le recourant fait essentiellement valoir des circonstances en lien avec l’ordre d’enlever les véhicules, ce qui est exorbitant à l’objet du litige. Par ailleurs, s’agissant de la prétendue tolérance de l’autorité intimée, il convient de retenir que le litige opposant le recourant au département dure depuis plus de dix ans en raison des nombreuses procédures judiciaires intentées en vain par le recourant contre les décisions précédentes du département exigeant de sa part le rétablissement d’une situation conforme au droit, sans que celui n’ait fait droit aux différents ordres reçus par le département et confirmés par les instances judiciaires compétentes. Partant, en arguant une prétendue violation du principe de la bonne foi, le recourant fait en réalité preuve de mauvaise foi, dès lors qu’il ne pouvait ignorer qu’en installant de nouveaux objets, malgré sa situation, un nouvel ordre de remise en état serait prononcé à son égard. À cela s'ajoute que la référence à l'arrêté du ______ 1966 selon lequel une autorisation de construire de principe aurait été délivrée le ______ 1965 n'est d'aucun secours pour le recourant, dès lors qu'il ressort manifestement du texte de l'arrêté précité que cette autorisation n'était valable que pour la construction d'une station-service, ce qui n'a manifestement jamais été le cas. On peine donc ainsi à suivre le recourant lorsqu’il allègue que cet acte départemental permettrait d'attester de la licéité des installations querellées ou aurait fait naître chez lui une quelconque assurance à ce sujet. Il n'existe manifestement aucun lien entre cette éventuelle autorisation de construire de principe visant l'édification d'une station-service et les installations réalisées sans droit, hormis le fait qu'il s'agit de la même parcelle, étant au demeurant rappelé que le recourant ne saurait aujourd'hui remettre en cause l'ordre d'enlèvement des véhicules sur sa parcelle, comme développé précédemment. Au surplus, et en tout état, le principe de la confiance n’est qu’un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit. Partant, même si les conditions pour s’en prévaloir étaient réalisées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, cela ne signifierait pas pour autant qu’il faille accepter le maintien en place des objets identifiés, compte tenu des intérêts publics en jeu qui s’y opposent.

Il sied de rappeler que l’ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne peut être accordée n’est, en principe, pas contraire au principe de proportionnalité. Le fait que les objets en cause existeraient depuis de très nombreuses années – ce qui n’est manifestement pas le cas à teneur de l’évolution des photographies aériennes disponibles sur le site du SITG –, ne change rien au fait qu’ils ne sont pas conformes à la zone dans laquelle ils se situent, qu’ils ne bénéficient pas de la prescription trentenaire et qu’on ne conçoit pas quelle autre mesure moins incisive que la démolition ordonnée et la reconstitution du sol au niveau du terrain naturel préexistant, aurait pu être adoptée pour rétablir une situation conforme au droit. L’ordre de remise en état querellé apparaît ainsi proportionné et propre à atteindre le but visé, soit notamment obtenir le respect de la séparation du bâti et du non-bâti en zone agricole. Aucune mesure moins incisive ne permettrait en effet de préserver le principe de la séparation de l’espace bâti et non bâti, étant encore rappelé que la jurisprudence accorde une protection stricte de la zone agricole.

Enfin, s’agissant des deux délais d’exécution, il ne faut pas perdre de vue que le recourant a déjà été soumis à plusieurs délais pour rétablir la situation conforme au droit, au sujet de l’enlèvement des véhicules, sans qu’il ne s’exécute. À cet effet, les délais précédemment impartis étaient amplement suffisants. Le recourant ne prétend d’ailleurs pas le contraire. Concernant le délai pour procéder à l’évacuation et la suppression des nouvelles installations réalisées sans droit, le département a imparti un délai d’un peu plus de trois mois au recourant pour s’exécuter, ce qui parait être tout à fait suffisant au vu des éléments à évacuer. Au surplus, il sera rappelé au recourant que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce qu’elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients pouvant en découler pour lui. La mise en conformité de sa parcelle dans le délai imparti doit ainsi primer l’intérêt privé du recourant.

En conclusion, l’ordre de remise en conformité au droit respecte le principe de proportionnalité et remplit à l’évidence les conditions posées par la jurisprudence. Il doit ainsi être confirmé, le département n’ayant commis aucun excès ou abus de son pouvoir d’appréciation.

36.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

37.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1’400.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2023 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’400.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Damien BLANC et Oleg CALAME, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière