Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/780/2021

ATA/225/2023 du 07.03.2023 sur JTAPI/96/2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;ZONE AGRICOLE;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;CONFORMITÉ À LA ZONE;REMISE EN L'ÉTAT;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LAT.16; LAT.22; LCI.1; LCI.129; LCI.130; Cst.5.al2
Résumé : Rejet d’un recours contre un ordre de remise en état concernant des constructions et installations érigées sans autorisation. Vu la nature des éléments de construction, d’installations ou des objets déposés sur la parcelle, le délai de trente jours apparaît proportionné, aucune demande de prolongation n’ayant en outre été faite.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/780/2021-LCI ATA/225/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl
Monsieur B______

représentés par Me Pierre Gabus, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 février 2022 (JTAPI/96/2022)


EN FAIT

1) a. A______ Sàrl (ci-après : A______ ou la propriétaire), active notamment dans la production de bois de feu et les travaux forestiers, dont Monsieur B______ est l'associé gérant avec signature individuelle, est propriétaire de la parcelle no 1'507, de la commune de C______ (ci-après : la commune), sise en zone agricole et dans le périmètre de protection des rives du Rhône.

Sur cette parcelle triangulaire de 439 m2 est érigé un bâtiment de 79 m2 (no 669) à l’adresse 1______, route du D______, à l’intersection de la route et d’un chemin prolongeant la route de E______.

b. Le 13 décembre 1993, a été délivrée à la propriétaire par le département compétent, devenu depuis celui du territoire (ci-après : département) une décision d’autorisation de construire DD 2______ portant sur des travaux de transformation intérieure du bâtiment et sur la création d’installations de stockage de bois, recouverts de tôle ondulée amovible, le long des bords sud-est et sud-ouest de parcelle.

2) a. Le 19 août 2010, à la suite d'une dénonciation de la mairie de C______, il a été constaté par le département, photos à l'appui, que sur la parcelle divers travaux et installations étaient en cours, sans autorisation de construire : des travaux en façade et en toiture du bâtiment existant avec installation d'échafaudages ; installation d’un container ; adjonction d’un couvert derrière le bâtiment ; installation d’une caravane de type mobil-home ; construction de deux couverts ; stockage de bois à ciel ouvert au bord de la route ; dépôt de toutes sortes d'objets encombrants sur le terrain tels que notamment ferrailles, panneaux de signalisation, pneus, moteurs, meubles, portes.

Un dossier d'infraction I/3______ a été ouvert par le département.

b. Le 1er septembre 2010, le département a ordonné à A______ l’arrêt immédiat des travaux, un délai de dix jours était octroyé pour faire valoir des observations et explications quant à la situation.

c. Le 10 septembre 2010, M. B______, au nom et pour le compte de A______, a pris acte de l'ordre d'arrêt des travaux. L'autorisation de construire DD 2______, affichée à l'extérieur, lui avait permis de commencer son chantier au démarrage de son entreprise en 1993, mais il n'avait jamais pu le finir par manque d'argent, puis d'effectifs. Il n'avait pu reprendre que récemment le projet de transformation accepté à l'époque. La présence provisoire du container et du mobil-home s'expliquait par la nécessité de protéger du matériel et les archives de l'entreprise.

Une demande d'autorisation pour l'installation de containers afin de mettre à disposition du personnel des locaux adaptés allait être déposée dès que possible afin de régulariser la situation et d'envoyer le mobil-home en démolition. S'agissant du couvert à l'arrière du bâtiment, sa création datait du début de son entreprise, fin 1993 - début 1994, suite aux normes éditées par la SUVA en matière de sécurité du stockage des carburants et il apparaissait sur le registre foncier. S'agissant du stockage du bois de feu, il datait aussi du début de l'entreprise, mais n'avait jamais posé de problème ni avec la commune, ni la voirie, ni la gendarmerie. Le dépôt d'objets divers était aussi provisoire et allait être remis en ordre dès la fin du chantier. Enfin, il demandait des précisions sur les deux couverts.

d. Le 16 septembre 2010, le département a accusé réception de ses explications, en précisant qu'au vu de celles-ci, il restait en attente du dépôt d'une requête en autorisation de construire concernant les travaux sur le bâtiment principal et les containers. Il demandait également à A______ de faire parvenir le moment venu un reportage photographique attestant de la démolition du mobil-home.

e. Le 30 septembre 2010, M. B______ a confirmé qu'une requête en autorisation de construire était en cours d'élaboration. Il précisait que, dès l'obtention de ladite autorisation, le mobil-home allait être remplacé par des containers nécessaires à la remise en état de l'ensemble de la parcelle, que ceci allait être fait dans les meilleurs délais et allait faire l'objet d'un reportage photographique comme demandé. Il demandait également une dérogation afin de pouvoir continuer les travaux d'étanchéité du bâtiment principal avant l'hiver.

3) a. Le 19 janvier 2016, A______ a déposé une demande d'autorisation de construire pour la mise en place d'une citerne enterrée à gaz de 2,4 m3 sur la parcelle. Cette demande a été enregistrée sous DD 4______.

b. Dans le cadre de l'instruction de cette requête, plusieurs préavis défavorables ont été recueillis, dont notamment :

- le 17 février 2016, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a requis la production de pièces complémentaires. Il était précisé que pour pouvoir se prononcer de manière circonstanciée, des explications sur le besoin d'une telle installation en zone agricole, qui plus est dans un site protégé, devaient être fournies ;

- le 10 mars 2016, la direction générale de l'agriculture (ci-après : DGA) a émis un préavis défavorable, relevant notamment que le requérant n'exerçait pas la profession d'agriculteur et que le projet n'était pas conforme à la zone. Le préavis précisait que le hangar en lien avec le projet avait été autorisé sous l'angle agricole en 1981. A______ avait été créée en 1993 et effectuait des travaux forestiers. L'affectation du bâtiment n'était tolérée que si le bâtiment d'origine ne nécessitait pas de travaux de transformation.

c. Le 11 avril 2016, le département a demandé que le projet soit modifié et que la demande d'autorisation no 2______ lui soit fournie, ainsi qu'un reportage photographique de la parcelle dans le cadre de l'infraction I/3______.

d. Le 21 avril 2016, M. B______ a informé le département qu’il allait opter pour des bonbonnes à gaz de plus grandes contenances dans un local de distribution centralisé, en lieu et place d'une citerne enterrée à gaz.

e. Le 31 mai 2016, le département a précisé que l'installation de bonbonnes de plus grande contenance dans un local de distribution centralisé devait faire l'objet d'une demande d'autorisation en bonne et due forme. Si la modification était faite dans le cadre de la DD 4______, les plans modifiés devaient être communiqués.

Concernant l'infraction I/3______, il demeurait dans l'attente d'un reportage photographique démontrant que les installations mentionnées dans son courrier du 16 septembre 2010 avaient bien été enlevées.

f. Par courriel du 14 octobre 2020, aucune réponse ne lui étant parvenue, le département a demandé à A______ de lui signifier, dans un délai de dix jours, la suite qu'elle entendait donner à sa demande d'autorisation DD 4______. Faute de réponse, il allait statuer sur le dossier avec les éléments en sa disposition. Le courriel l'informait également que l'instruction de cette requête était reprise.

4) a. Le 27 janvier 2021, en l'absence de manifestation de A______, le département a rendu une décision de refus d'autorisation de construire dans le cadre de la DD 4______ laquelle mentionnait dans l’objet : installation d’une citerne enterrée à gaz – régularisation infraction I/3______.

b. Le même jour, dans une décision indiquant concerner les procédure I-3______ et DD 4______, le département a ordonné la remise en état de la parcelle, dans un délai de trente jours, dans le cadre de l'infraction I/3______.

L'évacuation de tous les containers devait être faite (no 1) ainsi que la démolition et l'évacuation des couverts situés derrière et devant le bâtiment no 669 (nos 2 et 4), l'évacuation du mobil-home (no 3) ainsi que l'évacuation de tous les objets « encombrants et nuisibles » sur la parcelle (no 5).

5) Par acte du 1er mars 2021, A______ et M. B______ ont recouru contre les deux décisions du département rendues en date du 27 janvier 2021 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI). La cause a été enregistrée sous le numéro de procédure A/780/2021.

Ils ont conclu à la nullité des deux décisions querellées, subsidiairement, à leur annulation et à la constatation que l'autorisation de construire était devenue sans objet.

Les deux décisions étaient gravement viciées dans la mesure où elles n'étaient fondées sur rien et ne faisaient aucun sens. La première, soit le refus d'autorisation de construire la citerne enterrée à gaz, était devenue depuis de longues années sans objet. La seconde, soit celle de remise en état, était prétendument fondée sur la première décision, alors même qu'elle n'avait pas de lien avec celle-ci. Il s'en suivait que des mesures administratives particulièrement incisives avaient été adoptées à leur encontre, sans aucune base légale ni justification à son appui.

La demande d'autorisation de construire DD 4______ n'était en aucun cas une demande de régularisation des installations litigieuses.

6) a. Le 19 mars 2021, le département a ordonné à M. B______ la remise en état de la parcelle et a infligé une amende administrative de CHF 500.- pour non-respect de l'ordre I-3______.

b. Par acte du 19 avril 2021 M. B______ et A______ ont déposé un recours contre cette décision auprès du TAPI qui l’a enregistré le sous le no de procédure A/1354/2021.

c. Par courrier du 21 juin 2021, le département a informé le TAPI qu'après avoir pris connaissance du recours dans le cadre de la procédure A/1354/2021, il avait, par décision du 21 juin 2021, révoqué sa décision du 19 mars 2021. Par conséquent, ladite cause pouvait être rayée du rôle.

d. Par courrier du 30 juin 2021, M. B______ et A______ ont pris acte de l'annulation de l'amende administrative et du fait que le recours devenait sans objet, en demandant d'être libérés de tout frais de justice et en concluant à l’allocation d’une indemnité.

e. Par jugement JTAPI/740/2021 du 22 juillet 2021, le TAPI a déclaré sans objet le recours déposé dans le cadre de la procédure A/1354/2021 contre la décision du 19 mars 2021, suite à la révocation de cette dernière par le département.

7) a. Par acte complémentaire du 16 avril 2021, M. B______ et A______ ont complété leur recours dans le cadre de la procédure A/780/2021. Persistant dans leurs conclusions et argumentation, ils sollicitaient, en tant que besoin, leur audition personnelle.

Sur le fond, ils précisaient que le dossier transmis par le département avait exclusivement trait à la demande d'autorisation de construire de la citerne, demande désormais devenue sans objet, puisqu'ils avaient renoncé à ce projet.

b. Le 3 mai 2021, le département a répondu au recours concluant à son rejet et à la confirmation de la décision quant à l'infraction I/3______.

S'agissant de la prétendue nullité des décisions querellées, il relevait que c'était par erreur que la décision de refus d'autorisation de construire DD 4______ faisait référence à la régularisation de l'infraction I/3______ et que la décision relative à l'infraction I/3______ faisait référence à la décision de refus d'autorisation DD 4______. Cependant, cela ne portait pas à conséquence, dans la mesure où les deux décisions étaient parfaitement fondées et indépendantes.

c. Par réplique du 30 juin 2021, M. B______ et A______ ont sollicité leur audition et un transport sur place afin d'attester qu'il n'y avait plus aucun objet illicite sur la parcelle, ainsi que l'audition de Monsieur F______, architecte en charge de l'étude et de la rédaction de leur demande de régularisation.

S'agissant de la décision de refus d'autorisation, en l'absence de lien entre les décisions, ils étaient prêts à retirer leur recours s'agissant du refus d'autorisation de construire exclusivement, l'autorisation de construire était devenue sans objet. Mais comme ils avaient été contraints d'interjeter recours contre cette décision compte tenu des erreurs manifestes et du manque de clarté du département, celui-ci devait être condamné aux frais et dépens d'instance. Ils concluaient donc désormais à ce que leur recours, en tant qu'il portait sur la décision de refus d'autorisation de construire DD 4______, soit déclaré sans objet et à ce que les frais et dépens y afférents soient mis à la charge de l'autorité intimée.

S'agissant de la décision de démolition, évacuation et remise en état dans le cadre du dossier I/3______, ils maintenaient intégralement leur recours vu le jugement rendu dans la procédure A/1354/2021.

d. Après un second échange d’écritures, par jugement du 3 février 2022, le TAPI a déclaré sans objet le recours déposé contre la décision de refus d’autorisation de construire et rejeté celui déposé contre l’ordre de remise en conformité au droit (JTAPI/96/2022).

M. B______ et A______ avaient perdu en cours de procédure tout intérêt à contester la décision portant sur le refus d’autorisation puisqu’ils avaient déclaré avoir abandonné le projet de citerne enterrée. Le recours était donc devenu sans objet.

Le grief de nullité de la décision de remise en conformité au droit était écarté, même si les intéressés avaient depuis lors évacué les éléments litigieux, leur recours serait devenu sans objet.

Les constructions et installations litigieuses n’avaient fait l’objet d’aucune autorisation et l’examen d’une éventuelle prescription trentenaire n’était pas pertinent en l’absence d’élément étayant la réalisation de ces constructions et installations avant 1993, comme allégué.

Aucune promesse n’avait été faite par le département, au contraire puisqu’il était intervenu en 2010 et en 2016 à ce sujet.

L’ordre de remise en état était une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé, soit le maintien de la séparation entre zone à bâtir et non à bâtir. Le principe de proportionnalité avait été respecté, notamment par la renonciation du département à prononcer une amende administrative.

8) a. Le 7 mars 2022, M. B______ en son nom et pour le compte de A______, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 3 février 2022, concluant à son annulation ainsi qu’à celle de la décision de remise en état du 27 janvier 2021 dans le dossier I-3______.

Préalablement, ils concluaient à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé sur une demande régularisation formée le 19 février 2022, enregistrée sous DD 5______ portant sur la mise en conformité de deux couverts et de containers.

Le TAPI avait erré, les couverts nos 2 et 4 sur la décision avaient été autorisés par la DD 2______. Ils constituaient des constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI).

Les objets nos 1,3 et 5 avaient été retirés de la parcelle.

Les objets devaient bénéficier de la prescription trentenaire.

Des dépens auraient dû leur être octroyés pour la partie du litige relative au refus d’autorisation de construire devenu sans objet.

b. Le 21 mars 2022, le département a indiqué ne pas être opposé à la suspension demandée.

c. Par décision du 25 mars 2022, la chambre administrative a suspendu la procédure.

d. Le 5 septembre 2022, le département a demandé la reprise de la procédure, une décision ayant été rendu dans le cadre de la demande de régularisation. Le 24 août 2022. La requête DD 5______ portant sur la mise en conformité de deux couverts et des containers avait été refusée.

9) Le 13 octobre 2022, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours, répondant point par point aux griefs des recourants. La preuve photographique de l’élimination des objets litigieux sur la parcelle n’avait pas été faite.

10) Le 21 décembre 2022, les recourants ont répliqué.

Les objets nos 2 et 4 de la décision querellée avaient été dûment autorisés et les objets nos 1, 3 et 5 ne se trouvaient plus sur la parcelle.

Les couverts (nos 2 et 4) avaient été autorisés par la DD 2______ de 1993, ils servaient à stocker du bois et étaient situés derrière et devant le bâtiment.

Une photographie du 19 décembre 2022 était produite, laquelle attestait que les objets nos 1,3 et 5 ne se trouvaient plus sur la parcelle à l’endroit où figuraient à l’époque le mobil-home, les containers et le dépôt d’objets. En cas de doute, un transport sur place devait être ordonné.

Le principe de proportionnalité avait été violé par le délai de trente jours pour la remise en état de la parcelle, alors que le département avait attendu plus de cinq ans pour demander des renseignements, à deux reprises. Ils n’avaient donc pas eu d’autre choix que de former un recours à l’encontre des deux décisions et le TAPI aurait dû les annuler. Les deux décisions n’étaient pas claires à l’époque, juridiquement fausses et pour sauvegarder leurs droits, ils avaient dû recourir. Des dépens auraient dû leur être octroyés par le TAPI.

11) La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Devant la chambre de céans, seule reste litigieuse la conformité au droit de la décision de remise en état de la parcelle no 1'507 rendue le 27 janvier 2021 par le département et confirmée par jugement du TAPI du 3 février 2022. La décision de refus d’autorisation de construire DD 4______, déclarée sans objet par le jugement du TAPI n’est plus remise en cause par les recourants.

a. Sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

L'autorisation est délivrée notamment si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et al. 2 let. a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

b. Sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment : les maisons destinées à l’habitation, au commerce, à l’industrie ou à l’agriculture (let. a), les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, chenils (let. b), les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c), les ascenseurs et monte-charges, les installations de chauffage, de distribution d’eau, de gaz ou d’électricité et les antennes électromagnétiques (let. d), les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e) et les installations de stockage d’hydrocarbures et liquides assimilés (let. f ; art. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3 ; ATF 119 Ib 222 consid. 3a). La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux diverses réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, cet aménagement entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 6.1).

3) a. Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel. Il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_176/2016 du 10 mai 2017 consid. 7.1 et 1C_109/2014 du 4 mars 2015 consid. 6.5 ; Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 1 et 16 ad remarques préliminaires relatives aux art. 24 à 24e et 37a LAT). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c publié in ZBl 2002 p. 364). S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 précité consid. 6c in ZBl 2002 p. 364) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3). C'est pourquoi, en règle générale, les constructions érigées sans droit en zone agricole doivent être supprimées, à moins que – à titre exceptionnel – l'écart constaté par rapport à ce qu'admet le droit se révèle mineur et qu'une remise en état ne soit pas dans l'intérêt public. La jurisprudence réserve encore les situations dans lesquelles le bénéficiaire de l'autorisation de construire frappée de nullité pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_508/2018 du 15 juillet 2019 consid. 2.1 ; ATF 136 II 359 consid. 6 ; 132 II 21 consid. 6).

b. Depuis l’arrêt du Tribunal fédéral précisant que la prescription trentenaire ne s'applique pas hors de la zone à bâtir (ATF 147 II 309), quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour un ordre de remise en état à savoir :

- 1° l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- 2° les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- 3° l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- 4° l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c et les références citées).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une – ou plusieurs – autres mesures administratives pourraient être préférées, le cas échéant en combinaison.

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, p. 218).

Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l'ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4).

4) En l’espèce, les recourants estiment que les couverts situés à l’avant et à l’arrière du bâtiment, relevés sous nos 2 et 4 dans la décision litigieuse, auraient été autorisés par la DD 2______ délivrée en 1993 en tant que couverts pour stocker du bois, ce que le TAPI avait ignoré.

Or, à l’examen du plan no 1 visé ne varietur le 13 décembre 1993 figurant dans le dossier de l’autorisation DD 2______, il appert que le stockage de bois était prévu sur deux côtés de la parcelle triangulaire, sur une largeur de 2 m à 50 cm de la route et du bord de la parcelle, sur une hauteur maximale de 3 m recouvert de tôles ondulées amovibles.

Dans le dossier d’infraction no 3______ figurent des photos datées du 16 août 2010, sur lesquelles on peut voir plusieurs couverts ou abris, notamment un couvert en bois rempli de cartons, accolé au bâtiment, un autre métallique sis à côté d’un container et un couvert accolé au mobile home formé par une plaque de tôle ondulée. Une photo aérienne, accompagnant la décision du 27 janvier 2021, montre également deux toits accolés au bâtiment principal, no 2 et no 4. Ces constructions ou installations se distinguent clairement du stockage de bois, lequel est localisé notamment sur les bords de la parcelle, comme figurant sur le plan de l’autorisation. En outre, dans leurs observations au département faites en 2010, les recourants avaient exposé en détail l’utilisation d’un des deux couverts. Il découle de ces explications que la confusion avec les installations de stockage de bois autorisées le long des limites de la parcelle n’existait pas.

Finalement, en contradiction avec leur argumentation, les recourants ont déposé une demande d’autorisation de construire DD 5______ portant sur la mise en conformité de deux couverts et de containers, laquelle a toutefois été refusée.

Partant, l’argumentation des recourants ne peut être suivie sur ce point et leur grief doit être écarté.

5) Les recourants se prévalent également de la prescription trentenaire qui justifierait le maintien des constructions litigieuses.

Outre que cette prescription ne trouve pas application en zone agricole selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 147 II 309) régulièrement appliquée par la chambre de céans (ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 et les référence citées), les recourants ne démontrent pas que les objets litigieux auraient été construits il y a plus de trente ans.

En conséquence, leur grief sera écarté.

6) Les recourants qualifient les couverts de CDPI et estiment qu’à ce titre, ils n’auraient pas pu faire l’objet d’un ordre de remise en état.

Que cette qualification soit exacte ou non est sans importance en l’espèce. En effet, la LCI prévoit que les CDPI peuvent être autorisées par voie de procédure accélérée (art. 3 al. 7 LCI), cela ne les exonèrent à l’évidence pas de toute demande d’autorisation. Leur édification sans autorisation peut donc également donner lieu à un ordre de remise en état (art. 129 let. e et 130 LCI).

Le grief des recourants tombe donc à faux.

7) Les recourants arguent que le principe de proportionnalité aurait été violé par le délai de trente jours pour la remise en état de la parcelle.

Vu la nature des éléments de construction, d’installations ou des objets déposés sur la parcelle, un délai de trente jours apparaît tout à fait suffisant pour procéder à leur élimination en application de la décision litigieuse. Les recourants n’allèguent d’ailleurs aucune difficulté liée à ce délai qu’ils auraient rencontrée et ne se prévalent pas non plus d’une demande de prolongation du délai qui aurait été refusée par le département.

Le grief sera donc écarté.

8) S’agissant des objets restants, relevés dans le constat d’infraction, soit les containers (no 1), le mobil-home (no 3), les objets divers encombrants (no 5), les recourants allèguent qu’ils auraient été évacués de la parcelle. À titre de preuve, ils produisent une photographie, qui aurait été prise le 19 décembre 2022, laquelle montre une étendue de terre battue et des arbres. Ils relèvent également qu’un transport sur place viendrait confirmer ce fait.

Ce faisant, les recourants perdent de vue que l’objet du litige est un ordre de remise en état et que, même s’il devait être constaté qu’à fin 2022 cet ordre avait finalement été exécuté, sa conformité au droit ne serait pas remise en question. En effet, ils admettent ainsi avoir installé et déposé les objets litigieux, tels que constatés par le département dans la procédure d’infraction, puisqu’ils allèguent les avoir enlevés de la parcelle depuis lors.

Leur grief sera donc écarté.

9) Les recourants estiment qu’en tolérant pendant de longues années, et à deux reprises, les installations et constructions objets de la décision, la condition de la bonne foi nécessaire à la conformité au droit d’un ordre de remise en état ne serait pas remplie.

Cet argument tombe à faux dans la mesure où, comme l’admettent les recourants, si l’illégalité des constructions et installations a été constatée à deux reprises par le département, celui-ci ne leur a toutefois jamais donné aucune indication, et ceux-ci ne le prétendent pas non plus, qui leur aurait permis de croire que l’état de la parcelle était devenu conforme au droit par l’écoulement du temps.

10) Finalement, les recourants estiment que c’est à tort que le TAPI ne leur a pas octroyé de dépens en lien avec le recours contre le refus d’autorisation de construire qu’ils auraient été obligés de déposer en raison d’une confusion existant entre les deux décisions, celle de refus d’autorisation de construire et celle de remise en état.

Or, si une petite confusion pouvait être créée par l’intitulé des décisions, mentionnant les deux procédures, le contenu des décisions était tout à fait clair. D’ailleurs, les recourants ayant déposé une demande d’autorisation, ils ne pouvaient ignorer, sans mauvaise foi, que le refus d’autorisation concernait cette demande. De plus, ils ont de leur propre aveu abandonné le projet qui faisait l’objet de la demande et le recours contre le refus d’autorisation n’apparaît dès lors pas nécessaire.

Le jugement du TAPI devra également être confirmé sur ce point.

Vu ce qui précède, le recours, entièrement infondé, sera rejeté.

11) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2022 par Monsieur B______ et A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Monsieur B______ et A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gabus, avocat des recourants, au département du territoire - OAC, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Mascotto, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :