Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/4221/2024

JTAPI/1299/2024 du 27.12.2024 ( MC ) , ADMIS

REJETE par ATA/75/2025

Descripteurs : PROLONGATION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.75.al1.leth; LEI.75.al1.letf; LEI.79.al1; LEI.83.al4; LEI.83.al6
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4221/2024 MC

JTAPI/1299/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 décembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Betsalel ASSOULINE, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1976, est ressortissant de Tunisie.

2.             Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 3 août 2023, notifiée à l'intéressé à la prison de Champ-Dollon le 4 août 2023, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______.

3.             Le 29 août 2023, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d'entrée en Suisse à l'encontre de l'intéressé, valable pour une durée de trois ans dès sa date de départ de Suisse, valablement notifiée.

4.             Par jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2023 (ci-après : le tribunal), le recours interjeté par M. A______, le 8 août 2023, contre la décision de renvoi de l'OCPM du 3 août 2021______ a été déclaré irrecevable.

5.             Il a été condamné à sept reprises sur territoire suisse, notamment 21 février 2024, par le Ministère public genevois, pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)).

6.             Le 24 mai 2024, une demande de soutien en vue de l'identification de l'intéressé a été effectuée. M. A______ a été reconnu par les autorités tunisiennes le 11 septembre 2024.

7.             Le 18 septembre 2024,il a été écroué à la prison de Champ-Dollon.

8.             Un vol en sa faveur, à destination de la Tunisie, a été réservé pour le 9 décembre 2024.

9.             Le 12 novembre 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois et l'a soumis au tribunal.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Tunisie.

10.         Par jugement du 15 novembre 2024 (JTAPI/1137/2024), le tribunal a confirmé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

11.         Le 19 novembre 2024, M. A______ a déposé une demande d'asile auprès du SEM.

12.         Le 3 décembre 2024, le SEM a informé les autorités genevoises que le vol prévu le 9 décembre 2024 devait être annulé car à l'heure actuelle, l'ambassade d'Algérie n'émettait plus de laissez-passer pour les non-volontaires.

13.         Le 6 décembre 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 26 novembre 2024 par M. A______ contre ce jugement.

Le recourant n’avait rendu vraisemblable ni son homosexualité ni un risque concret qu’il pourrait courir à son retour en Tunisie du fait de son homosexualité ni que son état de santé rendait son renvoi impossible ou inexigible.

14.         Par requête du 19 décembre 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois. Il demeurait dans l'attente de l'issue de la procédure d'asile déposée par l'intéressé.

15.         Lors de l'audience de ce jour devant le tribunal, le représentant de l'OCPM a indiqué que s'agissant du fait que l'ambassade de délivrerait plus de laissez-passer aux non-volontaires, il ne s'agissait pas d'une décision définitive. Cela n'existait pas dans l'accord de réadmission et le SEM allait réexaminer cette question une fois la demande d'asile de M. A______ traitée. C'était le premier cas qu'ils avaient à Genève. Ils avaient entendu parler d'un autre cas similaire dans un autre canton mais n'en avaient pas eu la confirmation. Peut-être s'agissait-il du fait que l'ambassadeur de Tunisie avait changé. L'OCPM avait demandé une prolongation de six mois car il estimait ce temps nécessaire pour que la demande d'asile soit traitée. Une fois cela fait, il allait à nouveau entamer les démarches pour l'émission d'un laissez-passer. Pour la demande d'asile, le temps nécessaire à son instruction et à une décision de première instance dépendait des preuves fournies par le requérant. Cela prenait généralement un minimum d'un mois.

M. A______ a indiqué être arrivé en Suisse en 1996. Ensuite, il était parti en Italie où il était resté 27 ans. Il était revenu en Suisse à la fin de l'année 2021. Il était venu voir ses deux sœurs qui vivaient à Genève. Il dormait chez elles. C'était également elles qui le nourrissaient. Il n'avait jamais volé pour manger ni cassé quoi que ce soit. Il sortait toujours bien habillé. Il n'était pas tout seul ici. Il avait des enfants en Italie. Ils avaient 25 et 15 ans. Il n'était pas d'accord de retourner en Tunisie. Il refusait de faire les démarches pour obtenir son passeport auprès de l'ambassade de Tunisie. Il avait déposé une demande d'asile car il avait déjà tout perdu à cause de son homosexualité, notamment son épouse. À cause de cela, il ne pouvait pas retourner en Tunisie car l'homosexualité y était interdite. Il avait également des problèmes d'addiction. S'il avait déposé seulement maintenant sa demande d'asile, c'était "comme ça", peut-être car c'était la première fois qu'il était enfermé. Il souhaitait être remis en liberté. S'il était libéré ce jour, il irait chez sa sœur. Sa première sœur habitait au 1______ B______ et la deuxième au 2______ C______, à D______. Sa détention à Favra, c'était l'enfer. Il était rejeté. C'était comme s'il était en Tunisie car le 99% des gens là-bas étaient des arabes qui le rejetaient à cause de son homosexualité. Il a transmis un texte au tribunal expliquant les raisons pour lesquelles il ne voulait pas retourner en Tunisie. Selon ce texte, il avait déposé une demande d'asile en raison des graves risques de persécution, de torture et d'emprisonnement s'il devait être renvoyé en Tunisie. Il n'avait jamais commis de crime en Suisse, même le vol.

Le représentant de l'OCPM a indiqué, sur question du conseil de M. A______, que s'ils ne prévoyaient pas de vol spécial pour ce dernier, c'était car le laissez-passer avait été bloqué pour l'instant. Il a plaidé et conclu à la confirmation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu principalement, à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à son assignation territoriale, encore plus subsidiairement à ce que la durée de sa détention administrative s'élève à maximum deux mois.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr.

2.             En l'occurrence, le 19 décembre 2024, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

4.             L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, LEI, renvoyant à l'art 75 al. 1 let. h de cette même loi, dispose qu'une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé et que celui-ci a été condamné pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

5.             Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

6.             Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

7.             Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

8.             Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16  juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

9.             L’art. 75 al. 1 let. f LEI prévoit enfin que l’autorité cantonale compétente peut ordonner la détention d’une personne qui n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement, si elle séjourne illégalement en Suisse et dépose une demande d’asile dans le but manifeste d’empêcher l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion ; tel peut être le cas notamment lorsque le dépôt de la demande d’asile aurait été possible et raisonnablement exigible auparavant et que la demande est déposée en relation chronologique étroite avec une mesure de détention, une procédure pénale, l’exécution d’une peine ou la promulgation d’une décision de renvoi.

10.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

11.         Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

12.         La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

13.         L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018 ; ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/257/2012 du 2 mai 2012).

14.         L'art. 80 al. 6 let. a LEI précité prévoit que la détention est levée notamment lorsque l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Ces raisons doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22  août 2019 consid. 5.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités). Tel est par exemple le cas d'un détenu présentant des atteintes à sa santé si importantes qu'elles rendent impossible son transport pendant une longue période (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 3.1 ; 2C_490/2012 du 11 juin 2012 consid. 5.3.1 ; 2C_952/2011 du 19 décembre 2011 consid. 4.1). L'exécution du refoulement n'est en outre pas possible lorsque celui-ci se heurte à des obstacles objectifs et durables d'ordre technique (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.5 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 8c ; ATA/738/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10 ; ATA/705/2013 du 25  octobre 2013 consid. 8 ; ATA/88/2013 du 18 février 2013 consid. 10).

15.         Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (cf. ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 3.1). L'art. 83 al. 4 LEI s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. not. ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; ATAF 2010/41 consid 8.3.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24  mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

16.         S'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence une fois de retour dans leur pays d'origine ou de provenance. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d). L'accès à des soins essentiels est assuré dans le pays de destination s'il existe des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d'origine - sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse. En particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats (cf.  arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6559/2018 du 3 octobre 2019 consid. 3.6 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c).

17.         De jurisprudence constante, en matière de mesures de contrainte, la procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi ou d'expulsion (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_932/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.2 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2). Les objections y relatives doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si cette décision apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, étant donné que l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_383/2017 du 26 avril 2017 consid. 3 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7 ; 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3).

18.         En l'espèce, M. A______ a fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse et a été condamné pour vol, infraction constitutive de crime. Par ailleurs, il apparaît que sa demande d'asile n'est dictée que dans le but d'empêcher son renvoi, d'autant qu'elle n'a été déposée que très récemment et ce, après le placement en détention de l'intéressé. Dès lors, les conditions de la détention administrative de M. A______ sont réalisées.

19.         Selon lui, son renvoi serait impossible en raison des risques qu'il encourrait pour sa vie ou son intégrité en cas de retour en Tunisie, en raison de son homosexualité et du fait qu'il n'est pas possible de lui délivrer un laissez-passer.

20.         Selon l’art. 83 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4). L’admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales (al. 6).

21.         À teneur de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, la détention est levée si le motif de la détention n'existe plus ou l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, une telle impossibilité supposant en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas sur une base volontaire quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6668/2012 du 22 août 2013 consid. 6.7.1).

22.         En l'espèce et comme l'ont déjà jugé le tribunal et la chambre administrative, M. A______ n’a pas rendu vraisemblable son homosexualité ni un risque concret qu’il pourrait courir à son retour en Tunisie du fait de son homosexualité. En l'absence d'éléments nouveaux depuis le prononcé de ces décisions, il n'y a pas lieu de revenir sur ce constat, les circonstances n'ayant pas changé entre temps.

S'agissant de l'impossibilité de retourner en Tunisie vu l'absence de délivrance de laissez-passer, le tribunal retiendra que les démarches en vue du renvoi de M. A______ sont bloquées par le dépôt de sa demande d'asile et non pas car il ne peut pas obtenir de laissez-passer. C'est donc à juste titre que les autorités genevoises attendent l'issue de la procédure d'asile pour entamer de nouvelles démarches en vue de l'obtention d'un tel laissez-passer. C'est à ce moment-là que le SEM interviendra auprès de l'Ambassade de Tunisie si d'aventure celui-ci refuse d'octroyer le laissez-passer au motif que M. A______ n'est pas volontaire pour retourner dans son pays d'origine et ce, alors que l'accord de coopération du 11 juin 2012 en matière de migration entre la Confédération suisse et la République tunisienne (RS 0.142.117.589) ne prévoit pas un tel critère.  Pour le surplus, dès lors que l'intéressé peut, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre la Tunisie, l’argument est infondé.

Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

23.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

24.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

25.         Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

26.         En l'espèce, M. A______ a suffisamment exprimé sa ferme opposition à son renvoi en Tunisie pour que sa détention apparaisse comme le seul moyen apte à permettre l'exécution de son renvoi, toute mesure moins incisive ne pouvant que favoriser sa disparition dans la clandestinité. Il existe en outre un fort intérêt public à son renvoi, qui justifie une privation de liberté. Enfin, les autorités ont respecté leur devoir de diligence ayant entrepris les démarches nécessaires au renvoi de l'intéressé sans tarder.

27.         Quant à la durée de la détention, le tribunal ne saurait sans autre en admettre une prolongation pour une durée de six mois. En effet, la procédure d'asile devrait être traitée rapidement et en l'état, le tribunal n'a pas d'informations sur les raisons spécifiques du refus des autorités tunisiennes de délivrer un laissez-passer à des non-volontaires. Ainsi, on ignore combien de temps les autorités tunisiennes seraient susceptibles de continuer à refuser un laissez-passer à M. A______ et pour quels motifs. Un nouveau contrôle de la détention administrative doit pouvoir être effectué à moyenne échéance sur la base d'informations complètes, de sorte que la prolongation de la détention ne sera ordonnée que pour trois mois supplémentaires.

28.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise mais pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 11 avril 2025 inclus.

29.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 19 décembre 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______, mais pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 11 avril 2025 inclus ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

 

 

Genève, le

 

La greffière