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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1146/2011

ATA/295/2011 du 12.05.2011 sur JTAPI/336/2011 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1146/2011-MC ATA/295/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mai 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur R______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 avril 2011 (JTAPI/336/2011)


EN FAIT

1. Monsieur R______, né le ______ 1981, originaire d’Algérie, également connu sous l’alias de S______, né le ______ 1984, originaire du Maroc, a été condamné à huit reprises par les autorités pénales genevoises, à savoir :

- par ordonnance de condamnation (ci-après : OC) du juge d'instruction du 9 avril 2008, pour vol, à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, avec sursis (délai d'épreuve de deux ans) ;

- par OC du juge d'instruction du 20 mai 2008, pour vol, à une peine privative de liberté de quatre mois ;

- par OC du juge d'instruction du 13 août 2008, pour vol et infraction à l'art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), à une peine privative de liberté de nonante jours ;

- par OC du juge d'instruction du 24 février 2009 pour vol et infraction à l'art. 115 LEtr, à une peine privative de liberté de nonante jours ;

- par OC du juge d'instruction du 11 juin 2009, pour vol et infraction à l'art. 115 LEtr, à une peine privative de liberté de quatre mois ;

- par OC du juge d'instruction du 6 janvier 2010, pour infraction aux art. 19 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et 115 LEtr, à une peine privative de liberté de deux mois ;

- par OC du juge d'instruction du 11 mars 2010, pour vol et infraction à l'art. 115 LEtr, à une peine privative de liberté de cinq mois ;

- par jugement du Tribunal de police du 24 septembre 2010, pour vol et infraction à l'art. 115 LEtr, à une peine privative de liberté de huit mois.

2. Le 21 avril 2008, la police judiciaire genevoise a adressé à l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) une demande de soutien en vue de l’exécution du renvoi de M. R______.

3. Le 24 août 2008, l’ODM a prononcé à l’encontre de l’intéressé une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IE) valable jusqu’au 2 septembre 2013, notifiée à l’intéressé le 8 novembre 2008. Cette décision reposait sur l’art. 67 al. 1 let. a LEtr, aux termes duquel l’entrée en Suisse peut être interdite à un étranger qui a attenté de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, ou les a mis en danger.

4. Le 19 janvier 2009, l’ODM a transmis à la police judiciaire genevoise la réponse des autorités algériennes du 8 décembre 2008 selon laquelle l’intéressé était bien Morad R______, né le ______ 1981, ressortissant algérien. Un laissez-passer pouvait être établi en vue du renvoi de celui-là en Algérie, pour autant que les modalités de vol auprès de SwissREPAT soient annoncées quatre semaines à l’avance.

5. Le 20 mars 2009, l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) a signifié à M. R______, alors détenu à la prison de Champ-Dollon, une décision de renvoi de Suisse, exécutoire nonobstant recours, en application de l’art. 64 LEtr.

6. Après avoir purgé la dernière peine de huit mois à laquelle il avait été condamné le 24 septembre 2010, M. R______ a été libéré le 18 avril 2011 et remis en mains des services de police. Le même jour à 9h15, le commissaire de police a prononcé un ordre de mise en détention administrative pour une durée d’un mois.

7. Un vol à destination d’Alger en vue du refoulement de l’intéressé a été réservé sur Air Algérie pour le 28 avril 2011 à 15h au départ de Genève.

8. Entendu le 21 avril 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. R______ a déclaré s’opposer à son retour en Algérie, les conditions de vie y étant très difficiles. Il regrettait les infractions pénales qu’il avait commises dans le seul but d’assurer son existence. Le représentant de l’OCP a déclaré qu’un vol avait été réservé pour le 18 avril 2011. Cette date avait dû être repoussée au 28 avril 2011 pour permettre l’obtention d’un laissez-passer. Compte tenu de l’opposition d’ores et déjà manifestée par M. R______, l’OCP envisageait de requérir une détention pour insoumission au sens de l’art. 78 LEtr s’il s’avérait impossible d’organiser un vol spécial.

Le conseil de M. R______ s’en est rapporté à justice tant sur le principe de la détention administrative que sur la durée de celle-ci.

9. Par jugement du 21 avril 2011, notifié le même jour, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 17 mai 2011. D’une part, M. R______ avait été condamné pour vol, soit pour crime, au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h LEtr. D’autre part, M. R______ ayant clairement indiqué qu’il refuserait de retourner en Algérie, il existait des éléments concrets faisant craindre qu’il ne se soustraie au renvoi et ne se soumette pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr).

Après avoir relevé que le délai de nonante-six heures prévu par l’art. 80 al. 2 LEtr avait été respecté par l’autorité judiciaire, le TAPI a constaté que M. R______ faisait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire, de même que d’une IE en Suisse valable jusqu’au 2 septembre 2013 et enfin qu’il avait été condamné à huit reprises, dont sept pour vol, soit pour crime au sens des art. 10 al. 2 et 139 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Les conditions d’une mise en détention administrative étaient ainsi remplies.

Par ailleurs, les autorités avaient fait preuve de toute la diligence requise, un vol ayant d’ores et déjà été réservé pour le 28 avril 2011 au départ de Genève et un laissez-passer devant être délivré d’ici là.

La détention était ainsi non seulement légale, mais conforme au principe de proportionnalité.

10. Par pli posté le 2 mai 2011, M. R______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant principalement à son annulation et à sa mise en liberté immédiate. Le 28 avril 2011, il avait refusé de se rendre à l’aéroport. Il était conscient qu’il n’avait pas le droit de séjourner en Suisse mais il s’engageait à quitter le territoire de ce pays pour se rendre en France, où il avait de la famille.

En application de l’art. 80 al. 6 LEtr, la détention devait être levée car l’exécution du renvoi était impossible. Il était notoire que les autorités algériennes n’acceptaient pas que leurs ressortissants soient renvoyés de force. M. R______ s’opposant à son renvoi, celui-ci ne pouvait avoir lieu.

Le TAPI avait retenu à tort qu’il avait été condamné pour crime. Or, aucune peine de réclusion n’avait jamais été prononcée à son encontre, de sorte qu’il avait été condamné pour des délits seulement.

Le TAPI avait ainsi violé l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr. Enfin, puisque l’OCP avait évoqué la détention pour insoumission, il alléguait que son placement en détention n’aurait pas pour effet de garantir qu’il quitte effectivement la Suisse, son renvoi forcé n’étant pas possible, et qu’une telle détention n’aurait même, en pratique, aucun effet sur son renvoi. Partant, la mesure était disproportionnée. Les conditions d’application de l’art. 78 LEtr n’étant pas remplies, il devait être libéré.

11. Le TAPI a produit son dossier, qui a été réceptionné par la chambre de céans le 4 mai 2011.

12. Le 9 mai 2011, l’officier de police s’est opposé au recours. L’impossibilité du renvoi devait être objectivement fondée et ne pas dépendre du propre comportement de l’intéressé.

Quant à la condamnation pour crime, elle reposait sur le fait que M. R______ avait été condamné à réitérées reprises pour des vols, qualifiés de crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP.

Le jugement attaqué ne portait pas sur une détention pour insoumission, de sorte que l’argumentation du recourant relative à cette éventualité était prématurée.

Par ailleurs, l’officier de police faisait siens les considérants du jugement du TAPI.

13. Ces observations ont été transmises au recourant pour information avec la mention que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté le 2 mai 2011 auprès de la chambre administrative, le recours dirigé contre le jugement rendu le 21 avril 2011 par le TAPI, notifié le même jour en mains propres, est recevable (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine, intervenue le 3 mai 2011. En prononçant le présent arrêt ce jour, elle respecte ce délai.

3. La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi peut être mis en détention administrative aux conditions de l’art. 76 al. 1 let. a ou b LEtr si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer, au sens de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31 - art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr). Ces dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition. Ces deux éléments doivent donc être envisagés ensemble (Arrêt du Tribunal fédéral du 30 mars 2009 2C.128/2009, consid. 3.1).

Un risque de fuite existe lorsque l’étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu’il tente d’entraver les démarches en vue de l’exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires, ou encore lorsqu’il laisse clairement apparaître qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine (ATF 130 II 56 consid. 3.1, et jurisprudence citée). Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prête son concours à l’exécution du renvoi, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera ainsi son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies. Dans ce cas, le juge de la détention dispose d’une certaine marge d’appréciation (Arrêt du Tribunal fédéral 2C.400/2009 du 16 juillet 2009, consid. 3.1).

En outre, un étranger faisant l'objet d'une décision de renvoi peut être placé en détention administrative en vue de l’exécution de celle-ci, si les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b LEtr sont réalisées, notamment s'il a été condamné pour crime (art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr qui renvoie à l’art. 75 al. 1 let. h LEtr).

En l’espèce, le TAPI a considéré que toutes les conditions rappelées ci-dessus étaient remplies, ce que le recourant conteste. Or, non seulement ce dernier fait l’objet d’une IE en Suisse valable jusqu’en 2013, mais son renvoi de Suisse a également été ordonné. De plus, il a été condamné à huit reprises pour avoir commis des vols, ce qui constitue un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP, la peine-menace prévue par l’art. 139 ch. 1 CP étant une peine privative de liberté de cinq ans au plus, soit une peine supérieure à trois ans. Le recourant n’a certes jamais été condamné à une peine de réclusion, cette dernière ayant d’ailleurs été supprimée dès le 1er janvier 2007, date de l’entrée en vigueur du nouveau CP.

5. Il est établi et non contesté que le recourant s’est opposé à son renvoi organisé le 28 avril 2011 sur un vol de ligne à destination de l’Algérie, puisque ce jour-ci il a refusé de sortir de sa cellule à Frambois. Il avait d’ailleurs déclaré le 21 avril 2011 lors de l’audience de comparution personnelle des parties devant le TAPI qu’il s’opposerait à une telle mesure. Ce comportement suffit à constater que le recourant n’a pas respecté son obligation de collaboration au sens de l’art. 90 LEtr et qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr).

6. Au motif que les autorités algériennes n’accepteraient pas que leurs ressortissants fassent l’objet de renvois forcés, le recourant plaide sa mise en liberté immédiate, le renvoi étant impossible au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, lequel renvoie à l’art. 83 al. 1 à 4 LEtr. Or, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour un mois, ce délai venant à échéance le 17 mai 2011 et rien n’empêche les autorités de tenter une nouvelle fois d’ici là un renvoi volontaire. Au-delà de cette date, la possibilité a d’ores et déjà été évoquée par le représentant de l’OCP de prononcer une décision pour insoumission au sens de l’art. 78 al. 1 LEtr, mais tel n’est pas le cas à ce jour.

7. Le seul refus du recourant ne saurait suffire à rendre matériellement impossible son renvoi, ce d’autant qu’il a été reconnu par les autorités algériennes comme étant un ressortissant de ce pays et qu’il sera prochainement au bénéfice d’un laissez-passer, les autorités algériennes ayant accepté de délivrer un tel document. Les obstacles au renvoi de l’intéressé résultent de son refus de coopérer, si bien que le recourant, du moment où un renvoi reste possible sur une base volontaire, ne peut se prévaloir de ces restrictions pour obtenir sa libération (ATA/98/2010 du 16 février 2010). Il n’allègue d’ailleurs pas que son renvoi serait impossible au motif qu’il risquerait d’être poursuivi ou maltraité dans son pays d’origine.

8. La durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l’art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). En l’occurrence, le recourant est détenu administrativement depuis le 18 avril 2011. Cette détention n’a été prolongée que jusqu’au 17 mai 2011 et durant ce laps de temps, une tentative de renvoi a d’ores et déjà eu lieu. Les autorités ont ainsi fait toute diligence comme elles y sont tenues et la durée de cette détention est proportionnée aux circonstances.

9. En conséquence, le recours sera rejeté. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2011 par Monsieur R______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 avril 2011 ;

 

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, à l'officier de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population, à l'office fédéral des migrations ainsi qu'à l'établissement Frambois LMC .

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :