Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2159/2023

JTAPI/1404/2023 du 18.12.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;RESPECT DE LA VIE PRIVÉE;FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LEI.30.al1.letb; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2159/2023

JTAPI/1404/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 décembre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par le Centre social protestant, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1971, est ressortissant kosovar.

2.             Par courrier du 6 février 2018, Monsieur B______, de nationalité suisse et domicilié à Genève, a sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d’un visa de visite en faveur de son cousin, M. A______.

Plusieurs documents étaient joints à cette demande, notamment :

-          une « Declaration on joint household » établie le 27 février 2018 par les autorités kosovares, à teneur de laquelle M. A______ faisait ménage commun au Kosovo avec son père et ses trois enfants, nés respectivement les ______ 2001, ______ 2003 et ______ 2008 ;

-          deux visas Schengen délivrés par l’ambassade suisse à C______ (Kosovo) valables du 28 mars au 10 mai 2017 et du 5 août 2017 au 4 février 2018 portant cinq tampons d’arrivée à Genève pour le premier et deux pour le second ;

-          un « Certificate of registration » au Kosovo de la société « D______. » appartenant à M. A______ établi par les autorités kosovares le 30 janvier 2014 et

-          un extrait de compte bancaire au nom du précité avec une adresse au Kosovo auprès d’une banque située dans ce pays faisant état de mouvements entre juillet 2017 et mars 2018.

La même demande de visa a été déposée le 27 mars 2018 par M. A______ auprès de l’ambassade de Suisse au Kosovo, indiquant notamment C______ comme lieu de signature, une confirmation de rendez-vous du précité auprès de cette ambassade à cette même date étant également jointe.

3.             Par courrier du 14 novembre 2018, M. A______ a déposé auprès de l’OCPM, sous la plume du CENTRE SOCIAL PROTESTANT, une demande de régularisation de ses conditions de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, en application du programme « Papyrus ». À teneur du formulaire y relatif, il était arrivé en Suisse en 2007.

Étaient notamment joints :

-          dix tickets de paiements de restaurant en faveur de E______ Sàrl - société active dans le domaine de la restauration dont la procédure de faillite a été clôturée le 30 juin 2011 – datés du 8 décembre 2007 au 10 octobre 2009 indiquant son nom en qualité de vendeur ;

-          quatre factures portant un tampon « F______ » et une en-tête au nom d’G______ (transports et déménagements) à l’attention de « A______ GENEVE » établies entre le 5 octobre 2008 et le 18 septembre 2011 ;

-          huit tickets de paiement de restaurant en faveur de H______ Sàrl - société radiée, suite à sa liquidation, le 12 juin 2013 - mentionnant le nom de M. A______ en tant que vendeur établis du 20 mars 2010 au 24 septembre 2011 ;

-          une facture de I______ SA du 8 juin 2018 adressée à M. A______ à une adresse à Genève ;

-          un extrait de compte individuel AVS à son nom non daté faisant état de cotisations pour les années entières 2012 (CHF 504.-), 2013 (CHF 1'512.-) et 2014 (CHF 1'764.-), de février à décembre 2015 (CHF 3’290.-), de février à novembre 2016 (CHF 1'000.-) et de février à novembre 2017 (CHF 1'200.-) ;

-          un formulaire daté du 31 octobre 2018 selon lequel il œuvrait au sein de J______ en qualité de déménageur depuis le 1er novembre 2018 moyennant un salaire mensuel brut de CHF 2'250.- pour vingt-deux heures hebdomadaires de travail et le formulaire M de demande de prise d’emploi y relatif du 15 octobre 2018 ;

-          un extrait du registre des poursuites établi le 12 septembre 2018 par l’office des poursuites (ci-après : OP) à teneur duquel il ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens, une attestation de l’Hospice général de la même date indiquant qu’il n’émargeait pas à l’aide sociale, un extrait de son casier judiciaire vierge du 1er mai 2018 et une attestation de réussite de l’examen de français de niveau A2 du 28 mai 2018 ;

-          une décision de la Caisse suisse de compensation du 26 mai 2011 de remboursement des cotisations AVS-AI payées par M. A______ pour les années 1995 à 2000, pour un montant total de CHF 8'321.- en sa faveur auprès d’une banque au Kosovo.

4.             Le 21 janvier 2019, l’OCPM a délivré à M. A______ l’autorisation de travail provisoire requise le 15 octobre 2018.

5.             M. A______ a sollicité la délivrance de visas de retour auprès de l’OCPM le 15 avril 2019 pour se rendre en Europe et pour aller au Kosovo voir sa famille les : 20 août 2019, 11 décembre 2019, 10 février 2020, 8 décembre 2020 (pour y effectuer également un contrôle suite à une intervention médicale qu’il y avait subie en mars 2020), 17 février 2021, 8 juillet 2021, 8 octobre 2021 et 1er janvier 2022.

6.             Suite à une requête de l’OCPM, M. A______ a produit, le 10 septembre 2019, notamment un « Emergency Certificate » établi à son nom par le département fédéral de justice et police le 18 janvier 2000 « in order to enable the above-mentioned person to return to Kosovo ».

7.             Par formulaire M du 30 octobre 2019, K______ Sàrl a sollicité auprès de l’OCPM l’autorisation d’employer M. A______ en qualité d’aide-monteur dès le 1er novembre 2019 moyennant un salaire mensuel brut de CHF 4'500.-.

Une déclaration de fin des rapports de service est parvenue à l’office précité le 11 novembre 2019 s’agissant de cet emploi.

8.             Par courrier du 11 décembre 2019, l’OCPM a informé M. A______ être disposé à transmettre son dossier au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) pour approbation, étant précisé que la décision d’octroi d’un titre de séjour en sa faveur était soumise à l’approbation de cette instance fédérale, dont la décision demeurait réservée.

9.             Par pli reçu par l’OCPM le 16 juin 2020, J______ a indiqué que M. A______ ne travaillait plus en son sein depuis le 31 mai 2020.

10.         Le 29 juin 2020, L______ Sàrl a sollicité auprès de l’OCPM l’autorisation d’employer M. A______ dès le 6 juillet 2020 en tant que manœuvre moyennant un salaire horaire de CHF 33.19.

11.         Le 18 novembre 2020, le SEM a retourné le dossier de M. A______ à l’OCPM pour nouvel examen de sa situation.

Les informations relatives à la situation professionnelle du précité n’avaient pas été actualisées, le dernier employeur de celui-ci, soit K______ Sàrl, ayant indiqué qu’il ne travaillait plus pour lui depuis le 14 novembre 2019. Les quittances de caisse de E______ Sàrl et H______ Sàrl de 2007 à 2011 étaient presque identiques, le numéro de vendeur était le même et l’intéressé avait effectué des statistiques similaires dans les deux entreprises, ce qui était étrange. De plus, d’après l’extrait de compte individuel AVS, les cotisations sociales pour 2012 à 2017 avaient été versées en faveur de l’intéressé durant les années complètes ou presque alors que le montant du revenu déclaré était très modeste, ce qui laissait à penser à des versements postérieurs effectués pour les besoins de la cause.

12.         Figure au dossier un extrait du compte individuel AVS de M. A______ du 12 mai 2022, sur lequel figurent, en sus des éléments déjà mentionnés dans le précédent extrait concernant les années 2012 à 2017, des cotisations de CHF 11'333.-pour 2017 (février à décembre), de CHF 11'200.- pour 2018 (février à août), de CHF 41'000.-pour 2019 (mars à décembre), de CHF 65'696.- pour 2020 (année entière) et de CHF 77'893.-pour 2021 (année entière).

13.         Le 22 octobre 2021, l’OCPM a dénoncé M. A______ auprès du Ministère public en raison de soupçons portant sur les décomptes de salaire établis par G______ - F______, E______ Sàrl et H______S Sàrl. Ces trois entreprises ne figuraient pas sur l’extrait AVS, la société de transport de M. F______ avait été créée le 8 mars 2012, alors qu’G______ n’existait pas selon le registre du commerce et que les fiches de salaires couvraient la période allant de 2008 à 2010.

14.         Entendu dans ce cadre par la police le 2 novembre 2022 en qualité de prévenu de faux dans les titres, de comportement frauduleux à l’égard des autorités et de séjour et travail illégaux en Suisse, M. A______ a notamment indiqué avoir épousé en 2019 Madame M______. Cette dernière, avec laquelle il avait eu trois enfants dont le dernier était encore mineur, vivait au Kosovo. Il était le seul à subvenir aux besoins de la famille et travaillait actuellement à temps plein comme manœuvre pour l’entreprise N______ en tant qu’intérimaire. Son revenu mensuel, variable selon le nombre d’heures travaillées, se montait à environ CHF 5'500.- et il était titulaire d’un bail à loyer à son nom dans le canton depuis 2020. Arrivé en Suisse pour la première fois en 1994 en tant que réfugié de guerre, il y était resté jusqu’en janvier 2000. Il était ensuite revenu sur le sol helvétique à une date dont il ne se souvenait pas, puis ensuite en 2007, après avoir effectué des allers-retours entre la Suisse et le Kosovo entre 2000 et 2007. L’un de ses frères et plusieurs de ses cousins vivaient sur le sol helvétique. Il avait toujours travaillé en Suisse depuis 1994 mais n’avait eu que des emplois irréguliers jusqu’en 2007. De 2007 à 2012 ou 2014, il avait travaillé comme serveur pour E______. Il avait également œuvré, de 2007 à 2013, sur appel, pour l’entreprise O______ qui appartenait à l’un de ses frères. Il avait également travaillé pour la société P______ de 2012 à 2015 de 2015 à 2017 pour J______, qui appartenait à l’un de ses cousins, et dans le domaine du jardinage, toujours sur appel.

L’entreprise D______ était bien inscrite à son nom au Kosovo depuis 2014 et était gérée par son frère. Il rentrait souvent dans son pays et s’il ne pouvait pas le faire c’était son frère qui la gérait. À la question de savoir pourquoi il restait en Suisse alors qu’il avait une entreprise au Kosovo, il a répondu avoir pensé que sa société fonctionnerait bien mais ce n’était pas le cas. Celle-ci était toujours active mais ne « tourn[ait] pas ». Au début, vu sa situation en Suisse, il pensait pouvoir retourner au Kosovo et vivre de son entreprise mais cela n’avait pas été le cas. Il avait déposé en 2011 une demande de remboursement des cotisations sociales car il avait besoin d’argent mais n’avoir toutefois jamais quitté définitivement la Suisse. Il était effectivement retourné au Kosovo mais avait fait des allers-retours entre ce pays et la Suisse. Il ignorait qu’un départ définitif de Suisse était la condition pour percevoir ce remboursement.

15.         Par ordonnance pénale du 5 décembre 2022, le Ministère public a condamné M. A______ pour séjour et exercice d’une activité lucrative illégaux à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 80.- l’unité avec sursis de trois ans.

Il a également rendu, à la même date, une ordonnance de non-entrée en matière partielle s’agissant des documents établis au nom d’G______, E______ Sàrl et H______ Sàrl, aucun élément litigieux n’ayant pu, après examen, être mis en évidence s’agissant de ces derniers.

16.         Par courrier du 20 janvier 2023, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser de transmettre son cas au SEM en vue de la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui a été imparti pour faire usage de son droit d’être entendu.

Sa situation, qui s’apparentait davantage à celle d’un travailleur saisonnier qu’à celle d’un travailleur clandestin, ne répondait pas aux critères de l’opération « Papyrus » ni à ceux du cas de rigueur, notamment s’agissant d’un séjour prouvé et continu de dix ans minimum. Les allers-retours qu’il admettait avoir effectués entre le Kosovo et la Suisse de 2000 à 2007 avaient en réalité duré bien plus longtemps, au vu des pièces fournies pour les années 2007 et 2011, qui ne justifiaient pas sa présence continue en Suisse. Son extrait de compte individuel ne faisait état de cotisations qu’entre 2012 et 2017, pour des montants inférieurs à un mois de travail par an. Il avait déposé plusieurs demandes de visas de visite auprès de la représentation suisse à C______ en février 2016, mars et juillet 2017 et mars 2018. À l’occasion de cette dernière requête, il avait joint une lettre de prise en charge de M. B______, un extrait de compte bancaire au Kosovo faisant état de mouvements entre juillet 2017 et mars 2018, des certificats d’enregistrement de sa société au Kosovo et une attestation de résidence et de vie commune au Kosovo, ce qui tendait à démontrer qu’il n’avait pas vécu de manière continue en Suisse ces dernières années et que son centre d’intérêt se trouvait dans son pays auprès de son épouse et de leurs enfants. Son intégration socio-culturelle n’était en outre pas particulièrement remarquable et une réintégration au Kosovo n’aurait pas de graves conséquences pour lui.

17.         Faisant usage de son droit d’être entendu, M. A______ a persisté dans sa requête, sous la plume de son conseil, par courrier du 22 février 2023.

Les preuves de sa présence en Suisse de 2007 à 2011 reposaient sur des tickets de caisses nominaux et des quittances de transport et couvraient plusieurs périodes de chacune de ces années. Leur valeur probante et leur authenticité n’avaient en outre pas été remises en cause par l’enquête approfondie de la police. De même, le relevé AVS produit démontrait sa présence en Suisse de 2012 à 2017. Le fait que les montants déclarés soient effectivement modestes n’était pas dû à son absence de Suisse mais au non-paiement des charges sociales par la quasi-totalité de ses employeurs Partant, ces preuves étaient conformes aux exigences de l’opération « Papyrus », raison pour laquelle l’OCPM avait d’ailleurs préavisé favorablement son dossier en décembre 2019 après un an de procédure sans poser la moindre question. Affirmer après quatre ans de procédure et une ordonnance pénale de non-entrée en matière qu’il ne se trouvait pas en Suisse durant cette période violait le principe de la bonne foi de l’autorité. Étaient en outre jointes pour les années 2012 à 2017 des nouvelles pièces - qu’il n’avait pas jugé utile de joindre à sa demande - démontrant sa présence en Suisse.

Il n’avait jamais caché avoir effectué de brefs séjours au Kosovo de 2016 à 2018, la tentation étant « évidemment grande de rendre visite à sa famille », sans que cela ne remette en cause la réalité de son domicile ni son intégration en Suisse. Ainsi, comme de nombreux compatriotes, il était « rentré de temps en temps au Kosovo » en utilisant la « frontière verte à l’aller et l’aide de passeurs au retour ». Cependant, le prix exigé par ces derniers ayant augmenté, ses visites familiales étaient devenues de plus en plus rares, à tel point que son épouse avait demandé et obtenu le divorce en décembre 2015. Ce n’était que lorsqu’il avait réussi à obtenir, après avoir initié la présente procédure, des visas de retour que son épouse avait accepté de se remarier avec lui en 2019. Pour obtenir de tels visas, il était nécessaire de prouver l’existence d’un fort ancrage au Kosovo. Ainsi, il s’était inscrit comme propriétaire de l’entreprise qui appartenait en réalité à son frère et avait ouvert un compte en banque d’entreprise à son nom, sur lequel son frère bénéficiait d’une procuration. Il n’avait en réalité jamais travaillé pour cette entreprise - dont il n’était propriétaire qu’à titre fiduciaire - et seul son frère utilisait le compte en banque y relatif. Il regrettait d’avoir usé de ce procédé, qui était toutefois nécessaire pour obtenir un visa de retour en Suisse où l’attendait son travail, sans perdre le contact avec ses enfants.

Enfin, ses centres d’intérêts se trouvaient à Genève, où il vivait « essentiellement » depuis vingt-huit ans, y étant revenu régulièrement entre 2000 et 2007 puis s’y étant installé de manière permanente dès 2007. Bien intégré, il y bénéficiait d’une situation professionnelle stable et bien rémunérée et parlait parfaitement le français. L’intégration au sens de l’opération « Papyrus » ne devait être évalué qu’à la lumière de critères objectifs et il ne faisait aucun doute qu’il remplissait ces conditions. S’il en avait eu la possibilité, il aurait fait venir sa famille auprès de lui. Sa réintégration au Kosovo serait en outre très difficile au vu de son âge et de l’absence de perspectives professionnelles dans ce pays. En effet, l’entreprise de son frère survivait à peine et ne suffirait pas à entretenir toute sa famille.

Étaient produits en annexe :

-          quatre certificats de travail établis les 5 et 6 septembre 2018 par P______, à teneur desquels M. A______ avait travaillé pour son compte en 2012 : un jour en mars, un demi-jour en avril puis un jour en juin, en juillet et en décembre ; en 2013 : deux jours en janvier, un demi-jour en mars et en juin, puis un jour en juillet, août et novembre ; en 2014 : deux jours en janvier, un jour en mars, deux jours en avril puis un jour en juin et en août ; en 2015 : deux jours en mars et en avril, deux jours en juin, un demi-jour en juillet et un jour en septembre et

-          cinq factures de transports portant un tampon « F______ » et une en-tête au nom d’G______ (transports et déménagements) pour des objets envoyés au Kosovo par ses soins en 2013, 2014, 2017 et 2018.

18.         Par décision du 31 mai 2023, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de M. A______ au SEM avec un préavis favorable, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 31 août 2023 pour quitter la Suisse.

En sus des éléments retenus dans son courrier d’intention du 20 janvier 2023, cet office a relevé que l’intéressé était arrivé en Suisse la première fois le 16 septembre 1996. Suite à la demande d’asile déposée le 9 décembre 1996, il avait obtenu une admission provisoire le 14 juin 1999 puis avait quitté la Suisse le 24 janvier 2000, suite à la levée de cette admission. S’il était exact qu’un seul document de catégorie A par an était suffisant, dans le cadre de l’opération « Papyrus », pour justifier une année de séjour, il n’en demeurait pas moins que le présent dossier comportait plusieurs contradictions, de sorte que le fardeau de la preuve incombait au requérant. Or, à teneur des pièces produites, la situation de l’intéressé s’apparentait davantage à celle d’un travailleur saisonnier qu’à celle d’un travailleur clandestin. Ainsi, pour les motifs exposés dans son courrier d’intention, il convenait de retenir qu’il n’avait pas vécu en Suisse de manière continue, notamment durant les dix ans requis par l’opération « Papyrus » et que son centre d’intérêt se trouvait au Kosovo auprès de son épouse et de ses enfants, de sorte que les critères de cette opération n’étaient, tout comme ceux du cas de rigueur, pas remplis. L’écoulement du temps entre le dépôt de sa requête et la présente décision était dû à son manque de transparence et de collaboration et si l’OCPM avait été informé de sa situation, il n’aurait pas soumis son cas au SEM mais aurait rendu une décision de refus. Enfin, il était arrivé en Suisse pour la première fois à l’âge de 25 ans et avait une famille et sa propre société au Kosovo, de sorte qu’il serait en mesure de s’y réintégrer.

19.         Par acte du 28 juin 2023, M. A______ a interjeté recours, sous la plume de son conseil, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et à la constatation qu’il remplissait les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur au sens de l’opération « Papyrus » de sorte que son dossier devait être transmis au SEM avec un préavis favorable pour approbation, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision.

Reprenant en substance les éléments invoqués dans le cadre de son droit d’être entendu du 22 février 2023, il a confirmé avoir démontré la réalité de son séjour à Genève de 2007 à 2018 au moyen de preuves correspondant aux exigences posées par l’opération « Papyrus ». Les tickets de caisse nominatifs produits résumant son activité quotidienne auprès de son employeur et permettant l’établissement de son salaire constituaient indubitablement des preuves de catégorie A. Ils couvraient en outre intégralement les années 2007 à 2011, à hauteur de quatre par an, portant sur des mois différents. De plus, ils étaient corroborés par des preuves de nature différente, soit des contrats de transport entre la Suisse et le Kosovo, dont la véracité n’avait pas été remise en cause par l’enquête de police. Pour les années 2012 à 2017, il avait fourni un extrait de son compte AVS démontrant le paiement de cotisations y relatives. Enfin, il avait encore produit, en annexe de son droit d’être entendu, neuf preuves supplémentaires pour les années 2012 à 2018. Partant, il avait démontré la réalité de son séjour à Genève de 2007 à 2018, ce que l’OCPM avait constaté en transmettant son dossier au SEM avec un préavis favorable en 2019 de sorte que la prétendue absence de preuves de sa présence en Suisse violait le principe de la bonne foi de l’autorité.

Les séjours effectués au Kosovo pour aller rendre visite à sa famille ne duraient pas plus de quelques semaines et n’avaient jamais interrompu son domicile à Genève au sens du droit civil ni l’obligation de séjour continu requise, étant relevé que de nombreux requérants étaient repartis dans leur pays pour des visites familiales de deux à trois mois sans que cela ne bloque leur régularisation. Les visites rendues à sa famille n’enlevaient rien à sa qualité de travailleur clandestin et lui reprocher un comportement de saisonnier revenait à oublier que ce statut avait précisément été aboli en raison de son injustice car il séparait des familles en empêchant le regroupement familial.

Enfin, en retenant qu’il avait gardé de forts liens avec son pays d’origine, l’OCPM s’était écarté des conditions fixées par l’opération « Papyrus » et avait violé, à nouveau, le principe de la bonne foi des autorités. S’agissant de sa prétendue société au Kosovo, il a réitéré les explications fournies dans le cadre de son droit d’être entendu, tout en confirmant que c’était grâce à ce procédé qu’il avait obtenu un visa pour revenir en Suisse. Les liens familiaux conservés au Kosovo ne constituaient pas un obstacle à une régularisation selon l’opération « Papyrus », les directives y relatives ayant d’ailleurs expressément exclu l’examen des possibilités de réintégration. En outre, en cas de régularisation, il envisageait de demander le regroupement familial pour son épouse et son dernier enfant mineur. Ainsi, financièrement indépendant et intégré en Suisse depuis plus de vingt-six ans, y compris professionnellement, sans commettre d’infractions, il remplissait toutes les conditions de l’opération « Papyrus », précisément créée pour mettre fin à la situation précaire de personnes profitables pour l’économie genevoise comme lui.

Était notamment joint un certificat de travail établi le 28 juin 2023 par N______ SA à teneur duquel le recourant travaillait pour son compte depuis le 6 juillet 2020 à totale satisfaction, étant précisé qu’une fois que les perspectives économiques seraient meilleures, elle souhaitait pérenniser la collaboration avec ce dernier, dont les capacités étaient rares et importantes.

20.         Dans ses observations du 25 août 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Reprenant les arguments précédemment exposés, cet office a confirmé qu’au vu notamment des contradictions qui avaient pu être constatées suite au retour du dossier du recourant par le SEM, la continuité du séjour de ce dernier durant dix ans n’avait pas été prouvée.

21.         Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti.

22.         Le 18 octobre 2020, l’OCPM a transmis au tribunal un courriel de la centrale de compensation du 11 octobre 2023, à teneur duquel cette dernière confirmait avoir effectués toutes les démarches relevant de sa sphère d’influence pour confirmer que le recourant avait quitté la Suisse et était domicilié au Kosovo. Ainsi, elle avait obtenu une déclaration dans ce sens signée par le recourant le 5 novembre 2010 à Q______ (Kosovo) ; le formulaire bancaire signé par le recourant le 18 avril 2011 indiquant une adresse au Kosovo ainsi qu’une référence de compte bancaire à son nom auprès d’un établissement bancaire au Kosovo ; le document « Declaration on joint household » établi le 9 novembre 2010 par les autorités kosovares indiquait qu’il était domicilié au Kosovo et y faisait ménage commun avec son épouse et leurs trois enfants et la procuration du recourant en faveur de son frère pour le représenter dans le cadre de sa demande de remboursement avait été rédigée au Kosovo le 9 novembre 2010.

23.         Par écriture spontanée du 7 novembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il n’avait jamais caché avoir obtenu le remboursement de ses cotisations AVS en 2011, dès lors qu’il avait joint la décision y relative à sa demande de régularisation du 5 novembre 2018. Il était donc erroné d’affirmer qu’il n’avait obtenu une première approbation de sa demande par l’OCPM uniquement en cachant des éléments que seule l’enquête de police aurait fait apparaître par la suite. Il n’avait pas davantage dissimulé avoir fait de brefs séjours au Kosovo pour y voir sa famille, sans pour autant interrompre son domicile à Genève. Les dernières pièces produites prouvaient uniquement qu’il avait entrepris des démarches pour se faire rembourser ses cotisations AVS, ce que l’OCPM savait depuis le dépôt de sa requête, étant rappelé que sa requête de remboursement n’était pas motivée par une décision de quitter définitivement la Suisse mais par sa situation financière difficile.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Le 1er janvier 2019, une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI, est entrée en vigueur.

Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

6.             En l'occurrence, le recourant ayant déposé sa requête le 14 novembre 2018, la loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 est applicable au présent litige.

7.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

8.             Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c).

9.             La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

10.         Il ressort de la formulation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui est rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission pour cas individuel d'une extrême gravité et, partant, à l'octroi (respectivement au renouvellement ou à la prolongation) d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (cf. ATF 138 II 393 consid. 3.1 et ATF 137 II 345 consid. 3.2.1). Aussi, conformément à la pratique et à la jurisprudence constantes en la matière, les conditions mises à la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu'une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. La reconnaissance d'une situation d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d'extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid.4f).

11.         L'opération « Papyrus » est un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al.1 let. b LEI et 31 OASA) » (cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l'adresse suivante : https://www.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017).

Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet Papyrus » publié par le Conseil d'État en date du 4 mars 2019, cf. https://www.ge.ch/dossier/operation-papyrus).

12.         Les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme étaient les suivants : une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète ; un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires.

S'agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour était exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l'administration fiscale, de scolarité ou de suivi d'un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d'assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégorie B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d'enseignants, d'anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour étaient exigés.

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

13.         Enfin, il convient de préciser que les critères appliqués dans le cadre de l’opération « Papyrus » étaient les critères prévus dans les dispositions légales en matière de régularisation des cas de rigueur (cf. ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 10b).

Ainsi, il ne s'agissait pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur, en raison, notamment, de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (cf. ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 10b ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a). Ainsi, l'opération « Papyrus » ayant été un processus administratif simplifié de normalisation des étrangers en situation irrégulière à Genève, il n'emportait en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères pouvaient entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (cf. ATA/847/2020 du 24 août 2021 consid. 10b ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

14.         Le séjour, en toute hypothèse, doit être continu (ATA/191/2022 du 22 février 2022 consid. 3i ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 3h).

Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n'est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d'origine, notamment lorsqu'aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d'autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu'elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (JTAPI/984/2021 du 27 septembre 2021 consid. 18, confirmé par ATA/191/2022 du 22 février 2022).

15.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les réf. citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b.

Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/286/2017 du 14 mars 2017).

16.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), commande aux autorités comme aux particuliers de s'abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_495/2013 du 7 janvier 2014 consid. 5). Il découle de ce principe que l'administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4). En particulier, il protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530, 538 ; RDAF 2005 II 532, 540). Au sens large, le principe de la confiance exige donc que l'administré puisse se fier aux assurances et aux attentes créées par le comportement de l'administration (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème édition, 2018, p. 203 n° 568).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/437/2020 du 30 avril 2020 ; ATA/1262/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4b; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 2012, p. 922 ss).

17.         L'abus de droit consiste notamment à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste (ATF 138 III 401 consid. 2.2 ; 137 III 625 consid. 4.3 ; 135 III 162 consid. 3.3.1 ; 132 I 249 consid. 5 ; 129 III 493 consid. 5.1).

Ce principe lie également les administrés. Ceux-ci ne doivent pas abuser d'une faculté que leur confère la loi en l'utilisant à des fins pour lesquelles elle n'a pas été prévue. Ce faisant, ils ne violent certes pas la loi, mais ils s'en servent pour atteindre un but qui n'est pas digne de protection (ATA/500/2011 du 27 juillet 2011 et les références citées).

18.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d'un droit à l'autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d'un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l'inverse aurait pour effet de déduire de l'art. 96 LEI un droit à l'obtention ou au renouvellement de l'autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

19.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l'opération « Papyrus ».

S’agissant tout d’abord de la durée de son séjour en Suisse, le tribunal constate que ce dernier a effectivement produit des documents constituant des preuves de catégorie A sous l’angle des critères relatifs à l’opération « Papyrus » de sa présence en Suisse de 2007 à 2017, soit durant dix ans avant le dépôt de sa demande de régularisation en novembre 2018. Ainsi, il a transmis, pour les années 2007 à 2011, dix-huit tickets de paiement mentionnant son nom en tant qu’employé de l’établissement concerné et, pour les années 2012 à 2017, un extrait de compte individuel AVS à son nom, non daté, faisant état de cotisations pour les années entières 2012 à 2014, de février à décembre 2015, de février à novembre 2016 et de février à novembre 2017. Il a en outre produit ultérieurement quatre « certificats de travail » établis par P______ en septembre 2018 selon lesquels il avait travaillé pour cette société durant quatre jours et demi en 2012, six jours en 2013, sept jours en 2014 et sept jours et demi en 2015. Quant aux factures émanant d’G______ - F______ et de I______, celles-ci ne rentrent pas dans la catégorie de preuves A.

Toutefois, force est de constater que le dossier contient également de nombreux éléments laissant à penser que ce séjour en Suisse de 2007 à 2017 n’a nullement été continu. Ainsi, il ressort des deux « Declarations on joint household » versées au dossier, établies par les autorités kosovares les 9 novembre 2010 et 27 février 2018 que le recourant était, à ces dates, domicilié au Kosovo. Dans le même sens, selon le « Certificate of registration » établi par les autorités kosovares le 30 janvier 2014, la société « D______ » a été enregistrée à cette même date au Kosovo, le recourant en étant, selon ce document toujours, l’unique propriétaire. À ce propos, ses allégations selon lesquelles cette entreprise appartiendrait en réalité à son frère ne sauraient emporter conviction. En effet, celles-ci, formulées au stade du recours uniquement, soit après que le recourant ait été informé par l’OCPM que cet élément était retenu à son encontre dans le cadre de l’examen de sa requête, sont contredites par ses déclarations antérieures à la police en date du 2 novembre 2022. À cette occasion, le recourant a en effet déclaré que cette entreprise était gérée par son frère, et non qu’elle appartenait à ce dernier comme il l’a prétendu plus tard. Il a encore précisé qu’il rentrait « souvent » dans son pays et que s’il ne pouvait pas le faire, c’était son frère qui la gérait. Il a en outre expliqué qu’il pensait initialement que sa société - et non, une fois encore, celle de son frère - fonctionnerait bien et que les revenus tirés de cette dernière lui permettraient de faire vivre sa famille. Il ressort ainsi des déclarations précitées qui, conformément à la jurisprudence citée supra, prévalent sur celles formulées ultérieurement, que le recourant a effectivement créé une société au Kosovo dont il espérait pouvoir tirer un revenu suffisant pour vivre mais a continué à venir travailler en Suisse en parallèle. Sont également à relever un extrait de compte auprès d’une banque kosovare à son nom faisant état de mouvements entre juillet 2017 et mars 2018 ainsi que le dépôt par ses soins auprès de la représentation diplomatique suisse au Kosovo de demandes de visas en 2017 et 2018 pour se rendre en Suisse - alors qu’il prétend précisément dans le cadre de la présente procédure qu’il séjournait à cette époque sur le sol helvétique de manière continue. L’explication du recourant selon laquelle il aurait utilisé les documents précités - qui ne refléteraient, selon lui, pas la réalité - uniquement pour être en mesure d’obtenir des visas de retour, respectivement d’entrée en Suisse, n’apparaît pas convaincante, dès lors que de nombreux ressortissants étrangers obtiennent des visas sans recourir à l’élaboration de tels stratagèmes. Le fait que les deux visas Schengen délivrés en sa faveur à cette occasion portent à eux deux pas moins de sept tampons d’arrivée à Genève durant cette période démontre en outre que le nombre d’allers-retours effectués par le recourant entre le Kosovo et la Suisse est important.

De plus, la Caisse suisse de compensation a rendu le 26 mai 2011, soit à une date à laquelle le recourant était, selon lui toujours, domicilié de manière continue à Genève, une décision de remboursement des cotisations AVS-AI payées par ses soins en sa faveur auprès d’une banque située au Kosovo après avoir, selon les explications de cette institution du 11 octobre 2023, effectué toutes les recherches de sa compétence, lesquelles avaient démontré - au vu notamment d’une déclaration écrite et du formulaire bancaire indiquant une adresse au Kosovo, un établissement bancaire au Kosovo ainsi qu’une procuration en faveur de son frère qui indiquait que le recourant l’avait signée au Kosovo - que celui-ci était domicilié au Kosovo. Pour le surplus, après avoir obtenu les visas précités auprès de la représentation diplomatique suisse au Kosovo pour venir en Suisse depuis le Kosovo, le recourant a sollicité, dès le dépôt de sa demande de régularisation auprès de l’OCPM, pas moins neuf visas de retour entre avril 2019 et janvier 2022, ce qui démontre, une fois encore, la fréquence importante de ses allers-retours entre ces deux pays. Enfin, il ressort du premier extrait de son compte individuel AVS non daté, dont les montants sont détaillés dans l’état de fait ci-dessus, que les cotisations sociales versées en sa faveur pour les années 2012 à 2017 sont extrêmement modestes et ne correspondent pas au nombre de mois annoncés comme ayant été travaillés pour ces mêmes années. Même si l’explication du recourant selon laquelle cette divergence résulterait de l’absence de versements des cotisations sociales par la plupart de ses employeurs pour ces années n’apparaît pas invraisemblable, elle ne peut toutefois pas être considérée comme convaincante, au vu du contexte exposé supra et étant en outre relevé que le montant des cotisations à compter de 2018, année du dépôt de sa demande de régularisation, tels qu’il ressort du second extrait individuel de compte AVS du 12 mai 2022, sont quant à eux nettement plus élevés et correspondent cette fois-ci effectivement aux nombres de mois travaillés annoncés.

Au vu de ce qui précède, le tribunal considère que la présence de preuves de catégorie A doit être examinée ici dans le contexte particulier de la situation du recourant. Ainsi, la portée de celles-ci au regard des conditions d’octroi d’un titre de séjour peut être infirmée par d’autres éléments au dossier, indépendamment de la véracité ou non de ces documents sur le plan pénal, cas échéant. En effet, considérer que la présence de preuves de catégories A durant au moins dix ans donnerait droit, de manière automatique, à la délivrance d’un permis de séjour pour cas de rigueur même si plusieurs éléments au dossier tendent à démontrer l’existence d’un domicile à l’étranger de l’intéressé durant ces mêmes années, ce qui est le cas ici, reviendrait à vider de sa substance le but de l’opération « Papyrus », qui est de régulariser les personnes séjournant à Genève de manière continue depuis un certain nombre d’années sans titre de séjour et non de régulariser celles effectuant des allers-retours fréquents et réguliers entre leur pays et la Suisse afin de réaliser un revenu dans ce dernier État pour faire vivre une famille qui demeure à l’étranger et qu’ils rejoignent dès que possible, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus. Une telle façon de procéder reviendrait également à contourner les conditions posées par les dispositions applicables au cas de rigueur et pourrait ainsi poser une éventuelle question d’abus de droit, étant rappelé qu’à teneur de la jurisprudence précitée, l’opération « Papyrus » n’emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance d’un cas de rigueur au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al.1 OASA.

Pour le surplus, il sera rappelé que la notion d'intégration rattachée à la durée du séjour implique que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l'extérieur. Ainsi, des allers-retours avérés et reconnus qui duraient, selon les explications du recourant dans le cadre de son recours, « pas plus de quelques semaines », ne sauraient s’apparenter à des vacances à l’étranger. Dès lors que la durée usuelle de congés d’un travailleur en Suisse est de quatre à cinq semaines par an, le fait que ce dernier effectue plusieurs allers-retours par an durant chacun au moins quelques semaines, selon ses propres déclarations, ne saurait nullement s’apparenter au fait d’aller passer tous ses congés dans son pays d’origine, comme il le prétend.

Ainsi, il convient de retenir que, dans le contexte particulier du présent cas d’espèce tel qu’exposé supra, les tickets de paiements nominatifs, le « certificat de travail » ainsi que l’extrait de compte individuel AVS démontrent uniquement une activité à temps partiel ou saisonnière selon les périodes, et doivent par conséquent être relativisés. Au vu des éléments au dossier, le recourant échoue donc à établir un séjour continu en Suisse de dix ans au moins lors du dépôt de sa demande de régularisation en novembre 2018. Attendu que le critère du nombre d’années de dix ans de présence continue sur le territoire helvétique à compter du dépôt de la demande d'autorisation n’est pas rempli in casu, il convient de constater que le recourant ne répond pas à l'une des conditions cumulatives auxquelles est soumis l'octroi d'une autorisation de séjour dans le cadre de l'opération « Papyrus ».

L’allégation de violation du principe de la bonne foi de l’autorité évoquée dans ce cadre par le recourant tombe en outre à faux. En effet, la transmission initiale de son dossier au SEM par l’OCPM en 2019 n’assurait en aucun cas ce dernier que sa situation serait automatiquement régularisée. Ainsi, cet office a expressément précisé au recourant, dans son courrier du 11 décembre 2019, qu’une éventuelle décision d’octroi d’un permis de séjour en sa faveur était tributaire de l’approbation de l’instance fédérale précitée et que la décision de cette dernière demeurait réservée. Partant, en l’absence de promesse concrète émise à son égard par l’OCPM, qui n’aurait en tout état pas été en mesure d’assurer valablement le recourant de la délivrance d’un permis dès lors qu’une telle décision n’était pas de sa compétence mais de celle du SEM, force est de constater que l’une des conditions cumulatives posées par la jurisprudence pour admettre l’existence d’une violation du principe de la bonne foi n’est in casu pas remplie. Dans le même sens, le fait que l’OCPM ait procédé à la transmission de son dossier au SEM sans remettre en doute sa présence continue en Suisse durant au moins dix ans sur la base des mêmes documents que ceux dont cet office considère aujourd’hui qu’ils ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’un tel séjour, ne saurait constituer une violation du principe de la bonne foi. En effet, comme vu supra, l’OCPM s’est contenté d’instruire la requête et de la transmettre, avec les documents utiles, au SEM, qui a estimé que ceux-ci n’étaient pas suffisants. Partant, la seule transmission de son dossier par l’OCPM au SEM ne saurait équivaloir à une acceptation par l’OCPM de la portée juridique des documents produits quant à la durée de son séjour en Suisse. Dès lors, infondé, le grief de violation du principe de la bonne foi sera écarté.

Eu égard aux développements qui précède, le recourant ne peut pas être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour sur la base de l’opération « Papyrus ».

20.         Sous l'angle du cas de rigueur, ce qui a été dit précédemment concernant la durée du séjour du recourant en Suisse reste valable. Ainsi, sa présence sur le sol helvétique depuis 2007, qui n’a pas été continue, ne saurait être déterminante et doit en tout état être relativisée, ledit séjour ayant été effectué en majeure partie illégalement puis, à compter du mois de novembre 2018 suite au dépôt de sa demande de titre de séjour, sous couvert d’une simple tolérance. Dans de telles circonstances, il ne peut en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour, aussi longue soit-elle, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission (cf. ATA/169/2015 du 17 février 2015 consid. 8). Il sera en outre rappelé à ce propos que la situation ne saurait être jugée par les autorités à l'aune du fait accompli, sauf à défavoriser les personnes qui agissent conformément au droit et attendent le résultat de leur demande de titre de séjour à l’étranger, comme requis notamment par les art. 10 al. 2 et 17 al. 1 LEI (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6 ; 2C_473/2017 du 2 novembre 2017 consid. 3).

Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne peut être qualifiée de remarquable. Certes, le recourant n’a jamais émargé à l’assistance sociale, ne fait l’objet d’aucune dette et exerce une activité lucrative dans le canton. Actif dans le domaine de la construction après avoir œuvré notamment dans celui de la restauration, son intégration professionnelle ne saurait par ailleurs être qualifiée d'exceptionnelle. Toutefois, le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale, d'éviter de commettre des actes répréhensibles et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu du domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant à elles seules de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur. De plus, force est de constater qu’il n'a pas davantage fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable ni acquis des connaissances ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait les mettre en pratique dans son pays d’origine.

Le recourant a vécu au Kosovo jusqu’à son arrivée en Suisse en 1996 lors du dépôt de sa demande d’asile - étant précisé que sa prétendue arrivée dès 1994 n’a pas été démontrée par ce dernier, qui supporte le fardeau de la preuve - à l’âge de 25 ans. Il convient ainsi de constater qu’il passé toute son enfance, son adolescence, période déterminante pour le développement personnel et scolaire et qui entraîne souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (cf. ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a), ainsi que le début de sa vie d'adulte dans son pays d’origine. Il s’y est d’ailleurs marié et y a fondé une famille. En outre, son épouse et leurs trois enfants, dont le cadet est encore mineur, vivent au Kosovo. Par conséquent, il y a conservé de fortes attaches familiales, l’ensemble des membres de sa famille nucléaire y séjournant. Il y possède également un frère qui, selon ses explications, gèrerait sa société. S’agissant de ladite société, dès lors que la prétendue mauvaise santé financière de celle-ci n’a pas été prouvée, rien ne laisse à penser qu’elle ne permettra pas au recourant de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille en cas de retour au Kosovo. De plus, le recourant, actuellement âgé de 52 ans, est visiblement en bonne santé. L’ensemble de ces éléments devraient ainsi faciliter sa réintégration dans son pays, dans lequel il se rend en tout état régulièrement.

Il n’a en outre pas démontré que d’éventuelles difficultés de réadaptation dans son pays d'origine seraient plus graves pour lui que pour n'importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire. En outre, il ne faut pas perdre de vue que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (cf. ATF 123 II 248 consid. 4a ; 111 Ibb 213 consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées). Ainsi, le recourant ne pouvait ignorer, au vu de son statut illicite en Suisse, qu'il pourrait à tout moment être amené, en cas de refus de la régularisation de ses conditions de séjour, à devoir quitter la Suisse.

Ainsi, ni son âge, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients pratiques auxquels il pourrait éventuellement se heurter en cas de retour dans son pays ne constituent des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'il se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation. Une telle exception n'a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d'origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne saurait exiger d'eux qu'ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce qu'il n'établit pas.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, l'appréciation que l'autorité intimée a faite de la situation du recourant sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête aucunement le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA ; cf. aussi ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

21.         Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (cf. not. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2).

Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_104/2021 du 28 avril 2021 consid. 3.3 ; 2C_132/2021 du 8 février 2021 consid. 3.2 ; 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2D_30/2019 du 14 août 2019 consid. 3.2).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance - par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont pas déterminantes (cf. ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_104/2021 du 28 avril 2021 consid. 3.3).

22.         En l'occurrence, compte tenu des développements qui précèdent, le recourant, qui ne peut se prévaloir d'un quelconque séjour légal et dont l'intégration n'apparaît pas exceptionnelle, ne peut pas tirer bénéfice de cette disposition (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_789/2020 du 3 décembre 2020 consid. 7 ; 2C_919/2019 du 25 février 2020 consid. 7).

23.         En conclusion, le tribunal constate que l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en rejetant la demande tendant à l’octroi de l’autorisation de séjour requise par le recourant.

24.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

25.         En l’espèce, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour au recourant, l'OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse.

26.         Quant à l’exécution de ce renvoi, aucun élément au dossier ne laisse à penser, au vu notamment des développements effectués supra, que celle-ci ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

27.         En conclusion, mal fondé, le recours est rejeté.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

29.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 31 mai 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière