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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/651/2010

ATA/500/2011 du 27.07.2011 sur DCCR/802/2010 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; AUTORISATION PRÉALABLE ; SIGNATURE ; PROCURATION ; REPRÉSENTATION ; FORME ET CONTENU
Normes : LCI.2.al3 ; RCI.11.al4
Parties : ASSOCIATION DES VILLAS CHAMPS-LINGOT ET M. GROBET ARNAUD, GROBET Arnaud, MUKENDI KABONGO Théodore, MUKENDI KABONGO Théodore / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, AKIN Ayka et Sibel, AKIN Sibel, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
Résumé : Confirmation de la révocation d'une autorisation de construire viciée du fait que la requête a été signée par l'ancien propriétaire de la parcelle et que les nouveaux propriétaires ne lui ont donné aucune procuration pour agir en leur nom.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/651/2010-LCI ATA/500/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juillet 2011

1ère section

dans la cause

 

ASSOCIATION DES VILLAS CHAMPS-LINGOT

et

Monsieur Arnaud GROBET
représentés par Me François Bellanger, avocat

 

contre

 

Monsieur Théodore MUKENDI KABONGO
représenté par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

et

Madame Sibel et Monsieur Ayka AKIN, appelés en cause

représentés par Me François Bellanger, avocat

et

 

Monsieur Théodore MUKENDI KABONGO
représenté par Me Lucien Lazzarotto, avocat

 

contre

 

Madame Sibel et Monsieur Ayka AKIN

représentés par Me François Bellanger, avocat

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

 

 

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 27 mai 2010 (DCCR/802/2010)

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 avril 2011 (JTAPI/334/2011)

 


EN FAIT

1. Le 17 août 2006, le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) a délivré à Monsieur Théodore Mukendi Kabongo une autorisation de construire portant sur les parcelles nos 4175 et 4176, feuille 32 de la commune d’Anières (ci-après : la commune), situées en zone 5, à l’adresse 70-72, chemin des Champs-Lingot, devenu depuis lors 2-4 chemin François-Rossiaud. L’objet de l’autorisation était deux villas contiguës, garage souterrain, mur de soutènement et aménagements extérieurs (DD 100601/1).

2. Ultérieurement, diverses autorisations complémentaires liées à des modifications des plans initiaux ont été délivrées par le département (DD 100601/2 à 100601/6).

3. Par acte du 9 janvier 2007, M. Mukendi Kabongo, promoteur de l’opération immobilière ci-dessus, a acquis les parcelles nos 4175 et 4176.

S’agissant des servitudes et autres droits immobiliers, l’acte de vente précisait entre autres :

« L’acquéreur déclare bien connaître l’engagement pris par le cédant dans les actes de vente de constituer une servitude d’emplacement pour containers au profit des villas sises chemin des Champs-Lingot 55 à 63 et 54 à 68 sur les parcelles 4175 et 4176 le long de la route d’Hermance.

Il déclare également avoir pris connaissance de la correspondance échangée par le Département des constructions et des technologies de l’information DCTI (anciennement DAEL) pour constituer cette servitude en charge, soit la parcelle n° 5638 propriété de l’Etat de Genève (DP cantonal) en lieu et place des parcelles nos 4175 (chemin d’accès) et 4176 (terrain à bâtir), et savoir que le département n’a pas encore pris sa décision.

A ce sujet, il accepte d’ores et déjà la constitution de cette servitude au frais du cédant et s’engage à reprendre les droits et obligations en découlant lors de la vente définitive ».

4. La réalisation de la promotion immobilière ci-dessus a entraîné la division des parcelles nos 4175 et 4176.

La parcelle n° 4175 a été scindée en deux sous-parcelles n° 4175A et n° 4175 B, devenues respectivement les parcelles nos 6151 et 6152.

La parcelle n° 4176 a été scindée en deux sous-parcelles nos 4176A et 4176B, devenues respectivement les parcelles nos 6149 et 6150.

5. Le 6 novembre 2007, M. Mukendi Kabongo a signé avec les époux Helena Deidre et José Leonel Silva un acte de promesse de vente et d’achat portant sur les parcelles nos 6149 et 6151.

Dit acte contenait une clause particulière concernant l’emplacement de containers, libellée comme suit : « Le promettant-acquéreur déclare avoir pris connaissance de la correspondance échangée avec le Département des constructions et des technologies de l’information DCTI (anciennement DAEL) pour constituer cette servitude en charge sur la parelle n° 5638 propriété de l’Etat de Genève (DP cantonal) en lieu et place des parcelles nos 4175 (chemin d’accès) et 4176 (terrains à bâtir), et savoir que le département n’a pas encore pris sa décision.

Le promettant-acquéreur accepte que l’emplacement des containers sis sur le domaine public et jouxtant la parcelle n° 6149 soit cas échéant, sans frais pour lui, déplacé sur les parcelles nos 6151 et 6152 (…).

A ce sujet, il accepte d’ores et déjà la constitution de cette servitude aux frais du promettant-vendeur et s’engage à reprendre les droits et obligations en découlant lors de la vente définitive, date à laquelle la question de l’emplacement devra être résolue ».

La promesse de vente et d’achat a été renouvelée le 27 mars 2009 et l’acte de vente consécutif à ces promesses a été signé le 1er septembre 2009.

6. Par acte de vente du 15 octobre 2008, M. Mukendi Kabongo a vendu aux époux Sibel et Ayka Akin les parcelles nos 6150 et 6152.

Dit acte précisait au sujet des servitudes et charges foncières que « … l’acquéreur reconnaît avoir reçu antérieurement aux présentes une copie du projet d’acte de division parcellaire et constitution de servitudes, dans lequel figure la liste des servitudes concernant les parcelles nos 6150 et 6152 ».

Une clause particulière stipulait que « L’acquéreur déclare bien connaître l’engagement pris par le cédant de constituer une servitude d’emplacement pour containers au profit des villas sises chemin des Champs-Lingot 55 à 63 et 54 à 68 sur les anciennes parcelles nos 4175 et 4176 le long de la route d’Hermance, d’où proviennent les parcelles objets des présentes.

Il déclare également avoir pris connaissance de la correspondance échangée avec le Département des constructions et des technologies de l’information DCTI (anciennement DAEL) pour constituer cette servitude en charge sur la parcelle n° 5638 propriété de l’Etat de Genève (DP cantonal) en lieu et place des parcelles nos 4175 (chemin d’accès) et 4176 (terrain à bâtir), et savoir que le département n’a pas encore pris sa décision.

A ce sujet, il accepte d’ores et déjà la constitution de cette servitude aux frais du cédant et reprend les droits et obligations en découlant ».

7. Le 16 octobre 2009, M. Mukendi Kabongo a déposé en mains du département une demande complémentaire d’autorisation de construire ayant pour objet l’aménagement d’un local-containers sur la parcelle no 4175 (DD 100601/7).

M. Mukendi Kabongo a signé la demande en qualité de requérant et propriétaire. Celle-ci était également signée par son mandataire, à savoir l’atelier d’architecture J. Prillard à Chêne-Bourg.

Il résulte des plans versés à l’appui de la demande que ce local, d’une surface de 14,02 m2, était situé dans un virage à droite en descendant le chemin François-Rossiaud en direction de la route d’Hermance.

8. Dans le cadre de l’instruction de la demande, le département a récolté les préavis qui tous ont été favorables, notamment celui de la commune, émis le 5 novembre 2009 ainsi que celui de la direction générale de la mobilité (ci-après : DGM) émis le 7 décembre 2009.

9. Par courrier non daté, mais réceptionnée par le département le 10 novembre 2009, l’association des villas Champs-Lingot (ci-après : l’association) regroupant les propriétaires Brignone-Statkow, Kolmer, Fischer, Sherman et Grobet, se sont opposés au projet.

Le chemin François-Rossiaud était un chemin excessivement raide et dangereux, enchaînant de façon très rapprochée deux virages à angle important. Les travaux en cours, destinés à la réalisation du local-containers, avaient déjà entraîné une modification du tracé du chemin dans sa partie la plus dangereuse. Il existait déjà un local à containers au début du chemin François-Rossiaud, à l’angle de la route d’Hermance, qui offrait un accès facile à la voirie. Celui-ci était utilisé par tous les résidents du chemin et inscrit au registre des servitudes du cadastre.

D’autres copropriétaires voisins se sont également opposés au projet par plis des 19 et 24 novembre 2009.

10. Le 19 janvier 2010, le département a délivré l’autorisation sollicitée. Celle-ci a été publiée dans la Feuille d’Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 22 janvier 2010.

11. Parallèlement, par décision du même jour, le département a infligé à l’architecte de M. Mukendi Kabongo une amende de CHF 1'500.-. Les travaux considérés avaient déjà été engagés sans autorisation, ce qui avait été constaté par un inspecteur de l’office des autorisations de construire le 18 septembre 2009. Dès lors, le département prononçait une amende en application de l’art. 137 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

12. Le 22 février 2010, l’association et M. Grobet ont saisi la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre la décision précitée (A/651/2010).

L’autorisation violait l’art. 14 let. a, b et c LCI. Ils ont repris les arguments développés devant le département et sollicité différentes mesures d’instruction dont un transport sur place.

13. Dans sa réponse du 21 mars 2010, M. Mukendi Kabongo a relevé que la construction du local litigieux était une condition posée par la commune à son préavis favorable du 24 janvier 2007, libellé comme suit : « (…) un emplacement pour les containers devant être prévu sur le domaine privé ».

L’emplacement avait été choisi pour le confort et la sécurité qu’il offrait aux riverains. Il a conclu au rejet du recours.

14. Le 30 avril 2010, le département a également conclu au rejet du recours, relevant les préavis favorables de la DGM et de la commune.

15. La commission a tenu une audience de comparution personnelle le 27 mai 2010, à laquelle l’adjoint au maire d’Anières était présent. Celui-ci a précisé que la mairie, après avoir pris connaissance des oppositions et réexaminé les lieux, s’était ravisée quant à sa position. Lorsqu’elle avait émis ce préavis, elle supposait que les riverains étaient d’accord. Ce préavis favorable avait été émis dans la mesure où la construction d’un local sur un terrain privé correspondait à la réglementation communale.

Le représentant de la DGM, également présent à l’audience, a relevé que le chemin en question, passablement large et disposant d’un trottoir, devait être considéré comme un chemin de « luxe ». La pente n’était pas un facteur péjorant majoritairement pour la sécurité. L’emplacement choisi ne constituait pas une gêne pour la visibilité de la circulation.

16. Statuant le 27 mai 2010, la commission a rejeté le recours.

Il n’était pas nécessaire de procéder au transport sur place sollicité par les recourants, le dossier contenant les éléments nécessaires pour statuer, notamment l’audition des témoins lors de l’audience de comparution personnelle du 27 mai 2010, ainsi que les photographies produites.

Les inconvénients évoqués par les recourants ne pouvaient être considérés comme graves, ni ne représentaient une gêne durable pour la circulation au sens de l’art. 14 al. 1 let. a et c LCI. Le département avait suivi les préavis favorables, en particulier celui de la DGM, et il n’avait ni violé la loi ni excédé son pouvoir d’appréciation.

Dite décision a été communiquée aux parties le 4 juin 2010.

17. Par acte du 6 juillet 2010, l’association ainsi que M. Grobet ont saisi le Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée (A/651/2010).

La demande du 16 octobre 2009 avait été signée par M. Mukendi Kabongo en sa qualité de propriétaire. Or, ce dernier n’avait pas le moindre droit sur cette parcelle, puisqu’il l’avait vendue le 17 octobre 2008 aux époux Akin. Il n’avait pas reçu d’autorisation pour agir au nom de ces derniers, n’était ni leur représentant, ni autorisé à agir pour leur compte. En conséquence, l’autorisation querellée déposée en violation grave des règles de la LCI, devait être annulée pour ce motif.

La construction empiétait sur la parcelle no 5512, dont les propriétaires n’avaient pas été consultés et n’avaient pas donné leur accord.

Ils ont repris leur argumentation liée à la violation de l’art. 14 LCI et concluent à l’annulation de la décision de la commission et à ce que soit constatée la nullité de l’autorisation délivrée, subsidiairement à son annulation avec suite de frais et dépens.

18. Le 14 juillet 2010, la commission a déposé son dossier.

19. Dans sa réponse du 30 août 2010, M. Mukendi Kabongo s’est opposé au recours. Certes, il n’était plus propriétaire de la parcelle n° 6150 depuis octobre 2008, mais il avait l’obligation de construire le local des containers, ce que les époux Akin savaient expressément puisque cela ressortait de l’acte d’acquisition de leur propriété. De plus, les époux Akin n’étaient pas partie à la procédure. Les époux Akin avaient consenti par avance à cet aménagement en acceptant de grever leurs parcelles d’une servitude à cette fin. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, la question de l’absence de signature du propriétaire sur la demande d’autorisation de construire ne permettait pas de remettre en cause l’autorisation délivrée. Référence était faite à l’ATA/180/2004 du 2 mars 2004.

L’aménagement litigieux en tant que tel ne créait aucun inconvénient au sens de l’art. 14 LCI.

En réalité, les recourants craignaient de devoir abandonner des habitudes prises depuis un certain nombre d’années, à savoir l’utilisation d’un emplacement à déchets non autorisé, situé au croisement de la route d’Hermance, sur un fonds propriété de l’Etat.

Il a produit une lettre que le département lui avait adressée le 26 mai 2010 concernant l’installation d’un espace déchetterie sur la parcelle de domaine public cantonal n° 5638 de la commune. Le département y relevait qu’il n’avait pas donné son autorisation pour cette installation et qu’il n’était pas favorable à son maintien. Il allait en requérir la démolition.

20. Le département s’est opposé au recours dans ses écritures du 30 septembre 2010.

S’agissant de la problématique soulevée quant à la validité de l’autorisation de construire, l’informalité liée à la désignation inexacte du propriétaire de la parcelle ne saurait conduire à la nullité de l’autorisation de construire délivrée. En l’espèce, la requête avait été signée tant par l’architecte que par M. Mukendi Kabongo. Même si la requête indiquait faussement que ce dernier était le propriétaire des parcelles nos 4175 et 4176, la seule signature de l’architecte, mandataire professionnellement qualifié (ci-après MPQ), suffisait du point de vue de la validité formelle de la requête en autorisation.

L’autorisation avait été délivrée dès lors que tous les préavis favorables avaient été suivis.

21. Les parties ont répliqué et dupliqué respectivement les 15, 20, 23 novembre et 21 décembre 2010, chacune d’elles persistant dans ses conclusions.

22. Le 18 janvier 2011, la chambre administrative a appelé en cause les époux Akin, qui ont présenté leurs observations le 28 février 2011.

A supposer - ce qui était contesté, que M. Mukendi Kabongo ait pris un engagement envers les propriétaires des villas du chemin des Champs-Lingot, celui-là ne pouvait s’en prévaloir dès lors que l’acte de vente prévoyait qu’eux-mêmes reprenaient cette éventuelle obligation. Ils n’avaient jamais été tenus au courant par M. Mukendi Kabongo de ce qu’il allait advenir de l’éventuel local à containers. En date du 9 juillet 2010, ils avaient écrit à M. Mukendi Kabongo pour se plaindre du fait que l’autorisation DD 100601/7 avait été déposée sans qu’ils en soient informés et sans qu’ils aient autorisé une quelconque démarche. Celui-ci s’était présenté faussement comme propriétaire de la parcelle n° 6152 alors qu’il n’avait plus aucun droit sur celle-ci depuis l’acte de vente du 15 octobre 2008. Ils le mettaient en demeure de retirer la demande d’autorisation déposée sans droit. En l’absence de réaction de M. Mukendi Kabongo, ils avaient saisi, le 12 août 2010, le département d’une demande de révocation de ladite autorisation. Par décision du 1er octobre 2010, le département avait refusé de révoquer l’autorisation de construire DD 100601/7. Ils avaient recouru contre cette décision devant le TAPI (A/34720/2010). La procédure était en cours, une décision devant intervenir prochainement.

Sur le fond, les appelés en cause soutenaient pleinement les arguments développés par les recourants. La demande d’autorisation de construire DD 100601/7 avait été déposée en violation grave des règles de la LCI. Elle avait été signée faussement par une personne n’ayant pas la qualité de propriétaire et avait été déposée contre la volonté de ces derniers. Elle était nulle vu la gravité de ce vice formel, à tout le moins annulable.

Ils ont conclu à l’annulation de la décision querellée et à ce que soit constatée la nullité de l’autorisation de construire DD 100601/7 délivrée le 19 janvier 2010, avec suite de frais et dépens.

23. Les recourants et les intimés se sont déterminés sur les écritures des appelés en cause respectivement le 9 mars 2011 (M. Mukendi Kabongo), le 21 mars 2011 (le département) et le 30 mars 2011 (les recourants).

24. Le 28 avril 2011, le TAPI a transmis à la chambre administrative pour information copie du jugement du 21 avril 2011 rendu dans la cause A/3720/2010 (JTAPI/334/2011).

La fausseté des indications figurant sur la requête en autorisation de construire n’avait fait l’objet d’aucune contestation. Dans ces conditions, le département ne pouvait que constater que sa décision d’autorisation créait une situation contraire au droit, au bénéfice d’une personne ayant pour cela adopté un comportement contraire à la bonne foi. Le recours était admis, la décision du 1er octobre 2010 du département annulée et l’autorisation DD 100601/7 révoquée.

25. M. Mukendi Kabongo a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative par acte du 4 mai 2011 (A/3720/2010).

En raison d’un malheureux concours de circonstances, il n’avait pas pu s’exprimer dans la procédure de première instance ayant abouti au jugement querellé.

L’engagement des époux Akin à autoriser la construction litigieuse s’inscrivait dans l’acte d’achat de leur propriété, pièce dont les juges ne disposaient probablement pas.

Le droit genevois n’imposait pas de manière absolue l’obtention de l’aval préalable du propriétaire d’un fonds pour déposer une requête en autorisation de construire. De plus, lorsque l’instruction administrative portait sur les travaux déjà exécutés, la question de l’autorisation du propriétaire devenait un pur problème de droit privé qui n’avait pas à interférer dans le processus de contrôle des travaux.

Il conclut préalablement à la jonction des causes nos A/651/2010 et A/3720/2010 et sur le fond, à l’annulation du jugement du 21 avril 2011 du TAPI et à la confirmation de l’autorisation de construire DD 100601/7 du 19 janvier 2010.

26. Le 9 mai 2011, le TAPI a déposé son dossier.

27. Le 6 juin 2011, le département a déclaré s’en rapporter à justice quant à la suite à donner au recours de M. Mukendi Kabongo.

28. Dans leur réponse du 15 juin 2011, les époux Akin se sont opposés au recours, persistant dans leurs précédentes explications à savoir qu’ils n’avaient pas donné leur accord au dépôt de la demande d’autorisation litigieuse et que l’autorisation de construire DD 100601/7, déposée en violation grave des règles de la LCI, était nulle, à tout le moins annulable.

Ils ont conclu au rejet du recours, à la confirmation du jugement du 21 avril 2011 du TAPI ainsi qu’à la révocation de l’autorisation de construire DD 100601/7, avec suite de frais et dépens.

29. Par mémo du 7 juillet 2011, les parties ont été informées que les deux causes étaient gardées à juger.

EN DROIT

1. a. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours du 6 juillet 2010 est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

b. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours du 4 mai 2011 est recevable (art. 131 et 132 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les deux recours se rapportant au même complexe de faits, ils seront joints en application de l’art. 70 LPA, sous n° A/651/2010.

3. La législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve expressément le droit des tiers. Selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre un requérant et un opposant. Elle n'a pas pour objet de veiller au respect des droits réels, comme les servitudes par exemple (art. 3 al. 6 LCI ; ATA/320/2008 du 17 juin 2008 et les références citées).

4. a. Selon l'art. 2 al. 3 LCI, les plans et autres documents joints à toute demande d'autorisation publiée dans la FAO doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ. Demeurent réservés les projets de constructions ou d'installations d'importance secondaire, qui font l'objet de dispositions spéciales, édictées par voie réglementaire.

Fondé sur cette disposition, l'art. 11 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) prévoit que toutes les demandes d'autorisation et tous les plans qui y sont joints doivent être datés et signés par le propriétaire de l'immeuble intéressé ou par un MPQ.

b. La lecture de ces deux dispositions permet de comprendre que le législateur a voulu que les plans produits en annexe à une autorisation de construire, de même que la requête elle-même, soient signés, pour les objets complexes, par un MPQ. Cette exigence n'est pas maintenue pour les projets de constructions ou d'installations secondaires, tels que ceux faisant l'objet des autorisations litigieuses. Dans ce cadre, le fait qu'une requête en autorisation de construire ne soit pas signée par le propriétaire du terrain, mais par le titulaire d'une servitude prévoyant expressément la possibilité d'édifier l'objet litigieux ne prête pas le flanc à la critique ; les autorisations délivrées ne peuvent être remises en question pour cela (ATA/180/2004 du 2 mars 2004).

Quant à l’art. 13 al. 1 RCI, il stipule que les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté.

c. Dans un arrêt ancien mais qui à ce jour n’a pas été remis en cause, le Conseil d’Etat vaudois avait jugé que l’exigence que le propriétaire du fonds appose sa signature sur des plans n’était pas une simple prescription de forme. Il ne convenait en effet pas qu’un permis de construire puisse être demandé mais qu’une enquête puisse être ouverte sans que soit acquis l’assentiment préalable et sans équivoque du propriétaire (Prononcé n° 2390 du 19 mars 1970 in RDAF 1972, p. 280 et ss).

Plus récemment, le Tribunal administratif du canton du Valais, relevant que l’exigence que la demande d’autorisation de bâtir soit signée par le propriétaire du fonds et par le maître de l’ouvrage se retrouvait dans la plupart des cantons, a jugé qu’elle n’était pas une simple prescription de forme, l’accord du propriétaire du fonds, manifesté par sa signature, étant une condition de validité de la demande de permis de construire. En l’absence de signature du propriétaire, l’autorité ne pouvait que refuser ledit permis (ATA C. du 23 mai 1991 in RVJ 1991, p. 37).

Comme vu ci-dessus, l’exigence de signature du propriétaire se retrouve dans la législation genevoise.

5. En l’espèce, il est établi et non contesté que lorsqu’il a rempli la demande complémentaire d’autorisation de construire du 16 décembre 2009, M. Mukendi Kabongo n’était plus propriétaire de la parcelle n° 4175, laquelle au demeurant n’existait plus en tant que telle. Certes, il a produit un extrait du registre foncier, attestant de sa qualité de propriétaire, mais celui-ci date du 27 août 2008 alors qu’il avait vendu la parcelle concernée aux époux Akin le 15 octobre 2008.

La question ici n’est pas tant de savoir si l’exigence de la signature du propriétaire du fonds sur la requête en autorisation de construire est une condition nécessaire, ni davantage celle de savoir si un MPQ peut représenter, et à quelles conditions, le propriétaire requérant. Ce qui est en l’occurrence déterminant et avéré c’est que M. Mukendi Kabongo s’est présenté au département comme étant le propriétaire requérant, alors que tel n’était plus le cas.

Il est également établi que les époux Akin n’ont donné aucune procuration à M. Mukendi Kabongo pour agir à leur nom. C’est en vain que ce dernier se réclame du texte de l’acte de vente, celui-ci ne contenant que l’engagement de M. Mukendi Kabongo de constituer une servitude d’emplacement pour containers et non pas l’engagement de procéder à la réalisation desdits aménagements.

6. a. Il y a abus de droit notamment lorsqu’une institution juridique est utilisée à l’encontre de son but pour réaliser des intérêts que cette institution juridique ne veut pas protéger (ATF 130 II 113 consid. 10.2 p. 135 ; 128 II 145 consid. 2.2 p. 151). L’existence d’un éventuel abus de droit doit être appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue, seul l’abus de droit manifeste pouvant être pris en considération (ATF 121 II 97 consid. 4a p.103).

b. Le principe lie également les administrés (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, Berne 1994, ch. 5.3.3). L’administré ne doit pas abuser d’une faculté que lui confère la loi en l’utilisant à des fins pour lesquelles elle n’a pas été prévue. Ce faisant, il ne viole certes pas la loi mais il s’en sert pour atteindre un but qui n’est pas digne de protection (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, p. 107, nº 507 et les références citées). Abus de droit et fraude à la loi se déduisent du principe de la bonne foi (P. MOOR, Droit administratif, vol. 1, 1994, p. 434). Il y a abus de droit lorsque l’exercice d’un droit subjectif apparaît, dans un cas concret, manifestement contraire au droit ou lorsqu’une institution juridique est utilisée manifestement à l’encontre de la finalité pour laquelle elle a été crée (ATF 125 IV 79, p. 81 ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2000, p. 545, nº 1130). L’interdiction de l’abus de droit impose aux justiciables et aux parties à une procédure l’obligation d’exercer leurs droits dans un esprit de loyauté (ATF 123 II 231 p. 238, ATF 121 I 30 p. 38 ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, op. cit., nº 1129). Il y a fraude à la loi lorsque, en usant d’un moyen qui, en soi, est permis, on vise un résultat qui lui est prohibé (P. MOOR, op. cit., p. 435).

Dans la mesure où M. Mukendi Kabongo s’est fait passer pour propriétaire, il est évident qu’il a trompé la confiance de l’autorité intimée et que par-là même, il a favorisé la délivrance d’une autorisation de construire viciée à sa base.

Nanti des explications que lui donnaient les époux Akin, le département ne pouvait que révoquer l’autorisation accordée au mépris de la bonne foi.

Il s’ensuit que le recours de M. Mukendi Kabongo sera rejeté, le jugement du 21 avril 2011 du TAPI confirmé avec la conséquence qui en découle, à savoir la révocation de l’autorisation DD 100601/7.

7. Au vu de ce qui précède, le recours de l’association et de M. Grobet devient sans objet.

8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de M. Mukendi Kabongo et un émolument de même montant à celle du département. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à l’association et à M. Grobet à charge de M. Mukendi Kabongo et une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée aux époux Akin, à charge exclusive de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables le recours interjeté le 6 juillet 2010 par l’association des villas Champs-Lingot et Monsieur Arnaud Grobet contre la décision du 27 mai 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative et le recours interjeté le 4 mai 2011 par Monsieur Théodore Mukendi Kabongo contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 avril 2011 ;

préalablement :

prononce la jonction des causes nos A/651/2010 et A/3720/2010 sous n° A/651/2010 ;

au fond :

constate que le recours n° A/651/2010 est devenu sans objet ;

rejette le recours n° A/3720/2010 ;

en conséquence, confirme la révocation de l’autorisation DD 100601/7 prononcée par le Tribunal administratif de première instance le 21 avril 2011 ;

met à la charge de Monsieur Théodore Mukendi Kabongo un émolument de CHF 500. ;

met à la charge du département des constructions et des technologies de l’information un émolument de CHF 500.- ;

alloue à l’association des villas Champs-Lingot et à Monsieur Arnaud Grobet une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à charge de Monsieur Théodore Mukendi Kabongo ;

alloue à Madame Sibel et Monsieur Ayka Akin une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de l’association des villas Champs-Lingot, de Monsieur Arnaud Grobet et de Madame Sibel et Monsieur Ayka Akin, à Me Lucien Lazzarotto, avocat de Monsieur Théodore Mukendi Kabongo, au département des constructions et des technologies de l’information ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :