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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1532/2020

JTAPI/979/2021 du 21.09.2021 ( LDTR ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AMENDE;GRAVITÉ DE LA FAUTE;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;REMISE EN L'ÉTAT;SANCTION ADMINISTRATIVE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;MANDATAIRE;ARCHITECTE;POUVOIR D'APPRÉCIATION;PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;PROPORTIONNALITÉ;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : LCI.137.al1; LCI.89.al1; LCI.93.al1; LCI.1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1532/2020 LDTR

JTAPI/979/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 septembre 2021

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Cosima TRABICHET-CASTAN, avocate, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             A______ (ci-après : A_____) est propriétaire de l'immeuble sis ______, rue B______, sur la parcelle n° ______, feuille ______ de la commune de C______, en ______ zone.

Cet immeuble, comportant initialement cinq étages sur rez, a été construit en 1927 par l'architecte D______ et fait partie d'un ensemble protégé du début du 20ème siècle.

Chaque niveau, entre le 1er et le 5ème étage, est composé de deux appartements de respectivement 4,5 pièces et 6,5 pièces. Le rez-de-chaussée comporte deux appartements, l'un de 4,5 pièces et l'autre de 5,5 pièces.

Dans les années 1980, des travaux ont été réalisés afin de créer deux studios et un deux pièces au 6ème étage. A ce même étage, une grande pièce abritait en outre un bureau d'architecte. Le 7ème étage constituait les combles, qui n'étaient pas aménagés.

2.             En 2010, A______ a déposé une demande d'autorisation de construire, portant sur la réfection des façades, l'aménagement d'appartements dans les combles, la transformation des appartements (du rez au 5ème), ainsi que la pose de capteurs solaires en toiture, laquelle a été enregistrée sous le n° DD 1______.

3.             Dans le cadre de l'instruction de cette requête, la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS), soit pour elle la sous-commission architecture (SCA), a émis trois préavis. Dans le premier, daté du 18 janvier 2011, elle a sollicité un projet modifié. A cette occasion, elle a communiqué à la requérante la liste indicative des éléments caractéristiques dignes de protection au sens de l'art. 90 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Y figuraient notamment les portes palières de tous les appartements avec leurs ferrements (poignées, sonnettes, etc.), la verrière en toiture, les installations anciennes entourant l'ascenseur qui présentent un intérêt, etc. Le 12 avril 2011, elle a pris connaissance du projet modifié selon sa requête, mais a émis encore un certain nombre de réserves, en requérant un second projet modifié, et le 5 juillet 2011, elle a émis un préavis favorable sous réserves que l'ensemble des détails d'exécution (toiture, lucarnes, verrières, capteurs solaires, dernier palier, fenêtres étages, etc.), ainsi que tous les choix de matériaux et de teintes soient soumis au SMS pour approbation, avant la commande des travaux. Par ailleurs, la commission insistait pour que les verrières soient posées sans saillie et pour que le traitement des joues et avant-toit des lucarnes soient finement réalisés. Elle n'était pas opposée à l'ajout de capteurs solaires, pour autant que ceux-ci soient bien intégrés.

4.             Le 20 mars 2012, l'autorisation de construire DD 1______ a été délivrée au propriétaire.

5.             Par actes séparés des 10 et 11 mai 2012, plusieurs locataires de l’immeuble ainsi que Q______ ont recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant notamment à son annulation.

6.             Par jugement du 29 janvier 2013, le tribunal a rejeté les recours des précités (JTAPI/6______).

Ce jugement a été cassé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) laquelle a annulé l'autorisation de construire DD 1______ (ATA/7______ du 27 août 2013).

7.             A teneur d’un avis d'ouverture de chantier du 17 juin 2013, des travaux ont été entrepris dans l’immeuble dès cette date et la rénovation des étages inférieurs et façades, ainsi que l’aménagement des combles avec la création de quatre appartements duplex (6ème étage + combles) se sont terminés courant 2014.

8.             Les 16 et 23 juin 2014, la propriétaire a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur la rénovation des étages inférieurs et des façades et parties communes (DD 2______), respectivement sur la rénovation des combles (DD 3______).

9.             Dans le cadre de l'instruction de ces requêtes, la CMNS a demandé, par préavis du 1er juillet 2014 :

DD 2______ : la modification du projet, ainsi que la remise de plusieurs documents ;

DD 3______ : la modification du projet, relevant que d'une manière générale le nouveau programme conduisait à des interventions beaucoup plus importantes que celles admises en 2011. Le projet devait être revu de façon à garantir le maintien de l'homogénéité d'ensemble, ainsi que des caractéristiques architecturales de ce bâtiment protégé. En substance, elle indiquait notamment être totalement opposée à la reconstruction des lucarnes existantes côté rue dans leur gabarit actuel, occupant plus de la moitié de la longueur de la façade et à l'ajout en plus d'un second registre de prises de jours péjorant encore la situation, et soulignait qu'en toiture la verrière d'origine devra être maintenue.

10.         Par courrier du 29 juillet 2014, le département a informé la propriétaire de l'immeuble avoir été alerté par un collaborateur du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (SABRA) qu’elle avait, à deux reprises, confirmé que les travaux de réfection des façades et de rénovation et transformation d'appartements étaient déjà terminés, alors même que l’instruction de la requête (DD 2______) était encore en cours et qu'aucune autorisation de construire n'avait été délivrée.

Cette situation étant susceptible de constituer une infraction à l'art. 1 LCI, un délai de dix jours lui était imparti pour se déterminer quant aux faits constatés (I/4______).

11.         Par courrier du 11 août 2014, des locataires de l'immeuble ont dénoncé l'exécution de travaux de rénovation portant sur leurs appartements depuis presque deux ans. Par ailleurs, ils se plaignaient du fait que la rénovation des combles leur causait des dérangements sans interruption, précisant que le dernier étage était barricadé par des panneaux de chantier et qu'il était impossible de voir ce qu'il se passait derrière ces derniers. Enfin, ils s'interrogeaient quant au fait que A______ semblait au-dessus des lois.

12.         Dans un préavis du 16 février 2015 rendu dans le cadre de la DD 3______, le SMS a demandé une modification du projet lequel ne répondait pas à la demande de modification du projet formulée par la CMNS le 1er juillet 2014.

Il relevait pour le surplus avoir constaté sur place que les travaux étaient a priori terminés et s’en remettait à la direction des autorisations de construire (DAC) afin de vérifier, en regard des différents dossiers instruits ou en cours d’instruction (DD 1______, DD 3______, DD 2______), la conformité des travaux réalisés et prendre, le cas échéant, les mesures administratives qui s’imposaient.

13.         Le 13 mars 2015, un inspecteur de la construction s'est rendu sur place et a constaté que l'immeuble dans son ensemble venait d'être rénové et que les travaux suivants, faisant l'objet de la requête en cours d'instruction DD 3______, avaient été effectués :

A l'intérieur :

Modification du palier au 6ème étage, avec suppression des portes des ateliers en face de l'ascenseur et création de quatre portes sur les deux côtés latéraux.

Pose d'une porte en grillage métallique en correspondance du nez de la première marche d'escalier menant au niveau des combles (non signalé sur les plans de la requête).

A l'extérieur :

Rénovation des lucarnes côté rue et création d'un deuxième registre de prises de jour (velux) dans les combles côté rue.

Ce constat se limitait aux espaces collectifs, les appartements du 6ème étage étant fermés.

14.         Dans son préavis du 16 mars 2015 relatif à la DD 2______, le SMS a également relevé avoir constaté sur place que les travaux étaient a priori terminés.

Concernant les fenêtres, il regrettait que les âmes des partitions structurelles n'aient pas été maintenues comme cela est régulièrement pratiqué dans ce type d'interventions. Pour le reste, il persistait à requérir les descriptifs détaillés des interventions. S’agissant des travaux en façades, il a rappelé la teneur de son préavis du 4 novembre 2012 et réitéré sa demande de descriptifs détaillés des interventions.

15.         Par courrier des 23 mars et 23 avril 2015 dans le cadre de la procédure d'infraction I/4______, constatant que son courrier du 29 juillet 2014 était resté sans suite, le département a ordonné au mandataire de la propriétaire puis à E______ SA (ci-après : E______) de lui fournir un reportage photographique complet de l'ensemble des travaux effectués, dans un délai reporté au 4 mai 2015, toutes mesures ou sanctions justifiées par la situation demeurait réservées.

Les travaux visés par la DD 1______ avaient apparemment été terminés alors que cette autorisation avait été annulée le 27 août 2013 par la chambre administrative et que, dès lors, le chantier aurait dû être interrompu.

16.         Le 30 avril 2015, la requérante a fourni un relevé photographique daté du 6 avril 2015, portant sur les DD 1______ et DD 2______.

17.         Par courriers des 4 juin et 16 novembre 2015, le département a demandé à la requérante de lui fournir un projet modifié pour les DD 3______ et DD 2______ qui réponde aux préavis des instances spécialisées.

Sans nouvelle de sa part dans le délai accordé, il statuerait sur les deux requêtes sur la base des éléments en sa possession, toutes mesures et/ou sanctions justifiées par la situation demeurant, en l’état, réservées.

18.         Le 7 janvier 2016, le mandataire de la propriétaire a adressé au département un descriptif détaillé des travaux effectués dans les appartements et en façade. Une liste des travaux établie par l’entreprise générale F______ qui détaillait toutes les interventions effectuées était par ailleurs annexée.

19.         Dans son préavis du 21 mars 2016 (DD 3______), prenant connaissance des compléments et modifications enregistrés le 9 février 2016, le SMS a notamment indiqué demeurer dans l'attente des pièces complémentaires requise lors de l’entretien du 18 novembre 2015, à savoir la liste d'éléments, en complément, portant sur les travaux déjà réalisés (cf inf 4______). Il demeurait pour le surplus dans l’attente de renseignements concernant l’insertion des jours en toiture.

20.         Le 21 juillet 2016, se référant au courrier du mandataire du 13 juin 2016, en réponse à sa demande de complément du 21 mars 2016, à sa demande de projet modifié du 16 février 2015 et à celle de la CMNS du 1er juillet 2014 ainsi qu’à la requête DD 1______, le SMS a préavisé défavorablement la DD 3______.

Il relevait en préambule qu’il était invité à préaviser le projet alors que les travaux étaient terminés depuis bien longtemps, en dehors de toute autorisation de construire. L'avis émis concernait uniquement l'aménagement des combles, les travaux également terminés de réfection des façades et de rénovation d'appartements par rapport auxquels il devait encore se prononcer faisant l'objet d'une demande séparée (DD 2______).

S'agissant de la toiture côté rue, il renvoyait aux termes des précédents préavis et rappelait qu'il s'était toujours prononcé défavorablement à la reconstruction des anciennes lucarnes dans leur gabarit, occupant plus de la moitié de la longueur de la façade et à l'ajout d'un second registre de prises de jours péjorant encore la situation. Tout au plus, un projet proposant des lucarnes identiques à celles construites sur le bâtiment voisin, ainsi qu'un second registre avec des châssis isolés de 80x100 cm pouvait être admis. Il relevait qu'à ce jour, les lucarnes étaient reconstruites selon l'ancien gabarit et des double châssis juxtaposés de deux fois 78x130 cm étaient disposés en second registre. Enfin, les documents photographiques semblaient démontrer que les plans enregistrés le 3 juin 2014 n'étaient pas conformes à la réalisation car les toitures des lucarnes étaient en réalité nettement plus hautes que celles du bâtiment B______ n°8______ et les châssis étaient disposés directement au-dessus des lucarnes sans passage de rangs de tuiles.

S'agissant de la verrière d'origine qui avait été remplacée en dehors de toute autorisation, il rappelait que sa conservation avait été demandée depuis l'origine du projet et que cette dernière aurait pu être restaurée et adaptée pour répondre aux différentes exigences.

Outre les travaux objets de cette requête, ainsi que ceux de la DD 2______, sur laquelle il aurait encore à préaviser, il avait pu constater que l'ascenseur avait été remplacé entraînant la perte des grilles ornementées d'origine, ainsi que la main-courante de l'escalier, que le décor peint en faux appareillage dans le hall d'entrée avait disparu au profit d’une peinture blanche et que toutes les portes palières d'origine des appartements avaient été remplacées.

En conclusion et relevant qu'en dépit des rencontres et échanges de courriers le dossier n'avait pas évolué depuis les premiers préavis émis il y a deux ans, il s'en remettait à la DAC, afin que soient prises les mesures administratives qui s'imposaient par rapport à ces différents travaux réalisés en infraction.

21.         Le 5 septembre 2016, le SMS a également rendu un préavis défavorable dans le cadre de DD 2______, relevant en préambule qu'il était invité à préaviser le projet alors que les travaux étaient déjà terminés, en dehors de toute autorisation de construire. Il notait également que l'avis émis concernait uniquement les façades et les appartements, précisant que les travaux d’aménagement d'appartements dans les combles, également terminés, faisaient l'objet d'une demande séparée, préavisée défavorablement le 21 juillet 2016.

En substance, il était totalement défavorable au remplacement des portes palières d'origine tel que réalisé. Les âmes des partitions structurelles des fenêtres n'avaient pour le surplus pas été maintenues comme cela était régulièrement pratiqué dans ce type d'interventions. S'agissant des terrasses au niveau du rez-de-chaussée, il était défavorable aux travaux réalisés et soulignait que la pose de carrelage, ainsi que le capotage métallique des têtes de dalles étaient en totale inadéquation avec la qualité architecturale du bâtiment et l’homogénéité de traitement de l'ensemble protégé. De même, comme déjà signifié dans son préavis du 21 juillet 2016, il était totalement opposé à la suppression de la verrière d'origine dont la conservation avait été demandée depuis l'origine du projet. Cette dernière aurait pu être restaurée et adaptée pour répondre aux différentes exigences. Il constatait en outre que l'ascenseur, sans qualités patrimoniales, avait été remplacé par un modèle panoramique entrainant la perte de tous les niveaux de grilles ornementées d'origine, ainsi que de la main-courante de l'escalier, ce qui était totalement inacceptable. Enfin, il remarquait que le décor peint en faux appareillage dans le hall d'entrée, élément caractéristique à préserver, avait disparu au profit d'une peinture blanche.

22.         Le 26 septembre 2016, le SMS a adressé à l’OAC une note explicative en complément de ses préavis des 21 juillet et 5 septembre 2016, visant à déterminer quels éléments pouvaient être remis en état et quels étaient ceux qui, suite à la destruction irrémédiable d'éléments d'origine, ne pouvaient être reconstitués et pour lesquels il préconisait une réparation financière.

S'agissant de la DD 3______, il considérait les informations relatives à l'habitabilité des pièces des appartements en fonction au 6ème étage et aux combles, ainsi qu'à l'impossibilité de soustraire des logements du marché. Dans ce contexte, il estimait qu'à défaut d'une mise en conformité par la réduction substantielle de la dimension des lucarnes et des châssis de toiture ou la suppression du second registre de prises de jours, jugées impossibles dans la situation actuelle, une amende réellement dissuasive devrait être prise. Il insistait sur le caractère intolérable de la mise devant le fait accompli de la part de l'architecte mandataire et demandait que le statut MPQ de ce dernier soit reconsidéré.

S'agissant de la DD 2______, le remplacement des portes palières d'origine de tous les appartements, de la verrière d'origine, ainsi que de l'ascenseur entraînant la suppression des grilles ornementées d'origine et de la main-courante en bois de l'escalier, constituaient une perte irrémédiable de la substance et des éléments caractéristiques de ce bâtiment appartenant à un ensemble protégé inscrit dans la liste indicative. Dès lors qu'une remise en état de la situation ancienne n'était plus possible, il ne pouvait que souligner le caractère intolérable de cette situation et préconisait des mesures administratives conséquentes, à la hauteur de la gravité des faits.

En ce qui concernait la disparition du décor peint en faux appareillage du hall d'entrée, élément caractéristique à préserver, il demandait une restitution à l'identique, se basant sur des sondages à faire effectuer par une entreprise spécialisée, ainsi que sur l'examen de photographies d’archives. De même pour le capotage métallique des têtes de dalles des jardinets au rez-de-chaussée, en totale inadéquation avec la qualité architecturale du bâtiment et l'homogénéité de traitement de l'ensemble protégé, qui devrait être supprimé. Enfin, un détail de reprise du carrelage situé derrière le garde-corps devrait être étudié et proposé.

23.         Par courrier du 8 novembre 2016, le département a rappelé à E______ qu'il avait constaté que des travaux portant sur la transformation du 6ème étage et des combles avec l'aménagement de deux appartements duplex, ainsi que la réfection des façades, la rénovation et la transformation d’appartements avaient été entrepris sans autorisation de construire et que cette situation était susceptible de constituer une infraction (I/4______). Avant de se déterminer formellement sur la suite à donner à cette affaire, il l’invitait à lui faire part de ses observations dans un délai de dix jours à compter de la réception de la présente, toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation demeurant réservées.

24.         Par courrier du 5 décembre 2016, E______ a informé le département, qu'après consultation de la propriétaire, elle n'avait aucune observation ou explication supplémentaire à lui communiquer.

25.         Le 5 septembre 2017, une séance a eu lieu en présence de E______ et de représentants de l’office du patrimoine et des sites (OPS).

26.         Le 16 avril 2018, au vu du contexte du dossier et des enjeux patrimoniaux conséquents, une nouvelle séance a eu lieu entre des représentants de la propriétaire et du département.

A cette occasion, deux options lui ont été présentées, à savoir, le refus des autorisations sollicitées avec ordre de remise en état et sanction administrative ou l’émission d’une demande de complément par courrier, la délivrance des autorisations de construire, si les réponses données au SMS et à l'OCLPF s'avèreraient finalement satisfaisantes, et le prononcé d’une amende de CHF 150'000.-.

27.         Par courriers du 8 juin 2018, le département a communiqué le détail des modifications requises par le SMS à la propriétaire, pour les DD 3______ et 2______.

28.         Le 18 octobre 2018, se référant au courrier susmentionné, le mandataire de la propriétaire a déposé deux compléments aux DD 2______ et 3______.

29.         S'agissant de la verrière, le SMS a indiqué, dans son préavis du 18 novembre 2018/9 (DD 3______), que des mesures administratives devaient être prises suite au remplacement de la verrière en toiture, au vu de la perte irrémédiable et majeure de la substance d'origine, la verrière d'origine en fers marchands ayant été remplacée par une nouvelle verrière avec profilés contemporains.

30.         Dans son préavis du 3 décembre 2018 (DD 2______), le SMS a estimé, s’agissant cette fois de l’ascenseur, que des mesures administratives devaient également être prises, au vu de la perte irrémédiable et majeure de la substance d’origine causée par la propriétaire. En effet, lors de la pose de la nouvelle cage d’ascenseur en verre, les grilles ornementées d'origine à tous les niveaux, ainsi que la main-courante en bois de l'escalier, avaient été supprimées. Il a également constaté une perte irrémédiable de la substance d'origine des portes palières.

31.         Dans un courrier du 11 février 2019, le mandataire de la propriétaire a adressé au département les pièces et plans complémentaires requis relevant notamment que, pendant l’instruction des deux DD déposées, l’entreprise générale avait continué les travaux de rénovation dans les étages (DD 2______) et dans l’aménagement des quatre logements dans les combles (DD 3______).

32.         Le SMS a encore demandé une modification du projet le 2 avril 2019 (DD 3______) soulignant ne pas pouvoir entrer en matière pour l’ajout d’un châssis de toiture supplémentaire et insistant sur le fait que les ouvertures validées précédemment constituaient un maximum admissible sur cette toiture.

33.         Le 18 novembre 2019, le SMS, se référant à ses précédents préavis ainsi qu’à ceux de la CMNS et considérant les travaux réalisés en infraction ainsi que la procédure administrative en cours, a rendu un préavis favorable sous conditions (DD 3______) :

« Toiture côté rue

Le service prend bonne note que les lucarnes seront remises en état selon le gabarit ainsi que la finesse de traitement d'origine.

Il accepte l'ajout de 5 châssis isolés, dont les dimensions maximales seront de 80x100cm.

Toiture côté cour

Le service prend bonne note que les châssis côté cour seront remplacés par des éléments de 80x100cm alignés sur ceux du bâtiment voisin.

Verrière

Le service rappelle qu'il demande que des mesures administratives soient prises suite au remplacement de la verrière et donc à la perte irrémédiable de la substance d'origine.

Toujours dans le cadre de la régularisation de cette infraction, le service ajoute en conclusion que les points relatifs aux portes palières, au décor peint du hall d'entrée, à l'ascenseur et à la main-courante, ainsi qu'aux façades sont traités dans le cadre de la demande d'autorisation DD 2______ dont l'objet est la réfection des façades ainsi que la rénovation et la transformation d'appartements ».

34.         Le 22 avril 2020, le département a délivré les autorisations de construire DD 3______ et DD 2______ lesquelles ont été publiées dans la FAO du même jour.

35.         Le même jour, il a infligé à A______ une amende de CHF 150'000.- (1-4______). Le montant de l'amende tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise.

La mesure de protection patrimoniale dont bénéficiait le bien, la mise du département devant le fait accompli, l'importance de la construction et des aménagements réalisés en infraction, la durée de traitement de l'infraction étaient notamment pris en considération à titre de circonstances aggravantes.

Dans cette même décision, il a également ordonné de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la réalisation des travaux conformément aux conditions et plans visés ne varietur des autorisations délivrées le 22 avril 2020, dans un délai de 12 mois dès notification de la présente (notamment pour la réalisation de l'ensemble des conditions des autorisations de construire DD 3______ et DD 2______). Les attestations globales de conformité accompagnées des plans conformes à exécution devaient lui parvenir dans le même délai et toutes autres mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient expressément réservées.

36.         Par acte du 27 mai 2020, agissant sous la plume d’un avocat, A______ a interjeté recours auprès du tribunal de céans à l'encontre de cette décision, concluant à sa réformation en ce sens que l’amende prononcée à titre de sanction soit réduite à CHF 15'000.-, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a conclu à sa comparution personnelle, à l’audition de Messieurs G______, architecte au sein du bureau H______ SA, I______ et J______, Directeurs régionaux représentants du maître d’ouvrage chez E______, K______, ancien chef de projet chez E______ et L______, chef de service OAC et à ce qu’un transport sur place soit ordonné.

Ces mesures d’instruction apparaissaient utiles au vu de l'historique complexe du dossier, du fait que de nombreux échanges avaient eu lieu par téléphone uniquement et afin d’appréhender la gravité toute relative des éléments d'infraction retenus par le département pour prononcer une amende correspondant au maximum légal.

Au fond, seul le montant et non le principe de l’amende était contesté. Le département avait en effet fait preuve d'arbitraire dans la fixation de l'amende, notamment dans la mesure où il n’avait pas tenu compte de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce, ni des circonstances atténuantes. Nettement supérieur au montant ordinairement décidé dans de pareilles circonstances, le montant de l'amende apparaissait disproportionné et contraire au principe de la bonne foi. Le département avait par ailleurs violé son droit d’être entendu dès lors que la décision entreprise ne contenait aucune motivation, ne précisant en particulier pas en quoi les travaux non-autorisés seraient illicites et excluraient ainsi l’application de l’art. 137 al. 2 LCI ni les éléments d’infraction retenus pour fixer l’amende qui correspondait au maximum légal. De même, elle n’avait pas été en mesure de faire valoir ses arguments avant son prononcé.

S’agissant du montant de l’amende, le département avait omis de faire application des principes jurisprudentiels communément admis en la matière. S’il n'était pas contesté que les travaux avaient été entrepris "sans autorisation", le défaut d'autorisation était toutefois intervenu a posteriori en raison de l'annulation de la DD 1______. L’OAC était pour le surplus parfaitement informé de l’exécution des travaux d'aménagement des combles et n'avait articulé aucune objection à cet égard. L’on ne saurait pour le surplus considérer que toute modification apportée à un immeuble protégé était contraire à la loi et elle ignorait en l’espèce quelles prescriptions légales, de la LCI ou de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), auraient été violées, s’agissant en particulier des modifications listées dans le courrier du 8 juin 2018. A cet égard, elle relevait un certain nombre d’éléments pour lesquels les préavis de la CMNS, respectivement du SMS, n’auraient dans tous les cas pas pu être respectés. Dans ces conditions, il était patent que les seules "infractions" relevées par l'OAC dans le cadre des séances et de ses courriers, respectivement des préavis de ses services, ne constituaient pas des violations de la LCI ou de ses règlements, ni a fortiori de la LDTR. Les travaux querellés apparaissaient au contraire autorisables au sens de la loi et de ses règlements et ce n'était que par pur esprit de chicane et de rétorsion que l'autorité avait maintenu des exigences déraisonnables, voire impossibles à satisfaire, en lien avec les travaux projetés. L'on ne saurait par ailleurs admettre que les violations qui lui étaient reprochées portaient sur la construction "sans autorisation" dans les combles de quatre appartements duplex en lieu et place des deux appartements duplex autorisés par la DD 1______. En effet, les travaux entamés en 2012 après le retrait de l'effet suspensif au recours contre ladite autorisation de construire avaient été poursuivis d'entente avec l’OAC et le service LDTR. Les travaux d'aménagement des quatre duplex étaient terminés depuis plusieurs mois lorsque l’OAC avait requis sa demande de complément. En aucun cas elle n'avait eu la volonté de mettre l'autorité devant le fait accompli et elle avait toujours collaboré afin de trouver des solutions, notamment afin de régulariser la question de l'accès aux appartements. La sanctionner pour ce motif serait dès lors contraire au principe de la bonne foi. En tout état, il y avait lieu de constater que l'art. 137 al. 2 LCI était applicable au cas d'espèce dès lors que les travaux réalisés étaient conformes aux prescriptions légales, plafonnant le montant maximum de l'amende à CHF 20'000.-.

En application de l’art. 137 al. 3 LCI, le département devait enfin de tenir compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Or, en l’espèce, du point de vue objectif, les modifications reprochées étaient peu graves et leur étendue s'avérait très limitée en comparaison avec le reste des modifications opérées dans le bâtiment en conformité avec les exigences de l’OAC. Elle n’avait pour le surplus pas d’antécédent, alors même qu’elle détenait de nombreux immeubles sur le territoire genevois, n’avait pas été mue par des motivations condamnables, avait toujours collaboré et avait déjà été largement pénalisée par le temps perdu et les coûts supplémentaires liés à la nouvelle procédure d'autorisation (obligations de remise en état et manque à gagner lié aux logements nouvellement construits), circonstances atténuantes dont le département n’avait pas tenu compte. Dans ces conditions, en infligeant une amende correspondant au maximum légal, l'autorité intimée n'avait pas respecté le principe de proportionnalité et versé dans l'arbitraire.

37.         Dans ses observations du 3 août 2020, le département a conclu au rejet du recours. Préalablement, il devait être donné acte aux parties que l'effet suspensif du recours ne portait que sur l’amende infligée à la propriétaire et non sur l’ordre de remise en état dans un délai de 12 mois, dès le 27 avril 2020, contenu dans la décision du 22 avril 2020. Les éléments de fait pertinents ressortant clairement du dossier, les actes d’instruction requis par la recourante, purement dilatoires, devaient pour le surplus être rejetés.

Au fond, les griefs de la recourante devaient être rejetés, étant rappelé que les actes du représentant étaient opposables au représenté comme les siens propres.

En effet, force était de constater que son droit d'être entendu avait été respecté, puisque la décision querellée mentionnait non seulement les bases légales pertinentes, mais également les trois procédures (I/4______, DD 3______ et DD 2______), les faits pertinents et les circonstances aggravantes, sur lesquels elle se fondait. Il contestait pour le surplus la version des faits invoquée par la recourante s’agissant de la séance du 16 avril 2018, en contradiction totale avec ce qui avait été convenu à cette occasion.

S’agissant de l'application de l'art. 137 LCI, il n'était pas contesté que les travaux litigieux avaient été entrepris "sans autorisation" ni que l'immeuble concerné faisait partie d'un ensemble protégé au sens des art. 89 ss LCI. Dans la mesure où les travaux de rénovation litigieux contrevenaient à l'art. 90 LCI, il était patent qu’ils n’étaient pas conformes aux prescriptions légales. Les constats du SMS étaient clairs s’agissant de la verrière, de l'ascenseur et des portes palières. Ces éléments, particulièrement dignes de protection, figuraient sur la liste indicative des éléments caractéristiques dignes de protection au sens de l'art. 90 LCI, dûment communiquée à la propriétaire le 18 janvier 2011, lors de l'émission du préavis de la SCA dans le cadre de la DD 1______. C'était ainsi à juste titre qu’il avait appliqué la fourchette prévue à l'al. 1 de l’art. 137 LCI au cas d'espèce.

Pour la fixation de la quotité de l'amende, il était incontestable que l'exécution des travaux litigieux avant l'entrée en force des autorisations y relatives, leur poursuite et finalisation malgré l'annulation de l'autorisation de construire DD 1______ par la chambre administrative, ainsi que la transformation de la toiture et l'aménagement d'appartements dans les combles d'un immeuble protégé en dehors de toute autorisation de construire constituaient une violation des art. 1 al. 1 et 6 LCI. La recourante avait pour le surplus crassement violé l'art. 90 LCI. Ce cumul d’infractions démontrait un profond mépris des principes fondamentaux en matière de construction. Une telle attitude constituait une faute grave, d'autant plus que l'auteur, représentant de la propriétaire, était un professionnel de l'immobilier. En outre, cette dernière avait déjà fait l'objet d'une procédure d'infraction en date du 28 avril 2009 (I/5______), pour avoir entrepris, sans autorisation de construire, des travaux de rénovation dans un appartement, en violation de la LCI et de la LDTR. Le montant de CHF 150’000.- apparaissait enfin parfaitement proportionné au vu de la gravité de l'infraction, les travaux litigieux ayant porté une atteinte majeure et irrémédiable au bâtiment protégé, causant ainsi une perte patrimoniale importante, ce que la recourante et son mandataire ne pouvaient ignorer. A cela s'ajoutait le fait que certaines interventions réalisées n’étaient pas autorisables de sorte que le plafond de l'art. 137 al. 2 LCI n'était pas applicable. La recourante ne faisait enfin pas état de difficultés patrimoniales particulières l'empêchant de s'acquitter du montant de l'amende, mais confirmait au contraire qu'elle disposait de ressources financières importantes.

La recourante se plaignant d’un manque à gagner de plus de CHF 500'000.-, contesté, il s’interrogeait en dernier lieu sur le montant des loyers qu’elle avait perçus durant ces six dernières années. Cet élément étant un fait pertinent pour trancher la présente cause, il invitait le tribunal à ordonner à A______ de produire les documents y relatifs dans le cadre de la présente procédure.

38.         A______ a répliqué en date du 31 août 2020 maintenant les conclusions de son recours.

Après avoir rappelé les circonstances ayant mené à l'annulation des autorisations de construire DD 1______/1 et DD 1______/2 des 20 mars et 11 septembre 2012 respectivement que la Cour justice avait partiellement retiré l'effet suspensif au recours, le litige ne portant plus que sur la question de la création de logements dans les combles, elle a souligné qu’il ne pouvait, dans ces circonstances, être retenu qu’elle avait "crassement violé l'art. 90 LCI". Elle a pour le surplus relevé, en substance, que le département s’opposait à l’audition du chef de service alors en poste de l’OAC mais ne se prononçait pas sur le fait que cet office était parfaitement au courant de la poursuite des travaux. Il omettait également de s’expliquer quant aux discussions qui avaient conduit au dépôt de deux demandes d'autorisation distinctes, l'une portant sur la rénovation des étages inférieurs (DD 2______) et l'autre sur l'aménagement d'appartements dans les combles (DD 3______) respectivement sur le fait que l'OAC était bien conscient que ces deux demandes visaient à régulariser les travaux déjà effectués et que la solution visant la construction de quatre appartements duplex au lieu de deux avait préalablement été validée par cet office, la CMNS et le service LDTR. Dans ces circonstances, il était surprenant de constater que les préavis de la CMNS du 1er juillet 2014 rendus dans les deux dossiers d'autorisation et demandant des modifications de projets n'avaient été transmis à son mandataire de P______ que cinq mois plus tard.

Elle contestait tout accord concernant le montant de l'amende, preuve en était l’absence de toute trace écrite à ce sujet. Au contraire, il avait toujours été question d'une sanction "appropriée". A cet égard, l'allégation selon laquelle les travaux auraient été entrepris "sans autorisation" devait être relativisée par les circonstances du cas d’espèce. Elle persistait également à contester que les modifications qui avaient fait l'objet de l'ordre de remise en état violaient les normes de la construction, respectivement les prescriptions légales. En conséquence, la sanction aurait dû se limiter au plafond de CHF 20’000.- prescrit par l'art. 137 al. 2 LCI.

Elle contestait également vivement être à l'origine des nombreux retards qui avaient entaché les deux procédures d'autorisation (DD 2______ et DD 3______), ceux-ci étant le résultat des innombrables modifications de projet requises, parfois contradictoires, par les services étatiques, en particulier par le SMS. Le fait que le responsable du dossier avait changé plusieurs fois, avait encore péjoré le suivi du dossier.

L'autorité intimée tentait de justifier le montant exorbitant de l'amende en se prévalant d'un "précédent" remontant à 2009. Or, pour rappel, elle était, par le biais de ses différentes entités juridiques, propriétaire de nombreux immeubles sur le territoire genevois, comprenant au total 1250 logements. Au vu du nombre de dossiers d'autorisation ouverts au cours des deux dernières décennies, le fait que le département n’ait pu identifier qu'un seul cas d’infraction (mineure) ne permettait dès lors pas de retenir qu'il y avait eu récidive au sens des principes tirés de l'art. 47 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) mais démontrait dès lors au contraire qu’elle était une propriétaire soucieuse du respect des lois et règlements en vigueur. Elle renvoyait pour le surplus à la jurisprudence en matière d’amendes administratives.

S’agissant enfin de l’insinuation du département comme quoi elle aurait réalisé un revenu illicite en mettant en location douze appartements du rez au 5ème étage de l'immeuble durant la procédure d'autorisation DD 2______, elle était spécieuse, sauf à considérer qu’elle aurait dû, lors de l'annulation de l'autorisation de construire DD 1______ au mois d'août 2013, résilier l'ensemble des baux des habitants de l'immeuble alors même que les travaux de rénovation portant sur ces appartements étaient quasiment terminés, le temps que le département délivre de nouvelles autorisations régularisant ces travaux. Elle s’opposait dès lors à la demande de production de pièces formulée par le département dans ses observations du 3 août 2020.

39.         Dans sa duplique du 23 septembre 2020, le département a contesté la version des faits de la recourante qui continuait de minimiser les conséquences de ses actes. Il ne lui était pour le surplus pas reproché d’avoir loué ses appartements durant la procédure d’autorisation DD 2______ mais d’avoir éventuellement perçu un loyer trop élevé, raison pour laquelle il persistait dans sa demande de production des documents attestant des montants des loyers perçus ces six dernières années. Le département n’avait enfin pas sciemment toléré les travaux effectués et la recourante ne saurait se prévaloir du principe de la bonne foi pour contester toute infraction fautive à la LCI.

40.         Le 26 octobre 2020, la recourante a versé à la procédure copie des états locatifs pour les années 2012 à 2020 concernant l’immeuble. Cinq appartements du 6ème étage étaient vacants depuis 2012. Il en découlait que le revenu annuel net de l’immeuble avait toujours été nettement inférieur au seuil imposé par les autorisations DD 1______/1-2, respectivement des revenus locatifs usuels des immeubles du quartier.

41.         Par courrier du 19 novembre 2020, le département a constaté que la recourante, sur la base des pièces fournies, avait effectivement perçu un revenu illicite suite à la rénovation de son immeuble, majorant le loyer de l’appartement n°9______ de CHF 900.- en 2014 à CHF 2'008.- en 2015. Il contestait pour le surplus que les loyers perçus seraient nettement en-dessous des loyers usuels du quartier.

42.         Le 13 avril 2021, les parties ainsi que Monsieur G______, architecte et Madame M______, représentante du SMS, ont été entendus dans le cadre d’une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

A cette occasion, Mme M______ a expliqué, s'agissant des portes palières, qu’elles avaient été remplacées dans tout l'immeuble sans que le SMS soit consulté et alors même qu'il existait des moyens de les maintenir tout en garantissant une protection suffisante contre le feu. Il aurait simplement fallu les adapter. Il s'agissait d'éléments caractéristiques de ce type de bâtiment que le SMS demandait de maintenir, dans un souci d'homogénéité notamment et de maintien de la substance d'origine. Ils participaient du décor d'origine. Le maintien était demandé également du fait qu'il était parfaitement possible de les adapter aux exigences de sécurité actuelles. Il s'agissait d'une altération majeure, car les portes d'origine n'existaient plus. Il n'était donc plus possible de procéder à une remise en état. Il était en revanche possible d'améliorer la situation actuelle et l'architecte de la recourante leur avait fait une proposition dans ce sens. C’était la porte dans son ensemble qui avait disparu, à savoir les panneaux de porte, les fermants, les sonnettes, qui étaient autant d'éléments protégés. Les éléments caractéristiques de l'ascenseur (grille ornementée et main-courante de l'escalier) étaient des éléments caractéristiques de l'architecture et particuliers à cet immeuble. Du fait qu'ils avaient disparu, cela ne faisait pas de sens de demander à la recourante de les refaire à l'identique. Cela ne serait de fait pas possible compte tenu de la taille de l'ascenseur. Il s'agissait d'une perte patrimoniale importante, pas nécessaire et qui n'était pas prévue dans la requête d'autorisation initiale. C'était d'ailleurs pour cette raison que le SMS en avait expressément demandé le maintien. Le décor peint dans le hall d'entrée était également un élément caractéristique de ce type d'immeuble raison pour laquelle le SMS avait demandé sa restitution. Si l'architecte avait interpellé le SMS à ce sujet, il aurait refusé qu'il soit repeint. L'âme des partitions structurelles des fenêtres n'était plus litigieuse. Le capotage métallique des têtes de dalles des jardinets au rez-de-chaussée avait été réalisé sans que le SMS soit interpellé et sans autorisation, alors qu'il portait atteinte à l'image du bâtiment et à l'homogénéité de l'ensemble protégé. Leur suppression avait été demandée et était en cours. Il en allait de même du carrelage derrière le garde-corps, pour les mêmes motifs. Il s'agissait d'une atteinte majeure, mais réversible. Si les ajustements demandés étaient effectués, cela conviendrait au SMS. S'agissant des lucarnes, la CMNS avait préavisé le projet de démolition/reconstruction des lucarnes qui lui avait été soumis. Dans ce cadre, elle avait demandé une réduction de la surface des lucarnes sur le modèle de ce qui avait été autorisé au n°8______. Par la suite, dans le cadre de la DD 3______, les nouveaux plans leur avaient été soumis, lesquels avaient été préavisés défavorablement, étant précisé que les travaux avaient en réalité déjà été réalisés. Ces derniers ne correspondaient pas à ce qui avait été autorisé dans le cadre de la DD 1______, ni d'ailleurs aux plans soumis dans le cadre de la DD 3______. Ces travaux n’étaient pas acceptables. Après discussion avec l'architecte, ils avaient réalisé qu'en raison des problèmes en lien avec la charpente il fallait revenir aux lucarnes existantes, à savoir à une solution éloignée du premier projet autorisé. Une remise en état était dès lors demandée. Les modalités étaient en cours de discussions. Le second registre était admis, mais dans une dimension réduite et dans l'esprit de ce qui existait sur le bâtiment voisin, dans un souci d'homogénéité. La verrière d'origine était également un élément caractéristique de ce type d'immeuble dont le maintien était demandé. Dès lors qu'elle avait disparu, il n'était plus possible de demander une remise en état pour les mêmes motifs que ceux évoqués s'agissant des éléments caractéristiques de l'ascenseur. Le maintien de la verrière était prévu dans la DD 1______. Celle-ci était mentionnée en noir sur les plans et un exutoire de fumée était mentionné. En principe, il était tout à fait possible de maintenir ce type d'élément tout en respectant les normes de sécurité actuelles. Tous les travaux discutés ci-dessus n’étaient pas autorisables. Dans la mesure où une remise en état n'était pas possible, ils étaient tolérés. L'atteinte majeure et la perte irrémédiable demeuraient néanmoins. S'agissant des autres travaux, validés après coup par les DD 2______ et DD 3______, ils entraient dans la catégorie des travaux autorisables. Une atteinte pouvait être majeure, quand bien même elle était réversible.

Le conseil de la recourante a relevé que M. G______ n'était pas en mesure de s'exprimer sur la question de la dépose des portes palières, car il n'était pas en charge des travaux à ce moment-là. Il n’était pas contesté que celles-ci avaient été remplacées. Elles l’avaient été par des portes conformes aux réquisits des autorités de préavis et notamment de la police du feu. Ils contestaient qu'à l'ouverture du chantier en juin 2013 d'autres travaux que ceux pour lesquels l'effet suspensif avait été partiellement levé avaient été réalisés. Ils ne contestaient pas que la verrière n'aurait pas dû être enlevée.

S’agissant de l’ascenseur et de ses éléments caractéristiques, M. G______ a expliqué que l'ascenseur d'origine avait été changé dans les années 80. À cette occasion, ses éléments caractéristiques (grille ornementée et main-courante de l'escalier) avaient été maintenus. Dans le cadre du chantier des DD concernées par la présente affaire, il avait été décidé de remplacer à nouveau cet ascenseur sans que cela n'ait été autorisé. Les éléments caractéristiques avaient alors été enlevés, sans que cela ne soit véritablement nécessaire, mais dans un souci de cohérence architecturale. La situation actuelle était esthétiquement plus cohérente que celle qui prévalait en 1980. Le hall d'entrée avait effectivement été repeint sans autorisation. De même, les boiseries ont été décapées et azurées en contradiction avec le type architectural de l'immeuble. D'entente avec le département, ils avaient convenu d'une remise en état, à savoir un décor en fausse pierre, tel qu'existant à la fin des années 1980, début des années 1990, tout à fait typique de ce type d'immeuble. Il ignorait quelle était la décoration du hall d'entrée à l'origine du bâtiment. Le décor en fausse pierre datait de la fin des années 1980. Les boiseries étaient en revanche d'origine et on les retrouvait dans l'immeuble d'à côté (n°8______). Les lucarnes présentes aujourd'hui sur le toit étaient d'origine. Il y avait des différences, quant à leur taille, sur les différents plans déposés auprès du DT, du fait notamment que la DD 1______ avait été annulée et que Q______ avait demandé une modification de la typologie des appartements dans les combes. Il ignorait à quelle date les travaux avaient commencé sur la toiture. A l'avis d'ouverture de chantier du 17 juin 2013, ce n’était pas lui mais N______ et E______ qui étaient en charge des travaux. Monsieur K______, qui à sa connaissance avait une formation d'architecte-dessinateur, représentait E______. Il ignorait si les lucarnes étaient d'origine sur le bâtiment. De même il ignorait si l'ancienne verrière aurait pu être maintenue tel quel ou si elle aurait dû être rénovée. Cas échéant, une autorisation aurait dû être demandée.

M. O______, représentant de la recourante, a indiqué que lorsqu’il avait hérité du dossier en 2019, il avait été sidéré. La recourante déplorait cette situation. Elle n’était d'ailleurs pas opposée au principe de l'amende mais uniquement à son montant qu'elle estimait excessif compte tenu du déroulement des différentes procédures. Il ne pensait pas que les éléments du patrimoine qui avaient été remplacés avaient été conservés. Les appartements dans les combles n'avaient jamais été loués. Maintenant que l'attestation de conformité avait été déposée, ils devraient être rapidement mis en location.

Le représentant du département a relevé que l'ensemble des travaux des 5ème et 6ème étages avait été effectué, respectivement poursuivi, sans qu'aucune autorisation n'ait été délivrée. Dans le cadre de la séance du 16 avril 2018, deux solutions avaient été discutées avec les représentants de la recourante, à savoir un refus des autorisations avec le prononcé de la sanction maximale du fait de l'importance des manquements, respectivement du fait que les travaux portant atteinte au patrimoine n'étaient pas autorisables, soit la délivrance des autorisations requises, avec remise en état de certains éléments et un strict suivi de la CMNS et le prononcé d'une amende identique. Seul un PV à usage interne avait été établi à cette occasion.

A cet égard, M. G______ a indiqué se souvenir qu'il avait été discuté du prononcé d'une amende d'un montant élevé. Il ne se souvenait plus du montant exact : CHF 100'000.- ou CHF 150'000.-. À son souvenir, en cas de délivrance des autorisations et de remise en état, l'amende était moins élevée.

Le conseil de la recourante a indiqué que cette dernière n’avait jamais accepté de payer une amende de CHF 150'000.-. Dans la mesure où elle s'était engagée à faire les travaux de remise en état, elle partait du principe que la sanction serait proportionnée à sa bonne collaboration et aux infractions finalement réalisées. La recourante ne contestait pas sa responsabilité dans le cadre de ce dossier ni ne cautionnait ce qui avait été fait. En l'état, elle maintenait ses demandes d'auditions, la question de la connaissance et tolérance, par le département, de la poursuite des travaux dans les combles restant à éclaircir. Elle renonçait au transport sur place. Elle a versé à la procédure un chargé de pièces complémentaires comprenant notamment des photos des objets mis en conformité (lucarnes, velux, etc.).

Le représentant du département a contesté que le département aurait toléré la réalisation ou poursuite des travaux dans les combles alors qu'aucune autorisation n'avait été délivrée.

43.         Par courrier du 16 avril 2021, le tribunal a informé les parties de ce qu'il renonçait à entendre d'autres témoins à ce stade et fixé un délai au 7 mai 2021 pour déposer leurs observations après enquêtes ainsi que d'éventuelles pièces complémentaires.

44.         Le 6 mai 2021, les parties ont adressé leurs observations après enquêtes au tribunal.

Le département a relevé que les déclarations faites lors de l’audience confortaient sa position. Le principe de l'amende ne pouvait qu'être confirmé. Quant à son montant, il ne prêtait pas le flanc à la critique, au vu notamment des pertes patrimoniales majeures, pour partie irrémédiables, constatées. L'audience avait enfin révélé que la recourante s'était affranchie de l'obligation de faire exécuter les travaux par un mandataire professionnellement qualifié, conformément à l'art. 6 LCI.

La recourante a, quant à elle, relevé la nécessité de poursuivre l'instruction sur la question de la connaissance et tolérance, par le département, de la poursuite des travaux dans les combles ensuite de l'annulation du premier permis de construire, soit d’auditionner, dans ce contexte, MM. K______, J______ et L______, qui avaient participé aux discussions en question. Dans le cadre de la fixation du montant de l'amende, le département retenait avoir été mis devant le fait accompli alors qu’il était parfaitement au courant du fait que les travaux se poursuivaient, respectivement que ses représentants avaient participé à des discussions à ce sujet. Après avoir rappelé les faits pertinents, elle a confirmé ne pas s’opposer au principe de l’amende. Elle reconnaissait également, désormais, qu'il n'était pas possible de faire application de l'art. 137 al. 2 LCI. S’agissant du montant de l’amende, le département avait toutefois fait preuve d’arbitraire dans la mesure où il n'avait pas tenu compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce ni des principes applicables en matière de fixation des sanctions, soit en particulier du montant des amendes d'ordinaire nettement inférieur selon la jurisprudence en la matière, des circonstances très particulières du cas d'espèce, de l’acceptation implicite par le département de la continuation des travaux malgré l'annulation de la DD 1______, de son absence de volonté délictuelle, de cupidité et de récidive, de sa bonne collaboration, de la remise en état des infractions qui pouvaient l'être et du dommage financier important subi.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 515 p. 171).

5.             A titre liminaire, le tribunal rappellera que le recours ne porte que sur l’amende infligée à la recourante par le département dans sa décision du 22 avril 2020 et non pas sur l’ordre de remise en état également prononcé dans ce cadre. S’agissant de l’amende, seul son montant et non son principe est contesté.

6.             La recourante conclut préalablement à sa comparution personnelle, à l’audition de MM. G______, architecte au sein du bureau H______ SA, I______ et J______, Directeurs régionaux représentants du maître d’ouvrage chez E______, K______, ancien chef de projet chez E______ et L______, chef de service OAC et à ce qu’un transport sur place soit ordonné. Ces mesures d’instruction apparaissaient utiles au vu de l'historique complexe du dossier, des nombreux échanges non documentés et afin d’appréhender la gravité toute relative des éléments d'infraction retenus par le département. Dans ses dernières écritures, elle indique renoncer au transport sur place.

Dans un grief d’ordre formel, elle invoque une violation de son droit d’être entendu, au motif que la décision entreprise ne contenait aucune motivation, ne précisant en particulier pas en quoi les travaux non-autorisés seraient illicites et excluraient ainsi l’application de l’art. 137 al. 2 LCI ni les éléments d’infraction retenus pour fixer l’amende qui correspondait au maximum légal. De même, elle n’avait pas été en mesure de faire valoir ses arguments avant son prononcé.

7.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance, de se déterminer à leur propos (arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2014 du 22 juin 2015 consid. 2.1 ; 8C_269/2013 du 25 février 2014 consid. 5.2) et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 136 I 265 consid. 3.2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

8.             Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_832/2016 du 12 juin 2017 consid. 4.1).

9.             En l’espèce, le tribunal a entendu les parties, l’architecte de la recourante et Mme M______, représentante du SMS. Pour le reste, il estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et des dossiers du département, pour statuer sur le litige, sans qu'il ne se justifie de procéder aux autres auditions requises par la recourante, ces actes d'instruction, en soi non obligatoires, ne s'avérant pas nécessaires pour apprécier la situation et établir les faits pertinents.

S’agissant de la motivation de la décision, l’autorité intimée fait non seulement référence, dans cette dernière, à la disposition légale applicable (art. 137 LCI) mais mentionne également les trois procédures (I/4______, DD 3______ et DD 2______), les faits pertinents et les circonstances aggravantes, sur lesquels elle se fonde. La recourante a ainsi pu se rendre compte de sa portée et a été en mesure de recourir contre la décision querellée en toute connaissance de cause. Le défaut de motivation allégué en lien avec l'application de l'art. 137 al. 1 plutôt que 2 LCI n'est au demeurant plus d'actualité, la recourante ayant indiqué, dans ses dernières écritures du 6 mai 2021, reconnaitre qu'il n'était pas possible de faire application de l'alinéa 2.

Il sera enfin rappelé à la recourante, qui soutient n'avoir pas été en mesure de faire valoir ses arguments avant le prononcé de la décision querellée, que par courrier du 29 juillet 2014 déjà, le département l'informait des manquements constatés dans le cadre du chantier de l'immeuble considéré, l'invitant à se déterminer quant aux faits constatés et précisant qu'il se réservait le droit de la sanctionner. Des courriers du même type lui ont été envoyés à maintes reprises par la suite, ainsi notamment les 23 mars, 23 avril, 4 juin, 16 novembre 2015 et 8 novembre 2016 et plusieurs séances ont encore été agendées avec le département par la suite. Il s’ensuit que la recourante a largement eu la possibilité de s’exprimer avant que la décision querellée ne lui soit notifiée. En tout état, elle a eu tout loisir de faire valoir ses arguments devant le tribunal de céans, de sorte qu’une éventuelle violation de son droit d’être entendu a amplement pu être réparée dans le cadre de la présente procédure.

Au vu de ce qui précède, le droit d’être entendu de la recourante n’a pas été violé, de sorte que ce grief sera rejeté.

10.         Conformément à l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente.

11.         Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (art. 1 al. 1 let. b LCI) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (art. 1 al. 1 let. c LCI).

Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation ait été délivrée. Si les travaux portent sur une démolition, ils ne peuvent commencer avant l'entrée en force de l'autorisation s'y rapportant (art. 1 al. 7 LCI).

12.         Les art. 89 ss LCI protègent les « ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle », selon le titre de la section 2 dudit chapitre IX.

13.         L'art. 89 al. 1 LCI dispose que l’unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle situés en dehors des périmètres de protection de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, ainsi que du vieux Carouge, doit être préservée. Sont considérés comme ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d’architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l’emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d’une composition d’ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

14.         Les ensembles dont l’unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés. L’article 12 est en outre applicable (art. 90 al. 1 LCI).

15.         Les demandes d’autorisation, ainsi que les travaux de réfection de façades et de toitures concernant des immeubles visés à l’art. 89 sont obligatoirement soumis, pour préavis, à la CMNS (art. 93 al. 1 LCI). Celle-ci formule son préavis après s’être renseignée sur les servitudes et les dispositions qui ont régi l’aménagement initial du quartier, de la rue et des constructions au XIXe siècle et au début du XXe siècle (art. 93 al. 2 LCI). En outre, selon l'art. 3 al. 3 LCI, les demandes d'autorisation sont soumises au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés.

16.         Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l’autorité de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci (ATA/726/2012 du 30 octobre 2012 et les références citées ; ATA/719/2011 du 22 novembre 2011 ; ATA/539/2009 du 27 octobre 2009 ; ATA/529/2007 du 16 octobre 2007 ; ATA/100/2005 du 1er mars 2005 ; Thierry TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in Charles André MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201).

L'autorité de recours se limite alors à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 ; ATA/786/2014 du 7 octobre 2014 ; ATA/581/2014 du 29 juillet 2014). Le tribunal de céans fait montre de la même retenue.

17.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 consid. 2.2 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/700/2014 précité consid. 4a ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 568).

18.         Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 p. 72 s. ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 et 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 = RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 s). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 et les références citées). La protection de la bonne foi ne s’applique pas si l’intéressé connaissait l’inexactitude de l’indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 s n. 571).

19.         Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATA/700/2014 précité consid. 4c ; ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2a ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 8 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, Vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 922 ss n. 6.4.1.2 et 6.4.2.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 196 s n. 578 s ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, p. 140 ss et p. 157 n. 696 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1'173 ss).

20.         L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions de la recourante ou du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1400/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/355/2019 du 2 avril 2019 consid. 2b).

21.         En l’espèce, le principe de l’amende n’est, à juste titre, pas contesté par la recourante. Cette dernière estime toutefois que sa quotité a été fixée arbitrairement et ne respecte pas le principe de proportionnalité.

En particulier, elle ne saurait être sanctionnée, sauf à violer le principe de la bonne foi, pour la poursuite des travaux d'aménagement des combles, certes entrepris "sans autorisation", mais alors que ce défaut était toutefois intervenu a posteriori en raison de l'annulation de la DD 1______, et dès lors que celle-ci était connue et tolérée par l’OAC et le service LDTR. La perception de loyer trop élevé était contestée. A titre de circonstances atténuantes, le département n'avait enfin pas tenu compte du fait que les manquements reprochés, notamment en lien avec le patrimoine, étaient peu graves et leur étendue très limitée en comparaison avec le reste des travaux réalisés, en conformité, dans le bâtiment, qu'elle n'avait pas eu la volonté de mettre l'autorité devant le fait accompli ni agi par cupidité, avait toujours collaboré, notamment par la remise en état, n'avait pas d'antécédent, bien que propriétaire de nombreux immeubles sur le territoire genevois, et avait déjà été largement pénalisée par le temps perdu et les coûts supplémentaires liés aux nouvelles procédures d'autorisation.

22.         Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites de ladite loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans (al. 5).

23.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7b).

24.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du 1937 CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les références citées).

25.         Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute (ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014).

26.         Le mandant doit endosser la responsabilité des actes de son mandataire (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 ; ATA/135/2011 précité consid. 10).

27.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

28.         L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation à l'autorité. Par conséquent, celle-ci ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

29.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

L'amende doit ainsi faire l'objet d'une évaluation globale, dans laquelle l'autorité administrative qui sanctionne - partant le juge qui contrôle sa décision - doit prendre en compte, dans un calcul d'ensemble, la nature, la gravité et la fréquence des infractions ainsi que les éléments liés à la culpabilité et les circonstances personnelles de l'auteur, dont ses capacités financières (ATA/13/2020 précité consid. 7d ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 consid. 18).

De jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017). Le juge ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017).

30.         Dans un arrêt concernant des travaux importants de rénovation d'une maison effectués sans autorisation, la chambre administrative a considéré que l'art. 137 al. 1 LCI était applicable. En effet et même si une autorisation de construire avait finalement été délivrée, l'amende infligée ne sanctionnait pas les travaux tels qu'autorisés, mais les travaux effectués antérieurement sans autorisation, avant les modifications réalisées pour la mise en conformité et l'obtention de l'aval du département (ATA/1151/2015 du 27 octobre 2015).

La doctrine précise à cet égard que, si une fois qu’est entrée en force l’autorisation requise a posteriori, la construction initialement formellement illicite est pleinement régularisée et son statut dès lors assimilable à celui de n’importe quelle construction licite dès l’origine, la régularisation complète de la construction n’empêche pas, toutefois, de sanctionner le procédé suivi par le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public, Notions, mesures administratives, sanctions, in Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 223).

31.         S’agissant de la quotité de l’amende, à titre exemplatif, la chambre administrative a récemment rétabli une amende de CHF 50'000.- infligée à un architecte (réduite par le TAPI à CHF 30'000.-) pour avoir réalisé des travaux dans une zone historiques protégée, de manière non conforme aux autorisations de construire originairement délivrées. Il était notamment retenu qu’il ne s’agissait pas de modification de peu d’envergure ou isolées, que l’intéressé ne pouvait ignorer que le caractère architectural original du bâtiment devait être préservé, l'absence d’antécédent et de mise en danger de sa situation financière (ATA/206/2020 du 25 février 2020 confirmé par arrêt du tribunal fédéral 1C_209/2020 du 16 octobre 2020). Elle a confirmé l'amende, réduite par le tribunal de céans de CHF 20'000.- à CHF 15'000.-, prononcée à l'encontre d'une contrevenante qui avait procédé sans autorisation à des modifications irrémédiables sur un bâtiment à très forte valeur patrimoniale (ATA/1151/2015 du 27 octobre 2015). Elle a réduit de CHF 150’000.- à CHF 75'000.- une amende infligée dans le cas d’une construction ne respectant pas l’autorisation de construire délivrée, ayant porté atteinte à la nappe phréatique et ainsi créé un danger pour l'environnement. Il était retenu que les faits reprochés étaient graves, notamment en raison de la répétition des comportements fautifs, mais qu’en l’absence de tout antécédent, il apparaissait excessif d’infliger à l’intéressé l’amende maximale prévue par l’art. 137 al. 1 LCI (ATA/978/2015 du 22 septembre 2015). Cet arrêt a été annulé par le Tribunal fédéral et la cause renvoyée à la chambre administrative pour nouvelle décision respectant le droit d’être entendu du justiciable concerné (1C_577/2015 du 13 octobre 2016).

Elle a pour le surplus considéré, en zone agricole, qu'une amende de CHF 20'000.- (le département avait initialement fixé l'amende à CHF 50'000.-) était justifiée pour des travaux d'agrandissement conséquents réalisés sans autorisation (excavation du sous-sol, création d'un jardin d'hiver et transformation d'une grange en atelier ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016), respectivement de CHF 12'000.- (amende initialement fixée à CHF 20'000.-) pour la réalisation de plusieurs constructions sans autorisation et non autorisables, le recourant n'en étant pas à sa première infraction mais il était tenu compte de sa situation financière très difficile (ATA/303/2016 du 12 avril 2016).

Dans le cadre d'une violation de l'art. 39 al. 1 LDTR, la chambre administrative a enfin confirmé une amende de CHF 225'000.- infligée à un recourant, dont les quatre sociétés dont il était administrateur seraient solidairement responsables, conformément à l'art. 137 al. 1 LCI et aux règles sur le concours d'infractions. Il était tenu compte du concours d'infractions et de la finesse du montage incriminé, réalisé par une personne rompue au domaine de l'immobilier, dans le but de se soustraire à la loi, à pas moins de septante reprises. La faute devait être qualifiée de très lourde (tromperie répétée et mépris total du but de la loi et des intérêts publics protégés). Il était enfin retenu que la motivation du recourant relevait de la cupidité et que ce dernier n'avait pas démontré, ni d'ailleurs même allégué, que l'amende infligée le placerait dans une situation financière difficile (ATA/186/2021 du 23 février 2021).

32.         En l'espèce, la recourante ne conteste plus, à juste titre, que l'art. 137 al. 1 LCI est applicable et que, partant, le maximum légal du montant de l'amende s'élève ainsi à CHF 150'000.-. En effet, même si des autorisations de construire ont finalement été délivrées le 22 avril 2020, c’est uniquement pour des motifs de proportionnalité que certains travaux ont été autorisés, ces derniers demeurant toutefois non conformes aux prescriptions légales.

S'agissant des manquements à prendre en compte, la recourante ne peut être suivie concernant les travaux réalisés, sans autorisation, notamment dans les combles. Aucun élément du dossier ne permet en effet de considérer qu'une promesse concrète lui aurait été faite quant à la possibilité de les poursuivre, malgré le défaut d'autorisation. Le département le conteste fermement et les pièces du dossier, en particulier les divers courriers adressés à la recourante depuis 2014, constatant le défaut d'autorisation et la rendant attentive à ses obligations et aux risques de sanctions viennent au besoin confirmer qu'il n'a jamais été question de tolérer une telle manière de faire. La recourante ne saurait en revanche être sanctionnée en lien avec des loyers qu'elle aurait indûment perçus, cette violation, au demeurant non démontrée, n'ayant nullement été envisagée par le département au moment du prononcé de l'amende querellée.

Le tribunal relèvera pour le surplus que les travaux litigieux ont été entrepris, sans autorisation, dans un immeuble appartenant à un ensemble protégé du début du XXème siècle et que ces derniers ont pour partie porté atteinte à des éléments caractéristiques de ce type de bâtiment, que le SMS demandait, respectivement aurait demandé, de maintenir, dans un souci d'homogénéité notamment et de maintien de la substance d'origine. Les atteintes sont considérées comme majeures par ce service et elles sont, pour certaines, irrémédiables, une remise en état ne pouvant plus être demandée compte-tenu de la disparition des éléments caractéristiques concernés. La représentante du SMS a ainsi indiqué en audience que les portes palières avaient été remplacées dans tout l'immeuble sans que le SMS ne soit consulté et alors même qu'il existait des moyens de les maintenir tout en garantissant une protection suffisante contre le feu. Il s'agissait d'une altération majeure, car les portes d'origine, à savoir les panneaux de porte, les fermants, les sonnettes, qui étaient autant d'éléments protégés, n'existaient plus et une remise en état n’était dès lors plus possible. Il en allait de même des éléments caractéristiques de l'ascenseur (grille ornementée et main-courante de l'escalier) qui avaient disparu. Il s'agissait ici aussi d'une perte patrimoniale importante, pas nécessaire et qui n'était pas prévue dans la requête d'autorisation initiale. Une reproduction à l’identique ne faisait pas de sens et ne serait de fait pas possible compte tenu de la taille de l'ascenseur. Le décor peint dans le hall d'entrée était également un élément caractéristique de ce type d'immeuble raison pour laquelle le SMS avait demandé sa restitution. Si l'architecte avait interpellé le SMS à ce sujet, il aurait refusé qu'il soit repeint. Le capotage métallique des têtes de dalles des jardinets au rez-de-chaussée, réalisé sans que le SMS ne soit interpellé et sans autorisation, portait également atteinte à l'image du bâtiment et à l'homogénéité de l'ensemble protégé. Leur suppression avait été demandée et était en cours. Il en allait de même du carrelage derrière le garde-corps, pour les mêmes motifs. Il s'agissait d'une atteinte majeure, mais réversible. Les travaux réalisés concernant les lucarnes ne correspondaient pas à ce qui avait été autorisé dans le cadre de la DD 1______, ni d'ailleurs aux plans soumis dans le cadre de la DD 3______. Ces travaux n’étaient pas acceptables et une remise en état avait été demandée. La verrière d'origine était enfin également un élément caractéristique dont le maintien était demandé, possible et prévu dans la DD 1______. Dès lors qu'elle avait disparu, il n'était plus possible de demander une remise en état. L’ensemble des travaux précités n’étaient pas autorisables. Dans la mesure toutefois où une remise en état n'était pas possible, ils étaient tolérés. L'atteinte majeure et la perte irrémédiable demeuraient néanmoins. S'agissant des autres travaux, validés après coup par les DD 2______ et DD 3______, ils entraient dans la catégorie des travaux autorisables étant précisé qu'une atteinte pouvait être majeure, quand bien même elle était réversible.

Pour arrêter la quotité de l'amende, le département pouvait ainsi à juste titre tenir compte de la nature, de la gravité et de la répétition des infractions commises ainsi que de l’irréversibilité de certaines atteintes - majeures - au patrimoine. Le projet tel qu'il a été réalisé n'aurait jamais été accepté si la procédure avait été suivie, ce que ne pouvait ignorer la recourante, à qui la liste indicative des éléments à préserver avait notamment été communiquée, via son mandataire. En l'espèce, la recourante a non seulement réalisé des travaux sans autorisation mais elle n’a en outre pas respecté, en toute connaissance de cause, les différentes autorisations de construire qui lui avaient été délivrées, cette manière de faire violant de manière crasse la LCI et son règlement d'application, soit en particulier les art. 1 al. 1 et 7 et 90 LCI. De telles violations doivent être sanctionnées avec grande sévérité sous peine de voir un tel procédé se répéter, étant précisé que la recourante a mis le département devant le fait accompli à réitérées reprises, et qu’il ne s'agit pas de travaux de peu d'envergure ou isolés, contrairement à ce qu'elle tente de faire croire.

Cela étant, il doit aussi être relevé qu’une fois informée des manquements constatés en lien avec son immeuble, la recourante s’est engagée à remettre en état tout ce qui pouvait encore l’être, ne contestant pas sa responsabilité et déplorant la situation. S'agissant de l’« antécédent » retenu à son encontre, il remonte à 2009 et concerne la réalisation de travaux sans autorisation dans un appartement, régularisés après coup. L'on ne saurait, dans ces conditions, retenir cette unique procédure d'infraction ouverte à l'encontre de la recourante, laquelle indique, sans être contredite, disposer d'un conséquent parc immobilier dans le canton, à titre de circonstance aggravante dans le cadre de la fixation de l'amende. Enfin, ni la recourante ni le département ne démontre qu'une promesse concrète ou un accord aurait été donnée respectivement passé entre eux concernant le montant de l'amende.

Au vu des éléments précités pris dans leur ensemble, le tribunal de céans considère dès lors que si une sanction sévère devait certes être infligée à la recourante, le département a toutefois abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 150'000.-, soit au maximum de la fourchette possible. Celle-ci sera dès lors réduite à CHF 100'000.-, montant qui tient mieux compte de l'ensemble des circonstances utiles tout en sanctionnant de manière proportionnée la culpabilité de la recourante. Enfin, même si cette dernière indique avoir déjà subi un dommage financier important en lien avec les différentes procédures relatives à son immeuble, il n'apparait pas que ce montant mettrait en péril sa situation financière. Elle ne l'allègue d'ailleurs pas.

33.         Il résulte de ce qui précède que le recours sera partiellement admis. La décision querellée sera annulée dans la mesure où elle inflige une amende de
CHF 150'000.- à la recourante. Le montant de cette dernière sera fixé à
CHF 100'000.-.

34.         Vu cette issue, un émolument, en soi réduit, de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'autorité intimée, lui sera par ailleurs allouée (art. 87 al. 2 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2020 par A______ contre la décision du département du territoire du 22 avril 2020 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             annule la décision précitée en tant qu'elle fixe le montant de l'amende infligée à A______ à CHF 150'000.- ;

4.             réduit le montant de cette amende à CHF 100'000.- ;

5.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 2’000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

6.             alloue à A______, à la charge du département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Manuel BARTHASSAT, Romaine ZÜRCHER, François HILTBRAND et Diane SCHASCA, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière