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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24952/2017

AARP/383/2022 du 21.12.2022 sur JTDP/1363/2021 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : CP.144; LCR.90
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24952/2017 AARP/383/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 décembre 2022

 

Entre

A______, domicilié c/o M. B______, ______ [FR], comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1363/2021 rendu le 5 novembre 2021 par le Tribunal de police,

 

et

D______, comparant par Me Jacques EMERY, avocat, ER&A, boulevard Helvétique 19, 1207 Genève,

E______, ______ [VD], comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 5 novembre 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 du code pénal [CP]) s'agissant des faits décrits sous let. A.b de l'ordonnance pénale du 22 mars 2019, de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 de la loi sur la circulation routière [LCR] cum 27 al. 1 LCR et 4a al. 1 let b de l'ordonnance sur la circulation routière [OCR]), l'acquittant par ailleurs du chef d'accusation d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) s'agissant des faits du 1er juin 2017 décrits sous let. A.a de ladite ordonnance pénale. Le TP a condamné A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- l'unité, peine complémentaire à celle prononcée le 25 avril 2019 par le Ministère public (MP) du canton de Fribourg, et renoncé à révoquer un sursis octroyé le 21 avril 2016 par le Ministère public du canton de Berne. Le TP a encore débouté D______ de ses conclusions civiles, indemnisé le défenseur d'office de A______ et condamné ce dernier aux 2/3 des frais de la procédure qui s'élèvent à un total de CHF 2'096.50, soit CHF 1'397.65, émolument complémentaire de CHF 800.- en sus.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement du chef d'abus de confiance, à la réduction de la quotité de la peine pécuniaire prononcée et à ce qu'elle soit assortie d'un sursis complet, à ce que les 2/3 des frais de la procédure de première instance soient mis à la charge de l'Etat, ceux de seconde instance l'étant intégralement.

b. Selon l'ordonnance pénale du 22 mars 2019, il est encore reproché à A______ ce qui suit :

Il a, à Genève, dans le courant du mois de septembre 2017, sans droit, débarrassé à la déchetterie des effets personnels appartenant à D______ qui se trouvaient dans les locaux de la société F______ Sàrl, soit des lunettes, un sac, un téléphone portable, une planche à dessin, des perspectives, des livres, un ordinateur, une bague, une montre, un stylo ainsi qu'une paire de chaussures, faits qualifiés de dommages à la propriété au sens de l'art. 144 al. 1 CP (A.a).

Il a, à Genève, dans le courant du mois de décembre 2017, se prévalant des locaux et du savoir-faire de la société F______ Sàrl, société spécialisée notamment dans l'aménagement de salles de bains, dont il était l'associé-gérant, astucieusement amené E______, par sa disponibilité, les différentes propositions qu'il lui a remises et son empressement à réaliser les travaux avant Noël, à conclure un contrat avec ladite société portant sur la vente et la pose d'une cabine de douche, ainsi qu'à lui verser un acompte de CHF 2'500.-, tout en sachant que la cabine de douche ne serait jamais commandée, livrée et installée tel que convenu, ce que son interlocuteur ignorait, faits qualifiés d'escroquerie au sens de l'art. 146 al. 1 CP (A.b).

Il a enfin, à G______ (FR), le 21 juillet 2018 à 17h32, circulé à une vitesse de 123 km/h alors que la vitesse était limitée à 80 km/h, soit un dépassement de 37 km/h (marge de sécurité déduite), faits qualifiés de violation grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 2 LCR (A.c).

Il a par ailleurs été acquitté de l'accusation d'avoir, à Genève, le 1er juin 2017, se prévalant faussement d'une situation financière florissante et de l'appui financier de membres fortunés de sa famille, astucieusement amené D______ à conclure un contrat de vente portant sur les parts sociales de la société F______ Sàrl, dont elle était l'associée-gérante, pour un montant de CHF 50'000.-, tout en sachant que le montant ne serait jamais versé, ce que son interlocutrice ignorait, faits qualifiés d'escroquerie au sens de l'art. 146 al. 1 CP (A.a).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Les faits au préjudice de E______, non contestés par l'appelant, sont résumés par lui-même comme suit :

A______ a conclu avec E______, au nom de la société F______ Sàrl dont il était l'associé-gérant, un contrat qualifié d'entreprise par lequel la société s'engageait à vendre et poser une cabine de douche. E______ a versé un acompte de CHF 2'500.- à l'appelant, soit en réalité à F______ Sàrl, le 8 décembre 2017. Les prestations contractuelles n'ont pas été exécutées et A______ a utilisé le montant reçu pour s'acquitter des charges de la société et n'a pu le restituer que le 10 septembre 2021.

b. Un devis sur papier de F______ Sàrl, daté du 4 décembre 2017, mentionne un prix de CHF 4'060.80 et un acompte de CHF 2'500.- ; ce devis a été envoyé par email du même jour, A______ indiquant "pour vous servir dans les plus brefs délais je vous conseille de prendre vote décision entre ce soir et demain, à cause de la période de Noel, selon mon fournisseur svp" (sic). Dans sa plainte pénale, E______ expose pour sa part que A______ avait sollicité le paiement d'un acompte de CHF 2'500.- rapidement afin de pouvoir procéder à la commande permettant une installation avant Noël.

Le dossier contient ensuite un certain nombre de messages échangés, dont il ressort que l'installation n'a pas eu lieu dans le délai convenu, A______ invoquant diverses raisons (retard du fournisseur, déménagement de sa société, accident de voiture, ...), avant qu'il n'indique le 3 mars 2018 que la douche ne serait jamais posée et qu'il procéderait au remboursement "au plus vite".

Un extrait de poursuites de la société F______ Sàrl au 10 mars 2017 fait état de poursuites pour un montant total d'environ CHF 160'000.-. Le même jour, une commination de faillite a été notifiée par l'Office des faillites. F______ Sàrl a été mise en faillite le 4 juillet 2018.

c. En cours de procédure A______ a reconnu devoir la somme de CHF 2'500.- à E______, s'engageant devant le MP à le rembourser dans un délai de dix jours.

Devant le premier juge, A______ a contesté les faits reprochés au préjudice de D______, a reconnu avoir circulé à une vitesse de 123 km/h au lieu de 80 km/h le 21 juillet 2018 et indiqué regretter avoir agi de la sorte.

S'agissant des faits reprochés au préjudice de E______, il a déclaré avoir bel et bien passé la commande de la cabine de douche après la conclusion du contrat et avoir eu l'intention de la livrer, même s'il avait effectivement finalement utilisé l'argent pour s'acquitter de charges de la société, ce qu'il regrettait, relevant cependant avoir remboursé le montant encaissé.

d. E______ a exposé avoir tout d'abord rencontré A______ dans le magasin de la société, puis à son propre domicile. Il n'était plus parvenu à joindre l'entrepreneur après avoir versé son acompte, le 7 décembre 2017, avant de finalement pouvoir l'atteindre par le biais de la messagerie WhatsApp en janvier 2018. A______ avait dès lors fourni des explications successives variées. E______ avait finalement constaté, le 19 février 2018, que le magasin était fermé et que du papier blanc recouvrait les vitres, A______ ayant manifestement cessé son activité. Il avait en outre découvert sur internet qu'un dénommé A______ avait fait faillite en France en 2015, qu'il était le patron d'une société à Genève dont le lieu de domiciliation ne comportait aucune boite aux lettres et qu'il était aux poursuites à Genève vis-à-vis de l'administration fiscale.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Les faits encore en cause n'étaient pas contestés, lesquels n'étaient pas constitutifs d'abus de confiance. L'acompte versé ne constituait pas une chose confiée, faute pour les parties au contrat d'avoir convenu à son sujet d'une affectation spécifique, et en tout état faute de volonté de sa part de garder durablement l'acompte donc faute d'appropriation. Au surplus, sous l'ange subjectif, il n'avait jamais eu l'intention de s'approprier illicitement des valeurs patrimoniales du plaignant.

S'agissant du dommage à la propriété, il avait agi sous le coup d'une forte émotion de colère lorsqu'il avait jeté à la déchèterie les affaires de D______, cette dernière ayant fait de fausses révélations à la compagne de l'intéressé ce qui avait entraîné la rupture de leur relation qui avait duré cinq ans. Sa réaction était proportionnée à la provocation, au vu de la quantité et de la valeur moindres des affaires en cause.

La peine devait aussi tenir compte, dans l'hypothèse où sa culpabilité pour abus de confiance était confirmée, de ce que sa motivation et sa volonté délictuelle étaient faibles, la gravité de la lésion nulle puisque le dommage avait été remboursé, ce qu'il avait fait, comme il avait dit vouloir le faire depuis le début, dès que sa situation financière l'avait permis. Il avait agi par volonté de remonter la pente et améliorer la situation catastrophique de F______ Sàrl et la sienne, ce qui constituait un comportement compréhensible.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

d. Le TP a indiqué n'avoir pas d'observations à formuler et E______ n'a pas déposé d'écritures.

D. Selon le jugement attaqué, A______, ressortissant portugais, est né le ______ 1962. Il est au bénéfice d'un permis d'établissement, mais réside au Portugal depuis mars 2020. Il est divorcé et père d'un enfant, lequel est à l'AI et placé en institution. Lui-même a été gravement malade du Covid-19 lors de la première vague et travaille dans l'entreprise de son frère à hauteur de quelque 20 heures par mois pour un salaire d'environ EUR 430.- qui lui permet de subvenir à ses besoins.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné deux reprises, soit :

- le 21 avril 2016, par le MP canton de Berne, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 80.-, assortie du sursis avec un délai d'épreuve de trois ans, prolongé d'un an le 25 avril 2019, ainsi qu'à une amende de CHF 1'400.-, pour abus de confiance, violation des règles de la circulation routière, conduite sous défaut d'assurance responsabilité civile et dénonciation calomnieuse ;

- le 25 avril 2019, par le MP du canton de Fribourg, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 80.- pour conduite d'un véhicule automobile sans permis de conduire.

E. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, sept heures d'activité d'avocat-stagiaire pour étude de dossier et rédaction du mémoire d'appel.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

Une valeur est confiée lorsque l'auteur a acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne peut en faire qu'un usage déterminé (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4 ; 6B_635/2015 du 9 février 2016 consid. 3.1). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_279/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2.1 ; 6B_20/2017 du 6 septembre 2017 consid. 5.2 ; 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1).

Les contrats synallagmatiques ne font naître en principe que des prétentions à une contre-prestation et non une obligation de conservation. Il n'y a ainsi pas de valeur confiée lorsqu'une partie à un contrat reçoit de l'argent pour son propre compte, en contre-partie d'une prestation qu'elle doit elle-même fournir (ATF 133 IV 21 consid. 7.2 p. 30 s, arrêt du Tribunal fédéral 6B_312/2009 du 17 juillet 2009).

Plus particulièrement en contrat d'entreprise, les acomptes versés par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur constituent des valeurs patrimoniales confiées, pour autant que les parties aient convenu de l'affectation des acomptes, par exemple au règlement des factures relatives à la construction faisant l'objet du contrat (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1429/2019 du 5 février 2020 consid. 2.3. ; 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.2.1 ; 6B_160/2012 du 5 avril 2013 consid. 2.2).

2.1.2. L'art. 146 CP, initialement retenu dans l'ordonnance pénale, dispose que se rend coupable d'escroquerie que celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Celui qui promet une prestation sans avoir l'intention de l'exécuter agit astucieusement parce qu'en promettant, il donne le change sur ses véritables intentions, ce que sa victime est dans l'impossibilité de vérifier (ATF 118 IV 359 consid. 2 p. 360 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1141/2017 du 7 juin 2018 consid. 1.2.1). Une tromperie sur la volonté affichée n'est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l'examen de la solvabilité n'est pas exigible ou est impossible et qu'il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l'auteur de s'exécuter (ATF 125 IV 124 consid. 3a). Il est trop schématique d'affirmer que la volonté affichée est un phénomène intérieur invérifiable et qu'une tromperie relative à cette volonté est toujours astucieuse (ATF 118 IV 359 consid. 2 p. 361 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_584/2018 du 30 août 2018 consid. 2.1).

En principe, les faits futurs, dans la mesure où leur survenance est incertaine, ne peuvent donner lieu à une tromperie, même si la personne ne livre pas son véritable pronostic. Ainsi, le vendeur qui laisse entendre, par la conclusion d'un contrat et l'encaissement d'un acompte, être en mesure de livrer la marchandise dans le délai convenu, ne commet pas de tromperie (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 10 ad art. 146).

Cela étant, l'auteur qui conclut un contrat ayant d'emblée la volonté de ne pas fournir sa prestation agira de façon astucieuse dans le cas d'opérations courantes, de faible valeur, pour lesquelles une vérification entraînerait des frais ou une perte de temps disproportionnés ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales. En revanche, dans une vente conclue sur internet, il a été admis que la dupe avait agi avec légèreté en livrant contre facture un produit d'une importante valeur marchande à un inconnu sans examiner, au moins de manière sommaire, sa solvabilité ; l'escroquerie a donc été niée (ATF 142 IV 153 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_584/2018 du 30 août 2018 consid. 2.1). L'emprunteur qui a l'intention de rembourser son bailleur de fonds n'agit pas astucieusement lorsqu'il ne l'informe pas spontanément de son insolvabilité (ATF 86 IV 205). Il en va en revanche différemment lorsque l'auteur présente une fausse vision de la réalité de manière à dissuader le prêteur de se renseigner sur sa situation financière ou lorsque des circonstances particulières font admettre à l'auteur que le prêteur ne posera pas de questions sur ce point (ATF 86 IV 206 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_817/2018 du 23 octobre 2018 consid. 2.4.1 et les références ; 6P_113/2006 du 27 septembre 2006 consid. 6.1).

2.2.1. En l'espèce, il peut d'emblée être relevé que les explications de l'appelant paraissent douteuses. Il n'a fourni aucun document prouvant qu'il a bel et bien passé commande de la douche qui devait être installée chez ses clients et a livré des explications changeantes sur les raisons du retard de cette installation. Il ne conteste d'ailleurs au final pas avoir utilisé l'acompte versé pour couvrir d'autres charges.

Cela étant, rien ne vient établir que l'acompte versé était destiné à un usage déterminé. En particulier, aucun contrat écrit n'a été conclu et le seul mail du 4 décembre 2017, qui conseille une prise de décision rapide, ne permet pas à lui seul de retenir que l'acompte ne pouvait être utilisé qu'aux fins de payer le fournisseur.

Il en découle que l'acompte de CHF 2'500.- ne constitue pas une valeur patrimoniale confiée, de sorte que le premier élément constitutif objectif de l'abus de confiance fait in casu défaut.

L'appelant sera partant acquitté d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 2 CP).

2.2.2. Sous l'angle de l'escroquerie, le TP a retenu que la situation financière de la société F______ Sàrl n'était pas bonne déjà avant son rachat par l'appelant le 1er juin 2017. Il a cependant également retenu qu'aucun élément au dossier ne permettait de retenir que l'appelant aurait adopté un comportement astucieux pour décider l'intimé à conclure un contrat et verser un acompte.

Il ressort en effet de la procédure que l'engagement de l'intimé ne peut être qualifié d'opération courante de faible valeur au sens de la jurisprudence et qu'il n'a apparemment procédé à aucune vérification avant de verser son acompte. D'autre part, les parties n'étaient pas en relations commerciales depuis de nombreuses années et l'intimé n'a, à teneur du dossier, fait aucune recherche, même élémentaire, au sujet de l'appelant ou de sa société. Les démarches entreprises après le versement de l'acompte semble pourtant avoir été relativement simples à mener.

Il en découle que si l'appelant a bel et bien violé ses obligations contractuelles envers l'intimé, la condition de la tromperie astucieuse fait ici défaut, de sorte que l'infraction d'escroquerie ne sera pas plus retenue.

3. 3.1.1. La peine à fixer doit désormais l'être pour dommages à la propriété et violation de l'art. 90 al. 2 LCR.

3.1.2. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, dans le domaine spécifique de la fixation de la peine, l'interdiction de la reformatio in pejus n'impose pas une réduction automatique de la peine infligée en première instance lorsqu'un acquittement partiel est prononcé en deuxième instance (arrêts 6B_325/2021 précité consid. 2.1.2; 6B_943/2021 du 2 février 2021 consid. 2.1.2; 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 11.2). Lorsque le prévenu est condamné pour plusieurs infractions en première instance, puis qu'il est acquitté de certains chefs de prévention en appel, sa faute est diminuée, ce qui doit entraîner en principe une réduction de la peine. La juridiction d'appel est toutefois libre de maintenir la peine infligée en première instance, mais elle doit motiver sa décision, par exemple en expliquant que les premiers juges auraient mal apprécié les faits en fixant une peine trop basse qu'il n'y aurait pas lieu de réduire encore (cf. art. 50 CP; ATF 117 IV 395 consid. 4 p. 397; 118 IV 18 consid. 1c/bb p. 21; arrêts 6B_325/2021 précité consid. 2.1.2; 6B_943/2021 du 2 février 2021 consid. 2.1.2 et les références citées).

3.1.3. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

Comme relevé par le premier juge, le nouveau droit des sanctions paraît plus favorable au prévenu et sera partant appliqué (art. 2 al. 2 CP et art. 34 CP).

L'art. 48 let. c CP indique que le juge atténue la peine lorsque l'auteur a agi en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable.

L'émotion violente est un état psychologique d'origine émotionnelle, qui se caractérise par le fait que l'auteur est submergé par un sentiment violent qui restreint dans une certaine mesure sa faculté d'analyser correctement la situation ou de se maîtriser. Elle suppose que l'auteur réagisse de façon plus ou moins immédiate à un sentiment soudain qui le submerge (ATF 147 IV 249 consid. 2.2 ; ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 204 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_443/2020 du 11 juin 2020, consid. 1.2.1). N'importe quelles circonstances ne suffisent cependant pas. Il doit s'agir de circonstances dramatiques, dues principalement à des causes échappant à la volonté de l'auteur et qui s'imposent à lui, lequel ne doit pas être responsable ou principalement responsable de la situation conflictuelle qui le provoque. Il doit par ailleurs s'agir de circonstances objectives, de sorte qu'il faut se demander si un tiers raisonnable, placé dans la même situation que l'auteur, se serait trouvé dans le même état. Enfin, il faut qu'il existe une certaine proportionnalité entre la provocation, d'une part, et la réaction de l'auteur, d'autre part (ATF 147 IV 249 consid. 2.3 ; ATF 147 IV 249 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_443/2020 du 11 juin 2020 consid. 1.2.1).

3.2. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas anodine.

Il s'en est pris au bien d'autrui sans aucun motif valable, voire par volonté de rétorsion selon ses propres explications. Celles-ci ne permettent aucunement de retenir la circonstance atténuante de l'émotion violente, son état d'émotion ne paraissant certainement pas, au vu de la jurisprudence rappelée plus haut, excusable dans le contexte allégué.

Il a par ailleurs commis une violation grave des règles de circulation routière en commettant un dépassement de vitesse important, faisant courir un grand danger aux autres usagers de la route.

Ses mobiles sont pour les deux infractions égoïstes.

Sa situation personnelle n'explique en rien ses actes. Sa collaboration à la procédure a cependant été bonne.

Il y a concours d'infractions.

Les deux infractions commises l'ont été dans le délai d'épreuve de la condamnation du 21 avril 2016, l'appelant démontrant ainsi avoir été jusque-là imperméable à l'effet dissuasif des peines alors prononcées. Une peine ferme se justifie désormais, ce que l'appelant conteste sans offrir de motivation particulière.

La peine à prononcer sera par ailleurs complémentaire à celle fixée le 25 avril 2019 (art 49 al. 2 CP), qui était de 20 jours-amende à CHF 80.- l'unité. La nouvelle peine doit été arrêtée à 110 jours-amende (soit 90 jours-amende pour le dépassement de vitesse, augmentée de 20 jours amende [peine théorique de 30 jours-amende] pour les dommages à la propriété). Si l'appelant avait été jugé en une fois, l'infraction punie le 25 avril 2019 l'aurait été à hauteur de 15 jours-amende (peine prononcée de 20 jours-amende) de sorte que le total aurait été de 125 jours-amende. La peine complémentaire serait ainsi arrêtée à 105 jours-amende (125 – 20 prononcés en avril 2019). Limitée par l'interdiction de la reformatio in pejus, la CPAR confirmera dès lors la quotité de 90 jours-amende prononcée par le premier juge, laquelle – non détaillée s'agissant de la quotité afférente à chacune des infractions alors retenues – paraissait en tout état trop clémente. Le montant du jour-amende arrêté à CHF 30.- par le premier juge, non contesté en tant que tel, sera également confirmé.

La non-révocation du sursis accordé le 21 avril 2016 est acquise à l'appelant.

4. L'appel ayant été admis en bonne partie, l'appelant ne sera condamné qu'à 1/3 des frais de la procédure d'appel (art. 428 CPP).

Les frais de première instance seront par ailleurs revus (art. 428 al. 3 CPP) en ce qu'ils ne seront mis à charge de l'appelant qu'à raison de la moitié, soit CHF 1'048.25 sur un total de CHF 2'096.50, et que l'émolument complémentaire de jugement de CHF 800.- ne sera mis à charge de l'appelant qu'à raison d'1/3.

5. 5.1. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 912.20, correspondant à sept heures d'activité au tarif de CHF 110.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 10% et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 65.20.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 5 novembre 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/24952/2017.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR cum 27 al. 1 LCR et 4a al. 1 let. b OCR).

Acquitte A______ d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) s'agissant des faits du 1er juin 2017 décrits sous let. A.a de l'ordonnance pénale du 22 mars 2019 et d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP) s'agissant des faits décrits sous let. A.b de l'ordonnance pénale du 22 mars 2019.

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 80 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 25 avril 2019 par le Ministère public du canton de Fribourg.

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 21 avril 2016 par le Ministère public du canton de Berne (art. 46 al. 2 CP).

Déboute D______ de ses conclusions civiles.

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______, a été fixée à CHF 6'740.95 s'agissant de la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête à CHF 912.20, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure préliminaire et de première instance, soit CHF 1'048.25 sur un total de CHF 2'096.50, et le condamne à 1/3 de l'émolument complémentaire de jugement de CHF 800.-, soit CHF 266.65.

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'715.-, y compris un émolument de CHF 1'500.-.

Met 1/3 de ces frais, soit CHF 571.65, à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'Etat.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et à l'Office cantonal des véhicules.

 

Le greffier :

Alexandre DA COSTA

 

La présidente :

Catherine GAVIN

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'896.50

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'715.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'611.50