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Décisions | Tribunal pénal

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P/16930/2019

JTDP/182/2025 du 17.02.2025 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.158; CP.158; CP.251; CP.147
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 21


17 février 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

A______ SARL, en liquidation, partie plaignante, assistée de Me B______

Monsieur C______, partie plaignante, assisté de Me D______

Masse en faillite de A______ SARL, en liquidation, tiers participant, assistée de Me B______

contre

Madame E______, prévenue, née le ______ 1977, domiciliée ______, France, assistée de Me F______


 

CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES:

Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité des chefs de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP), subsidiairement d'escroquerie par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP), plus subsidiairement d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP). Il conclut aussi au prononcé d’un verdict de culpabilité des chefs de faux dans les titres (art. art. 251 ch.1 CP) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP). Il conclut à la condamnation de la prévenue à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, peine complémentaire à celle prononcée par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de Justice le 8 décembre 2021. Il s’en rapporte à justice s’agissant des conclusions civiles et de la créance compensatrice des parties plaignantes et conclut à la condamnation de la prévenue au paiement des frais de la procédure.

A______ SARL, en liquidation, et la Masse en faillite d'A______ SARL, en liquidation, par leur Conseil, concluent au prononcé d'un verdict de culpabilité à l'encontre d'E______ pour tous les chefs d’infraction mentionnés dans l’acte d'accusation et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions civiles déposées.

C______, par son Conseil, conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité à l'encontre d'E______ des chefs d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP) et conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions civiles déposées complétées ce jour.

E______, par son Conseil, conclut à l'acquittement de sa cliente des chefs de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP), de gestion fautive (art. 165 ch. 1 CP), subsidiairement d'escroquerie par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP), plus subsidiairement d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP). Il ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité des chefs de faux dans les titres (art. art. 251 ch.1 CP) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP). Il conclut au prononcé d'une peine pécuniaire n’excédant pas 120 jours-amende à CHF 30.- le jour, assorti du sursis complet. Il conclut à ce que les parties plaignantes soient renvoyées à agir par la voie civile s’agissant de leurs conclusions civiles et à ce qu’il soit renoncé au prononcé d’une créance compensatrice ainsi qu’à la condamnation de sa cliente aux frais de la procédure.

 

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 24 mai 2023, il est reproché à E______ d'avoir, à Genève, entre 2012 et 2019, alors qu'elle était en charge de veiller à la gestion des intérêts pécuniaires de la société A______ Sàrl, dont G______ et C______, son ancien époux, étaient les associés, bien qu'elle n'était pas inscrite au registre du commerce de cette société, porté atteinte à ses intérêts, en violation de ses devoirs, dans le but de se procurer un enrichissement illégitime ainsi qu'à sa famille, causant ainsi un dommage financier à A______ Sàrl s'élevant à CHF 256'921.86 et EUR 199'922.86. Il lui est également reproché d'avoir, durant cette même période, par ses fautes de gestion et ses actes répréhensibles, causé et aggravé le surendettement d'A______ Sàrl, étant précisé que cette dernière a finalement été déclarée en faillite par jugement du Tribunal de première instance le 7 novembre 2022.

E______ a agi dans les cas suivants, à l'insu des associés d'A______ Sàrl:

i. en établissant des fausses factures au nom de fournisseurs de la société A______ Sàrl, pour des montants totaux de CHF 222'013.93 et EUR 186'394.29, puis en les présentant à H______, comptable de la société, et en lui réclamant le remboursement sur le compte personnel de son époux ouvert auprès de la banque I______, ainsi que sur le compte joint du couple ouvert auprès du J______ en France, l'induisant astucieusement en erreur, en lui faisant croire que ces factures avaient été avancées par C______. E______ a ensuite utilisé les sommes détournées, se servant notamment sur le compte personnel de C______, pour financer son train de vie et celui de sa famille. Les factures suivantes sont concernées (chapitre 1.1.1.A de l'acte d'accusation):

-          quinze factures de K______ SA pour un total de CHF 75'018.58;

-          dix factures de L______ SA pour un total de CHF 54'087.30;

-          deux factures de M______ SA pour un total de EUR 17'976.49;

-          une facture de N______ SA s'élevant à CHF 2'095.-;

-          onze factures d'O______ SA pour un total de CHF 62'587.05.-;

-          quarante-neuf factures de P______ pour un montant total de EUR 107'731.-;

-          cinq factures de Q______ pour un montant total de 27'616.80;

-          une facture de R______ s'élévant à EUR 10'750.-;

-          deux factures de S______ pour un montant total de EUR 7'800;

-          quatre factures de T______ pour un montant total de EUR 14'520.-;

-          quatre factures d'U______ SA pour un montant total de CHF 11'123.-;

-          deux factures de V______ SA pour un montant total de CHF 5'770.-; et

-          un nombre indéterminé de factures de W______ pour un montant total de CHF 11'333.-;

ii. en réclamant le remboursement à H______ sur le compte personnel de son époux ainsi que sur le compte joint du couple de factures personnelles ou de factures de sa famille, notamment des factures des sociétés X______ SA, Y______ Sàrl, Z______, AA_____, AB_____, étude d'huissiers de justice, AC_____, AD_____, AE_____ et AF_____ SA, des factures des magasin d'alimentation AG_____ et AH_____, de la quincaillerie AI_____, des restaurants AJ_____ et AK_____ et six amendes d'ordre, ainsi que la somme de CHF 5'500.- à titre de remplacement d'une caisse à outils prétendument volées, pour un montant total de CHF 30'941.10 et EUR 13'528.57, induisant ainsi H______ en erreur, lui faisant croire qu'il s'agissait de dépenses liées aux activités d'A______ Sàrl. E______ a ensuite utilisé les sommes détournées, se servant notamment sur le compte personnel de C______, pour financer son train de vie et celui de sa famille (chapitre 1.1.1.B de l'acte d'accusation);

iii. finalement, les 17 et 18 octobre 2018, en concluant deux abonnements téléphoniques auprès de la société AL_____, au nom de C______, puis se servant de ces deux raccordements dans le cadre d'activités professionnelles étrangères à A______ Sàrl et en faisant prendre en charge les factures relatives à ces abonnements par la société A______ Sàrl entre novembre 2018 et juillet 2019, en les présentant à H______ afin qu'il les règle via le compte de la société A______ Sàrl, le montant total des factures prises en charge s'élevant à CHF 3'966.83 (chapitre 1.1.1.C de l'acte d'accusation).

Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP), subsidiairement d'escroquerie par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP) et d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), ainsi que de gestion fautive (art. 165 ch. 1 CP) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

b. Il est encore reproché à E______ d'avoir, le 23 juillet 2010, rempli un formulaire au nom de C______, à l'insu de ce dernier, imitant sa signature, dans le but de se faire livrer une carte bancaire AM_____ associée au compte bancaire de celui-ci ouvert auprès de la banque I______, puis d'avoir, à réitérées reprises, entre 2012 et 2019, dans les circonstances susmentionnées (infra A.a), indûment fait usage de ladite carte bancaire, afin d'effectuer des retraits d'argent au préjudice de son époux, pour un montant s'élevant à tout le moins à environ CHF 80'000.- pour la période allant du 19 janvier 2018 au 23 mai 2019 (chapitre 1.1.2 de l'acte d'accusation).

Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP).

B. Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants:

a. A______ Sàrl, société dont le siège se trouve à Genève, était notamment active dans le montage de gaines de ventilation depuis 2009. C______ et G______ étaient tous deux associés à part égale. H______ était inscrit au registre du commerce en qualité de gérant de la société, jusqu'en août 2019.

b.a. En date du 16 août 2019, A______ Sàrl a déposé plainte pénale à l'encontre d'E______ pour gestion déloyale et faux dans les titres. A l'appui de celle-ci, A______ Sàrl a expliqué qu'E______ - anciennement E______ -, épouse de C______, s'était vue, d'entente avec les associés, confier différentes tâches de comptabilité, étant notamment en charge de transmettre diverses factures des fournisseurs au gérant, puis de les comptabiliser dans les livres de la société, jusqu'en juin 2019, date de séparation du couple. Durant la période précitée, les associés avaient pleine confiance en elle. En 2019, C______, souhaitant faire un point sur la situation comptable de la société, s'était rendu compte que la situation financière d'A______ Sàrl était catastrophique, cette dernière ne pouvant plus couvrir ses charges courantes. Lors de l'analyse de la comptabilité, les associés avaient relevé plusieurs factures suspectes, notamment en raison de leur nature ou de leur montant excessif. Après avoir soumis certaines factures aux fournisseurs concernés afin de s'assurer de leur authenticité, les associés s'étaient rendus compte que de nombreuses factures avaient été falsifiées. En outre, en examinant les relevés du compte bancaire de la société, ils s'étaient rendus compte que C______ avait bénéficié de nombreux versements sur son compte personnel ouvert dans les livres de la banque I______, alors que les deux associés avaient convenu de percevoir des recettes équivalentes. Interrogé à ce sujet, H______, en charge de la comptabilité de la société, leur avait indiqué qu'E______ lui réclamait régulièrement le remboursement de certaines factures de fournisseurs préalablement payées par son époux, tout en lui précisant de procéder au versement sur le compte personnel de son époux. Selon les associés, H______ ne procédait à aucune vérification s'agissant des factures émises par E______, étant précisé que cette dernière était en charge des finances du ménage de la famille C______ de manière exclusive, y compris des comptes bancaires privés au nom de son époux, disposant d'ailleurs d'une carte de crédit sur le compte bancaire I______ de celui-ci.

b.b. A______ Sàrl a notamment produit :

-       un courriel du 12 août 2019 de la société L______ SA attestant que certaines factures soumises n'étaient pas de leur fait, ainsi que six factures au nom de L______ SA, des 31 janvier 2017, 15 et 20 mars 2017, 6 juin 2018, 21 septembre 2018 et 11 octobre 2018, totalisant CHF 32'977.26, comportant une note manuscrite "Faux document";

-       une attestation du 2 août 2019 de M______ SA indiquant que C______ ne s'était jamais acquitté personnellement d'une de leurs factures, ainsi que deux factures des 7 mars et 4 mai 2018 totalisant 17'976.49 (la devise n'étant pas précisée), sur lesquelles figure une note manuscrite "Document certifié Faux";

-       quatre factures de la société K______ SA datées des 11 octobre 2017, 5 septembre 2018, 18 octobre 2018 et 12 juin 2019, totalisant CHF 19'708.35, sur lesquelles figure la mention manuscrite "Fausse Facture";

-       des extraits de relevés bancaires du compte portant le n° 1______ au nom d'A______ Sàrl ouverts dans les livres de la AN_____, lesquels mettent en lumière un nombre important de versements en faveur de C______ effectués entre le 16 janvier 2013 et le 1er juillet 2019; et

-       six courriels d'E______ envoyés entre le 6 février 2018 et le 21 mai 2019 depuis l'adresse "______@icloud.com" demandant à H______ le paiement des salaires ou le remboursement de frais en faveur de C______; à teneur du courriel du 10 mai 2019, E______ demande également à son interlocuteur le paiement de la somme de CHF 5'400.- en faveur de la société U______ SA.

c.a. Le 6 novembre 2019, C______ a également déposé plainte pénale à l'encontre d'E______. Dans celle-ci, il explique que, fin avril 2019, il avait annoncé à son épouse son intention de vendre ses parts de la société A______ Sàrl et que celle-ci avait fait une "drôle de tête". Par la suite, il avait reçu une estimation financière de la valeur de la société effectuée par H______, qui lui avait paru erronée. Lorsqu'il en avait fait part à E______, cette dernière ne lui avait pas répondu mais lui avait semblé stressée, voire embarrassée. Début juin 2019, son associé, G______, l'avait informé qu'il y avait un problème avec les comptes de la société et qu'il convenait de les analyser de manière plus détaillée. Le 11 juin 2019, il avait reçu les trois derniers bilans de la société, afin de pouvoir les examiner. Le 14 juin 2019, sans l'en informer et sans lui expliquer les véritables raisons de son départ, son épouse avait subitement quitté le domicile conjugal, emmenant avec elle leurs trois enfants, ainsi que tous les documents administratifs et bancaires de leur famille. Elle s'était ensuite rendue à la police française pour porter plainte à son encontre, prétextant, de manière fallacieuse, qu'il était violent physiquement envers elle et les enfants. Depuis lors, il avait reçu l'interdiction formelle de s'approcher de ses enfants.

En sus, il s'était aperçu que son épouse avait conclu, en son nom et sans son accord, deux contrats avec AL_____, les 17 et 18 octobre 2018, portant sur les lignes téléphoniques dont les numéros étaient respectivement le 6______ et le 5______. Une copie de sa pièce d'identité et sa date de naissance apparaissaient dans le dossier AL_____ en lien avec ces deux numéros. Toutefois, les contrats comportaient une signature qui ne ressemblait pas à la sienne. A cette même période, E______ avait créé un site internet intitulé AO______ à travers lequel elle organisait et vendait des séjours touristiques, ainsi que le site internet AP_______ à travers lequel elle proposait des services de lithothérapie. Ces sites internet mentionnaient les numéros de téléphones précités, étant précisé qu'E______ s'était arrangée pour que les factures de ces deux lignes téléphoniques soient prises en charge par la société A______ Sàrl.

Finalement, il avait constaté que son épouse avait effectué de nombreuses transactions depuis son compte personnel I______, alors qu'elle ne possédait ni procuration ni carte bancaire lui permettant de procéder à des opérations depuis ce compte, étant précisé que celui-ci lui servait uniquement à percevoir son salaire et le remboursement de ses frais de repas et de déplacement. Pour sa part, il ne disposait que d'une carte bancaire AQ_____ sur ce compte portant le n° 2______, valable jusqu'en décembre 2018, avec laquelle il n'était pas possible d'effectuer des paiements, subséquemment remplacée par la carte bancaire AM_____ portant le n° 3______. Après investigations, il avait appris que I______ avait délivré, au début de l'année 2018, une carte AM______ n° 4______ qui n'était pas en sa possession. Selon lui, E______ était parvenue à se faire délivrer la carte précitée à son insu, puis avait effectué des retraits au moyen de celle-ci.

c.b. Il a produit les documents suivants:

-       une requête en divorce adressée au Tribunal de Grande Instance de ______[France] (France), dont il ressort que les époux C______ étaient mariés sous le régime de séparation de biens (le divorce ayant été prononcé le 3 juillet 2020 par le Tribunal de ______[France]);

-       les contrats AL_____ des 17 et 18 octobre 2017 au nom de C______ relatifs aux lignes téléphoniques portant les numéros 5______ et 6______ pour des abonnements téléphoniques à CHF 200.- par mois chacun, étant précisé qu'un des contrat mentionne l'adresse email "______@icloud.com";

-       les captures d'écran des sites internet AO______ et AP______, lesquels mentionnent les numéros de téléphones précités comme contact;

-       une facture AL_____ pour les deux abonnements téléphoniques susmentionnés pour le mois de juillet 2019; et

-       des documents bancaires I______, lesquels attestent qu'E______ ne bénéficie d'aucune procuration sur le compte bancaire privé de C______ et que la carte n° 4______ a été bloquée le 27 juin 2019.

d. Le 27 juillet 2020, par l'intermédiaire de son Conseil, C______ a indiqué qu'il ignorait totalement que son épouse était en possession d'une seconde carte bancaire portant le n° 4______, laquelle avait été obtenue indument en imitant sa signature sur un formulaire "______" de la banque I______ du 23 juillet 2010.

e. Par courrier du 21 août 2019, la banque I______ a confirmé qu'E______ ne disposait d'aucune procuration sur le compte de son époux ni de carte de crédit ou de débit en lien avec celui-ci.

f. Il ressort des documents de la banque I______ relatant les différents contacts avec son client C______ que, le 27 avril 2018, la "cliente" s'est rendue à la banque pour demander une augmentation de la limite de sa carte, fixée à CHF 10'000.- par mois et CHF 5'000.- par jour.

g. Il ressort des différents documents bancaires figurant à la procédure, y compris des extraits de relevés bancaires du compte n° 7______ au nom de C______ ouvert auprès de I______, du compte joint d'E______ et C______ auprès de la banque AR_____ portant le n° 8______ (en francs suisses) et du compte bancaire joint ouvert dans les livres de la banque J______ et portant le n° 9______ (en euros) que:

-       les premiers paiements à titre de remboursement de frais effectués par A______ Sàrl sur le compte bancaire I______ ont commencé le 2 juillet 2013 pour un montant total de CHF 12'992.- en 2013, CHF 34'275.55 en 2014, CHF 46'888.15 en 2015, CHF 20'529.66 en 2016, CHF 30'541.- en 2017 ainsi que CHF 108'371.- entre 2018 et 2019. Les montant reçus sur le compte I______ étaient systématiquement prélevés en espèces dans le mois qui suivait leur entrée sur le compte, voire le jour même du crédit. Ainsi, le compte présentait en général un solde en dessous de CHF 1'000.-, avant l'entrée suivante de fonds;

-       s'agissant du compte bancaire I______, des retraits en espèces ont été effectués au moyen de la carte n° 4______, entre le 12 janvier 2018 et le 23 mai 2019, pour un montant total de CHF 82'284.45, la majorité des retraits en espèces ayant été effectuée auprès de la succursale I______ à Chêne-Bougeries. Entre décembre 2018 et mai 2019, cette carte a également été utilisée pour effectuer des paiements. La somme totale de CHF 16'280.35 a été prélevée en espèces au moyen de la carte bancaire n° 2______ en 2018 et la somme de CHF 3'266.60 a été prélevée au moyen de la carte bancaire n° 3______;

-       A______ Sàrl versait le salaire de C______ sur le compte bancaire joint portant le n° 8______ CHF (en francs suisse). Des remboursements de frais ont également été crédités par A______ Sàrl sur ce compte pour les montants totaux suivants: CHF 65'895.10 en 2012, CHF 42'142.08 en 2013, CHF 132'590.90 en 2014, CHF 144'995.41 en 2015, CHF 84'888.18 en 2016, CHF 101'946.50 en 2017 et CHF 78'825.26 en 2018. Pour le surplus, E______ a effectué des versements sur ce compte pour un montant total de CHF 28'651.- en 2018; et

-       s'agissant du compte joint n° 9______ EUR, un total d'environ EUR 12'000.- a notamment été dépensé en janvier 2013, EUR 10'000.- en février 2014, EUR 18'000.- en octobre 2015, EUR 10'000.- en juillet 2016, EUR 9'000.- en mars 2017, EUR 12'000.- en mars 2018. Par ailleurs, E______ a effectué des versements au crédit de ce compte pour un montant total de EUR 3'661.33 en 2018.

h.a. H______, comptable indépendant, a été entendu par la police le 27 octobre 2020. Il a déclaré qu'il était chargé de la comptabilité d'A______ Sàrl, pour la période entre fin 2013 et mi-2019. D'une manière générale, la comptabilité de cette société était à jour, toutefois, certaines factures ou notes de frais lui étaient transmises tardivement. Il se chargeait d'entrer les paiements à effectuer sur le compte bancaire AN_____ de la société. Subséquemment, E______, via l'accès au compte bancaire de son époux, contrôlait ses entrées et validait les paiements. Il n'était qu'un exécutant et n'avait jamais validé lui-même un paiement. Il s'occupait également du compte de pertes et profits, des comptes de caisse et du grand livre de la société. La majorité des factures de celle-ci arrivaient à son adresse et il procédait aux entrées sur le compte de la AN_____. Certaines factures lui parvenaient pas le biais d'E______, lorsque celles-ci avaient été payées en avance par C______ depuis un de ses comptes personnels.

Selon lui, C______ était le chef de la société, prenait les décisions et gérait les chantiers et la clientèle. Lors d'un conflit avec E______, il avait remarqué que c'était lui qui prenait les décisions. Cette dernière s'occupait de la facturation des clients et du recouvrement des impayés. Bien qu'elle ne percevait pas de salaire, elle endossait un rôle de dirigeant au sein de la société qui était accepté par les deux associés. Il était principalement en contact avec E______, notamment concernant les notes de frais.

En 2017, il avait dû mandater son avocat afin de remédier à diverses lacunes, notamment des justificatifs manquants. Les associés lui avaient alors indiqué qu'ils allaient céder les tâches administratives à E______. Cette dernière lui transmettait toujours des instructions par email.

Il a confirmé qu'E______ lui avait réclamé le remboursement de certaines factures de fournisseurs. Au début de son mandat, elle ne lui remettait jamais de justificatifs lorsqu'elle lui formulait ses demandes et il devait les lui réclamer. Elle prenait parfois du temps à les lui fournir, prétextant que les enfants étaient malades ou qu'elle manquait de temps. En fin de mandat, E______ joignait à son courriel d'instructions les justificatifs concernés. Les associés autorisaient les employés à demander le remboursement de leurs frais réels.

Environ six à huit mois avant la fin de son mandat, C______ avait pris la décision de quitter l'entreprise pour créer un élevage de cochons. G______ lui avait alors demandé d'analyser la comptabilité de la société et d'estimer s'il était possible qu'il continue seul l'activité de celle-ci. G______ avait alors remarqué que certaines factures comptabilisées par la société n'avaient aucun lien avec l'activité de celle-ci. Quelques jours plus tard, les deux associés étaient venus dans ses locaux pour prendre les pièces comptables, puis il avait été radié du registre du commerce.

H______ a assuré qu'il ignorait tout des agissements d'E______, qui, à ses yeux, était la personne de confiance de l'entreprise.

h.b. H______ a produit un courrier de son Conseil du 27 avril 2017 adressé à G______, à teneur duquel il demande un rendez-vous à son interlocuteur, afin de pouvoir discuter des nombreux justificatifs manquants dans la comptabilité de la société. G______ et C______ ont répondu par courrier du 23 mai 2017, s'excusant du manque de sérieux dans les justificatifs et promettant de se réorganiser. Les dépenses seraient ainsi moins importantes et justifiées. Toutes les tâches administratives étaient déléguées à E______, en qui ils avaient entière confiance et avec qui H______ pouvait s'entretenir directement.

i. Entendue par la police le 9 février 2021, E______ a déclaré que C______ et elle-même géraient ensemble les dépenses familiales. Elle possédait un compte bancaire privé suisse dans les livres d'AS_____. Elle a expliqué que son époux lui avait prêté sa carte bancaire sur son propre compte bancaire privé mais qu'elle n'avait jamais eu accès à ses comptes d'une quelconque manière.

Interrogée sur la société A______ Sàrl, elle a d'abord déclaré qu'elle n'avait aucun lien avec cette société, que son époux et son associé étaient sur le terrain et que H______, responsable de leur fiduciaire, s'occupait de l'administratif. Elle a ensuite reconnu avoir travaillé pour cette société depuis à tout le moins l'année 2014, bien qu'elle n'avait jamais été salariée ni fait partie des statuts. Son ancien époux, auteur de violences conjugales à son encontre et de violences sur leurs enfants durant plusieurs années, l'avait obligé à s'occuper de ces tâches. Elle ne bénéficiait d'aucune procuration sur le compte de la société mais avait un accès e-banking lui permettant de valider les paiements préalablement préparés par H______. Elle s'occupait des devis et des factures. Elle apportait à tout le moins une fois par mois les notes de frais des employés et associés à H______, étant précisé que, d'entente avec les associés, la société prenait en charge les repas des employés, ainsi que leurs frais de représentation. Elle avait, à plusieurs reprises, fait remarquer à son époux que les frais étaient trop élevés pour la société. Toutefois, ce dernier lui avait répondu de s'occuper "de son cul". Elle a par ailleurs confirmé que son adresse email était "______@icloud.com".

Elle a ajouté qu'elle avait commencé à préparer sa fuite du domicile conjugal en décembre 2018 et avait fui avec ses trois enfants le 14 juin 2019. Elle estimait que leurs intégrités physiques et leurs vies étaient en jeu. Selon elle, les plaintes déposées par son époux en Suisse étaient de circonstance et devaient servir pour sa défense dans le cadre de la procédure en France en lien avec ses dénonciations de violences conjugales.

C______ gérait lui-même ses dépenses et son compte personnel. A sa connaissance, le compte bancaire I______ de son époux avait pour seul but de pouvoir réceptionner son salaire et se faire rembourser ses frais, par exemple de fournisseurs, de restaurants ou de plein d'essence. Son époux retirait ensuite en espèces les sommes perçues. Elle a contesté avoir imité la signature de C______ dans le but d'obtenir une carte bancaire sur le compte privé de celui-ci, ou avoir elle-même bénéficié de l'argent perçu par son époux sur son compte I______. Les cartes bancaires au nom de son époux arrivaient au domicile familial sans qu'il n'en fasse la demande. Elle a concédé connaître le code PIN de la carte bancaire de son époux. Elle se souvenait que ce dernier avait endommagé sa carte bancaire et qu'il avait lui-même fait une demande pour en recevoir une nouvelle. Il lui avait initialement demandé d'aller à la banque pour entreprendre des démarches allant dans ce sens mais la banque lui avait répondu que, faute de procuration, elle ne pouvait pas elle-même effectuer ces démarches. C______ ne lui avait jamais prêté sa carte bancaire liée au compte I______. Selon elle, la carte AM_____ n° 4______ était la nouvelle carte de son époux. Elle a ensuite déclaré que son époux lui avait remis, à quelques reprises, sa carte bancaire et l'avait chargée d'aller retirer de l'argent. Confrontée au fait que la carte bancaire susmentionnée avait notamment été débitée chez une esthéticienne, elle a reconnu avoir fait "quelques petites bêtises". Elle a expliqué que sa famille avait un budget très serré, alors que son époux vivait au-dessus de leurs moyens. Lorsque leurs finances le permettaient, elle s'octroyait un petit quelque chose pour elle, comme un soin chez une esthéticienne, sans pouvoir quantifier le nombre de fois que cela s'était produit. Le climat familial était tel qu'elle était dans un état second, en mode survie, et qu'elle protégeait ses enfants. Elle a finalement indiqué que son époux lui demandait au maximum deux fois par semaine d'aller lui chercher de l'argent liquides en utilisant sa carte bancaire pour des sommes comprises entre CHF 3'000.- et CHF 5'000.-.

S'agissant des fausses factures, E______ a en premier lieu contesté les avoir confectionnées et avoir pu bénéficier de l'argent. Elle a ensuite admis que la situation familiale mentionnée précédemment l'avait poussée à commettre "certaines choses", notamment la création de fausses factures mais elle ne pouvait pas estimer le montant de ces factures. Son époux ne lui avait pas demandé de les préparer mais la situation tyrannique vécue à la maison l'y avait poussée, C______ lui disant notamment de se débrouiller pour qu'il y ait de l'argent à disposition. Il lui demandait de réapprovisionner son compte et exigeait de recevoir au minimum CHF 2'500.- par mois pour ses dépenses personnelles. Vu qu'il manquait des justificatifs concernant les frais de celui-ci, elle produisait de fausses factures et les transmettait à H______ à titre de justificatifs.

Elle a également admis avoir transmis à H______ des factures – authentiques – sans lien avec les activités d'A______ Sàrl, soulignant que les associés acceptaient que la société prenne en charges des frais privés.

S'agissant des raccordements téléphoniques AL_____, elle a contesté avoir imité la signature de son époux lors de la conclusion de ces contrats. Selon elle, AL_____ avait rattaché par erreur le nom de son époux à ces abonnements. Elle avait utilisé la ligne portant le 6______ et s'était acquittée elle-même des frais d'abonnement. En revanche, elle n'avait jamais utilisé la ligne 5______ et ignorait qui s'en servait.

j. En date du 6 avril 2021, le Tribunal judiciaire de ______[France] a ordonné l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au profit d'E______.

k.a. Entendue par le Ministère public le 8 juin 2021, E______, a expliqué avoir exercé au sein d'A______ Sàrl, depuis sa création jusqu'en mai 2019. Elle a confirmé qu'elle validait toujours les paiements préalablement préparés par H______ et a reconnu avoir créé de fausses factures, tout en contestant avoir eu pour but de s'enrichir ou de nuire à la société. Elle était en mode survie et tentait de satisfaire les exigences de son époux, à qui il était impossible de dire "non". Après avoir transmis ces factures à H______, ce dernier effectuait les entrées sur le compte bancaire en vue du paiement. Elle ne s'était rien acheté à titre personnel mais elle avait utilisé l'argent obtenu, qu'il soit transféré sur leur compte joint ou sur le compte personnel de son époux, pour régler les factures de la famille. Elle ne se souvenait plus du montant total de ses agissements, précisant que C______ avait des dettes, notamment une de EUR 90'000.- en lien avec une condamnation pour coups et blessures, qui n'avait pas été entièrement acquittée, ainsi que des arriérés d'impôts. Son époux ne lui demandait pas directement de faire des demandes de remboursement ni de faire de fausses factures, mais il lui demandait de procéder à divers achats pour lesquels elle avait besoin d'argent. Celui-ci n'était toutefois pas au courant de la manière dont elle avait procédé. Avant de commencer à créer de fausses factures, elle lui avait, à plusieurs reprises, fait remarquer qu'ils étaient à découverts et que l'argent à disposition ne suffisait pas à couvrir leurs frais. C______ s'énervait alors violemment et lui reprochait de ne pas savoir tenir les comptes. Ils avaient aussi un élevage d'animaux qui devaient être nourris et cela occasionnait des frais. Confronté aux déclarations de C______ qui mentionnait n'avoir jamais lui-même fait d'avance à la société depuis son compte personnel, elle a indiqué que son époux payait parfois des restaurants et d'autres frais depuis son compte I______.

Elle a assuré qu'elle n'était pas fière de ses agissements, tout en expliquant qu'elle avait peur de son époux et que c'était la seule solution qu'elle avait trouvée pour satisfaire ses caprices. Elle a concédé avoir elle-même bénéficié de cet argent du fait qu'elle s'était notamment rendue au restaurant avec son époux, et le train de vie trop élevé de la famille la concernait aussi. Elle ne s'était toutefois pas acheté des objets de marque.

Elle a reconnu avoir créé les fausses factures au nom de L______ SA et K______ SA. En revanche, elle ne se souvenait plus si elle était l'auteur des fausses factures au nom de M______ SA. Lors de ses agissements, elle n'avait pas conscience de mettre en péril la société et elle ne s'en était rendue compte que plus tard. Elle avait cependant remarqué que la situation financière de la société s'était détériorée déjà lorsqu'A______ Sàrl avait décroché le contrat pour le chantier AT_____, car les entrées d'argent n'étaient pas suffisantes.

S'agissant de la répartition des frais entre les deux associés, elle a indiqué que G______ et C______ ne travaillaient pas ensemble et géraient chacun une équipe. Les frais réels de représentation de C______ étaient souvent plus élevés que ceux de son associé.

S'agissant de la carte bancaire AM_____, C______ s'était rendu lui-même à la banque I______ pour demander une nouvelle carte bancaire et, lorsqu'elle avait vu une carte bancaire, dans une enveloppe, à la maison, elle s'en était emparée. Elle ne se souvenait toutefois plus de la date. Elle a précisé que son époux ne lui avait jamais demandé où était passée cette carte. Le code PIN de cette dernière était le même que l'ancienne carte bancaire, qu'elle connaissait. Elle a reconnu avoir procédé à des retraits à l'aide de cette carte, y compris des retraits que C______ ne lui avait pas demandé d'effectuer. En revanche, elle a contesté s'être rendue à la banque le 27 avril 2018 pour demander une augmentation de la limite de la carte. En effet, faute de procuration sur le compte bancaire de son époux, elle n'aurait pas été en mesure de le faire. Confrontée aux documents résumant les contacts de la banque, à teneur duquel "la cliente" avait demandé l'augmentation de la limite de carte, elle a déclaré ne pas s'en souvenir. Une fois l'argent prélevé, elle créditait le compte joint et payait des factures du ménage, notamment le remboursement de leurs dettes ou l'entretien de leur élevage de porcs. Elle a contesté avoir prélevé CHF 80'000.- pour son usage personnel.

S'agissant des abonnements téléphoniques AL_____, elle a déclaré que le vendeur avait rattaché cette nouvelle ligne à A______ Sàrl par erreur et qu'elle lui avait par la suite demandé de les séparer. Elle n'avait demandé qu'une seule ligne téléphonique et n'avait pas imité la signature de C______, il s'agissait de sa propre signature. Elle a d'abord indiqué ne plus se souvenir si elle avait conclu ce contrat au nom de son époux ou à son propre nom, puis, confrontée au contrat AL_____ lequel mentionne C______ en qualité de client, elle a expliqué avoir eu une procuration de son époux auprès de AL_____ et rattaché ce nouveau contrat au nom de son époux pour pouvoir bénéficier d'une offre. Elle a contesté avoir voulu faire prendre en charge les factures des abonnements AL_____ par A______ Sàrl, dès lors qu'il s'agissait d'une erreur de la société de téléphonie. Elle ignorait combien de temps A______ Sàrl s'était acquittée de ces factures et également si elle avait remboursé les montants payés à tort par la société.

k.b. Egalement entendus devant le Ministère public, C______ et G______ ont confirmé la teneur de la plainte pénale déposée par A______ Sàrl.

C______ a confirmé qu'E______ se chargeait des tâches administratives, notamment des frais des employés et des associés, de la validation des paiements préparés par H______ et de la gestion des ressources humaines, ce depuis la création de la société jusqu'à son départ en mai 2019. Il n'avait personnellement jamais validé des paiements. G______ et lui-même se chargeaient de la gestion des employés et du travail sur le terrain. Il ignorait que la situation financière de la société s'était détériorée et E______ ne lui avait jamais fait part d'un éventuel problème financier. Lorsqu'ils avaient déposé plainte pénale, G______ et lui-même s'étaient rendus compte de l'étendue des dettes de la société, lesquelles s'élevaient à environ CHF 500'000.-. Depuis, après avoir également dû subir les problèmes liés au Covid, la société était à la limite du surendettement.

Interrogé sur les déclarations d'E______ au sujet de la carte bancaire retrouvée au domicile familal, C______ a déclaré qu'il n'avait jamais vu ce courrier, ne relisait pas ses relevés bancaires et faisait entièrement confiance à son épouse. En outre, il était dyslexique et il éprouvait de la difficulté à lire. Il avait pour habitude de retirer de l'argent depuis son compte bancaire I______, puis d'utiliser cet argent pour payer ses frais professionnels. Il remettait ensuite à son épouse les factures et tickets de paiement, qu'elle transférait à H______, étant précisé qu'il lui transférait uniquement les factures d'ordre professionnel. Ses frais professionnels s'élevaient en moyenne entre CHF 1'500.- et CHF 2'000.- par mois, mais au maximum CHF 2'500.-. E______ s'acquittait des dépenses privées depuis leur compte joint. Pour sa part, il n'avait ni carte bancaire ni chéquier sur ce compte. Selon lui, leur niveau de vie n'était pas trop élevé, étant précisé qu'il percevait environ CHF 6'600.- bruts par mois. Il avait commencé son élevage et avait acquis ses premiers porcs en 2018. Il ignorait combien avait coûté la création et l'installation de son élevage.

Il a assuré qu'il n'était pas à l'origine des deux contrats AL_____. Il ne pensait pas qu'E______ avait imité sa signature sur les contrats mais n'était pas convaincu par les explications de celle-ci, à teneur desquelles elle avait été victime d'une erreur de AL_____. Au contraire, il avait dû appeler lui-même la société de téléphonie pour arrêter de payer ces deux abonnements téléphoniques. Il n'avait pas souvenir d'avoir donné une procuration à E______ pour les relations avec AL_____

Selon lui, cette histoire de violences conjugales était inventée de toutes pièces. E______ avait d'ailleurs avoué à deux amis qu'elle volait A______ Sàrl et qu'elle s'était "organisée" pour l'accuser de violences. Il concédait toutefois avoir été condamné, par le passé, pour avoir commis des actes de violences.

k.c. G______ a confirmé les déclarations de C______ en lien avec la société et les tâches attribuée à E______. Pour sa part, il n'avait jamais validé de paiement. A ses yeux, E______ occupait un poste de secrétaire.

l.a. Par courrier du 10 juin 2021, C______ a indiqué qu'E______ avait réclamé, le 13 novembre 2018, à H______ le remboursement de deux factures émises par la société AD_____, agence qui avait créé le site internet AO______. Le montant total de CHF 4'409.15 avait été débité du compte AN_____ d'A______ Sàrl en faveur de AD_____. Par ailleurs, il s'était aperçu que la société avait également payé, le 14 juin 2018, CHF 2'243.- en faveur de la société U______ SA, montant prétendument justifié par un voyage professionnel au salon de ______[Allemagne], les 27 et 28 juin 2018, alors qu'il ne s'était jamais rendu à cet événement. Il précisait également qu'à cette période, E______ était employée de U______ SA.

l.b. C______ a notamment produit :

-       un avis de débit du compte courant AN_____ au nom d'A______ Sàrl, faisant état d'un débit de CHF 4'409.15, le 14 novembre 2018, en faveur de AD_____;

-       une capture d'écran du site internet AO_____, sur laquelle il est précisé que la création digitale du site avait été effectuée par l'AD_____;

-       deux factures de la société AD______ libellées au nom de AO_____ pour un montant total de CHF 3'816.-;

-       une facture de U______ du 11 juin 2018 SA libellée au nom d'A______ Sàrl, ainsi qu'un avis de débit du 14 juin 2018; et

-       un avis de débit du 26 avril 2018 mentionnant un paiement en faveur de "U______ SA" d'un montant de CHF 1'780.-.

m. Le 3 août 2021, A______ Sàrl a déposé une plainte pénale complémentaire à l'encontre d'E______, à teneur de laquelle elle explique que des recherches approfondies avaient permis de découvrir que l'intéressée avait émis de fausses factures pour un montant total d'environ CHF 400'000.-. Les factures suivantes – produites à l'appui de la plainte pénale – étaient concernées:

-       une facture datée du 31 juillet 2010 au nom de N_____ SA s'élevant à CHF 2'095.-;

-       un courriel du 24 juin 2021 de O______ SA indiquant que certaines factures soumises étaient fausses, ainsi qu'onze factures considérées comme fausses par la société, datée des 5 octobre 2012, 5 février 2013, 18 juin 2014 (3 factures), 11 mars 2015, 20 novembre 2015, 5 janvier 2017, 13 mars 2017, 3 mai 2017 et 13 juin 2017, pour un montant total de CHF 62'587.05;

-       un courrier daté du 1er juillet 2021 du service de comptabilité du P______, lequel affirme avoir été en contact exclusif avec E______, cette dernière étant en charge des tâches administratives d'A______ Sàrl, ainsi que 48 factures datées du 30 septembre 2012 au 31 décembre 2017, lesquelles contiennent la note manuscrite "Fausse factures", ainsi qu'une factures du 30 septembre 2012, laquelle ne contient aucune note manuscrite, pour un montant total de EUR 107'730.95;

-       cinq factures Q______ datées des 8 septembre 2014, 10 novembre 2014, 17 février 2015, 22 octobre 2015 et 14 décembre 2015 pour un montant total de 27'616.18 (la devise n'est pas précisée), sur lesquelles est inscrit de manière manuscrite "Document certifié faux";

-       une facture du 28 juillet 2014 s'élevant à EUR 10'750.- de R______ comportant la note manuscrite "Fausse facture";

-       un courriel du 30 juin 2021 de la cheffe comptable de S______ attestant que les deux factures datées des 22 janvier et 22 juin 2016 pour un montant total de EUR 7'800.- sont fausses;

-       quatre factures datées des 18 mars, 14 juin, 10 octobre et 28 décembre 2015 de T______ pour un montant total de EUR 14'520.-, lesquelles comportent la note manuscrite "Document Faux";

-       quinze factures au nom de K______ SA (dont certaines avaient déjà été produites à l'appui de la plainte pénale du 16 août 2019) datées des 15 juin 2015, 14 septembre 2015 et 28 octobre 2015, 10 janvier 2016, 8 février 2016, 15 juillet 2016, 14 septembre 2016 et 23 décembre 2016, 11 octobre 2017 et 21 décembre 2017, 5 et 24 septembre et 18 octobre 2018 pour un montant total de CHF 75'018.58, comportant toutes la note manuscrite "faux" ou "fausse facture";

-       quatre factures au nom de L______ SA des 3 mai 2017, 13 juin 2017, 13 juillet 2017 et 16 novembre 2017, comportant toutes la mention manuscrite "Document identifié faux" pour un total de CHF 21'110.- (soit un total de CHF 54'087.30 avec les six factures produites à l'appui de la plainte pénale du 16 août 2019);

-       des avis de débit du compte bancaire AN_____ au nom d'A______ Sàrl, dont il ressort un nombre important de versements à différents employés de la société et aux associés à titre de remboursement de frais et que les factures des abonnements AL_____ susmentionnés ont été payés par A______ Sàrl; il est également mentionné un versement de CHF 2'483.45 en faveur de la société AF_____ SA;

-       trois factures de la société AF_____ SA des 8, 16 et 17 avril 2019 pour un montant total de CHF 4'336.76;

-       un bilan d'A______ Sàrl pour l'année 2018, daté du 26 septembre 2019, paraphé des initiales "G______" et "C______", lequel dressait les chiffres suivants:

Actifs

Total de l'actif circulant

CHF 295'488.75

Total de l'actif immobilisé

CHF 500.-

Total de l'actif

CHF 295'988.75

Passif

Total des capitaux étrangers

CHF 286'099.18

(dont CHF 0 de dettes envers des tiers)

Total des capitaux propres

CHF 9'899.57

(dont CHF 20'000.- de capital-actions et CHF -9'899.57 de pertes de l'exercice)

Total du passif

CHF 295'988.75

-       un compte de profits et pertes d'A______ Sàrl pour l'année 2018 faisant mention d'un chiffre d'affaires de CHF 1'661'177.69, comprenant des travaux en cours (CHF 65'000.-) et des produits à recevoir (CHF 175'813.69), des charges de personnel à hauteur de CHF 1'381'548.72 ainsi que d'autres charges d'exploitation s'élevant à CHF 128'460.06. Le document contient les initiales "G______" et "C______" en bas de chaque page;

-       un bilan d'A______ Sàrl pour l'année 2018, daté du 26 septembre 2019, paraphé des initiales "G______" et "C______", lequel dressait les chiffres suivants:

Actifs

Total de l'actif circulant

CHF 304'193.90

Total de l'actif immobilisé

CHF 1'323.33

Total de l'actif

CHF 303'517.23

Passif

Total des capitaux étrangers

CHF 465'153.74

(dont CHF 392'174.11 de dettes envers des tiers)

Total des capitaux propres

CHF - 159'636.51

(dont CHF 20'000.- de capital-actions et CHF - 169'536.08 de pertes de l'exercice)

Total du passif

CHF 295'988.75

-       un compte de profits et pertes d'A______ Sàrl pour l'année 2019 faisant mention d'un chiffre d'affaires de CHF 1'604'822.29, comprenant des travaux en cours (CHF - 65'000.-) et des produits à recevoir (CHF - 175'813.69), de charges de personnel à hauteur de CHF 1'322'870.37 ainsi que d'autres charges d'exploitation s'élevant à CHF 128'460.25. Le document contient les initiales "G______" et "C______" en bas de chaque page.

n.a. Par complément de plainte pénale déposée le 11 octobre 2021, A______ Sàrl a ajouté qu'E______ avait également, entre 2013 et 2019, inclus dans la comptabilité des factures privées, pour un montant total d'environ CHF 50'000.-.

Pour le surplus, A______ Sàrl avait retrouvé un courriel émanant d'E______ daté du 9 novembre 2018 adressé à H______ informant ce dernier, de manière fallacieuse, qu'un ouvrier s'était fait dérobé sa caisse à outils sur un chantier et lui demandant le remboursement de CHF 5'500.-, étant précisé qu'une caisse à outils aurait dû coûter quelques centaines de francs.

S'agissant du paiement en faveur de AB_____, E______ avait réussi à inclure dans la comptabilité de la société une ordonnance pénale notifiée à son encontre. A ce titre, A______ Sàrl avait versé la somme de CHF 10'335.20 à la société AB_____, Etude d'Huissier de la Justice, en charge d'encaisser le paiement de la dette.

A______ Sàrl s'était également acquittée de montants en faveur de la société U______ SA. Hormis la facture du 14 juin 2018, qui correspondait à un prétendu déplacement professionnel de C______ au salon professionnel de ______ (Allemagne) ayant eu lieu en juin 2018, auquel ce dernier ne s'est jamais rendu, la société ignorait l'objet des autres factures précitées.

Alors que les amendes d'ordres et les factures de l'épicerie AH_____ avaient été directement payées par la société et apparaissaient, dès lors, sur les relevés bancaires AN_____ de celle-ci, les autres factures n'apparaissaient pas sur lesdits relevés. Selon A______ Sàrl, E______ avait certainement obtenu le remboursement de ces dépenses par le biais de demande de remboursement de frais groupés.

n.b. A l'appui de ses allégations, A______ Sàrl a notamment produit:

-       une facture du 12 novembre 2013 de EUR 956.99 pour l'achat d'un ordinateur portable chez X______ SA;

-       deux factures des 9 et 24 décembre 2013 de respectivement EUR 186.58 et EUR 59.80 chez Y______ Sàrl pour le transfert de données sur un nouvel ordinateur portable;

-       une facture du 8 janvier 2013 de EUR 730.- pour la réparation de l'alliance d'E______ chez Z______ (la facture mentionnant uniquement la remise en état d'une alliance);

-       huit factures totalisant EUR 1'341.15 pour des courses alimentaires effectuées en 2014 au magasin alimentaire AG_____ C.;

-       une facture du 14 janvier 2014 de EUR 484.- au restaurant "AJ_____";

-       un ticket de caisse daté du 28 mai 2014 de EUR 187.- au restaurant "AK_____";

-       six amendes d'ordre adressées à d'E______ les 8, 18 et 22 février 2016, 30 mai 2016, 14 et 28 septembre 2016 pour un total de CHF 520.-;

-       s'agissant de l'épicerie AH_____, deux factures datées respectivement des 30 novembre 2017 (mentionnant notamment l'achat de liquide vaisselle) et 31 décembre 2017 pour un montant total de EUR 1'234.60 et 29 factures en 2018 pour un montant total de EUR 6'546.37, dont certaines contiennent la note manuscrite "E______"; quatre factures des 2 avril 2019, 8 mai 2019, 12 juin 2019 et 12 juin 2019 pour un montant total de EUR 1'189.61;

-       une facture AA_____ du 15 octobre 2017 s'élevant EUR 236.60, sur laquelle le nom d'E______ a été biffé, puis les noms de C______ et A______ Sàrl ont été ajoutés de manière manuscrite;

-       deux factures de la quincaillerie AI_____ des 26 et 27 septembre 2017 pour un montant total de EUR 375.54;

-       deux factures en faveur de la société AC_____ pour un montant total de CHF 4'247.-, factures privées de C______, ainsi qu'un avis de débit daté du 2 mars 2018 en lien avec le paiement de celles-ci;

-       un courriel du 13 novembre 2018 d'E______ adressé à H______, lui demandant de s'occuper de deux paiements, en faveur de AD_____, respectivement AB_____, ainsi qu'un avis de débit du 14 novembre 2018 mentionnant un paiement à hauteur de CHF 4'409.15 et CHF 5'777.20 en faveur de AB_____;

-       deux factures des 30 octobre et 13 novembre 2018 pour un montant total de CHF 4'409.15 pour la création du site internet AO______; en faveur de la société AD_____;

-       un extrait du grand livre d'A______ Sàrl, dont il ressort, dans la catégorie "publicité", un paiement de CHF 3'446.20 en faveur de AE_____, ainsi qu'un courriel du secrétariat de la société précitée, laquelle indique que l'existence de factures au nom d'E______;

-       une facture du 11 avril 2019 s'élevant CHF 2'483.45 au nom de la société AF_____ SA;

-       les factures AL_____ pour les mois d'octobre 2018 à juillet 2019, ainsi que les avis de débit AN_____ d'A______ Sàrl, dont il ressort que cette dernière a pris en charge le paiement de ces factures pour un total de CHF 3'966.82, soit (i) CHF 180.64 en octobre 2018, (ii) CHF 400.40 en novembre 2018, (iii) CHF 600.34 en janvier 2019, (iv) CHF 600.35 en février 2019, (v) CHF 599.60 en mars 2019, (vi) CHF 519.70 en avril 2019, (vii) CHF 479.80 en mai 2019, (viii) CHF 479.80 en juin 2019 et (ix) CHF 400.- en juillet 2019;

-       deux factures de U______ SA datées des 11 juin 2018 (CHF 2'243.-) et 8 octobre 2018 (CHF 2'243.-), ayant le même objet: "Déplacement professionnel ______[salon en Allemagne]", ainsi que des avis de débit faisant état de quatre paiements en faveur de "U______ les 12 décembre 2017 (CHF 1'700.- à "U______"), 26 avril 2018 (CHF 1870.-), 15 mai 2019 (CHF 5'400.-) et 14 juin 2018 (CHF 2'243.-);

-       un avis de débit mentionnant un paiement le 17 octobre 2014 à hauteur de CHF 3'165.- en faveur de V______;

-       un extrait du grande livre d'A______ Sàrl, lequel mentionne des paiements en faveur de W______ effectués en 2017 et 2018 pour un montant total de CHF 19'560.35, des factures de W______ totalisant CHF 10'860, ainsi que deux courriels datés des 13 et 18 juin 2018 d'E______ réclamant à H______ le paiement de factures de W______.

o. E______ a été entendue par la police le 30 mai 2022, sur délégation du Ministère public.

Elle a déclaré avoir confectionné les fausses factures à l'aide de l'application WORD, en s'inspirant de factures authentiques et en essayant de les recopier. Elle les avait parfois transmises le jour-même à H______ et d'autres fois elle en avait créées lorsque ce dernier lui faisait remarquer, en faisant le bilan, que certaines demandes d'avances de frais n'étaient pas justifiées.

Elle a admis avoir créé de fausses factures au nom de N______ SA sans pouvoir se souvenir précisément quelles factures étaient fausses. En revanche, la facture de 2012 contenait l'écriture de C______, étant précisé que ce dernier lui avait demandé de lui acheter un quad et de le mettre dans les frais de la société. Elle a reconnu avoir confectionné les fausses factures au nom de O______ SA. Elle a également admis avoir certainement confectionné de fausses factures au nom des sociétés P______, Q______, R______, T______, ainsi que L______ SA. Elle ne se souvenait plus si elle avait créé de fausse facture au nom de S______.

Elle a admis que certaines factures privées avaient été payées par A______ Sàrl, sans pouvoir préciser le montant total lié à celles-ci. Selon elle, il était possible que C______ ait été au courant que certaines factures avaient été payées par la société. Celle de la société AF_____ SA datée du 8 avril 2018 ayant pour objet le financement du parc à cochons de C______, laquelle était étrangère aux activités d'A______ Sàrl, avait été prise en charge par la société.

La facture de X______ SA du 12 novembre 2013 avait pour objet l'achat d'un ordinateur avec lequel elle s'occupait de tâches en lien avec A______ Sàrl. A ses yeux, il s'agissait d'un achat pour la société. La facture Y______ du 9 décembre 2013 avait également un lien avec les activités d'A______ Sàrl, dès lors cela avait permis d'effectuer le transfert de données sur l'ordinateur nouvellement acheté. La facture de Z______ était liée à la réparation de l'alliance de son époux, endommagée suite à un accident de chantier.

Elle avait transféré les factures de AG_____, épicerie de AH_____ et W______, sur demande de C______, dès lors qu'il s'agissait d'achats de pains et de croissants pour les employés sur les chantiers ou des repas livrés, ainsi que les factures des restaurants "AJ_____" et "AK_____", vu qu'il s'agissait de repas de C______. S'agissant de la facture de AA_____, C______ avait acheté une machine à café de cette marque pour la société et, à sa demande, elle s'était rendue au magasin pour acheter des capsules.

La facture de la quincaillerie AI_____ concernait des achats effectués par C______ qu'elle avait intégrés dans les comptes de la société, sur demande de ce dernier.

Elle a confirmé qu'il y avait eu un vol d'une caisse à outils, précisant que cette dernière contenait des lasers valant CHF 2'000.-, achetée sur demande de son époux au magasin N______.

Le paiement d'environ CHF 10'000.- en faveur de AB_____ concernait une dette de C______ suite à une condamnation pour coups et blessures, dont il était censé rembourser une partie chaque mois. A ce sujet, ils avaient été contraints de prendre une hypothèque sur leur maison. Elle a reconnu qu'elle avait payé quelques mensualités par le biais de la société A______ Sàrl. Elle avait également payé une partie de cette dette avec son propre argent, raison pour laquelle elle avait fait payer à la société les factures des entreprises AD_____ et AE_____, factures personnelles, à titre de compensation, sans toutefois en parler à son époux.

Elle a encore admis que la facture de l'entreprise AC_____ concernait la réparation de la charpente de leur maison, indiquant que son époux n'était pas au courant qu'elle avait intégré cette facture dans les comptes de la société.

Elle ne se souvenait pas des amendes d'ordre payées par la société.

S'agissant des virements en faveur de U______ SA, selon ses souvenir, les associés d'A______ Sàrl lui avait demandé de faire une fausse facture. Cet argent avait servi à payer le voyage d'un de leurs amis, AU_____, technicien chez AV_____, qui les aidait à décrocher des chantiers. Les autres factures concernaient des voyages personnels en famille. Concernant la facture en lien avec le salon à ______[Allemagne], celle-ci couvrait les frais d'un voyage en famille au ______[hôtel] en Sicile. Un employé de U______ SA, prénommé ______, avait confectionné cette facture et elle lui avait demandé d'indiquer qu'il s'agissait d'un déplacement professionnel. Selon elle, C______ n'était pas au courant de l'existence de cette fausse facture ni que cette dernière avait été prise en charge par la société. En revanche, elle ne se souvenait plus de la facture s'élévant à CHF 5'400.-.

Elle a admis avoir confectionné, sans en parler à son époux, la facture d'un montant de CHF 3'165.- en faveur de V______ SA.

Elle a indiqué qu'elle n'était pas fière de ses agissements, lesquels n'avaient pas eu pour but de s'enrichir mais de se préserver elle-même, ainsi que ses enfants. En outre, les deux associés d'A______ Sàrl lui avaient demandé d'effectuer un travail pour lequel elle n'avait ni les compétences ni les connaissances.

p. Entendu à nouveau le 24 juin 2022 par la police, sur délégation du Ministère public, H______ a déclaré que, selon lui, E______ était la patronne de la société. Celle-ci effectuait un travail considérable et confidentiel pour la société. Il ne se souvenait plus s'il faisait signer les bilans annuels d'A______ Sàrl aux associés. Il a affirmé ne pas être l'auteur du bilan intermédiaire de 2018 figurant à la procédure et ne se souvenait pas non plus s'il avait établi un tel bilan pour l'année concernée.

q.a. A______ Sàrl, en liquidation, a été déclarée en faillite par jugement du Tribunal de première instance du 7 novembre 2022.

q.b. Selon l'état de collocation d'A______ Sàrl, en liquidation, du 1er novembre 2024, le total des créances admises s'élevaient à CHF 960'478.53.

r. E______ et C______ ont été entendus devant le Ministère public le 17 mars 2023.

r.a. Lors de cette audience, E______ a admis avoir confectionné certaines factures au nom de P______, précisant toutefois qu'une partie des factures visées par la procédure devaient être authentiques, dès lors que le montant total retenu lui paraissait impossible, estimant avoir confectionné trois ou quatre factures pour un montant total d'environ EUR 20'000.-.

Elle ne se souvenait pas avoir créé de fausses factures au nom de S______ ni T______, étant précisé que cette dernière intervenait pour des travaux au domicile familial, ajoutant qu'elle avait fait des "black-out" à certains moments de sa vie.

Elle a d'abord indiqué ne pas se souvenir avoir réclamé auprès de H______ le remboursement de factures personnelles et de la famille. S'agissant de la facture Z______, C______ s'était blessé sur un chantier et le corps médical avait dû coupé son alliance. H______ avait fait une demande auprès de l'assurance pour prendre en charge le remboursement de cette facture.

S'agissant des factures des magasins d'alimentations AG_____ C. et AH_____, elle a expliqué qu'à cette période, son époux travaillait sur le chantier AT_____ et qu'il offrait aux employés du pain et des croissants. Il lui avait demandé de mettre ces factures dans les frais de la société. Les factures AA_____ correspondaient à des capsules de café pour ce même chantier, dès lors qu'il y avait une machine de cette marque. Ladite facture avait été enregistrée sur son compte client mais elle avait barré son nom sur la facture, sur recommandation de H______, qui lui avait affirmé qu'il ne fallait pas que cette facture soit à son nom.

Les factures des restaurants "AJ_____" et "AK_____" concernaient des repas de la famille, lors desquels C______ était présent, étant précisé que ce dernier faisait passer toutes ses dépenses sur le compte de la société.

Questionnée sur les amendes payées par A______ Sàrl, elle a admis en avoir sûrement demandé le remboursement.

Interrogée sur les deux factures de la quincaillerie AI_____, elle a indiqué s'y être rendue sur demande de son époux. Confrontée à ses précédentes déclarations, à teneur desquelles C______ était lui-même allé au magasin, elle a indiqué qu'ils s'y étaient tous deux rendus et qu'elle ne savait pas qui avait été au magasin s'agissant de ces deux factures.

Elle se souvenait que les associés lui avaient fait part du vol d'une caisse à outils appartenant à AW_____ sur un chantier et demandé de s'en procurer une nouvelle.

S'agissant de la facture au nom de AB_____, elle avait reçu un appel téléphonique lui annonçant qu'en cas de non-paiement leur maison allait être saisie. Elle avait donc payé personnellement le montant de EUR 10'000.-. Pour le paiement suivant, elle n'avait pas voulu en parler à C______ en raison de la pression subie à la maison.

S'agissant des factures AL_____, elle a expliqué qu'A______ Sàrl avait pris en charge seulement deux ou trois mois les abonnements de téléphonie. Par la suite, elle s'était elle-même acquittée de ces montants.

Elle a enfin contesté avoir confectionné de fausses factures au nom de la société W______, précisant qu'il s'agissait d'un traiteur mandaté par les associés, qu'elle n'était pas en charge de ces factures et qu'elle ne les avait jamais vues.

r.b. C______ a souligné qu'il avait cassé son alliance lors de travaux de faïence de la salle de bains de leur maison et n'avait jamais demandé à son épouse de solliciter le remboursement à l'assurance d'A______ Sàrl pour un accident domestique.

S'agissant des factures du magasin d'alimentation AG_____, il a concédé avoir fait des achats auprès de ce magasin de pains et de croissants pour les employés travaillant sur le chantier AT_____. Il était toutefois persuadé que les factures mentionnées dans la plainte d'A______ Sàrl concernaient des factures personnelles, dès lors que celles-ci ne comportaient pas la mention "A______ Sàrl", reconnaissant cependant qu'E______ gérait les paiements et qu'il ignorait si cette dernière avait fait des comptes séparés au sein dudit magasin. En revanche, les factures de l'épicerie AH_____ datant de décembre 2017 étaient des factures privées, dès lors que le chantier AT_____ était terminé à cette période. En outre, il y avait une machine AA_____ sur le chantier mais aussi à la maison. Les factures de 2018 ne pouvaient également pas être des frais de la société, vu que le chantier précité était terminé et que certains articles achetés, tel que de la lessive, n'étaient pas destinés aux employés de la société.

Concernant les factures de restaurants, il ne comprenait pas pourquoi celles-ci avaient été intégrées dans les comptes de la société, dans la mesure où seuls les frais réels des employés et des associés étaient pris en charge par A______ Sàrl.

Les amendes concernaient des infractions commises par son épouse, dès lors que, pour sa part, il conduisait la voiture de la société.

Il était certain de s'être rendu à la quincaillerie AI_____ pour y effectuer des achats de matériels pour leur maison.

Il a contesté les explications d'E______ quant aux factures de U______ SA.

S'agissant des factures de W______, il a expliqué que cette société livrait des repas de midi sur les chantiers et que celles-ci étaient directement adressées à H______. Or, il y avait une différence entre les factures retrouvées chez ce dernier et les paiements réellement effectués, différence qu'il expliquait par de fausses factures confectionnées par E______.

s. AW_____ a été entendu par le Ministère public le 24 mai 2023. Il a expliqué qu'il avait travaillé pour la société A______ Sàrl de juin 2010 à juin 2022. Il était depuis resté ami avec C______. Il a assuré qu'il ne s'était jamais fait voler une caisse à outils et qu'il ne se souvenait pas avoir entendu qu'une caisse à outils avait été dérobée, précisant que les vols d'outils n'étaient pas fréquents sur les chantiers.

t. Le 18 novembre 2024, par l'intermédiaire de son conseil, A______ Sàrl a déposé des conclusions civiles tendant à ce qu'E______ lui verse les montants de CHF 222'013.93 (fausses factures), EUR 186'394.29 (fausses factures), CHF 30'941.10 (factures personnelles), ainsi que EUR 13'528.57 (factures personnelle) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2012, CHF 3'966.83 (factures téléphoniques AL_____) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2019, CHF 960'478.53 (correspondant aux créances admises à l'état de collocation d'A______ Sàrl) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2012. Elle a également conclu au prononcé de créances compensatrices à l'encontre d'E______ à hauteur de respectivement CHF 1'243'852.09 et EUR 199'922.86 et à l'allocation en sa faveur de ces montants, la partie correspondante de sa créance étant cédée à l'Etat.

u.a. Le 23 octobre 2024, C______ a déposé des conclusions civiles, tendant à ce qu'E______ soit condamnée à lui verser un montant de CHF 97'505.25 avec intérêts à 5% l'an dès le 23 mai 2019, correspondant aux prélèvements indus effectués par cette dernière au débit de son compte bancaire I______.

u.b. Par courrier du 5 décembre 2024, C______ a réduit ses conclusions civiles à CHF 2'669.- avec intérêts à 5% l'an dès le 23 mai 2019, ce qui correspondait au dommage subi, précisant qu'E______ avait en fait retiré CHF 82'284.45 du compte bancaire I______ de manière fallacieuse, alors que CHF 79'715.- avaient été versés de manière indue sur ce compte bancaire durant cette période.

v. Il ressort de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de ______[France] du 2 septembre 2021 que C______ a été condamné à une peine de douze mois d'emprisonnement pour violences volontaires aggravées par conjoint, violences aggravées par ascendant sur mineurs de quinze ans et menaces de mort réitérées. Le Tribunal a notamment retenu que C______ avait commis des violences physiques, psychologiques et sexuels à l'encontre d'E______ ainsi que des violences à l'encontre de leurs enfants entre le 5 mars 2014 et le 14 juin 2019, confirmant le jugement du Tribunal correctionnel de Grande Instance de ______[France] du 17 septembre 2019. La peine prononcée était justifiée par la gravité des faits, les enfants ayant vécu dans un climat de terreur, victimes de menaces et de violences répétées et incompréhensibles et considérant leur père comme un tyran domestique.

C. L'audience de jugement s'est tenue le 9 décembre 2024.

a. E______ a confirmé ses précédentes déclarations. Elle estimait qu'elle n'était rien dans la société, qu'elle n'avait aucune autonomie et qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir décisionnel. Elle a ajouté que H______ tentait parfois de contacter les associés mais que ces derniers étaient souvent injoignables et qu'il avait peur de C______. Le comptable l'appelait personnellement, raison pour laquelle il devait la considérer comme la patronne.

Elle a expliqué que le salaire de C______, s'élevant à l'époque à CHF 6'500.- nets d'impôts, ne suffisaient pas à payer les charges familiales, dont notamment le crédit hypothécaire sur leur maison, les leasings de leurs deux voitures, les taxes foncières et d'habitation, les frais de garde de leurs enfants, ainsi que les frais de nourriture de leurs animaux. En outre, d'une manière générale, leur niveau de vie était trop élevé par rapport à leurs revenus. Elle estimait leurs charges mensuelles à plus de EUR 6'000.- ou EUR 7'000.-, sans prendre en compte les courses. En sus, C______ allait à la pêche au gros pour environ EUR 1'500.- à EUR 2'000.- et investissait dans son élevage d'animaux composé de 100 poules, 45 pintades et 30 cochons. De plus, leur famille se rendait dans des restaurants lors de leurs vacances au ski, possédait des voitures coûteuses et les enfants faisaient du ski en compétition, ainsi que du hockey sur glace. Elle estimait leurs dépenses mensuelles à environ EUR 10'000.-. Quant à C______, ce dernier ne consultait jamais leurs comptes bancaires et pouvait se mettre en colère si elle lui annonçait qu'il ne pouvait pas se permettre d'acheter un objet désiré ou d'effectuer des achats compulsifs. Il lui demandait très fréquemment de l'argent en espèces, notamment avant chaque entrainement du rugby, qui avaient lieu trois fois par semaine. Elle a concédé avoir aussi bénéficié du train de vie luxueux mené par la famille, précisant toutefois que la vie avec son époux était horrible.

E______ a ajouté que, selon elle, H______ ne préparait pas de bilan de la société et ne rencontrait pas les associés en fin d'année pour revoir les comptes.

Interrogée au sujet des factures du P______, elle a persisté à dire qu'une partie de celles-ci devait être authentique. Elle trouvait le montant très élevé, concédant toutefois qu'à cette période, elle n'était pas consciente de tout. Confrontée aux remarques du service de comptabilité de l'entreprise concernée, lequel avait affirmé que toutes les factures étaient fausses, elle a ensuite reconnu que le montant total était possible mais qu'elle ne s'en était pas rendue compte.

Confrontée également au fait que la société S______ avait attesté que les deux factures visées étaient fausses, elle a concédé que cela était certainement vrai.

S'agissant des factures T______, elle a admis qu'elles étaient étrangères à l'activité d'A______ Sàrl, précisant que le gérant de cette société l'avait personnellement menacée.

Confrontée à ses courriels des 13 et 18 juin 2018, à teneur desquels elle demandait à H______ de payer des factures de W______, elle a indiqué qu'elle avait seulement demandé le paiement de celles-ci, insistant sur le fait qu'elle n'avait pas géré ces factures.

Elle a expliqué, s'agissant de l'épicerie AH_____, que la caissière préparait deux factures distinctes, à titre privée et pour la société.

Interrogée sur les factures de la quincaillerie AI_____, elle a déclaré qu'elle ignorait si le matériel acheté était destiné à un usage privé ou professionnel et qu'elle ne se souvenait plus si c'était C______ qui lui avait demandé de les intégrer dans la comptabilité de la société.

Elle a persisté à affirmer qu'une caisse à outils avait été dérobée sur un chantier, soulignant le fait que tous les anciens employés de la société étaient des amis de son époux.

Elle estimait que la santé financière de la société n'était pas en péril, au moment de son départ. C______ gérait le chantier AT_____, alors que G______ s'occupait d'autres chantiers qui n'étaient pas assez rentables. Malgré cela, la société parvenait à payer l'AVS et ses impôts.

Elle a assuré que les retraits effectués par le biais de la carte bancaire AM_____ sur le compte privé de C______ n'avait pas été effectués à l'insu de ce dernier. Elle avait trouvé cette carte sur le bar de la maison et il lui avait demandé à plusieurs reprises de prélever des sommes d'argent et de les lui amener sur les chantiers. Les sommes retirées qu'elle n'avait ensuite pas versées sur leur compte joint avaient été déposées sur son compte personnel UBS et avaient servi à payer des factures de C______, sans qu'il ne le sache, en particulier EUR 90'000.- en faveur de AB_____. Elle n'avait pas osé annoncer à C______ que les huissiers l'avaient menacée de saisir leur maison, concédant ne s'être acquitté de cette dette qu'à hauteur de EUR 30'000.-. Elle avait conscience d'avoir "fait des choses illégales" mais elle avait l'intention de préserver ses enfants et elle-même de la colère et des humiliations subies. Elle ignorait pour quelle raison elle avait retiré autant d'argent en espèces.

S'agissant des factures AL_____, elle a indiqué que, lorsqu'elle s'était rendue compte que l'abonnement avait été payé par A______ Sàrl, elle avait entrepris des démarches pour payer elle-même ces factures. Elle avait d'ailleurs signé les documents y relatifs avec sa propre signature et n'avait pas imité celle de C______.

E______ a enfin contesté les conclusions civiles déposées par A______ Sàrl et s'en est rapportée à justice s'agissant de celles sollicitées par C______.

b. C______ a admis qu'il lui était arrivé de demander à E______ d'acheter des capsules pour la machine AA_____ qui se trouvait sur le chantier AT_____. Il a également reconnu qu'un de ses collègues et lui-même passaient le matin pour acheter des pains et des croissants pour les employés, mais uniquement durant le chantier précité, sur lequel ils avaient œuvré entre 2015 et 2017. Il n'avait acheté aucun autre article, hormis des viennoiseries. Quant aux repas de midi, ils étaient livrés par W______.

Il estimait les revenus du couple à EUR 9'000.- par mois et, selon lui, le train de vie de la famille était adapté. La licence de ski ne coûtait que EUR 150.- et le club trouvait des arrangements pour les forfaits. Ils partaient en vacances une fois tous les deux ans et bénéficiaient de prix, dès lors qu'E______ travaillait dans le domaine des voyages. Ils mangeaient peu au restaurant et il élevait notamment de la volaille qu'ils consommaient. Lui-même s'habillait tout le temps en bleu de travail et ne s'intéressait pas à la mode. Il n'avait jamais demandé de grosses sommes d'argent en espèces à E______, cette dernière ne l'ayant au demeurant jamais alerté que leur compte joint était à découvert. Au contraire, celle-ci lui répétait que tout allait bien. Son épouse avait usé de sa soi-disant colère comme excuse depuis le début de la procédure et les accusations à son encontre étaient mensongères.

Il a confirmé avoir été précédemment condamné en France et devoir payer la somme initiale de EUR 67'000.-, à laquelle s'étaient ajoutés des intérêts. A ce sujet, E______ lui avait dit de ne pas s'inquiéter et qu'elle allait contracter un prêt à la banque pour payer le montant restant.

Il a ajouté qu'il n'avait pas accès au compte joint du J______ ni de son compte I______. Lorsqu'il avait besoin d'argent, E______ s'occupait de payer pour lui et, quand il sortait seul, ce qui était rare, elle lui remettait des espèces.

D.a. E______ est née le ______ 1977 à ______, en France, pays dont elle est originaire. Elle est divorcée depuis mai 2024 et mère de trois enfants, nés respectivement en 2005, 2006 et 2013. Elle a effectué toute sa scolarité en France. Après l'obtention du Bac et d'un brevet de technicien supérieur (BTS) en tourisme et loisir, elle a travaillé durant cinq ans en France, puis en Suisse entre 2001 et 2019, en qualité d'agent de voyage. Entre 2012 et 2019, elle travaillait dans une agence de voyage pour un salaire mensuel d'environ CHF 3'000.- par mois.

Actuellement, elle travaille dans le domaine de la conciergerie d'entreprise et perçoit un salaire mensuel net de EUR 2'000.-. Elle touche également une pension alimentaire à hauteur de EUR 860.- par mois.

Elle indique avoir des dettes d'environ EUR 30'000.- à EUR 40'000.- et établi un dossier du surendettement, lequel n'avait pas encore été clôturé.

b. A teneur de son extrait du casier judiciaire suisse, E______ a été condamnée, le 8 décembre 2021, par la Chambre d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve fixé à trois ans, pour abus de confiance (art. 138 ch. 1 et 2 CP).

 

EN DROIT

Culpabilité

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (RS 0.101; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (RS 101; Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a, JdT 2004 IV 65 et les arrêts cités).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si l'intéressé démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a, JdT 1999 IV 136; ATF 120 Ia 31 consid. 2, JdT 1996 IV 79).

2.1.1. Aux termes de l'art. 158 ch. 1 CP, entré en vigueur depuis le 1er juillet 2023 et applicable à titre de lex mitior, quiconque, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu’ils soient lésés est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Le gérant d’affaires qui, sans mandat, agit de même encourt la même peine (al. 2). Si l’auteur agit dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, il est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 3).

Cette infraction ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui. La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise. Même s'il n'en est pas investi formellement, celui qui dispose de fait d'un tel pouvoir a la qualité de gérant (ATF 142 IV 346 consid. 3.2; 129 IV 124 consid. 3.1; 123 IV 17 consid. 3b; 120 IV 190 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1381/2021 du 24 janvier 2022 consid. 4.1.2; 6B_1035/2014 du 25 janvier 2016 consid. 3.2; 6B_830/2011 du 9 octobre 2012 consid. 2.1).

Le pouvoir de disposition autonome peut se manifester non seulement par la passation d'actes juridiques, mais également par la défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux ou par des actes matériels. Il faut cependant que le gérant ait une autonomie suffisante sur tout ou partie de la fortune d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 consid. 3b p. 21 ; 120 IV 190 consid. 2b p. 192). Dans la société anonyme, la qualité de gérant est notamment reconnue aux membres du conseil d'administration, à l’administrateur unique d’une SA (ATF 117 IV 259 = JdT 1993 IV 80), à l'administrateur en général (ATF 100 IV 167), au président du conseil d'administration et directeur d’une SA, au bénéfice d’une signature individuelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_294/2008 du 1er septembre 2008). Un tel devoir incombe également aux organes de fait (arrêt 6B_830/2011 du 9 octobre 2012; DUPUIS et al., Petit commentaire du CP, 2e éd., 2012, n. 11 ad art. 158 CP; TRECHSEL/CRAMERI, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2e éd., 2013, n. 6 ad art. 158 CP).

Cinq éléments caractéristiques sous-tendent la notion de gérant au sens de l'art. 158 ch. 1 CP: premièrement, l'activité de l'auteur doit se rapporter à la gestion ou à la protection d'intérêts pécuniaires d'une tierce personne; deuxièmement, l'auteur est non seulement censé administrer le patrimoine d'une tierce personne, mais il est supposé, de surcroît, le gérer dans l'intérêt d'autrui; troisièmement, les intérêts pécuniaires gérés doivent revêtir une certaine importance, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif; quatrièmement l'auteur doit revêtir une position de garant et être lié par un devoir de protection relatif aux intérêts en cause, ce qui suppose que le devoir de sauvegarder des intérêts pécuniaires ou de veiller sur de tels intérêts représente un aspect caractéristique et essentiel du rapport liant l'auteur au titulaire du patrimoine géré; cinquièmement, l'auteur doit bénéficier d'un degré d'indépendance relativement important et d'un pouvoir de disposition autonome sur les intérêts pécuniaires gérés (Dupuis et al., op. cit., n° 8 ad art. 158 CP et les références citées). En d'autres termes, le devoir de gestion implique un pouvoir sur les biens d'autrui comportant une indépendance suffisante, un droit de disposition autonome et une certaine latitude qui caractérise le devoir de fidélité dont la violation est punissable (ATF 123 IV 17 consid. 3b; arrêt 1B_678/2011 du 30 janvier 2012).

Pour qu'il y ait gestion déloyale, le gérant doit avoir violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 123 IV 17 consid. 3c), ce qui implique de déterminer, au préalable et pour chaque situation particulière, le contenu spécifique des devoirs incombant au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (arrêts du Tribunal fédéral 6B_845/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.2; 6B_967/2013 du 21 février 2014 consid. 3.2; 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 consid. 3.3.2; 6B_446/2010 du 14 janvier 2010 consid. 8.4.1). Pour apprécier le comportement de l'auteur dans le cadre de l'art. 158 CP, il faut tenir compte des risques nécessairement inhérents à la gestion d'intérêts pécuniaires et à la vie des affaires en général. Tant que la prise de risque assumée par le gérant demeure conforme aux règles applicables, il est exclu de parler de violation d'un devoir de gestion. Une telle violation ne saurait être admise du seul fait que le comportement adopté par le gérant s'avère ultérieurement préjudiciable. Au contraire et comme le résume le Message du Conseil fédéral, l'art. 158 CP n'est censé punir que les comportements impliquant une prise de risque "qu'un gérant d'affaires avisé n'aurait jamais pris dans la même situation", et ce, compte tenu d'une appréciation ex ante du comportement considéré (Dupuis et al., op. cit., n° 21 ad art. 158).

L'infraction n'est consommée que s'il y a eu préjudice. Tel est le cas lorsqu'on se trouve en présence d'une véritable lésion du patrimoine, c'est-à-dire d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou d'une non-augmentation de l'actif, ou d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 142 IV 346 consid. 3.2). Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant (ATF 122 IV 279 consid. 2a). Comme pour toute infraction matérielle, un lien de causalité doit être établi entre le comportement délictueux de l’auteur et le résultat. Autrement dit, le lien de causalité doit être établi entre la violation du devoir de gestion ou de sauvegarde et le dommage (Macaluso et al., op. cit., n° 62 ad art. 158 CP).

Sur le plan subjectif, la conscience et la volonté de l'auteur doivent englober la qualité de gérant, la violation du devoir de gestion et le dommage (ATF 129 IV 124 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 consid. 3.3.3). Le dol éventuel suffit; vu l'imprécision des éléments constitutifs objectifs de l'infraction, la jurisprudence se montre toutefois restrictive, soulignant que le dol éventuel doit être nettement et strictement caractérisé afin d'éviter qu'il ne se confonde avec la négligence consciente (ATF 123 IV 17 consid. 3e; 86 IV 12 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.5; 6B_412/2016 du 10 février 2017 consid. 2.5). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable ou la réalisation de l'infraction et passe néanmoins à l'action, car il accepte le résultat au cas où il se produirait et s'en accommode, même s'il ne le souhaite pas. Il s'agit d'une forme d'intention, qui se distingue de la négligence consciente sur le plan volitif, non pas cognitif. Dans les deux cas, l'auteur est conscient que le résultat illicite pourrait se produire, mais, alors que celui qui agit par négligence consciente escompte qu'il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l'accepte pour le cas où il se produirait (ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 125 IV 242 consid. 3c).

L'existence du dessein d'enrichissement illégitime constitue une circonstance aggravante. La notion d’enrichissement illégitime doit être comprise comme toute amélioration, même temporaire, d’une situation patrimoniale acquise de manière contraire à l'ordre juridique. L'art. 158 ch. 1 al. 3 CP peut être réalisé par dessein éventuel; tel est le cas lorsque l'auteur envisage l’enrichissement comme possible et, même s'il ne le souhaite pas, agit néanmoins, parce qu'il s’en accommode pour le cas où il se produirait (Macaluso et al., op. cit., n° 69 et 71 ad art. 158 CP).

2.1.2. Selon l'art. 165 ch. 1 aCP, le débiteur qui, de manières autres que celles visées à l'art. 164 CP, par des fautes de gestion, notamment par une dotation insuffisante en capital, par des dépenses exagérées, par des spéculations hasardeuses, par l'octroi ou l'utilisation à la légère de crédits, par le bradage de valeurs patrimoniales ou par une négligence coupable dans l'exercice de sa profession ou dans l'administration de ses biens, aura causé ou aggravé son surendettement, aura causé sa propre insolvabilité ou aggravé sa situation alors qu'il se savait insolvable, sera, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Cette disposition est conçue pour les cas d'optimisme déraisonnable et s'applique lorsque l'intention de nuire aux créanciers ne peut pas être prouvée. La norme ne vise cependant pas n'importe quel choix inadéquat ou appréciation malencontreuse, mais seulement un comportement qui dénote indiscutablement une légèreté blâmable, soit un manque du sens des responsabilités (ATF 115 IV 41 consid. 2; Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, n° 9, 22 et 28 ad art. 165). L'art. 165 CP a été conçu pour les cas où le manque de lucidité est clairement blâmable et où il est choquant que l'accusé fasse payer aux créanciers le prix d'un optimisme aveugle (ATF 77 IV 167).

La notion de "négligence coupable dans l'exercice de la profession ou dans l'administration des biens" correspond à la "grave négligence dans l'exercice de sa profession" que connaissait l'art. 165 aCP (FF 1991 II 933 1034). Sa réalisation suppose que des devoirs ou des règles de diligence ou de prudence aient été violés. Tel est le cas d'une grave violation de l'une des dispositions impératives du Code des obligations, par exemple l'avis au juge selon l'art. 725 aCO en cas de surendettement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_985/2016 du 27 février 2017 consid. 4.1.1; Dupuis/Moreillons/ Piguet/Berger/Mazou/Rodigari [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n° 17 ad art. 165). On ne saurait toutefois affirmer que toute violation d'une disposition impérative du Code des obligations constitue une négligence coupable au sens de l'art. 165 CP (Dupuis/Moreillons/Piguet/Berger/Mazou/Rodigari [éds], op. cit., n° 17 ad art. 165). La diligence due dépend des circonstances; il faut se demander quel aurait été le comportement d'un administrateur raisonnable placé dans les mêmes circonstances au moment du comportement reproché, et examiner, en fonction des renseignements dont il disposait, ou dont il pouvait disposer, si son attitude semble raisonnablement défendable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_467/2010 du 5 janvier 2011 consid. 3.3).

La notion de surendettement, qui s'applique au débiteur soumis à la poursuite par la voie de la faillite, découle de l'art. 725 al. 2 aCO et signifie que, sur le plan comptable, les dettes ne sont plus couvertes, ni sur la base d'un bilan d'exploitation, ni sur la base d'un bilan de liquidation, autrement dit que les passifs excèdent les actifs. L'existence d'une situation d'insolvabilité ou d'un surendettement est une conditions objective de punissabilité de l'infraction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_829/2019 du 21 octobre 2019 consid. 2.3; 6B_231/2021 du 16 août 2022 consid. 3.1).

Aux termes de l'art. 725 al. 2 aCO, s'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification d'un réviseur agréé. S'il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d’exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le juge, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société dans la mesure de cette insuffisance de l'actif.

Pour dire si l'acte a causé ou aggravé la situation, la jurisprudence se réfère à la notion de causalité adéquate. Il n'est pas nécessaire que les actes reprochés à l'auteur soient seuls à l'origine du surendettement, ni qu'ils en soient la cause directe. Peu importe quel est l'acte qui, en définitive, a provoqué le passage à l'état d'insolvabilité (ATF 123 IV 195). Il suffit que l'acte de gestion fautive ait joué un rôle causal en contribuant à l'apparition du surendettement ou à son aggravation et qu'il ait été propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un tel résultat (ATF 115 IV 38 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_231/2021 consid. 3.1). Un seul acte de gestion fautive suffit pour réaliser l'infraction (Donatsch, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 9e éd., Zurich 2008, p. 338).

L'infraction de gestion fautive est un délit intentionnel (FF 1991 II 1037). L'auteur doit avoir adopté volontairement un comportement qui, considéré objectivement, doit être qualifié de fautif, en fonction des circonstances dont il avait connaissance ou acceptait l'éventualité; il faut encore que ce comportement, de manière prévisible pour lui, ait causé le surendettement ou aggravé cette situation (Corboz, op. cit., Vol. I, n° 58 ad art. 165). En résumé, il faut que l'auteur ait connu le risque d'insolvabilité et qu'il l'ait pris consciemment ou qu'il en ait nié l'existence d'une façon irresponsable (ATF 115 38 consid. 2).

En règle générale, celui qui, notamment, ne suit pas les conseils donnés par des tiers compétents, consent des dépenses en disproportion avec ses moyens et ses revenus, ou poursuit l'exploitation sans se soucier d'une situation obérée connue, agit avec une légèreté coupable, surtout si les carences se cumulent. Si l'acte intervient dans la gestion d'une personne morale, la responsabilité pénale incombe à la personne physique qui a agi pour elle aux conditions de l'art. 29 CP, soit en tant qu'organe d'une personne morale, respectivement membre d'un tel organe, ou en tant que collaborateur muni d'un pouvoir de décision indépendant dans le secteur d'activité dont il est chargé (Corboz, op.cit., Vol. I, n° 14 ad art. 165).

L'art. 165 CP peut entrer en concours réel, voire idéal, avec l'infraction de gestion déloyale (art. 158 CP), dans la mesure où le bien juridique protégé n’est pas le même et que dans le cas de l'art. 158 CP, la gestion déloyale crée un dommage, alors que la gestion fautive cause ou aggrave l’insolvabilité ou le surendettement (CR CP-II-Jeanneret/Hari, n° 58 ad art. 165).

2.1.3. L'art. 251 ch. 1 aCP punit celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

La notion de titre est définie à l'art. 110 al. 4 CP. Seuls les documents destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique sont concernés. Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Ainsi, certains de ses aspects peuvent être propres à prouver certains faits, alors que d'autres ne le sont pas (PC CP, 2ème éd., Bâle 2017, n° 6 ad art. 251).

Le législateur réprime deux types de faux dans les titres: le faux matériel et le faux intellectuel. Leur utilisation est également considérée comme une infraction. On parle de faux matériel lorsque le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Commet un faux intellectuel, celui qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique.

L'auteur d'une facture au contenu inexact peut se rendre coupable de faux intellectuel dans les titres lorsque dite facture ne remplit pas qu'une fonction de facturation, mais qu'elle est destinée, objectivement et subjectivement, à servir au destinataire avant tout comme pièce comptable, si bien que sa comptabilité s'en trouve faussée. Si la facture au contenu inexact a été établie dans le but d'être intégrée dans la comptabilité, le faux intellectuel dans les titres prend naissance lors de son élaboration et non pas seulement lors de son enregistrement dans la comptabilité (ATF 138 IV 130 consid. 2.4.3; ATF 129 IV 130 consid. 3.2. et 3.3).

Dans toutes les variantes envisagées, l'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs, y compris sur le fait que le document ne correspond pas à la vérité et qu'il a une valeur probante. Le dol éventuel est suffisant. L'élément subjectif de l'infraction requiert, dans tous les cas, l'intention de tromper autrui pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, ou causer un préjudice (PC CP, 2ème éd., Bâle 2017, art. 251 n° 46 et 48 ad art. 251).

L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1). La notion d'avantage est très large. Elle vise tout type d'avantage, d'ordre matériel ou immatériel, qui peut être destiné à l'auteur lui-même ou à un tiers (ATF 129 IV 53 consid  3.5 p. 60; arrêt du Tribunal fédéral 6B_116/2017 du 9 juin 2017 consid. 2.2.3). L'illicéité peut être déduite du seul fait que l'auteur recourt à un faux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_441/2016 du 29 mars 2017 consid. 6.2).

Des fausses factures (point 1.1.1.A. de l'acte d'accusation)

2.2.1. En l'espèce, s'agissant des faits retenus sous le point précité de l'acte d'accusation, le Tribunal tient pour établi que la prévenue a travaillé pour la société A______ Sàrl, à tout le moins dès l'année 2012 et ce jusqu'au 14 juin 2019. Bien qu'elle n'était pas employée, ne percevait aucun salaire et n'était pas formellement organe de la société, il est établi et admis elle était en charge des tâches administratives, notamment d'instruire H______ des paiements à effectuer, y compris des remboursements de frais des associés, et de valider seule les opérations préparées par le précité via l'accès e-banking du compte bancaire de la société dont elle détenait les codes d'accès. Elle occupait, de fait, une fonction dirigeante, comme indiqué par le comptable, lequel a déclaré qu'elle endossait un rôle dirigeant qui était accepté de facto par les deux associés, puis qu'il la considérait comme la "patronne". Le courrier des associés du 23 mai 2017, à teneur duquel ils affirment se décharger des tâches administratives et faire pleinement confiance à la prévenue, confirme la liberté dont la prévenue jouissait au sein de la société et le fait que H______ n'était qu'un exécutant. Elle disposait d'un large degré d'indépendance et d'autonomie dans son activité, ce qui caractérise la confiance particulière qui lui avait été accordée, et revêtait donc la qualité de gérante, au sens de l'art. 158 CP, s'occupant de manière exclusive des demandes de remboursement et de la validation des paiements de la société.

Il est ainsi confirmé que, durant toute la période pénale, elle a eu la latitude de gérer les paiements et dépenses de la société A______ Sàrl, ce qu'elle était censée faire dans l'unique intérêt de celle-ci.

Or, malgré cela, il est établi et, au demeurant, admis par la prévenue elle-même, que cette dernière a confectionné de fausses factures au nom de plusieurs fournisseurs de la société et les a transmises, par courriel ou en personne, à H______, en lui faisant croire qu'il s'agissait de factures authentiques, de manière à ce que le paiement de ces factures soit entré dans le système bancaire pour être honorées. Elle a ensuite validé les paiements liés à celles-ci, portant ainsi préjudice aux intérêts financiers d'A______ Sàrl à hauteur de ces montants.

S'agissant en particulier des factures au nom d'U______ SA, la question de savoir si les associés étaient au courant de ses agissements ou si elle a opéré à leur demande peut rester ouverte, dès lors qu'elle avait une fonction dirigeante et qu'elle a elle-même instruit le comptable s'agissant de ce paiement, alors qu'elle aurait pu et dû agir autrement.

Au vu des éléments du dossier, en particulier les factures annotées par les fournisseurs et les déclarations de la prévenue, le Tribunal considère que la prévenue a créé les fausses factures au nom des sociétés K______ SA, L______ SA, M______ SA, N______ SA, O______ SA, P______, Q______, R______, S______, T______, U______ SA et V______ SA.

La prévenue a agi avec conscience et volonté, au mépris de ses devoirs. Elle se rendait parfaitement compte qu'en agissant tel qu'elle l'a fait, elle portait atteinte aux intérêts financiers de la société.

Quant à l'argument de l'état de nécessité licite ou excusable, celui-ci tombe à faux, la prévenue ne démontrant pas en quoi l'utilisation à des fins privées de l'argent perçu au moyen des fausses factures lui aurait concrètement permis de sauvegarder son intégrité physique ainsi que celle de ses enfants.

Son comportement peut également être appréhendé pénalement sous l'angle de la gestion déloyale aggravée, soit avec dessein d'enrichissement illégitime.

En effet, tout en constatant que la procédure ne permet pas de déterminer avec exactitude l'usage fait de l'argent obtenu de manière indue, le Tribunal relève que la prévenue a versé une partie des montants obtenus au moyen de ses stratagèmes sur le compte joint du couple (en francs suisses), puis qu'elle les a ensuite transférés sur le compte commun (en euros), compte par le biais duquel les paiements des dépenses familiales étaient majoritairement effectués. A ce sujet, il sera retenu que la famille E______-C______ avait un train de vie aisé et dépensier, en particulier grâce aux agissements de la prévenue.

En dépit de ses dénégations, le Tribunal retient que la prévenue a agi dans le but de se procurer et de procurer à sa famille un enrichissement illégitime. Elle sera donc reconnue coupable de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), en lien avec les fausses factures précitées.

En revanche, il n'est pas établi que la prévenue a confectionné des fausses factures au nom de W______, lesdites factures ne figurant pas au dossier et la prévenue ayant, de manière constante, contesté ces faits. Le doute devant lui profiter, un acquittement sera prononcé, s'agissant des factures liées à W______.

Des factures personnelles et de la famille (point 1.1.1.B. de l'acte d'accusation)

2.2.2. S'agissant des faits retenus sous le point précité de l'acte d'accusation, comme développé supra sous chiffre 2.2.1., en qualité de gérante, la prévenue avait le devoir de protéger les intérêts d'A______ Sàrl.

Le Tribunal tient pour établi que les factures des restaurants "AJ_____" et "AK_____", ainsi que celles des sociétés, AC_____, AB_____, AD_____, AE_____ et AF_____ SA sont des factures privées de la famille E______-C______ – ce qui est admis par la prévenue et confirmé par C______ – et que cette dernière en a demandé le remboursement auprès de H______, alors qu'elle savait que ces frais étaient étrangers aux activités d'A______ Sàrl. Le fait que C______ était présent notamment lors des repas aux restaurants est sans pertinence.

Par ailleurs, il n'est pas avéré que la prévenue aurait pris à sa charge le paiement d'une partie des dettes de son époux envers AB_____. Dans tous les cas, cela ne lui octroyait pas le droit de procéder, de son propre chef, à une compensation financière avec A______ Sàrl, sujet de droit distinct de C______.

S'agissant de deux factures de la quincaillerie AI_____, la prévenue a varié dans ses explications, alors que C______ a, de manière constante, déclaré qu'il avait acheté du matériel pour leur maison. Ainsi, il faut considérer que la prévenue a faussement fait passer celles-ci pour des frais à charge de la société.

En ce qui concerne la demande de remboursement du montant de CHF 5'500.- pour le remplacement d'une caisse à outils dérobée, il est établi que la prévenue a fait cette requête à H______. A ce sujet, le Tribunal relève que AW_____, entendu comme témoin devant le Ministère public, a affirmé n'avoir jamais été victime d'un vol d'une caisse à outils, ce qui corrobore la version de C______. Bien que ces frais soient en lien avec l'activité de la société et non des factures personnelles de la famille E______-C______, la prévenue s'est rendue coupable de gestion déloyale, en demandant le remboursement de frais de manière fallacieuse.

S'agissant des six amendes d'ordre payées par la société, il importe peu de savoir qui était au volant du véhicule concerné, dès lors qu'il n'appartenait pas à la société de s'en acquitter. En réclamant le remboursement de ces frais, la prévenue a commis un acte de gestion déloyale.

En sollicitant et obtenant d'A______ Sàrl le paiement des factures et des demandes de remboursement susmentionnés, la prévenue a, avec conscience et volonté, violé ses obligations de fidélité et de sauvegarde des intérêts pécuniaires de la société découlant de sa position, dans le but de se procurer et/ou de procurer à sa famille un enrichissement illégitime.

Pour ces faits également, la prévenue sera reconnue coupable de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP).

Concernant les autres faits reprochés à la prévenue sous point 1.1.1.B. de l'acte d'accusation, le Tribunal relève que la prévenue a reconnu que certaines factures n'avaient aucun lien avec les activités d'A______ Sàrl ou a indiqué pour certaines qu'elle ne s'en souvenait pas, tout en persistant à assurer pour d'autres, ce jusqu'à l'audience de jugement, qu'il s'agissait d'authentiques factures professionnelles de la société, ce qui donne une certaine crédibilité à ses déclarations sur ce point.

Ainsi, un doute subsiste en lien avec la nature des factures au nom de X______ SA, d'Y______ Sàrl, de Z______, de AG_____ C, de AA_____ et de l'épicerie d'AH_____.

Le Tribunal retient en particulier qu'il n'est pas possible, à teneur des éléments du dossier, de considérer de manière certaine que les achats liés à ces factures n'ont pas été faits dans le cadre des activités de la société.

Concernant les factures des magasins d'alimentation et de café, C______ a reconnu qu'A______ Sàrl avait, à plusieurs reprises, effectué des achats dans ces magasins, notamment lors du chantier AT_____ et qu'il ignorait comment la prévenue séparait les factures personnelles et privées. Quant à l'équipement informatique, il est établi que la prévenue œuvrait pour la société et avait besoin d'un ordinateur. De plus, les explications données par celle-ci à ce sujet sont vraisemblables.

Le doute devant profiter à la prévenue, cette dernière sera acquittée de gestion déloyale en lien avec les factures et remboursements précités.

Des abonnements téléphoniques AL_____ (point 1.1.1.C. de l'acte d'accusation)

2.2.3. S'agissant des faits retenus sous le point précité de l'acte d'accusation, la prévenue a admis avoir conclu un contrat de téléphonie mobile en lien avec le numéro 6______ et le fait que les factures liées à ce raccordement ont été prises en charge par A______ Sàrl.

Ses dénégations à teneur desquelles AL_____ avait, de manière erronée, rattaché cette ligne téléphonique aux abonnements payés par A______ Sàrl et qu'elle ne se souvenait plus avoir conclu un contrat portant sur le second numéro ne convainquent pas, étant précisé qu'il ressort du dossier que la prévenue n'a jamais remboursé la société des montants payés à tort.

A nouveau, elle a agi au préjudice d'A______ Sàrl avec intention et dans le dessein de se procurer un avantage économique.

Elle sera reconnue de gestion déloyale aggravée, s'agissant de ces faits (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP).

2.2.4. S'agissant de l'infraction de gestion fautive, le Tribunal relève, que l'exactitude des bilans des années 2018 et 2019 d'A______ Sàrl n'est pas avérée, dès lors qu'on ignore qui les a établis, H______ ayant notamment déclaré ne pas en être l'auteur, étant au demeurant précisé qu'aucun surendettement ne ressort du bilan pour l'année 2018.

Le Tribunal peine à justifier certains chiffres, en particulier la différence s'agissant des dettes envers les tiers estimées CHF 392'174.11 (au lieu de CHF 0.- en 2018), les travaux en cours à CHF -65'000.- (au lieu de CHF 65'000.- en 2018) et les produits à recevoir à CHF -175'813.69 (au lieu de CHF 175'813.69 en 2018). En outre, le chiffre d'affaire a augmenté, passant de CHF 1'420'364.- en 2018 à CHF 1'604'822.29 en 2019. Au vu notamment de ces éléments au dossier, ainsi que des bilans susmentionnés, le Tribunal ne peut pas tenir pour établi que la prévenue aurait causé ou aggravé un quelconque surendettement de la société.

Faute d'éléments au dossier propres à démontrer un surendettement durant la période pénale concernée, la prévenue sera acquittée du chef de gestion fautive (art. 165 CP).

2.2.5. S'agissant de l'infraction de faux dans les titres, les faits sont établis, pour les motifs décrits supra sous chiffre 2.2.1., étant précisé que les factures transmises à H______ destinées à être intégrées dans la comptabilité de l'entreprise sont des titres.

En outre, la prévenue ne convainc pas, lorsqu'elle affirme qu'une des factures d'U______ SA a été confectionnée par un employé de la société précitée, dès lors qu'elle admet avoir préparé les autres factures et qu'aucun élément à la procédure ne permet de soutenir sa version des faits.

La prévenue a agi intentionnellement, dans le dessein de procurer à elle-même et/ou à sa famille un avantage illicite.

Elle sera ainsi reconnue coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), s'agissant des factures K______ SA, L______ SA, M______ SA, N______ SA, O______ SA, P______, Q______, R______, S______, T______, U______ SA et V______ SA.

S'agissant des factures de W______, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés précédemment sous chiffre 2.2.1., la prévenue sera acquittée de faux dans les titres.

En ce qui concerne les faits retenus au point 1.1.1.C. de l'acte d'accusation, le Tribunal considère qu'il n'est pas établi que la prévenue a imité la signature de C______ sur les deux contrats d'abonnements téléphoniques AL_____, ceux-ci ne pouvant, au demeurant, pas être considérés comme des titres. Elle sera donc acquittée de faux dans les titres en lien avec ces contrats.

3.1.1. Au sens de l'art. 147 al. 1 aCP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou l’aura dissimulé aussitôt après sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

3.1.2. D'un point de vue objectif, il est nécessaire qu'un ordinateur effectue un transfert d'actifs au bénéfice d'un tiers, semblable à un paiement en espèces, grâce à un crédit sur compte ou à un débit "inévitable" d'un compte, mais qui n'a pas eu lieu. Le transfert d'actif doit créer un dommage, tout comme dans le cas de l'escroquerie (ATF 129 IV 315, JdT 2005 I 9 consid. 2.1).

La loi vise l'utilisation non autorisée de données qui font croire que l'auteur, sans y être légitimé, effectue une manipulation en soi correcte des données et induit le processus normal de traitement de données. En particulier, celui qui utilise une carte de crédit ou de retrait volée, par exemple pour retirer de l'argent à l'automate, commet une utilisation indue des données (ATF 129 IV 315, JdT 2005 I 9 consid. 2.2.1; CR-CP II, n°11 et 12 ad art. 147).

Le fait de s'approprier une carte de crédit ou de débit et de l'utiliser ensuite frauduleusement réalise, en concours réel, les infractions de vol et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (Petit commentaire du code pénal, op. cit., n° 30 ad art. 147 et les références citées).

Il s'agit d'une infraction de nature intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. Il est nécessaire que l'auteur ait agi sans droit et qu'il ait su qu'il agissait sans droit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_61/2015 du 14 mars 2016 consid. 5.1). L'infraction requiert un dessein d'enrichissement illégitime, à savoir que l'auteur a pour but de tirer lui-même un profit de la chose, qui devrait normalement revenir au propriétaire ou au possesseur légitime (CR CP-II-Grodecki, n° 18 et 19 ad art. 147).

Lorsque le titulaire d'un compte remet à une tierce personne une carte bancaire avec son numéro d'identification personnel, et que celle-ci viole les instructions du titulaire du compte dans la mesure où elle prélève de l'argent à ses propres fins, il y a abus de confiance au sens de l'art. 138 CP et non utilisation frauduleuse d'un ordinateur. La situation est toutefois différente si la personne s'approprie la carte bancaire et l′utilise ensuite frauduleusement. Dans ces conditions, l'auteur commet, en concours réel, un vol au sens de l′art. 139 CP, portant sur la carte elle-même et une utilisation frauduleuse d′un ordinateur portant sur les valeurs obtenues (Dupuis et al., op. cit., n° 1 ss et 29-30 ad art. 147).

3.2. En l'espèce, s'agissant des faits retenus au point 1.1.2. de l'acte d'accusation, la prévenue a contesté, de manière constante, avoir rempli le formulaire de commande d'une carte bancaire sur le compte privé de son époux auprès de la banque I______. Plus spécifiquement, elle a démenti avoir rempli le formulaire "______" daté du 23 juillet 2010 et imité la signature de C______.

A ce sujet, il est permis de douter que ce formulaire ait permis à la prévenue de se faire livrer la carte bancaire AM_____ portant le n° 4______, dès lors que la durée de validité de telles cartes bancaires est limitée et que l'expiration intervient généralement deux et trois ans plus tard.

Il parait également surprenant que la prévenue ait attendu près de huit ans avant de s'en servir de manière indue. Le Tribunal retiendra donc que la prévenue, conformément à ses déclarations constantes, s'est emparée de la carte bancaire AM_____ n° 4______, alors que ladite carte se trouvait au domicile familial, dans le but de l'utiliser à l'insu de son époux. Cette version est compatible avec le principe d'accusation (art. 9 CP), vu que l'acte d'accusation mentionne que la prévenue a été en mesure de subtiliser une carte bancaire à son époux avant que ce dernier ne mette la main dessus.

Il est cependant établi et, au demeurant, admis par la prévenue, que cette dernière a utilisé cette ladite carte bancaire à plusieurs reprises, entre le 12 janvier 2018 et le 23 mai 2019, pour effectuer des retraits en espèces, sans que son époux ne le sache et ne s'en rende compte, soit sans que ce dernier ne lui en ait donné l'autorisation.

En se servant de ladite carte bancaire pour faire des paiements ou retirer des espèces, au moyen du code PIN qu'elle connaissait, la prévenue a causé un préjudice économique à son époux, s'agissant de l'argent appartenant à C______.

En ce qui concerne les montants préalablement crédités indûment sur le compte bancaire de son époux aux dépens d'A______ Sàrl, l'utilisation de la carte pour payer ou retirer des espèces au moyen desdits montants n'a pas créé de préjudice à C______.

Par ailleurs, le Tribunal considère que, pour ces faits également, l'argument de l'état de nécessité licite ou excusable tombe à faux.

Au vu de ce qui précède, la prévenue sera reconnue coupable d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur pour la période allant du 12 janvier 2018 à juin 2019. Elle sera toutefois acquittée de cette infraction pour la période précédente, allant de 2012 au 11 janvier 2018.

Peine

4.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1).

4.1.2. Selon l'art. 40 CP, la durée de la peine privative de liberté va de trois jours à 20 ans.

4.1.3. Conformément à l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Pour l'octroi du sursis, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 5 consid. 4.2.1; 128 IV 193 consid. 3a; 118 IV 97 consid. 2b).

4.1.6. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

4.1.7. Conformément à l'art. 49 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (al. 2).

Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2 et les références citées).

4.1.8. Conformément à l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure.

4.1.9. Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable de la procédure s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4). On ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3; 130 I 312 consid. 5.2).

L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes. La violation du principe de célérité peut avoir pour conséquence la diminution de la peine, parfois l'exemption de toute peine ou encore une ordonnance de classement en tant qu'ultima ratio dans les cas les plus extrêmes. D'une manière générale, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans toute procédure. Une diminution de la peine ne peut entrer en ligne de compte qu'en cas de lacune crasse et avérée dans le déroulement de la procédure. Le fait que certains actes auraient pu être effectués plus rapidement ne suffit pas pour que soit admise une telle violation. Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_189/2017 du 7 décembre 2017 consid. 5.3.1 et les références citées).

4.2. En l'occurrence, la faute de la prévenue est importante. Elle a agi au préjudice de son époux et d'A______ Sàrl, avec un modus operandi bien rôdé. Elle s'en est pris au patrimoine d'autrui pour des montants conséquents, ainsi qu'à la confiance placée dans les titres.

Son mobile est égoïste, mû par l'appât du gain rapide et facile.

La période pénale s'étend sur plusieurs années, soit plus de sept ans.

Sa situation personnelle, certes difficile, notamment au vu du contexte familial, ne peut expliquer ses agissements ni les justifier. La prévenue aurait pu et dû agir autrement.

Sa responsabilité est pleine et entière.

Sa collaboration est moyenne, même si elle a fini par admettre une partie des faits qui lui sont reprochés.

Sa prise de conscience n'est qu'au mieux ébauchée, la prévenue continuant à se déclarer victime dans la présente procédure.

Il y a concours d'infractions, ce qui constitue un facteur aggravant.

La prévenue a un antécédent spécifique récent au casier judiciaire suisse.

Il sera constaté une légère violation du principe de célérité, en raison des mois s'étant écoulés entre la notification de l'acte d'accusation et la tenue de l'audience de jugement.

Seule une peine privative de liberté est susceptible de sanctionner le comportement de la prévenue, laquelle ne sera pas mis au bénéfice de l'art. 48a CP en l'absence de facteur d'atténuation de la peine.

La peine de base, relative à l'infraction la plus grave, soit la gestion fautive, sera aggravée pour tenir compte des infractions de faux dans les titres et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur.

Les faits de la présente cause étant antérieures aux faits faisant l'objet du jugement du 8 décembre 2021 de la Chambre d'appel et de recours de la Cour de justice, il n'y a pas lieu de se prononcer sur une éventuelle révocation du sursis (art. 46 al. 1 CP).

Compte tenu de ce qui précède, la prévenue sera condamnée à une peine privative de liberté de 18 mois. Elle sera mise au bénéfice du sursis, dont les conditions d'octroi sont réalisées, et le délai d'épreuve sera fixé à trois ans.

Conclusions civiles

5.1.1. Selon l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale. Le même droit appartient aux proches de la victime dans la mesure où ceux-ci font valoir contre le prévenu des conclusions civiles propres (art. 122 al. 2 CPP).

En cas de faillite, cette société doit faire valoir ses droits, en lien avec l’action pénale, par l’intermédiaire de ses organes (ATF 145 IV 351 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1082/2014 du 4 mars 2015 consid. 1.5 et 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1), et, s’agissant de l’action civile, via la masse en faillite (ATF 145 IV 351 consid. 4.2 et 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1082/2014 du 4 mars 2015 consid. 1.5), laquelle succède ex lege au failli pour ce qui a trait aux biens de ce dernier (art. 197 et 204 LP), au sens de l’art. 121 al. 2 CPP (ATF 145 IV 351 consid. 4.2).

5.1.2. En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

5.1.3. A teneur de l'article 41 al. 1 CO, chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence.

5.1.4. Lorsque le lésé présente ses prétentions civiles dans le cadre de la procédure pénale, les dispositions du droit civil s'appliquent, en particulier les art. 8 CC et 42 al. 1 CO s'agissant de la preuve du dommage qui incombe au demandeur, la reconnaissance de la qualité de partie plaignante dans une procédure ne l'exonérant pas de son obligation d'apporter la preuve de son dommage (arrêt 6B_586/2011 du 7 février 2012 consid. 7.2.2.).

5.1.5. Lorsque l'indemnisation se fait sous la forme d'un capital, le demandeur a droit aux intérêts de celui-ci. Ces intérêts, dont le taux s'élève à 5% (art. 73 CO), courent en principe à partir du jour de l'évènement dommageable et ce, jusqu'au moment de la capitalisation. Il s'agit d'intérêts du dommage ou intérêts compensatoires, qui ont pour but de remettre le lésé dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne si la réparation du dommage avait eu lieu immédiatement (CR CP-I-Thévenoz/Werro, n. 19 ad art. 42 et n. 3 ad art. 104). En cas de dommage périodique, il se justifie, pour des raisons de praticabilité, d'admettre une échéance moyenne, dans la mesure où le montant du dommage reste constant, ou de fixer la date d'échéance sur la base du montant pondéré du dommage (ATF 131 III 12 consid. 9.5)

5.1.6. A teneur de l'art. 84 CO, le paiement d'une dette qui a pour objet une somme d'argent se fait en moyen de paiement ayant cours légal dans la monnaie due. Selon la jurisprudence relative à cette règle, le dispositif d'une décision par laquelle le juge reconnaît une prétention en argent ne peut être libellé que dans la monnaie effectivement due au créancier (ATF 134 III 151 consid. 2.4 et 2.5). Quant au créancier, il ne peut faire valoir sa prétention - contractuelle ou délictuelle - contractée en monnaie étrangère que dans cette monnaie, et le juge ne peut admettre la prétention que dans cette monnaie également (ATF 134 III 151 consid. 2.2 et 2.4; arrêt 4A_206/2010 du 15 décembre 2010 consid. 3.1 [publié à l'ATF 137 III 158] et 4.1.2 [rés. in SJ 2011 I 156]). L'art. 58 CPC s'oppose à ce que le juge alloue une prétention dans la monnaie étrangère effectivement due alors qu'il est saisi de conclusions libellées en francs suisses (arrêt 4A_391/2015 du 1er octobre 2015 consid. 3, in Praxis 2016 p. 115).

5.2.1. S'agissant de la réparation du dommage matériel sollicité par la masse en faillite A______ Sàrl, cette dernière a conclu à ce qu'E______ soit condamnée à lui verser CHF 222'013.93 (fausses factures), EUR 186'394.29 (fausses factures), CHF 30'941.10 (factures personnelles) ainsi que EUR 13'528.57 (factures personnelle) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2012, CHF 3'966.83 (factures téléphoniques AL_____) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2019, CHF 960'478.53 (correspondant aux créances admises à l'état de collocation d'A______ Sàrl) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2012.

Vu la condamnation de la prévenue pour gestion déloyale aggravée, il sera fait droit aux conclusions civiles de la masse en faillite d'A______ Sàrl à hauteur des montant mentionnés ci-après. S'agissant des intérêts, il sera admis une échéance moyenne, étant précisé que l'apparition du dommage survient lorsqu'un paiement est transféré indument:

-          CHF 210'680.90 (fausses factures au nom de K______ SA [CHF 75'018.58], L______ SA [CHF 54'087.30], N______ SA [CHF 2'095.-], O______ SA [CHF 62'587.05], U______ SA [CHF 11'123.-], V______ SA [CHF 5'770.-]) avec intérêts moyens à 5% l'an dès le 1er septembre 2015;

-          EUR 186'394.30 (fausses factures au nom de M______ SA [EUR 17'976.49], P______ [EUR 107'731.-], Q______ [EUR 27'616.80], R______ [EUR 10'750.-], S______ [EUR 7'800.-] et T______ [EUR 14'520.-]) avec intérêts moyens à 5% l'an dès le 1er septembre 2015;

-          CHF 30'941.10 (facture privées pour les amendes d'ordre [CHF 520.-], le remboursement de la caisse à outils [CHF 5'500.-], et les sociétés AB_____ [CHF 10'335.20], AC_____ [CHF 4'247.-], AD_____ [CHF 4'409.15], AE_____ [CHF 3'446.30], AF_____ SA [CHF 2'483.45]) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2017 (les factures ayant été payées entre 2016 et juin 2019);

-          EUR 1'046.54 (factures privées au nom des restaurants AJ_____ [EUR 484.-], AK_____ [EUR 187.-] et de la quincaillerie de AI_____ [EUR 375.54]) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2017 (les factures ayant été payées entre 2016 et juin 2019); et

-          CHF 3'966.83 (factures AL_____ pour un montant total de CHF 4'666.83, ce à quoi il convient de soustraite la somme de CHF 700.-, octroyée à titre de rabais) avec intérêts moyens à 5% l'an dès le 14 février 2019 (total de 20 factures payées entre octobre 2018 et juillet 2019).

La masse en faillite d'A______ Sàrl sera déboutée de ses conclusions civiles pour le surplus, la prévenue ayant été acquittée pour certaines factures, ainsi que du chef d'infraction de gestion fautive.

Il sera fait droit aux conclusions civiles de C______ pour un montant de CHF 2'669.- correspondant au dommage qu'il a effectivement subi, étant précisé que celui-ci a conclu au paiement de cette somme avec intérêts à 5% l'an dès le 23 mai 2019.

Créance compensatrice

6.1.1. Aux termes de l’art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d’une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l’auteur d’une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

6.1.2. La restitution au sens de l'art. 70 al. 1 in fine CP offre au lésé un droit à la restitution directe des valeurs patrimoniales, sans confiscation ni dévolution à l’Etat, et sans avoir à recourir au mécanisme d’allocation prévu par l'art. 73 CP. Cette mesure a la priorité sur une éventuelle confiscation et l'attribution au lésé en réparation du dommage subi (ATF 145 IV 237 consid. 3.2, JdT 2019 IV 317).

6.1.3. La confiscation suppose (i) la réalisation des conditions objectives et subjectives d’une infraction, (ii) des valeurs patrimoniales, (iii) un rapport de connexité entre les valeurs patrimoniales et l’infraction et (iv) l’absence de cause d’exclusion (Mauron, La valeur patrimoniale sujette à confiscation ou à restitution en procédure pénale, p. 1636 in Pratique juridique actuelle, 2018).

6.1.4. Lorsque l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales en résultant ne sont plus disponibles, parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées, le juge ordonne le remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 CP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_365/2012 consid. 3.2, SJ 2013 I 13). Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée: elle est alors soumise aux mêmes conditions que cette mesure. Le prononcé de la créance compensatrice n’exigera en revanche pas de lien de connexité entre les valeurs qui seront séquestrées à cette fin et l’infraction (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_67/2019 du 16 décembre 2020 consid. 6.2, SJ 2021 I 305).

6.1.5. A teneur de l'art. 71 al. 2 CP, le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s’il est à prévoir qu’elle ne serait pas recouvrable ou qu’elle entraverait sérieusement la réinsertion de la personne concernée.

Le juge doit procéder à une appréciation globale de la situation personnelle et financière de l’intéressé et respecter le principe de proportionnalité (ATF 122 IV 299 consid. 3b; SJ 2019 II 281, p. 296). Une réduction, voire une suppression de la créance compensatrice n'est cependant admissible que dans la mesure où l'on peut réellement penser que celle-ci mettrait concrètement en danger la situation sociale de l'intéressé sans que des facilités de paiement permettent d'y remédier (ATF 119 IV 17 consid. 2a/bb ; 106 IV 9 consid. 2). Par ailleurs, à l'instar du séquestre en couverture des frais, son étendue ne doit cependant pas violer manifestement le principe de proportionnalité, notamment sous l'angle du respect des conditions minimales d'existence (arrêt du Tribunal fédéral 1B_503/2020 du 18 décembre 2020 consid. 5.2 et les références citées).

6.2. En l'espèce, les valeurs patrimoniales dont s'est enrichie la prévenue ne sont plus disponibles. Dès lors, seule une créance compensatrice est envisageable.

La question du montant de l'enrichissement de la prévenue peut rester ouverte, dès lors qu'en vertu du principe de proportionnalité, aucune créance compensatrice ne sera prononcée, notamment en raison de l'âge de la prévenue et de sa situation financière précaire, étant au demeurant précisé qu'il est à prévoir qu'une telle créance ne serait pas recouvrable.

Il sera ainsi renoncé au prononcé d'une créance compensatrice à l'encontre de la prévenue.

Frais et indemnités

7.1.1. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b). L'al. 2 prévoit que la partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.

La partie plaignante obtient gain de cause au sens de l'art. 433 al. 1 CPP si les prétentions civiles sont admises et/ou lorsque le prévenu est condamné. Si, en sus de sa participation à la procédure pénale, la partie plaignante intervient aussi pour obtenir la réparation du dommage corporel, matériel ou moral que lui a causé l'infraction, il faut en principe que ses conclusions civiles soient admises, au moins partiellement. En cas d'adjudication partielle des conclusions de la partie plaignante, les dépens des parties peuvent être compensés ou mis proportionnellement à la charge de chacune d'entre elles, en principe en identifiant séparément chaque acte de procédure et son incidence sur les frais exposés des parties (Kuhn/Jeanneret, CR-CPP, Bâle 2011, n° 2 et 3 ad art. 433).

La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre ainsi les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat. En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense raisonnable du point de vue de la partie plaignante (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3).

7.1.2. Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3.). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv; RS/GE E 6 10), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêt de la Cour de justice AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7).

7.2. En l'occurrence, C______ a sollicité une indemnité à hauteur de CHF 29'567.29 pour l'activité déployée par son Conseil.

L'activité déployée étant motivée et justifiée, la prévenue sera condamnée à lui verser un montant total de CHF 32'242.76, en tenant compte de la durée de l'audience de jugement.

8.1.1. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. La répartition des frais de procédure repose sur le principe, selon lequel celui qui a causé les frais doit les supporter. Ainsi, le prévenu doit supporter les frais en cas de condamnation (art. 426 al. 1 CPP), car il a occasionné, par son comportement, l'ouverture et la mise en œuvre de l'enquête pénale (ATF 138 IV 248 consid. 4.4.1).

Si sa condamnation n'est que partielle, les frais ne doivent être mis à sa charge que de manière proportionnelle, en considération des frais liés à l'instruction des infractions pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé. Il s'agit de réduire les frais, sous peine de porter atteinte à la présomption d'innocence, si le point sur lequel le prévenu a été acquitté a donné lieu à des frais supplémentaires et si le prévenu n'a pas, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (cf. art. 426 al. 2 CPP). Il convient de répartir les frais en fonction des différents états de fait retenus, non selon les infractions visées. Comme il est difficile de déterminer avec exactitude les frais qui relèvent de chaque fait imputable ou non au condamné, une certaine marge d'appréciation doit être laissée au juge du fond (arrêt 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 29.2).

Vu l'issue de la procédure, la prévenue sera condamnée aux trois quarts des frais de la procédure, lesquels s'élèvent au total à CHF 1'735.-, dont un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

9. Le défenseur d'office de la prévenue recevra l'indemnité conformément à la motivation figurant en pied de jugement (art. 135 CPP).

10. Le conseil juridique gratuit de la masse en faillite d'A______ Sàrl sera indemnisé (art. 138 CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Acquitte E______ de gestion fautive (art. 165 CP), de gestion déloyale aggravée (158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), s'agissant des factures en lien avec W______, X______ SA, Y______ Sàrl, Z______, AG_____ C, AI_____ et AH_____, de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) en lien avec les factures W______ et les factures AL_____, ainsi que d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP) pour la période allant de 2012 à janvier 2018.

Déclare E______ coupable de gestion déloyale aggravée (158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP).

Condamne E______ à une peine privative de liberté de 18 mois (art. 40 CP).

Met E______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit E______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne E______ à payer à la Masse en faillite d'A______ Sàrl CHF 210'680.90, avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2015, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne E______ à payer à la Masse en faillite d'A______ Sàrl EUR 186'394.30, avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2015, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne E______ à payer à la Masse en faillite d'A______ Sàrl CHF 30'941.10, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2017, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne E______ à payer à la Masse en faillite d'A______ Sàrl EUR 1'046.54, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2017, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne E______ à payer à la Masse en faillite d'A______ Sàrl CHF 3'966.83, avec intérêts à 5% dès le 14 février 2019, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Rejette les conclusions en indemnisation de la Masse en faillite d'A______ Sàrl pour le surplus (art. 41 CO).

Condamne E______ à payer à C______ CHF 2'669.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 21 septembre 2018, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne E______ à verser à C______ CHF 32'242.76, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Fixera par ordonnance séparée l'indemnité de procédure due à Me F______, défenseur d'office de E______ (art. 135 CPP).

Fixera par ordonnance séparée l'indemnité de procédure due à Me B______, conseil juridique gratuit de A______ SARL (art. 138 CPP).

Condamne E______ aux 3/4 des frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF 1'735.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse pour le surplus les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office fédéral de la police, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Jessica GOLAY-DJAZIRI

Le Président

Raphaël GOBBI

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

1010.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

105.00

Frais postaux (convocation)

CHF

42.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

28.00

Total

CHF

1'735.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

==========

Total des frais

CHF

 

 

Notification à E______
Par voie postale

Notification à A______ SARL
Par voie postale

Notification à C______
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale