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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2640/2024

JTAPI/783/2024 du 20.08.2024 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2640/2024 MC

JTAPI/783/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 août 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Alexandre ALIMI, avocat

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1988, est originaire du Kosovo.

2.             Par jugement du 13 avril 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève a déclaré l'intéressé coupable, notamment, de vol (art 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) et de brigandage (art 140 ch. 1 al. 1 CP) et, simultanément, a ordonné son expulsion judiciaire de Suisse pour une durée de cinq ans en application de l'art. 66a CP.

3.             Le 18 juin 2023, M. A______ a été refoulé au Kosovo.

4.             Revenu en Suisse pendant la période d'interdiction, M. A______, en possession d'une carte d’identité kosovare valable, a été interpellé le 16 août 2024 par les services de police au magasin MANOR sis rue de Grenus 9, 1201 Genève, après avoir volé dans ledit commerce trois parfums pour un montant total de CHF 567.-.

5.             Entendu dans les locaux de la police, M. A______ a partiellement reconnu avoir commis un vol et admis être revenu en Suisse pendant la durée de l'interdiction précisant qu'après son départ le 18 juin 2023, il était revenu à Genève il y avait trois jours en tant que touriste pour voir sa famille et sa compagne. Il avait eu par le passé une autorisation de séjour de type B et passé toute sa jeunesse à Genève. Il était actuellement démuni d'adresse en Suisse et de moyens financiers, mais pouvait compter sur l'aide de certaines personnes pour se payer un billet de bus pour son voyage de retour.

6.             Prévenu d'infraction à l'art 139 al. 1 CP (vol) et à l'art 291 CP (rupture de ban), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

7.             Le 17 août 2024, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public de Genève pour les faits ayant conduit à son arrestation, puis il a été remis en mains des services de police.

8.             Un billet d'avion pour le Kosovo en faveur de Monsieur A______ a été réservé pour le 20 août 2024, à 17h55, au départ de Genève.

9.             Le 17 août 2024, à 18h45, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu’il ne s'opposait pas à son retour au Kosovo. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 18h20.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 18h51.

11.         A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 19 août 2024 à 17h00.

12.         Dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a présenté des observations. Il a conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention soit subsidiairement à la réduction de la durée de celui-ci à une semaine tout au plus. Les conditions de l’art. 75 al. 1 let. c LEI n’étaient pas remplies et la détention administrative en tout état disproportionnée, son client ayant immédiatement fait part de son intention de quitter la Suisse et indiqué être en mesure de financer son billet de bus retour.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 17 août 2024 à 18h20, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

4.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Le message du Conseil fédéral relatif à cette disposition précise : « Dans la pratique, il s’avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d’une détention du droit en matière d’étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C’est pour cette raison que l’alinéa 3 prévoit nouvellement que l’autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit. Cependant, il faut lui accorder le droit d’être entendue. Dans ce cas, l’examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier. S’il s’avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti » (FF 2002 3469, p. 3573).

Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

5.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisqu’une place à bord d'un vol au départ de Genève et à destination de Pristina a d'ores et déjà été réservée en faveur de M. A______ pour le mardi 20 août 2024.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.             À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement (art. 75 al. 1 let. c LEI).

9.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

10.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

11.         En l'occurrence, M. A______ fait l'objet d'une mesure d’expulsion de Suisse prononcée le 13 avril 2021 pour une durée de cinq ans, laquelle, exécutée le 18 juin 2023, est toujours en cours. A cela s'ajoute qu’il est revenu en Suisse pendant la période d’interdiction, ce pour quoi il a été condamné, démontrant, par ce comportement, son total mépris des ordres et décisions prises à son encontre. Pour ce motif et étant également relevé que depuis son retour en Suisse M. A______ a par ailleurs été interpellé et condamné pour vol, la détention administrative apparaît comme le seul moyen apte à permettre l'exécution effective de son renvoi. Sa détention administrative apparait ainsi fondée dans son principe.

L’assurance de son départ de Suisse répond enfin à un intérêt public certain.

12.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

13.         En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement procédé à la réservation d'une place sur un vol de ligne pour permettre le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine, lequel pourra avoir lieu le 20 août 2024 déjà.

14.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

15.         En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, qui respecte en soi l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée. Sa portée s'avère au demeurant très relative car si l'intéressé monte dans l'avion devant le reconduire dans son pays le 20 août prochain, sa détention prendra immédiatement fin. En revanche, si, pour une raison ou une autre (par exemple en cas d'annulation du vol), son renvoi ne pouvait avoir lieu à cette occasion, la police devrait pouvoir disposer du temps nécessaire pour l'organiser par un autre vol.

16.         Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 25 août 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

17.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 17 août 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 6 septembre 2024 ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 25 août 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier