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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1694/2024

ATA/876/2025 du 19.08.2025 sur JTAPI/130/2025 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.09.2025, 1C_553/2025
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);LOGEMENT;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;RÉNOVATION D'IMMEUBLE;TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION);BAIL À LOYER;REMISE EN L'ÉTAT;ACTION EN ENRICHISSEMENT ILLÉGITIME;FIXATION DE L'AMENDE;ERREUR DE DROIT(DROIT PÉNAL);POUVOIR D'APPRÉCIATION;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCI.1.al1.letb; LCI.3.al7; LDTR.1.al1; LDTR.1.al2.letb; LDTR.3.al1.letd; LDTR.3.al2; LDTR.3.al1.letd; LDTR.9.al1.lete; LDTR.9.al2; LDTR.9.al3; LDTR.44.al1; LCI.137; LPG.1.leta; CP.47.al1; CP.13; CP.21; Cst..5.al2; Cst.8
Résumé : Après rappel de la jurisprudence concernant la distinction entre des travaux d’entretien et de rénovation ainsi que des critères y relatifs, le département pouvait considérer à bon droit que les travaux effectués in casu constituaient des travaux de rénovation soumis à autorisation au sens de la LDTR. Aucun des arguments invoqués, ayant déjà été tranchés dans d’autres cas, ne permet de remettre en question la jurisprudence, correctement appliquée. Vu les circonstances du cas d’espèce, l’amende apparaît justifiée dans son principe et proportionnée dans sa quotité. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1694/2024-LDTR ATA/876/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2025

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC recourant

contre

A______ intimée
représentée par MOSER VERNET & CIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 février 2025 (JTAPI/130/2025)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la fondation), dont le siège est à Zurich, a pour but la gestion des avoirs de prévoyance des retraités des caisses de pensions qui lui sont affiliées.

Elle détient des immeubles dans toute la Suisse. Elle est en particulier propriétaire de la parcelle n° 139 de la commune de Genève, section B______, qui est sise en deuxième zone de construction et sur laquelle est érigé un immeuble d’habitation à l’adresse ______, avenue C______ (ci-après : le bâtiment).

b. Le 21 novembre 2023, le département du territoire (ci-après : le département), soit pour lui l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci‑après : OCLPF), lui a fait savoir qu’il avait été informé que des travaux de transformation intérieure avaient été réalisés dans l’un des appartements de quatre pièces sis au 4e étage du bâtiment. N’ayant trouvé aucune autorisation de construire concernant ces travaux (agencement de cuisine refait à neuf avec installation d’un nouvel équipement ; mise en conformité de l’installation électrique ; rénovation complète de la salle de bains et des WC ; réfection complète des peintures [murs et plafonds] y compris arrachage du papier peint ; ponçage et imprégnation des parquets), à la suite desquels il y aurait eu une majoration de loyer, cette situation était susceptible de constituer une infraction à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ainsi qu’à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Il l’invitait à lui transmettre ses observations concernant les travaux exécutés ces quinze dernières années et à démontrer l’évolution nominative et financière de l’état locatif.

c. Le 22 décembre 2023, la fondation lui a répondu que l’appartement avait été occupé pendant plus de 40 ans par la famille D______, période au cours de laquelle il avait été régulièrement entretenu ; que d’importants travaux avaient été effectués dans l’immeuble en 2014/2015 et que seuls des travaux de rafraîchissement avaient été faits dans l’appartement en mars 2020, lesquels n’étaient pas soumis à la LDTR.

Les nouveaux locataires depuis le 1er juin 2020 avaient déposé une requête en fixation rétroactive du loyer initial. Elle leur avait transmis les documents et preuves demandés, dont le détail des travaux effectués en 2014/2015.

d. Le 16 février 2024, l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC), auquel l’OCLPF a transmis le dossier pour raison de compétence, a ouvert une procédure d’infraction portant la référence I-1______ à l’encontre de la fondation. Les travaux réalisés étant susceptibles d’être assujettis à la LCI ainsi qu’à la LDTR, la fondation devait requérir une autorisation de construire pour régulariser la totalité des travaux entrepris sans autorisation dans l’appartement concerné. Un délai au 22 mars 2024 lui était imparti à cet effet en indiquant sur le formulaire de requête dans la description du projet « Demande de régularisation I-1______ ».

e. Le 20 mars 2024, déférant à l’injonction précitée, la fondation a déposé auprès du département une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée visant à régulariser les travaux réalisés en mars 2020 dans l’appartement.

Selon elle, lesdits travaux ne devaient pas faire l’objet d’une demande d’autorisation de construire, ni d’un contrôle de loyer. La précédente famille locataire avait vécu des décennies dans l’appartement. D’importants travaux de rénovation et d’amélioration de l’immeuble avaient été effectués en 2014/2015 pour plusieurs millions de CHF (autorisation de construire DD 2______/1), à la suite desquels le loyer avait pu être augmenté. Des travaux d’entretien pour CHF 34'902.- avaient été effectués après le départ en EMS de la dernière locataire fin février 2020. En raison de la pandémie de Covid-19, le nouveau bail, conclu à partir du 1er avril 2020, avait dû être reporté au 1er juin 2020. Le nouveau loyer avait été fixé en fonction de ceux du marché, selon la loi. En mars 2021, les nouveaux locataires avaient demandé une baisse de loyer en raison de l’impossibilité d’utiliser la cheminée, qui leur avait été accordée.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- les plans de l’appartement avant et après travaux ;

- les copies des contrats de bail de la famille D______ de 1981 et d’avril 2015 ;

- la copie du contrat de bail du 12 mars 2020 à partir du 1er avril 2020 conclu avec les nouveaux locataires et l’avenant y relatif du 23 avril 2020 pour un report du début du contrat de bail au 1er juin 2020 ;

- copie de la réduction de loyer accordée dès le 1er mars 2021 ;

- les factures de l’ensemble des travaux effectués en 2020.

f. Lors de l’instruction de cette demande, enregistrée sous la référence APA 331’663, les préavis usuels ont été requis et émis.

En particulier, le 15 avril 2024, l’OCLPF a préavisé favorablement sous conditions, à savoir que « Les dispositions de la LDTR seront respectées (art. 9 LDTR). Le loyer de l’appartement de quatre pièces (RGL) situé au 4e étage n’excédera pas après travaux son niveau actuel, soit CHF 15’075.- par an, soit CHF 3’769.- la pièce par an. Ce loyer sera appliqué pour une durée de trois ans avec effet rétroactif à dater de la remise en location après la fin des travaux (art. 10 al. 1 et 12 LDTR). Toute modification devra faire l’objet d’une demande complémentaire ». Ce préavis mentionnait de plus que cette autorisation régularisait l’infraction I-1______ concernant les travaux de rénovation exécutés sans autorisation.

Les autres instances consultées se sont toutes prononcées favorablement, avec ou sans réserve.

g. Par décision du 19 avril 2024, publiée le même jour dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), le département a délivré l’autorisation de construire sollicitée le 20 mars 2024.

Celle-ci indiquait que les conditions figurant notamment dans le préavis de l’OCLPF devaient être respectées et faisaient partie intégrante de ladite autorisation (ch. 7).

h. Par décision du 26 avril 2024, se référant à la seconde condition du préavis de l’OCLPF reprise au chiffre 7 de la décision précitée, le département a ordonné à la fondation de procéder, dans les 30 jours, aux mesures suivantes :

a. établir un nouveau contrat de bail et un nouvel avis de fixation du loyer initial (formule officielle) mentionnant le loyer de CHF 15’075.- /an ;

b. rembourser le trop-perçu de CHF 74’051.-, aux nouveaux locataires ayant occupé l’appartement durant la période de contrôle.

Les justificatifs de la mise en œuvre intégrale de cet ordre devaient lui parvenir dans le même délai. À défaut d’exécution et/ou sans nouvelles de sa part dans ledit délai, elle s’exposait à toute nouvelle mesure et/ou sanction justifiée par la situation.

Le département a également infligé à la fondation une amende administrative de CHF 16’200.- en précisant que ce montant tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l’infraction commise ; à ce titre, son statut de professionnelle de l’immobilier avait été pris en considération.

B. a. Par acte du 17 mai 2024, la fondation a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions des 19 et 26 avril 2024, en concluant à leur annulation. Préalablement, elle a sollicité la tenue d’un transport sur place et à ce qu’il soit ordonné au département d’indiquer en quelle année il avait infligé la première sanction LDTR portant le numéro 1, comment il numérotait ses décisions de sanction depuis lors et comment leurs numéros avaient pu passer de près de 8’100 à près de plus de 200’000 ces seize derniers mois.

L’appartement objet du litige était un quatre pièces de 97.70 m2, avec de hauts plafonds à 2,90 m décorés de moulures, de belles boiseries, une cheminée d’apparat en marbre avec un grand miroir ancien au salon. Il était constitué d’un grand hall d’entrée permettant d’accéder à une chambre, une cuisine, un WC séparé, une salle de bain, un grand réduit, un grand salon et une salle-à-manger. Une fois les travaux de 2014/2015 sur le bâtiment achevés, le loyer avait augmenté dès le 1er août 2015 pour représenter un loyer net LDTR de CHF 15’075.- par an, bien inférieur aux loyers du marché. Le loyer des nouveaux locataires, fixé en 2020 à CHF 38’400.-, représentait, avec les frais accessoires, un loyer net LDTR de CHF 40’452.- par an, soit CHF 3’371.- par mois, frais de chauffage et eau chaude en sus. Les nouveaux locataires n’avaient pas contesté ce loyer annuel initial, mais ils avaient saisi en juin 2023, par le biais de l’ASLOCA, la Commission de conciliation en matière de baux et loyers en soutenant qu’il serait nul car l’appartement aurait été entièrement refait avant leur entrée, sans autorisation de construire. Parallèlement à cette action civile, l’ASLOCA avait déposé une dénonciation auprès de l’OCLPF.

Le bâtiment avait été construit vers l’an 1900, à l’instar de l’immeuble contigu sis ______, avenue E______, également de sa propriété. En 2014/2015, elle avait investi CHF 5’610’569.- pour rénover ces deux bâtiments, après avoir obtenu l’autorisation de construire DD 2______. Ces importants travaux avaient globalement consisté en l’isolation thermique des toitures, la pose de vitrages isolants et de panneaux solaires, la réfection complète des façades, la rénovation des salles d’eaux et des cuisines de plusieurs appartements, les réfection et modernisation des espaces communs (ascenseurs, entrées, cages d’escalier, nouvelles portes, installations électriques, lustrerie, isolation sur les tuyauteries) et la réfection des aménagements extérieurs (murs d’enceinte, espace parking, isolation phonique). Dans certains appartements, dont celui en cause, la mise aux normes électriques, la remise en état de la distribution de chauffage, le remplacement de toutes les colonnes de chute avec isolation desdites colonnes, la pose de ventilations mécaniques dans les courettes, la rénovation complète tant des salles-de-bains et WC séparés (sols, murs, plafonds, appareils sanitaires, accessoires sanitaires, pose de radiateurs sèche-linge) que des cuisines (sols, murs, plafonds, nouvel agencement, équipement complet avec four, cuisinière, hotte, réfrigérateur, congélateur, lave-vaisselle, colonne lave‑linge/sèche-linge) avaient été effectués. À la suite de ces travaux, les loyers des bâtiments avaient été légèrement augmentés avec un blocage des loyers pendant cinq ans, mais ces hausses ne couvraient pas les coûts.

En mars 2020, après le départ de D______, des travaux de rafraîchissement avaient eu lieu, soit la peinture dans tout l’appartement, avec préalablement dans les pièces sèches arrachage du papier peint existant et pose de scandatex, la peinture dans les pièces humides ayant été rafraîchie puisque refaite la dernière fois en 2014/2015 (CHF 16’411.-), la réfection électrique des pièces sèches, l’encastrement de l’appareillage et le contrôle OIBT (CHF 6’706.-), la réparation, le ponçage et le vernissage du parquet existant dans les pièces sèches (CHF 5’000.-), la réinstallation des portes à double vantaux manquantes entre le salon et la salle à manger dont l’ouverture avait été condamnée (CHF 1’622.-), la modification de deux consoles de radiateurs et le remplacement d’une console de fixation de radiateur (CHF 1’602.-), le contrôles des sanitaires et de la plomberie (CHF 958.-), les contrôles et réglages des menuiseries (CHF 864.-), le contrôle des polluants avant travaux (CHF 767.-) et le nettoyage après travaux (CHF 972.-). Ces travaux d’un coût de CHF 34’902.-, soit CHF 8'725.50 par pièce, n’avaient pas amélioré l’appartement qui était resté identique.

Les règles relatives à la qualification de travaux d’entretien ou de rénovation, et donc à leur soumission ou non à autorisation, n’avaient jamais été communiquées aux administrés au cours de ces 30 dernières années. Le département n’avait en effet jamais émis de directives ni d’explications écrites à ce sujet, les jugements du TAPI rendus jusqu’en 2020 n’étaient pas publiés et seuls certains d’entre eux figuraient sur Internet depuis 2021, et les arrêts rendus en deuxième instance étaient « trop résumés pour être compréhensibles ». Ainsi, jusqu’à la sortie en avril 2014 de l’ouvrage intitulé « La LDTR, Démolition, transformation, rénovation, changement d’affectation et aliénation, Immeubles de logements et appartements », les gérants techniques des régies appliquaient la règle simplificatrice du coût des travaux de CHF 10’000.- par pièce, au-dessous duquel ils ne déposaient pas de demande d’autorisation. Dans un tel contexte et vu la teneur des travaux effectués en 2020, le service technique de son mandataire avait de bonne foi pensé qu’une autorisation de construire n’était pas nécessaire. Depuis la publication de l’ouvrage précité, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) n’avait rendu que des arrêts interprétant de manière de plus en plus large les travaux d’entretien, qui avaient été systématiquement qualifiés de rénovation. Le dernier arrêt dans lequel la chambre administrative avait considéré des travaux d’entretien comme non soumis à autorisation LDTR datait de 2008 ; auparavant, seuls cinq arrêts étaient allés dans ce sens. Depuis lors, tous les arrêts allaient dans le sens d’un durcissement de l’interprétation de la LDTR et le Tribunal fédéral, n’ayant qu’un pouvoir limité à l’arbitraire pour examiner l’application des lois cantonales, avait toujours confirmé ces arrêts « exagérés ». Le département lui‑même appliquait de manière excessive cette jurisprudence : il considérait tous les travaux d’entretien comme soumis à la LDTR, sauf ceux de très peu d’importance ainsi qu’il ressortait de sa directive administrative A2 du 1er mai 2021 intitulée « Annonce de travaux de très peu d’importance - minimisation du délai d’annonce ». L’augmentation des sanctions démontrait la volonté de soumettre tous les travaux actuels et passés à la LDTR, en violation de cette loi et des droits constitutionnels des propriétaires. À ce sujet, l’évolution des numéros des sanctions infligées laissant penser que celles-ci avaient littéralement explosé, le département devait expliquer en quelle année il avait infligé la décision de sanction numéro 1, comment il numérotait ses décisions depuis lors et comment leurs numéros avaient passé de près de 8’100 à plus de 200’000 en seize mois.

Appliquer les règles injustement excessives d’aujourd’hui à des travaux effectués il y avait des années violait les principes de légalité - le texte et l’esprit n’allant pas aussi loin quant à la définition de travaux d’entretien soumis à autorisation - et de proportionnalité puisque les sanctions infligées, soit l’obligation de rembourser le trop-perçu de loyer et l’amende, étaient excessivement lourdes financièrement. Il était primordial d’appliquer les règles raisonnables qui existaient à l’époque pour le passé et de continuer à les appliquer pour le présent et le futur. En l’espèce, ces règles laissaient conclure que les travaux effectués au printemps 2020 n’étaient pas soumis à autorisation LDTR, ne constituant que des travaux de rafraîchissement qui n’avaient pas amélioré l’appartement.

Ces travaux ne pouvaient pas être qualifiés de travaux de transformation au sens de l’art. 3 LDTR et devaient dès lors être considérés comme des travaux d’entretien non soumis à autorisation. En effet, ils ne concernaient essentiellement que les pièces sèches de l’appartement, celles humides ayant été intégralement rénovées en 2014/2015, et n’avaient apporté aucune amélioration à l’appartement. En outre, leur coût était non seulement largement inférieur à 10% de la valeur d’assurance de l’appartement, mais en plus inférieur à la règle de CHF 10’000.- par pièce. Enfin, la répercussion des travaux sur le loyer était inexistante dans la mesure où la hausse de loyer pour le bail des nouveaux locataires avait été motivée non par ces travaux, mais par la réadaptation aux loyers du quartier selon l’art. 269a let. a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220).

Même en retenant par impossible que les travaux effectués en 2020 seraient des travaux d’entretien soumis à autorisation, le loyer après travaux ne devrait pas être bloqué car une telle mesure était disproportionnée. Les travaux ne concernant que les pièces sèches de l’appartement, leur coût n’étant pas élevé, le loyer avant travaux étant déjà supérieur aux besoins prépondérants de la population, le loyer de CHF 15’075.- étant très bas depuis des décennies et ayant déjà été bloqué de 2015 à 2020, l’ajout de trois ans de contrôle serait excessif dans ces circonstances, violerait le droit constitutionnel de la propriété et permettrait en outre aux nouveaux locataires de contester leur loyer initial en contournant le droit de contestation de loyer initial de l’art. 270 CO. De plus, le loyer de la famille D______ avait été augmenté après travaux en conformité avec le droit civil, le nouveau loyer était conforme aux loyers du quartier et elle ne pouvait pas raisonnablement penser en 2020, vu l’absence d’information des casuistiques, qu’un blocage LDTR rétroactif serait appliqué. Enfin, les travaux avaient été dénoncés des années après leur exécution par l’ASLOCA.

En tout état, la décision d’établir un bail rétroactif avec une formule officielle rétroactive et de rembourser trois ans de trop perçu de loyers aux anciens locataires était une condamnation de nature civile qui ne figurait nulle part dans la LDTR. La chambre administrative avait interprété de façon trop extensive l’art. 129 let. e LCI en retenant que la « remise en état » couvrait aussi l’obligation de rembourser les loyers trop perçus. En pratique, cette mesure condamnait le propriétaire à payer après des années des sommes considérables au locataire alors que le loyer initial avait été fixé de bonne foi en parfaite application des règles de droit civil. Une telle mesure violait le principe de légalité et ses conséquences civiles pouvaient durer bien plus que trois ans puisqu’elle donnait l’opportunité au locataire de contester une nouvelle fois le loyer initial sur la base de l’art. 270 CO au niveau civil. Cela allait à l’encontre de la sécurité du droit et effritait la confiance d’un propriétaire envers l’État qui le sanctionnait alors qu’il n’avait fait que de se conformer à son obligation d’entretenir son immeuble. L’ASLOCA menait plusieurs procédures de dénonciations relatives à des travaux d’entretien effectués par des propriétaires il y avait des années et il convenait de trier le bon grain de l’ivraie dans ce domaine.

L’amende devait être annulée puisque les travaux effectués en 2020 n’étaient pas soumis à autorisation et que les nouveaux locataires n’avaient pas été lésés. Aucune faute n’avait de plus été commise. Elle n’avait en effet pas demandé d’autorisation pour effectuer les travaux pour les motifs susmentionnés et aucune négligence ne pouvait lui être reprochée en l’espèce. En toute hypothèse, le montant de l’amende était excessif. Le département, qui n’expliquait aucunement comment ce dernier avait été calculé, ne semblait pas avoir pris en compte les nombreuses circonstances atténuantes. Elle n’avait jamais eu de volonté délictuelle de ne pas respecter la LDTR et n’avait aucunement agi par cupidité, ayant fixé le loyer après travaux en application des règles du CO à un montant se situant dans les loyers du quartier. Il s’agissait de la première infraction retenue contre elle et non d’un cas où les travaux étaient à l’évidence soumis à autorisation. Enfin, l’amende querellée était bien supérieure aux amendes infligées pour des cas similaires au cours de ces dernières années (comme le démontraient à ses dires divers exemples qu’elle citait) et l’amende devrait ainsi, si elle n’était pas annulée, à tout le moins être nettement réduite.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

La jurisprudence avait retenu, dans un cas similaire, que des travaux ayant pour but la remise à neuf d’un appartement à l’occasion d’un changement de locataire par le rafraîchissement des peintures, la réfection de l’ensemble des installations sanitaires, l’installation d’un nouvel agencement de cuisine, le remplacement de carrelage et des faïences, l’installation d’un nouveau système électrique, le ponçage et la vitrification des parquets et la pose de vannes thermostatiques devaient être assimilés à des travaux de rénovation, constat confirmé par le coût des travaux, soit CHF 26’240,- pour un trois pièces, et de leur impact sur le loyer qui avait augmenté de 54% suite à ces derniers. Lorsqu’une hausse de loyer élevée intervenait à la suite de travaux, il était difficile pour le bailleur de prétendre n’avoir effectué que de simples travaux d’entretien courant. La jurisprudence avait par ailleurs retenu que le département pouvait requérir une demande d’autorisation de construire même si le montant des travaux s’élevait à un montant inférieur à CHF 10’000.- par pièce. Au vu de l’ampleur des travaux et la répercussion des travaux sur le loyer, qui avait augmenté de 268%, on ne pouvait pas considérer que les travaux effectués en mars étaient des travaux de simple entretien non soumis à autorisation.

Une mesure visant les loyers, notamment le remboursement du trop-perçu de loyer et l’établissement d’un nouveau bail conforme aux conditions de l’autorisation de construire accordée constituait, selon la jurisprudence constante, une forme de remise en état au sens de l’art. 129 let. e LCI. De plus, la répétition de l’indu prévue à l’art. 63 al. 1 CO, applicable par analogie, faisait partie des principes généraux du droit administratif, applicable sans base légale expresse. L’ordre de restituer les loyers perçus en trop ne violait donc pas le principe de la légalité selon le Tribunal fédéral. Ce dernier avait aussi considéré que puisque l’art. 12 LDTR instituait un contrôle des loyers après l’exécution des travaux de rénovation, l’obligation faite au propriétaire sous cet aspect incluait celle d’inscrire, dans le contrat de bail en cause, le montant du loyer fixé dans l’autorisation de renoncer pendant le contrôle et de rectifier un bail à loyer qui s’en écarterait. Ainsi, le blocage du loyer pouvait porter rétroactivement sur la période entre la fin des travaux exécutés illicitement et, en soi, l’entrée en force de l’autorisation de construire obtenue après coup, avec obligation de rembourser le trop-perçu au locataire. Cette obligation de restituer le loyer ne valait que pour la durée du contrôle étatique instaurée par la LDTR.

La recourante, active dans le domaine de l’immobilier, avait conscience que les travaux étaient susceptibles d’être soumis à autorisation de construire, ce d’autant plus qu’elle avait requis une autorisation de construire pour les travaux effectués en 2015. Dans le doute, elle était légitimée à se renseigner auprès de lui, ce qu’elle n’avait pas jugé utile de faire avant de réaliser les travaux. Elle l’avait ainsi mis devant le fait accompli et ce n’était qu’à la suite de l’ouverture d’une procédure d’infraction qu’elle avait tenté de régulariser les travaux. L’infraction commise était objectivement grave dans la mesure où les buts prescrits par la loi n’avaient pas été pris en considération alors que la politique mise en œuvre par la LDTR procédait d’un intérêt public important. Le montant de l’amende, largement inférieur au maximum légal, tenait compte du fait que la recourante avait réalisé un trop-perçu de loyer important, contrevenant ainsi directement à toutes les cautèles prévues par la loi pour veiller à la protection des locataires et agissant par cupidité. Bien que la procédure de régularisation de l’infraction ait permis de pallier les violations de la LCI par l’octroi de l’autorisation de construire manquante, la réciproque n’était pas vraie en ce qui concernait la LDTR et l’aspect relatif au loyer excessif facturé aux nouveaux locataires. Le fait que la recourante n’ait pas eu de récidives ne lui était d’aucun secours, l’absence d’antécédent étant une circonstance neutre dans la fixation du montant de l’amende. Elle ne démontrait pas que le paiement de l’amende la confronterait à une situation financière particulièrement difficile.

c. La fondation a répliqué en persistant dans ses conclusions.

Partant de la prémisse erronée que les travaux de mars 2020 seraient soumis à autorisation LDTR, le département citait plusieurs arrêts concernant des états de fait aucunement comparables à celui présent.

Elle n’était pas une « entreprise active dans le domaine de l’immobilier », mais une fondation de caisses de pension investissant dans l’immobilier pour assurer ses obligations en matière de LPP. À supposer qu’il y aurait eu infraction, celle-ci n’était pas grave, ce mot devant être utilisé uniquement pour les infractions vraiment graves (exemples : travaux entraînant des risques pour la sécurité, violant la protection du patrimoine, etc.).

Le département soutenait que le montant de l’amende serait largement inférieur au maximum légal, semblant se référer à celui de CHF 150’000.- qui ne s’appliquait toutefois que lorsque les travaux entrepris n’étaient pas conformes aux prescriptions légales. Lorsque celles-ci étaient respectées, comme en l’espèce, le montant maximum de l’amende était de CHF 20’000.-.

d. Le département a dupliqué en maintenant sa position.

Au moment de la numérisation des dossiers, la numérotation des infractions avait changé, sans continuité avec la numérotation préexistante, pour commencer à 200’000.

e. Par décision du 12 décembre 2024 (DITAI/620/ 2024), le TAPI a rejeté la demande d’appel en cause déposée le 13 novembre 2024 par les nouveaux locataires.

f. Le 22 janvier 2025, le TAPI a informé les parties de sa composition, celle prévue par l’art. 45 al. 3 let. c LDTR n’étant pas possible en raison de la récusation des juges assesseurs représentant les bailleurs dans la présente procédure.

g. Par jugement du 4 février 2025, le TAPI a admis le recours et annulé les décisions entreprises.

Les documents versés au dossier permettaient de visualiser l’appartement en cause et l’ampleur des travaux litigieux. Un transport sur place ayant pour objet les mêmes éléments, ne fournirait aucune information supplémentaire. Le département avait répondu à la recourante quant au changement de numérotation des dossiers d’infractions dû à la digitalisation de ceux-ci, sans continuité avec celle préexistante, pour commencer à 200'000.

Les travaux effectués en 2020 n’avaient porté que sur des pièces sèches -  à l’exception de la peinture qui avait été rafraîchie également dans les pièces humides -, l’appartement ayant déjà subi, cinq ans auparavant, une lourde rénovation. Après examen du détail de ceux-ci, il fallait retenir qu’ils n’avaient pas amélioré le confort de l’appartement, lequel était resté identique, et relevaient de par leur nature de l’entretien standard d’un logement. Ils ne constituaient pas non plus des travaux différés dans la mesure où le bâtiment abritant l’appartement avait été rénové totalement en 2014/2015, élément n’ayant pas été pris en considération par le département. La forte augmentation de loyer ne suffisait pas à soumettre ces travaux à autorisation, ceux-ci étant limités au simple entretien imposé par le droit civil fédéral. Rien ne permettait de retenir que l’augmentation importante du loyer était en lien avec ces travaux puisque la fondation affirmait, sans être contredite par le département, que cette augmentation résultait de sa volonté d’adapter le loyer de l’appartement à la situation sur le marché locatif dans la mesure où il avait été fixé au niveau LDTR après les travaux en 2014/2015. Les critères mis en avant au regard de la casuistique mentionnée, reprise par la doctrine spécialisée en matière de LDTR pour qualifier des travaux de rénovation ou de transformation, n’étaient pas remplis en l’espèce.

C. a. Par acte du 7 mars 2025, le département a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation.

Les faits tels que constatés par le TAPI n’étaient pas contestés.

L’argumentation du TAPI contrevenait aux art. 3 et 9 LDTR, ainsi qu’à la jurisprudence constante en la matière. Les travaux litigieux avaient été exécutés de manière regroupée à l’occasion d’un changement de locataire. La propriétaire n’avait pas été en mesure de démontrer que l’appartement avait fait l’objet d’un entretien régulier entre 1966 et 2019, période durant laquelle la famille D______ l’occupait. Les seuls travaux effectués durant cette période portaient sur la rénovation des façades, le remplacement des vitrages, l’aménagement des extérieurs, la réfection de la toiture et la rénovation des appartements de l’immeuble (cuisines et salles de bains). En outre, le loyer avait augmenté de 168%, passant d’un loyer annuel net de CHF 15'075.- à un loyer annuel net de CHF 40'452.-. En cohérence avec la jurisprudence en la matière, le TAPI ne pouvait pas considérer qu’une telle hausse de loyer n’était pas propre à engendrer un changement de niveau des loyers et que partant, la destination de l’appartement en avait été modifiée.

b. L’intimée a conclu au rejet du recours, en se référant à ses précédentes écritures, dont elle reprenait le contenu.

Contrairement aux allégations du recourant, le type de travaux effectués n’avaient jamais été considérés comme relevant de la transformation ou de la rénovation en soi, de par leur nature. Soutenir le contraire aurait pour conséquence que tous les travaux d’entretien seraient contrôlés, ce qui serait contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral voulant exclure le contrôle général des loyers. Les pièces versées au dossier démontraient que l’appartement avait fait l’objet d’un entretien régulier antérieurement aux travaux de rénovation lourde de 2014/2015. En réalité, le coût des travaux de 2020 n’avait jamais été répercuté sur le loyer. À suivre le recourant, tous les loyers devraient être contrôlés après les travaux d’entretien réguliers, ce qui reviendrait à instaurer un contrôle général des loyers interdit.

c. Le recourant ayant renoncé à dupliquer en persistant dans ses conclusions, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’autorité recourante se plaint d’une violation des art. 3 et 9 LDTR ; elle estime que les travaux effectués en 2020 dans l’appartement concerné étaient soumis à autorisation selon la LDTR.

À l’inverse, l’intimée estime que les travaux en question relèvent de l’entretien de l’appartement concerné. L’augmentation subséquente du loyer de celui-ci n’était pas en lien avec ceux-ci, mais avec la nécessité de l’adapter à l’évolution des loyers du quartier. Le coût des travaux effectués était de plus inférieur à la valeur d’assurance de l’appartement. Les travaux de rénovation ayant été exécutés en 2014/2015, y compris dans l’appartement concerné, conformément à la LDTR, il ne pouvait s’agir que de travaux d’entretien. L’appartement avait d’ailleurs été régulièrement maintenu dans un état conforme à sa destination.

2.1 Selon l’art. 1 al. 1 let. b LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation.

L’art. 3 al. 7 LCI prévoit que le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d’autorisation relatives à des travaux soumis à l’art. 1 LCI notamment s’ils portent sur la modification intérieure d’un bâtiment existant ou ne modifient pas l’aspect général de celui-ci (let. b).

2.2 La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à l’art. 2 LDTR (art. 1 al. 1 LDTR).

À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, elle prévoit notamment l’encouragement à des travaux d’entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d’habitation (art. 1 al. 2 let. b LDTR).

Plus spécifiquement, la LDTR vise plusieurs objectifs, notamment améliorer la protection des locataires (MGC 1997 64/X 10562), et conserver sur le marché certains types de logements qui répondent à un besoin en raison de leur prix et de leur conception (ATF 116 Ia 401 consid. 9c).

La réglementation qu'elle met en place est conforme au droit fédéral, à la garantie de la propriété et à la liberté économique, y compris dans la mesure où elle prévoit un contrôle des loyers après transformations (ATF 116 Ia 401 consid. 9c ; 111 Ia 401 consid. 9 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.1.3).

2.3 Selon l’art. 3 al. 1 let. d LDTR, par transformation, on entend notamment tous les travaux qui ont pour objet la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l'art. 3 al. 2 LDTR.

Selon cette dernière disposition, par travaux d’entretien, non assujettis à la LDTR, il faut entendre les travaux courants d’entretien faisant partie des frais d’exploitation ordinaires d’une maison d’habitation. Les travaux raisonnables d’entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu’ils n’engendrent pas une amélioration du confort existant.

Le législateur a précisé que les travaux courants d'entretien sont ceux qui sont déjà couverts par les loyers, ou devraient l’être, une partie du loyer étant précisément censée permettre la constitution d’une réserve pour travaux d’entretien (MGC 1999 9/II 1082).

C’est le département, et non l’administré, qui détermine dans chaque cas si des travaux relèvent de l’entretien ou de la transformation. Si des travaux de pur entretien ne nécessitent pas d’autorisation, il incombe toutefois au propriétaire, en cas de doute, de demander l’avis du département et d’effectuer les démarches nécessaires pour agir en conformité à la loi (ATA/694/2016 du 23 août 2016 consid. 7 ; Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation : immeubles de logement et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, p. 186).

2.4 Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation. L'autorisation est accordée notamment pour les travaux de rénovation au sens de l'art. 3 al. 1 let. d LDTR (art. 9 al. 1 let. e LDTR).

Le département accorde l’autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 LDTR). Il s'agit d'hypothèses alternatives (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op.cit., p. 133).

Par besoins prépondérants de la population, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population (art. 9 al. 3 LDTR). Selon l’arrêté relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population du 24 août 2011, en vigueur jusqu’au 14 janvier 2022 (aArLoyers - L 5 20.05), les loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population, fondés sur le revenu brut médian des contribuables personnes physiques 2007, étaient compris entre CHF 2'536.- et CHF 3'405.- la pièce par année. À partir du 14 janvier 2022, ces loyers ont été portés à une fourchette allant de CHF 2'627.- à CHF 3'528.- la pièce par année.

Un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux besoins prépondérants de la population notamment lorsqu'il entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l'art. 25 LDTR. Selon l'arrêté déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (ArAppart - L 5 20.03) applicable au moment des faits, comme selon celui actuellement en vigueur, il y a pénurie dans toutes les catégories d'appartements d'une à sept pièces inclusivement.

2.4.1 Pour opérer la distinction entre travaux d’entretien et travaux de transformation, le raisonnement, admis de manière constante par la chambre administrative, se décline en deux temps. Premièrement, il faut examiner, si, de par leur nature, les travaux en cause relèvent de l’entretien ou, au contraire, consistent en des travaux de rénovation, la jurisprudence de la chambre administrative précisant, sur ce point, que des travaux d’entretien sont susceptibles d’aboutir à une rénovation ou à une transformation soumise à la LDTR lorsque, n’ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l’existence de l’immeuble, ou encore parce qu’ils n’ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation, même en tenant compte d’une exécution rationnelle commandant un regroupement, leur confère une incidence propre à engendrer un changement de standing de l’immeuble (travaux différés). Secondement, il convient de s’attacher à l’ampleur et, partant, au coût desdits travaux et à leur répercussion sur le montant du loyer, dès lors qu’il pourrait en résulter un changement d’affectation qualitatif des logements (ATA/651/2022 du 23 juin 2022 consid. 7b ; ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 6).

2.4.2 Il ressort des travaux législatifs ayant précédé la modification de l’art. 3 al. 1 let. d et al. 2 LDTR adoptée en 1999 que le Grand Conseil désirait, pour tracer une limite précise entre travaux soumis et non soumis à la loi, que soient pris en compte le coût de ces derniers et leur incidence sur les loyers, comme prévu par la jurisprudence (MGC 1999 9/11 1076). Lors du deuxième débat, de nombreux amendements ont été soumis au Grand Conseil, notamment celui de préciser, à l’art. 3 al. 1 let. d LDTR, que devaient être considérés comme travaux de rénovation ceux dont le coût total engendrait une augmentation de loyer de plus de 20% (MGC 1999 9/1 1211). Cet amendement a été rejeté par 48 non contre 46 oui (MGC 1999 10/11 1212 ; ATA/382/2008 du 29 juillet 2008 consid. 2c).

2.4.3 Lorsque le coût des travaux n'est pas susceptible d'entraîner à lui seul une soumission des travaux à la LDTR, c'est la combinaison de ce montant et de son impact sur les loyers qui est jugée déterminante (ATA/651/2022 précité consid. 7b et l'arrêt cité).

La distinction entre travaux d'entretien et travaux de transformation peut être délicate à opérer. Le critère de l'accroissement du confort existant est déterminant pour distinguer des travaux de transformation des travaux d'entretien, la LDTR ne devant pas instituer un contrôle général des loyers. Il est toutefois possible de s'en écarter lorsque l'importance des travaux justifie d'assimiler les travaux de rénovation à des travaux de transformation. Selon la jurisprudence, l'exécution de travaux de remise en état auxquels le bailleur est tenu en vertu du CO ne procure en général pas un confort supplémentaire au locataire par rapport à ce qui est convenu dans le contrat de bail. Il s'agit, au contraire, de la suppression de défauts graves ou de moyenne importance, soit ceux qui empêchent ou restreignent l'usage prévu. À l'inverse, la plupart des gros travaux de rénovation, comme le présume le législateur fédéral, comprennent une part d'accroissement du confort (art. 14 al. 1 de l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitation et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 - OBLF - RS 221.213.11 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 du 6 avril 2016 consid. 3.2). Seules les remises en état qui vont au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer le maintien de la chose louée en l'état tombent sous le coup de l'art. 3 al. 1 let. d LDTR. Il n'est pas arbitraire de tenir compte à cet égard des circonstances dans lesquelles les travaux sont accomplis et notamment de leur accumulation en raison d'un défaut d'entretien courant des bâtiments concernés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 4.1.2 et les références citées).

Des travaux isolés, effectués longtemps auparavant, ne démontrent pas la régularité de l'entretien (ATA/651/2022 précité consid. 8a et les références citées).

Le fait de soumettre des travaux à autorisation au sens de la LDTR n'entrave pas la bonne application du droit fédéral, lorsque ceux‑ci vont au-delà des travaux d'entretien courant imposés par le CO (arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 précité consid. 3.2).

2.4.4 Il a ainsi été considéré que les travaux effectués dans les cas suivants devaient être soumis à autorisation au sens de la LDTR :

- l'installation de nouveaux sanitaires, l'agencement d'une cuisine, la mise en conformité de l'installation électrique, la pose de nouveaux revêtements de sols et de parois ainsi que des travaux de peinture et de serrurerie relèvent en principe de l'entretien au regard de leur nature (ATA/40/2010 du 26 janvier 2010 et les références citées). C'est lorsqu'ils sont effectués séparément, et selon les circonstances, que chacun de ces travaux peuvent être qualifiés de travaux d'entretien. Cela ne signifie pas pour autant qu'une rénovation comprenant l'ensemble des travaux devra nécessairement elle aussi être considérée comme étant limitée à des travaux d'entretien (arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 du 6 avril 2016 consid. 4.3 ; ATA/651/2022 précité consid. 8a et l'arrêt cité) ;

- ceux ayant pour but de remettre entièrement à neuf un appartement à l'occasion d'un changement de locataire, par la réfection complète des murs, des plafonds, des parquets dans toutes les pièces et des agencements de cuisine, pour un coût de CHF 8'570.- la pièce, étant précisé qu'en l'occurrence, le loyer avant travaux dépassait déjà le montant maximal du loyer correspondant aux besoins prépondérants de la population (ATA/334/2014 du 13 mai 2014, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014) ;

- des travaux ayant pour but la remise à neuf d'un appartement à l'occasion d'un changement de locataire par le rafraîchissement des peintures (plafonds, murs, boiseries et radiateurs de toutes les pièces), la réfection de l'ensemble des installations sanitaires (remplacement de la baignoire, du mélangeur de lavabo, de l'évier, de la robinetterie et des divers accessoires), l'installation d'un nouvel agencement de cuisine, le remplacement du carrelage et des faïences, l'installation d'un nouveau système électrique, le ponçage et la vitrification différés des parquets et la pose de vannes thermostatiques, pour un coût de CHF 26'240.- pour un appartement de trois pièces et une augmentation de loyer de 54% à la suite de ces derniers, ajoutés à un défaut d'entretien régulier de l'appartement (ATA/440/2015 du 12 mai 2015 consid. 10) ;

- des travaux – exécutés pour un montant de CHF 11'407.- par pièce dans un logement ne correspondant, avant travaux, pas aux besoins prépondérants de la population – comprenant la réfection complète des peintures, papiers peints et parquets, avec la pose de radiateurs, l'installation d'un agencement de cuisine et de nouveaux sanitaires et la mise en conformité des installations électriques, devaient faire l'objet d'une autorisation (ATA/645/2012 du 25 septembre 2012 consid. 11) ;

- des travaux comprenant la réfection complète des sols, des murs et des plafonds, le ponçage et la vitrification des parquets, la réfection des agencements de cuisine et de salle de bains, de la douche et du WC devaient faire l’objet d’une autorisation au sens de la LDTR (ATA/328/2013 du 28 mai 2013 confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2013 du 13 février 2014) ;

- des travaux de CHF 34'254.- dans un appartement de cinq pièces de 90 m2, soit CHF 6'850.- par pièce, ayant porté sur le réagencement de la cuisine, le remplacement de l’équipement électroménager, l’installation d’une nouvelle hotte, la réfection du câblage électrique de la cuisine et du salon, la démolition du pan de la cloison séparant la cuisine du salon, la pose d’un carrelage et de faïence à la cuisine et à la salle de bains, le remplacement d’un lavabo, le remplacement du mélangeur et de la batterie de bain, la coupure, la vidange et la dépose des installations sanitaires en attendant la réfection du carrelage de la salle de bains, la réfection du tube de douche, le rafraîchissement de la peinture et le ponçage et l’imprégnation du parquet, avec une augmentation de loyer de 77.95%, le faisant changer de catégorie d’appartements locatifs (ATA/422/2020 du 30 avril 2020) ;

- des travaux ayant consisté dans la pose de carrelage dans les WC et la salle de bains, d’une coque acrylique sur la baignoire et de peinture sur les murs et plafonds de toutes les pièces, dans un appartement de quatre pièces, d’un coût global de CHF 27'340.95, soit CHF 6'835.25 la pièce, avec une augmentation de loyer de 60%, loyer plus élevé que la moyenne des loyers dans un immeuble semblable, selon les statistiques genevoises. Dite augmentation ne pouvait ainsi se justifier par la seule référence aux loyers du quartier, ni par le fait qu’il avait été inchangé depuis quatorze ans, ou encore qu’il était, préalablement aux travaux, supérieur au loyer correspondant aux besoins prépondérants de la population (ATA/263/2021 du 2 mars 2021, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_195/2021 précité) ;

- des travaux d’un coût total de CHF 39'275.- (peinture dans l’entier de l’appartement, ponçage et vitrification du parquet, remise en état d’éléments électriques, réglage de portes, armoires et fenêtres, remplacement à l’identique de carrelage et des faïences, de la batterie du lavabo, du porte‑savon, du porte-verre et du siège des WC visiteurs) dans un appartement de quatre pièces, occupé par le même locataire pendant quatorze ans, ayant fait l’objet de travaux d’entretien pendant cette durée pour un montant de CHF 1'228.-, avec une augmentation de loyer de 56% au départ du locataire, était soumis à autorisation s’agissant de travaux d’entretien différé. Le loyer/pièce passait de CHF 4'983.- avant travaux à CHF 7'800.- après travaux (augmentation de 56%), ces derniers représentant CHF 9'818.-/pièce (ATA/870/2023 du 22 août 2023 confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2023 du 11 octobre 2024) ;

- des travaux ayant eu pour objet la remise à neuf de la cuisine et de la salle de bains, le rafraichissement des murs, plafonds et boiseries ainsi que la mise à jour du système électrique dans toutes les pièces, pour un coût total de CHF 40'000.- soit environ CHF 8'000.- par pièce, effectués de manière groupée, durant trois mois, à l’occasion d’un changement de locataire, pour la première fois depuis 27 ans, procurait à l’appartement en question un confort supplémentaire (ATA/958/2024 du 20 août 2024 consid. 3.5, un recours est actuellement pendant auprès du Tribunal fédéral sous la cause n° 1C_578/2024) ;

- des travaux dans un appartement de 2.5 pièces consistant à remplacer l’alimentation en eau et des canalisations des eaux usées de la salle de bains, des toilettes et de la cuisine, à remplacer les pavements et les carrelages ainsi que des meubles et de l’électroménager de la cuisine, pour un coût total de CHF 63'500.-, soit CHF 25'400.- par pièce, n’ayant pas été accomplis durant les décennies précédentes et ayant amélioré le confort, avec une augmentation de loyer de 180% après ceux-ci (ATA/8/2025 du 7 janvier 2025 consid. 3.8).

2.5 En revanche, la chambre de céans a considéré que n'étaient pas soumis à la LDTR des travaux d'entretien différés ou non dans le temps, dont le coût par pièce était inférieur à CHF 10'000.- (ATA/642/2013 du 1er octobre 2013 ; ATA/40/2010 du 26 janvier 2010; Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 193 ss.). Elle a toutefois précisé qu'il ne lui appartenait pas de dicter au département de ne pas requérir de demande d'autorisation de construire pour des travaux de moins de CHF 10'000.- par pièce (ATA/694/2016 précité consid. 6d ; ATA/574/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/334/2014 précité consid. 14).

Le département peut ainsi recourir au critère du coût par pièce des travaux, mais doit le relativiser. En réalité, pour déterminer la qualification de travaux entrepris dans des logements situés dans des bâtiments visés à l'art. 2 LDTR et, partant, la nécessité de demander une autorisation, il convient de prendre en compte la situation dans son ensemble et d'appliquer à celle-ci les différents critères précités, à savoir la nature des travaux, leur ampleur dans leur ensemble, le moment auquel ils interviennent, leur répercussion sur le loyer précédent ou futur et sa conformité aux besoins prépondérants de la population, sans que les travaux entrepris conduisent à un changement d'affectation qualitatif du logement, ainsi que leur rapport avec la valeur de l'immeuble de manière proportionnelle, tout en évaluant dans quelle mesure les travaux effectués permettent raisonnablement et de manière ordinaire de conserver la chose en bon état (ATA/651/2022 précité consid. 8f ; ATA/694/2016 précité consid. 6d).

2.6 Le rapport entre le coût des travaux entrepris et le montant de la valeur de l'assurance de l'immeuble n'est pas décisif à lui seul pour décider de l'assujettissement des travaux à la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2013 du 13 février 2014 consid. 2.7 ; ATA/646/2010 du 21 septembre 2010 consid. 8 et les arrêts cités ; MGC 1999 9/II 1082).

2.7 Le droit du bail est en principe un domaine exclu de la compétence des juridictions administratives (ATA/1334/2023 du 12 décembre 2023 consid. 7.1.3 ; ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 6.3). Échappent en particulier à leur compétence les comparaisons établies dans le cadre de procédures de recours avec les loyers d’autres logements similaires dans un quartier (ATA/958/2024 précité consid. 3.5 ; ATA/1334/2023 précité consid. 7.1.3). Le fait que le loyer en lui-même s’inscrit dans les limites de ceux usuellement pratiqués dans le quartier n’est pas pertinent dans l’examen du dossier sous l’angle de la LDTR (ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 8 ; ATA/372/2007 du 31 juillet consid. 6). La prétendue absence de lien entre les travaux et l’augmentation du loyer ne saurait en tout cas exonérer le juge administratif de la prise de compte de la hausse dans l’application de la LDTR (ATA/8/2025 du 7 janvier 2025 consid. 3.8).

2.8 En l’espèce, la problématique porte sur la question de savoir si les travaux effectués par l’intimée dans l’appartement concerné en 2020 revêtent ou non un caractère différé.

Conformément à la jurisprudence susrappelée, il convient, en premier lieu, d’examiner si les travaux en question peuvent constituer, de par leur nature, des travaux de transformation ou de rénovation, avant d’examiner, en second lieu, les répercussions de leur ampleur et de leur coût sur le loyer de l’appartement.

2.8.1 Il ressort du formulaire de demande de régularisation de travaux de rénovation et/ou transformation remis par l’intimée que les travaux exécutés ont consisté, dans les pièces sèches, en l’arrachage du papier peint existant, la pose de Scandatex et la peinture, le ponçage, la réparation et l’imprégnation du parquet existant, la pose d’une porte de communication à deux vantaux supprimée par l’ancienne locataire, la modification de deux consoles de fixation et le remplacement d’une console de fixation de radiateurs, et, dans les pièces humides, dans le rafraîchissement des peintures, au contrôle sanitaire, à la pose d’accessoires manquants et au tringlage de l’écoulement. Il s’est également agi, en général, de contrôler les armoires et les portes, de la mise en conformité électrique, de l’encastrement de l’appareillage et du contrôle OIBT (lors duquel un disjoncteur défectueux a dû être remplacé) et du contrôle des polluants (plomb). Selon les documents produits par l’intimée, la pose d’accessoires manquant dans les salles humides vise, en réalité, la mise en place d’un nouvel agencement de cuisine ainsi que le remplacement d’un porte-verre, d’un porte-savon et d’un porte-balai dans la salle de bains. Seules les pièces humides, complètement rénovées en 2014/2015, avaient fait l’objet en 2020 d’un rafraîchissement de peintures.

Associées à la nature des travaux effectués, les photographies de l’appartement illustrent l’absence d’entretien régulier de l’objet avec notamment de la tapisserie et des murs défraîchis et une installation électrique apparente obsolète. Ces éléments sont corroborés par le relevé des travaux d’entretien de l’appartement remis par l’intimée, indiquant que seuls divers petits travaux de remplacement d’objets défectueux ou obsolètes ont été effectués depuis 1990 dans l’appartement, alors que les travaux les plus importants ont bel et bien été faits en 2020. Avant cela, la dernière réfection de peintures était celle de la salle de bains en 2010, tandis que la locataire avait elle-même refait les peintures du vestibule en 2005.

Les éléments qui précèdent expliquent que, bien que d’importants travaux de rénovation aient été effectués en 2014/2015, il n’en demeure pas moins qu’environ cinq ans plus tard, l’intimée a estimé nécessaire d’en effectuer de nouveaux. En effet, les éléments versés au dossier démontrent que les travaux effectués en 2020 visaient à terminer ceux effectués en 2014/2015 dans l’appartement, notamment quant à la mise en conformité électrique. Alors que les travaux de rénovation de 2014/2015 avaient consisté en la rénovation des façades, la pose de doubles vitrages, des aménagements extérieurs, des travaux de toiture ainsi que la rénovation de plusieurs appartements (réfection complète des cuisines et sanitaires, mise aux normes des installations électriques, pose de sèche-linge chauffant dans les salles de bains, remise en état de la distribution du chauffage, pose dans les courettes de ventilations mécaniques pour les salles d’eau, réfection des murs et sols), ceux de 2020 visaient à procéder à la mise en conformité de l’installation électrique dans les pièces sèches (gainage de murs pour encastrement des tubes et des prises), afin de terminer ce travail déjà entamé dans les pièces humides (salle de bains, toilettes et cuisine) refaites à neuf en 2014/2015, de même qu’à refaire à neuf les pièces sèches (peinture, parquet, consoles de radiateurs, porte à deux-vantaux), non refaites lors des travaux de 2014/2015.

Il s’ensuit que, vu leur regroupement, les travaux effectués en 2020 constituent un entretien différé. La question de savoir s’ils ont porté sur l’ensemble des pièces est une des circonstances entrant dans l’appréciation globale de la situation, pour déterminer la nature précise des travaux effectués. Il apparaît qu’ils ont, à tout le moins, eu pour but de terminer la rénovation de l’appartement entamée par les pièces humides en 2014/2015, avec celle des pièces sèches en 2020.

Le fait que des travaux ne puissent pas être qualifiés de remise à neuf complète de l’appartement ne suffit pas pour les considérer comme de simple travaux d’entretien au sens de l’art. 3 al. 2 LDTR.

Contrairement aux allégations de la recourante et à ce qu’a retenu le TAPI, le recourant l’a invitée à lui transmettre ses observations sur les travaux effectués ces quinze dernières années et a ainsi pu prendre connaissance de la totalité des travaux effectués en 2014/2015. Il en avait dès lors tenu compte dans le cadre de l’examen du dossier de l’intimée.

2.8.2 Le coût total des travaux s’est élevé à CHF 34'902.- pour un appartement de quatre pièces, ce qui correspond à un montant d’environ CHF 8'725.- la pièce. Le loyer de l’appartement avait déjà pu être augmenté dès le 1er août 2015 à la suite des travaux de rénovation effectués en 2014/2015. Bien qu’il eût alors été fixé à CHF 15'075.- par an, l’intimée l’a augmenté à CHF 38'400.- à partir du 1er juin 2020, lors de la reprise de l’appartement par les nouveaux locataires, soit une augmentation de loyer de 154%.

Ajoutée aux considérations qui précèdent, il ne peut être retenu que les travaux en question n’ont eu aucune incidence sur ladite augmentation de loyer, ce d’autant moins que l’intimée se prévaut elle-même de son besoin de l’augmenter afin de couvrir et amortir les dépenses occasionnées par ceux-ci, de même que ceux exécutés en 2020.

Même s’il fallait considérer que les coûts de travaux étaient inférieurs à la valeur d’assurance, ce motif ne suffirait pas à lui seul, selon la jurisprudence précitée, à admettre que les travaux litigieux auraient consisté en de l’entretien non soumis à autorisation, vu notamment leur ampleur et leur répercussion sur le loyer. Au demeurant, il ressort des travaux préparatoires qu’il n’est pas nécessaire de rapporter le coût global des travaux entrepris à la valeur d’assurance de l’immeuble pour déterminer si lesdits travaux sont ou non soumis à la loi.

L’argument selon lequel le loyer après travaux avait été fixé en fonction des loyers du quartier, et non en fonction des travaux effectués, n’est pas de nature à remettre en cause l’analyse qui a été effectuée précédemment. En effet, tel que rappelé à plusieurs reprises, les comparaisons établies dans le cadre de procédures de recours avec les loyers d’autres logements similaires dans un quartier échappent à la compétence de la chambre de céans, dans la mesure où elles ressortissent au droit du bail.

2.8.3 Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le département a estimé que les travaux entrepris par l’intimée dans l’appartement en 2020 devaient faire l’objet d’une autorisation au sens de la LDTR, en tant qu’ils ne pouvaient être considérés comme de simples travaux d’entretien.

3.             Dans le cadre de son recours contre les décisions querellées par-devant le TAPI et ses écritures responsives par-devant la chambre de céans, l’intimée a formulé divers griefs identiques à ceux traités dans l’arrêt ATA/1334/2023 du 12 décembre 2023, cas dans lequel les intimés étaient alors représentés par la même mandataire que celle de l’intimée in casu.

Tous invoquaient les arguments suivants :

- absence d'information sur la notion de travaux d'entretien soumis à autorisation, faute pour le département d’avoir émis une directive fixant des règles « claires » sur la soumission ou non de travaux d'entretien à autorisation de construire ;

- une jurisprudence cantonale en matière de LDTR trop abondante et peu claire ;

- la nécessité pour les gérants techniques des régies d’appliquer la règle simplificatrice selon laquelle ils étaient dispensés de déposer une demande d'autorisation si les travaux coûtaient moins de CHF 10'000.- par pièce ;

- un durcissement « incompréhensible » des règles d'interprétation des travaux d'entretien depuis 2014, la pratique du département consistant à soumettre quasi systématiquement des travaux d'entretien à autorisation, ce qui contreviendrait à la jurisprudence applicable ;

- une application rétroactive des règles « injustement excessives » en 2024 à des travaux exécutés en 2020, en violation des principes de la légalité et de la proportionnalité ;

- une interprétation extensive de l’art. 129 let. e LCI pour imposer l’ordre d’établir une formule officielle fixant le loyer et le remboursement des loyers perçus en trop, contraire au principe de la légalité.

3.1 Examinant les griefs susmentionnés dans l’arrêt ATA/1334/2023 précité (confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_71/2024 du 11 octobre 2024) en se fondant sur son arrêt ATA/870/2023 précité (confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2023 précité), la chambre de céans a notamment retenu que, contrairement à un renseignement erroné de l'administration, l'absence d'information n'est pas protégée par le principe de la bonne foi. Les intimés ne pouvaient dès lors tirer aucune conséquence juridique d'une prétendue absence d'informations sur la notion de travaux d'entretien soumis à autorisation. En outre, la LDTR et le RDTR, à l'instar de toute la législation genevoise, étaient publiés sur internet et librement accessibles. Le département n'avait aucune obligation d'édicter des directives, étant précisé que ces dernières, le cas échéant, ne le liaient pas. Les critères permettant à l'administré de savoir s'il doit ou non déposer une demande d'autorisation en vue de l'exécution de travaux avaient été fixés et rappelés dans l'abondante jurisprudence cantonale développée par la chambre de céans, l'ancien Tribunal administratif et le Tribunal fédéral. Celle-ci était accessible sur le site du Pouvoir judiciaire, sur lequel l'administré pouvait consulter des arrêts traitant des problématiques de la LDTR remontant jusqu'à 1989. Dès lors, l'administré disposait, lorsqu'il voulait entreprendre des travaux, de toutes les informations nécessaires pour agir conformément à la loi.

Par ailleurs, il ne ressortait pas de la jurisprudence de la chambre de céans, ni de celle de l'ancien Tribunal administratif, que les juridictions administratives auraient considéré, avant 2016, que des travaux dont le coût était inférieur à CHF 10'000.- par pièce ne seraient systématiquement pas soumis à autorisation, critère n’étant au demeurant pas absolu en regard des autres critères. Les intimés semblaient dès lors avoir fait une lecture erronée de la jurisprudence et ne pouvaient s'en prévaloir pour justifier leur omission d'avoir déposé une demande d'autorisation (consid. 4).

La LDTR poursuivait des intérêts publics évidents, en particulier le maintien dans le parc locatif de suffisamment de logements à prix abordables, ce qui était en soi suffisant pour justifier un éventuel durcissement de la pratique conforme aux principes jurisprudentiels applicables, le Tribunal fédéral ayant par ailleurs relevé que la pratique n'en devenait pas pour autant arbitraire dans son résultat (arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 du 6 avril 2016 consid. 4.3 ; consid. 5).

La décision litigieuse, soit l'autorisation délivrée, était fondée sur l'art. 3 al. 1 let. d et al. 2 a contrario LDTR, qui sont des bases légales tant matérielles que formelles. Cet article, dans sa teneur actuelle, était entré en vigueur le 16 octobre 1999, de sorte qu'il était pleinement applicable aux faits soumis, qui s’étaient déroulés en 2016, soit postérieurement. Aucune violation du principe de la légalité ou de l'interdiction de la rétroactivité n'entrait donc en considération. Les critères permettant à l'administré de savoir s'il devait ou non déposer une demande d'autorisation en vue de l'exécution de travaux avaient été fixés par la jurisprudence bien avant 2016 (ATA/261/2001 du 24 avril 2001). Ils avaient été largement publiés et n'avaient pas été modifiés depuis lors, la multiplication des cas soumis aux juridictions administratives ayant eu pour seul effet une densification de la jurisprudence en la matière. La jurisprudence actuelle n'était manifestement pas différente de celle qui était applicable en 2016, de sorte que son application était conforme au droit. Finalement, le principe de proportionnalité n’intervenait pas dans l'application de l'art. 3 al. 1 let. d et al. 2 LDTR et de la jurisprudence constante y relative, dans la mesure où cette disposition constituait une prescription légale du droit de la construction, applicable à tous les projets de transformation/rénovation (consid. 6).

Selon le Tribunal fédéral, était conforme au principe de la légalité la jurisprudence constante retenant que, conformément à la LDTR et à la LCI, parmi les mesures administratives à disposition de l’autorité compétente figure l’ordre de remise en conformité, lequel comprend le remboursement du trop-perçu de loyer et l’établissement d’un nouveau bail conforme aux conditions de l’autorisation de construire accordée. En outre, la répétition de l’indu (art. 63 al. 1 CO par analogie) fait partie de principes généraux du droit administratif, applicable sans base légale expresse, sur le fondement duquel le département pouvait ordonner la restitution de loyers perçus en trop. Dès lors qu’il était établi que les travaux litigieux étaient soumis à autorisation et que le loyer aurait dû être bloqué en conséquence pendant une période de trois ans après leur exécution, l’ordre adressé aux intimés d’établir un nouvel avis de fixation du loyer initial et de rembourser le trop-perçu aux locataires avait pour objectif de rétablir une situation conforme au droit. Cette double mesure, découlant des art. 10 al. 1, 12 et 14 al. 1 LDTR et du principe général de la répétition de l’indu, était en tous points conforme au principe de la légalité. Il n’y avait pas lieu de s’écarter de cette jurisprudence confirmée par la chambre de céans à de nombreuses reprises et par le Tribunal fédéral, faute d’éléments objectifs permettant d’effectuer un tel revirement (consid. 11).

Ces griefs étaient ainsi écartés.

3.2 Dès lors que les griefs susmentionnés invoqués par l’intimée sont identiques à ceux d’ores et déjà traités par la chambre de céans, validée par le Tribunal fédéral, il n’y a pas lieu de s’en écarter in casu.

Par souci d’égalité de traitement, il convient au contraire de s’y référer, de sorte qu’ils doivent également être écartés dans la présente cause, en référence aux considérants susrappelés.

S’agissant en particulier de l’ordre adressé à l’intimée d’établir un nouvel avis de fixation du loyer initial et de rembourser le trop-perçu de loyers aux locataires, la décision du département à cet égard est conforme aux considérants qui précèdent, de même qu’à la jurisprudence auxquels ceux-ci se réfèrent.

4.             Enfin, l’intimée conteste le bien-fondé de l’amende qui lui a été infligée, en l’absence de faute et d’antécédents. Le montant de celle-ci était également disproportionné au vu de la jurisprudence et du maximum légal en la matière ainsi que de l’absence de volonté de ne pas respecter la LDTR et de cupidité.

4.1 L’art. 44 al. 1 LDTR prévoit pour celui qui contrevient aux dispositions de la loi des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI.

4.2 Aux termes de l’art. 137 LCI, celui qui contrevient à la loi est passible d’une amende de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 1 let. a et al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes l’infraction commise par cupidité et les cas de récidive (al. 3).

4.3 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006
(LPG - 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de proportionnalité.

L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/174/2023 précité consid. 2.1.5 et les arrêts cités).

4.4 Selon l'art. 13 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable (al. 1). Quiconque pouvait éviter l'erreur en usant des précautions voulues est punissable pour négligence si la loi réprime son acte comme infraction par négligence (al. 2). Agi sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240). L'erreur ne peut conduire à un acquittement que si elle est excusable (Michel DUPUIS et al. [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., n. 18 ad art. 13).

4.5 Selon l’art. 21 CP, intitulé « erreur sur l’illicéité », quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable. Cette disposition implique que l'auteur ait cru à tort que son comportement était licite parce qu'il ignorait que l'acte qu'il commettait était interdit ou punissable et, en outre, qu'il avait eu des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir. La réglementation de l'erreur sur l’illicéité est stricte. Elle repose sur l'idée que le sujet de droit doit faire l'effort d'acquérir la connaissance des lois et que son ignorance ne l'absout que dans des circonstances particulières (ATF 129 IV 238 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, cette erreur est admise à la double condition que l'auteur a agi en se croyant être en droit de le faire et qu'il avait des « raisons suffisantes » de se tromper. Pour exclure l'erreur, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit (ATF 104 IV 217 consid. 2) ou qu'il eût dû avoir ce sentiment. Il en va de même s'il a été expressément informé de la situation juridique par l'autorité compétente ou qu'il en a éludé les prescriptions. Lorsque le doute est permis quant à la légalité du comportement, l'auteur doit, dans la règle, s'informer de manière plus précise auprès de l'autorité compétente (ATF 129 IV 6 consid. 4.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6A.54/2006 du 13 février 2007).

4.6 Le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la quotité de l’amende. La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/174/2023 du précité consid. 2.1.8 et les arrêts cités).

Doivent être notamment prises en compte au titre de circonstances aggravantes la qualité de mandataire professionnellement qualifié ainsi que celle de professionnel de l'immobilier des recourants (arrêt du Tribunal fédéral 1C_209/2020 du 16 octobre 2020 consid. 2.3.2 ; ATA/706/2022 du 5 juillet 2022 consid. 5 et les références citées, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2022 du 21 avril 2023), le fait de mettre l'autorité devant le fait accompli (ATA/174/2023 précité consid. 2.2.1 et les références citées), le fait d’avoir agi par cupidité, la récidive ainsi que le nombre élevé ou la proportion importante des appartements ou immeubles concernés par la violation de la LDTR. Au titre de circonstances atténuantes, doivent être prises en compte notamment l’absence de volonté délictuelle, une violation de la LDTR sur un appartement ou un immeuble isolé seulement et le fait qu’une réaffectation en logement soit aisée. Il doit être tenu compte de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/174/2023 précité consid. 2.1.9 et les références citées).

Si les antécédents constituent une circonstance aggravante, l’absence d’antécédents est une circonstance neutre qui n’a pas l’effet de minorer la sanction (ATA/174/2023 précité consid. 2.2.2).

4.7 Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2021 du 3 mai 2021 consid. 5.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2).

4.8 In casu, l’intimée a exécuté les travaux en cause sans être au bénéfice d'une autorisation, alors que ceux-ci étaient assujettis à la LCI et à la LDTR. Un tel comportement, contraire aux art. 1 al. 1 let. b LCI et 9 LDTR, constitue une infraction réprimée par les art. 137 al. 1 let. a LCI et 44 al. 1 LDTR et peut donc donner lieu au prononcé d'une amende.

L’intimée ne saurait raisonnablement se prévaloir du fait qu'elle pouvait, sans demander une autorisation, exécuter les travaux en cause, dans la mesure où, selon sa propre appréciation, il s'agissait de simples travaux d'entretien non soumis à la LDTR. La régie qui la représente ne pouvait ignorer, en tant que professionnelle de l'immobilier, que la distinction entre travaux d'entretien et travaux de transformation était et est toujours délicate à opérer, ni que l'autorité recourante pouvait appliquer un blocage rétroactif des loyers, découlant de la loi et prévu expressément par la jurisprudence depuis l'ATA/774/1999 du 21 décembre 1999 à tout le moins. Dès lors, elle aurait dû se renseigner auprès du département, ce d'autant plus que la nature des travaux, leur ampleur et leurs coûts, pour la plupart probablement devisés, ne permettaient pas d’emblée de retenir de manière évidente qu'il s’agissait de simples travaux d'entretien non soumis à autorisation. En usant des précautions voulues, soit en se renseignant simplement auprès du département, elle aurait pu éviter de commettre les infractions reprochées. Dès lors, son erreur était manifestement évitable, même à considérer qu'elle était persuadée que les travaux n'étaient pas soumis à autorisation. Au vu de ce qui précède, l’intimée a, à tout le moins, agi par négligence et a ainsi commis une faute. On ne saurait retenir qu'elle a agi en fonction d'une appréciation erronée des faits. Une erreur sur l'illicéité est tout autant exclue.

L’amende, qui inclut l'infraction à la LCI et à la LDTR, est en conséquence fondée dans son principe.

4.8.1 En ce qui concerne son montant, l’autorité l’a arrêté à CHF 16'200.-.

Il faut concéder que la décision de l'autorité ne mentionne pas - hormis la gravité objective et subjective de l’infraction commise - les éléments qui ont été pris en compte dans la fixation du montant dans l'amende, ni a fortiori comment ils ont été pondérés, ce qui est regrettable, une motivation permettant d'apprécier au mieux le raisonnement du département.

Il peut être retenu comme circonstances aggravantes le fait que l’intimée a perçu des loyers contraires à la LDTR pour un montant de CHF 74'051.- depuis le 1er juin 2020, la différence entre le montant du loyer pratiqué et celui autorisé, de l’ordre de 168%, correspondant par ailleurs, pour la période de contrôle, à plusieurs dizaines de milliers de francs, le fait qu'elle était assistée d'une régie, versée dans l'immobilier, et qu’elle a mis l'autorité devant le fait accompli.

À cela s’ajoute qu’avant les travaux de rénovation des pièces humides de l’appartement en 2014/2015, l’appartement n’a fait l’objet que d’un entretien limité, de sorte que les travaux de 2020 ont eu pour but de terminer la rénovation de l’appartement entamée en 2014/2015.

L’intimée a ainsi commis une infraction objectivement grave.

Aux circonstances aggravantes précitées s'opposent les circonstances atténuantes dont elle se prévaut , en particulier le fait que la violation de la LDTR n'a porté que sur un appartement, qu'elle a déposé une demande d'autorisation pour régulariser la situation, qu'elle a pleinement collaboré après l'ouverture de la procédure administrative et répondu à pleine satisfaction et dans les meilleurs délais aux demandes du département et que les travaux se sont révélés conformes aux prescriptions légales. En revanche, contrairement à ce qu'elle prétend, l'absence d'antécédents n'est pas une circonstance atténuante, mais neutre.

Certaines de ces circonstances doivent être relativisées. En effet, le dépôt d'une demande d'autorisation de construire à la suite d'un ordre du département est une obligation et non une faculté laissée au bon vouloir des administrés. De plus, une bonne collaboration est attendue d'eux, dans la mesure où elle est nécessaire au traitement efficace d'un dossier et imposée par la loi (art. 22 LPA).

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, des amendes bien plus élevées que CHF 1'000.- ont déjà été prononcées. Ainsi, le Tribunal fédéral a confirmé une amende de CHF 10'000.- contre un propriétaire ayant rénové sans autorisation un appartement de son immeuble (ATA/668/2022 du 28 juin 2022, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2022 du 3 février 2023), une amende de CHF 100'000.- contre un propriétaire ayant rénové plusieurs appartements sans autorisation retenant la cupidité et la récidive, et pour lesquels il a dû rembourser CHF 212'501.- aux locataires (ATA/292/2022 du 22 mars 2022, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_264/2022 du 7 mars 2023), et une amende de CHF 15'000.- contre l’architecte d’un propriétaire pour les travaux effectués sans autorisation retenant comme critères notamment sa qualité de professionnel du domaine et de récidiviste (ATA/706/2022 du 5 juillet 2022 consid. 5, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2022 du 21 avril 2023).

En l’occurrence, en comparaison de l’amende de CHF 5'600.- infligée dans le cas d’un appartement de trois pièces ayant subi des travaux devant être soumis à autorisation au sens de la LDTR (ATA/1334/2023 précité), le trop-perçu de loyer est de près de 2,5 fois supérieur à celui dont il était alors question, lequel s’élevait à CHF 28'025.-. Dans la jurisprudence à laquelle l’intimée se réfère, elle omet de prendre en considération le montant du trop-perçu de loyers, de même que la gravité de la faute, se focalisant uniquement sur le montant de l’amende. Or, c’est précisément l’ensemble de ces circonstances, ajoutées au fait que le contrôle du département a pu intervenir sur la base d’une dénonciation de la part des nouveaux locataires, qui doivent être prises en considération.

Le montant de CHF 16’200.- apparaît ainsi proportionné aux circonstances du cas d’espèce.

Au vu de tout ce qui précède, le département n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en fixant l'amende à CHF 16’200.-, l’intimée n'exposant au demeurant pas rencontrer de difficultés financières.

En conséquence, le recours du département sera admis, le jugement du TAPI annulé et les décisions du département rétablies.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de l’intimée, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2025 par le département du territoire-OAC contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 février 2025 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 février 2025 ;

rétablit les décisions du département des 19 et 26 avril 2024 ;

met à la charge d’A______ un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire-OAC, à MOSER VERNET & CIE SA, mandataire de l'intimée, à l’office cantonal du logement et de la planification foncière ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean‑Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.


 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :