Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2797/2020

ATA/668/2022 du 28.06.2022 sur JTAPI/195/2022 ( LDTR ) , ADMIS

Recours TF déposé le 26.08.2022, rendu le 03.02.2023, REJETE, 1C_447/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2797/2020-LDTR ATA/668/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juin 2022

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

contre

A______
représentée par B______ Immobilier SA

et

A______
représentée par B______ Immobilier SA

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2022 (JTAPI/195/2022)


EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______) est une société active dans l'immobilier dont Monsieur B______ est l'actionnaire unique et administrateur-président avec signature individuelle. Elle est propriétaire de la parcelle no 4'404 de la commune de Genève-Cité, sise en zone 1 dans le périmètre protégé de la Vieille-Ville, sur laquelle est érigé un immeuble (R+5) essentiellement destiné à l’habitation, à l'adresse ______.

2) Le 22 juillet 2015, le département, devenu depuis le département du territoire, a délivré à A______ une autorisation de construire DD 1______/1 pour la « création d'un ascenseur, l'agrandissement du volume intérieur au 5e étage et la création d'un velux » conditionnée notamment au respect du préavis de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) relatif à la conformité à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) (ci-après : préavis LDTR). Celui-ci imposait, entre autres, des loyers après travaux conformes au niveau « actuel ».

Par jugement du 3 mai 2016, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté un recours déposé par A______ contestant le préavis LDTR (JTAPI/450/2016). Le recours déposé par A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a été retiré, après que la demande de retrait de l'effet suspensif au recours avait été refusée par arrêt du 22 juillet 2016 (ATA/632/2016 et ATA/835/2016 du 6 octobre 2016).

3) Le 27 juin 2017, faisant suite à une demande déposée en novembre 2016 par Monsieur C______, architecte, pour A______, le département a délivré une autorisation de construire complémentaire DD 1______/2 pour diverses modifications intérieures et pour la modification d’une des façades, côté ______. Les plans visés ne varietur indiquaient des travaux touchant le
sous-sol, le rez ainsi que les étages 1 à 4. L'autorisation était délivrée aux conditions figurant dans les préavis, dont celui de la LDTR du 20 décembre 2016, lesquels faisaient partie intégrante de la décision. Ledit préavis prévoyait une limite maximale des loyers du rez au 5ème étage et posait comme condition qu'aux fins de contrôle, un état locatif nominatif de l'immeuble au jour précédent la sortie du contrôle, soit cinq ans à dater de la remise en location après la fin des travaux, soit remis au département.

4) Le 7 mai 2018, lors d'une visite sur place, des collaborateurs du département, dont Monsieur D______ du service LDTR, ont constaté que les travaux en cours ne correspondaient pas aux deux autorisations de construire délivrées. L’appartement en duplex, situé aux 4ème et 5ème étages, ne correspondait pas aux plans visés ne varietur, tant quant à la typologie qu’au nombre de pièces.

5) Le 9 juillet 2018, M. C______ a expliqué que le 5ème étage ne correspondait pas encore au plan visé ne varietur. Seules deux chambres au lieu de quatre étaient visibles pour le moment. Suite à un contrôle de l’amiante, le chantier avait été arrêté et l’immeuble assaini, ce qui avait nécessité la démolition de certaines parois et la mise en conformité de certains planchers. Depuis la visite du 7 mai 2018, rien n'avait bougé, dans l’attente d’une visite de la propriétaire, laquelle avait eu lieu la semaine précédente. Cette dernière souhaitant modifier la typologie de l’appartement à la suite d'une « conséquence familiale privée », une autorisation de construire par voie de procédure accélérée (ci-après : APA) serait prochainement déposée.

La suspension des travaux au 5ème étage était « maintenue en attendant l'APA en force » ; si celle-ci devait être définitivement refusée, les travaux seraient achevés tels que mentionnés sur le plan visé ne varietur.

6) a. Le 11 juillet 2018, A______ a déposé une requête en autorisation de construire pour la transformation et la rénovation d’un duplex aux 4ème et 5ème étages, enregistrée sous APA 2______.

b. Le 20 août 2018, le département a requis le dépôt d’une requête en autorisation de construire complémentaire par la voie de la procédure ordinaire.

c. M. C______ a déposé une telle demande le 31 août 2018, enregistrée sous DD 1______/3.

À l’appui de cette demande, il a relevé que la diminution du nombre de pièces du duplex, de sept à cinq, découlait de la constatation du faible volume des chambres mansardées situées du côté de la place par rapport à la taille de l’appartement. La diminution du nombre de chambres au dernier étage était justifiée par l’amélioration de la qualité d’isolation thermique et du "concept feu" par l’intérieur des murs mitoyens, les plafonds et la toiture de l’appartement, qui réduisaient intérieurement tant la surface que le volume utile. L’ascenseur créé avait également considérablement réduit la surface disponible au 4ème étage, ce qui obligeait à revoir la typologie de l’appartement. Le 5ème étage ne correspondant pas au standing d’un duplex en Vieille-Ville, sa qualité devait être améliorée.

7) Lors d'une nouvelle visite sur place le 10 octobre 2019, M. D______ et Madame  E______, collaboratrice du service des monuments et des sites (ci-après : SMS), ont constaté que la typologie du duplex ne correspondait pas à celui du plan visé ne varietur et que les travaux intérieurs étaient achevés, l'appartement était meublé et habité.

8) Le 11 octobre 2019, A______, par l'intermédiaire de la régie B______, devenue depuis lors B______ (ci-après : la régie), a indiqué au département que M. C______ était en charge uniquement de la demande d'autorisation des travaux pour la transformation de l'appartement et qu'elle le libérait de tout engagement pour les travaux effectués aux 4ème et 5ème qui ne faisaient plus partie de son mandat. Un courrier daté du 13 janvier 2019 le confirmait.

9) Le 29 janvier 2020, le département a informé A______ que la demande d’août 2018 comportait des travaux déjà réalisés sans autorisation. Il a ouvert une procédure d’infraction (I-3______) et a lui accordé un délai de dix jours pour se déterminer à ce sujet.

10) Le 10 février 2020, A______, par l'intermédiaire de la régie, a admis avoir entrepris les travaux d'aménagement intérieur sans autorisation de construire du fait des silences, nonobstant relances, de la part du département. Elle avait par ailleurs décidé de ne pas ériger les deux galandages initialement prévus, en raison d'une perte importante de surface après travaux de mise aux normes antifeu.

11) Le 10 février 2020, M. C______ a répondu au département que son mandat étant limité au dépôt de la requête complémentaire, les travaux d'aménagement intérieur auraient été effectués par un tiers. Il n'avait pas participé aux faits reprochés.

12) Par décision du 27 juillet 2020, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 1______/3 au motif que les conditions permettant d’autoriser une transformation au sens de l’art. 9 LDTR n’étaient pas réalisées. Tel que constatés par le service LDTR dans les préavis défavorables et la demande de modification du projet des 27 septembre et 10 octobre 2018, les travaux projetés ne répondaient à aucun intérêt, qu’il soit public ou général. Au contraire, ils visaient, en cette période de pénurie, à soustraire plusieurs pièces habitables à un logement du parc immobilier genevois répondant aux besoins prépondérants de la population, ce qui contrevenait aux objectifs poursuivis par la LDTR. Le courrier du 20 août 2018, joint à la requête complémentaire déposée, reconnaissait d’ailleurs que les travaux projetés visaient à en améliorer le standing. La Ville de Genève, dans le cadre de son préavis du 9 octobre 2018, s’était aussi prononcée défavorablement.

13) Dans une seconde décision du 27 juillet 2020, le département a infligé à A______ une amende de CHF 10'000.- et lui a ordonné de remettre en état le 4ème étage et les combles conformément aux autorisations de construire DD 1______/1 ou DD 1______/2 dans un délai de cent vingt jours. Il lui était également demandé de fournir, dans un délai de trente jours, l'attestation globale de conformité partielle, accompagnée des plans conformes à l'exécution, concernant les étages allant du rez au 3ème étage, le nom du nouveau mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) qui superviserait les travaux de remise en état, ainsi que les baux et dates d'occupation des locaux de tous les étages.

Il avait été constaté, le 7 mai 2018, que le projet soumis à l'examen du département était en cours de réalisation. Il avait, en outre, pris en compte pour le prononcé de la sanction la mesure de protection patrimoniale dont bénéficiait le bien, le marché du logement, le fait accompli et le fait que les travaux avaient été effectués sans MPQ depuis le 12 janvier 2019.

14) Par acte du 14 septembre 2020, A______ a formé un recours auprès du TAPI contre la décision du département lui infligeant une amende et ordonnant la remise en état, concluant principalement à son annulation, subsidiairement à une réduction du montant de l'amende à CHF 100.-.

À la suite du dépôt de la DD 1______/3 en août 2018 et malgré plusieurs relances de la part de son MPQ, l'instruction du dossier n'avait pas avancé. Le dossier avait été enregistré à tort sous le n° DD 1______/3 alors qu'il s'agissait d'une demande APA, de sorte que la requérante n'avait aucune obligation de fournir le nom d'un MPQ.

Le montant de l'amende était disproportionné. L'autorité intimée n'avait pas non plus pris en compte sa situation personnelle et financière. Partant, l'amende ne pourrait pas être supérieure au minimum prévu par la loi, soit CHF 100.-.

L'autorité intimée avait, en laissant de longs mois s'écouler sans signifier son désaccord, accepté et toléré la situation et ne pouvait donc plus, sous peine de violer le principe de la bonne foi, exiger une remise en état conformément à l'autorisation DD 1______/2.

La décision querellée portant uniquement sur les 4ème et 5ème étages, l'ordre du département de fournir l'attestation globale de conformité partielle relative aux 1er, 2ème et 3ème étages était hors sujet. Il en allait de même s'agissant de l'ordre de fournir des contrats de bail et des dates d'occupation des locaux de tous les étages.

15) Le 16 novembre 2020, le département a conclu au rejet de recours.

Il était parfaitement fondé à requérir la production d'une attestation globale de conformité relative au rez et aux 1er, 2ème et 3ème étages, ainsi que les baux et dates d'occupation des locaux de tous les étages, la décision litigieuse faisant suite à l'ouverture d'une procédure d'infraction et de son instruction.

16) Les parties ont, respectivement, répliqué en date du 15 janvier 2021 et dupliqué en date du 9 février 2021, persistant en substance dans leurs conclusions.

17) a. Par décision du 17 mai 2021, suite à l'accord des parties, le TAPI a prononcé la suspension de l’instruction du recours jusqu'à droit jugé dans la procédure connexe A/2795/2021 ouverte sur recours d'A______ contre la décision de refus d'autorisation de construire DD 1______/3 du 27 juillet 2020.

b. Le 7 septembre 2021, après avoir entendu MM. B______, C______ et D______, le TAPI a admis le recours interjeté le 14 septembre 2020 par A______ dans la procédure A/2795/2021, annulé la décision de refus d'autorisation et renvoyé le dossier au département pour délivrance de l'autorisation (JTAPI/908/2021).

La demande d’autorisation de construire complémentaire avait pour but de légaliser des travaux déjà effectués. Le logement était composé de huit pièces avant la demande DD 1______/2 de novembre 2016. Une autorisation pour le transformer en sept pièces avait été délivrée, mais jamais exécutée. Ainsi il ne pouvait être reproché de transformer un appartement de sept pièces qui n’avait en réalité jamais existé en un logement avec trois, quatre ou cinq pièces puisqu'il ne répondait pas aux besoins prépondérants de la population. La suppression d’une ou quelques pièces d’un logement n’était pas ici contraire au but visé par la LDTR, de sorte que les préavis défavorables du service de la LDTR ne pouvaient constituer le fondement d’une décision négative de la part du département, qui n’avait pas de marge de manœuvre au sens de l'art. 9 LDTR. Le département devait dès lors accorder l’autorisation de construire complémentaire sollicitée par la requérante en août 2018. La question de savoir s’il s’agissait d’un trois-quatre pièces comme estimé par le service LDTR, ou d’un cinq pièces comme allégué par la propriétaire, et de savoir si les travaux qui avaient été exécutés étaient conformes aux plans versés au dossier, était exorbitant au litige.

Ce jugement est entré en force en l'absence de recours formé à son encontre.

18) Le 5 novembre 2021, A______ a demandé la reprise de la procédure et a souligné que le jugement rendu (JTAPI/908/2021) permettait de conclure définitivement que l'amende querellée était totalement infondée et que le motif de l'amende, selon lequel lors de ladite visite du 7 mai 2018 le projet soumis à l'examen du département était en cours de réalisation, était clairement infondé. À teneur dudit jugement, la mesure de protection patrimoniale dont bénéficiait le bien n'avait pas été atteinte, le département n'avait pas été mis devant le fait accompli et le fait que les travaux avaient été effectués sans MPQ dès le 12 janvier 2019 était exorbitant au litige. L'ordre de remise en état était également infondé, tout comme les autres mesures requises dans la décision querellée.

19) Le 12 novembre 2021, le département a également demandé la reprise de la procédure et informé maintenir les conclusions prises dans ses précédentes observations, le jugement (JTAPI/908/2021) n'ayant aucune influence sur les éléments de la décision querellée.

20) Par jugement du 22 février 2022, le TAPI a partiellement admis le recours, annulé la décision du département en tant qu'elle ordonnait de remettre en état le 4ème étage et les combles conformément aux autorisations de construire DD 1______/1 ou DD 1______/2 dans un délai de cent vingt jours ; de donner le nom du nouveau MPQ qui superviserait les travaux de remise en état et de fournir l'attestation globale de conformité partielle accompagnée des plans conformes à l'exécution concernant le rez et le 1er étage de l'immeuble, ainsi que les baux et dates d'occupation des locaux concernant ces deux mêmes étages (chiffre 3 du dispositif). La décision était confirmée pour le surplus (chiffre 4 du dispositif).

A______ avait terminé le chantier, aménagé l'appartement et permis son habitation, en l'absence de toute autorisation de construire permettant ladite transformation, et alors que son architecte avait assuré au département, dans son courrier du 9 juillet 2018, que les travaux seraient suspendus dans l'attente d'une autorisation de construire en force. L'issue de la requête en autorisation de construire DD 1______/3 déposée a posteriori, et autorisée par le JTAPI/908/2021 précité, ne changeait rien au fait que les travaux avaient été effectués sans autorisation et n'étaient pas conformes aux autorisations DD 1______/1 et 1______/2 en force. L'infraction reprochée était objectivement réalisée et l'amende querellée fondée dans son principe.

A______ avait réalisé les travaux sans MPQ depuis le 12 janvier 2019 et l'absence d'une attestation constituait une circonstance aggravante. Le montant de l'amende restait mesuré et n'apparaissait pas exagéré, le département ayant plutôt fait preuve de clémence dans l'appréciation de ce cas.

Les infractions constatées concernaient les travaux réalisés entre les 2ème et 5ème étages de l'immeuble et à aucun moment il ne ressortait du dossier que des travaux auraient aussi été réalisés dans les étages inférieurs. Il n'existait pas de base légale à l'ordre de fournir l'attestation globale de conformité concernant le rez et le 1er étage, ainsi que les baux et dates d'occupation des locaux concernant ces mêmes étages.

La DD 1______/3 devant être autorisée, les ordres de remettre en état le 4ème étage et les combles conformément aux autorisations de construire DD 1______/1 ou DD 1______/2 et de donner le nom du nouveau MPQ qui superviserait les travaux de remise en état contenus dans la décision querellée n'avaient plus d'objet.

21) Par envoi mis à la poste le 4 avril 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI, concluant principalement à l'annulation du chiffre 4 du dispositif du jugement confirmant l'amende et l'ordre de produire une attestation de conformité, les plans d'exécution pour les 2ème et 3ème étages et les baux des 2ème, 3ème, 4ème et 5ème étages. Elle requérait préalablement l'audition de MM. D______, C______ et B______.

Son droit d'être entendue avait été violé, le TAPI ayant renoncé aux auditions de ces trois personnes.

Le jugement devait être annulé en raison de la constitution du TAPI soit de la participation de l'un des juges assesseurs, Monsieur F______, qui avait eu une « confrontation cinglante » avec M. B______, alors que celui-là était collaborateur au service LDTR en 2010.

La quotité de l'amende était excessive en l'absence de circonstances aggravantes, de violation d'une mesure de protection patrimoniale et de « fait accompli ». La décision violait les principes de proportionnalité et d'égalité.

Il n'y avait pas d'infraction à la LDTR ni à l'art. 1 al. 7 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ou alors une infraction temporaire et hypothétique, réparée ultérieurement.

La conservation de certaines cloisons, boiseries, cheminées, parquets et solives en raison de leur valeur patrimoniale avait été ordonnée suite aux préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) et du SMS. Toutefois pour des raisons d'ordre technique, structurel et sécuritaire, il avait fallu déposer certaines des cloisons et mettre à nu certains parquets.

Le caractère luxueux du duplex constituait une circonstance atténuante.

L'ordre de fournir l'attestation globale de conformité partielle, les contrats de bail et les dates d'occupation des locaux situés aux 2ème et 3ème étages était infondé, comme l'était celui de produire le contrat de bail des locaux situés aux 4ème et
5ème étages. Le duplex des 4ème et 5ème étages était utilisé comme résidence secondaire par M. B______ qui, en sa qualité d'administrateur, ne disposait pas d'un contrat de bail.

22) Le 4 avril 2022, le département a également interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI, concluant à l'annulation d'une partie du chiffre 3 de son dispositif, en ce qu'il concernait l'attestation globale de conformité partielle accompagnée des plans conformes à l'exécution concernant le rez et le 1er étage de l'immeuble, ainsi que les baux et dates d'occupations des locaux concernant ces deux mêmes étages. Il convenait de rétablir la décision contestée sur ce point.

Le TAPI avait mal établi les faits, en retenant que la DD 1______/2 aurait été délivrée uniquement pour les modifications intérieures concernant la réunion des anciens appartements des 2ème, 3ème et 4ème étages. Or, il ressortait de manière claire des autorisations et notamment des plans de l'autorisation complémentaire que les travaux autorisés dépassaient ce cadre et concernaient également les étages du rez et du 1er.

C'était donc de manière infondée et contraire au droit que le TAPI avait partiellement annulé l'ordre de produire l'attestation globale de conformité accompagnée des plans conformes à l'exécution ainsi que les baux et dates d'occupations des locaux pour ces deux étages.

23) Le 7 avril 2022, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

24) Le 5 mai 2022, le département a répondu au recours d'A______, concluant à son rejet et répondant point par point aux griefs soulevés.

25) Le 5 mai 2022, A______ a déposé des observations, répondant au recours du département, concluant à son rejet.

Le recours était infondé. Le grief du département était irrecevable.

26) Le 25 mai 2022, la recourante a répliqué.

La taille inhabituellement grande du duplex, de 244 m2, prouvait qu'il s'agissait d'un logement de luxe. Cet aspect aurait dû être pris en considération afin de diminuer la quotité de l'amende.

27) Le 30 mai 2022, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante fait valoir une violation de son droit d'être entendue, le TAPI n'ayant pas procédé aux mesures d'instruction qu'elle avait requises. Devant la chambre administrative, elle demande l'audition de Mme E______ et MM. B______, D______ et C______. Ces témoignages permettraient de prouver qu'aucune violation d'une mesure de protection patrimoniale n'avait eu lieu et que la pratique de déposer une requête en autorisation complémentaire pour régulariser des modifications du projet, liées notamment à des contraintes techniques, structurelles et sécuritaires, était fréquente.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2 a et les arrêts cités). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2a).

En l'espèce, la recourante a pu exposer ses arguments de façon détaillée dans ses écritures et la procédure contient notamment toutes les pièces liées aux autorisations de construire concernées. En outre, trois de ces témoins ont été entendus dans le cadre de la procédure connexe A/2795/2021 concernant le refus d'autorisation de construire qui a donné lieu au jugement du TAPI du 7 septembre 2021 (JTAPI/908/2021).

Les actes d’instruction demandés par la recourante ne sont donc pas nécessaires à la solution du litige, comme cela ressort également des considérants qui suivent.

À l’instar du TAPI, la chambre de céans considère que le dossier est complet et en état d’être jugé et il ne sera ainsi pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction formulées.

Pour les mêmes motifs, le grief de violation du droit d'être entendu par le TAPI sera écarté.

3) La recourante affirme que l'un des juges assesseurs du TAPI, M. F______, aurait dû se récuser en raison de l'existence d'une inimitié avec M. B______, suite à un entretien houleux en 2010, inimitié qui aurait influé sur le jugement rendu par le TAPI.

Ce grief a déjà été soulevé dans une autre procédure, non par la recourante mais par son administrateur et a été largement examiné par la chambre de céans dans l'ATA/186/2021 du 23 février 2021 consid. 5 auquel il sera renvoyé, le considérant précité devant être considéré comme intégré au présent arrêt si nécessaire au titre de motivation. En effet, sur ce point, le raisonnement fait pour l'administrateur directement concerné par l'inimitié alléguée, vaut a fortiori pour la société. Ainsi, l’ancienneté des faits (l’altercation remontant à 2010), l’absence de tout indice de partialité dans le dossier, l’allégation tardive du motif de récusation, les recourants n’ignorant pas que l’intéressé siégeait au TAPI en matière LDTR, fondent notamment le rejet de ce grief.

4) Le litige concerne une décision du département, rendue le 27 juillet 2020, laquelle contient plusieurs points dont certains ne sont plus litigieux à ce stade, à savoir l'obligation de remise en état définitivement réglée par le jugement du TAPI du 7 septembre 2021 (JTAPI/908/2021).

Restent litigieux l'ordre de production d'une attestation globale de conformité accompagnée des plans conformes à l'exécution concernant le rez, le 1er, 2ème et 3ème étage, la production au département des baux et dates d'occupation concernant tous les étages du bâtiment, ainsi que la quotité de l'amende infligée à la propriétaire.

5) La recourante conteste devoir produire au département l'attestation globale de conformité et les plans concernant les étages inférieurs du bâtiment ainsi que les baux pour tous les étages. Les premiers étages ne seraient pas concernés par la procédure, comme l'avait retenu le TAPI, et le bail du duplex des 4 et 5ème étages serait inexistant, car l'appartement serait occupé par M. B______ en personne.

a. Les constructions ou installations neuves ou modifiées destinées à l'habitation ou au travail ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un MPQ (art. 7 al. 1 première phrase LCI).

En l'espèce, le département a ouvert une procédure d'infraction I-3______, le 29 janvier 2020, concernant la DD 1______/3 déposée le 31 août 2018. Le département a constaté à cette occasion qu'il n'était en possession d'aucune attestation globale de conformité pour les étages du rez au 3ème et qu'il ne disposait pas des baux et dates d'occupation des locaux de tous les étages, alors que les travaux y avaient été réalisés. Cette autorisation complémentaire a été requise, suite au constat fait par le département le 7 mai 2018, lors d'une visite sur place, que des travaux en cours ne correspondaient pas aux autorisations déjà délivrées DD 1______/1 et 1______/2. Cette dernière autorisation portait sur des travaux touchant l'entier de l'immeuble, ce qui ressort clairement des plans visés ne varietur le 27 juin 2017, ce que le TAPI a omis de constater.

En conséquence, la production de l'attestation de conformité concernant tous les travaux effectués, à tous les étages du bâtiment, s'avère entièrement justifiée en l'espèce, conformément aux exigences de l'art. 7 LCI.

b. L'autorisation de construire délivrée (DD 1______/2) l'a été aux conditions du préavis de la LDTR du 21 décembre 2016, fixant notamment un loyer maximum après travaux. Cette autorisation concernait des travaux portant sur tout l'immeuble, comme vu ci-dessus.

En conséquence, l'exigence de la transmission des baux permettant le contrôle des loyers exigé par la LDTR, en application de la décision d'autorisation DD 1______/2, pour l'intégralité des appartements de l'immeuble apparaît fondée dans son principe.

c. La recourante ne conteste pas directement le principe de cette obligation, s'agissant des 4ème et 5ème étages, mais elle estime que le duplex étant occupé par M. B______, lequel n'est pas au bénéfice d'un contrat de bail, étant actionnaire unique et administrateur avec signature individuelle de la propriétaire, cette exigence tomberait.

Compte tenu du fait que la propriétaire de l'immeuble est la société A______ et non M. B______ sont deux personne distinctes et le département a valablement mis en doute l'occupation du duplex par ce dernier, en constatant que le nom d'un tiers figurait sur l'interphone de l'appartement, sans que la propriétaire ne s'explique à ce sujet alors qu'elle a déposé des observations ultérieures, il faut retenir que rien ne permet à la recourante de se soustraire à l'ordre donné s'agissant de la production du contrat de bail qui découle des autorisations de construire délivrées, comme vu ci-dessus.

Le recours d'A______ sera rejeté sur ce point et celui du département admis.

6) La propriétaire recourante conteste la quotité de l'amende.

a. Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment élever tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a LCI) ; modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c).

b. Selon son art. 1 al. 1, la LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées à son art. 2. À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, elle prévoit notamment à l'art. 1 al. 2 des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (let. a) et l'encouragement à des travaux d'entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d'habitation (let. b).

Selon l'art. 9 al. 1 LDTR, une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation. L'autorisation est accordée notamment lorsque la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public le commande (let. b) ou pour les travaux de rénovation (let. e), c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements (art. 3 al. 1
let. d LDTR). Celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 129 LCI, et des peines plus élevées prévues par le code pénal suisse du 21 décembre 1937
(CP – RS 311.0 ; art. 44 al. 1 LDTR).

7) a. Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI et à la LDTR (art. 137 al. 1 LCI). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le MPQ ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7, non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI).

b. L'art. 137 al. 1 LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département (let. c) en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 CP (insoumission à une décision de l'autorité). À l'instar de cette disposition pénale, la condamnation de l'auteur pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. a LCI n'a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l'autorité. S'il persiste dans son action ou son omission coupables, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l'on réprime à chaque fois une autre période d'action ou d'omission coupables (Bernard CORBOZ, Les infractions en droit suisse, 3ème éd., 2010, vol. 2, n. 32 ad art. 292 CP p. 551). De plus, la sanction de l'insoumission peut être augmentée chaque fois qu'une menace de l'appliquer est restée sans effet (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, n. 1'721 et les références citées ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 11).

c. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/709/2021 du 6 juillet 2021 consid. 12c ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 160 n. 1.4.5.5 ; plus nuancé : Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 413 n. 1211).

d. En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement les juridictions pénales (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss et 106 al. 1 et 2 CP ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/83/2021 du 26 janvier 2021 consid. 5c).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 4b ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8ème éd., 2020, p. 343 n. 1493).

e. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La chambre administrative ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus (ATA/527/2021 du 18 mai 2021 consid. 7c).

L'autorité prend en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises, dans le respect du principe de proportionnalité (art. 36
al. 3 Cst. ; ATA/709/2021 du 6 juillet 2021 consid. 12e ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7f). Doivent être notamment prises en compte au titre de circonstances aggravantes, le fait d'avoir agi par cupidité, la récidive, la profession de l'auteur de l'infraction ainsi que le nombre élevé ou la proportion importante des appartements ou immeubles concernés par la violation de la LDTR. Au titre de circonstances atténuantes, doivent être prises en compte notamment l'absence de volonté délictuelle, une violation de la LDTR sur un appartement ou un immeuble isolé seulement, le fait qu'une réaffectation en logement soit aisée (ATA/147/2021 du 9 février 2021 consid. 4e ; Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation : immeubles de logement et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, p. 490-491 et les jurisprudences citées).

f. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/284/2021 du 2 mars 2021 consid. 4c).

g. Selon l'art. 4 al. 1 1ère phr. LCI, le délai de réponse à toute demande d’autorisation est de soixante jours à compter de la date d’enregistrement de la demande. L'al. 3 de cette disposition prévoit que lorsque le département demande des pièces ou renseignements complémentaires nécessaires, le délai est suspendu jusqu’à réception des documents. Le requérant en est avisé par écrit. Enfin, l'al. 4 prévoit que si le requérant n’a pas reçu de réponse dans le délai, il peut aviser le département, par lettre recommandée, qu’il va procéder à l’exécution de ses plans. À défaut de notification de la décision dans un nouveau délai de dix jours à compter de la réception de cet avis, le requérant est en droit de commencer les travaux.

h. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1).

8) En l'occurrence, lors d'un contrôle effectué le 7 mai 2018 par le département, il a été constaté que les travaux en cours ne correspondaient pas aux deux autorisations de construire délivrées, tant par la typologie que par le nombre de pièces de l'appartement. Ainsi, la demande d'autorisation déposée le 20 août 2018 comportait des travaux déjà réalisés, sans autorisation.

La recourante allègue plusieurs circonstances qui auraient dû être prises en compte pour atténuer la sanction et conteste la circonstance aggravante retenue liée à la protection patrimoniale du bien ainsi que celle liée au marché du logement.

Elle estime ne pas avoir violé la LDTR, ou uniquement l'avoir violé temporairement. Toutefois, elle perd de vue que, s'agissant de travaux exécutés sans autorisation dans un immeuble soumis à la LDTR, même si les travaux sont finalement autorisés, comme en l'espèce puisque le TAPI a estimé que l'autorisation visant à légaliser des travaux déjà effectués devait être délivrée et que ce jugement est entré en force, la violation a eu lieu. En effet, la régularisation complète de la construction n'empêche pas de sanctionner le procédé suivi par le constructeur (ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid 4e ; Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public, Notions, mesures administratives, sanctions, in Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 223). En outre, la distinction entre violation définitive et temporaire est déjà prise en compte par l'art. 137 LCI qui fixe un montant maximum à l'amende pouvant être prononcée, inférieur dans le cas de travaux autorisables (art. 137 al. 2 LCI).

Quant à la violation de l'art. 7 LCI, elle est également réalisée en l'espèce, le duplex ayant été occupé, non seulement avant l'octroi de l'autorisation de construire, mais également sans qu'un dossier de plans conformes à l'exécution et qu'une attestation de conformité établie par un MPQ aient été communiqués préalablement au département.

S'agissant de la protection patrimoniale du bâtiment, celle-ci ne saurait être ignorée par la recourante. Le bâtiment est sis dans la zone protégée de la
Vieille-Ville dans laquelle la loi pose le principe que l’aménagement et le caractère architectural original doivent être préservés (art. 83 al. 1 LCI). Des dérogations peuvent être octroyées mais, en cas de rénovation ou de transformation, les structures intérieures de même que les autres éléments dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés (art. 83 al. 3 LCI). Les demandes d’autorisation, ainsi que les travaux de réfection de façades et de toiture sont soumis, pour préavis, à la CMNS (art. 85 al. 1 LCI). Ce préavis est motivé (art. 85 al. 2 LCI). En outre, la recourante qui a aussi bien contesté avoir violé une mesure de protection patrimoniale et admis dans son recours que la conservation de certains éléments d'intérêt avait été requise par l'instance compétente en matière patrimoniale, mais que ces éléments n'avaient pu être maintenus lors des travaux pour des raisons prétendument d'ordre technique, structurel et sécuritaire, admettant ainsi la circonstance aggravante qui a été retenue à juste titre par le département et confirmée par le TAPI.

La recourante nie avoir mis le département devant le fait accompli. Or, l'art. 1 al. 7 LCI prévoit expressément qu'aucun travail ne doit être entrepris avant qu'une autorisation n'ait été délivrée. Quant à la prétendue lenteur du traitement de sa demande, la recourante aurait pu mettre en demeure le département de rendre une décision, selon la procédure prévue par l'art. 4 al. 4 LCI, ce qu'elle n'a pas fait. La prétendue lenteur du département ne permet ainsi pas de justifier avoir mis celui-ci devant un fait accompli.

Finalement, la recourante estime que le caractère luxueux du duplex justifierait une diminution de la quotité de l'amende. Or, ce caractère, s'il était avéré, ce qui est discuté par les parties, l'une des conditions cumulatives étant notamment celle d'avoir sept pièces au moins (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 277), n'est pas pertinent pour la violation reprochée à la recourante, soit celle d'avoir réalisé des travaux de transformation au sens de l'art. 9 LDTR sans autorisation préalable. Il n'y a dès lors pas lieu de réduire l'amende pour ce motif.

À ces circonstances, il faut encore ajouter le fait que la recourante n'a déposé sa demande d'autorisation visant la régularisation des travaux que postérieurement à la visite du département. Ces travaux ont aussi été réalisés sans MPQ depuis le 12 janvier 2019, ce fait n'ayant toutefois été annoncé que le 11 octobre 2019 au département et les locaux occupés sans remise des pièces exigées par la loi pour ce faire. Il faut également tenir compte du fait que la propriétaire est une professionnelle de l'immobilier, à l’instar de son administrateur-président et unique actionnaire professionnellement actif depuis longtemps dans les milieux immobiliers genevois. Il est d’ailleurs administrateur-président avec signature individuelle de la société représentant la société recourante. Celle-ci n’allègue enfin pas avoir de difficultés financières à payer l’amende, ni a fortiori ne produit de pièces.

Compte tenu de ce qui précède, il faut constater que le département n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en fixant l'amende à CHF 10'000.-, soit la moitié du maximum prévu de CHF 20'000.- (art. 137 al. 2 LCI).

En tous points infondé, le recours de la propriétaire sera rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la propriétaire recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 4 avril 2022 par A______ et par le département du territoire contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2022 ;

au fond :

rejette le recours d'A______;

admet le recours du département du territoire ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance en tant qu'il annule l'obligation de fournir l'attestation globale de conformité partielle accompagnée des plans conformes à l'exécution concernant le rez et le 1er étage de l'immeuble, ainsi que les baux et dates d'occupation des locaux concernant ces deux mêmes étages (chiffre 3 dernière phrase) ;

le confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge d'A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à B______, mandataire d'A______, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Michon Rieben juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :