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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2002/2011

ATA/645/2012 du 25.09.2012 sur JTAPI/1328/2011 ( LDTR ) , REJETE

Parties : FIM MANAGEMENT SA / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2002/2011-LDTR ATA/645/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 septembre 2012

 

 

dans la cause

 

FIM MANAGEMENT S.A.

représentée par la Régie Zimmermann S.A., mandataire

contre

DÉPARTEMENT DE L’URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 novembre 2011 (JTAPI/1328/2011)


EN FAIT

1. Le 18 décembre 2008, FIM Management S.A., société anonyme sise à Genève (ci-après : FIM), a acquis de Monsieur Dimitri Pepcak, en copropriété avec Floresa S.A., la parcelle n° 2'601 du cadastre de la commune de Vernier, sise 2B, chemin de Mouille-Galland.

2. Le conseil d’administration de FIM est composé de Monsieur Pierre Zimmermann et de Mesdames Christine Zimmermann et Maëlle Zimmermann, tandis que sa mandataire était la régie Zimmermann S.A. (ci-après : la régie).

3. Le 1er mars 2009, FIM a racheté la part de Floresa S.A.

4. Sur la parcelle précitée, un immeuble locatif a été construit en 1964-1965.

5. Depuis le 1er septembre 2008, un appartement sis au 1er étage de l’immeuble précité a été loué à Monsieur Saïd Ramic en contrepartie du paiement d’un loyer mensuel de CHF 1'200.- + CHF 120.- de charges. Le bail mentionnait qu’il s’agissait d’un appartement de trois pièces.

6. M. Ramic a donné son congé pour la fin du mois de juin 2010.

7. L’appartement a été reloué dès le 1er septembre 2010 à Mesdames Kaveri Ishwar Karitas et Nadia Melik. L’avis de fixation du loyer lors de la conclusion d’un nouveau bail du 18 août 2010, mentionnait qu’il s’agissait d’un appartement de trois pièces dont le loyer était fixé à CHF 1'440.- par mois + CHF 130.- de charges.

8. Le 9 décembre 2010, l’Association genevoise de défense des locataires (ci-après : ASLOCA) a écrit au département des constructions et des technologies de l’information, devenu depuis le département de l’urbanisme (ci-après : le département). Elle représentait Mmes Karitas et Melik. Celles-ci venaient d’emménager dans un appartement « flambant neuf ». D’importants travaux de rénovation semblaient avoir été effectués avant leur entrée, soit le remplacement des installations sanitaires, du revêtement du carrelage et des faïences dans la cuisine, la salle de bains et les WC, le changement des équipements, des meubles et du plan de travail de la cuisine, la réfection des peintures dans toutes les pièces, le remplacement des radiateurs dans le salon et le hall d’entrée et la remise à neuf du parquet. Avant leur entrée dans l’appartement, la cuisine était séparée du séjour. Or, ce n’était plus le cas. Elle était ouverte et donnait sur celui-ci. Selon les recherches effectuées par l’ASLOCA, aucune autorisation n’avait été délivrée à la bailleresse pour effectuer ces travaux.

9. Le 19 janvier 2011, le département a effectué un contrôle sur place qui a fait l’objet d’un rapport d’enquête du 26 janvier 2011 auquel étaient annexées des photos de l’appartement, à l’appui des constats précités.

Selon les locataires en place, les travaux avaient été effectués avant leur emménagement le 1er septembre 2010.

Selon les constats de l’enquêteur, les travaux suivants avaient été réalisés dans le logement :

- la rénovation complète de l’espace cuisine avec pose de nouveaux revêtements sur parois et sol, nouvel agencement de cuisine avec plaques vitrocéramiques, four, frigo, hotte, évier en inox et robinetterie ;

- rénovation de la salle de bains avec pose de nouveaux revêtements sur parois et sol, installation de nouveaux appareils sanitaires, ainsi que d’une nouvelle armoire à pharmacie ;

- rénovation du local WC avec pose de nouveaux revêtements sur parois et sol et installation d’une cuvette suspendue ;

- réfection de la peinture dans tout le logement ;

- rénovation complète de l’installation électrique avec installation d’un nouveau tableau électrique, de nouvelles prises, de nouveaux interrupteurs et d’une nouvelle sonnette ;

- rénovation complète des parquets avec pose de nouveaux seuils des portes ;

- remplacement des poignées et des portes ;

- remplacement des radiateurs avec pose des vannes thermostatiques.

10. Le 26 janvier 2011, le département a écrit à la régie. Il n’avait été saisi d’aucune requête en autorisation de construire alors que ces travaux étaient susceptibles d’être assujettis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ainsi qu’à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). La société propriétaire était priée de se déterminer dans un délai de quinze jours.

11. Le 14 février 2011, la régie a répondu. Les travaux en question constituaient des travaux d’entretien et non de rénovation. Ils n’étaient dès lors pas assujettis à autorisation. L’agencement de la cuisine n’avait pas été changé depuis la construction de l’immeuble, soit depuis plus de quarante-cinq ans. Les travaux effectués dans la salle de bains étaient des simples travaux d’entretien, comme l’avaient été les travaux de peinture. Le parquet n’avait pas été refait, mais simplement poncé et vitrifié et de nouvelles plinthes posées. L’installation électrique avait été mise en conformité. Les radiateurs avaient été déposés pour permettre les travaux de peinture. Le coût total des travaux s’était élevé à CHF 28'519.-, soit :

- facture de Style Cuisine : CHF 6'500.-

- facture d’Armando Perrina & Fils : CHF 5'000.-

- facture de Barros : CHF 4'200.-

- facture de C. Sergi  : CHF 6'777.-

- facture d’Armesto S.à r.l. : CHF 1'935.-

- facture d’Electro-Service : CHF 3'800.-

- facture de CGC Dalkia : CHF 307.-

Le coût par pièce s’était élevé à CHF 9'506.- (CHF 28'519.- : 3). Des travaux d’un coût inférieur à CHF 10'000.- par pièce n’était pas soumis à la LDTR.

Quant à l’augmentation de loyer effectuée suite aux travaux, elle était raisonnable eu égard à la situation de l’immeuble et à la jurisprudence. La hausse de loyer annuelle était de CHF 2'280.-, soit CHF 760.- par pièce (CHF 2'280.- : 3). Les travaux effectués n’étaient pas soumis à la LDTR, notamment parce que la hausse de loyer qui en était résulté n’excédait pas les loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, dès lors qu’il y était déjà supérieur avant travaux.

12. Le 24 février 2011, le département a demandé à FIM de transmettre les factures citées par la régie et de fournir un plan à l’échelle de l’appartement concerné afin de vérifier le nombre e de pièces.

13. Le 14 mars 2011, FIM a transmis une copie des factures en question. Celles de Style Cuisine, d’Armando Perrina & Fils, d’Electro-Services et de CGC Dalkia ne mentionnaient pas le détail des travaux entrepris.

FIM a également fourni un plan de l’appartement. Celui-ci comportait deux pièces, soit un séjour et une chambre, ainsi qu’une salle de bains, un WC, une entrée et un balcon. Le séjour, selon les indications transmises, mesurait 21,75 m2, la cuisine étant incluse dans celui-ci ainsi que la surface du balcon qui avait été fermé, tandis que la chambre mesurait 12,80 m2.

14. Par décision du 27 mai 2011 adressée à FIM, le département a considéré que l’appartement comportait deux pièces et demie, sur la base de la surface comptabilisée dans le plan transmis par la régie. Les travaux entrepris avaient eu un coût total de CHF 28'596.- et consisté en la rénovation complète de l’espace cuisine et de la salle de bains, du local WC, de la peinture des murs, des plafonds et des boiseries des pièces ainsi que la rénovation de l’installation électrique, avec dépose et repose des radiateurs.

Les factures concernant les travaux d’agencement de cuisine, d’installation sanitaire et d’électricité ne comportaient pas le descriptif des travaux exécutés, et les travaux de serrurerie des portes de même que le changement des vannes thermostatiques n’avaient pas été mentionnés. Ces derniers postes devaient être ajoutés aux précédents.

Vu la nature et l’ampleur des travaux entrepris, et eu égard à l’absence de travaux d’entretien effectués régulièrement dans l’appartement, les travaux constituaient manifestement des travaux d’entretien différés dans le temps, assujettis à la LDTR. Puisque le département n’avait été saisi d’aucune demande d’autorisation de construire, FIM avait contrevenu à la LDTR, ainsi qu’à l’art. 1 LCI. Ordre était donné à FIM de déposer dans un délai de trente jours une requête en autorisation de construire, ayant pour objet les travaux précités.

15. Par acte posté le 27 juin 2011, FIM a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée du 27 mai 2011 du département, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que les travaux effectués dans l’appartement « de trois pièces » sis au 1er étage de l’immeuble 2B, chemin de Mouille-Galland n’étaient pas assujettis à la LDTR.

A la suite du départ le 30 juin 2010 de M. Ramic, FIM avait effectué les travaux d’entretien qui avaient fait l’objet des factures produites au département pour un montant total de CHF 28’519.-. Elle contestait toute soumission à la LDTR de ces travaux, qui n’étaient pas des travaux d’entretien différés dans le temps mais devaient être effectués au moment du départ d’un locataire. Il y aurait lieu d’entendre l’ancien propriétaire M. Pepcak. Elle n’avait pas changé les vannes thermostatiques, ni effectué les travaux de serrurerie des portes.

Finalement, l’appartement dont il était question était un trois pièces et non un deux pièces et demie, ainsi que cela ressortait du plan transmis.

L’augmentation de loyer effectuée à la suite des travaux était raisonnable. Le département avait violé la loi dans la mesure où il n’avait pas effectué le raisonnement en deux temps imposé par la jurisprudence en matière de travaux de rénovation, à savoir, premièrement, vérifier la nature des travaux, puis leur ampleur, leur coût et leur répercussion sur le montant du loyer.

16. Le TAPI a entendu les parties le 4 octobre 2011 en audience de comparution personnelle, FIM et la régie étant représentées par M. Zimmermann. En préambule, les parties se sont accordées pour admettre que les travaux, objet du litige, étaient ceux concernés par les factures produites.

Selon le département, l’appartement en question était un appartement de deux pièces et demie du fait de la mensuration de la cuisine. Dans la liste des travaux effectués, il n’y avait pas de travaux d’abattage d’un mur entre la cuisine et le séjour.

Selon M. Zimmermann, la cuisine était ouverte sur le séjour avant l’arrivée des locataires actuels, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il s’est engagé à produire l’état des lieux du locataire précédent.

Cette cuisine était très ancienne. Elle avait plus de vingt ans et il était nécessaire de la refaire.

Il avait indiqué au département les coûts bruts des travaux, mais des factures avaient été arrêtées avec un rabais de 5 %. En outre, sur la facture de plomberie, seuls CHF 3'500.- concernaient l’appartement litigieux.

Il s’agissait d’un appartement de trois pièces. Dans la mesure où le balcon avait été fermé, cela avait permis d’agrandir l’espace du salon en augmentant la surface du séjour. Ces travaux avaient été effectués à la suite de la création d’une nouvelle façade autorisée en 2009 et construite en 2010-2011. Le balcon était fermé et chauffé.

17. Le 12 octobre 2011, FIM a transmis une copie de l’attestation d’assurance-incendie du bâtiment émise par Generali Assurances Générales S.A. pour un montant total de CHF 6'902'401.-, ainsi que l’état des lieux d’entrée et de sortie du locataire précédent, établi le 2 septembre 2008.

Selon l’état des lieux d’entrée, l’appartement était en ordre, si ce n’était quelques petits dégâts à la baignoire. Ce document mentionnait l’existence d’une paroi de séparation en bois vitrée entre la cuisine et le salon, avec une porte coulissante. Dans le salon, les peintures et papiers peints étaient en ordre, ainsi que le parquet vitrifié. Il en allait de même de la chambre. L’appartement avait été rénové, les plafonds, murs et boiseries repeints, les parquets égrenés et vitrifiés. Selon l’état des lieux de sortie, le logement avait été rendu en l’état sans qu’il y ait quoique ce soit à signaler.

18. Le département ne s’est pas déterminé par écrit.

19. Par jugement du 23 novembre 2011, le TAPI a rejeté le recours de FIM. Il résultait des photographies prises par l’inspecteur du département et des factures produites que la réfection avait consisté en la remise à neuf complète de l’appartement. Il ne s’agissait pas d’une modeste remise en état des installations existantes, mais de travaux d’entretien différés dans le temps, assujettis à la LDTR. Dès lors, c’était à juste titre que l’autorité intimée avait ordonné à la recourante de déposer une demande d’autorisation de construire.

20. Le 23 décembre 2011, FIM a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI précité reçu le 25 novembre 2011, en concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit que les travaux effectués dans l’appartement de trois pièces au 1er étage de l’immeuble 2B, chemin de Mouille-Galand n’étaient pas assujettis à la LDTR. Préalablement, il y avait lieu de procéder à des enquêtes, et notamment à l’audition de M. Pepcak. Le TAPI avait considéré à tort que les travaux effectués étaient des travaux d’entretien différés dans le temps en rapport avec la vétusté des locaux. Certains d’entre eux ne relevaient ni de l’entretien ni de la rénovation mais de la mise en conformité, telle l’installation électrique. L’appartement en question était un appartement de trois pièces et non de deux pièces et demie. Il y existait une séparation en bois vitrée entre la cuisine et le salon, avec une porte coulissante, et le balcon était fermé et chauffé. L’état des lieux d’entrée de l’ancien locataire mentionnait que l’appartement avait été rénové.

Son droit d’être entendu de la recourante avait été violé, vu l’absence d’enquêtes. Les travaux effectués n’étaient pas soumis à la LDTR. Les pièces produites démontraient que l’appartement en question avait été rafraîchi en cours de vie, si bien que les travaux de peinture et de parquet qui avaient dû être effectués avaient été nécessités par des dégâts causés par l’ancien locataire.

Si la chambre administrative considérait qu’il s’agissait de travaux d’entretien différés dans le temps, la deuxième condition cumulative relevée par la jurisprudence pour que ceux-ci soient soumis à la LDTR n’était pas réalisée. En effet, l’impact de ces travaux pour un appartement de trois pièces n’était pas tel qu’il dépassait un montant de CHF 10'000.- par pièce.

21. Le 5 janvier 2012, le TAPI a transmis son dossier.

22. Le 20 février 2012, le département a conclu au rejet du recours. Seuls les travaux raisonnables d’entretien régulier n’étaient pas considérés comme des travaux de transformation, pour autant qu’ils n’engendrent pas une amélioration du confort existant. En l’espèce, les travaux effectués par FIM devaient être considérés comme relevant de la rénovation. L’entier de l’appartement avait été remis à neuf. Ces travaux avaient eu un coût conséquent puisqu’ils correspondaient à un montant de CHF 11'438,40 par pièce et avaient généré une augmentation de loyer - lequel était déjà supérieur à celui correspondant aux besoins prépondérants de la population, soit en l’espèce CHF 8'407,50 - de 15,83 %.

23. Le 23 février 2012, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 p. 197 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1 ; 8C_104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 consid. 2 et les arrêts cités). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 5A_11/2009 du 31 mars 2009 ; 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève-Zurich-Bâle 211, p. 509 n. 1526 ; A. AUER / G. MALINVERNI / M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 603, n. 1315 ss). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (Arrêts du Tribunal fédéral 6B_24/2010 du 20 mai 2010 consid. 1 ; 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_866/2010 du 12 mars 2012 consid. 4.1.1 ; 8C_643/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.3 et les références citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 5A_150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; ATA/276/2012 précité consid. 2 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

3. La recourante sollicite l’ouverture d’enquêtes et notamment l’audition du propriétaire de l’appartement précédant l’acquisition de 2008. Cependant, le dossier tel qu’il a été constitué par le TAPI permet à la chambre administrative de statuer en toute connaissance de cause. Aux pièces versées par les parties à la procédure, sont venues s’ajouter les informations résultant de l’audition de celles-ci par le TAPI, qui sont venues compléter sur certains points les faits allégués dans leurs écritures, ainsi que la production de pièces complémentaires dont la juridiction de première instance a requis la production. Dans ces circonstances, la chambre administrative renoncera à toute mesure d’instruction supplémentaire et statuera en l’état des pièces figurant à la procédure.

4. La recourante considère que son droit d’être entendu a été violé par le TAPI parce qu’il a refusé de procéder à l’audition du propriétaire de l’appartement au moment où elle l’a acquis en 2008. Pour les mêmes motifs qui ont conduit la chambre de céans à refuser d’ordonner des enquêtes, la juridiction de première instance était en droit de ne pas procéder à l’audition de ce témoin, qui n’était pas susceptible d’apporter des informations supplémentaires dans la mesure où des pièces ont été produites pour déterminer l’état antérieur du logement qui fait l’objet du litige. Ce grief sera écarté.

5. Un désaccord existe entre les parties au sujet du nombre de pièces du logement, qu’il y a lieu de trancher pour déterminer le quotient par lequel les montants de coût des travaux ou de loyer doivent être divisés pour obtenir des données par pièce (ATA/570/2010 du 31 août 2010 ; ATA/100/2010 du 16 février 2010).

6. Selon l’art. 52 al. 1 LCI, toute pièce pouvant servir à l’habitation doit avoir en principe 9 m2, mais au minimum 6 m2 de surface. Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, le département se réfère à l'art. 1 du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), selon lequel toute chambre d’une surface inférieure à 9 m2 compte pour une demi-pièce (art. 1 al. 5 let. a RGL), un appartement de 2 pièces et demie devant avoir une surface nette minimale de 37 m2, dont 12 m2 pour les chambres et 25 m2 pour les espaces communautaires (séjour - coin à manger - cuisine ; art. 1 al. 6 RGL). En outre, selon l’art. 1 al. 5 let. c RGL, si l’espace communautaire est égal ou supérieur à 25 m2, il compte pour deux pièces et s’il est inférieur à cette surface, il compte pour 1 pièce et demie.

7. L'art. 1 RGL s’applique au calcul du nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), sauf des logements d’utilité publique. La chambre de céans a déjà admis que les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relevant d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève, on pouvait parfaitement appliquer la disposition précitée, par analogie au calcul du nombre de pièces selon la LDTR (ATA/322/2008 du 17 juin 2008 ; ATA/567/2005 du 16 août 2005).

En l’espèce, selon les chiffres communiqués par la recourante, l’espace communautaire de l’appartement litigieux mesure 21,75 m2, cuisine incluse, soit une surface inférieure à 25 m2. Le nombre de pièces du logement doit être arrêté à 2 pièces et demie en vertu de l’art. 1 al. 5 let. c RGL, ainsi que le département l’a correctement apprécié.

8. a. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). Celle-ci prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1 LDTR).

b. Selon l'art. 3 al. 1 let. d et al. 2 LDTR, sont qualifiés de transformation les travaux qui ont pour objet la rénovation, c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve qu'il ne s'agisse pas de travaux d'entretien. Ces derniers, non assujettis à la LDTR, sont les travaux courants faisant partie des frais d'exploitation ordinaires d'une maison d'habitation. Les travaux raisonnables d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu'ils n'engendrent pas une amélioration du confort existant.

c. Dans la mesure où la loi vise principalement à maintenir un habitat correspondant, notamment sous l'angle économique, aux besoins prépondérants de la population, il faut éviter que des travaux non soumis à la loi ne conduisent à la longue à une érosion dudit habitat. En d'autres termes, la loi cherche à soumettre au contrôle de l'Etat certaines catégories de travaux, davantage en fonction des risques qu'ils font peser sur le caractère abordable des loyers qu'en fonction du type de travaux eux-mêmes (F. PAYCHÈRE / O. BINDSCHEDLER, La jurisprudence récente du Tribunal administratif du canton de Genève en matière d'entretien des immeubles in RDAF 1998 p. 368).

9. De jurisprudence constante il est admis, s’agissant de la distinction entre travaux d’entretien et de rénovation (ou transformation) consacrée à l’art. 3 LDTR, de tenir un raisonnement en deux temps, à savoir :

- examiner d'abord si, de par leur nature, les travaux en cause relèvent de l’entretien ou, au contraire, consistent en des travaux de rénovation. En prolongement de cette distinction, la jurisprudence a admis que des travaux d’entretien sont susceptibles d’aboutir à une rénovation ou à une transformation soumise à la LDTR lorsque, n’ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l’existence de l’immeuble, ou encore parce qu’ils n’ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation, même en tenant compte d’une exécution rationnelle commandant un regroupement, leur confère une incidence propre à engendrer un changement de standing de l’immeuble (ATA/135/2011 du 1er mars 2011 et la jurisprudence citée ; A. MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence in RDAF 1996 p. 314 et la jurisprudence citée),

- puis s'attacher ensuite à l’ampleur et, partant, au coût desdits travaux et à leur répercussion sur le montant du loyer dès lors qu’il pourrait en résulter un changement d’affectation qualitatif des logements, au risque que le loyer de ces derniers soit ne réponde plus aux besoins prépondérants de la population (ATA/646/2010 du 21 septembre 2010 et les références citées), soit ne soit plus compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.- la pièce par année (Arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 30 juin 2006, auquel renvoie l'art. 6 al. 3 LDTR, en vigueur à l’époque où les travaux ont été entrepris).

10. Ont été considérés comme relevant de l’entretien au regard de leur nature l’installation de nouveaux sanitaires, l’agencement des cuisines, la mise en conformité de l’installation électrique, la pose de nouveaux revêtements des sols et des parois, ainsi que les travaux de peinture et de serrurerie (ATA/40/2010 du 26 janvier 2010 et les références citées).

Il convient toutefois de tenir compte également des circonstances dans lesquelles les travaux sont accomplis, et notamment de leur accumulation en raison d'un défaut d'entretien courant des bâtiments concernés (ATA/646/2010 précité et les références citées).

Des travaux d'entretien différés dans le temps dont le montant a eu des conséquences importantes sur les loyers, lesquels ne répondent plus aux besoins prépondérants de la population, ont ainsi été jugés comme devant être soumis à autorisation. Ces coûts étaient respectivement de CHF 28'342.- pour un 3 pièces (ATA/646/2010 précité), de CHF 38'213.- pour un 3 pièces et demie (ATA/571/2010 du 31 août 2010 ; ATA/215/2008 du 6 mai 2008 ; ATA/278/2006 du 16 mai 2006), de CHF 79'359.- pour un 6 pièces et demie (ATA/751/2004 du 28 septembre 2004), de CHF 44'000.- pour un 4 pièces (ATA/659/2004 du 24 août 2004), de CHF 49'874.- pour un 4 pièces (ATA/618/2004 du 5 août 2004) ; de CHF 66'345.- pour un 4 pièces (ATA/802/2001 du 4 décembre 2001), de CHF 40'196.- pour un 4 pièces, de CHF 23'422.- pour un 3 pièces et de CHF 20'366.- pour un 4 pièces (ATA/365/2001 du 29 mai 2001), de CHF 10'650.- pour un 3 pièces, de CHF 31'830.- pour un 2 pièces, de CHF 31'530.- pour un 2 pièces et de CHF 9'050.- pour un 3 pièces (ATA/261/2001 du 24 avril 2001).

11. En l’occurrence, quel qu’ait été l’état antérieur de l’appartement concerné, les travaux entrepris par la recourante ne peuvent être considérés en raison de leur ampleur comme relevant d’un entretien courant de la chose louée au sens de l’art. 3 al. 2 LDTR, soit de travaux ayant pour objectif le maintien en état de celle-ci. Vu leur ampleur, ils avaient pour but de remettre à neuf l’appartement à l’occasion d’un changement de locataire par la réfection complète des peintures, papiers peints et parquets, avec pose des radiateurs, par l’installation d’un agencement de cuisine et de nouveaux sanitaires et par la mise en conformité des installations électriques, et doivent donc être assimilés à des travaux de rénovation soumis à autorisation, en vertu de l’art. 3 al. 1 LDTR.

Ces travaux doivent également être qualifiés d’importants sous l’angle de leur coût. Revenant à CHF 11'407.- par pièce l’an (CHF 28'519.- : 2,5), ils ne permettent pas de conserver à ce logement un loyer répondant aux besoins prépondérants de la population. De fait, ce dernier s’élevait avant travaux à CHF 5'760.- la pièce/l’an et dépassait déjà le montant maximal du loyer correspondant aux besoins prépondérants de la population, arrêté à CHF 3'363.- la pièce l’an par l’Arrêté du conseil d’Etat du 21 juin 2006 précité, en vigueur à l’époque où les travaux ont été entrepris.

12. La remise à neuf de l’appartement ayant été entreprise illégalement par la société propriétaire, le département avait raison d’engager une procédure de remise en conformité de la situation, en application de l’art. 129 let. e LCI, par renvoi de l’art. 44 al. 1 LDTR, et d’ordonner à la recourante de déposer une demande d’autorisation de construire, ce qu’elle aurait dû faire avant d’entreprendre les travaux. Le jugement du TAPI entrepris ne peut donc qu’être confirmé.

13. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2011 par FIM Management S.A. contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 novembre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de FIM Management S.A. ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à FIM Management S.A., soit pour elle à la régie Zimmermann S.A., mandataire, au département de l’urbanisme, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :