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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4162/2024

ATA/26/2025 du 10.01.2025 sur JTAPI/1279/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4162/2024-MC ATA/26/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 janvier 2025

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2024 (JTAPI/1279/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1963, (alias B______ né le ______ 65, de nationalité algérienne), est ressortissant algérien.

Selon ses dires, il serait en Suisse depuis « une quinzaine d’années ».

b. Il fait l'objet de deux mesures d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (centre-ville de Genève) : le 21 décembre 2012 pour une durée de six mois et le 29 juillet 2015 pour une année, ainsi que d’une assignation à la commune de Vernier pour une durée de 24 mois, du 16 octobre 2021 au 15 octobre 2023.

c. Le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé deux interdictions d'entrée en Suisse (ci-après : IES) à son encontre : la première, notifiée 15 octobre 2014, valable du 22 février 2013 au 21 février 2015 ; la seconde, notifiée le 5 mai 2016, valable du 26 août 2015 au 25 août 2018.

d. Par décision du 29 juillet 2015, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a prononcé son renvoi. Un délai au 12 août 2015 lui était imparti pour quitter la Suisse.

e. Il a fait l’objet de nombreuses condamnations pénales et de deux expulsions du territoire suisse au sens de l’art. 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), entrainant plusieurs détentions, notamment :

- le 2 mai 2013, par le Ministère public (ci-après : MP), pour délit et contravention contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et séjour illégal (art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 ; LEI - RS 142.20), à une peine privative de liberté de 5 mois, et à une amende de CHF 300.- ;

- le 6 avril 2017, par la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève (ci-après: CPAR), pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 LEI) à une peine privative de liberté de 7 mois, et à une amende de CHF 100.- ;

- le 12 juillet 2019, par la CPAR pour divers délits contre la LStup et séjour illégal (art. 115 LEI), à une peine privative de liberté de 7 mois, et à son expulsion du territoire suisse (art. 66abis CP) pour une durée de 3 ans ;

-       le 23 décembre 2020, par la CPAR pour rupture de ban (art. 291 CP) ainsi que délit et contravention à la LStup, à une peine privative de liberté de 180 jours, et à une amende de CHF 100.- ;

-       le 23 mars 2021, par la CPAR pour rupture de ban (art. 291 CP) et contravention à la LStup, à une peine privative de liberté de 6 mois, et à son expulsion du territoire suisse (art. 66abis CP) pour une durée de 3 ans ;

-       le 17 février 2023, par le Tribunal de police pour délit et contravention contre la LStup, non-respect d’une assignation à résidence (art. 119 LEI) et rupture de ban (art. 291 CP), à une peine privative de liberté de 8 mois, et à une amende de CHF 100.- ;

-       le 24 septembre 2023, par le MP, pour séjour illégal (art. 115 LEI), à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 10.-.

f. Le 22 février 2019, à sa sortie de prison, l'intéressé n'a pas retourné la carte de sortie du territoire à l'OCPM afin de prouver son départ de Suisse dans un délai de 48 heures conformément au courrier du 20 décembre 2018 de l'OCPM. Il a été présumé disparu et inscrit dans le système de recherches informatisées de police (ci-après : RIPOL) le 25 septembre 2019.

g. Le 4 mars 2020, le SEM a informé l'OCPM que A______ avait été identifié le 12 avril 2019 et s'était présenté aux entretiens consulaires obligatoires le 12 février 2020. Les autorités algériennes étaient disposées à délivrer un laissez-passer en sa faveur.

h. Le 31 mars 2024, sa libération conditionnelle a été refusée par le Tribunal d’application des peines et mesures.

i. Libéré le 31 octobre 2024, il a été remis entre les mains des services de police.

B. a. Le 31 octobre 2024, à 16h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de A______ pour une durée de deux mois.

b. Entendu le 4 novembre 2024 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie car il était kabyle et avait participé à des manifestations contre le gouvernement. Il avait fait un an de prison dans son pays d'origine avant de le quitter. Il avait ensuite été condamné par contumace à vingt ans de prison. Il serait emprisonné s'il y retournait. Il était d'accord de quitter la Suisse s'il était libéré. Il partirait en France car il y avait des connaissances. Il n'y avait toutefois pas de permis de séjour. En Suisse, il dormait dans des foyers où il était également nourri. Il ne travaillait pas et n'avait pas de domicile fixe. Il était en bonne santé, sous réserve d’un problème de tension. Il n'avait pas compris qu'il devait quitter le territoire suisse : la dernière fois qu’il était sorti de détention, on lui avait restitué ses affaires sans autres indications.

c. Par jugement du 4 novembre 2024, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de deux mois.

C. a. Par requête motivée du 16 décembre 2024, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de deux mois.

Un vol avec escorte policière à destination de l'Algérie était prévu pour le 28 décembre 2024. La détention administrative constituait l'unique moyen de mener à terme son rapatriement. Sa durée de deux mois ne violait pas le principe de proportionnalité eu égard au comportement adopté par l'intéressé.

b. Par courriel du 18 décembre 2024, l'OCPM a informé le TAPI que le vol du 28 décembre 2024 avait été annulé en raison de l'indisponibilité du laissez-passer.

c. Lors de l'audience du 19 décembre 2024 devant le TAPI, la représentante du commissaire de police a expliqué que les autorités algériennes n'avaient pas délivré le laissez-passer pour le vol prévu la veille et produit un document du SEM daté du 18 décembre 2024, indiquant que d'après le consulat algérien, le laissez-passer n'était pas bloqué. Une nouvelle demande de vol, avec escorte policière, avait été adressée par le SEM à SwissRepat.

A______ a réitéré son refus de retourner en Algérie et d’entreprendre des démarches en vue d'obtenir son passeport. Sa situation n'avait pas changé depuis l’audience du 4 novembre 2024. Il était toujours détenu. En Algérie, il avait été condamné à 20 ans de prison par défaut, avait été torturé, blessé à la jambe droite, libéré provisoirement et avait pris la fuite. Il craignait d'être à nouveau torturé s'il y retournait. Il avait des problèmes à la jambe, au cœur et de tension. Il avait été opéré des pieds auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Il ne consommait plus ni haschisch ni cigarettes. Il avait consommé du haschisch pour « oublier » et mieux dormir. Il avait respecté l'interdiction de périmètre mais on ne lui avait pas bien expliqué où il fallait dormir. S'il devait être assigné à résidence, il respecterait cette mesure.

Son conseil a conclu, principalement, à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement au prononcé de mesures moins incisives, plus subsidiairement, à ce que la durée de sa détention soit réduite.

d. Par jugement du 19 décembre 2024, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressé avait fait l'objet de deux expulsions judiciaires du territoire suisse d'une durée de trois ans et de deux décisions de renvoi de Suisse. Il avait été condamné pour avoir violé la mesure d'interdiction de pénétrer au centre-ville de Genève prononcée à son encontre le 29 juillet 2015 ainsi qu’à réitérées reprises, notamment pour des délits contre la LStup et pas seulement pour consommation de stupéfiants. Enfin, il y avait lieu de fortement craindre que, s'il était laissé en liberté, l’intéressé, qui n'avait ni domicile fixe ou lieu de résidence, se soustrairait à son refoulement de Suisse, par exemple en disparaissant dans la clandestinité et en reprenant son activité délictuelle. Les conditions légales de la détention administrative étaient réalisées.

Seule une détention était à même d'assurer l'exécution du renvoi, toute mesure moins incisive apparaissant d'emblée vaine, compte tenu du risque de fuite, respectivement d’un passage dans la clandestinité. L’intéressé n’indiquait d’ailleurs pas quelles mesures seraient réalisables. Il existait en outre un intérêt public certain à exécuter son renvoi. Les autorités compétentes avaient agi avec diligence, pour preuve le fait que malgré le vol annulé le 18 décembre 2024, elles se trouvaient dans l'attente du laissez-passer que les autorités algériennes n'avaient pas bloqué et avaient d'ores et déjà entrepris les démarches pour réserver un vol, avec escorte, en faveur de l'intéressé. Son renvoi à destination de l'Algérie était donc envisageable et possible, conformément à l'art. 83 al. 2 LEI.

La durée de la détention n'apparaissait pas disproportionnée, au vu des démarches en cours et encore à entreprendre et de l’opposition de l’intéressé.

L’allégation d’impossibilité de retourner en Algérie n'avait pas été prouvée. A priori, il ne s'agissait pas d'un cas d'inexigibilité au sens de l'art. 83 al. 4 LEI. En effet, le recourant ne serait pas concrètement mis en danger s'il devait retourner dans son pays d'origine.

La demande de prolongation de la détention administrative était admise pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 28 février 2025.

D. a. Par acte du 2 janvier 2025, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et à sa mise en liberté immédiate. Kabyle, il avait été torturé par le gouvernement algérien et condamné par défaut à 20 ans de peine privative de liberté. Il était inscrit sur la liste noire du gouvernement algérien et recherché par la police nationale pour avoir organisé des manifestations politiques.

Depuis son arrivée en Suisse, il avait toujours été atteignable et n’avait jamais disparu. Il avait purgé des peines privatives de liberté pendant de longs mois et avait été à disposition des autorités administratives. Depuis 15 ans, celles-ci n’avaient toutefois pas été en mesure d’obtenir de laissez-passer en sa faveur. Il souhaitait rentrer chez lui en Algérie mais était terrifié à l’idée d’être renvoyé de Suisse dans des conditions inhumaines où sa seule perspective consistait en une privation de liberté pour de nombreuses années. Il attendait ainsi la prescription de sa peine pour y retourner.

Les art. 80 al. 6 let. a LEI et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) avaient été violés. Il était notoire que les autorités algériennes réprimaient les Kabyles. Compte tenu de ses allégations de torture et sa condamnation à 20 ans de réclusion, un renvoi vers l’Algérie n’était pas envisageable contreviendrait à l’art. 3 CEDH.

Il était par ailleurs notoire que les autorités algériennes refusaient de délivrer des laissez-passer à leurs ressortissants. L’annulation du vol en raison de « l’indisponibilité » du laissez-passer confirmait que les autorités de son pays d’origine ne le délivreraient pas.

Le TAPI aurait dû approfondir les raisons pour lesquelles aucune preuve des persécutions subies n’avait été versée à la procédure. Or, il avait fait l’objet d’une libération provisoire avant d’être condamné. Il ne se trouvait pas en Algérie au moment de son jugement, raison pour laquelle aucun document ne pouvait étayer ses dires. Il était par ailleurs choquant que le TAPI se contente de constater que selon le SEM le laissez-passer n’était pas bloqué par les autorités algériennes. Rien n’expliquait pourquoi elles n’avaient pas délivré immédiatement un laissez-passer pour le vol du 28 décembre 2024, étant rappelé que les autorités suisses auraient par ailleurs pu en solliciter un depuis 15 ans. Le principe de la proportionnalité était en conséquence violé.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. Le recourant avait déclaré à la police, lors de son audition du 8 octobre 2020, avoir deux sœurs en Algérie. Son allégation selon laquelle il ne pouvait produire de pièces attestant de sa condamnation pénale au motif qu’il ne se trouvait pas en Algérie au moment de son jugement n’était en conséquence pas crédible. Il n’avait pas indiqué être en mauvais termes ou ne plus avoir de contact avec ses proches, lesquelles devaient pouvoir lui procurer les documents nécessaires.

Il produisait copie de plusieurs billets d’avion par lesquels des ressortissants algériens avaient été renvoyés depuis la Suisse dans leur pays d’origine en 2024. Il était dès lors erroné de soutenir que les autorités algériennes refusaient de délivrer des laissez-passer.

Une nouvelle exécution de l’expulsion du recourant avait été organisée pour le 20 janvier 2025. Le laissez-passer avait été demandé le 23 décembre 2024. Selon un courriel du SEM du 6 janvier 2025, il ignorait les raisons pour lesquelles le consulat algérien n’avait pas été en mesure d’émettre le laissez-passer requis le 21 novembre 2024, ce qui avait eu pour conséquence l’annulation du vol du 18 décembre 2024. Le SEM partait toutefois du principe qu’il s’agissait d’une erreur administrative.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé que l’OCPM mettait, à tort, en avant son passé pénal en y ajoutant des jugements de valeur. Or, toutes les références à son passé pénal ne servaient qu’à le dénigrer et étaient hors de propos. Les autorités algériennes ne transmettaient pas, « pour des raisons de secret » des jugements à des personnes autres que celle concernée par la décision. Enfin, l’autorité administrative ne démontrait pas qu’un laissez-passer pourrait être délivré pour le 20 janvier 2025.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 2 janvier 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3.             Le recourant conclut principalement à l’annulation de la prolongation de sa détention administrative pour une durée de deux mois et à sa mise en liberté immédiate.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.2 En vertu de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 LEI, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 LEI (art. 75 al. 1 let. b LEI), ou menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g LEI).

Une mise en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion est également possible lorsque des éléments concrets font craindre qu’elle entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

3.3 En l’espèce, le recourant a fait l’objet d’une décision de renvoi de l’OCPM ainsi que de deux décisions d’expulsion au sens de l’art. 66abis CP. Il n’a pas respecté les deux décisions successives d’interdiction de pénétrer dans une zone qui lui était interdite en vertu de l'art. 74 LEI et a quitté la commune de Vernier alors qu’il y était assigné. Ses condamnations pénales pour délits à la LStup sanctionnent un comportement de nature à menacer sérieusement la vie ou l’intégrité corporelle d’autres personnes. Enfin, le recourant ne s’est pas conformé aux interdictions d’entrée en Suisse prise à son encontre par le SEM et n’a pas respecté les délais qui lui avaient été impartis par l’OCPM pour quitter le territoire, éléments concrets faisant craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion.

Les conditions d'une mise en détention administrative de l’intéressé sont toujours remplies, en application des dispositions précitées, étant précisé que si les trois motifs de mise en détention sont remplis, un seul suffirait.

4.             Le recourant prétend que l'exécution de son expulsion est impossible. Il invoque une violation des art. 3, 5 et 8 CEDH et 80 al. 6 let. a LEI.

4.1 L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant.

Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées).

4.2 Conformément à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, et nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CourEDH), seul le déroulement de la procédure d'expulsion justifie la privation de liberté ; or, si la procédure n'est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de cette disposition (ACEDH Khlaifia et autres c. Italie [GC] du 15 décembre 2016, req. n° 1683/12, § 90; Suso Musa c. Malte du 23 juillet 2013, req. n° 42337/12, § 91).

4.3 L'art. 8 CEDH consacre le droit au respect de la vie privée et familiale, tout en admettant qu'il puisse y avoir une ingérence dans son exercice à certaines conditions précises, notamment lorsqu'une telle mesure est nécessaire est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Pour pouvoir invoquer la protection familiale découlant de l'art. 8 § 1 CEDH, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective (ATF 144 II 1 consid. 6.1 ; 131 II 265 consid. 5 ; 129 II 193 consid. 5.3.1) avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (sur cette notion ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1).

4.4 L’art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention administrative d'une personne étrangère devant quitter le territoire suisse doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 § 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt 2C_216/2023 du 22 juin 2023 consid. 6.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible, respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1 ; 2C_233/2022 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1 ; 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 ; 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1 ; 2C_634/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 2.1).

4.5 Le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2).

5.             Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

6.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

7.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

8.             La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ; LPA - E 5 10). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

9.             En l'espèce, le recourant a fait l’objet d’une décision de renvoi et de deux décisions d’expulsion au sens de l’art. 66abis CP. Le juge de la détention administrative devant en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, il n’appartient pas à la chambre administrative d’en vérifier la légalité.

Le recourant allègue toutefois que la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible compte tenu de sa situation en tant que Kabyle, précédemment détenu, torturé et condamné à vingt ans de détention en cas de renvoi. Force est de constater que le recourant se limite à alléguer lesdits faits sans aucun début de preuve de ses dires ne les rendant ainsi pas vraisemblables. Il reproche au TAPI de ne pas avoir instruit ces faits. Conformément cependant à l’art. 22 LPA, les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits, notamment pour les faits qui les concernent directement et qu'ils sont le mieux à même de connaître. En l’absence de tout élément, le grief du recourant doit être rejeté.

Enfin, le principe de célérité est respecté au vu des démarches entreprises, pièces à l’appui, par les autorités suisses (art. 76 al. 4 LEI). Celui de la proportionnalité n’est pas violé, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne paraissant apte à garantir la présence de l’intéressé lors du vol, compte tenu des condamnations de l’intéressé pour le non-respect de telles mesures précédemment prononcées. La prolongation de deux mois respecte la durée maximale autorisée et est nécessaire pour assurer la mise en œuvre du renvoi (art. 79 LEI).

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

10.         La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 janvier 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2024 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina BAZARBACHI, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement concordataire de détention administrative Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :