Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1377/2024 du 26.11.2024 sur DITAI/427/2024 ( LCI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3439/2023-LCI ATA/1377/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 26 novembre 2024 3ème section |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Me Jérôme NICOLAS, avocat
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés
et
B______ SA
C______ SA
D______ SA
représentées par Me Laurent BAERISWYL, avocat
et
E______ SA
représentée par Mes Guillaume FRANCIOLI et Romaine ZÜRCHER, avocats
A. a. A______ SA (ci-après : A______), inscrite au registre du commerce (ci‑après : RC) du canton de Genève, a pour but l’exécution de tous travaux de construction, transformation et démolition de bâtiments et tous travaux de gypserie et peinture, ainsi que l’exercice de toute activité financière, commerciale ou industrielle en rapport direct ou indirect avec son but.
b. B______ SA (ci-après : B______), inscrite au RC du canton de Genève, a pour but l’exploitation de gravières, le recyclage et le négoce de matériaux et toutes activités s’y rapportant.
c. D______ SA (ci-après : D______), inscrite au RC du canton de Genève, a pour but l’exploitation de gravières, le transport, la vente et le commerce de sables, de graviers et de tous matériaux ainsi que toutes opérations qui s’y rattachent.
d. C______ SA (ci-après : C______), inscrite au RC de Zurich, a pour but notamment l’extraction, la transformation et la distribution de sables et de graviers ainsi que la fabrication et la distribution de béton prêt à l’emploi et de produits apparentés.
e. E______ SA (ci-après : E______), inscrite au RC du canton de Genève, a pour but, en Suisse et à l'étranger (à l'exclusion d'opérations et de participations dans des sociétés ayant une activité immobilière en Suisse), l’exploitation, le traitement, le transport et la vente de graviers, de sables et de tous autres matériaux de construction, l’achat et la vente de tout matériel d'exploitation de gravière, la prise de participations dans le capital et administration de sociétés, et toutes opérations immobilières.
B. a. Par arrêté du 30 octobre 2013, le Conseil d’État a adopté le plan d’extraction de gravière « F______ » PE 1______ (ci-après : le PE).
Il recouvre une surface de 103 hectares en zone agricole et s’étend au nord de la route de G______ de part et d’autre de la route de H______. Le quart nord-ouest du périmètre est situé sur le territoire de la commune de H______, le reste du périmètre est sis sur la commune de I______. Ce plan correspondait à une zone d’exploitation du plan directeur des gravières, adopté le 28 juillet 2010 par le Conseil d’État, avec un volume potentiel d’environ 25 millions de m3.
Le plan d’extraction repose notamment sur un rapport d’impact sur l’environnement de mars 2013 (ci-après : RIE 2______).
b. L’exploitation du site était prévue en cinq étapes A à E, divisées chacune en secteurs et sur une soixantaine d’années.
c. Dans le cadre du PE, un consortium constitué de B______, D______ et C______ a déposé auprès du service de géologie, sols et déchets (ci‑après : GESDEC) du département, une requête d’autorisation d’exploiter une gravière.
d. Le 25 août 2016, le GESDEC a délivré au consortium l’autorisation d’exploiter no 3______ se rapportant à l’exploitation des secteurs A1 à A6 de l’étape A et des secteurs B1 à B4 de l’étape B du PE. Cette autorisation reposait sur un RIE, datant de 2016 (ci-après : RIE 5______).
e. Le 23 décembre 2021, A______ a acheté les parcelles nos 7'371 et 8'404, sises dans le périmètre du PE.
C. a. Le 11 novembre 2022, le consortium a déposé auprès du département une requête en autorisation de construire pour une installation de traitement de graviers sur les parcelles nos 8'398, 8'782 et 8'783, propriété de la commune de I______ et sises sur son territoire. La parcelle n° 8'398 a une superficie de de plus de 5 hectares. Les parcelles nos 8'782 et 8'783 sont des chemins d’exploitation agricole, adjacents à la parcelle n° 8'398.
Il résulte du plan cadastral produit à l’appui de la requête que les constructions projetées, indiquées en rouge selon les couleurs conventionnelles, se situent pour l’essentiel sur la parcelle n° 8’398, mais que deux bâtiments d’une superficie totale de 41.8 m2, un bassin ainsi que des places de stationnement se situeraient sur la parcelle n° 4'244.
b. Le 20 septembre 2023, le département a délivré l’autorisation de construire (DD/4______/1 ; ci‑après : la DD).
c. Le 20 octobre 2023, E______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (après : TAPI) en concluant principalement à ce que sa nullité soit constatée et subsidiairement à ce qu’elle soit annulée. Propriétaire de la parcelle n° 4'244, elle n’avait pas donné son accord aux installations et constructions autorisées.
d. L’annonce de ce recours a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 24 octobre 2023.
D. a. Par acte du 23 novembre 2023, intitulé « recours (intervention au sens de l’art. 147 al. 2 LCI) », A______ s’est adressé au TAPI concluant à ce qu’il déclare « le présent recours recevable » et, au fond, l’admette et annule la DD.
Propriétaire des parcelles n° 7'371 et 8'404, elle avait la « qualité pour recourir » en raison du fait que ses parcelles étaient situées à proximité immédiate des installations faisant l’objet de la décision attaquée.
Au fond, si le PE prévoyait un volume total d’exploitation de 30.755 millions de m³, le RIE 5______ mentionnait des volumes d’exploitation planifiés avoisinant 25 millions de m³. Le consortium ne serait pas en mesure d’atteindre les volumes d’exploitation planifiés, notamment en raison du fait qu’il n’avait pas la maîtrise de nombreuses parcelles situées à l’intérieur du périmètre exploitation et devait requérir une modification du PE. De surcroît, la diminution des volumes d’exploitation impactait le fonctionnement des installations de traitement des graviers, de sorte qu’une mise à jour du RIE était nécessaire.
Le RIE 5______ prévoyait une installation de traitement provisoire sur les parcelles nos 8'398, 7'452 (nouvellement nos 8'782 et 8'783), 4'244 et 2'428. Or, dans le cadre de sa requête en autorisation de construire, le consortium avait indiqué que les installations en cause prendraient place uniquement sur la parcelle n° 8'398, l’autorisation litigieuse prévoyant que seuls seraient concernées les parcelles nos 8'398, 8'782 et 8'783. Il en résultait que les modalités prévues par l’autorisation d’exploitation n’étaient plus d’actualité et que le consortium devait en requérir la modification.
Par ailleurs, des changements importants étaient intervenus entre le RIE 5______ et la requête d’autorisation litigieuse, de sorte qu’un nouveau RIE était nécessaire.
La DD portait sur des installations prévues pour au moins 50 ans, ce qui était contraire au préavis rendu par l’office cantonal du génie civil le 19 décembre 2022, prévoyant une dérogation pour les installations litigieuses, pour autant qu’elles soient provisoires.
Enfin, la mise à l’enquête publique de la DD dans la FAO était viciée, étant donné les manques mis en évidence, ainsi que la portée ou le redimensionnement du projet.
b. Le département s’est opposé à la demande d’intervention, A______ ne démontrant pas quel serait son intérêt digne de protection à s’opposer à l’autorisation de construire.
c. E______ a conclu à l’admission de la demande d’intervention, au motif que A______ était propriétaire des parcelles nos 7'371 et 8'404, voisine de celles visées par l’autorisation litigieuse.
d. Le consortium s’est opposé à la demande d’intervention, précisant que les parcelles d’A______ se trouvaient à environ 300 m des parcelles visées par l’autorisation de construire et qu’il s’agissait d’une distance trop importante pour admettre un intérêt digne de protection.
e. A______ a précisé qu’elle n’était pas au bénéfice des conventions signées par les anciens propriétaires avec le consortium. Cela étant, les parcelles dont elle était propriétaire ne pouvaient être exploitées sans son autorisation par le consortium. Ses droits étaient directement mis en péril par l’installation projetée et notamment son surdimensionnement.
f. Par décision du 9 août 2024, le TAPI a rejeté la requête d’intervention d’A______.
La requérante en intervention soutenait que son intérêt à ce que l’autorisation de construire litigieuse soit annulée découlerait du fait qu’elle n’aurait ainsi pas à subir les nuisances qui résulteraient des futures constructions. Elle précisait que les deux parcelles nos 7'371 et 8'404 dont elle était propriétaire se situaient à environ 280 m de celles qui faisaient l’objet de l’autorisation litigieuse, ce que confirmaient les outils de mesure du système d’information du territoire genevois (SITG).
Le SITG révélait, à teneur de l’orthophoto prise au printemps ou à l’été 2023, que les parcelles de la requérante en intervention ne se distinguaient alors pas des zones cultivées environnantes, mais qu’elles jouxtaient les parcelles nos 7'372, 7'373 et 7'374, lesquelles faisaient partie du plan d’extraction PE1______ et étaient d’ores et déjà exploitées en tant que gravière.
Dans ces circonstances, on distinguait mal en quoi les constructions autorisées par la décision litigieuse seraient de nature à causer des nuisances à la requérante en intervention. La requérante ne prétendait pas être elle-même l’exploitante de ses deux parcelles, vouées à l’agriculture, et n’y était donc présente d’aucune manière, de sorte que l’on ne voyait pas en quoi elle pourrait être concrètement impactée par les éventuels bruits, poussières ou émanations qui proviendraient des futures constructions. Puis, lorsque les parcelles nos 7'371 et n° 8'404 passeraient de l’exploitation agricole à l’exploitation en tant que gravière, elles produiraient elles‑mêmes à l’égard de la requérante les nuisances dont elle disait vouloir se protéger en l’espèce. Ensuite, il paraissait de toute manière très peu vraisemblable que les constructions litigieuses puissent être source de nuisances pour les parcelles nos 7'371 et 8'404, compte tenu de la distance qui les séparait et de leur position respective. En effet, le bassin lémanique était caractérisé principalement par deux grands régimes de vents, à savoir d’une part la bise qui soufflait du nord-est et le Vent qui est le plus souvent du sud-ouest. Or, il se trouvait que les parcelles qui faisaient l’objet de l’autorisation de construire litigieuse et celles de la requérante en intervention se trouvaient alignées, les unes par rapport aux autres, sur un axe est-ouest. Il n’apparaît ainsi vraisemblable ni sous le régime de la bise, ni sous celui du Vent, que les parcelles litigieuses puissent produire des poussières en direction des parcelles de la requérante. Quant autres émissions propres à l’exploitation d’une gravière (bruit, vibrations, etc.), il n’apparaissait pas non plus vraisemblable qu’elles puissent être perceptibles, compte tenu de l’effet conjugué de la distance qui séparait les parcelles en cause et du fait que les futures installations se trouveraient au fond de la fouille à environ 27 m de profondeur (soit, selon l’extrait du plan cadastral figurant au dossier, à une altitude de 387 m, la sortie se trouvant, à proximité de la route de H______, à une altitude d’environ 404 m). À tout le moins, dans ces conditions, d’éventuels bruits, vibrations ou autres émissions parvenant encore jusqu’aux parcelles de la requérante ne représenteraient très vraisemblablement plus une nuisance suffisante pour admettre un intérêt à en être protégé.
La requérante tentait encore de justifier son intérêt pour intervenir dans la procédure en raison du fait que les parcelles dont elle était propriétaire étaient incluses dans l’autorisation d’exploitation du 25 août 2016 et que dès lors, tout changement apporté à cette autorisation affecterait ses parcelles et donc ses intérêts. Par cette argumentation, la requérante démontrait en réalité son intention de faire usage de la présente procédure pour remettre en cause la position qu’occupait le consortium dans le cadre de l’autorisation d’exploitation susmentionnée et, par le biais d’une modification de cette dernière, tenter d’y prendre part également. Elle oubliait cependant que dans le cadre du présent litige, le TAPI n’examinait que l’autorisation de construire du 20 septembre 2023 et non l’autorisation d’exploitation du 25 août 2016 et que même si l’autorisation de construire devait in fine être annulée, cela n’entraînerait en soi aucune modification de l’autorisation d’exploitation.
La requérante ajoutait que les parcelles dont elle était propriétaire ne pouvaient être exploitées sans son autorisation par le consortium. Cet argument était cependant sans portée par rapport à la question de son intérêt pour intervenir, puisque le litige ne concernait pas l’exploitation desdites parcelles.
Enfin, l’ensemble de l’argumentation développée par la requérante au sujet des vices dont serait affectée l’autorisation litigieuse, et notamment le fait que les constructions et installations prévues seraient surdimensionnées par rapport aux volumes d’exploitation réellement attendus n’était pas pertinente pour juger de la qualité pour intervenir au sens de l’art. 147 LCI, laquelle s’analysait uniquement en amont, sous l’angle de l’intérêt pour recourir.
E. a. Par acte du 22 août 2024, A______ a interjeté recours contre cette décision devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à son annulation, à l’admission de sa demande d’intervention et subsidiairement au renvoi du dossier au TAPI. En tout état, une tentative de conciliation devait être ordonnée et un magistrat délégué à cet effet.
Elle était à proximité immédiate des parcelles concernées par la DD. Distante de 280 m, elle remplissait les conditions de recevabilité : des distances de 800 m pour un stand de tir ou de 290 m pour une antenne réseau avaient été retenues comme suffisantes par la jurisprudence pour que ce critère soit rempli.
Ses deux parcelles faisaient partie de l’autorisation d’exploiter du 25 août 2016. Ses intérêts seraient inévitablement affectés par tout changement apporté à cette autorisation.
Le fait que la recourante ne soit pas l’exploitante des deux parcelles toujours vouées à l’agriculture n’y changeait rien. Toute nuisance portée à son bien diminuerait sa valeur.
En l’absence de tout détail sur les modifications relatives aux modalités de traitement des matériaux, notamment en termes de quantité, de provenance et de destination, elle ne pouvait pas développer les manques de l’installation.
b. Le département a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. A______ n’était pas propriétaire d’une parcelle adjacente à celles visées par la DD. Une route cantonale et près de 300 m les séparaient. Les autorisations d’exploiter et de construire étaient indépendantes. Une conciliation était inutile s’agissant d’une question de droit.
c. C______, B______ et D______ ont conclu au rejet du recours. Les parcelles propriété d’A______ n’étaient pas adjacentes à celles concernées par le projet de construction. La DD était sans lien avec l’autorisation d’exploiter une gravière et ne lésait pas les droits de la recourante. Une tentative de conciliation était inutile.
d. E______ s’en est rapportée à justice.
e. Dans sa réplique, A______ a relevé qu’étant en campagne, sans immeubles entre les parcelles, l’impact de la DD sur ses parcelles serait plus grand.
f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le recourant sollicite une audience de conciliation.
2.1 Selon l’art. 65 al. 1 LPA, les juridictions administratives peuvent en tout temps procéder à une tentative de conciliation.
2.2 La question juridique à trancher ne laisse aucune marge de négociation, dès lors qu’elle porte sur la qualité de partie intervenante de la recourante. Or, la position de chacune des parties est connue. La recourante a pu faire valoir ses arguments par écrit, produire toutes pièces utiles et développer les raisons pour lesquelles dite qualité devrait, de son point de vue, lui être reconnue. Les intimés contestent la position de la recourante et se sont opposés à toute tentative de conciliation. Une audience à cette fin apparait en conséquence inutile, étant rappelé qu’il ne s’agit que d’une possibilité offerte par la LPA et non d’une obligation (ATA/1251/2023 du 21 novembre 2023).
Il ne sera en conséquence pas donné suite à la requête en fixation d’une audience de conciliation.
3. Le litige porte sur le rejet, par le TAPI, de la requête d’intervention de la recourante. Cette dernière considère avoir un intérêt digne de protection et la qualité pour intervenir dans la présente procédure.
3.1 Le TAPI publie dans la FAO tous les recours dont il est saisi contre les autorisations délivrées par le département ou les refus (art. 147 al. 1 LCI). Selon l’art. 147 al. 2 LCI, l’avis publié par le TAPI mentionne que les tiers disposent d’un délai de trente jours pour intervenir dans la procédure et que, s’ils s’abstiennent de cette démarche, ils n’auront plus la possibilité de recourir contre la décision du TAPI, ni de participer aux procédures ultérieures.
3.2 L’ancien Tribunal administratif, dont la jurisprudence est reprise par la chambre de céans, a jugé que l’art. 147 al. 2 LCI n’avait pas été adopté pour permettre à des personnes dépourvues de la qualité pour recourir d’intervenir dans tout litige portant sur une autorisation de construire, mais afin d’éviter qu’un tiers puisse recourir contre une décision de la juridiction administrative de première instance en se prévalant du fait qu’il n’avait pas été informé de l’existence du premier recours. Cette disposition poursuivait un but patent d’économie de procédure (ATA/424/2008 du 26 août 2008 consid. 3).
La chambre administrative a ensuite précisé que l’art. 147 al. 2 LCI autorisait tout tiers intéressé à l’issue d’un recours contre une décision d’autorisation délivrée par le département à intervenir dans la procédure ouverte devant le TAPI dans un délai de trente jours suivant la publication de l’annonce de son dépôt, même si ledit tiers avait renoncé à recourir directement contre ladite décision. Toutefois, conformément à la jurisprudence cantonale précitée, la recevabilité de sa démarche était soumise à l’existence d’un intérêt digne de protection au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, afin d’éviter l’action populaire (ATA/420/2014 du 12 juin 2014 consid. 7). L’exercice du droit d’intervention prévu à l’art. 147 al. 2 LCI ne plaçait pas l’administré dans une position similaire à celle du recourant ; il ne pouvait développer sa position qu’en fonction du cadre du recours principal et sa position de partie dépendrait du maintien de ce dernier. L’avantage de cette institution était de régler, dans le cadre d’une seule procédure de recours, toutes les contestations que pouvait susciter la décision litigieuse du département, quelle que fût l’issue du recours (ATA/420/2014 précité consid. 6).
3.3 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l’arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).
3.4 Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_433/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).
3.5 Selon l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).
3.6 En ce qui concerne les voisins, seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis (ATF 133 II 409 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2). Le recourant doit ainsi se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire d’un terrain directement voisin de la construction ou de l’installation litigieuse (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_387/2021 du 20 février 2023 consid. 1.1 ; ATA/1237/2021 du 16 novembre 2021 consid. 2b ; Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2013, p. 92). Outre les propriétaires voisins, les propriétaires par étage, les superficiaires, les locataires et les preneurs à ferme sont susceptibles de remplir cette condition (arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 1.2 ; ATA/1075/2020 du 27 octobre 2020 consid. 2d ; Heinz AEMISEGGER/Stephan HAAG, in : Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire pratique LAT : Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, p. 357 n. 70 ad art. 33 LAT).
La qualité pour recourir peut être donnée en l’absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l’immeuble des recourants de l’installation litigieuse (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_346/2011 du 1er février 2012 publié in DEP 2012 p. 692 consid. 2.3 ; ATA/453/2021 du 27 avril 2021 consid. 2b).
La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de l’arrêt contesté qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 137 II 30 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2021 du 10 janvier 2023 consid. 1.1.1 ; ATA/17/2023 du 10 janvier 2023 consid. 11b ; Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit public de la construction, 2024, p. 625 ; Heinz AEMISEGGER, in : Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire pratique LAT : Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, p. 545 n. 179 ad art. 34 LAT ; Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2013, p. 93).
3.7 Le critère de la distance n’est pas le seul déterminant car la question de savoir si le voisin est directement atteint nécessite une appréciation de l’ensemble des circonstances pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997 publié in RDAF 1997 I p. 242 consid. 3a). Des voisins proches peuvent ne pas être légitimés à recourir au motif que la construction envisagée n’aura pas d’impact sur leur situation. À l’inverse, des voisins situés même à une grande distance disposeront de la qualité pour recourir dès lors qu’ils seront touchés plus que le reste de la population (Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., p. 627). Le Tribunal fédéral a notamment considéré que des voisins situés à environ 100 m de la construction projetée n’étaient pas particulièrement atteints s’ils ne voyaient pas depuis leur propriété la toiture qu’ils critiquent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_338/2011 du 30 janvier 2012 consid. 3.1).
S’il est certain ou très vraisemblable que l’installation litigieuse serait à l’origine d’immissions – bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres – touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2021 du 10 janvier 2023 consid. 1.1.1 ; ATA/1237/2021 du 16 novembre 2021 consid. 2d). Il importe peu, alors, que le nombre de personnes touchées soit considérable – dans le cas d’un aéroport ou d’un stand de tir, par exemple (ATF 124 II 293 consid. 3a publié in RDAF 1999 I p. 624). Il en va de même quand l’exploitation de l’installation comporte un certain risque qui, s’il se réalisait, provoquerait des atteintes dans un large rayon géographique, dans le cas d’une centrale nucléaire ou d’une usine chimique, par exemple (ATF 120 Ib 379 consid. 4d/e ; RDAF 2007 I p. 426 = DEP 2006 p. 904 ; ATA/66/2020 du 21 janvier 2020 consid. 2b).
Les émissions ou les risques justifiant l’intervention d’un cercle élargi de personnes doivent présenter un certain degré d’évidence, sous peine d’admettre l’action populaire que la loi a précisément voulu exclure (arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2021 du 10 janvier 2023 consid. 1.1.1). Il en va ainsi des riverains d’un aéroport, situés dans le prolongement de la piste de décollage, des voisins d’un stand de tir (cf. arrêts précités) ou des propriétaires ou locataires de parcelles exposées aux émissions d’une installation de téléphonie mobile, si celles-ci sont situées dans un certain périmètre (arrêt du Tribunal fédéral 1A.62/2001 du 24 octobre 2001 consid. 1b : qualité pour agir reconnue à une personne habitant à 280 m de l’installation, mais pas admise à 800 m ; Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2013, p. 117). Lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances. Ainsi en va-t-il particulièrement en milieu urbain où la définition du cercle des personnes touchées plus que n’importe quel habitant d’une agglomération n’est pas une chose aisée (arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3.5 ; ATA/453/2021 du 27 avril 2021 consid. 2c).
3.8 Dans l’examen de l’intérêt pratique au recours, le Tribunal fédéral examine chacun des griefs soulevés et ne prend en considération au stade de la recevabilité du recours que ceux dont l’admission procurerait au recourant un avantage, de fait ou de droit. Si aucun des griefs présentés ne satisfait à cette condition, le recours sera déclaré irrecevable dans son ensemble (Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., p. 620 et p. 621).
3.9 En l’espèce, en se fondant sur les plans du SITG les points les plus proches qui séparent les parcelles nos 8'404 de la recourante et 8'398 sur laquelle la construction est prévue, se trouvent à quelques 280 m. Une route cantonale est située entre elles à l’instar de champs d’une longueur de plus de 230 m. La seconde parcelle de la recourante est plus éloignée, son point le plus proche étant à 330 m. Les parcelles de la recourante ne sont pas directement en face du projet. Au vu de ces éléments, il ne peut être considéré que la propriété de la recourante serait proche, au sens de la jurisprudence susmentionnée, de la construction faisant l’objet du litige. La recourante ne peut être reconnue comme un voisin direct.
La recourante ne fait pas non plus la démonstration qu’il serait certain ou très vraisemblable que l’installation litigieuse sera à l’origine d’immissions (bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres), de surcroît la touchant spécialement. La recourante ne démontre par ailleurs pas sur quels points le TAPI se serait trompé en retenant que l’effet conjugué de la distance qui séparait les parcelles en cause et du fait que les futures installations se trouveraient au fond de la fouille à environ 27 m de profondeur impliquerait une forte réduction des nuisances éventuelles, ni pour quels motifs les considérations sur le sens du vent, références à l’appui, ne seraient pas conformes à la réalité.
Contrairement à ce que soutenait la recourante, le litige ne porte que sur une autorisation de construire une installation. Les griefs relatifs à l’autorisation d’exploiter du 25 août 2016 sont hors de l’objet du litige.
Enfin, il était loisible à la recourante d’aller consulter le dossier de l’autorisation de construire (art. 3 al. 2 LCI). Elle ne peut en conséquence pas se plaindre d’une absence de tout détail sur les modifications relatives aux modalités de traitement des matériaux, notamment en termes de quantité, de provenance et de destination, l’empêchant de développer les manques de l’installation.
Infondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à B______ SA, C______ SA et D______ SA, solidairement, à la charge d’A______. Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à E______ qui s’en est rapportée à justice (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 22 août 2024 par A______ SA contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 9 août 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 900.- à la charge d’A______ SA ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à B______ SA, C______ SA et D______ SA, prises solidairement, à la charge d’A______ SA ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Jérôme NICOLAS, avocat de la recourante, à Me Laurent BAERISWYL, avocat de B______ SA, C______ SA et D______ SA, à Mes Guillaume FRANCIOLI et Romaine ZÜRCHER, avocats de E______ SA, au département du territoire - OAC, à l’office fédéral du développement territorial ainsi qu’à l’office fédéral de l’agriculture.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Philippe KNUPFER, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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