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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1017/2021

ATA/1237/2021 du 16.11.2021 sur JTAPI/685/2021 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1017/2021-LCI ATA/1237/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 novembre 2021

3ème section

 

dans la cause

 

Madame A______, Madame B______, Madame C______, Monsieur D______, Madame E______, Madame F______, Monsieur G______, Madame H______, Monsieur I______, Madame J______, Monsieur K______, Madame et Monsieur L______, Madame M______, Monsieur N______, Madame O______, Monsieur P______,

représentés par Me Thomas Barth, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL
représenté par Me Bertrand Reich, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er juillet 2021 (JTAPI/685/2021)


EN FAIT

1) L'Hospice Général (ci-après : l'hospice) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de Q______, d'une surface de 72'948 m², sise pour partie en zone de développement 3 et de fond agricole, pour partie en zone agricole et pour partie en zone bois et forêts. Au nord de la parcelle se trouve la R______ et ses extensions, à l'ouest, parallèle à la forêt, le pavillon S______ - bâtiment n° 2______ - et au sud, trois immeubles de logements.

Le pavillon S______, constitué de trois étages sur rez-de-chaussée, était à l'origine destiné à un établissement médico-social (EMS) et a pour adresse le chemin T______.

2) Le 18 décembre 2020, l'hospice a déposé une requête en autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) portant sur la transformation provisoire du pavillon S______ en foyer pour mineurs et pour jeunes adultes, pour une durée temporaire de cinq ans, enregistrée sous APA 3______.

Le projet prévoit notamment l'aménagement de six chambres et douze studios pour les mineurs, une chambre pour un veilleur, huit chambres et dix-huit studios pour les jeunes adultes.

3) Dans son courrier du 15 décembre 2021, l'atelier d'architecture mandaté a précisé que les travaux de transformation temporaire avaient, selon la demande du Conseil d'État et en collaboration avec la Fondation officielle de la jeunesse (ci-après : FOJ), pour but de reloger dans les meilleurs délais des requérants d'asile mineurs non accompagnés (ci-après : RMNA), actuellement hébergés au centre de l'Étoile, lieu qui n'était pas adéquat.

Le foyer pour mineurs occuperait le rez-de-chaussée et le premier étage, alors que les deuxième et troisième étages seraient occupés par un foyer destiné à de jeunes adultes en formation non universitaire ou à de jeunes travailleurs à faible revenu.

Parallèlement à ce projet, une étude de rénovation complète et de surélévation du bâtiment était en cours.

Le pavillon S______ avait été en fonction jusqu'au mois d'avril 2020, ce qui expliquait les travaux légers de rafraîchissement et de mise en conformité des locaux.

4) Dans le cadre de l'instruction de la requête, les préavis favorables suivants ont notamment été émis :

- le 8 janvier 2021, par la direction de la planification directrice cantonale et régionale ;

- le 25 janvier 2021, par l'office cantonal de l'eau, sous différentes conditions ;

- le 25 janvier 2021, par la police du feu, sous différentes conditions ;

- le 27 janvier 2021, par la commune de Q______ ;

- le 16 février 2021, par la direction des autorisations de construire, vu la durée provisoire et le fait que le pavillon était situé en zone de développement 3.

Le 29 janvier 2021, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a indiqué estimer ne pas être concerné par le projet.

5) En date du 16 février 2021, l'APA 3______ a été délivrée et publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (FAO).

6) Le 1er avril 2021,Madame A______, Madame B______, Madame C______, Monsieur D______, Madame E______, Madame F______, Monsieur G______, Madame H______, Monsieur I______, Madame J______, Monsieur K______, Madame et Monsieur L______, Madame M______, Monsieur N______, Madame O______ et Monsieur P______ (ci-après : Mme A______ et consorts) ont formé recours contre cette autorisation de construire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation.

Ils étaient propriétaires des villas situées à proximité immédiate de la parcelle n° 1______ concernée par les travaux et le changement d'affectation, de sorte qu'ils étaient directement et personnellement touchés par les travaux litigieux.

L'autorité intimée ne s'était pas prononcée sur la question du changement d'affectation, qu'elle aurait dû refuser. Partant, le département avait violé la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

L'hospice n'avait pas joint à sa demande le descriptif des travaux envisagés selon le formulaire de l'OCLPF. Aussi, on ne pouvait pas comprendre, au vu du dossier d'autorisation tel qu'il avait été déposé, la nature et le détail des travaux envisagés, ni la manière dont ils seraient réalisés.

Les mesures que contenait le rapport de protection incendie avaient été analysées en fonction d'une durée d'utilisation du bâtiment de deux ans seulement. Si la demande d'autorisation visait initialement un projet devant trouver place pendant trente-six mois, le 2 février 2021, l'hospice avait révélé que sa durée serait de cinq ans. Il était ainsi choquant que le département ait délivré l'autorisation de construire en se fondant sur un rapport à tel point erroné. Il allait de la sécurité des futurs habitants du projet tout comme de leurs voisins que les mesures adéquates soient prises.

7) Dans sa réponse du 30 avril 2021, l'hospice a conclu à l'irrecevabilité du recours et au fond à son rejet. Préalablement, il a requis le retrait de l'effet suspensif au recours.

8) Le 17 mai 2021, Mme A______ et consorts se sont opposés à la levée de l'effet suspensif. Le département s'en est rapporté à justice sur cette question.

9) Le 20 mai 2021, le DT a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

10) Le 31 mai 2021, l'hospice a répliqué sur la question de l'effet suspensif.

11) Dans leur réplique du 18 juin 2021, Mme A______ et consorts ont essentiellement sollicité la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure A/687/2018 (concernant une demande d’autorisation de l'hospice de construire un centre d’accueil pour RMNA, avec possibilité d’accueillir un maximum de trois cent personnes, sur une parcelle située en 5ème zone sur la commune de V______), alors pendante devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

12) Le 28 juin 2021, Mme A______ et consorts ont produit une nouvelle écriture, développant en particulier la question de leur qualité pour recourir. La distance à prendre en considération n'était pas celle qui séparait les extrémités du pavillon S______ de leurs habitations, mais celle qui séparait les parcelles en cause. Le changement d'affectation d'une maison de retraite en vue de l'hébergement de jeunes adultes, respectivement de jeunes RMNA, mettrait à mal la sérénité et la tranquillité environnantes.

13) Par jugement du 1er juillet 2021, le TAPI a déclaré le recours interjeté le 18 mars 2021 irrecevable.

Mme A______ et consorts étaient tous propriétaires de bien-fonds situés le long du chemin U______. Il résultait de la consultation du système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG) que le début de ce chemin était relativement proche de l'extrémité sud de la parcelle n° 1______ (environ 10 m). Toutefois, la parcelle la plus proche, à savoir la parcelle n° 4______, propriété de Mme B______, se situait, à vol d'oiseau, à quelque 198 m du bâtiment 2______ concerné par les travaux de transformation. De plus, les villas de Mme A______ et consorts étaient séparées du pavillon S______ pour certaines par la route de Q______ d'une part, et par un groupe de trois bâtiments d'autre part, et pour d'autres également par le chemin T______. Mme A______ et consorts n'étaient ainsi, au sens de la jurisprudence, pas directement voisins du bâtiment concerné.

Ces derniers ne se plaignaient par ailleurs nullement du fait que la transformation provisoire autorisée serait susceptible d'émettre des immissions – bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres – les touchant spécialement.

En revanche, ils redoutaient une perte de sérénité de leur quartier du fait de l'hébergement, temporairement, de RMNA et de jeunes adultes. Or, la parcelle concernée par le projet, se situait, pour sa plus grande partie, en zone de développement 3, destinée aux grandes maisons affectées à l'habitation, au commerce et aux activités du secteur tertiaire, voire à d'autres activités (art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 [LaLAT - L 1 30]). Le projet querellé s'inscrivait donc dans une zone pouvant être traitée différemment d'un quartier de villas.

Dans ces circonstances, il n’apparaissait pas que l'hébergement d'environ quarante-cinq personnes jeunes, entraînerait la survenance de nuisances, en particulier en terme de perte de tranquillité, atteignant le degré de vraisemblance ou de consistance tel qu’exigé par la jurisprudence et touchant spécialement et directement Mme A______ et consorts. Par ailleurs, vu les distances séparant leurs parcelles du pavillon en question, un hypothétique risque en matière d'incendie, au motif que le rapport en la matière serait incomplet, ne saurait à lui seul les placer dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation.

Partant, les préjudices invoqués demeuraient incertains et ne permettent pas de reconnaître un intérêt digne de protection à Mme A______ et consorts, de sorte que la qualité pour recourir devait leur être déniée.

14) Mme A______ et consorts ont formé recours contre ce jugement, notifié le 2 juillet 2021, par acte expédié le 31 août 2021 à la chambre administrative, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour instruction sur le fond.

Ils considéraient, ce qui ressortait de la brièveté du jugement attaqué, que le TAPI avait traité leur recours de manière expéditive et extrêmement légère. La très brève motivation, tenant quasiment sur une page, était de surcroît hautement discutable.

Le fait qu'un chemin ou une route sépare les parcelles en cause était indifférent s'agissant de la qualité pour recourir. Le chemin T______ était en outre extrêmement peu fréquenté. D'autre part, la distance à prendre en compte n'était pas celle séparant les extrémités des bâtiments en cause, mais celle séparant les extrémités des parcelles. Or, cette distance était bien inférieure à 198 m. Le TAPI avait à juste titre considéré que le chemin U______, sur lequel se situaient toutes leurs propriétés, était proche de l'extrémité sud de la parcelle n° 1______, soit 10 m, la distance sur laquelle ils fondaient leur qualité pour recourir.

Outre ce critère de la distance, ils pouvaient se prévaloir de l'impact drastique qu'entraînerait indubitablement l'hébergement d'une cinquantaine de jeunes adultes, de la FOJ et des RMNA, à quelques mètres de leur habitation. Le TAPI ne s'était nullement penché sur la différence majeure entre la population hébergée par le Pavillon S______ jusque-là et ce depuis plus d'un siècle, et celle envisagée. Leur quartier, particulièrement calme et paisible, dans lequel régnait un climat de confiance, souffrirait d'une moins-value par la mise en place du foyer projeté qui viendrait profondément modifier l'image du quartier actuel.

Rien ne garantissait que l'hospice ne requerrait pas au-delà des cinq ans d'exploitation initialement prévus une prolongation, pratique fort courante et confortée en l'espèce par une durée initiale modifiée de trois à cinq ans, juste avant la délivrance de l'autorisation querellée. Ainsi, les atteintes à leurs intérêts perdureraient de très nombreuses années et en seraient majorées d'autant.

L'intérêt de l'hospice à loger des RMNA et des jeunes de la FOJ dans le Pavillon S______ n'était plus d'actualité, voire totalement inexistant, puisque la chambre administrative avait récemment rejeté le recours de riverains du projet prévu dans ce but à V______.

Le TAPI n'avait pas procédé à l'analyse de leur qualité pour recourir en matière de risque d'incendie. Le préavis de la police du feu et le rapport de protection incendie étaient biaisés, dans la mesure où ils avaient été établis en tenant compte d'une utilisation du bâtiment de deux ans seulement, si bien que certaines mesures de sécurité pertinentes avaient été écartées. Ce risque était accru par la situation du Pavillon S______ et de leurs propriétés, en zone rurale et résidentielle bordée de champs et de forêts. Ils étaient légitimés à se prévaloir de cet argument, ce qui ressortait même de la jurisprudence citée par le TAPI (JTAPI/614/2021 du 15 juin 2021). Cette instance était entrée en matière sur le recours en question, dans une affaire similaire, et avait analysé dans le détail le grief des recourants relatif à un risque en matière d'incendie. Par ailleurs, il était fréquent que se déclarent des incendies intentionnels ou dus à la négligence dans ce type de centre d'hébergement.

Ainsi, ils disposaient bien de la qualité pour recourir puisqu'ils étaient directement touchés par l'autorisation querellée et le TAPI avait violé la loi en leur niant cette qualité.

15) Le département a conclu, le 23 septembre 2021, au rejet du recours.

La parcelle la plus proche du pavillon S______, soit celle de Mme B______, était située à vol d'oiseau à quelque 198 m de l'extrémité dudit pavillon, seule distance pertinente selon la jurisprudence. Outre cette importante distance, les villas de Mme A______ et consorts étaient, comme cela ressortait des données du SITG, séparées du pavillon pour certains par la route de Q______, pour d'autres par un groupe de trois fois trois bâtiments de cinq étages, ou encore par le chemin T______. C'était donc à juste titre que le TAPI avait retenu qu'ils n'étaient pas directement voisins du bâtiment en cause.

Le TAPI avait à juste titre analysé la localisation du bâtiment et retenu que le projet s'inscrivait dans une zone pouvant être traitée de façon différente d'un quartier de villas. Par ailleurs, les jeunes appelés à y résider seraient entourés de façon adéquate. La perte de tranquillité que subiraient Mme A______ et consorts n'atteindrait pas le degré requis par la jurisprudence pour considérer qu'ils en seraient touchés spécialement et directement.

L'argument d'une perte de valeur de leurs biens générée par le projet litigieux, outre qu'il semblait être de nature civile et exorbitant au présent litige, ne pouvait pas être admis pour fonder leur qualité pour agir, conformément à la jurisprudence.

Le mandataire de l'hospice avait mentionné dans son courrier du 15 décembre 2020 que le projet était temporaire, le temps de mener à bien une étude de rénovation complète et de surélévation de l'immeuble. Le projet de l'hospice à V______ faisait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.

Il précisait la manière dont devait se lire le rapport de protection incendie et les dispositions prévues. Le préavis de la police du feu valait tant pour la période de deux ans que pour celle de cinq ans.

Ainsi, les préjudices invoqués demeuraient purement incertains et ne permettaient pas de reconnaître un intérêt digne de protection à Mme A______ et consorts.

16) L'hospice a conclu, le 23 septembre 2021, au rejet du recours.

Il a exposé en substance les mêmes arguments que le département.

Pour le surplus, il ne disposait pas encore d'une autorisation en force pour le centre d'accueil prévu à V______, de sorte que le projet présentement querellé lui était absolument nécessaire afin de mener à bien sa mission. La construction du centre de V______ ne se ferait ensuite pas en un « claquement de doigts » et ne serait pas mis en service avant 2025. On ne pouvait au demeurant présumer que l'État ne ferait pas respecter à l'hospice la durée autorisée de cinq ans.

On ne voyait pas en quoi Mme A______ et consorts seraient touchés par les travaux autorisés, compte tenu de la grande distance les en séparant et lesdits travaux touchant pour l'essentiel l'intérieur du pavillon. Quant aux nuisances que pourraient causer ses futurs résidents, il devait leur être rappelé que la discrimination et le rabaissement d'étrangers et de demandeurs d'asile pouvaient relever du droit pénal. Cela étant, l'expérience de l'hospice disait l'inverse de ce qu'affirmaient Mme A______ et consorts, à savoir que la sécurité à proximité des centres d'accueil était tout aussi bonne qu'ailleurs, de manière générale.

Ces derniers continueraient à vivre dans leur quartier de villas, sans que le changement provisoire projeté ne vienne y changer quoi que ce soit. La présence de bâtiments gérés par la FOJ dans d'autres communes du canton n'avait nullement entraîné un effondrement du prix de l'immobilier. Le projet immobilier W______ aurait en revanche un impact sur leur environnement.

17) Par réplique du 26 octobre 2021, Mme A______ et consorts sont revenus sur la distance pertinente, d'environ 10 m susmentionnée, à prendre en considération pour asseoir leur qualité pour recourir. À la lecture des pièces produites par le DT, le pavillon avait été destiné depuis plusieurs générations au logement des personnes âgées, ce qui avait contribué à forger l'image calme et la sérénité des alentours, y compris de leur quartier.

Le département n'était pas qualifié pour se positionner sur l'encadrement prévu pour les potentiels futurs occupants du pavillon. Dans la mesure où il faisait, tout comme l'hospice, référence à la nécessité d'un tel encadrement, c'était qu'il était également d'avis que des jeunes adultes de la FOJ et des RMNA constituaient une catégorie de la population étant amenée à générer certaines nuisances et nécessitant une attention particulière et différente de celle accordée jusqu'ici aux personnes âgées. Sur le plan économique, la proximité de ce centre dissuaderait de potentiels acquéreurs de villas, de sorte qu'eux-mêmes se verraient contraints de subir une moins-value de leur parcelle.

Il était courant que des prolongations d'autorisation provisoires soient demandées et accordées, de sorte que le provisoire était manifestement appelé à durer, ce d'autant plus que la future autorisation de construire liée à la rénovation complète du pavillon et à sa surélévation pourrait passer par un processus long et compliqué.

Faute pour les recourants concernés d'avoir requis du Tribunal fédéral l'effet suspensif, l'hospice pouvait d’ores et déjà entreprendre les travaux du projet de V______, étant relevé que cette instance devrait prochainement rejeter ledit recours. Ainsi, l'hospice disposerait à brève échéance de la capacité d'héberger plusieurs centaines de RMNA au moyen d'autres projets. Ce dernier ne démontrait pas l'urgence de la situation en matière d'accueil de RMNA au point que l'intérêt à la mise en œuvre du projet contesté primerait leurs intérêts légitimes, étant relevé que ledit projet ne permettrait l'accueil que d'une cinquantaine de jeunes et non de centaines.

Le département n'expliquait pas pourquoi le préavis de la police du feu serait valable pour cinq ans ni en quoi les conditions dudit préavis pareraient aux mesures anti-feu écartées par le rapport incendie litigieux.

18) Les parties ont été informées, le 28 octobre 2021, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les intimés, suivis en cela par le TAPI, soutiennent que les recourants n'ont pas la qualité pour recourir, faute de pouvoir se prévaloir d'un intérêt digne de protection.

a. À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir. La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a).

Cette définition est équivalente à celle de l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), ce qui est conforme aux exigences de l’art. 33 al. 3 let. b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

b. En ce qui concerne les voisins, seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis (ATF 133 II 409 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2). Le recourant doit ainsi se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire d’un terrain directement voisin de la construction ou de l’installation litigieuse (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2013, p. 92). La qualité pour recourir peut être donnée en l’absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l’immeuble des recourants de l’installation litigieuse (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_346/2011 du 1er février 2012 publié in DEP 2012 p. 692 consid. 2.3 ; ATA/1602/2019 du 29 octobre 2019 consid. 4c). La proximité avec l'objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d'une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée, de manière à exclure l'action populaire ; il doit ainsi invoquer des dispositions du droit public des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 137 II 30 consid. 2 ; 133 II 249 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1 ; 1C_343/2014 du 21 juillet 2014 consid. 2.2) L'absence de voisin direct susceptible de s'opposer à une décision ne justifie pas, en soi, d'élargir le cercle des personnes admises à recourir à tout propriétaire, sans égard à leur situation particulière par rapport au projet litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_822/2013 du 10 janvier 2014 consid. 2.3).

c. Est considéré comme voisin immédiat celui dont le terrain jouxte celui du constructeur, se situe en face de lui, séparé par exemple par une route ou un chemin, ou se trouve à une distance relativement faible de l'immeuble sur lequel il y aura la construction ou l'installation litigieuse (Piermarco ZEN-RUFFINEN, La qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l'espace in Les tiers dans la procédure administrative, Genève, 2004, p. 176 et les références citées). Ces conditions peuvent aussi être réalisées en l'absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l'immeuble des recourants de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 174 ; ATA/713/2011 du 22 novembre 2011). La qualité pour recourir a ainsi été admise pour des distances variant entre 25 et 150 m (ATA/1218/2015 précité ; ATA/66/2012 du 31 janvier 2012 et la jurisprudence citée). Elle a en revanche été déniée dans des cas où cette distance était de 800, respectivement 600, 220, 200, voire 150 m (arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3.1 ; ATA/66/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/25/2007 du 23 janvier 2007 et les références citées).

La proximité ne garantit pas de se voir octroyer la qualité pour recourir (arrêts du Tribunal fédéral 1C_839/2013 du 20 mars 2014 consid. 5.1 où la qualité pour recourir a été refusée bien que la construction litigieuse soit distante de 30 m, au motif qu’elle n’était pas visible depuis la parcelle du voisin recourant, paru in SJ 2014 I p. 381, ou 1C_565/2012 du 23 janvier 2013 où l’impact visuel pour le voisin a été nié), alors que la qualité pour recourir peut être octroyée à un voisin situé à 180 m du projet contesté. Il s'agissait en l'espèce du propriétaire d'une villa à Collonge-Bellerive distante d'environ 180 m des deux corps morts immergés litigieux et des bouées en surface. À cette distance, ces installations n'étaient pas ou peu visibles et il n'en allait pas différemment si l'on devait prendre en compte la distance qui les séparait de la limite de la propriété en question. Toutefois, ce n'était pas tant les bouées que les bateaux qui y étaient amarrés, destinés pour certains à être réparés dans le chantier naval de l'intimée, qui étaient source de gêne pour le recourant. La restriction même partielle à la vue dont celui-ci jouissait sans limite sur le lac, la rive opposée et le Jura en arrière-plan depuis sa propriété était suffisante pour retenir qu'il était atteint de manière spéciale et directe dans une mesure plus sensible que les autres administrés par les installations litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.2).

d. Le critère de la distance n’est pas le seul déterminant car la question de savoir si le voisin est directement atteint nécessite une appréciation de l’ensemble des circonstances pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997 publié in RDAF 1997 I p. 242 consid. 3a). S’il est certain ou très vraisemblable que l’installation litigieuse sera à l’origine d’immissions – bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres – touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1). Il importe peu, alors, que le nombre de personnes touchées soit considérable – dans le cas d’un aéroport ou d’un stand de tir, par exemple (ATF 124 II 293 consid. 3a in RDAF 1999 I 624 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_52/2008 du 2 juin 2008)

Les immissions ou les risques justifiant l’intervention d’un cercle élargi de personnes doivent présenter un certain degré d’évidence, sous peine d’admettre l’action populaire que la loi a précisément voulu exclure. Il en va ainsi des riverains d’un aéroport, situés dans le prolongement de la piste de décollage, des voisins d’un stand de tir (arrêts précités) ou des propriétaires ou locataires de parcelles exposées aux émissions d’une installation de téléphonie mobile, si celles-ci sont situées dans un certain périmètre (arrêt du Tribunal fédéral 1A.62/2001 du 24 octobre 2001 consid. 1b : qualité pour agir reconnue à une personne habitant à 280 m de l’installation, mais pas admise à 800 m ; Laurent PFEIFFER, op. cit., p. 117). Lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances. Ainsi en va-t-il particulièrement en milieu urbain où la définition du cercle des personnes touchées plus que n’importe quel habitant d’une agglomération n’est pas une chose aisée (arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3.5 ; ATA/66/2020 du 21 janvier 2020 consid. 2b).

e. En l'espèce, les recourants entendent fonder leur qualité pour recourir sur la proximité de leurs villas avec le projet querellé et le changement d'affectation du bâtiment en cause qui mettrait à mal la sérénité et la tranquillité du quartier, avec pour autre conséquence une dévaluation de leurs biens.

Tous les recourants sont propriétaires de parcelles situées le long du chemin U______, lequel commence à proche distance de l'extrémité sud de la parcelle n° 1______ (environ 10 m), d'une surface de 72'948 m2. La parcelle la plus proche du pavillon S______, concerné par un changement d'affectation provisoire, à savoir la parcelle n° 4______, propriété de Mme B______, se situe, à vol d'oiseau, à quelque 198 m du bâtiment 2______ concerné par les travaux de transformation. Les recourants ne contestent pas cette distance, mais considèrent que la distance pertinente est celle séparant non pas les extrémités des bâtiments en cause, mais celles des parcelles. Ils ne sauraient être suivis sur ce point, d'autant plus que dans le cas particulier, comme il ressort de l'extrait du plan de base du cadastre versé au dossier et des vues aériennes de la zone (consultables sur le SITG), https://www.etat.ge.ch/geoportail/pro/? mapresources=AMENAGEMENT, consulté le 8 novembre 2021), toutes leurs villas sont séparées du pavillon S______ par la route de Q______, un axe accueillant quotidiennement un fort trafic routier, mais également par trois groupes de trois bâtiments situés au sud de la parcelle n° 1______ faisant écran visuel, mais également phonique, entre les villas et le pavillon.

Avec les intimés, il doit être observé que les recourants ne sont ainsi pas directement voisins du bâtiment concerné au sens de la jurisprudence.

Par ailleurs et à juste titre, ils ne soutiennent pas que les travaux projetés, de rafraîchissement et de sécurité, qualifiés de légers par l'architecte, avant une rénovation future avec surélévation, qui n'est toutefois pas l'objet du présent litige, ni l'affectation future, seraient en tant que tels une source directe pour eux d'immissions susceptibles de les toucher directement.

Quant à l'affectation du pavillon en tant que source de nuisances, il ne suffit pas de soutenir que les futurs occupants du pavillon seraient moins calmes que les personnes âgées l'ayant occupé jusqu'à récemment pour conclure que lesdits occupants, logés dans une structure éloignée de près de 200 m des habitations des recourants, porteraient particulièrement préjudice à ces derniers, avec un certain degré d'évidence, plus que d'autres habitants du quartier, à commencer par ceux logeant dans les trois groupes d'immeubles au sud de la parcelle de l'hospice ou encore les résidents de l'EMS directement voisin du pavillon.

Les recourants ne rendent à cet égard, à savoir le changement provisoire d'affectation, pas même vraisemblable un intérêt économique sous la forme d'une dévaluation de leur bien, ce d'autant plus que le projet querellé doit avoir une durée de vie de cinq ans et dépend intimement de la réalisation future du projet de plusieurs centaines de places à V______. À cet égard, les recourants se contredisent en soutenant que ledit projet serait à « bout touchant », de sorte que l'hospice n'aurait aucun intérêt à réaliser le projet dans le pavillon, tout en supputant que le provisoire sera en l'occurrence amené à durer au-delà de cinq ans.

Enfin, dans la mesure où, comme déjà relevé, le quartier de villas qu'ils habitent est éloigné d'environ 200 m à vol d'oiseau, pour la distance minimum, du bâtiment concerné, le risque d'être touchés directement par un incendie est des plus douteux, ce d'autant plus que les villas des recourants sont protégées notamment par les trois groupes d'immeubles sis au sud de la parcelle de l'hospice, lesquels se trouvent sur le bord opposé de la route de Q______.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, dont le TAPI a pris la juste mesure, de manière détaillée, c'est à juste titre qu'il a dénié aux recourants la qualité pour recourir contre l'autorisation de construire enregistrée sous APA 3______, ce qui vaut également devant la chambre de céans.

Le recours est partant irrecevable.

3) Compte tenu de l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l'hospice qui dispose de son propre service juridique, conformément à la jurisprudence de la chambre de céans (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 10 ; ATA/653/2021 du 22 juin 2021 consid. 13).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 31 août 2021 par Madame A______, Madame B______, Madame C______, Monsieur D______, Madame E______, Madame F______, Monsieur G______, Madame H______, Monsieur I______, Madame J______, Monsieur K______, Madame et Monsieur L______, Madame M______, Monsieur N______, Madame O______ et Monsieur P______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er juillet 2021 ;

met à la charge conjointe et solidaire de Madame A______, Madame B______, Madame C______, Monsieur D______, Madame E______, Madame F______, Monsieur G______, Madame H______, Monsieur I______, Madame J______, Monsieur K______, Madame et Monsieur L______, Madame M______, Monsieur N______, Madame O______ et Monsieur P______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thomas Barth, avocat des recourants, à Me Bertrand Reich, avocat de l’Hospice général, au département du territoire, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :