Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2865/2022

ATA/1254/2022 du 13.12.2022 ( LIPAD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES;ACCÈS(EN GÉNÉRAL);PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);PRÉPOSÉ À LA PROTECTION DES DONNÉES;CONSULTATION DU DOSSIER;REJET DE LA DEMANDE;PROPORTIONNALITÉ;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROCÉDURE ADMINISTRATIVE
Normes : LPA.4; LPA.7; LPA.44; LPA.70; LIPAD.24; LIPAD.25; LIPAD.26; LIPAD.27; LIPAD.30; LIPAD.60
Résumé : Admission partielle du recours du propriétaire de parcelles faisant l’objet d'un projet de PLQ sollicitant la consultation du dossier relatif audit projet. Sous l'angle de la LPA, il appartenait au TAPI de déterminer si et dans quelle mesure l'accès au dossier devait être autorisé. Sous l'angle de la LIPAD, le recours s'avère prématuré dès lors que la procédure de médiation initiée devant le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence n'a pas encore abouti.
En fait
En droit

République et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2865/2022-LIPAD ATA/1254/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 décembre 2022

 

dans la cause

 

A______
représenté par Me Alexandre Böhler, avocat

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OFFICE DE L'URBANISME


_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 septembre 2022 (JTAPI/930/2022)

 


EN FAIT

1) L'A______ (ci-après : l'institut) est propriétaire des parcelles nos 67, 69, 72, 160, 161, 2'466, 3'066 et 5'186 de la commune de B______, sur lesquelles se situe son campus.

2) Le 17 décembre 2020, l'office de l'urbanisme (ci-après : SPI) a déposé un projet de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) concernant les parcelles précitées, portant la référence n° 1______.

3) Les 1er avril et 10 mai 2022, l'institut a demandé au SPI de l'autoriser à consulter le dossier relatif au projet de PLQ, en application de l'art. 44 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4) Le 19 mai 2022, le SPI a mis à disposition de l'institut un classeur fédéral de pièces pour consultation.

5) Le 9 juin 2022, l'institut a requis l'autorisation de consulter le dossier complet, listant les pièces qui manquaient manifestement dans le classeur qui lui avait été remis.

6) Le 6 juillet 2022, le SPI a refusé l'accès au dossier complet, se fondant sur l'art. 26 al. 2 let. c de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

7) Le 18 juillet 2022, l'institut a demandé au SPI de se prononcer sous l'angle de la LPA et non de la LIPAD, qu'il n'avait pas invoquée.

8) Le 23 août 2022, le SPI a transmis à l'institut les procès-verbaux des deux séances de concertation avec les habitants, qui avaient eu lieu les 1er décembre 2015 et 14 octobre 2020.

Concernant le reste du dossier relatif au PLQ, aucune autorité n'était appelée à prendre de décision à ce stade du projet. À teneur de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), après l'enquête publique, le département du territoire (ci-après : le département) devait transmettre à la commune les observations reçues. L'autorité municipale devait ensuite communiquer son préavis dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception desdites observations. Il s'agissait d'une simple prise de position du Conseil municipal à destination du département, qui n'avait pas de valeur contraignante envers l'institut. Celle-ci ne consacrait aucune mesure individuelle ou concrète touchant à ses droits ou obligations et ne constituait ainsi pas une décision au sens de l'art. 4 LPA. La délibération future du Conseil municipal était un acte de portée purement interne à l'administration, de sorte que les règles de procédure administrative ne s'appliquaient pas. La requête de l'institut devait ainsi être traitée sous l'angle de la LIPAD.

En l'occurrence, une étude complémentaire de mobilité était en cours sur les mesures d'accompagnement au concept d'accessibilité de l'institut. Le résultat de cette étude serait transmis à la commune avec les observations reçues et leurs réponses, afin qu'elle délivre son préavis en pleine connaissance de cause. Ces pièces seraient alors mises à disposition de l'institut. Dans l'intervalle, l'intérêt public s'opposait à la communication de ces documents pour préserver le bon déroulement de la procédure et l'intérêt du Conseil municipal à prendre position sans risque d'entrave, ce qui justifiait l'exception de l'art. 26 al. 2 let. c LIPAD. L'accès au dossier était ainsi simplement différé.

9) Par acte du 5 septembre 2022 adressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), l'institut a recouru contre le courrier du SPI du 23 août 2022, concluant à son annulation, à être autorisé à consulter l'intégralité du dossier relatif au PLQ n° 1______ et à ce qu'il soit ordonné au SPI de mettre ledit dossier à sa disposition.

En sa qualité de propriétaire des parcelles concernées par le PLQ, il disposait de la qualité pour recourir contre l'acte attaqué, une décision incidente au sens de l'art. 4 al. 2 LPA, dans la mesure où il rejetait sa demande de consultation du dossier au sens de l'art. 44 al. 1 LPA.

Le Conseil d'État allait, suivant le mécanisme d'adoption des PLQ, devoir se prononcer. Dans l'intervalle, puisque le SPI élaborait ledit projet et détenait le dossier, c'était à son siège que la consultation requise devait avoir lieu.

Le SPI ne précisait pas si l'intérêt public dont il se prévalait était invoqué en application de l'art. 26 al. 1 LIPAD ou de l'art. 45 al. 1 LPA. Dans la première hypothèse, la procédure de médiation engagée auprès du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé) – actuellement suspendue comme dépendante du sort de la demande de consultation – trancherait l'exception invoquée par le SPI. Dans la seconde hypothèse, étant rappelé que la limitation du droit du justiciable de consulter les pièces de son dossier devait être interprétée restrictivement, seule l'existence d'un intérêt public important, qui serait lésé par la consultation, pouvait justifier des restrictions. Or, le SPI ne précisait pas quelle entrave pouvait résulter de la consultation du dossier ni quels en seraient les effets, puisqu'il soutenait que le préavis du Conseil municipal était un acte de portée purement interne à l'administration.

Il bénéficiait en revanche d'un droit constitutionnel à la consultation du dossier ainsi que d'un intérêt privé manifeste à savoir ce que l'administration préparait quant à l'aménagement de ses parcelles et à s'exprimer à ce propos, qui primait sur l'intérêt public invoqué à tort.

Ce recours a été enregistré par le TAPI sous le numéro de cause A/2865/2022.

10) Par jugement du 7 septembre 2022, rendu dans une cause A/2819/2022, le TAPI a déclaré le recours irrecevable et l'a transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

Quand bien même le recourant soulevait des griefs en lien avec la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et la LGZD, le litige concernait l'accès à un dossier sous l'angle de la LIPAD.

11) Par acte du 22 septembre 2022, l'institut a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit que le TAPI était compétent pour connaître du recours du 5 septembre 2022 et à ce que la cause lui soit renvoyée pour instruction.

Le litige portait sur l'accès au dossier sous l'angle de la LPA. La LGZD était applicable et déterminait les voies de droit.

La LIPAD réglait le droit d'accès à des documents pour toute personne physique ou morale. Dès lors qu'il était également partie au sens de la LPA, ce qui n'était pas contesté, l'accès spécifiquement réservé aux parties devait s'appliquer, avec les règles de contentieux administratif qui s'ensuivaient. Tout autre raisonnement vidait l'art. 45 al. 4 LPA de son sens, puisque le recours immédiat prévu par cette disposition devait en réalité suivre la voie de la médiation prévue par la LIPAD.

Ce recours a été enregistré à la chambre administrative sous un nouveau numéro de cause, A/3095/2022.

12) Le 3 octobre 2022, le SPI a conclu à l’irrecevabilité du recours du 5 septembre 2022, subsidiairement à ce qu'il soit déclaré sans objet et la cause rayée du rôle, plus subsidiairement à son rejet.

Le projet de PLQ se trouvait au stade de l'enquête publique et l'étude complémentaire portant sur des mesures d'accompagnement en matière de mobilité était toujours en cours. Les observations n'avaient pas encore été communiquées à la commune de B______ et les réponses du département à ces observations n'avaient pas encore été rédigées.

Dès lors que la procédure de médiation devant le préposé était toujours suspendue, la détermination du département du 23 août 2022 devait être considérée comme telle et non comme une décision sujette à recours, puisqu'elle ne faisait pas suite à une recommandation formulée par le préposé.

À supposer que l'acte attaqué constituerait une décision, la chambre administrative était compétente pour trancher le litige qui portait sur la question de l'accès à un dossier, fondée sur la LPA ou la LIPAD et non sur la LGZD.

Les règles de procédure administrative n'étaient pas applicables à la requête de consultation de l’institut, puisque la délibération à venir du Conseil municipal n'était qu'une étape dans la procédure d'adoption du PLQ. Seul l'arrêté d'adoption constituerait une décision sujette à recours. À défaut de décision et la LPA n'étant pas applicable, l’institut ne pouvait pas être considéré comme une partie ni se prévaloir des droits y relatifs. Sa requête ne pouvait être traitée que sous l'angle de la LIPAD.

L’institut estimait à tort que le dossier qu'il avait pu consulter le 19 mai 2022 était incomplet. L'index figurant dans le « classeur procédure » du PLQ était un index-type et toutes les rubriques mentionnées ne contenaient pas forcément tous les documents si ceux-ci n'existaient pas ou pas encore, telles les correspondances avec les architectes, ingénieurs et tiers, une éventuelle réponse de la commune au courrier du conseiller d'État en charge du département du 17 décembre 2020 ou les études liées au projet de PLQ. À l'exception de l'étude complémentaire, des observations reçues et leurs futures réponses, l’institut était en possession de toutes les pièces du dossier en mains du département. Son droit à exprimer sa position quant au projet de PLQ n'était pas remis en cause et son accès aux pièces précitées était uniquement différé, en application de l'exception de l'art. 26 al. 2 LIPAD. Le fait que le préavis communal puisse être rendu de manière complète et sans influence extérieure était également dans l'intérêt du propriétaire des parcelles concernées, même s'il s'agissait d'un acte de portée interne qui ne constituait qu'une étape de la procédure d'adoption du PLQ.

Cependant, vu le contexte du présent litige et le délai de plus de vingt mois écoulé depuis l'enquête publique, il apparaissait préférable de produire les trois observations reçues par le département, avant même leur communication au Conseil municipal de B______. Au surplus, le dossier en son état actuel pouvait, sur demande, être consulté au SPI. Ainsi le recours, pour autant qu'il soit recevable, n'avait plus d'objet. Il devait en aller de même du recours du 22 septembre 2022 contre le jugement d'irrecevabilité du TAPI.

13) Le 24 octobre 2022, le SPI a répondu au recours du 22 septembre 2022, concluant à la jonction des causes A/2865/2022 et A/3095/2022, à ce que qu'il soit déclaré sans objet et la cause rayée du rôle, subsidiairement à son rejet et à la confirmation du jugement du 7 septembre 2022.

C'était à juste titre que le TAPI s'était déclaré incompétent et avait transmis la cause à la chambre administrative, dès lors que la lettre du 23 août 2022 ne constituait pas une décision sujette à recours et n'était pas fondée sur la LPA, mais bien sur la LIPAD. Le fait que la LGZD était applicable en matière de procédure d'adoption du PLQ n'était pas pertinent, puisque le litige portait, au fond, sur la question de l'accès à un dossier.

Dans la mesure où le recourant avait désormais pu accéder à l'ensemble du dossier, en particulier aux observations reçues par le département, son recours n'avait plus d'objet.

14) Le 4 novembre 2022, le recourant a répliqué dans le cadre des causes A/2865/2022 et A/3095/2022, concluant à leur jonction et persistant dans ses précédentes conclusions.

La lettre du 23 août 2022 était une décision sujette à recours. L'argument de l'autorité intimée selon lequel il ne disposerait pas de la qualité de partie était nouveau et contradictoire, dès lors qu'elle lui avait donné accès à des pièces du dossier au motif qu'il était propriétaire de toutes les parcelles comprises dans le périmètre du futur PLQ. Il était directement touché par la décision à prendre. Sa qualité de partie était ainsi indéniable.

C'était à tort que l'autorité intimée persistait à soutenir qu'aucune décision ne serait rendue en lien avec le PLQ. Cette position démontrait une volonté d'empêcher par tout moyen la consultation du dossier par le principal concerné. La production de trois pièces supplémentaires ne rendait pas le recours sans objet, dès lors que le principe même de la consultation du dossier était litigieux, que ledit dossier était voué à être complété et devait pouvoir être consulté en tout temps.

En application de l'art. 7 LGZD, le TAPI était compétent pour trancher le litige, conformément à la jurisprudence de la chambre administrative relative à cette disposition. La décision de refus de consultation d'un dossier était une décision incidente rendue dans le cadre de l'application de cette loi.

15) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Les parties concluent préalablement à la jonction des causes A/2865/2022 et A/3095/2022.

a. Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

b. En l'espèce, les procédures A/2865/2022 et A/3095/2022 concernent les mêmes parties et le même complexe de faits, les questions juridiques posées par les deux recours étant en outre fortement imbriquées. Il se justifie ainsi de joindre ces deux causes sous le numéro A/2865/2022.

2) Le recourant soutient dans son recours du 22 septembre 2022 que le TAPI, contrairement à ce qu’il a retenu dans son jugement d’irrecevabilité du 7 septembre 2022, était compétent pour connaître du présent litige.

a. La compétence des autorités est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 LPA). L'autorité saisie examine d'office sa compétence (art. 11 al. 2 LPA).

b. Le TAPI est l’autorité inférieure de recours dans les domaines relevant du droit public, pour lesquels la loi le prévoit (art. 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

La compétence de la chambre administrative est définie à l'art. 132 LOJ. Elle est, sous réserve des compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales, l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

c. Selon l'art. 11 al. 3 LPA, si l'autorité décline sa compétence, elle transmet d'office l'affaire à l'autorité compétente et en avise les parties.

d. Ont qualité de partie les personnes dont les droits ou les obligations pourraient être touchés par la décision à prendre, ainsi que les autres personnes, organisations ou autorités qui disposent d'un moyen de droit contre cette décision (art. 7 LPA).

Selon les règles générales applicables en procédure administrative, les parties et leurs mandataires sont seuls admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA). L’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (art. 45 al. 1 LPA).

e. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 129 I 232 consid. 3.2). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 ; 137 II 266 consid. 3.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée ; la motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.2). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références citées).

f. En l'espèce, le recours initial est dirigé contre le courrier de l'autorité intimée du 23 août 2022, refusant au recourant l'accès à l'ensemble du dossier relatif au PLQ en cours de procédure d'adoption concernant les parcelles dont il est propriétaire.

Comme l'a relevé le TAPI, le recourant a soulevé devant lui des griefs en lien avec la Cst. et la LGZD. Il a toutefois également invoqué l'art. 44 LPA, disposition qui fonderait, selon lui, son droit d'accès au dossier.

Ainsi, à considérer que le litige doive être tranché sous l'angle de la LIPAD, ce que conteste le recourant, il appert que cette loi ne contient pas de disposition prévoyant la compétence du TAPI. C'est en conséquence à bon droit que celui-ci s'est déclaré incompétent pour connaître de la problématique au regard de cette loi et a transmis la cause à la chambre administrative.

Le raisonnement du TAPI ne saurait toutefois être suivi dans son intégralité. En effet, alors même que cela ressort expressément et à plusieurs reprises des griefs soulevés dans l'acte de recours du 5 septembre 2022, le TAPI n'a nullement traité la question de l'accès au dossier sous l'angle de l'art. 44 LPA ni, en amont, celle de la qualité de partie de l'institut dans le cadre du processus d'adoption du PLQ en cause. Dès lors que cette compétence lui revenait en sa qualité d'autorité inférieure de recours, il a, en s'abstenant de trancher cette problématique, violé le droit d'être entendu du recourant et l'a privé du double degré de juridiction.

Dans cette mesure, la cause devra être retournée au TAPI qui devra statuer sur les griefs du recourant en lien avec l'application de la LPA, ce afin de garantir le respect du double degré de juridiction.

Le recours du 22 septembre 2022, en tant qu'il est dirigé contre le jugement du TAPI du 7 septembre 2022, sera en conséquence partiellement admis.

3) Selon l’autorité intimée, le recourant ne disposerait pas de la qualité de partie et n’aurait plus d’intérêt au recours.

a. À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2019 du 26 février 2019 consid. 3 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 consid. 4a). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/799/2018 du 7 août 2018 consid. 2a et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

b. De jurisprudence constante, cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle de l'art. 89 al. 1 loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), à savoir que le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l'exigence d'être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 ; François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contention administratif, éd. 2013, pp. 115-116). Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l'un des destinataires de la décision. Si le recourant est un tiers, il devra démontrer l'existence d'une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire. Par exemple, le voisin d'un fonds pourra recourir si la décision concernant ce fonds lui cause un préjudice réel, car il est suffisamment proche de celui-ci pour risquer de subir les nuisances alléguées (François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., pp. 115-116).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel (ATF 138 II 42 consid. 1). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 139 I 206 consid. 1.1) ; s'il s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1).

Il n'est qu'exceptionnellement fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de la portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 142 I 143 consid. 1.3.1 et les références citées).

d. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1400/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/247/2022 du 8 mars 2020 consid. 2b ; ATA/355/2019 du 2 avril 2019 consid. 2b).

e. En l'espèce, le recourant est propriétaire des parcelles concernées par le projet de PLQ. Dans ce contexte, il fait valoir son droit d'accès aux pièces du dossier en lien avec ledit projet et a notamment établi une liste des documents qu'il souhaitait consulter. Il est ainsi destinataire de la lettre de l'intimé du 23 août 2022, laquelle exprime la position de refus du département à ce sujet. Bien que ce dernier a, en cours de procédure, produit une partie des pièces requises, le recourant conserve un intérêt au recours. En effet, le litige porte sur le principe même de l'accès au dossier et concerne non seulement les pièces actuellement en mains du département, mais également des documents voués à être ajoutés au dossier lorsqu'ils auront été reçus ou établis, de sorte que la question du droit de les consulter se posera à nouveau.

Partant, la qualité pour recourir et de partie dans la présente procédure administrative visant l'accès au dossier doit être reconnue au recourant.

4) Les parties s'opposent sur la question de savoir si le courrier de l'intimé du 23 août 2022, soit l'acte attaqué, constitue ou non une décision, le cas échéant une décision incidente, au sens de l'art. 4 LPA, sujette à recours.

Cette question pourra toutefois souffrir de demeurer indécise devant la chambre de céans, compte tenu des considérants qui suivent.

5) Le recourant conteste que la LIPAD serait applicable à sa demande d'accès au dossier.

a. La LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, soit favoriser la libre formation de l'opinion et la participation à la vie publique (let. a) ainsi que protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (let. b ; art. 1 al. 2 LIPAD).

Elle comporte deux volets. Le premier concerne l'information du public et l'accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD). Le présent contentieux ne touche que le premier de ces deux volets.

b. Selon l'art. 30 LIPAD, le préposé cantonal est saisi par une requête écrite de médiation sommairement motivée, à l'initiative d'un requérant dont la demande d'accès à un document n'est pas satisfaite (al. 1 let. a). Le délai pour saisir le préposé cantonal est de dix jours à compter de la confirmation écrite de l'intention de l'institution prévue à l'art. 28 al. 5 et 6 LIPAD. Si une institution tarde à se déterminer sur une demande d'accès à un document, le requérant ou l'opposant à la demande d'accès peuvent saisir le préposé cantonal (al. 2). Si la médiation aboutit, l'affaire est classée (al. 4). À défaut, le préposé cantonal formule, à l'adresse du requérant ainsi que de l'institution ou des institutions concernées, une recommandation écrite sur la communication du document considéré. L'institution concernée rend alors dans les dix jours une décision sur la communication du document considéré (al. 5).

c. Selon l’art. 60 al. 1 LIPAD, en matière d’accès aux documents, seule est sujette à recours la décision que l’institution concernée prend à la suite de la recommandation formulée par le préposé en cas d’échec de la médiation ; les déterminations et autres mesures émanant des institutions en cette matière sont réputées ne pas constituer des décisions.

d. En l'espèce, le dossier auquel le recourant demande l'accès contient des pièces relatives à un projet de PLQ qui n'a pas encore été adopté par le Conseil d'État et n'a donc pas encore fait l'objet d'une décision formelle. Ce projet ayant été mis à l'enquête publique, le Conseil municipal de la commune doit encore rendre son préavis, une fois le résultat de l'étude complémentaire de mobilité connu, respectivement la réception des observations par le département et les réponses que ce dernier va leur apporter. Ce sont notamment ces documents que le recourant souhaite consulter.

Il convient toutefois de relever que si le recourant a déjà saisi le préposé d'une requête en médiation dans le cadre de la problématique de l'accès au dossier, il a également demandé la suspension de cette procédure. Or, seule est sujette à recours la décision que l’institution concernée prend à la suite de la recommandation formulée par le préposé en cas d’échec de la médiation (art. 60 al. 1 LIPAD). En l'occurrence, dans la mesure où la médiation n'a pas encore abouti et où le préposé n'a, en l'état, formulé aucune recommandation, le courrier de l'intimé du 23 août 2022 ne constitue pas une telle décision et n'est donc pas, à ce stade, sujet à recours.

Compte tenu de ce qui précède, le recours, en tant qu'il concerne l’application de la LIPAD est irrecevable.

6) Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée dès lors qu’il succombe dans une large mesure (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne la jonction des causes A/2865/2022 et A/3095/2022, sous le numéro de cause A/2865/2022 ;

admet partiellement, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 22 septembre 2022 par l'A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 septembre 2022 ;

retourne la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouveau jugement au sens des considérants ;

met à la charge de l'A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Böhler, avocat du recourant, au département du territoire-office de l'urbanisme, au Tribunal administratif de première instance, ainsi que pour information au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :