Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3876/2023

ATA/724/2024 du 18.06.2024 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3876/2023-FPUBL ATA/724/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Robert ASSAËL, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né en 1973, a été engagé par l'Hospice général
(ci-après : l'hospice) avec effet au 1er janvier 2016, en tant qu'intendant social de proximité rattaché à l'aide aux migrants, sous le statut d'auxiliaire et à un taux de 100%. Il a été nommé fonctionnaire dès le 1er janvier 2018.

b. D'abord rattaché au centre d'hébergement collectif (ci-après : CHC) de B______, puis à celui C______, il a exercé depuis le 1er octobre 2021 au CHC D______ à E______.

c. Ses évaluations effectuées par trois responsables hiérarchiques distincts, en mars et en novembre 2016, puis en octobre 2017 et en janvier 2021, étaient globalement bonnes.

Les deux premières évaluations de 2016 soulignaient son autonomie, son esprit d’initiative, sa flexibilité ainsi que sa « force tranquille » lui permettant de se faire respecter des jeunes migrants non accompagnés résidants dans le foyer de B______ ; certains aspects (communication, encadrement des bénéficiaires, coordination et échanges entre professionnels) devaient être améliorés. L’objectif lié au renforcement de la sécurité incendie et à la sécurité des résidents était considéré atteint, lors de l’évaluation de novembre 2016, mais l’absence d’un exercice pratique d’évacuation pour correctement informer les jeunes et les collaborateurs était déploré. L’importance de ce point était soulignée par l’intéressé prévoyant, en accord avec d’autres collaborateurs, dont le responsable de la sécurité, de prendre d’autres mesures liées à la gestion en cas d’incendie.

Lors de la troisième évaluation de 2017, toutes les compétences étaient considérées atteintes par sa nouvelle supérieure hiérarchique. L’intéressé était un collaborateur « hors pair » ayant démontré un « engagement sans faille » et une « grande énergie » afin de résoudre diverses situations et améliorer le cadre de vie des résidents. Il avait toutes les qualités requises pour travailler avec des mineurs : il était clair, positionné de manière « plus qu’adéquate » et respectueux. Ses objectifs étaient de continuer à contribuer à la réorganisation du foyer de B______, à améliorer l’hygiène du foyer et à travailler sur les aspects de prévention « incendie ».

d. Dans sa dernière évaluation de novembre 2021 au CHC D______ à E______, son nouveau supérieur hiérarchique, F______, a fixé des objectifs à l’intéressé dont l’arrivée remontait à un mois environ, sans se prononcer sur ses prestations mais relevant qu’il s’agissait d’un « professionnel motivé et compétent ». Tous deux se réjouissaient de cette collaboration.

Parmi les quatre objectifs fixés, il y avait celui de la participation au concept de sécurité, selon la directive y relative ainsi que les exercices périodiques ou contrôles organisés par le service « sécurité », avec comme résultat attendu : des réactions « adéquates » en cas de problème de sécurité, alarme, etc. Les autres objectifs portaient sur le maintien de lieux d’habitation dûment entretenus, le bon fonctionnement des installations communes, la préservation de bonnes relations avec tout le monde (collègues, habitants, visiteurs, voisinage, partenaires internes et externes, etc.) et une ambiance de travail respectueuse et motivante.

B. a. Le local du sous-sol du CHC est, selon le rapport d’enquête administrative dont il sera question ci-après, utilisé comme salle de pause depuis fin 2015 ou 2016 et par les intendants sociaux pour y prendre leurs repas. Il s’y trouvait à tout le moins un frigo, un micro-ondes et une plaque de cuisson. L’endroit était aussi utilisé comme espace de stockage. La hiérarchie était au courant. Hormis une interdiction de fumer rappelée en 2019, l’utilisation de ce local n’était soumise à aucune réglementation ou directive, écrite ou orale.

b. Le cahier des charges d’un intervenant en gestion de lieux de vie de l’hospice prévoit en particulier qu’il doit réaliser les tâches de prévention sécurité incendie selon les directives du lieu, en collaboration avec le service ad hoc, et signaler et documenter tout incident lié à la protection incendie.

c. L’art. 19 de la Norme Protection Incendie AEAI 2015, repris dans le préambule du document « Intervenant Incendie & Evacuation » mentionne un devoir de diligence en vertu duquel, notamment, il faut « se comporter de manière à éviter les incendies et les explosions avec le feu et les flammes nues, la chaleur, l’électricité et les autres formes d’énergie … ».

C. a. Le 21 septembre 2022, lors de la pause de midi, A______ et son collègue G______ ont fait griller des côtelettes et des merguez sur une plaque de cuisson, au sous-sol du bâtiment L du centre, générant une importante fumée. Ils ont alors aéré les lieux et placé deux gants en latex sur le détecteur de fumée, afin d’éviter d’enclencher une alarme, puis ont pris leur repas et quitté les lieux sans retirer lesdits gants.

b. Les agents de H______ n’ont rien remarqué lors de leur ronde incendie le soir en question.

c. Selon un rapport de H______ du 22 septembre 2022 à 22h33, lors de leur ronde, les agents ont constaté, à 22h26, que deux gants en latex obstruaient le détecteur incendie situé dans l’ancien local de stockage, ainsi qu’une forte odeur de cigarette. Le lendemain, la cheffe d’unité de cette société a précisé à I______, responsable de la sécurité du centre, que cela s’était déjà produit, mais les intervenants avaient retiré les gants, sans rédiger de rapport.

d. Des photographies produites dans le dossier, en complément dudit rapport, faisaient état d’un local – situé au-dessous du bureau des intendants sociaux – aménagé d'un canapé d'angle et de plusieurs appareils électroniques (micro-onde, bouilloire, plaque de cuisson, four/grill, réfrigérateur), lesquels étaient branchés sur deux multiprises, ainsi que d’un cendrier contenant deux mégots de cigarette, posé sur le haut d'une armoire.

e. Une visite des lieux a été effectuée, le 23 septembre 2022, par I______, chef de la sécurité humaine et incendie de l'hospice, et J______, chargé de la sécurité incendie au CHC D______.

f. I______ a interpellé peu après A______, qui a expliqué les circonstances dans lesquelles il avait obstrué le détecteur de fumée. G______, en formation les 22 et 23 septembre, n’a pas été immédiatement entendu.

g. Le 23 septembre 2022, à 14h, l’intéressé a informé, par courriel, son supérieur hiérarchique qu’il venait de se faire agresser verbalement par I______ pour divers dysfonctionnements sur la sécurité, de sorte qu’il préférait rentrer et être en récupération cet après-midi. Il a enregistré cette absence dans le système informatique du contrôle horaire le 3 octobre 2022, après un rappel à ce sujet dans les circonstances décrites ci-après.

h. Le 28 septembre 2022, A______ et G______ ont adressé un courrier aux ressources humaines, précisant que l’obstruction du détecteur de fumée n’était pas destinée à bloquer la fumée des cigarettes mais de la cuisine.

D. a. Après convocation remise en mains propres le 27 septembre 2022, l’entretien de service concernant A______, accompagné d’un membre de la commission du personnel, a eu lieu, le 3 octobre 2022, en présence d’K______, chef de service gérance, de L______, responsable des ressources humaines, et d’une tierce collaboratrice chargée de la rédaction du compte-rendu y relatif duquel ressortent les éléments suivants.

Cet entretien avait été planifié en urgence compte tenu des faits reprochés relevant d’une violation des devoirs de service avec mise en danger de la vie d’autrui. Son but était d’entendre la version de l’intéressé et de pouvoir ensuite éclaircir certains points par des questions en vue d’une décision ultérieure par le conseil d’administration.

K______ a commencé par rappeler les faits et les missions des intendants sociaux.

A______ reconnaissait avoir cuisiné dans ce local et que, vu la fumée dégagée par la cuisson du repas, son collègue G______ et lui avaient disposé un gant en latex sur le détecteur de fumée afin d’éviter qu’il ne s’enclenche. Ils avaient nettoyé, rangé et aéré mais oublié de retirer les gants avant de partir. Il n’était pas retourné dans le local les 22 et 23 septembre 2022.

Il ne s’agissait pas d’un local de stockage, mais d’une « salle polyvalente » ouverte à tous dans laquelle, depuis plusieurs années, les collaborateurs prenaient des pauses, mangeaient, cuisinaient et fumaient ponctuellement. Ces activités étaient connues de tous, notamment des « managers » et de J______, ces derniers y ayant aussi occasionnellement mangé. L’intéressé n’avait jamais reçu de contre-indication relative à l’usage de ce local.

Habituellement, ils amenaient des plats à réchauffer, à la poêle ou au micro‑ondes, mais ce jour-là, ils avaient grillé des merguez et des côtelettes d’agneau. La fumée avait été plus forte qu’imaginée et ils avaient pris « la mauvaise décision » en obstruant le détecteur. L’intéressé regrettait d’avoir oublié de retirer les gants de latex du détecteur avant de partir. Il indiquait que la cuisine du 1er étage était très petite, uniquement pour cinq ou six personnes, raison pour laquelle la salle polyvalente du sous-sol était régulièrement utilisée pour les repas et les pauses. Ils n’avaient pas le droit d’utiliser la cuisine professionnelle située au sous-sol. L’intéressé reconnaissait qu’il lui était arrivé de fumer une cigarette après le repas dans ce local qui n’était pas un local « pour fumer » mais uniquement pour manger et se reposer. Il fumait généralement à l’extérieur des bâtiments. Il confirmait que cette salle était alors utilisée par les trois intendants sociaux, dont l’un était en arrêt maladie, les « ASIC » y ayant accès mais n’y venant plus.

A______ rappelait que le CHC D______ rencontrait depuis longtemps des problèmes d’organisation et de collaboration entre les différents corps de métier, y compris au niveau des hiérarchies directes. Il n’y avait pas de dynamique commune. Les bénéficiaires faisaient « ce qu’ils v[oulai]ent quand ils v[oulai]ent et étaient totalement livrés à eux-mêmes. Pour les collaborateurs, il n’y avait pas de ligne de conduite, tout le monde « navigu[ant] à vue ». Il n’y avait pas de solidarité et vu le climat de travail, il ne voulait pas passer ses pauses avec ses collègues « ASIC ». Deux de ses collègues intendants sociaux étant en arrêt maladie, lui et G______ étaient les seuls intendants sociaux sur tout le site D______. L’intéressé précisait que cela n’excusait pas ce qu’il avait fait mais souhaitait exprimer le fait que « la pression et le flou vécus au quotidien » pouvaient, à un moment donné, engendrer des décisions ou des actes « idiots ».

b. Par décision du 7 octobre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours et remise en mains propres, la présidente du conseil d’administration de l'hospice (ci-après : CA) a suspendu immédiatement A______ à titre provisoire, avec maintien de son traitement. La gravité de la faute reprochée était de nature à compromettre la confiance qu'impliquait la fonction d'intendant social. Outre les agissements dans le local, qu’il avait admis, et qui constituaient une violation grave aux devoirs de service, son attitude désinvolte adoptée lors du colloque du 4 octobre 2022 laissait craindre qu'il n'ait pas pris conscience de la gravité de ses actes.

c. Le 14 octobre 2022, l'hospice a décidé d’ouvrir une enquête administrative contre A______ et G______, se référant à une violation grave de leurs devoirs de service mettant en danger la vie d’autrui, conformément à l’art. 27 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). La suspension avec maintien du traitement était confirmée et l’enquêteur était aussi invité à éclaircir les conditions d’utilisation du sous-sol.

d. À la suite d’un recours interjeté par l’intéressé contre la décision incidente du 7 octobre 2022, la chambre administrative l’a, par arrêt du 28 mars 2023 (ATA/313/2023), déclaré irrecevable, faute notamment de préjudice irréparable.

e. Le 11 août 2023, l’enquêteur précité a rendu son rapport d’enquête concernant l’intéressé et son collègue G______.

Il a entendu G______ le 22 novembre 2022 et A______ le 1er décembre 2022.

Les deux collaborateurs admettaient avoir cuisiné, dans le local du sous-sol considéré comme une salle « polyvalente », le 21 septembre 2022 à midi, des merguez et des côtelettes d’agneau, dans une poêle sur une plaque de cuisson en céramique présente dans ladite salle. La cuisson avait dégagé beaucoup trop de fumée. Comme le détecteur de fumée était proche, ils avaient, dans l’urgence, placé deux gants en latex sur le détecteur de fumée : le premier gant s’étant cassé, ils avaient mis un second par-dessus. Ce geste, effectué par A______ qui était le plus grand, avait été décidé, d’un commun accord, par les deux collaborateurs, une boîte de gants en latex étant disponible dans ledit local, afin d’éviter le déclenchement de l’alarme et le déplacement des services de secours pour rien. Après cela, ils avaient éteint la plaque de cuisson et mangé ce qui était cuit, puis rangé la salle et fait la vaisselle mais oublié les gants sur le détecteur de fumée. Il s’agissait de la première fois qu’ils mettaient des gants sur le détecteur de fumée et qu’il faisait des grillades dans ce local.

A______ reconnaissait que ledit geste n’était « pas très malin », qu’il s’agissait d’une erreur et qu’il le regrettait. Tous connaissaient la procédure en cas d’alarme incendie. Les fenêtres étaient ouvertes, comme à chaque fois car c’était un local en sous-sol. Il admettait également que, contrairement à G______, il était fumeur et qu’il lui était déjà arrivé très occasionnellement de fumer dans ce local, comme d’autres collègues. Ce local était accessible à tous moyennant un passe dont disposaient tous les travailleurs sociaux du centre. Ce jour-là, trois autres collègues y avaient également fumé. Après l’échange avec I______, très en colère, dont le ton était relativement agressif et qui avait refusé d’entendre que ce local était une salle polyvalente pour se reposer et manger, il s’était rendu à son bureau. Se sentant très mal après cette dispute, il avait envoyé un courriel à son supérieur de l’époque, F______, lui annonçant son souhait de rentrer et les raisons de celle-ci, ce qui avait été accepté. Il n’avait pas saisi ses heures de récupération ce jour-là, mais une semaine plus tard, car il était perturbé et que cela ne lui était pas venu à l’esprit. Il contestait avoir été désinvolte lors du colloque du 4 octobre 2022 et vivait très mal la suspension prononcée à son encontre. Il était suivi par un psychiatre car il ne comprenait pas cette mesure, l’accusation de mise en danger de la vie d’autrui était violente. Il était une personne active et avait envie de reprendre son travail.

L’enquêteur a également procédé aux auditions de témoins, cités par les deux collaborateurs et par l’hospice. Les auditions ont eu lieu entre le 22 novembre 2022 et le 4 mai 2023, en présence des parties ou de leur conseil. Chaque audition a fait l’objet d’un procès-verbal, soumis à la relecture de la personne entendue et remis aux parties au fur et à mesure de l’enquête.

Le local en cause était utilisé, en tout cas depuis 2017 lors de l’arrivée de J______, comme lieu de repos et pour manger à disposition de tous les collaborateurs du centre, disposant de tables, de chaises et de différents ustensiles utiles pour réchauffer des repas (micro-ondes, petit four) et des plaques de cuisson apportées en 2015 par un ancien collègue. Bien qu’il eût été considéré comme un lieu de dépôt dans le passé et que, depuis 2021, il devait accueillir des produits de nettoyage, la hiérarchie était informée de l’utilisation précitée de ce local par le personnel, notamment par les intendants sociaux, et l’avait tolérée, précisant toutefois qu’il y était interdit de fumer, ce qui avait été communiqué aux collaborateurs par courriel du 4 juin 2019 envoyé par M______, responsable d’unité du site D______ entre janvier 2016 et l’été 2021, et transmis à l’enquêteur. Ce local avait aussi servi pour des fêtes, notamment de départ ou d’anniversaire, et pour y garer des vélos. Il existait un local de pause au premier étage du même bâtiment, assez petit et utilisé par les assistants sociaux, ainsi qu’une ancienne cuisine aménagée dans le sous-sol du bâtiment voisin (bâtiment K) qui avait été fermée et déplacée ailleurs. Un membre du personnel avait observé une fois, avant le mois de septembre 2022, qu’on y grillait de la viande en raison de l’odeur y relative mais sans constater de fumée, et que parfois des gens y fumaient, précisant qu’il était assez clair, au niveau de la sécurité, notamment D______, qu’on ne pouvait pas fumer dans les locaux.

J______ indiquait que lui et I______ avaient constaté,
le 23 septembre 2022, que ce local était redevenu un lieu de pause et que le branchement de différents appareils électriques sur des multiprises n’était pas adapté au niveau de la sécurité incendie, ce qui était d’ailleurs interdit aux résidents dans les foyers où ils l’avaient constaté. Ils avaient également constaté, dans le dépôt peinture, une bombonne à gaz qu’ils avaient demandé à A______ de retirer du site.

Selon les témoignages des agents de H______, deux personnes faisaient régulièrement des rondes pendant la journée et trois étaient présentes la nuit, entre 18h et 6h, aucun parcours précis n’étant prédéfini. Sur le site D______, il y avait également une ronde spécifique sur la sécurité incendie, une fois par jour en général le soir entre 18h et 19h, au cours de laquelle ils vérifiaient les éléments liés à la sécurité incendie (extincteurs, éclairage de sécurité, portes coupe-feu, détecteurs de fumée…). En cas de problème sur un détecteur, celui-ci envoyait une notification de dérangement à la centrale d’alarme située dans la loge de sécurité de l’hospice. Selon les deux agents ayant travaillé le 21 septembre 2022 dans la soirée, et toute la nuit pour l’un d’eux, si un problème était constaté, le rapport y relatif était rédigé le jour même. Ils avaient senti une odeur de cigarette récemment fumée. L’un d’eux affirmait avoir pris la photographie annexée au rapport susmentionné du 22 septembre 2022 et rédigé celui-ci à la fin de sa ronde, précisant que son collègue, travaillant toute la nuit contrairement à lui, y avait inséré la photographie, ce qui expliquait la modification de l’heure sur le rapport. Cet agent-ci précisait ne pas se souvenir avoir, le 21 septembre 2022, reçu de message indiquant un dérangement du détecteur de fumée du local au sous-sol et indiquait que les locaux D______ étaient non-fumeurs mais qu’il était possible de fumer à l’extérieur et de jeter les mégots dans un cendrier à l’intérieur. Il n’avait auparavant jamais entendu parler de la présence de gants sur les détecteurs de fumée sur le site D______.

Aucun témoin ne s’était plaint du comportement de l’intéressé ni de celui de G______, dont les compétences avaient été relevées par quelques témoins.

f. Après avoir reçu les observations finales après enquêtes des deux collaborateurs mis en cause, l’enquêteur a tenu pour établi que le local en cause était utilisé par les intendants sociaux comme salle de pause et de repas et que son utilisation était connue et acceptée par la hiérarchie, à tout le moins depuis 2015 jusqu’à septembre 2022. Hormis l’interdiction de fumer rappelée par M______ dans un courriel de 2019, l’utilisation dudit local n’était soumise à aucune réglementation ou directive, écrite ou orale.

Les faits reprochés à A______ avaient mis en danger un grand nombre de personnes et ce pendant plus de 24 heures.

Ses motivations relevaient de la pure convenance personnelle. Il avait indiqué qu’il ne voulait pas que les secours se déplacent pour rien.

Aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu’il aurait déjà eu des agissements similaires. L’événement du 21 septembre 2022 était un cas isolé.

Cela étant, il fumait occasionnellement dans le local, en violation de l’interdiction de fumer.

Il fallait tenir compte de ses bons antécédents.

Les agissements constituaient une grave mise en danger d’autrui, une violation des art. 20 et 22 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), de ses devoirs de service et de l’art. 19 de la norme de protection incendie AEAI 2015.

g. Par décision du 20 octobre 2023, l’hospice a prononcé la révocation de A______, avec effet au 31 janvier 2024, et l’a libéré de son obligation de travailler. Les faits étaient établis et admis. L’intéressé avait agi par pure convenance personnelle et avait mis en danger un grand nombre de personnes. Il avait en outre déjà fumé occasionnellement dans la salle en cause du CHC D______, en violation de l’interdiction de fumer y prévalant. Malgré l’absence d’antécédents disciplinaires, de bonnes prestations et des compétences professionnelles reconnues, et compte tenu également de ses regrets, le cas de A______ devait être apprécié au regard du risque incendie, qui était le plus important de la matrice des risques de l’hospice, en particulier dans un lieu d’hébergement et de vie. Au moment des faits, il n’y avait pas de situation d’urgence et il avait agi par simple convenance personnelle. Par conséquent, au vu de la gravité de la faute, le lien de confiance était rompu et la sanction la plus lourde devait être prononcée, soit une révocation respectant le délai de préavis de trois mois.

E. a. Par acte expédié le 22 novembre 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) en concluant principalement à son annulation et à sa réintégration en qualité d’intendant social au CHC D______, ainsi qu’à la restitution de l’effet suspensif au recours.

Il n’avait pas agi par pure convenance personnelle mais par négligence et dans l’urgence. La cuisson de merguez et de côtelettes n’était pas critiquable, tant il était vrai qu’il y avait une plaque de cuisson permanente et qu’il s’agissait d’une salle de pause et de repas, ce que la hiérarchie savait et avait accepté.

Il n’avait pas mis en danger un grand nombre de personnes. Ce point n’avait pas été instruit. Sous l’angle pénal, il n’avait pas le devoir de veiller sur les personnes se trouvant D______, et ne les avait pas exposées à un danger imminent pour la vie ou la santé. L’incendie passé ne pouvait en aucune manière influencer son sort.

La sanction infligée violait le principe de proportionnalité. Il n’avait aucun antécédent disciplinaire, ses évaluations étaient excellentes, il s’agissait d’un acte isolé, il avait immédiatement admis les faits, s’était montré transparent et avait exprimé des regrets.

C’était un blâme qui devait lui être infligé.

b. Par décision du 21 décembre 2023, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

c. Le 21 décembre 2023, l’hospice a conclu au rejet du recours.

d. Le 26 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il n’avait pas installé les gants en vue d’une grillade mais après avoir été surpris par la fumée. Ce n’était pas parce qu’il y avait un détecteur qu’il y aurait mise en danger s’il n’y en avait pas.

e. Le 23 avril 2024, le juge délégué a entendu les parties.

ea. Le recourant a exprimé son profond regret, le travail d’intendant social étant une reconversion professionnelle et un métier qu’il aimait beaucoup en raison de sa composante sociale consistant à venir en aide aux autres. Il avait besoin de travailler et avait trouvé un emploi temporaire à plein temps en tant que conducteur de machines, activité qu’il exerçait avant sa reconversion. Il espérait pouvoir réintégrer son poste dans lequel il s’était énormément investi, notamment lors de la crise COVID et ukrainienne.

eb. L’hospice a maintenu sa position, soulignant que le risque incendie était le premier risque, un risque majeur qui focalisait toute son attention, ce qui rendait la faute impardonnable. Le centre D______ était en outre un lieu particulièrement sensible du fait de deux incendies dont le dernier avait fait une victime. La même sanction aurait été prononcée si cela avait eu lieu dans un autre centre, ce qui était déterminant était la rupture du lien de confiance au sujet d’un élément aussi sensible et important que la sécurité incendie, étant rappelé qu’il s’agissait d’un lieu de vie abritant des personnes vulnérables, souvent peu francophones et maîtrisant mal les consignes de sécurité incendie.

f. Le 7 mai 2024, l’hospice a persisté dans ses conclusions.

g. Le 7 mai 2024, le recourant a produit un plan du sous-sol du CHC D______, qu’il avait élaboré pour démontrer la présence de sept autres alarmes incendies en sus de celle de la salle polyvalente où les faits litigieux s’étaient déroulés.

h. Le 21 mai 2024, l’hospice a produit le plan du 1er sous-sol du CHC où se trouvait le local montrant les détecteurs d’incendie, précisant que les mesures techniques étaient complémentaires aux comportements attendus des collaborateurs, en particulier de ceux en charge de tâches de prévention incendie.

i. Le 4 juin 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

L’hospice avait reconnu la destination de la salle comme lieu de pause et de repas. Il avait été surpris par l’ampleur de la fumée mais avait immédiatement fait ce qu’il fallait pour éviter tout danger pour quiconque. Il avait arrêté la cuisson, sorti la poêle et ouvert les vasistas qui ne l’étaient pas déjà. Il avait admis avoir fait une erreur en plaçant les gants sur le détecteur de fumée. Il avait exprimé des regrets. Il ne l’avait pas fait par convenance personnelle mais dans l’urgence, pour éviter que l’alarme ne se déclenche, avec les frais qui en découlaient.

j. Le 6 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 30 al. 2 et 31 LPAC).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de révocation pour faute grave. Le recourant ne conteste ni la violation de ses devoirs de service, ni le principe d’une sanction, mais se plaint du choix de l’autorité de procéder à sa révocation au lieu de lui infliger un blâme, choix qui violait le principe de la proportionnalité.

2.1 En tant que fonctionnaire engagé par l’hospice, le recourant est soumis à la LPAC (art. 1 al. 1 let. f LPAC) et au RPAC. Il ne conteste pas avoir failli à ses devoirs de service, en posant les gants en latex le 21 septembre 2022 sur le détecteur de fumée et en oubliant de les enlever après le repas. Il a également admis avoir occasionnellement fumé à l’intérieur du centre, même s’il conteste l’avoir fait ce jour-là. L’art. 20 RPAC dispose que les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 2 RPAC). Ses tâches et compétences sont fixées dans son cahier des charges (art. 6 al. 1 RPAC).

2.2 Selon l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions précisées dans cette disposition, qui vont du blâme (ch. 1) prononcé par le supérieur hiérarchique en accord avec sa hiérarchie (let. a), jusqu’à la révocation (ch. 5) prononcée par le CA de l’établissement concerné (let. c). Entre ces deux sanctions figurent la suspension d’augmentation du traitement pendant une durée déterminée (ch. 2), la réduction de traitement à l’intérieur de la classe (ch. 3) et le retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans (ch. 4). Cette dernière sanction est également du ressort du CA (art. 16 al. 1 let. c ch. 4 LPAC), tandis que les autres sanctions précitées relèvent de la compétence du directeur général de l’établissement concerné (art. 16 al. 1 let. b ch. 2 et 3 LPAC).

En cas de révocation, le CA de l’établissement peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l’intérêt public le commande (art. 16 al. 2 LPAC).

2.3 Le CA peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne ayant les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c LPAC (art. 27 al. 2 LPAC).

2.4 Lorsque l'autorité choisit la sanction disciplinaire qu'elle considère appropriée, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, lequel est toutefois subordonné au respect du principe de la proportionnalité. Son choix ne dépend pas seulement des circonstances subjectives de la violation incriminée ou de la prévention générale, mais aussi de l'intérêt objectif à la restauration, à l’égard du public, du rapport de confiance qui a été compromis par la violation du devoir de fonction. Une mesure viole le principe de la proportionnalité si elle excède le but visé et qu'elle ne se trouve pas dans un rapport raisonnable avec celui-ci et les intérêts - en l'espèce publics - compromis (arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités). Eu égard au principe de proportionnalité, le choix du type et de la gravité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). À cet égard, l’autorité doit tenir compte, d’une part et en premier lieu, d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession ou institution en cause, et, d’autre part, de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, les mobiles et les antécédents, ainsi que les responsabilités et la position hiérarchique de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2021 du 10 février 2022 consid. 7.2.4 ; ATA/1251/2023 du 21 novembre 2023 consid. 5.6 et les arrêts cités ; ATA/329/2013 du 28 mai 2013 consid. 9a). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6a).

Dans le domaine des mesures disciplinaires, la révocation est la sanction la plus lourde. Elle implique une violation grave ou continue des devoirs de service. Il peut s'agir soit d'une violation unique spécialement grave, soit d'un ensemble de transgressions dont la gravité résulte de leur répétition. L'importance du manquement doit être appréciée à la lumière des exigences particulières qui sont liées à la fonction occupée. Toute violation des devoirs de service ne saurait cependant être sanctionnée par la voie de la révocation disciplinaire. Cette mesure revêt en effet l'aspect d'une peine et présente un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 précité consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

2.5 Parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références citées ; ATA/30/2023 du 17 janvier 2023 consid. 4e et 4f).

La chambre de céans a notamment confirmé la révocation : d’un agent de sécurité publique qui enregistrait des vidéos pendant des interventions sans l’accord de personnes filmées (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2020 du 4 mars 2021) ; d’un fonctionnaire ayant pénétré dans les bureaux RH dont l’accès était restreint aux seules personnes autorisées moyennant un badge (révocation avec effet immédiat : ATA/698/2020 du 4 août 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021) ; d'un huissier-chef ayant transmis des documents à des tiers non autorisés, omis de cadrer une subordonnée et adopté d'autres comportements problématiques (ATA/1287/2019 du 27 août 2019) ; d'un intervenant en protection de l'enfant ayant entretenu une relation intime avec la mère des enfants dont il était resté en charge (ATA/913/2019 du 21 mai 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019) ; d'un employé administratif au sein de la police ayant fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des données confidentielles à des tiers (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020) ; d'un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d'un établissement hospitalier (ATA/118/2016 du 9 février 2016) ; d'un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2013 du 7 juillet 2014) ; d'un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ; d'un fonctionnaire ayant notamment entretenu des relations intimes avec des fonctionnaires du service (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2010 du 9 mai 2011) ; d'un fonctionnaire ayant fréquemment et régulièrement consulté des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail, malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010) ; d'un enseignant qui avait ramené une prostituée à l'hôtel où logeaient ses élèves, lors d'un voyage de classe, organisé sur son lieu de travail et pendant ses heures de service une rencontre à caractère sexuel avec un jeune homme dont il n'avait pas vérifié l'âge réel et dont il ignorait l'activité, puis menacé ce dernier (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

La chambre administrative a en revanche annulé la révocation et ordonné la réintégration d’un fonctionnaire, l’autorité ayant mal établi les faits et abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le comportement de celui-ci constituait du harcèlement sexuel à l’égard d’une collègue (ATA/137/2020 du 11 février 2020) ; en l'absence de violation des devoirs de service d'un fonctionnaire, pour lequel l'autorité d'engagement n'avait pas pu établir qu'il s'était rendu coupable de faux, seul fait à la base de la décision (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015), ou au motif que l'autorité avait renoncé à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d'une année, laissant la fonctionnaire concernée dans l'incertitude sur sa situation, ce qui allait à l'encontre des principes du droit disciplinaire (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

3.             En l’espèce, l’acte principalement reproché au recourant est l’obstruction du détecteur de fumée situé dans le local du sous-sol d’un bâtiment du CHC D______, fait admis d’emblée par le recourant, afin d’éviter le déclenchement de l’alarme en raison de l’importante fumée causée par des grillades effectuées dans ledit local.

La décision de révocation entreprise, qui s'appuie sur les conclusions du rapport d'enquête et les reprend, souligne les aspects positifs du dossier du recourant, à savoir l’absence d’antécédents, les excuses et les regrets exprimés, ses prestations jugées bonnes et ses compétences professionnelles reconnues, mais relève aussi qu’il subsistait un doute quant à savoir s’il avait pris la mesure de ce qui lui était reproché. Cela étant posé, l’hospice considère que le risque incendie au centre D______, qui s’est déjà et dramatiquement réalisé et qui représente le risque le plus important de la matrice des risques de l’établissement, lieu d’hébergement et de vie, ne permettait pas de tolérer la faute commise par le recourant compte tenu de l’impact de l’obstruction du détecteur de fumée sur le bon fonctionnement du dispositif de prévention incendie et du risque associé à ce geste, qui est de mettre potentiellement en danger la vie des occupants du site (collaborateurs et résidents), ainsi qu’eu égard aux responsabilités du recourant en matière de sécurité incendie.

Bien que le cahier des charges produit par l’hospice n’ait pas été signé par le recourant, son évaluation de novembre 2021, effectuée par son supérieur hiérarchique au CHC D______ un mois environ après son arrivée, fixait, à titre d’objectif, sa participation au concept de sécurité selon la directive y relative, produite dans le dossier, et les exercices périodiques ou contrôles organisés par le service « sécurité ». Cette directive souligne, dans son préambule, que la sécurité est « une affaire de tous », énumérant les devoirs généraux, notamment le devoir de diligence posé par l’art. 19 des normes AEAI 2015, reproduit dans ladite directive en ces termes : « Il faut se comporter de manière à éviter les incendies et les explosions […] » (al. 1) et « Les propriétaires et les exploitants de bâtiments et d’autres ouvrages veillent à garantir la sécurité des personnes et des biens » (al. 2). Par ailleurs, les trois premières évaluations susmentionnées de 2016 et 2017 du recourant ont mis en évidence que la sécurité incendie faisait partie de ses attributions en tant qu’elle constituait un des objectifs qui lui étaient fixés dans son activité d’intendant social dans les CHC gérés par l’hospice. Parmi ses activités et responsabilités principales, le recourant devait assumer un volet « sécurité » décliné en plusieurs mesures, dont celle de réaliser les tâches de prévention sécurité incendie en collaboration avec le service sécurité incendie ainsi que de signaler et transmettre de manière documentée tout incident lié à la protection incendie. À cela s’ajoutait la particularité du CHC D______, marqué par les conséquences dramatiques dues à un incendie survenu quelques années auparavant, qui faisait l’objet d’une ronde quotidienne spécifique au risque incendie, en sus des rondes de sécurité habituelles, comme cela découle du rapport d’enquête et des auditions des agents de sécurité dudit site. Il y a ainsi un lien étroit et direct entre la nature du devoir professionnel violé par le recourant et les attributions liées à sa fonction au sein de l’hospice, de sorte que la gravité de l’obstruction du détecteur de fumée reprochée est incontestable.

La chambre administrative ne peut que suivre l’hospice. En effet, nonobstant les aspects positifs du dossier du recourant, avoir obstrué un détecteur de fumée dans un lieu particulièrement sensible, où vivent de nombreuses personnes, et avoir laissé perdurer cette situation, constitue indiscutablement une faute grave. Eu égard aux éléments du dossier pris dans leur ensemble, c'est donc de manière non critiquable que l’autorité intimée a retenu une grave violation par le recourant de ses devoirs de service. Le recourant, sans contester les faits qui lui sont reprochés, se limite d’une manière générale à opposer son opinion à celle de l’autorité intimée, en tentant d’amoindrir sa responsabilité en construisant une activité en deux temps, chacun représentant une négligence n’ayant créé qu’un risque abstrait et ne méritant ainsi pas une lourde sanction. Or, le recourant oublie dans son appréciation les formations suivies autant que les tâches stipulées dans son cahier des charges. Chargé, en sa qualité d’intervenant en gestion de lieux de vie, de réaliser les tâches de prévention sécurité incendie selon les directives du lieu et en collaboration avec le service ad hoc, il est difficile de considérer son activité du 21 septembre 2022 comme n’étant pas particulièrement grave. Les circonstances personnelles rappelées ci-dessus devaient constituer autant d’avertissements à ne pas agir ainsi qu’il l’a fait. Obstruer un détecteur incendie constituait en soi une faute grave, ne pas retirer les gants après son repas l’était plus encore. Il s’agit de deux actes inexcusables constituant autant de graves violations de ses devoirs de fonction. Que le risque ainsi créé ne se soit pas concrétisé relève du hasard et les fautes que d’autres auraient pu commettre n’atténuent pas les siennes et ne sauraient être considérées comme des excuses, le seul fait de l’évoquer constituant un aveu d’absence de prise en compte sérieux du danger créé.

De plus, selon l’enquêteur et l’hospice, le recourant n’a pas pris la mesure de la gravité de son acte. Certes, le recourant a exprimé des regrets, mais son argumentation tend à confirmer l’appréciation de l’enquêteur considérant qu’il n’a pas pris la mesure de la gravité de son acte. Lors de l’entretien de service du 3 octobre 2022, il a tenté de minimiser son acte par l’ambiance de travail au sein du centre, évoquant l’absence de ligne de conduite et de solidarité ainsi que les problèmes d’organisation et de collaboration entre les différents corps de métier, ce qui pouvaient selon lui conduire à des actes « idiots ». Or, on ne voit pas le lien entre la prévention en matière incendie et les conditions de travail évoquées par le recourant, la première étant impérative en tout temps et en toutes circonstances. Le recourant invoque également avoir été choqué par le reproche de mise en danger de la vie d’autrui ce qui l’a conduit, selon ses propos lors dudit entretien, à consulter un psychiatre. Cela tend à confirmer l’absence de prise de conscience par l’intéressé quant aux conséquences de l’obstruction d’un détecteur de fumée. Cette incapacité à associer le risque en matière d’incendie à l’acte reproché est corroborée par le fait que le recourant admet avoir fumé, même si seulement de manière occasionnelle selon ses déclarations, à l’intérieur du centre, alors que l’interdiction de fumer à l’intérieur des locaux est notoire et qu’il la connaissait, ayant lui-même précisé fumer principalement à l’extérieur du centre. À cela s’ajoute l’argumentation développée dans ses observations après enquête, persistant à contester avoir mis en danger un grand nombre de personnes ainsi que la gravité de son acte, et ce malgré ses attributions et l’importance déjà soulignée du risque incendie dans les CHC de l’hospice.

Enfin, l’argument du recourant relatif à la durée pendant laquelle le gant est resté sur le détecteur de fumée, tend aussi à minimiser son acte en rejetant la faute du risque incendie liée à son acte sur les agents de H______ dont la gestion problématique a été signalée à l’hospice par l’enquêteur. Ce faisant, le recourant semble perdre de vue que la gestion de la prévention en matière d’incendie au CHC D______ est l’« affaire de tous » comme souligné dans la directive précitée. Elle ne revient pas aux seuls agents de H______, mais fait également partie de ses propres responsabilités, ce qu’il semble ignorer ou à tout le moins sous-estimer, y compris après l’imprudence d’avoir fait griller des merguez et des côtelettes dans une cuisine improvisée et vétuste et l’obstruction du détecteur de fumée. Ce geste est grave. Il est en outre motivé par des raisons de pure convenance personnelle, le seul but du recourant étant d’éviter d’attirer l’attention de tiers sur la fumée qu’il a occasionnée, supérieure à celle usuellement générée comme le relève le rapport d’enquête.

C'est donc à juste titre que l'autorité intimée a estimé que seule la révocation du recourant était apte à permettre de veiller à l’intérêt public que constituait la protection des occupants du foyer D______ et de maintenir la confiance et la réputation de la fonction publique au regard de ce que ce foyer avait connu en 2014. La référence à ce tragique événement est pertinente, et sanctionner sévèrement toute personne qui enfreint les règles de protection incendie revêt un intérêt public évident, supérieur à l’intérêt privé du recourant à conserver son poste. Les autres sanctions prévues à l’art. 16 al. 1 LPAC, telles que le retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans (let. c ch. 4), la réduction du traitement ou la suspension de son augmentation au sens de la let. b (ch. 2 et 3), présupposent le maintien du recourant dans sa fonction et a fortiori dans ses attributions en matière incendie, alors qu’il a in casu gravement enfreint ces dernières.

Dans ces circonstances, aucune autre sanction disciplinaire n'apparaît envisageable sous l'angle de la proportionnalité et aucune autre mesure ne permettrait d'atteindre les objectifs poursuivis en matière de sécurité. La faute du recourant, grave, cumulée à l’absence de prise de conscience du risque qu’il a pris en obstruant le détecteur de fumée sur la vie et la santé d’autrui, a irrémédiablement rompu le lien de confiance avec son employeur, ce que ce dernier a relevé. Par ailleurs, la sanction prononcée s’avère conforme à la jurisprudence constante en matière de révocation et il n’apparaît pas que le recourant ferait l’objet d’une inégalité de traitement en étant sanctionné différemment qu’un membre de la fonction publique ayant commis des manquements à ses devoirs de service dans des circonstances assimilables à sa situation. Enfin, l'intérêt public de l’employeur à la conservation d'un personnel respectueux de ses intérêts prime l'intérêt privé du recourant à conserver son poste, fût-ce au regard de son âge.

Compte tenu de ce qui précède, c'est sans abuser de son large pouvoir d'appréciation, conformément au droit et dans le respect des principes de la proportionnalité et de l’égalité de traitement, que l’hospice a prononcé la révocation du recourant.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera octroyée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 20 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert ASSAËL, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :