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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2134/2022

ATA/30/2023 du 17.01.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.02.2023, rendu le 04.09.2023, REJETE, 8C_126/2023
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;ENQUÊTE ADMINISTRATIVE;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);RÉVOCATION DISCIPLINAIRE;SANCTION ADMINISTRATIVE;MOTIF;PROPORTIONNALITÉ;RELATION DE CONFIANCE
Normes : LPAC.16; LPAC.27; RPAC.20; RPAC.21; RPAC.22; RPAC.23; LEg.4
Résumé : Rejet du recours d’un fonctionnaire contre la décision de révocation prononcée à son encontre. Le recourant a violé ses devoirs de service en commettant des manquements graves et répétés. Le lien de confiance avec son employeur est irrémédiablement rompu. La décision est proportionnée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2134/2022-FPUBL ATA/30/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Stéphanie Fuld, avocate

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1969, est marié et père de trois enfants nés en 1996, 1999 et 2004.

2) a. Il a été engagé dès le 1er août 2014 comme gestionnaire au service de ______ (ci-après : ______), rattaché au département de la cohésion sociale (ci-après : le département).

b. Il a été engagé sous le statut d’auxiliaire, pour une durée maximale de douze mois, en classe 13, avec un traitement annuel brut de CHF 90'496.-.

c. M. A______ a fait l’objet d’entretiens d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) les 15 octobres 2014, 24 avril 2015 et 16 mars 2016. Le bilan était très bon.

d. Son engagement a été prolongé dès le 1er août 2016 pour douze mois au maximum.

e. Il a eu, le 28 février 2017, un EEDP avec sa nouvelle supérieure hiérarchique, Madame B______. Le bilan était très bon.

f. Dès le 1er avril 2017, son statut d’auxiliaire s’est transformé en statut d’employé. Il a ensuite été nommé fonctionnaire. Son traitement annuel brut s’élevait dès lors à CHF 92'559.-.

g. Selon son EEDP du 13 mars 2019, le bilan était très bon.

h. M. A______ a été promu chef de secteur dès le 1er avril 2019, sa fonction se trouvant en classe 18 et son traitements annuel brut s’élevant à CHF 110'207.-. Il serait confirmé dans sa nouvelle fonction au terme d’une période d’essai de vingt-quatre mois, pour autant que ses prestations soient satisfaisantes.

Selon son cahier des charges, il devait notamment contribuer à la construction, à la performance et à l’évolution des prestations du ______, assurer la bonne exécution des mandats de curatelle dont il avait la responsabilité, organiser et superviser la prise en charge et le suivi de personnes protégées en fonction de leurs besoins, soutenir X______ (ci-après : X______) et les Y______ (ci-après : Y______) dans les prises de décision délicates, en respectant le principe de l’autodétermination de la personne protégée et en collaboration avec les autres curateurs éventuellement nommés, veiller à la qualité de l’environnement de travail et à l’adéquation des compétences et aptitudes de ses subordonnés afin d’assurer la délivrance d’une prestation durable, efficiente, fédérer ses subordonnés et ses pairs autour de la stratégie et de la vision, construire de concert avec ses subordonnés un bon climat de travail, en sa qualité de co-curateur, remplacer les X______, prendre des décisions graves concernant la vie des personnes protégées (fin de vie, acharnement thérapeutique, mesures de contention), et se tenir activement informé du suivi et de l’évolution de chaque situation confiée aux X______ de son secteur.

Il avait quinze subordonnés sous sa responsabilité, exerçant la fonction d’X______ ou de Y______.

i. M. A______ a eu un entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) le 4 novembre 2020 avec Monsieur C______, directeur du ______. Le bilan était bon.

Il en ressortait que l’évaluateur avait pris ses fonctions le 11 mars 2020, de sorte que la période évaluée était restreinte. S’y ajoutait le contexte dégradé dû au confinement en lien avec le COVID-19. L’évaluation devait donc être considérée comme partielle et basée sur des interactions avec M. A______.

Le 19 janvier 2021, Madame D______, supérieure hiérarchique du directeur du ______, a signé cet EEDM « avec réserves ».

3) a. Le 12 novembre 2020, une délégation de quatre subordonnées de M. A______ a fait part au directeur du ______ de problèmes qu’elle rencontrait avec lui, tant en ce qui concernait la gestion du secteur que son comportement.

Le directeur a reçu cette délégation une seconde fois le 10 décembre 2020, à la suite de quoi il a récolté les témoignages individuels de chacun des collègues dont le nom avait été cité, ainsi que des subordonnées de M. A______ qui s’étaient plaintes par écrit.

b. Lors d’un entretien du 23 février 2021 avec le directeur et une personne responsable du secteur des ressources humaines (ci-après : RRH), M. A______ s’est vu remettre les dépositions de ses subordonnés. Il en ressortait qu'il lui était reproché de ne pas avoir correctement exécuté des mandats de curatelle, de ne pas avoir organisé le travail de son secteur, d’avoir recours à des méthodes de management inadéquates, ainsi que tenu des propos et adopté un comportement inappropriés avec ses subordonnés.

Au vu de la gravité des faits, il était libéré de son obligation de travailler. Interdiction lui a été faite d’entrer en contact avec ses subordonnés. L’employeur envisageait de demander au Conseil d’État l’ouverture d’une enquête administrative.

Il ressort du compte rendu de cet entretien, de six pages et demie, que les griefs émis à l’encontre de M. A______ sont énumérés sur cinq pages et demie et sont rassemblés sous les titres « Exécution des mandats de curatelle », « Organisation du travail », « Méthodes de management » ainsi que « Propos et comportements envers les subordonnés ». M. A______ avait été invité à plusieurs reprises à s’exprimer à leur sujet, mais était resté silencieux. En apprenant la détermination de son employeur, il était resté muet et prostré, le souffle saccadé. Les autres personnes présentes avaient tenté d’établir un contact avec lui durant plus d’une demi-heure afin de savoir s’il allait bien et le faire sortir de son silence, en vain. Ils avaient finalement appelé les secours qui étaient intervenus près d’une heure après le début de l’événement. Les ambulanciers avaient cherché à faire sortir M. A______ de sa catatonie durant plus d’une heure avant de faire appel à un médecin. Près de trois heures après le début des faits, il avait été transporté à l’hôpital, avec son accord.

4) M. A______ a été convoqué le 11 mars 2021 à un EEDM pour le 30 mars suivant, devant porter sur la fin de sa période d’essai à la suite de sa promotion. La convocation indiquait qu’au vu des faits évoqués lors de l’entretien du 23 février 2021 précité, l’employeur envisageait de ne pas le confirmer.

5) Dans ses observations du 25 mars 2021 en lien avec le compte rendu de l’entretien du 23 février précédent, M. A______ en a contesté le bien-fondé, de même que la procédure suivie, vu le véritable dossier d’accusation monté à son encontre et, durant l’entretien, son état de grave léthargie. Son ascension au sein du ______ découlait de sa seule détermination et de la qualité indéniable et reconnue de son travail. La mauvaise gestion de ses curatelles était due aux dysfonctionnements généraux du ______, notoires, dont il était victime, et qu’il détaillait. Il ne se prononçait pas sur les accusations de mauvaise gestion de son service mais réfutait en bloc les accusations de harcèlement sexuel.

6) L’EEDM du 30 mars 2021 a eu lieu sous la forme écrite. Il a été question d’objectifs non atteints et, au vu des faits évoqués lors de l’entretien du 23 février précédent, de lacunes managériales et relationnelles très importantes qui empêchaient M. A______ de prétendre à un poste impliquant la gestion de personnel et la prise en charge de bénéficiaires vulnérables. L’employeur envisageait de ne pas confirmer sa promotion.

M. A______ avait seize subordonnés directs.

Le bilan de la période écoulée montrait qu’il s’était fortement investi dans la fonction de chef de secteur. Les difficultés exogènes liées notamment au taux d’absentéisme élevé, à une augmentation de la charge de travail ainsi qu’aux contraintes inhérentes à la pandémie n’excusaient pas ses lacunes. La manière dont il avait exercé sa fonction n’était pas compatible avec une bonne délivrance des prestations aux bénéficiaires.

7) Dans ses observations du 12 avril 2021, M. A______ a indiqué qu’il refusait de signer cet EEDM pour « marquer son désaccord avec la campagne de dénigrement injustement perpétrée à son encontre par le ______ [ ] ». Il était le « bouc émissaire » d’un ______ qui se cherchait un coupable désigné pour cacher son propre dysfonctionnement. Bien qu’il semblât que des licenciements aussi soudains qu’inexpliqués de personnes de couleur soient déjà intervenus, il osait espérer que celle de sa peau était étrangère à l’attitude adoptée à son égard.

L’EEDM du 30 mars 2021 remettait en cause ses qualités précédemment relevées à juste titre moins de six mois plus tôt, dans l’EEDM du 4 novembre 2020, en se fondant sur les éléments du compte rendu d’entretien du 23 février 2021. Or, ces éléments n’avaient à ce stade aucune force probante, puisque recueillis par une autorité incompétente et de manière aussi arbitraire que contraire au droit d’être entendu.

8) Par arrêté du 21 avril 2021, le Conseil d’État a sollicité l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______. Il lui était fait grief d’avoir violé ses devoirs de service. Par ailleurs, la libération de l’obligation de travailler était validée ainsi que sa suspension provisoire, dès lors que les fautes reprochées étaient de nature à compromettre la confiance et l’autorité qu’impliquait l’exercice de sa fonction. Cette suspension provisoire n’était pas assortie de la suppression de son traitement, dès lors que les faits devaient encore être établis.

9) Le 26 avril 2021, le chef du département a informé M. A______ de ce qu’il n’était pas confirmé dans sa fonction de chef de secteur. Dès le 1er avril 2021, il était rétrogradé dans sa fonction précédente de gestionnaire.

10) Dans le cadre de l'enquête administrative diligentée, M. A______ a été entendu sur les faits au cours de deux audiences de comparution personnelle et a eu l'occasion de s'exprimer lors de huit audiences d'enquêtes, durant lesquelles vingt-deux personnes ont été auditionnées en qualité de témoins. L’enquêtrice a rendu son rapport le 27 janvier 2022. Selon ce dernier, l’instruction avait permis d’établir que M. A______ avait violé ses devoirs de service de manière importante, en raison de la nature de ces violations, de leur permanence et de leur répétition. Cela s’appliquait au suivi des dossiers de sept personnes protégées, à ses relations interpersonnelles avec ses subordonnées, dans le cadre desquelles il avait adopté des comportements, d'une part, discriminatoires au sens de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1) et, d'autre part, à plusieurs reprises, incompatibles avec ses obligations de supérieur hiérarchique. Dans le cadre de l’organisation de la gestion de son secteur, il n’avait pas respecté ses obligations de supérieur hiérarchique en plusieurs circonstances.

11) Dans ses observations du 10 mars 2022 concernant ce rapport, M. A______ a relevé que l’enquête administrative s’était inscrite dans le cadre d’une campagne de dénigrement menée à son encontre par certaines de ses subordonnées. Ses droits avaient été violés compte tenu de l’accès limité à sa messagerie professionnelle, de l’absence de communication directe avec l’enquêtrice, d’une procédure dépassant largement le délai légal et du non-respect d’un délai judiciaire.

Le rapport ne tenait pas compte du fait qu’il avait hérité d’un secteur totalement délabré et que ses innombrables demandes à sa hiérarchie, relatives au manque cruel d’effectifs et à la surcharge astronomique de travail, étaient restées lettre morte. Les manquements concernant sept dossiers ne représentaient que 1 % de la totalité des huit cents dossiers sous sa responsabilité. Il avait respecté les plans de reprise thérapeutique de l’ensemble de ses subordonnées. Malgré la surcharge de travail constante, il avait toujours veillé à soutenir ces dernières lors de situations délicates. Aucune preuve n’avait été versée démontrant qu’il aurait prétendument annulé les vacances d’une subordonnée ou lui aurait refusé un jour de congé supplémentaire. Les nouveaux collaborateurs avaient pu suivre une formation mise en place par ses soins et la direction. La fréquence des séances bilatérales avait notamment diminué en raison de la crise sanitaire. Il était toutefois resté disponible pour ses subordonnés, sauf urgence professionnelle. De nombreux collaborateurs avaient corroboré le fait qu’il n’avait jamais tenu de propos ni adopté un comportement déplacés envers ses subordonnées. Il avait toujours été très respectueux, patient et humble lorsqu’il échangeait avec ses subordonnés.

12) Par arrêté du 25 mai 2022 déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a révoqué M. A______ avec effet immédiat.

Il est revenu en détail sur les griefs de nature formelle objectés par M. A______ quant au déroulement de l’enquête administrative et à son accès à sa messagerie professionnelle, de même que sur les reproches retenus au terme de ladite enquête et les arguments y opposés par M. A______.

À l’instar du rapport d’enquête, il était retenu que M. A______ avait gravement violé ses devoirs de service s’agissant du suivi des dossiers de sept personnes protégées, dont celui d'une personne, âgée de plus de 90 ans, retrouvée dans un état de dénutrition et d’abandon avancés à son domicile avant de décéder quelques jours plus tard en milieu hospitalier suite à une infection du sang. Il avait violé ses devoirs de service s’agissant des propos tenus et comportements discriminatoires à l’égard de ses subordonnées, soit un mode courant d’expression d’autant plus inacceptable qu’il avait un rapport hiérarchique avec les destinataires de ses propos. Il avait aussi gravement violé ses devoirs de service s’agissant de sa posture autoritaire, méprisante, menaçante et manipulatrice dans ses rapports avec ses subordonnées. Il n’avait en particulier pas hésité à abuser de son pouvoir hiérarchique pour les soumettre à sa volonté. S’y ajoutait qu’il était incapable de se montrer soutenant face à des situations douloureuses auxquelles plusieurs d’entre elles s’étaient trouvées confrontées. Il avait aussi gravement violé ses devoirs de service s’agissant de la formation, de l’accompagnement et de sa disponibilité à l’égard de ses subordonnées, de même que de l’organisation des séances bilatérales.

Il était encore tenu compte :

-          des cinq EEDP alors qu’il était gestionnaire,

-          de l’EEDM du 4 novembre 2020,

-          du fait qu’il avait fait fi des craintes de sa hiérarchie relativement à sa demande insistante de prendre la direction du secteur dont il était issu et avait refusé la proposition d’être affecté à cette fonction ad intérim pendant six mois afin d’évaluer ses compétences dans le domaine social et l’encadrement,

-          des constats de ses diverses hiérarchies de son fort investissement dans sa fonction de chef de secteur,

-          du fait qu’il n’avait pas pu suivre de formation managériale, ce qui ne justifiait toutefois en aucun cas les graves violations de ses devoirs de service,

-          de l’absence d’antécédents disciplinaires.

13) M. A______ a formé recours contre cet arrêté par acte expédié le 27 juin 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours et, principalement, à l’annulation dudit arrêté, ainsi qu’à sa réintégration immédiate dans son poste de chef de secteur au ______, subsidiairement dans un poste de nature équivalente à celle de chef de secteur respectant la même classe de fonction, plus subsidiairement au renvoi de la cause au Conseil d’État pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Cette autorité avait violé son droit d’être entendu, dans la mesure où la décision attaquée souffrait d’un défaut de motivation. Il peinait donc à comprendre sur quelle base le Conseil d’État estimait que ses observations étaient inutiles au regard de la présente cause dès lors que les explications fournies portaient spécifiquement sur les faits reprochés.

Il est revenu sur son parcours au sein du ______, au cours duquel il avait donné, pendant de nombreuses années, grande satisfaction à ses supérieurs hiérarchiques, au point qu’il avait finalement été engagé par contrat de durée indéterminée, avant d’être nommé le 1er avril 2019 chef de secteur de la section B. Son EEDM du 4 novembre 2020 était très positif.

En parallèle de sa nomination au poste de chef de secteur, le ______ avait mis en place un nouveau projet de service ayant entraîné des répercussions désastreuses sur l’ambiance, la charge de travail et le taux d’absentéisme. Les anciens gestionnaires étaient devenus des curateurs à part entière. Les X______ avaient dû assumer la charge de la gestion financière en sus de la gestion sociale. Ce projet avait donc généré une surcharge chronique de travail et des retards permanents dans les prestations à délivrer. Le ______ avait ensuite mis plusieurs mois avant de remplacer les X______ partis en raison de ce changement de système. Les personnes engagées étaient le plus souvent sous-qualifiées. Il avait dû gérer de nombreux arrêts maladie et l’absentéisme général qui gangrénait le service. En plus de ses tâches de chef de secteur, de la gestion de son propre portefeuille de dossiers et de son rôle de co-curateur pour les curateurs sous sa responsabilité, il devait gérer un nombre important de portefeuilles en déshérence de par toutes ces absences et ces départs non remplacés. Le contexte d’asphyxie dans lequel se trouvait le ______ avait fait la une des journaux et été constaté par la Cour des comptes dans un rapport d’activité pour l’année 2018 - 2019. Dans son suivi du rapport du 20 juin 2020, cette instance ne s’était pas montrée optimiste sur une amélioration de la situation pour 2020. Malgré cette carence organisationnelle de son employeur, il avait fait preuve d’une volonté inébranlable pour assurer la gestion de tous les mandats dont il avait la charge ou qui se trouvaient en déshérence. En 2019, le rôle de chef de secteur était clairement considéré comme une « mission impossible » en raison de l’état du service, ce dont on s’était bien gardé de l’informer. Le curateur annoncé pour alléger ses tâches n’était finalement jamais arrivé.

La nature brutale et infondée des accusations portées pour la première fois à son encontre lors de l’entretien du 23 février 2021 avaient été telles qu’il avait dû être conduit aux urgences sans avoir eu l’occasion de se défendre.

Il était inadmissible de lui faire le reproche, infondé, du décès de Mme V______, alors même que le rapport d’enquête retenait précisément qu’il ne pouvait lui être fait grief de ne pas avoir contacté cette personne jusqu’en avril 2020. Il ressortait de son audition devant l’enquêtrice le 7 octobre 2021 et du courrier électronique de Madame E______ qu’il avait ensuite fait le nécessaire pour s’assurer du suivi de cette personne. Le Conseil d’État écartait sa propre responsabilité en ignorant volontairement que c’était bien l’état calamiteux et la surcharge chronique de travail, dont on lui imputait à tort les conséquences, qui avaient généré les erreurs et retards dans le traitement des dossiers, au demeurant au nombre de sept seulement sur les huit à neuf cents de son secteur, ce qui ne saurait justifier une révocation immédiate.

Il était par ailleurs le seul chef de secteur à endosser un portefeuille propre en plus de l’ensemble des autres tâches lui incombant. Il devait donc faire face à une charge de travail exceptionnellement démesurée. Preuve en étaient les déclarations en ce sens de Mme B______ et de Monsieur F______, également chef de secteur, devant l’enquêtrice. Il avait refusé de redistribuer les dossiers de son portefeuille pour plusieurs raisons. Il avait été en effet convenu lors de sa nomination qu’il le conserverait jusqu’à l’arrivée de la personne devant lui succéder, soit environ trois mois. Son ancien poste n’avait toutefois jamais été repourvu. Face à la quantité de travail, il n’avait ensuite pas voulu surcharger davantage ses collaborateurs, preuve qu’il s’était réellement approprié ses responsabilités de chef de secteur. Il avait ensuite pleinement collaboré, à l’arrivée du nouveau directeur, en mars 2020, pour procéder à la redistribution de dossiers entre les différents secteurs.

En lien avec les plaintes reçues en 2020 par la direction, l’autorité intimée omettait de prendre en considération l’intégralité des déclarations faites par Madame G______, dont il ressortait que celles concernant le secteur B avaient pu être traitées en grande partie au moment de son départ au début de l’année 2021, grâce à sa collaboration. Toujours selon Mme G______, ces plaintes avaient trois origines, soit l’absence de plusieurs collaborateurs qui laissaient leurs dossiers en déshérence, une situation particulièrement récurrente dans ce secteur, des collaborateurs pouvant se trouver démunis face à une situation donnée et qui n’étaient pas assez bien accompagnés et enfin le fait que la direction avait commencé à répondre régulièrement à ces plaintes, ce qui était une incitation à le faire.

Il s’était montré soutenant à l’égard de ses collaborateurs, notamment dans les situations de MM. H______ et I______. Il avait informé sa hiérarchie de la situation problématique du premier et participé à la rédaction et à la revue d’un courrier de mise en garde adressée à son attention. L’autorité intimée prétendait, à tort, pour le second, qu’il n’avait pas su expliquer en quoi son propre soutien avait consisté. Il avait toutefois clairement indiqué qu’il s’était rendu disponible pour Madame J______ et M. K______. Il leur avait notamment laissé son numéro de téléphone portable, afin qu’ils puissent le contacter à tout moment. Il avait informé sa hiérarchie de la situation et des mesures prises. Celle-ci n’avait d’ailleurs jamais pointé un manque de soutien de sa part.

Si par impossible certains manquements pouvaient avoir été commis, ils s’expliquaient par une surcharge constante de travail ainsi que par l’état déplorable du ______ et plus particulièrement du secteur B. Il ne s’appuyait pas uniquement sur le témoignage de Mme B______, étant encore rappelé que ces dysfonctionnements étaient de notoriété publique. Sept autres personnes, dont M. C______, avaient évoqué cette situation catastrophique, qui ne lui était pas attribuable. Il avait sans aucun doute « hérité d’un service totalement délabré » et sa hiérarchie était restée sourde à ses diverses alertes sur le manque d’effectif et avait remplacé certains absents par des auxiliaires peu expérimentés.

Monsieur L______ avait clairement indiqué que l’ambiance au sein du service n’avait pas changé depuis son départ. Ils étaient toujours surchargés de travail et « ça râlait ». C’était donc de manière inexacte que le Conseil d’État retenait que l’ambiance pesante au sein du secteur B n’avait plus cours et que le taux d’absentéisme était à nouveau dans la moyenne.

Il s’était évertué à apporter la contre-preuve des accusations de tenue de propos et de comportements discriminatoires, portées à tort et pour ce faire avait dû se référer aux témoignages d’autres collaborateurs que les accusateurs, toutefois écartés de manière incompréhensible et arbitraire par l’autorité. Il avait toujours eu un comportement adéquat avec l’ensemble des collaborateurs. Il contestait fermement avoir supprimé les vacances de Mme E______, dont le témoignage ne pouvait être considéré comme « dénué d’animosité », puisqu’elle était l’une des quatre subordonnées l’ayant mis en cause.

La sanction était disproportionnée. La chambre administrative avait confirmé dans une précédente décision que les reproches formulés devaient être relativisés eu égard aux dysfonctionnements structurels et organisationnels d’un service, ce qui était le cas du ______. Les prétendus manquements dans sept dossiers ne pouvaient être qualifiés d’ « extrêmement graves ». Le 1 % des dossiers traités que cela représentait devait être considéré comme « insignifiant », dans des conditions de travail ordinaires et donc a fortiori au vu de l’état du secteur B. Il n’avait de plus jamais fait l’objet d’un quelconque avertissement avant le 23 février 2021. Sa situation n’avoisinait en rien la gravité des comportements ayant justifié, selon la chambre administrative, une révocation immédiate.

14) Le Conseil d’État, soit pour lui l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE) a conclu, le 2 août 2022, au rejet du recours.

La décision querellée contenait une motivation suffisante, dans la mesure où les raisons de l’absence de pertinence des observations de M. A______ avaient été à chaque fois expliquées.

L’employeur avait pris de nombreuses mesures, telles que développées, pour aider M. A______ lorsqu’il avait été promu chef de secteur. Lors de l’EEDP du 28 février 2017, Mme B______ avait attiré son attention sur le fait qu’il était très perfectionniste, au détriment du respect des délais. Après sa promotion du 1er août 2019, Madame M______ avait eu avec lui, pendant environ neuf mois, des réunions bilatérales hebdomadaires, puis plus espacées. Elle n’avait pas transféré des tâches concernant d’autres secteurs pendant qu’elle assumait l’intérim des postes vacants des autres chefs de secteur. Elle avait avec lui notamment abordé la question de son organisation personnelle, l’avait soutenu dans des EEDP de ses subordonnés, avait organisé la reprise de subordonnés au retour d’absences de longue durée et procédé à quelques entretiens de recrutement. Elle lui avait conseillé de répartir entre ses subordonnés les dossiers de son ancienne fonction, qu’il avait toutefois gardés durant neuf mois à une année. C’était alors que la direction, face à l’incapacité de M. A______ de se défaire de son portefeuille, avait décidé de distribuer ses dossiers entre les trois autres secteurs, que plusieurs graves dysfonctionnements avaient été mis à jour. On pouvait se demander dans quelle mesure ce refus n’était pas dicté par la crainte de la découverte de graves lacunes.

M. A______ avait donc fortement contribué à sa surcharge de travail et rejetait à tort toute responsabilité sur l’environnement professionnel. En septembre 2019, un coaching avait été mis en place pour les chefs de secteur. Dès le 1er janvier 2020, un quatrième secteur avait été créé pour diminuer la charge de gestion des chefs de secteur. Le secteur B avait aussi bénéficié de diverses mesures de décharge, telles que la reprise et la diminution des attributions de dossiers ainsi que l’augmentation de trois curateurs. De plus, M. A______ se plaignait beaucoup plus que ses collègues chefs de secteur du manque de personnel. Monsieur N______, alors directeur ad intérim du ______, lui avait expliqué que l’augmentation des effectifs ne résoudrait pas forcément son problème s’il ne réfléchissait pas en même temps à changer ses méthodes de travail ou l’organisation de son secteur.

Il était admis que les subordonnées de M. A______ ne lui avaient apparemment pas fait de reproches avant l’entretien du 23 février 2021. En réalité, elles avaient peur de lui et de représailles.

M. A______ avait demandé à Mme G______, qui était chargée de transmettre les plaintes au secteur concerné et donc au fait des statistiques, de s’occuper des plaintes concernant son secteur. Il aurait donc dû être en mesure d’en maîtriser le suivi si ce dernier pouvait être facilement assuré par une personne n’exerçant pas la fonction de chef de secteur. M. N______ avait déclaré à l’enquêtrice que lorsque l’on faisait les statistiques de plaintes, le secteur de M. A______ en recueillait le plus grand nombre. Vu les mesures prises par la direction pour l’aider à gérer son secteur et répondre aux plaintes, M. A______ faisait preuve d’une mauvaise foi crasse en prétendant que l’autorité avait choisi de l’accabler de tous les manquements du ______.

Contrairement à ce qu’il prétendait de manière choquante, l’enquête avait bien établi qu’il n’avait pas eu un comportement adéquat « avec l’ensemble des collaborateurs ».

L’enquête avait permis de démontrer que M. A______ avait gravement violé ses devoirs de service, à plusieurs reprises et pendant une longue période. Il avait démontré qu’il n’était pas disposé à s’amender ni n’avait pris conscience des conséquences de son comportement sur le suivi des personnes protégées, le bon fonctionnement du service et en particulier de son secteur, la santé de ses subordonnées ainsi que sur l’image du ______ auprès du public. L’intérêt public commandait donc sa révocation avec effet immédiat, conformément à la jurisprudence.

15) La présidence de la chambre administrative a, par décision du 4 août 2022, refusé la requête de restitution d’effet suspensif.

16) Dans sa réplique du 19 août 2022, M. A______ est revenu en détail sur le contenu très positif de son EEDM du 4 novembre 2020, et sa signature le 15 décembre 2020, respectivement le 22 janvier 2021 par le directeur et la responsable des RH, soit après avoir eu connaissance des plaintes de quatre subordonnées.

L’employeur tentait honteusement de se décharger de toute responsabilité et faisait de lui son bouc émissaire. Il n’avait pas reçu d’aide ou de « mesures » particulières. La création de quinze nouveaux postes s’inscrivait dans le cadre du nouveau projet de service du ______ et non comme une aide spécifique au secteur B. Il revenait aussi sur l’état catastrophique dudit secteur à son arrivée comme chef. Puisque ses dossiers avaient été redistribués, en mars 2020 seulement, entre trois secteurs, c’était la preuve qu’ils représentaient une charge de travail supplémentaire « colossale » et que c’était à juste titre qu’il avait refusé de surcharger ses subordonnés. Il était inadmissible de soutenir qu’il aurait refusé de transmettre son portefeuille par crainte de la découverte de graves lacunes dans le suivi de ses dossiers, le Conseil d’État démontrant par cette affirmation une claire volonté de nuire à sa réputation. Si cette affirmation devait être vraie, elle confirmerait que l’employeur avait clairement manqué à son devoir de contrôle et d’instruction. M. L______ ne devait pas reprendre ce portefeuille, mais s’occuper d’un autre type de dossiers. Ce n’était que le lendemain de son entrée en fonction au poste de chef de secteur qu’il avait appris que les gestionnaires du secteur B ne seraient pas remplacés et qu’il devait redistribuer leurs dossiers au sein de son propre secteur.

Aucune solution concrète ne lui avait été proposée, puisque la question du changement de secteur n’avait pas été sérieusement considérée ni par lui-même, ni par ses supérieurs hiérarchiques. Si aucune période ad intérim ne lui avait été imposée, c’était que l’employeur avait considéré qu’il avait déjà fait ses preuves. Dans les faits, une telle période était bien intervenue, puisque le cahier des charges n’avait été signé qu’à la fin du mois d’octobre 2019. Les réunions entre les chefs de secteur et Mme M______ étaient fréquentes et ne constituaient pas une mesure particulière en sa faveur. Cette dernière n’avait manifestement pas pris les mesures appropriées pour l’aider, puisqu’elle l’avait simplement, de manière choquante, autorisé à travailler sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans mettre en place le soutien nécessaire ni recruter le personnel idoine. Le coaching mis en place jusqu’en septembre 2019 avait existé pour tous les chefs de secteur et ne répondait pas à la problématique du sous-effectif.

Il développait les raisons pour lesquelles il était faux de dire que ses subordonnées n’auraient pas osé lui faire de reproches par soi-disant peur de lui.

En lien avec le traitement des plaintes, ce n’était qu’en mars 2020, au plus tôt, que des mesures avaient été prises pour le décharger, notamment avec l’aide fournie par Mme G______. Tous deux avaient pu ensemble en traiter la quasi-totalité en janvier 2021.

Il reprenait les témoignages en sa faveur s’agissant de son comportement avec ses subordonnées, dont l’autorité n’avait fait aucun cas, alors que leur force probante ne pouvait être remise en question.

Dans tous les cas une mesure moins incisive, telle que son déplacement dans un autre service, aurait dû être envisagée.

17) L’OCE a dupliqué le 30 septembre 2022.

18) La juge déléguée a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 10 octobre 2022.

Selon M. A______, l'entretien du 23 février 2021 aurait dû être un entretien de service. Il n’avait eu accès aux courriels pour se défendre que deux jours avant les auditions. Il n’avait pas pu communiquer directement avec l'enquêtrice mais toujours par l'intermédiaire du ______.

Ses demandes d'aide à sa hiérarchie n'avaient été suivies d'effet que tardivement, à l’arrivée de M. C______ en mars 2020. Dès son arrivée le 1er avril 2019 à son poste de chef, il avait été informé que trois personnes en charge de portefeuilles, sur les quinze au total, sauf erreur, étaient affectées à d'autres postes. En sus, trois X______ étaient absents pour longue durée.

Les accusations, qu’il contestait fermement et ne comprenait pas, le blessaient profondément. La personne qui s'était plainte de ce qu’il l'avait comparée à Claudia Schiffer venait de commencer son activité. Ils se rendaient alors tous deux au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE). Alors qu’ils gravissaient la pente, il s’était trouvé essoufflé en raison de son surpoids. Cette personne lui avait dit qu'il fallait qu’il se mette au sport. Il lui avait répondu que ce n'était pas parce qu'elle était comme Claudia Schiffer qu'il fallait se moquer des personnes en surpoids. Tout cela s'était passé dans un climat « bon enfant ». Dans la mesure où il était essoufflé et qu'elle s'adressait à son chef, il avait été surpris de ses propos.

Sa remarque à une collègue sur sa tenue vestimentaire se voulait un compliment, dans la mesure où elle était élégante pour se rendre au TPAE, alors que la tenue était plutôt décontractée au bureau. Au retour d’audience des gestionnaires, il leur demandait comment elle s'était déroulée. C'était dans ce cadre qu’il avait fait cette remarque à cette collègue. Il avait reçu d'ailleurs des compliments identiques de la part de Mmes M______ et B______.

Il avait aussi été blessé par le fait qu’on ait dit de lui qu’il aurait eu un comportement autoritaire. Il considérait plutôt être ouvert au dialogue, écouter les autres et en mesure de se rallier à leur point de vue. Il prenait la parole en dernier après avoir écouté les autres. Quand il était devenu chef de secteur, il n’avait vu aucun inconvénient à ce que les membres de son équipe continuent à l’appeler par son prénom. Il avait réussi à fonctionner ainsi même pendant les périodes de stress.

La décision contestée l’avait plongé dans un profond désarroi. Il ne s’y attendait pas. Les choses avaient été très compliquées pendant deux mois. Il avait eu de la peine à payer son loyer. Il pensait toucher des indemnités chômage depuis un mois. Comme il avait toujours travaillé, il était très difficile pour lui de voir le regard que ses enfants pouvaient poser sur lui. Son épouse travaillait dans les soins et allait réduire son temps de travail à 60 % en raison de problèmes de santé.

Il considérait avoir de bons contacts avec M. C______ qui était à l'écoute. Tant l’EEDM du 4 novembre 2020 que les séances avec la hiérarchie se déroulaient bien. Quand il avait reçu le courriel pour l'entretien du 23 février 2021, il avait pensé que c'était en lien avec la confirmation de la fin de sa période probatoire. En gros, il n’avait rien su de ce qui se passait dans sa section avant cet entretien. Il avait un profond sentiment d'injustice. Si on lui avait dit qu'il y avait un problème, il aurait tout fait pour le rectifier. Il avait fourni de grands efforts et des investissements personnels pour parvenir au poste en question. Il avait même payé sa formation, aux modules 2 et 3 du CAS en curatelles d'adultes. Vu son âge et son origine africaine, il savait qu’il avait plus de difficultés sur le marché du travail. Il était chanceux d'avoir trouvé des personnes sur son chemin lui ayant fait confiance et donné ce travail. Pendant sept ans, il n’avait jamais été absent. Il avait cumulé en dernier lieu 80 heures supplémentaires, ce qui ne le gênait pas tant sa volonté de travailler était grande.

19) L’OPE a fait des observations finales le 7 novembre 2022, reprenant certains des points abordés en audience par M. A______.

20) Ce dernier a produit des déterminations le 7 novembre 2022, puis une ultime fois le 14 novembre 2022.

21) Les parties ont été informées, le 15 novembre 2022, que la cause était gardée à juger.

22) La teneur des pièces du dossier, notamment du rapport d’enquête administrative, et les arguments des parties seront repris dans la partie en droit dans la mesure nécessaire à la résolution du litige.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant estime que l’entretien du 23 février 2021 aurait dû être un entretien de service. Il critique ensuite la procédure administrative, considérant qu’il n’avait pas eu accès à ses courriels suffisamment tôt avant les auditions, ni pu communiquer directement avec l’enquêtrice. La procédure aurait largement dépassé le délai légal.

a. Les rapports de service du recourant, en sa qualité de fonctionnaire de l’administration cantonale, sont soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

b. Un entretien de service entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (art. 44 al. 1 RPAC). Le membre du personnel peut se faire accompagner d'une personne de son choix. Il peut demander qu’un responsable des ressources humaines soit présent (art. 44 al. 2 RPAC). La convocation doit parvenir au membre du personnel quatorze jours avant l'entretien. Ce délai peut être réduit lorsque l'entretien a pour objet une infraction aux devoirs du personnel (art. 44 al. 3 RPAC). La convocation précise la nature, le motif de l’entretien et les personnes présentes pour l'employeur. Elle rappelle le droit de se faire accompagner (art. 44 al. 4 RPAC). À la demande d'un des participants, un compte rendu d'entretien est établi dans les sept jours. Les divergences éventuelles peuvent y figurer ou faire l'objet d'une note rédigée par le membre du personnel dans un délai de quatorze jours, dès réception du compte rendu de l'entretien de service (art. 44 al. 5 RPAC).

c. Le Conseil d’État peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire notamment dans l'hypothèse d'une révocation (art. 27 al. 2 LPAC). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (art. 27 al. 3 LPAC). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de trente jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties, ainsi que d'éventuels témoins, sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (art. 27 al. 4 LPAC). Une fois l'enquête achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les trente jours qui suivent la communication du rapport (art. 27 al. 5 LPAC). Le Conseil d'État statue à bref délai (art. 27 al. 6 LPAC).

d. En l’espèce, le recourant a été reçu le 23 février 2021 en entretien avec le directeur du ______ et une RRH. Il s’est vu remettre les dépositions détaillées faites devant ces deux personnes les 16 décembre 2020, de même que les 6, 7 et 14 janvier 2021 par Mesdames O______, P______, J______, Q______, R______, E______, S______, T______ et U______. À teneur du compte rendu de cet entretien, il s’est vu lire les reproches énumérés sur cinq pages et demie sous les rubrique « Exécution des mandats de curatelles », « Organisation du travail », « Méthodes de management », « Propos et comportements envers les subordonnés ». S'il est compréhensible que le recourant, non averti à l’avance de l’objet de cet entretien, ait été pris au dépourvu et désagréablement surpris par sa teneur, au point de tomber en catatonie, il s'inscrivait dans le but de l'entendre pour poursuivre l'évaluation de la situation et pouvoir prendre les mesures immédiates nécessaires à la gestion de celle-ci. L'autorité intimée a jugé à son issue qu'il convenait de prononcer une libération immédiate de l'obligation de travailler.

Cet entretien a donc été mené par l'employeur dans le cadre de son obligation de gérer la situation, le cas échéant de prendre les mesures jugées comme s'imposant de manière urgente, et ne constituait pas un entretien de service, de sorte que l'autorité intimée n'avait pas à respecter les exigences de l'art. 44 RPAC. Il sera par ailleurs relevé que le recourant a pu, après cet entretien, formuler des observations écrites le 25 mars 2021. Il a ensuite pu, dans le cadre de l'enquête administrative, se prononcer oralement, puis par écrit à son issue.

S’agissant du déroulement et de la durée de l’enquête administrative qui a donné lieu à un rapport, le recourant a été entendu les 9 juin et 7 octobre 2021, soit avant puis après que l’enquêtrice avait tenu audiences les 24 juin, 5, 6, 13 et 14 juillet, puis 8, 16 et 23 septembre 2021 au cours desquelles elle a procédé à l’audition de pas moins de vingt-deux personnes. Le délai pour la remise du rapport, certes de quatre mois à un jour près, s'explique facilement par sa densité, soit 82 pages. Ainsi, si le délai de l’art. 27 al. 4 LPAC n’a pas été tenu en l’espèce, il ressort de cette disposition qu’il doit l’être « en principe », ce qui laisse la possibilité, quand bien même l’exigence de diligence s’impose, d’observer un délai plus long lorsque, comme en l’espèce, les éléments à instruire sont nombreux et importants.

Enfin, on ne voit pas en quoi, et le recourant ne le développe pas, la supposée absence d’un contact direct avec l’enquêtrice aurait violé ses droits, étant rappelé qu’il a été entendu deux fois par cette dernière, a pu lui soumettre toutes pièces utiles, outre qu’il a pu présenter des observations écrites le 10 mars 2022 sur le rapport du 27 janvier 2022. Il a enfin eu accès à ses courriels professionnels, quand bien même cela n’aurait été que « deux jours avant les auditions » et a ensuite pu faire valoir ses observations tant à l’enquêtrice que dans le cadre de la procédure devant la chambre de céans.

Ce grief est infondé.

3) Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu dès lors que la décision attaquée souffrirait d’un défaut de motivation.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1).

b. En l'espèce, le recourant estime que l'autorité ne ferait que répéter « en boucle » que ses observations seraient « sans substance et sans pertinence » et allègue peiner à comprendre la manière dont le Conseil d’État a considéré que ses observations étaient inutiles au regard du litige, alors que ses explications portaient précisément sur les faits reprochés.

Or, l'autorité a rendu une décision de quatorze pages indiquant les manquements reprochés au recourant établis par l'enquête administrative et écartant, certes parfois de manière succincte, les arguments formulés par ce dernier, pour arriver à la conclusion qu'une révocation se justifiait. Le recourant a pu prendre la mesure de cette décision, de son contenu et de sa portée, puisqu'il a déposé devant la chambre de céans un recours pour la contester, revenant sur chacun des éléments retenus à son encontre et apportant des explications et son point de vue à leur sujet.

La décision attaquée s'avère ainsi suffisamment motivée, de sorte que le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté.

4) Selon le recourant, l'autorité intimée aurait procédé à une constatation inexacte, voire incomplète des faits pertinents et ne pouvait pas le sanctionner d'une révocation, qu'il estime disproportionnée.

a. Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Les membres du personnel se doivent notamment, par leur attitude d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) et de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c ; art. 21 RPAC). Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 RPAC). Les membres du personnel chargés de fonctions d’autorité sont notamment tenus, en outre de diriger leurs subordonnés, d’en coordonner et contrôler l’activité (let. b) et de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (let. f ; art. 23 RPAC).

Le règlement sur les cadres intermédiaires de l'administration cantonale du 23 septembre 1981 (RCIAC - B 5 05.06) confère à ces derniers des fonctions qui impliquent seulement une responsabilité d'encadrement du personnel ou d'exercice d'une influence fonctionnelle (ATA/538/2014 du 17 juillet 2014 consid. 6b).

b. En vertu de l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

Prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie, d’un blâme (let. a) ; prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État de la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée ou de la réduction de traitement à l'intérieur de la classe (let. b) ; prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État du retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans ou de la révocation (let. c).

c. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en suisse romande, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, n. 55 p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50 p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51 p. 14).

d. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Pour satisfaire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst., il faut que la décision prononcée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/137/2020 précité ; ATA/118/2016 du 9 février 2016). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 et les références citées).

e. La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (ATA/137/2020 précité ; ATA/1287/2019 du 27 août 2019 et les références citées). Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un certain caractère infamant vu sa nature. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2017 du 22 février 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019).

Parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références citées).

f. La chambre de céans a notamment confirmé la révocation : d’un agent de sécurité publique qui enregistrait des vidéos pendant des interventions sans l’accord de personnes filmées (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2020 du 4 mars 2021 ; d’un fonctionnaire ayant pénétré dans les bureaux RH dont l’accès était restreint aux seules personnes autorisées moyennant un badge (révocation avec effet immédiat : ATA/698/2020 du 4 août 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021) ; d'un huissier-chef ayant transmis des documents à des tiers non autorisés, omis de cadrer une subordonnée et adopté d'autres comportements problématiques (ATA/1287/2019 précité) ; d'un intervenant en protection de l'enfant ayant entretenu une relation intime avec la mère des enfants dont il était resté en charge (ATA/913/2019 du 21 mai 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019) ; d'un employé administratif au sein de la police ayant fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des données confidentielles à des tiers (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020) ; d'un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d'un établissement hospitalier (ATA/118/2016 précité) ; d'un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2013 du 7 juillet 2014) ; d'un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ; d'un fonctionnaire ayant notamment entretenu des relations intimes avec des fonctionnaires du service (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2010 du 9 mai 2011) ; d'un fonctionnaire ayant fréquemment et régulièrement consulté des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail, malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010) ; d'un enseignant qui avait ramené une prostituée à l'hôtel où logeaient ses élèves, lors d'un voyage de classe, organisé sur son lieu de travail et pendant ses heures de service une rencontre à caractère sexuel avec un jeune homme dont il n'avait pas vérifié l'âge réel et dont il ignorait l'activité, puis menacé ce dernier (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

La chambre administrative a en revanche annulé la révocation et ordonné la réintégration d’un fonctionnaire, l’autorité intimée ayant mal établi les faits et abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le comportement de celui-ci constituait du harcèlement sexuel à l’égard d’une collègue (ATA/137/2020 du 11 février 2020) ; en l'absence de violation des devoirs de service d'un fonctionnaire, pour lequel l'autorité d'engagement n'avait pas pu établir qu'il s'était rendu coupable de faux, seul fait à la base de la décision (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015), ou au motif que l'autorité avait renoncé à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d'une année, laissant la fonctionnaire concernée dans l'incertitude sur sa situation, ce qui allait à l'encontre des principes du droit disciplinaire (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

g. Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt 8C_610/2021 du 2 février 2022, annulé un arrêt ATA/711/2021 du 6 juillet 2021 de la chambre administrative et confirmé un arrêté du Conseil d’Etat prononçant la révocation d’un haut cadre de l’administration, avec prise d’effet à trois mois pour la fin d’un mois, alors qu'il occupait cette fonction depuis plus de vingt ans avait eu un comportement inadéquat à l'égard de plusieurs femmes qui se trouvaient toutes dans un rapport de subordination avec lui. Pareille attitude, venant d'un supérieur hiérarchique, était de nature à exercer une pression inadmissible sur les personnes qui en étaient l'objet. En outre, en tant qu'ils avaient été dirigés à l'endroit de plusieurs de ses subordonnées et, pour l'une d'entre elles, à deux reprises, ce sur une période s'étendant sur plus de deux ans, les agissements en question étaient constitutifs d'un comportement systématique et répété, propre à faire douter sérieusement de son aptitude à assumer pleinement sa fonction spécifique, laquelle exigeait confiance et intégrité. Ces manquements apparaissaient difficilement excusables dans les relations de travail, qui plus était dans la fonction occupée, même en tenant compte du fait que la carrière dudit haut cadre avait été par ailleurs exempte de reproches. On en voyait pas en quoi le caractère ponctuel des autres comportements à l’égard de trois femmes, également considérés comme fautifs par la cour cantonale, serait de nature à atténuer leur gravité dès lors qu'ils venaient s'ajouter aux autres manquements déjà constatés, démontrant ainsi, sinon une stratégie, à tout le moins une attitude récurrente de la part de son auteur à l'égard de ses subordonnées. Ainsi, si chacun des actes reprochés à l'intimé n'était pas particulièrement grave considéré isolément, la gravité résultait indéniablement de leur répétition. Tout en admettant la gravité des actes de l'intimé et leur répétition en ce qui concerne les avances, la juridiction cantonale n'en avait cependant pas tiré les conséquences qui s'imposaient, substituant au contraire arbitrairement son appréciation à celle de l'autorité recourante. Il était en outre arbitraire de conclure que la révocation était disproportionnée alors qu'on ne discernait aucun examen du principe de la proportionnalité dans la motivation de l’arrêt attaqué.

5) a. Sous le titre marginal « Harcèlement sexuel ; discrimination », l'art. 4 LEg définit le comportement discriminatoire comme un « comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle » (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 du 28 juin 2021 consid. 7.2). Bien que les exemples cités dans l’art. 4 LEg ne se réfèrent qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 3.1 ; 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1 ; 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 7.2 et les arrêts cités). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg ; la répétition d'actes ou l'accumulation d'incidents n'est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (Claudia KAUFMANN, in Margrith BIGLER-EGGENBERGER/Claudia KAUFMANN [éd.], Commentaire de la loi sur l'égalité, 2000, ad art. 4 LEg, n. 59 p. 118).

L'énumération de l’art. 4 LEg n'est pas exhaustive (Message du Conseil fédéral du 24 février 1993 relatif à la loi sur l'égalité, FF 1993 I 1163, p. 1219). Sont également qualifiés de harcèlement sexuel les remarques concernant les qualités ou les défauts physiques, les propos obscènes et sexistes, les regards qui déshabillent, les actes consistant à dévisager ou siffler, les avances, les gestes non désirés et importuns (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ; Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 873 s.).

Le harcèlement sexuel dans le cadre du travail peut se manifester sous différentes formes allant des transgressions verbales aux agressions sexuelles, et même, dans le cas extrême, au viol. Le fait qu'il s’agit d'actes de harcèlement verbal et non physique (avec violence ou menace), est une circonstance objective justifiant de considérer que ces actes n'atteignent pas un niveau de gravité comparable à celui des agressions sexuelles. Les remarques et plaisanteries sexistes peuvent avoir un impact important sur la victime selon leur durée et leur fréquence. Le potentiel de nuisance de ce type de harcèlement est également susceptible d'être accru lorsque plusieurs personnes y prennent part. Si une intention de nuire pourrait peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2), l'absence d'une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible. En effet, sauf lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'un chantage sexuel, la motivation de l'auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.4).

Le harcèlement sexuel se caractérise avant tout par le fait qu'il est importun, à savoir qu'il n'est pas souhaité par la personne qui le subit, sans que l'intention de l'auteur soit déterminante (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ; A-6910/2009 du 25 octobre 2010 consid. 6.3). Le caractère importun de l'acte doit être déterminé non seulement d'un point de vue objectif, mais également d'un point de vue subjectif, soit en tenant compte de la sensibilité de la victime (Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, 2011, p. 104 ; Karine LEMPEN, Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et la responsabilité civile de l'employeur, 2006, p. 134). Il n'est en outre pas nécessaire que la personne accusée vise à obtenir des faveurs sexuelles. Il suffit de se trouver en présence d'une atteinte à la personnalité ayant un contenu sexuel ou du moins une composante sexuelle (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ; A-6910/2009 précité consid. 6.2).

b. En droit genevois, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel, par des mesures de prévention et d’information (art. 2B al. 1 LPAC, 2 al. 2 RPAC et 1 al. 1 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'Etat de Genève du 12 décembre 2012 - RPPers - B 5 05.10). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (art. 2B al. 2 LPAC, 2 al. 2 RPAC et 1 al. 2 RPPers). L’organisation du travail dans l’administration doit être conçue de telle sorte qu’elle assure des conditions de travail normales aux membres du personnel et leur permette de faire valoir leur personnalité, leurs aptitudes professionnelles et leurs facultés d’initiative (art. 2 al. 1 RPAC). Est constitutive d'une atteinte à la personnalité toute violation illicite d'un droit de la personnalité, telles notamment la santé physique et psychique, l'intégrité morale, la considération sociale, la jouissance des libertés individuelles ou de la sphère privée (art. 3 al. 1 RPPers). Est constitutif d'un harcèlement sexuel tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle qui porte atteinte à la dignité du membre du personnel sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur un membre du personnel en vue d'obtenir de sa part des faveurs de nature sexuelle (art. 3 al. 2 RPPers). Le harcèlement est une forme aiguë d'atteinte à la personnalité (art. 3 al. 3 RPPers).

6) a. En l'espèce, l'arrêté de révocation attaqué, qui s'appuie sur les conclusions du rapport d'enquête, retient que le recourant a commis de graves violations de ses devoirs de service en raison de comportements et de manquements ayant eu des conséquences profondes et durables sur la bonne marche du service, ainsi que sur la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet.

b. Il ressort du dossier que l’enquêtrice, dans un travail minutieux d’instruction, s'est penchée sur les 37 points ressortant du compte rendu d’entretien du 23 février 2021, relatifs à des situations problématiques rapportées à la hiérarchie par des subordonnées. Il ne sera revenu que sur ceux qui ont été retenus par le Conseil d’État pour prononcer la révocation litigieuse.

Le rapport d'enquête administrative relève, de manière objective et pondérée, que le recourant a violé ses devoirs de service de manière importante, en raison de la nature des manquements reprochés, soit son comportement envers des collaborateurs ou ses défaillances dans le suivi de personnes protégées, de leur permanence, par exemple l’absence de mise en place de formations des nouveaux arrivés ou de réponse à ses interlocuteurs, et de leur répétition. Ces manquements étaient révélateurs du fait qu’il n’avait pas intégré qu’il n’était plus admis qu’un cadre exerçant des fonctions hiérarchiques, quel que soit son âge, ait envers ses subordonnées, surtout les plus jeunes et/ou inexpérimentées, une attitude s’apparentant au sexisme. Dans la gestion de son secteur, le recourant n'avait pas trouvé les solutions organisationnelles lui permettant de ne plus être seulement réactif, attitude illustrée notamment par ses propos sur son application à répondre à des centaines de courriels quotidiens dans leur ordre d’arrivée.

c. De manière concrète, il est tout d'abord reproché au recourant d'avoir, dans le cadre du suivi des dossiers de sept personnes protégées, manqué de manière fautive à son devoir d'accomplir consciencieusement et avec diligence les tâches lui incombant ainsi qu'à son obligation d'avoir, à l’égard des tiers, un comportement courtois et propre à renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet.

Il appert qu'à plusieurs reprises, y compris lorsque son attention avait été attirée sur une problématique en particulier, le recourant avait manqué d'anticipation et de réactivité, tardant à traiter des courriels ou en ne répondant simplement pas à ses divers interlocuteurs – leur offrant ainsi l'image d'un service public indifférent aux problèmes de ses administrés – et omettant de s'assurer, en cas d'absence ou de départ d'un collaborateur, que ses dossiers urgents et/ou sensibles avaient été pris en charge par un suppléant, le cas échéant lui-même en sa qualité de co-curateur. Ces lacunes avaient eu pour conséquences notamment le défaut de règlement de frais d'hébergement, de frais d'hospitalisation ou de factures, la non-préservation de rentes versées au ______, l'absence de réponses aux demandes d'informations émanant par exemple de l'hôpital, d'établissements médicaux sociaux ou du TPAE, le défaut de mise en place de mesures permettant de contacter régulièrement les personnes protégées les plus vulnérables, ou encore le transfert d'un dossier à un autre secteur sans vérification préalable de la situation exacte.

Plusieurs témoins ont en outre relevé, lors de leur audition par l'enquêtrice, une communication défaillante du recourant envers ses interlocuteurs, ayant donné lieu à des plaintes récurrentes de personnes protégées, de leurs familles, ainsi que de partenaires du ______.

Si le recourant ne conteste pas ce qui précède, il tente de justifier ses manquements, d'une part, par le nombre de dossiers concernés, qui ne représenterait qu'une partie infime de ceux dont il avait la charge et, d'autre part, par des dysfonctionnements notoires du ______ entraînant un taux d'absentéisme important, une surcharge de travail chronique et l'engagement de personnel peu expérimenté. Ces éléments, dont il convient de ne pas minimiser l'impact, ne permettent toutefois pas d'atténuer sa responsabilité et son devoir, en tant que chef de secteur, d'assurer la bonne exécution des mandats de curatelle et la délivrance de prestations en adéquation avec les besoins des personnes protégées.

d. Il est également reproché au recourant de n'avoir pas été capable de gérer certaines situations, tant au niveau de ses relations interpersonnelles avec ses collaborateurs qu'au niveau organisationnel, de manière conforme à ses obligations de chef de secteur.

e. En particulier, dans le cadre de ses rapports avec ses subordonnées, il ressort du rapport d'enquête qu'il avait fait une plaisanterie dans le cadre d'un échange intervenu au sujet d'un stylo avec une collaboratrice, ressentie par celle-ci comme une allusion sexuelle ; adressé des remarques à des collaboratrices en lien avec le physique, au sujet de leur ressemblance avec un mannequin, de leur minceur, de leur beauté ou du fait d'être « jolie aujourd'hui » ou de bien présenter, de leur blondeur ou encore de ses suggestions d'utiliser leurs charmes pour obtenir quelque chose, remarques ayant mis mal à l'aise leurs destinataires ; demandé à une collaboratrice si elle draguait ses interlocuteurs ou ce qu'elle faisait pour qu'ils soient sous son charme ; demandé à une collaboratrice avec qui elle passait ses soirées, qui lui payait ses dîners, avec qui elle vivait ou qui partageait son lit ; dit à une collaboratrice de ne pas « faire de bêtises » avec un homme dont elle était chargée de la curatelle, ressentie par l'intéressée comme le sous-entendu inapproprié d'une proximité intime avec cette personne protégée ; regardé le décolleté ou d'autres parties du corps de collaboratrices ; adressé à une collaboratrice une remarque selon laquelle elle lui donnait envie d'avoir une maîtresse.

Bien que le recourant conteste avoir tenu des propos discriminatoires à l'égard de ses subordonnées, ou à tout le moins ne pas avoir eu conscience de leur portée, les témoignages recueillis à ce sujet s'avèrent concordants et ne révèlent pas un propos isolé qui aurait malencontreusement échappé à son auteur, mais un mode courant d'expression. Même à considérer que le recourant n'aurait pas eu l'intention d'être importun, ou que ses propos ou comportements auraient eu lieu dans un contexte paternaliste ou humoristique, il n'en demeure pas moins que ceux-ci n'étaient pas souhaités par leurs destinataires.

f. Il apparaît en outre à la lecture du rapport d'enquête que le recourant s'était comporté à plusieurs reprises de manière incompatible avec ses obligations de supérieur hiérarchique en se prévalant, de manière menaçante ou pour marquer son autorité, de l'influence qu'il pourrait avoir sur l'évolution du statut, stabilisé ou non, de plusieurs subordonnées ; en suggérant à une collaboratrice qu'il pourrait lui refuser ses vacances si elle ne diminuait pas son retard et à une autre qu'elle devait traiter tous ses dossiers avant d'envisager de prendre des vacances ; en demandant à deux reprises à une collaboratrice d'annuler ses vacances validées, dont une fois la veille de son départ, en invoquant les besoins du service ; en refusant à une collaboratrice un second jour de congé destiné à régler des formalités consécutives à une hospitalisation de sa mère ; en téléphonant à une collaboratrice en vacances pour régler une question de service ne présentant pas un caractère d'urgence ; en adoptant une posture autoritaire, élevant la voix ou vouvoyant des subordonnés lors d'épisodes de tension, en mettant en cause leur engagement ou leur intelligence, voire en ne leur adressant plus la parole, en ignorant leurs courriels ou en ne les informant pas des suites données à des demandes concernant leurs dossiers, ce tant dans le cadre d'échanges bilatéraux que de colloques sociaux ; en désignant une collaboratrice par les termes « l'autre connasse » en s'adressant à une autre ; en demandant à une subordonnée si elle avait l'intention de tomber enceinte ; en ne respectant pas le cadre de reprise thérapeutique de deux collaborateurs en leur donnant une charge de travail supérieure à ce qui avait été convenu ; en n'apportant pas un soutien, une réaction ou une protection suffisante à deux collaboratrices confrontées à des situations délicates dans l'exercice de leur fonction (malaise avec un collègue sans que le recourant ne s'enquière de la cause, découverte d'une personne protégée décédée à son domicile depuis plusieurs jours, visite seule, imposée par le recourant à une collaboratrice, à une personne protégée souffrant de troubles psychiques s'étant masturbée devant elle, intrusion dans la sphère privée d'une collaboratrice par le compagnon d'une personne protégée et nouveau mandat pour une personne protégée avec des antécédents de délits d'ordre sexuel habitant dans le quartier de la collaboratrice en charge du dossier) ; en n'assumant pas devant la hiérarchie d'avoir enjoint à la collaboratrice d'effectuer seule la visite précitée et en laissant sa supérieure adresser des reproches à cette curatrice.

Le recourant conteste d'une manière générale les reproches qui lui sont adressés, indiquant en particulier n'avoir jamais laissé entendre à ses subordonnés que son intervention était déterminante pour une reconduction de contrat ou une stabilisation, ce qui était inexact et dont on pouvait facilement se rendre compte, ou encore n'avoir jamais refusé de vacances à qui que ce soit ni se souvenir d'avoir annulé celles d'une collaboratrice. Il n'a cependant pas apporté d'éléments susceptibles de justifier sa manière inadéquate d'exercer son pouvoir hiérarchique ni de remettre en cause les témoignages concordants recueillis par l'enquêtrice, se limitant à opposer sa propre appréciation des faits à celle de l'autorité intimée.

g. En agissant de la sorte, le recourant a manqué de manière répétée et fautive à son devoir général de fidélité, violant son obligation d'entretenir des relations dignes et correctes avec ses subordonnées. Il a en particulier manqué à son devoir de protéger la personnalité de ces dernières et de maintenir un climat de travail favorable au sein de son secteur. Un tel comportement est par ailleurs de nature à ébranler la considération que les administrés doivent pouvoir avoir pour les cadres de l'administration, dont on attend qu'ils donnent en tout temps, par leur comportement en interne, comme à l'extérieur, une image irréprochable.

h. Enfin, dans le cadre de l'organisation et la gestion de son secteur, l'autorité intimée, se fondant sur le rapport d'enquête, retient que le recourant n'a pas respecté ses obligations de supérieur hiérarchique en plusieurs circonstances.

Il n'avait en particulier pas mis en place de cadre ni de processus de formation et d'accompagnement des nouveaux collaborateurs de son secteur, de sorte que ces derniers avaient dû trouver eux-mêmes des solutions pour se former. Il avait certes confié la formation de trois nouvelles recrues à l'une de ses collaboratrices, avant toutefois de se raviser sans raison explicite et sans mettre en place un autre dispositif de formation. Il avait également interdit à une subordonnée de solliciter ses collègues, au motif que cela les dérangeait dans leur travail, et n'avait pas mis en place, pour une autre, un accompagnement à sa reprise d'activité.

Le recourant a expliqué jouer un rôle actif dans la formation des nouveaux arrivants et avoir mis en place un soutien assuré par deux collaboratrices expérimentées. Il devait également être tenu compte du fait que les nouveaux collaborateurs avaient à disposition de la documentation, dont des directives, mémos métier et notes de service pour les guider et que l'on pouvait attendre d'eux un effort personnel de formation. Ce qui précède ne dispensait cependant pas le recourant de préparer correctement l'arrivée des nouvelles recrues et leur accompagnement, ni d'élaborer un plan de formation de référence avec un programme préalablement établi et des référents désignés de manière pérenne.

Il est de plus reproché au recourant de n'avoir pas été en mesure d'organiser de séances bilatérales régulières avec ses collaborateurs. Ces réunions, destinées à faire le point sur les dossiers en cours et à trouver des solutions aux problèmes rencontrés, étaient le plus souvent, selon les déclarations concordantes des témoins auditionnés par l'enquêtrice, annulées de fait, jamais organisées ou abandonnées, voire organisées sur demande, ce indépendamment de leur interruption durant la crise sanitaire. Plusieurs témoins ont rapporté dans ce contexte s'être trouvés devant un bureau vide ou dont l'occupant n'était pas disponible, avoir cessé d'être convoqués ou confrontés à des annulations de dernière minute, sans proposition de remplacement.

Le recourant a indiqué à ce sujet avoir donné la priorité aux personnes les plus demandeuses et avoir organisé les séances toutes les deux à trois semaines, avant qu'elles ne s'espacent peu à peu d'un commun accord, pour les plus chevronnés. En cas d'annulation d'une réunion, il en informait la personne concernée par courriel pour fixer une nouvelle date.

Si l'on peut comprendre qu'un supérieur hiérarchique puisse être amené à annuler des réunions en raison d'autres obligations prioritaires auxquelles il doit faire face, il ressort des déclarations concordantes des témoins que cette situation était courante. Le recourant n'a pas pris de mesure pour se rendre davantage disponible, estimant que sa porte était toujours ouverte et qu'il y avait d'autres occasions d'échanger sur les dossiers, par exemple lors de la signature de documents. Or, cette manière de procéder ne saurait remplacer des séances de travail de 45 minutes basées sur un ordre du jour. Par ailleurs, les annulations de dernière minute ont eu une incidence sur l'organisation du travail des collaborateurs, a fortiori dans un contexte de surcharge de travail, voire un caractère irrespectueux lorsqu'elles ont pris la forme d'un bureau vide.

Ce qui précède conduit, une fois encore, à retenir que le recourant a manqué de manière fautive à son devoir général de fidélité, violant son obligation d'entretenir des relations dignes et correctes avec ses subordonnés, manquant en particulier à son devoir d'organiser de manière efficace son secteur et d'y créer et maintenir un climat de travail favorable.

i. Pour fonder sa décision, l'autorité intimée a tenu compte non seulement des manquements graves et répétés du recourant, mais encore du fait que son EEDM du 4 novembre 2020 avec le directeur du ______ avait été signé « avec réserve » par la supérieure hiérarchique de ce dernier ; que le recourant n'avait pas tenu compte des craintes de sa hiérarchie quant à sa demande de prendre la tête du secteur dans lequel il avait travaillé comme gestionnaire ; qu'il avait refusé la proposition d'être affecté à la fonction de chef de secteur ad intérim pendant six mois afin d'évaluer ses compétences dans le domaine social et l'encadrement.

Ont cependant été pris également en considération le fait que ses cinq EEDP en tant que gestionnaire, ayant eu lieu entre octobre 2014 et mars 2019, étaient positifs ; que la hiérarchie du recourant a constaté qu'il s'était fortement investi dans sa fonction de chef de secteur ; que le recourant n'avait pas eu l'occasion de suivre une formation managériale, ni les deux modules en e-learning portant sur la gestion des absences et la qualité de vie au travail, ainsi que la prévention et la gestion des conflits.

En dépit de ces considérations et vu les éléments du dossier pris dans leur ensemble, c'est de manière non critiquable que le Conseil d'État a retenu une grave violation par le recourant de ses devoirs de service s'agissant du suivi des dossiers de sept personnes protégées, des propos tenus et des comportements discriminatoires au sens de l'art. 4 LEg adoptés à l'égard de ses subordonnées, de sa posture autoritaire, méprisante, menaçante et manipulatrice envers ses collaborateurs, ainsi que de l'absence d'accompagnement et de formation de ses subordonnés, d'organisation de séances bilatérales et de disponibilité.

C'est également à juste titre que l'autorité intimée a estimé que seule la révocation du recourant était apte à rétablir la bonne marche de son secteur ainsi que la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet. En effet, c’est alors que le recourant exerçait ses fonctions de chef de secteur pendant une période d’essai de deux ans que des dysfonctionnements dans son organisation, dans la gestion de ses dossiers, dans son comportement et ses propos sont apparus à sa hiérarchie. Ces manquements graves et répétés n’étant pas acceptables pour un responsable hiérarchique, le recourant ne pouvait pas être confirmé dans ses fonctions de chef de secteur. Il y a cependant lieu de relever que le replacer dans son poste précédent de gestionnaire aurait également été impossible, compte tenu du fait que bon nombre des manquements qui lui sont reprochés sont tout aussi inacceptables lorsqu’une personne n’exerce pas de pouvoir hiérarchique. En particulier, même en qualité de gestionnaire, il n’est pas admissible d’adopter de manière régulière, à l’égard de ses collègues, une attitude s’apparentant à du sexisme, d’avoir des comportements ou de tenir des propos inappropriés, d’émettre des remarques ou de poser des questions déplacées. Il n’est pas non plus acceptable de la part d’un gestionnaire de manquer de rigueur et de diligence dans la gestion de ses dossiers, par exemple en tardant à répondre à ses interlocuteurs, voire en ne leur répondant pas, ou encore en communiquant de manière défaillante, au point de donner lieu à des plaintes des familles des personnes protégées, le tout en cherchant à atténuer sa responsabilité en la reportant sur les dysfonctionnements, bien que réels, de l’institution.

Dans ces circonstances, aucune autre sanction disciplinaire n'apparaît envisageable sous l'angle de la proportionnalité et aucune autre mesure ne permettrait d'atteindre les objectifs précités. En tout état, que ce soit en tant que chef de secteur ou de dans le cadre de sa fonction précédente de gestionnaire, la faute du recourant est grave et a irrémédiablement rompu le lien de confiance avec son employeur, ce que ce dernier a relevé. Enfin, l'intérêt public de l’employeur à la conservation d'un personnel respectueux de ses intérêts prime l'intérêt privé du recourant à conserver son poste.

Compte tenu de ce qui précède, c'est sans abuser de son large pouvoir d'appréciation, conformément au droit et dans le respect de principe de la proportionnalité que le Conseil d'État a prononcé la révocation immédiate du recourant.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juin 2022 par Monsieur A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 25 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphanie Fuld, avocate du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :