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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2940/2018

ATA/1287/2019 du 27.08.2019 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2940/2018-FPUBL ATA/1287/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Françoise Markarian, avocate

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1968, a été engagé à l'État de Genève le 1er septembre 1988 et nommé fonctionnaire le 1er novembre 1991.

2) À compter du 1er décembre 1989, M. A______ a commencé à travailler à l'office des poursuites (ci-après : l'office ou OP), actuellement rattaché au département des finances et ressources humaines (ci-après : le DF ou le département), où il a occupé depuis le 1er novembre 2002 l'un des deux postes d'huissier-chef du service des saisies, ayant sous sa responsabilité sept secteurs d'huissiers. La réorganisation de l'office intervenue à compter du mois de mars 2017 a conduit à la mise en place d'un seul chef des saisies.

3) Durant sa carrière, M. A______ a régulièrement fait l'objet d'entretiens d'évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP), puis d'entretiens d'évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM).

4) Le 30 octobre 2009, M. A______ a fait l'objet d'un avertissement pour avoir procédé à une surestimation des kilomètres parcourus avec son véhicule privé en vue d'obtenir le remboursement de ses frais de déplacement lors de ses activités à l'extérieur de l'office.

5) Le 18 février 2011, M. A______ a fait l'objet d'un avertissement pour avoir eu un comportement et des propos inadéquats à l'encontre de certains de ses collaborateurs.

6) Le 6 juin 2012, M. A______ a fait l'objet d'un EEDP, duquel il résulte notamment qu'il devait apprendre à modérer ses propos, son langage étant parfois déplacé et sa manière de communiquer abrupte. Il devait veiller à user de plus de diplomatie et éviter d'utiliser la force comme moyen de conviction, en gardant son calme en toutes circonstances.

7) En septembre 2013, Madame B______, substitut à l'office et alors supérieure hiérarchique de M. A______, a écrit une note à ce dernier au sujet de divers manquements dans l'exécution de son travail, en particulier le fait qu'il ne lui avait pas transmis la candidature de Madame C______ pour le poste de gestionnaire comptable « volante », alors même qu'il y était tenu, privilégiant ainsi celle-ci.

8) Le 12 décembre 2013, M. A______ a fait l'objet d'un EEDM périodique, duquel il résulte notamment qu'il devait asseoir son « leadership » autrement que de manière autoritaire.

9) Le 14 février 2014, M. A______ a fait l'objet d'un nouvel EEDM, aux termes duquel il lui était rappelé qu'il devait veiller à adopter une attitude identique avec tous ses collaborateurs et apprendre à modérer ses propos. Il avait tendance à imposer son point de vue, laissant peu de liberté d'action à ses collaborateurs, et devait accepter avec plus de souplesse les décisions imposées par sa hiérarchie, même s'il n'y adhérait pas totalement.

10) Le 14 août 2014, Monsieur D______ a été nommé substitut ad interim, puis est devenu, le 1er décembre 2014, le nouveau préposé de l'OP.

11) Par courriel du 2 novembre 2015, M. D______ a invité M. A______ à faire preuve de plus de « rondeur » dans ses communications, comme il le lui avait déjà demandé, notamment en employant systématiquement des formules de politesse et des termes moins injonctifs.

12) Le 11 janvier 2016, le secrétariat général du département a autorisé M. A______, pour une durée d'un an, à exercer une activité accessoire, rémunérée, en qualité de sapeur-pompier surnuméraire.

13) a. Le 21 juillet 2016, M. A______ a transmis à l'adjointe administrative des ressources humaines (ci-après : RH) de l'office la candidature qu'il avait retenue pour un poste d'auxiliaire au sein de son service.

b. Le 25 juillet 2016, l'adjointe administrative des RH a requis de M. A______ des précisions à ce sujet, le dossier lui ayant été soumis étant largement incomplet.

14) a. Le 7 novembre 2016, M. A______ a établi une fiche d'engagement pour un candidat au poste d'assistant-huissier auxiliaire volant d'une durée de douze mois au sein de son service. Selon ce document, la case « pas de poursuite » était cochée. Au verso était indiqué que le candidat avait trois poursuites ouvertes et faisait l'objet d'actes de défaut de biens (ci-après : ADB). Il ne voyait pas d'inconvénient à cet engagement.

b. Par courriel du 25 novembre 2016, M. D______ a prié M. A______ de lui présenter, à l'avenir, des fiches conformes à la réalité des personnes à engager, un examen méticuleux au niveau de l'absence de poursuites et d'ADB devant être effectué. L'acceptation du candidat qu'il lui avait présenté n'était pas tolérable, puisqu'il faisait l'objet d'ADB pour plus de CHF 26'000.-, la fiche étant au demeurant trompeuse dans sa rédaction.

15) a. Par courriel du 22 décembre 2016, M. D______ a transmis aux collaborateurs de l'office un nouvel organigramme du personnel. Il serait transmis à la rentrée au conseiller d'État pour examen et validation.

b. Ce message a été transféré, le même jour, par M. A______, au moyen de son téléphone portable aux adresses électroniques « E______ » et « F______ ».

Ces deux adresses appartenaient respectivement à Monsieur G______, qui avait été le supérieur hiérarchique de M. A______ - celui-ci avait quitté l'office mi-novembre 2016 - et à Monsieur H______ qui était député, membre de la commission de gestion du Grand Conseil et appartenait au même parti politique que M. A______.

16) Par courrier du 23 décembre 2016, cosigné par le secrétaire général du DF et M. D______, le conseiller d'État en charge du département a exprimé à M. A______ sa profonde reconnaissance et toute sa gratitude pour son engagement exemplaire au service de l'État de Genève. Le courrier portait sur la contribution de l'intéressé à la refonte informatique de l'OP.

17) Durant l'année 2016, les relevés mensuels du contrôle horaire de M. A______ font état d'un solde d'heures négatives en juin (-11h00), septembre (-13h00) et octobre (-2h54), ainsi que de plusieurs arrivées après 9h00 entre juin et décembre 2016.

18) Entre décembre 2016 et avril 2017, M. A______ a envoyé plusieurs courriels de nature privée au moyen de sa messagerie professionnelle en lien avec son activité de tir et de sapeur-pompier surnuméraire. Il a également commandé, par le même biais, des armes et du matériel de tir.

19) a. Par courriel du 11 janvier 2017, M. A______ a rappelé à l'un de ses collaborateurs que sa fonction l'obligeait à répondre aux demandes qui lui étaient faites et le priait, à l'avenir, de s'abstenir d'envoyer des courriels inappropriés.

b. Le même jour, M. A______ a transféré ce courriel à Mme C______.

20) Le 25 janvier 2017, M. D______ a écrit à M. A______, faisant suite à leur entretien du même jour au sujet d'une insulte proférée par l'un de ses collaborateurs à l'encontre de Monsieur I______, que M. A______ apparaissait avoir justifiée. Sa réaction n'avait pas été adéquate et il l'invitait à l'avenir à se ressaisir et à garder son calme en pareilles circonstances.

21) Par courriel du 15 février 2017, le laboratoire Recherche-Intervention-Formation-Travail (ci-après : RIFT) de l'Université de Genève a transmis à plusieurs cadres de l'office une première version du rapport intitulé « le travail individuel et collectif dans quatre secteurs de l'office, service des saisies » (ci-après : le rapport RIFT) afin d'obtenir leurs remarques, ainsi que celles de leurs collaborateurs. Leur attention était attirée sur le fait que ce texte était une version provisoire, dont la distribution devait être restreinte aux collaborateurs de leurs secteurs, un usage confidentiel devant en être fait.

Ce message et le rapport RIFT ont été transférés à M. A______ par courriel du 17 février 2017 de son supérieur hiérarchique, Monsieur J______.

22) a. Par courriel du 27 février 2017, M. D______ a écrit à M. A______ et à son homologue, faisant suite à une séance s'étant tenue quelques jours plus tôt concernant le futur poste de chef des saisies dans le cadre de la nouvelle organisation de l'office. Il les remerciait de lui indiquer s'ils faisaient acte de candidature pour cette nouvelle fonction, dont les attentes et exigences étaient élevées.

b. Le 1er mars 2017, M. A______ a répondu à M. D______ qu'il se portait candidat pour ce poste.

23) Le 8 mars 2017, M. A______ a transféré le rapport RIFT à certains collaborateurs de l'office ainsi qu'aux adresses « E______ » et « F______ ».

24) Le 14 mars 2017, M. D______ a convié M. A______ à un entretien en présence de Mme B______ et du directeur des RH.

25) Le 16 mars 2017, M. D______ a informé M. A______ que sa candidature n'avait pas été retenue pour ce poste. Il était en conséquence envisagé soit de procéder à une suppression de poste, soit à un entretien de service en lien avec la qualité de son management, ce qui était susceptible de conduire à une résiliation des rapports de service.

26) M. D______ a procédé, en présence d'un responsable des RH, à l'audition de certains collaborateurs de l'office, en particulier ceux de M. A______, respectivement le 21 mars 2017 pour le premier entretien, le 23 mars 2017 pour les deux suivants, le 24 mars 2017 pour Monsieur K______ et les 12 et 13 avril 2017 pour le dernier.

a. Selon Monsieur L______, M. A______ le traitait « comme un chien », l'ayant humilié devant ses collègues et lui ayant fait savoir que s'il n'était pas content de ses conditions de travail, il serait remplacé. M. A______ prenait également de longues pauses, le plus souvent avec Mme C______, qu'il favorisait, l'ayant fait participer à un entretien d'embauche alors qu'elle n'avait aucune charge d'encadrement. Il avait en outre entendu parler d'un complot à son encontre, consistant en l'engagement d'une assistante sur des critères de beauté, ce qui devait conduire à son licenciement pour harcèlement.

b. Madame M______ avait constaté que M. A______ favorisait Mme C______, qui s'adressait à lui en lui manquant de respect et avait fomenté un complot consistant dans le recrutement d'une assistante sur des critères de beauté afin de conduire M. L______ à la faute. Les pauses de M. A______ pouvaient en outre excéder une trentaine de minutes, l'intéressé n'ignorant pas non plus les pratiques de certains de ses collaborateurs, qui pointaient « entrant » tout en prenant leur déjeuner dans les locaux de l'office.

c. Madame N______ avait été engagée le 21 novembre 2016 à l'office, après que Mme C______ eut participé à son recrutement pour une raison qu'elle ignorait. Lors de ses entretiens d'embauche, M. A______ avait fréquemment consulté son téléphone portable, ce qui l'avait surprise. Quand elle avait commencé ses activités à l'office, M. A______ lui avait fait savoir que c'était grâce à lui et à Mme C______ qu'elle avait été engagée, alors qu'il n'était pas son supérieur direct.

d. M. K______ avait constaté des « guéguerres » ouvertes, notamment entre M. A______ et son subordonné, M. I______, tous deux sapant leur travail respectif, ainsi qu'un langage familier de Mme C______ envers M. A______, qui s'adressait à lui de manière irrespectueuse. Par ailleurs, M. A______ avait rapporté à d'autres collaborateurs des éléments personnels qu'il lui avait confiés. Il avait également entendu parler d'un plan consistant à engager une collaboratrice pouvant pousser M. L______ à la faute, au vu de ses penchants pour la gent féminine. En outre, certains collaborateurs, au su de M. A______, pointaient « entrant », tout en déjeunant dans les locaux de l'office.

e. Madame O______ avait entretenu de bonnes relations avec M. A______ jusqu'à l'intégration, dans son secteur, de Monsieur P______, le frère de Mme C______. Elle avait constaté que ce dernier trichait avec la timbreuse. M. A______, proche de M. C______, était intervenu à mauvais escient dans cette problématique notamment. La relation hiérarchique entre M. A______ et Mme C______ était en outre inversée, celle-ci s'adressait à celui-là sur un ton déplacé. M. A______ procédait à un « management de la terreur », s'étant montré peu respectueux, agressif et dénigrant à son encontre, ce dont elle avait fait part à M. G______, alors substitut, qui avait toutefois cautionné ce comportement. Par ailleurs, M. A______ avait déplacé deux de ses collaborateurs dans un autre secteur, sans discussion ni information préalable.

27) À compter du 6 avril 2017, M. A______ a été en incapacité de travail à 100 % pour cause de maladie.

28) a. Le 24 avril 2017, le conseiller d'État en charge du département a écrit aux collaborateurs de l'office, les informant d'une conférence de presse devant avoir lieu le lendemain aux fins de démentir certains propos discréditant l'office tenus par la commission de gestion du Grand Conseil.

b. Le même jour, M. A______ a transféré, au moyen de son téléphone portable, ce message aux adresses « Q______ » et « R______ ».

29) a. Par courriel du 27 avril 2017, M. D______ a écrit aux collaborateurs de l'office suite à la présentation aux médias d'un rapport de la sous-commission de contrôle de gestion du Grand Conseil. Le contenu de ce rapport et la manière avec laquelle il avait été élaboré jetaient le discrédit sur l'office alors que celui-ci délivrait des prestations de qualité. Il manquait en particulier de rigueur intellectuelle et faisait état de nombreuses hypothèses non vérifiées, les auditions menées étant en outre contestables.

b. Le même jour, M. A______ a transféré, au moyen de son téléphone portable, ce message aux adresses « R______ » et « S______ ».

c. Le 27 avril 2017 également, M. A______ a transféré, au moyen de son téléphone portable, aux adresses « R______ », « T______ », « Q______ » et « E______ » la réponse à son précédent message que lui a envoyée l'adresse « S______ », libellé de la manière suivante : « Cher Monsieur, voici pour votre dossier 3 documents "officiels" sur ce qui est fait au sein du Dept... Avec mes meilleurs messages, ______ ».

30) Le 12 mai 2017, M. H______ a déposé au Grand Conseil une question écrite urgente à l'attention du Conseil d'État intitulée « le directeur de l'office a-t-il le droit de dénigrer le travail d'une commission du Grand Conseil ? » qui faisait référence à un courriel de M. D______ à l'ensemble des collaborateurs de l'office, dans le cadre duquel il qualifiait le travail de la sous-commission comme manquant de « rigueur intellectuelle », parlant d'« hypothèses non vérifiées », tout en contestant la teneur des auditions menées par la sous-commission.

31) Le 21 juillet 2017, M. D______ a convoqué M. A______ à un entretien de service devant se tenir le 23 août 2017, dont l'objectif était de l'entendre au sujet de la transmission à des tiers d'informations couvertes par le secret de fonction, du non-respect de son obligation de fidélité envers son employeur, de son comportement inique et incorrect envers sa hiérarchie, ses collègues et ses subordonnés ainsi que son manque de conscience et de diligence dans l'exécution de ses prestations. Ces griefs, s'ils étaient avérés, constituaient une violation des devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire au prononcé d'une sanction disciplinaire.

32) Le 4 août 2017, M. A______ a informé M. D______ qu'étant en incapacité de travail, il n'était pas en mesure de prendre part à cet entretien, de sorte qu'il ferait valoir son droit d'être entendu par écrit.

33) Le 6 septembre 2017, le département a transmis à M. A______ le procès-verbal de l'entretien de service et lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations.

Il lui était reproché d'avoir transmis des informations relevant du secret de fonction à des tiers. Il en allait ainsi du rapport RIFT, qu'il avait transféré par courriel à plusieurs destinataires, dont certains externes à l'État, à ses collaborateurs directs ainsi qu'à un auxiliaire affecté à son service. En outre, lors d'une conférence de presse qui s'était tenue le 25 avril 2017, relative au rapport de la sous-commission de gestion du Grand Conseil, un journaliste avait fait mention de l'existence du rapport RIFT et de son contenu. M. A______ avait également transféré à des destinataires externes à l'office le courriel du 24 avril 2017 du conseiller d'État, ainsi que le message du 27 avril 2017 de M. D______, ce qui avait donné lieu à une question écrite urgente d'un député à l'attention du Conseil d'État.

Les méthodes de management de M. A______ étaient inadéquates, l'intéressé adoptant un comportement indigne et incorrect envers sa hiérarchie, ses collègues et ses subordonnés. Il s'était montré agressif, humiliant ou irrespectueux à l'égard des collaborateurs, privilégiant un management basé sur des menaces et des sanctions, ce qui avait généré un climat de peur dans son service et valu plusieurs recadrages. Il avait en outre favorisé certains collaborateurs en les laissant prendre des libertés, notamment pour l'enregistrement du temps de travail, et cautionné les comportements inadéquats de Mme C______, sans intervenir.

Il avait manqué de conscience et de diligence dans l'exécution de ses prestations « de hiérarchie » et transmis des informations confidentielles concernant ses collègues. Sur instigation de Mme C______, qui avait participé au recrutement d'une collaboratrice alors qu'elle n'avait aucune fonction d'encadrement et il avait consenti à la mise en oeuvre d'un stratagème destiné à faire licencier M. L______. Il avait régulièrement pris des pauses excédant vingt minutes et se présentait au travail après 9h00. Il avait transmis un courriel à Mme C______ au sujet de reproches qu'il avait faits à l'un de ses collaborateurs, tout en manquant de rigueur dans l'engagement de ceux-ci. Pendant les séances de travail, ainsi que les recrutements, il consultait de manière fréquente et répétée son téléphone portable à des fins privées, ce qui lui avait valu plusieurs recadrages, et avait utilisé sa messagerie professionnelle à des fins privées de manière répétée, alors même que son solde d'heures travaillées était négatif. Sa communication était insuffisante vis-à-vis de ses collaborateurs, ce qui lui avait déjà été rappelé à plusieurs reprises. Par ailleurs, il n'avait pas non plus informé certains collaborateurs de leur changement d'affectation, situation ayant conduit à la détérioration des relations de travail au sein de son service. Il avait, enfin, exercé l'activité accessoire de sapeur-pompier surnuméraire sans autorisation, celle accordée en janvier 2016 n'ayant pas été renouvelée.

Si ces faits étaient avérés, ils seraient constitutifs de manquements aux devoirs du personnel, susceptibles de conduire au prononcé d'une sanction disciplinaire. Au préalable, il était envisagé d'ordonner l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre, ainsi que sa suspension provisoire avec suppression de toute prestation à la charge de l'État.

34) Le 16 octobre 2017, M. A______ a transmis au département ses déterminations au sujet de l'entretien de service, indiquant que celui-ci reposait principalement sur des déclarations de collaborateurs malintentionnés.

Il contestait les faits qui lui étaient reprochés, précisant avoir transféré le rapport RIFT aux collaborateurs de l'office afin de recueillir leurs observations, comme il y avait été invité, et ne l'avait pas transmis, pas plus que d'autres courriels, à des destinataires externes, mais avait eu le sentiment que des tiers avaient accès à sa messagerie.

Les critiques en lien avec son management et son comportement reposaient sur les seules déclarations de collaborateurs lui vouant un ressenti évident, lesquels, face à M. D______, n'avaient eu d'autre choix que de délivrer un témoignage conforme aux attentes de ce dernier. Il ne prenait pas de pauses excessives et ses retards le matin étaient dus au syndrome d'apnée du sommeil dont il souffrait, sa hiérarchie étant au courant. Bien qu'il eût renoncé à exercer son activité de sapeur-pompier surnuméraire, il continuait à recevoir des courriels à ce sujet, auxquels il ne répondait pas.

35) Par arrêté du 29 novembre 2017, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de M. A______ - confiant sa conduite à Monsieur U______, juge à la Cour de justice - ainsi que sa suspension provisoire et la suppression de toute prestation à la charge de l'État.

Il lui était notamment reproché d'avoir mis en oeuvre un stratagème destiné à faire licencier l'un de ses subordonnés, de consulter fréquemment son téléphone portable pendant les séances, de privilégier un management basé sur des menaces de punitions et de sanctions en générant ainsi un climat de peur dans son service, d'avoir un comportement agressif, de favoriser certains subordonnés et d'en humilier d'autres, d'avoir changé d'affectation certains subordonnés sans concertation ni avertissement préalable, d'avoir sciemment cautionné la violation des règles d'enregistrement du temps de travail par certains subordonnés, d'avoir régulièrement utilisé sa messagerie professionnelle à des fins privées, d'avoir transmis un rapport ainsi que certains courriels soumis au secret de fonction à des personnes extérieures au service, voire à l'administration, de ne pas respecter lui-même les règles d'enregistrement du temps de travail et d'avoir exercé une activité accessoire alors que son supérieur avait refusé de renouveler l'autorisation d'exercer ladite activité.

36) a. Par acte déposé le 11 décembre 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, principalement à l'annulation de la décision entreprise, à la constatation de son droit au traitement à compter du 29 novembre 2017 et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'ouverture d'une enquête administrative n'était pas remise en cause, seule étant contestée sa suspension provisoire avec suppression de traitement,

Les accusations portées contre lui étaient en particulier mal fondées et ne justifiaient pas le recours à une telle décision, ce d'autant que les faits étaient contestés et apparaissaient d'emblée invraisemblables pour avoir été recueillis auprès d'une poignée de collaborateurs hostiles qui n'avaient d'autre volonté que de lui nuire. S'il estimait qu'il avait failli à ses devoirs, le Conseil d'État devait prendre une mesure moins incisive, eu égard notamment à ses états de service, à son ancienneté, au caractère invraisemblable des reproches formulés et à la manière insolite par laquelle sa hiérarchie les avait collectés, sa mise à l'écart ayant en réalité été motivée par la suppression de son poste.

37) Le 11 janvier 2018, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours, réservant le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

38) Par arrêt du 17 avril 2018 (ATA/351/2018), la chambre administrative a rejeté, en tant qu'il était recevable, le recours interjeté le 11 décembre 2017 par M. A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 29 novembre 2017.

Bien que l'intéressé contestât la plupart des faits reprochés et même s'il minimisait ses agissements, il avait néanmoins admis avoir transmis différents documents à caractère interne à des tiers, extérieurs à l'office, à savoir le nouvel organigramme de l'office, le rapport RIFT ainsi que les courriels du 24 avril 2017 du conseiller d'État et celui du préposé du 27 avril 2017, lequel avait donné lieu à une question urgente d'un député au Conseil d'État le 12 mai 2017. Si elle était avérée à l'issue de l'enquête administrative, une telle violation du secret de fonction constituerait un grave manquement aux devoirs du personnel, tout comme les autres faits qui lui étaient reprochés, en particulier d'avoir volontairement toléré une indication inexacte du temps de travail introduit dans le système de timbrage par ses collaborateurs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_301/2017 du 1er mars 2018 consid. 4.3.3), ces éléments étant susceptibles de justifier une sanction disciplinaire.

C'était dès lors conformément au droit que le Conseil d'État avait suspendu provisoirement le recourant et qu'il avait assorti cette mesure de la suppression de toute prestation à la charge de l'État de Genève.

39) Le rapport d'enquête administrative a été rendu le 24 avril 2018.

M. A______ et vingt témoins avaient été entendus.

Les faits reprochés à l'intéressé pouvaient être scindés en deux catégories : la suspicion de violation du secret de fonction et un comportement professionnel inadéquat.

a. La suspicion de violation du secret de fonction amenait une réponse nuancée. En diffusant le pré-rapport RIFT, notamment à un député membre de la commission de contrôle de gestion, pendant que cette commission avait chargé une sous-commission d'enquêter sur l'office des poursuites, M. A______ avait amplifié le bris de la confidentialité, mais sans en être à l'origine. La situation était différente s'agissant de l'envoi du projet d'organigramme de décembre 2016, le 18 janvier 2017, au même député. La divulgation émanait directement de M. A______ et concernait un document confidentiel à ces dates.

Le texte du chef du département et la prise de position du préposé, tous deux destinés au personnel de l'office, n'apparaissaient pas contenir de faits confidentiels. À l'instar du communiqué interne à l'office annonçant la nomination d'une directrice financière et du contrôle interne.

b. « Le comportement professionnel inadéquat devait être appréhendé uniquement sur la base des faits établis par l'enquête administrative. La remise en question du style de management de M. A______, dont le sens élevé de l'État et du service public, ainsi qu'un ton « carré », ressort[aient] à l'unisson des témoignages recueillis paraiss[ait] surtout provenir d'un conflit cristallisé sur le secteur huissiers n° 4 et sur la personne de Madame C______. Il [était] frappant de constater que les contempteurs les plus inflexibles, voire les plus rudes de M. A______, émargeaient pour leur écrasante majorité au secteur précité. Par ailleurs, les rares témoins qui n'avaient jamais passé par ce secteur, mais qui s'étaient aussi exprimés défavorablement sur M. A______ avaient, à un moment ou à un autre, entretenu des relations sentimentales avec des collaborateurs y travaillant ».

L'enquêteur revenait sur onze griefs émis à l'encontre de M. A______ et les détaillait.

« Pour ce qui a trait à son comportement professionnel inadéquat, M. A______ apparaît comme pétri d'un style de conduite direct, directif, "carré", voire militaire. Ces termes reviennent unanimement dans la bouche des témoins. À teneur du dossier, il serait excessif de prétendre que cette forme d'intransigeance, voire de rigidité, lui aurait mis à dos tout le service dont il avait la charge. (...) Il est frappant de constater à quel point les reproches les plus lourds proviennent d'un seul secteur huissiers, le n° 4, sur les sept relevant de M. A______. Ce secteur pourrait avoir été ébranlé par davantage de difficultés que les autres (relations personnelles difficiles entre M. A______ et M. I______, gestion par interim durant l'absence de celui-ci pour maladie, attribution au cas par cas de ressources humaines, immixtion de Mme C______ lorsqu'elle était attribuée audit secteur). Le soupçon d'une machination pour se débarrasser du chef par interim qui n'aurait pu qu'aggraver les difficultés de cette unité organisationnelle n'a pas été prouvé et paraissait radicalement incompatible avec les valeurs reconnues à M. A______. Au contraire, le processus de sélection de Mme N______ a été correctement conduit et le secteur pourvu d'une collaboratrice compétente.

Inversement, les mêmes valeurs reconnues à A______ rendent incompréhensibles, au point d'y déceler une marque d'autorité vacillante, voire de faiblesse, l'emprise bien réelle de C______ sur la marche du service. Qu'on se comprenne bien : fut-elle favorisée par les fonctions "volantes" de cette dernière, dans sa disponibilité et ses aptitudes à jouer les "bouche-trou" (le terme revient chez la précitée et chez le témoin V______) ou par son désir de s'élever professionnellement - aucune de ces hypothèses n'excluant d'ailleurs les autres - la constatation de cette emprise, décrite comme une relation hiérarchique "qui pouvait être" inversée, ne met pas en lumière des turpitudes de C______, mais pose plus crûment les limites d'un manager entier et direct lorsqu'il se trouve devoir gérer, et donc contenir et au besoin affronter, une collaboratrice de même tempérament.

Il est vraisemblable que le clivage entre ceux qui se retrouvaient dans le style et les orientations de A______ ou s'en accommodaient, et ceux pour qui son management ne devait plus être toléré a conduit à une surinterprétation de ses faits et gestes. Pour autant, parler de "management par la terreur" ne convainc pas l'enquêteur. Aucun témoin ni aucune pièce n'ont démontré un mode de conduite du personnel privilégiant la menace de punitions et de sanctions.

Enfin, des libertés excessives de A______ dans les prescriptions de service (pauses prolongées, le cas échéant avec des collaborateurs choisis ; non respect des horaires de travail ; usage abusif de la messagerie électronique à des fins privées) ne sont pas suffisamment caractérisées.

Pour ce qui a trait à la violation du secret de fonction, elle s'inscrit en total décalage avec le sens de l'État et du service public reconnu à A______. On peut, certes, donner acte à celui-ci, sur la foi des attestations de ses psychothérapeutes, d'une forme de désarroi après qu'il s'est aperçu que son poste serait fusionné avec celui du chef de service des saisies II et qu'il risquait par conséquent de le perdre ou, du moins, de se retrouver en concurrence avec son homologue du service II. Mais, en raison du choix de certains destinataires de ses messages électroniques relatifs au pré-rapport du RIFT - un député, un ancien substitut, d'anciens collaborateurs de l'office -A______ ne parvient pas à convaincre qu'il aurait lancé des appels de détresse. Il a, bien plus probablement, cherché à profiter du contexte des investigations parlementaires en cours sur l'office des poursuites, dans une tentative de mettre en difficulté, à défaut de lui sauvegarder son poste, ceux qui avaient la charge de réorganiser l'office et qu'il tient pour responsables d'avoir orchestré sa mise à l'écart.

En conclusion, ce sont la place prise par (ou laissée à) C______ et le comportement une fois connu l'organigramme restructurant l'office des poursuites qui relèvent de fautes disciplinaires de A______. Dans la mesure de ceux qui ont été établis, les autres aspects investigués, dont la présence dans le tableau d'ensemble assombrit, certes, la haute image de la fonction publique que donne A______, ne sont pas décisifs à eux seuls. Considérés isolément, ils n'appelleraient pas de sanction disciplinaire. »

40) M. A______ a fait valoir ses observations auprès du Conseil d'État le 29 mai 2018.

41) Par arrêté du 27 juin 2018, le Conseil d'État a révoqué de ses fonctions M. A______ avec effet rétroactif au 29 novembre 2017, jour de l'ouverture de l'enquête administrative.

La décision était exécutoire nonobstant recours.

Les faits retenus par l'enquêteur faisaient état de violations par M. A______ de ses devoirs de service. Cela justifiait l'ouverture d'une procédure disciplinaire et non pas de suppression de poste. L'enquêteur avait pris en compte les dépositions favorables des témoins, ce qui l'avait amené à ne pas retenir certains griefs.

- L'arrêté détaillait différentes violations des devoirs de service par l'intéressé, notamment l'incident qui avait suivi la séance des huissiers à fin avril 2016 et qui concernait M. L______. Il était reproché à M. A______ d'avoir qualifié de rumeur une décision prise en séance à laquelle il était présent et d'avoir ainsi désavoué un cadre intermédiaire au vu et au su de son secteur huissiers, alors que ce cadre ne faisait que répercuter loyalement un choix de sa hiérarchie ;

- il était aussi reproché à M. A______ de porter en permanence son attention sur l'écran de son téléphone lors de divers entretiens d'embauche ;

- il avait par ailleurs, le 11 janvier 2017, transmis à l'adresse courriel privée de Mme C______, un courriel de remontrances à un de ses chefs de secteur ;

- l'enquête avait permis de confirmer l'incapacité de M. A______ à cadrer Mme C______ ;

- M. A______ avait transmis le 5 janvier 2017 à Monsieur W______ non seulement un projet d'organigramme, mais surtout le scan de lettres anonymes du « corbeau » qui contenaient des diffamations à l'encontre de divers cadres de l'office ainsi que du secrétaire général ;

- M. A______ avait pris connaissance du pré-rapport RIFT alors qu'il n'y était pas autorisé et l'avait transmis à Mesdames C______ et X______ ainsi qu'à Messieurs Y______, G______ et Z______, lesquels n'avaient pas été auditionnés par l'équipe RIFT. Le pré-rapport ne contenait au demeurant aucun élément concernant le poste de M. A______. Il était choquant que l'intéressé ait nié avoir fait suivre certains des documents litigieux à des tiers et jeté le doute sur l'honnêteté du personnel de l'administration cantonale en évoquant que d'autres personnes s'étaient procurées un accès à son profil informatique. Il n'avait avoué que lors de son audition devant l'enquêteur le 10 janvier 2018.

M. A______ avait violé son devoir de réserve, son obligation de fidélité, son obligation d'entretenir des relations dignes et correctes avec ses supérieurs-es, ses collègues et ses subordonné-es, son obligation de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes, de même que ses devoirs d'autorité. Il n'avait pas justifié ni renforcé la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l'objet, n'avait pas rempli tous les devoirs de sa fonction consciencieusement et avec diligence. Enfin, il avait utilisé à plusieurs reprises les ressources informatiques mises à sa disposition par son employeur pour commettre une violation du secret de fonction, laquelle constituait un grave manquement au devoir du personnel. Ces violations étaient d'autant plus choquantes qu'elles étaient le fait d'un fonctionnaire cadre intermédiaire. La violation des devoirs de service était grave et avait définitivement rompu le lien de confiance. L'intéressé n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire au jour de l'arrêté, bien que contrairement à ce qu'il évoquait, son parcours professionnel n'avait pas été exemplaire. Il avait fait l'objet de deux avertissements. L'EEDP du 6 juin 2012 était mauvais et ceux des 12 décembre 2013 et 17 février 2014 satisfaisants. Ils comportaient déjà des reproches relatifs à son comportement envers ses subordonnées et sa hiérarchie, ainsi que son style de management. L'intéressé n'avait pas été en mesure de se remettre en question et se ressaisir.

Dans ses observations relatives au rapport d'enquête, M. A______ avait certes expliqué qu'il avait « momentanément perdu ses repères et ses valeurs » et qu'il avait « commis une erreur de jugement » qu'il « regrettait sincèrement aujourd'hui ». Il était « parfaitement conscient, aujourd'hui, qu'il n'aurait pas dû procéder à la transmission de documents à des tiers » et « regrettait son comportement ». Il n'avait toutefois à aucun moment présenté d'excuses, que ce soit à ses subordonnés, lesquels avaient pourtant exprimé une grande souffrance du fait de son style de management, ou à son employeur. La révocation avec effet rétroactif au jour de l'enquête administrative était justifiée. Sous l'angle de la proportionnalité, aucune autre sanction disciplinaire n'apparaissait envisageable au vu des circonstances, le lien de confiance étant irrémédiablement rompu.

42) Par acte du 29 août 2018, M. A______ a interjeté recours contre l'arrêté précité. Il a conclu principalement au constat que « la décision » du Conseil d'État du 27 juin 2018 était contraire au droit, à la mise à néant de ladite décision, à ce que sa réintégration soit ordonnée et, en cas de refus de réintégration, à la condamnation de l'État de Genève à lui verser une indemnité équivalant à vingt-quatre mois de son dernier traitement ainsi qu'au versement de son traitement depuis le 29 novembre 2017. Préalablement, il sollicitait l'apport de différentes pièces et l'audition de deux témoins en lien avec des faits nouveaux.

Son droit d'être entendu avait été violé par le Conseil d'État qui avait ignoré les faits nouveaux pourtant portés à sa connaissance avant la clôture de l'enquête.

Si la transmission de certains courriels était effectivement fautive, il contestait que sa faute soit suffisamment grave pour justifier une révocation. Il avait certes transgressé, dans une période de trouble intense, suscitée par la peur panique de perdre son emploi, les règles de confidentialité. Sa faute n'était pas d'une gravité telle qu'elle doive appeler une sanction aussi lourde que la cessation des rapports de service, que ce soit par le biais d'une révocation ou d'une résiliation éventuelle pour motif fondé. Il n'avait pas révélé de secrets importants, ses actes n'avaient pas eu de conséquences graves et sa faute ne saurait s'apparenter à des comportements aussi graves que l'exercice d'une violence physique ou morale, des agissements à caractère sexuel dans le cadre professionnel, le vol ou l'escroquerie, soit des actes de nature à justifier traditionnellement une révocation.

Le principe de la proportionnalité avait été violé. Le Conseil d'État aurait dû décider d'une mesure moins incisive sur l'échelle des sanctions. Le Conseil d'État avait omis de prendre en compte un certain nombre d'éléments qu'il avait cités. Il y sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

Enfin, le principe de l'égalité de traitement avait été violé. Sa hiérarchie n'avait pas fait preuve de la même sévérité à l'endroit d'autres fonctionnaires de l'office auxquels une atteinte à la confidentialité pouvait être reprochée. Ainsi, le responsable du bris de confidentialité qui avait précisément transmis à M. A______ le pré-rapport RIFT, prétendument confidentiel, n'avait jamais été inquiété quant à cette transmission, pas plus que les autres fonctionnaires qui avaient transmis le pré-rapport RIFT à l'instar du recourant, dès lors qu'il était notoire que ce pré-rapport avait été abondamment diffusé au sein de l'office par ses destinataires. La jurisprudence de la chambre administrative faisait d'ailleurs état d'un autre cas qui s'était également déroulé au sein de l'office : un huissier, comptant vingt-quatre ans d'activité, auquel était reprochée la même violation, s'était vu infliger non pas une révocation, mais une résiliation des rapports de service, suivie d'une procédure de reclassement. Le Conseil d'État avait fait preuve d'une sévérité excessive à son encontre, sans motif raisonnable. Il avait abusé de son pouvoir d'appréciation.

43) Le Conseil d'État a conclu au rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif, dans la mesure où elle était recevable.

44) Par décision du 1e octobre 2018, la présidence de la chambre administrative a rejeté la requête en restitution d'effet suspensif (ATA/1013/2018).

45) Par réponse au fond du 8 octobre 2018, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

46) Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le 29 novembre 2018. Le recourant était toujours à la recherche d'un emploi. Il avait conservé sa totale capacité de travail depuis décembre 2017. Il percevait des indemnités de chômage depuis février 2018 après avoir été suspendu dans son droit depuis le 29 novembre 2017.

47) Une audience d'enquêtes s'est tenue le 24 janvier 2019.

a. Monsieur AA______, chef de service à l'OP, avait collaboré avec M.  A______ de juin 2011 à mars 2014, comme collègues directs. Il n'y avait jamais eu de problèmes. M. A______ était un bon manager, compétent qui connaissait son métier.

Il avait fait partie des groupes de travail du projet de réorganisation de l'office à fin 2016. Le groupe de travail avait décidé de conserver deux chefs de service. Ceci avait été décidé avec le consultant externe, Monsieur Alexandre AB______ et le comité de direction en novembre 2016. M. D______ avait participé à cette décision, quand bien même il avait quelques réticences à conserver deux chefs de service. M. AB______ insistait beaucoup pour passer à un. La décision avait toutefois été clairement prise par le groupe de travail, direction comprise, de rester à deux. Même Mme B______, la plus concernée par cette décision, insistait pour en avoir deux au minimum. Le groupe de travail n'avait pas compris pourquoi subitement en décembre 2016, juste avant Noël, la communication au personnel mentionnait que ne serait conservé qu'un seul poste de chef de service. La volonté du groupe n'avait pas été respectée, alors qu'il avait été associé à tout le processus. Cela discréditait tout le travail fait dans ce cadre.

Il avait été choqué de l'acharnement dont avait fait preuve M. AB______ envers MM. A______ et Z______, sans les connaître et sans avoir jamais travaillé avec eux. M. AB______ s'était forgé son opinion en interpellant des personnes dans les couloirs. Selon M. AB______, le service des saisies était mal géré, à cause de MM. A______ et Z______, en tous cas pour la majorité des problèmes. Il avait dit en séance à Mme B______ : « maintenant que je vous ai dégagé les deux chefs services (en parlant de MM. A______ et Z______), comme vous me l'aviez demandé, vous devriez être contente ! ». Mme B______ avait précisé en séance de ne lui avoir jamais rien demandé. Le temps avait prouvé que d'avoir un seul chef de service n'était pas viable.

Madame AC______ lui avait expliqué que M. AB______ l'avait prise à part en lui demandant de ramener des éléments et témoignages contre MM. A______ et Z______, ceci en lui demandant de garder un niveau de confidentialité très élevé, et en lui disant que si elle le révélait, cela serait sa parole contre la sienne. Il s'agissait de faire un courrier à la direction à faire signer par les collègues pour dire qu'on ne voulait pas de M. A______ au poste de chef de service. Il avait interpellé cette collaboratrice à deux reprises au sujet de la gravité de ces accusations, qu'elle avait néanmoins réitérées. Il en avait ensuite référé à deux entités indépendantes, à savoir la Cour des comptes et le service de l'audit interne (ci-après : SAI).

b. Mme AC______ avait participé à un grand nombre de séances du groupe de travail sur la réorganisation de l'office. La recommandation finale consistait à garder la même situation pour les chefs de service, soit deux personnes. Elle n'avait pas été surprise quand elle avait vu que cette recommandation n'avait pas été suivie, vu l'ambiance. Il était évident que les idées des employés ne seraient pas suivies.

À la sortie d'une réunion du groupe de travail, M. AB______ lui avait demandé d'aller dans la salle de la bibliothèque. Ils étaient les deux. Il lui avait fait comprendre que si elle répétait à l'extérieur ce qu'il dirait, il le nierait. Il lui avait demandé s'il était possible de faire un mot ou un courrier, à faire signer par les autres collègues, pour dire qu'ils étaient plus favorables à ce que ce soit M. Z______ qui reste chef. Il avait spécifié que ce courrier devait être mis sous pli et donné à la direction anonymement. Elle était sortie perturbée, sans savoir si elle devait en parler ou non. Le lendemain, elle en avait parlé à des collègues proches qui lui avaient conseillé de ne rien faire. Elle n'avait rien fait. Elle en avait parlé à M. AA______ juste avant qu'il quitte l'office, en 2018. Elle n'avait pas le souvenir d'avoir entendu M. AB______ parler de M. A______ ni d'ailleurs d'une personne en particulier.

c. M. AB______ a expliqué que l'origine du mandat qui lui avait été confié et qui était toujours en cours, consistait, en 2016, dans la bascule informatique. Cela avait mis en exergue l'urgence à gérer l'inquiétude des collaborateurs et une forme de sous-investissement en temps dans la gestion des équipes, avec d'énormes tensions. Cette découverte avait fait évoluer quelque peu son mandat, avec une grosse intervention sur la communication de crise à l'interne, ce qui n'était pas prévu.

Deux groupes de travail avaient été créés pour analyser et critiquer l'organisation proposée, un avec les collaborateurs, l'autre avec les cadres. Les règles étaient claires depuis le début. Il s'agissait de vérifier une proposition d'organisation. La décision finale appartenait à la direction, voire même au conseiller d'État. Il n'était pas question de validation par les collaborateurs ou les cadres. Il s'agissait d'un vaste chantier où les propositions des uns avaient immédiatement des conséquences pour d'autres. Il fallait analyser dans la globalité de l'office les avantages et les inconvénients de chacune des solutions, parfois même très innovantes. Les collaborateurs avaient fait d'excellentes propositions qui avaient été entièrement reprises. Le comité de direction, réunissant l'ensemble des directeurs, le préposé et lui-même, s'était réuni pour élaborer la proposition à soumettre aux groupes de travail, puis à la fin du processus, pour décider de la variante soumise au conseiller d'État. S'agissant du nombre de chefs de service pour les saisies, les avis n'étaient clairement pas unanimes, certains défendant la variante à quatre, d'autres à deux et certains à un. C'était la variante à un chef de service qui avait été retenue.

À la fin d'une séance d'un groupe de travail, Mme AC______ l'avait interpellé en lui faisant part de son inquiétude d'avoir un seul chef de service, notamment si c'était M. A______. Elle lui avait indiqué qu'il lui avait par exemple une fois dit : « Asseyez-vous, je n'aime pas être dominé par une femme ! ». Il lui avait proposé d'en parler à sa hiérarchie. Elle lui avait indiqué ne pas avoir confiance, « qu'ils s'étaient toujours couverts et que plein de femmes avaient subi ce type de comportements ». Après y avoir réfléchi, il était revenu à elle. Ils s'étaient revus dans une salle. Il lui avait proposé que, si elle avait peur, des collaborateurs s'associent pour écrire une lettre au préposé. Son malaise venait de son intime conviction que les RH et la direction auraient fait le nécessaire correctement et qu'il était dommage que cette information ne soit pas relayée.

C'était Mme AC______ qui, la première, avait pris contact avec lui, mais c'était lui qui avait sollicité la réunion qui avait suivi. Il s'était trouvé avec le dilemme du consultant, à savoir que « lorsqu'on encourage quelqu'un à se plaindre, soit cela se fait et cela se règle, soit cela devient conflictuel. Dans ce cas, il est délicat qu'il soit révélé que la dénonciation a été encouragée par le consultant ». Il avait effectivement utilisé une phrase indiquant que si elle disait que c'était lui qui l'avait encouragée à formaliser sa plainte, il nierait avoir eu cette conversation. Cette phrase était dite dans l'intérêt du collaborateur, à défaut la lettre de plainte perdait de la valeur. Il était conscient des mécanismes de peur, notamment de la hiérarchie. Il avait eu d'autres témoignages concernant M. A______, dont notamment un en lien avec les armes qu'il possédait ou le fait qu'il avait le bras long en politique. Ces éléments étaient intéressants, à l'instar de nombreux témoignages qu'il avait pu entendre sur les uns et sur les autres pendant deux ans d'immersion. Cela lui permettait de comprendre que la peur de dénoncer des faits s'inscrivait dans ce mécanisme de peur.

Il ne faisait pas partie de son mandat d'auditionner des collaborateurs. Dans les valeurs défendues par le département et la direction de l'office et qu'il partageait, il convenait que les collaborateurs soient sereins dans leur travail. Cela impliquait de l'autonomie et un environnement « secure ». En l'espèce, l'autonomie était faible et le niveau « secure » pas très élevé. Il n'avait pas auditionné les gens de façon formelle, mais avait recueilli des informations de différentes façons, y compris de façon informelle, parfois autour de la machine à café, dans les corridors. Il ne devait pas régler le passé, mais faire qu'à l'avenir les gens soient fiers et heureux dans leur travail, et que l'office soit performant.

La décision de ne garder qu'un seul chef de service avait été prise au moment de la validation de la réorganisation par le conseiller d'État.

Il avait assisté à une séance le 6 juin 2016, en l'absence de M. G______, suite à la bascule informatique. Il se rappelait du désarroi des huissiers et de leur « ras-le-bol ». Alors qu'il était nécessaire que les chefs de service agissent comme des patrons, ils s'étaient limités à relayer les doléances. Cela donnait le sentiment qu'ils étaient absents et que personne ne dirigeait alors même qu'il fallait pouvoir s'appuyer sur eux pour « défocaliser » des problèmes et travailler sur les solutions. Dans le quotidien de cette gestion de crise, des allers-retours entre M. D______ et les chefs de secteur étaient nécessaires pour pouvoir « débloquer les problèmes ». Alors que l'échelon hiérarchique des chefs de service devait être utile, ils étaient « absents ».

Il contestait avoir proposé à Mme AC______ de transmettre une lettre anonyme, ce qui n'avait aucun sens. Il s'agissait juste d'une mise en commun de doléances pour leur donner le courage de dénoncer des faits qui, s'ils devaient s'avérer, n'étaient pas normaux.

48) Dans leurs écritures après enquêtes, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Le recourant a invoqué une violation du principe de la bonne foi. Dans le cadre de sa réorganisation, l'OP avait fait fi des résultats de la procédure de consultation menée tant auprès des collaborateurs que des cadres.

49) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

50) Par courrier du 22 mars 2019, l'autorité intimée a transmis à la chambre de céans copie d'une ordonnance pénale rendue le 12 mars 2019 par le Ministère public à l'encontre de M. A______. Le ministère public ordonnait le classement partiel de la procédure, s'agissant des communications du 24 avril 2017, 27 avril 2017, du 9 juin 2017 et des lettres anonymes, et déclarait M. A______ coupable de violation du secret de fonction. Il était condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF ______ par jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans.

51) Interpellé sur cette pièce, le recourant a conclu à son irrecevabilité, ayant été produite après la clôture des débats. Pour le surplus, il avait formé opposition à ladite ordonnance.

52) Le recourant ayant fait opposition à l'ordonnance pénale, le Ministère public a prononcé une nouvelle ordonnance le 6 mai 2019. Une amende de CHF ______ était ajoutée, le prévenu persistant à nier le caractère confidentiel de certains documents ou la qualité de tiers non autorisés de certains destinataires. Il se justifiait de prononcer une peine accessoire immédiatement perceptible pour attirer son attention sur la gravité de son comportement et l'amener à s'amender.

53) Le recourant a conclu à l'irrecevabilité de la pièce, produite après la clôture des débats. Pour le surplus, il y avait fait opposition. La cause avait été transmise au Tribunal de police.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de l'arrêté du Conseil d'État du 27 juin 2018 révoquant le recourant avec effet rétroactif au 29 novembre 2017, date de l'ouverture de l'enquête administrative à son encontre.

3) Le recourant a, préalablement, sollicité une comparution personnelle, l'audition de deux témoins ainsi que la production par l'intimé de différents documents.

Il a été donné suite aux requêtes préalables du recourant.

4) a. Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu par l'autorité intimée pour avoir prononcé l'arrêté querellé sans tenir compte des témoignages, importants et pertinents pour sa cause, faits par Mme AC______ et M. AA______ dans le cadre d'une autre procédure instruite par la chambre de céans.

b. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 I 195 consid. 2.2).

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 137 II 266 consid. 3.2).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1 ; ATA/820/2018 du 14 août 2018 et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 526 s. n. 1554 s. ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, ch. 2.2.7.4 p. 322 et 2.3.3.1 p. 362). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 précité consid. 2.1 ; ATA/714/2018 du 10 juillet 2018). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/820/2018 précité et les arrêts cités).

c. En l'espèce, les deux témoins dont l'audition était requise par l'intéressé avant la prise de décision de l'autorité intimée ont été entendus par la chambre de céans dans le cadre de la présente procédure.

Le recourant a aussi pu se déterminer sur le contenu des témoignages. Il a ainsi eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'il aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse. L'autorité intimée a pu se prononcer sur le contenu de ces auditions. Elle a indiqué que leur contenu ne modifiait en rien le bien-fondé de la décision querellée.

Ces auditions n'ont pas d'incidence sur l'issue du litige, conformément aux considérants qui suivent. En conséquence, les faits n'étant pas pertinents, le refus d'instruire de l'autorité intimée ne viole pas le droit d'être entendu du recourant.

Le grief est infondé.

5) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61
al. 2 LPA).

6) Les art. 20 à 26 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) définissent les devoirs du personnel.

a. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

b. Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) ; de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c RPAC).

Un fonctionnaire, pendant et en dehors de son travail, a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014 consid. 5.5). Le comportement extra-professionnel d'un fonctionnaire peut également être retenu comme un élément pertinent au plan disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.6).

c. Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC) et de s'abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (art. 22 al. 3 RPAC).

d. À teneur de l'art. 9A al. 1 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), les membres du personnel de la fonction publique sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l'information du public et l'accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) ne leur permet pas de les communiquer à autrui.

Les membres du personnel sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de garder le secret envers quiconque sur les affaires de service de quelque nature qu'elles soient, dont ils ont eu connaissance. Ils ne doivent les utiliser en aucune façon (art. 26 al. 1 RPAC).

Selon la jurisprudence et la doctrine, le devoir de réserve peut être décrit comme la retenue que doit s'imposer l'agent public dans l'exercice de certains de ses droits fondamentaux - au travail comme en dehors de celui-ci - en raison de son statut ou de son activité au service de l'État (ACST/11/2016 du 10 novembre 2016 consid. 7c ; ATA/105/2018 du 6 février 2018 consid. 8b et les références citées ; Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, Le devoir de réserve des fonctionnaires - Spécialement sous l'angle du droit genevois, in PJA 2008 p. 810 ss, spéc. p. 811).

e. Selon l'art. 23A RPAC, le personnel de la fonction publique qui dispose de l'accès à un téléphone, à un poste de travail informatique, à Internet, à un compte de messagerie ou à tout autre outil de communication électronique mis à disposition par l'État doit utiliser ces ressources à des fins professionnelles (al. 1). Leur utilisation à titre privé n'est tolérée que si elle est minime en temps et en fréquence, qu'elle n'entraîne qu'une utilisation négligeable des ressources informatiques, qu'elle ne compromet ni n'entrave l'activité professionnelle ou celle du service, qu'elle ne relève pas d'une activité lucrative privée, et qu'elle n'est ni illicite, ni contraire à la bienséance ou à la décence (al. 2).

7) L'art. 23 RPAC précise que les membres du personnel chargés de fonctions d'autorité sont tenus en outre, notamment, de diriger leurs subordonnés, d'en coordonner et contrôler l'activité (let. b) et de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (let. f).

Responsables du personnel travaillant directement sous leur autorité, les cadres intermédiaires ont notamment pour tâche de créer et de maintenir un climat de travail favorable au sein de leur service (art. 3 al. 2 let. a du règlement sur les cadres intermédiaires de l'administration cantonale du 23 septembre 1981 - RCIAC - B 5 05.06).

8) En vertu de l'art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'OPE ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5° la révocation.

En cas de révocation, le Conseil d'État, respectivement la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration de l'établissement, peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande (al. 2).

Une décision de révocation avec effet immédiat peut agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (art. 28 al. 4 in fine LPAC).

9) a. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l'intérêt du recourant à poursuivre l'exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l'intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6a).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par
l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

b. La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (MGC 2005-2006/XI A - 10423 et 10436 ; ATA/118/2016 précité consid. 3b ; ATA/694/2015 précité consid. 6b).

Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2017 du 22 février 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/54/2018 du 23 janvier 2018
consid. 6).

c. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 précité consid. 3.5 et les références citées).

d. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans s'est notamment prononcée comme suit s'agissant de cas de révocation :

- dans un arrêt du 22 janvier 2019 (ATA/56/2019 consid. 19c), la chambre administrative avait confirmé la révocation d'un employé administratif au sein de la police. Il était établi que le recourant avait fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et, surtout, transmettre des informations confidentielles à différents tiers, et notamment à un ami détective privé, lequel avait utilisé ces informations pour son activité professionnelle ;

- dans une affaire plus ancienne, la commission de recours des fonctionnaires de police et de prison, devenue depuis la chambre administrative, avait confirmé la révocation d'un policier qui avait transmis des informations confidentielles à des personnes sous enquête. Le recourant ne contestait pas les violations du secret de fonction qui lui étaient reprochées. Il se plaignait du caractère disproportionné de la sanction et se prévalait en outre d'une violation du principe d'égalité de traitement en comparant son cas à celui d'un inspecteur, condamné pénalement pour homicide, mais non sanctionné sur le plan disciplinaire. La commission avait écarté le deuxième argument en considérant que les deux situations n'étaient pas comparables. S'agissant de la proportionnalité de la sanction, elle avait qualifié de particulièrement graves les violations en cause compte tenu de la situation et des responsabilités du recourant. Elle avait estimé qu'en l'espèce, le lien de confiance nécessaire entre un policier et sa hiérarchie était irrémédiablement rompu et qu'une sanction moins incisive n'aurait pas permis d'atteindre le but poursuivi par l'autorité, à savoir écarter le recourant des fonctions qu'il exerçait jusqu'alors (RDAF 2007 I 242).

La chambre administrative est en revanche revenue sur la sanction prononcée par l'autorité d'engagement dans quelques cas, notamment :

- révocation jugée contraire au droit et réintégration imposée en raison d'une absence de violation des devoirs de service, l'autorité d'engagement n'ayant pas pu établir que la recourante s'était rendue coupable de faux, seul fait à la base de la décision de révocation (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015) ;

- révocation annulée au motif qu'en renonçant à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d'une année, l'autorité intimée avait laissé la recourante dans l'incertitude sur sa situation, ce qui allait clairement à l'encontre des principes de droit disciplinaire (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018) ;

- dans une affaire plus ancienne concernant une suspension provisoire, la commission de recours des fonctionnaires de police et de prison avait admis le recours d'un fonctionnaire de police qui avait informé deux personnes du fait qu'elles faisaient l'objet d'avis de recherche, ce qui avait permis aux intéressés de se soustraire temporairement à la poursuite pénale. Elle avait considéré que la faute commise par le recourant, en l'occurrence une violation du secret de fonction, n'était prima facie pas de nature à justifier une cessation immédiate des rapports de service. De plus, le recourant n'avait aucun antécédent professionnel, et les faits litigieux constituaient des actes isolés dans une carrière longue de vingt-cinq ans. Il avait en outre pris conscience de ses défaillances professionnelles. Dès lors, la commission avait considéré que la mesure de suspension provisoire n'était plus nécessaire et avait admis le recours (RDAF 2007 I 245).

e. Les manquements aux devoirs de fidélité, de réserve et de discrétion, sont en général considérés comme de justes motifs de résiliation (Marie-Noëlle VENTURI-ZEN-RUFFINEN, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, Fribourg 2007, n° 777 ss p. 233 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_220/2010 du 18 octobre 2010 consid. 4.5.3).

10) a. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

b. L'autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation, tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 et les références citées).

11) En l'espèce, en conclusion de son rapport, l'enquêteur a retenu comme établis et relevant de fautes disciplinaires le comportement du recourant une fois connu l'organigramme restructurant l'office d'une part, et, d'autre part, la place laissée à Mme C______. Il relevait par ailleurs d'autres aspects relevant d'un comportement professionnel inadéquat, mais non décisifs pris isolément.

12) a. Dans son recours, l'intéressé a admis que la transmission de certains courriels était fautive. Il ne conteste pas avoir transmis plusieurs documents à caractère interne à des tiers, un député, un ancien substitut de l'OP, d'anciens collaborateurs de l'office. Les documents consistaient en le nouvel organigramme de l'office, le rapport RIFT ainsi que les courriers du conseiller d'État du 24 avril 2017 et du préposé du 27 avril 2017, lequel a donné lieu à une question urgente d'un député au Conseil d'État le 12 mai 2017.

Ce faisant il ne conteste pas avoir commis une faute et avoir violé à tout le moins son devoir de réserve.

b. Il conteste la gravité de la faute et invoque que les secrets révélés ne seraient pas importants, que la transmission de ces documents n'aurait pas eu de conséquences graves et que sa faute ne saurait s'apparenter à des comportements aussi graves que l'exercice d'une violence physique ou morale, un vol ou une escroquerie, notamment.

Le recourant perd toutefois de vue qu'il ne s'agit pas d'un acte isolé. Il a transmis plusieurs documents, à plusieurs destinataires non autorisés, à pas moins de cinq reprises (22 décembre 2016 ; 5 janvier 2017 ; 11 janvier 2017 ; 18 janvier 2017 ; 17 février 2017). Ces documents ne peuvent être qualifiés de « peu importants ». L'organigramme n'avait pas encore été validé par le conseiller d'État. Il était par ailleurs accompagné de pièces intitulées « Corbeau février, mars et avril 2016 », consistant au total en cinq pages - la page 3 de la communication de mars manquant - de griefs nominatifs à l'encontre de différents cadres de l'OP. Les documents sont intitulés « communication du personnel de l'OP » et ne sont pas signés. Par ailleurs et s'agissant du rapport RIFT, l'attention des lecteurs avait été attirée sur le fait que le texte était une version provisoire, dont la distribution devait être restreinte aux collaborateurs des secteurs concernés, un usage confidentiel devant en être fait.

c. Le recourant se prévaut de son désarroi pendant cette période. Toutefois, son comportement s'étendant sur plusieurs semaines, auprès de plusieurs destinataires et concernant plusieurs documents, l'enquêteur peut être suivi lorsqu'il indique « en raison du choix de certains destinataires de ses messages électroniques relatifs au pré-rapport du RIFT - un député, un ancien substitut, d'anciens collaborateurs de l'office -A______ ne parvient pas à convaincre qu'il aurait lancé des appels de détresse. Il a, bien plus probablement, cherché à profiter du contexte des investigations parlementaires en cours sur l'office, dans une tentative de mettre en difficulté, à défaut de lui sauvegarder son poste, ceux qui avaient la charge de réorganiser l'office et qu'il tient pour responsables d'avoir orchestré sa mise à l'écart ».

d. S'inscrivant de surcroît dans un contexte délicat au vu notamment des tensions au sein de l'office, des difficultés rencontrées pour la mise en place du nouveau système informatique, le recourant ne peut valablement soutenir que ces documents n'étaient pas importants, étant rappelé que ses responsabilités à cet égard étaient accrues compte tenu de son statut de cadre intermédiaire.

Le recourant a violé l'art. 20 RPAC.

13) Le deuxième grief retenu à l'encontre du recourant, à savoir la place donnée par le recourant à une employée subordonnée, est établi par les auditions menées dans le cadre de l'enquête administrative. L'enquêteur a retenu que l'immixtion de la collaboratrice dans les décisions du recourant était apparue claire et sans équivoque à une reprise, qu'il détaille, s'agissant d'un épisode où le recourant a désavoué un cadre intermédiaire au vu et au su de son secteur huissiers, alors que ce dernier ne faisait que répercuter loyalement le choix de sa hiérarchie. L'enquêteur a retenu que le recourant avait laissé se créer, au fil du temps, des conditions permettant à la collaboratrice de s'octroyer des libertés. Le recourant lui avait permis de participer, sans droit, à ses côtés, à un entretien d'embauche, lui avait transmis copie d'un message cadrant le supérieur hiérarchique de ladite employée et l'avait laissée adopter un ton inadéquat à son encontre.

Le fait que certains collaborateurs n'aient pas eu le sentiment de favoritisme de la part du recourant à l'endroit de l'employée est sans incidence sur ce qui précède.

Le recourant a violé les art. 21 let. c et 23 RPAC et 3 al. 2 let. a RCIAC.

14) a. Dans la décision dont est recours, l'autorité intimée détaille d'autres griefs, à savoir ceux mentionnés par l'enquêteur mais pour lesquels celui-ci indique que, pris individuellement, ils ne fondent pas une faute disciplinaire.

Ces reproches contribuent toutefois à fonder la position de l'autorité intimée quant à la rupture du lien de confiance, s'agissant notamment du grief d'avoir jeté le discrédit sur l'autorité intimée en niant, dans un premier temps, avoir transmis des documents à l'extérieur de l'OP à des personnes non autorisées et en jetant le doute sur l'honnêteté du personnel de l'administration cantonale en évoquant que « d'autres personnes » s'étaient procurés un accès à son profil informatique et avaient envoyé les courriels litigieux.

À cela s'ajoutaient le fait que le recourant avait dit à M. I______, devant témoins, que ce dernier avait mérité l'insulte de « connard » proférée à son encontre par M. V______.

Le recourant avait consulté de façon déplacée et répétée son téléphone portable dans le cas d'une convocation de Mme O______, d'entretiens avec Mme AD______ et avec Mme N______.

d. Au vu de la transmission de documents à des tiers non autorisés, de l'absence de cadrage de l'employée susmentionnée, et des autres problèmes comportementaux, c'est à juste titre que l'autorité intimée a retenu que le recourant avait violé, de façon grave, ses devoirs de fonction rappelés aux art. 20 à 26 RPAC.

Son comportement, délibéré, n'est pas compatible avec les obligations d'un cadre intermédiaire de l'État (art. 23 RPAC et le RCIAC), qui se doit d'avoir un comportement exemplaire.

15) Le recourant critique la proportionnalité de la sanction.

Les comportements retenus comme fautifs sont graves, comme développé dans les considérants qui précédent. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la seule violation du secret de fonction dans un domaine sensible peut justifier une révocation. Or, le recourant a, à plusieurs reprises, violé son devoir de réserve. S'ajoutent les violations des devoirs liés à sa fonction décrits dans les considérants 13 et 14. Certes, le recourant était au service de l'État depuis trente années et se trouve dans une tranche d'âge qui éprouve des difficultés à se réinsérer dans le marché du travail. Toutefois, même s'il n'avait pas été sanctionné par le passé, il avait fait l'objet de deux avertissements, respectivement en 2009 et 2011, ainsi que de recadrages, dans des EEDM - des 12 décembre 2013, 14 février 2014 - puis par courrier du 2 novembre 2015. L'EEDM du 2 novembre 2015 lui rappelait notamment qu'il devait adopter une attitude identique avec tous ses collaborateurs, ce qu'il n'a pas fait avec l'une d'entre eux.

À juste titre, le recourant n'invoque pas la lettre de félicitations de décembre 2016. Non seulement la transmission de messages et de pièces à de tiers non autorisés datait de la veille de la rédaction dudit courrier et n'était pas connue de sa hiérarchie, mais la correspondance est limitée à la gestion de la question informatique.

Compte tenu de ces considérations, il faut admettre qu'au vu des fautes commises par le recourant, la sanction prononcée est proportionnée aux buts d'intérêt public visés, soit le bon fonctionnement des services de l'État et la confiance que doivent pouvoir placer les citoyens dans la fonction publique. La révocation est apte à atteindre le but voulu et nécessaire compte tenu de la rupture du lien de confiance de l'employeur au vu de la gravité des faits reprochés. Aucune autre mesure moins incisive que la révocation ne permettrait d'atteindre les objectifs visés.

Ce grief sera dès lors écarté.

16) Le recourant se plaint d'une violation du principe de l'égalité de traitement, sa hiérarchie n'ayant pas fait preuve de la même sévérité à l'endroit d'autres fonctionnaires de l'office auxquels une atteinte à la confidentialité pouvait être reprochée.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 346 consid. 6 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss).

b. En l'espèce, les situations évoquées ne peuvent être comparées. Le recourant avait des responsabilités en qualité de cadre intermédiaire. Il avait par ailleurs fait l'objet de deux avertissements préalables. Il a transmis à plusieurs tiers, plusieurs documents, sur une période relativement longue. Le recourant ne soutient d'ailleurs pas que les situations soient strictement identiques.

Le grief n'est pas fondé.

17) Après les enquêtes, le recourant a invoqué une violation du principe de la bonne foi. Il critique les conditions dans lesquelles le choix de ne garder qu'un seul chef de service aurait été effectué et le fait de ne pas avoir été associé au processus.

a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aujourd'hui aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part
(ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4).

b. En l'espèce, le recourant a participé au groupe de travail sur la réorganisation. Rien au dossier ne démontre que la proposition issue dudit groupe devait être suivie par la direction de l'OP. De surcroît, la décision finale appartenait au chef du département concerné.

La volonté d'évincer le recourant, que deux témoins avaient évoquée et dont le recourant se prévaut, n'a pas été confirmée par les témoignages recueillis devant la chambre de céans.

Enfin, les autres éléments allégués par le recourant, notamment le climat délétère au sein de l'office, ne font pas l'objet de la présente procédure, limitée au bien-fondé de la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre du recourant suite aux fautes qui lui sont reprochées.

18) Le recourant critique la façon dont les auditions ont été menées par le préposé.

a. L'autorité a l'obligation d'établir d'office les faits (art. 19 LPA). Elle doit réunir les renseignements nécessaires et procéder aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie notamment les témoignages et renseignements de tiers (art. 20 al. 1 et 2 let. c LPA). Avant la prise de la décision, l'autorité n'est pas obligée de tenir un procès-verbal des auditions auxquelles elle procède (arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.3).

b. En l'espèce, les auditions ont servi à établir les faits au sens des articles précités. Elles ont fait l'objet de procès-verbaux. Ceux-ci ont été transmis au recourant qui a pu se déterminer à leur propos. Le recourant a par ailleurs pu, dans le cadre de l'enquête administrative, poser toute question utile, de façon contradictoire, aux personnes concernées et revenir, en tant que de besoin, sur leurs déclarations au seul préposé. Enfin, la chambre administrative a donné suite à toutes les demandes d'audition de témoins formulées par le recourant.

Le grief est infondé.

19) En tous points infondé, le recours sera rejeté, et la révocation du recourant confirmée. Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière sur les conclusions en réintégration ou indemnisation de ce dernier.

20) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 août 2018 par Monsieur A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 27 juin 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Françoise Markarian, avocate du recourant ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :