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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3701/2016

ATA/56/2019 du 22.01.2019 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.03.2019, rendu le 26.06.2020, REJETE, 8C_161/2019
Descripteurs : FONCTIONNAIRE; DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE; RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC; DROIT D'ÊTRE ENTENDU; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL); INCAPACITÉ DE TRAVAIL; MESURE DISCIPLINAIRE; DEVOIR PROFESSIONNEL; PROPORTIONNALITÉ; PROCÉDURE PÉNALE; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : aLPol.36.al1; aLPol.37.al3; Cst.29.al2; aLPol.6.al1; aLPol.6.al1.letk; RPAC.44A; CO.336c; CO.336d; LPAC.16.al1.letc.ch5; LPAC.16.al2; LPAC.20.al2; LPAC.27.al1; LPAC.27.al2; LPA.19; LPA.20.al1; LPA.20.al2; Cst.9; RPAC.23A; LPAC.9A.al1; Cst.5.al2
Résumé : Confirmation de la révocation d'un fonctionnaire, employé administratif au sein de la police, ayant transmis des informations confidentielles à des tiers (violation du secret de fonction). Pas un droit à être entendu oralement par le Conseiller d'État en charge du département. L'art. 44A RPAC, relatif à la protection contre le congé en temps inopportun, ne s'applique pas à la révocation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3701/2016-FPUBL ATA/56/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 janvier 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Christian Dandrès, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1965, a été engagé le 1er mars 2005 en qualité de contrôleur d'identification de personnes à plein temps auprès de la brigade de police technique et scientifique (ci-après : BPTS) de la police genevoise.

Le même jour, il a signé un document intitulé « secret de fonction » à teneur duquel il était notamment rendu attentif à l'obligation de garder le secret envers quiconque sur les affaires de service de quelque nature qu'elles soient dont il aurait connaissance et au fait qu'il ne devait les utiliser en aucune façon. Il prenait également note que toute indiscrétion de sa part pouvait entraîner des sanctions administratives allant jusqu'à la révocation.

2. Il a été nommé fonctionnaire le 1er mars 2008.

3. Le 1er février 2010, sa fonction a été classée en « assistant de sécurité 2 » et son traitement a été fixé en classe 10, position 15.

À teneur de son cahier des charges, sa mission était de procéder à l'identification des personnes interpellées et faisant l'objet d'un mandat d'amener ou d'arrestation.

4. Au cours de sa carrière, M. A______ a fait l'objet de plusieurs entretiens d'évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) dont il ressortait notamment qu'il effectuait ses tâches avec rigueur, qu'il était efficace, consciencieux et discret.

5. Le 15 janvier 2015, l'inspection générale des services de la police (ci-après : IGS) a rédigé un rapport à l'intention du Ministère public.

Dans le cadre d'une procédure pénale portant sur un trafic de cocaïne, dont le trafiquant présumé avait été placé sur écoutes téléphoniques, il ressortait que des informations émanant de fichiers de la police concernant une personne tierce avaient été obtenues par Monsieur B______, détective privé, lequel les avait remis audit trafiquant présumé. L'IGS avait découvert que des recherches concernant cette tierce personne avaient été effectuées au moyen des identités informatiques de M. A______ peu avant l'heure à laquelle M. B______ les avait transmises à son contact mis sur écoutes. L'IGS sollicitait les rétroactifs des numéros de téléphone appartenant à MM. A______ et B______.

6. Le 7 septembre 2015, M. A______ a été entendu par l'IGS. Il lui était reproché la violation de son secret de fonction. L'intéressé a indiqué n'avoir jamais commis une telle violation ni transmis à des personnes n'appartenant pas à des corps de police des informations recueillies dans le cadre de l'exercice de ses fonctions. Il utilisait, dans le cadre de sa fonction de préposé à l'identification des personnes, les bases de données informatiques « Abi, Sso Portal, Calvin, Macs et Sire ». Il avait parfois recherché l'identité de détenteurs de véhicules l'ayant dérangé dans le parking de son immeuble ou des informations sur des personnes l'ayant menacé alors qu'il s'occupait de recueillir leurs données signalétiques. Il lui arrivait de se renseigner sur des collègues de travail qui lui plaisaient ou l'avaient aidées, ou sur d'autres personnes dont il avait entendu parler par des amis, par curiosité. M. B______ était un ami qui exerçait l'activité de détective privé. Ils se rencontraient régulièrement. C'était M. B______ qui lui avait parlé des personnes à propos desquelles il avait fait des vérifications. Son ami lui avait demandé des informations, soit notamment des dates de naissance et des adresses. Il avait procédé aux vérifications mais n'avait jamais transmis ces informations à M. B______. Son dernier contact avec lui remontait au mois d'avril 2015.

7. Le même jour, une perquisition a été effectuée au domicile de l'intéressé.

À teneur du rapport établi par l'IGS le 26 septembre 2015 à l'intention du Ministère public, des documents de police et divers papiers relatifs à l'activité professionnelle de l'intéressé ont été découverts à son domicile. Il s'agissait notamment de photocopies de passeports, de rapports d'arrestations, de rapports de police sur certains prévenus, de demandes de renseignements internationales sur des trafiquants présumés, de post-it contenant différents noms, adresses et numéros de téléphones. Ont également été découverts différents papiers à teneur desquels il apparaissait que M. A______ avait accordé divers prêts pour un total de plus de CHF 30'00.- avec des taux d'intérêts généralement fixés à 10 %.

8. Le 8 septembre 2015, M. A______ a été entendu par le Procureur général en qualité de prévenu de corruption passive et violation du secret de fonction pour avoir remis contre rémunération à M. B______ des renseignements confidentiels obtenus dans l’exercice de ses fonctions.

L'intéressé a indiqué vouloir modifier les déclarations faites à l'IGS. Il admettait avoir transmis des informations à M. B______ entre février ou mars 2015 et avril 2015. Ce dernier avait dû lui demander entre douze et quinze renseignements en tout, pour une dizaine de personnes. Il avait fait des recherches pour trouver des adresses, des dates de naissances, des plaques d'immatriculation et pour savoir si les personnes en question étaient connues des services de police. Il n'avait jamais été récompensé pour cela. Même lorsqu'il mangeait avec M. B______, chacun payait sa part. Il ne se reconnaissait pas dans son comportement.

9. M. A______ a été détenu provisoirement du 8 au 15 septembre 2015, puis a été remis en liberté.

10. Le 8 septembre 2015, le Procureur général a informé la commandante de la police et le Conseiller d'État en charge du département de la sécurité et de l'économie, devenu le 1er juin 2018 le département de la sécurité (ci-après : le département), de l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre de
M. A______.

11. Le 9 septembre 2015, les locaux professionnels de M. B______ ont été perquisitionnés.

À teneur du rapport établi par l'IGS le 7 octobre 2015 à l'intention du Ministère public, l'analyse des pièces saisies avait permis d'établir formellement un lien entre l'activité professionnelle de M. B______ et les recherches effectuées par M. A______ dans les bases de données informatiques à sa disposition sur son lieu de travail.

12. Par courrier du 14 septembre 2015, remis en mains propres, M. A______ a été convoqué à un entretien de service afin d'être entendu au sujet de la procédure pénale ouverte à son encontre.

13. Le 14 septembre 2015, M. A______ a été libéré de son obligation de travailler par sa hiérarchie. Il a été informé qu'il était envisagé de demander au Conseil d'État de confirmer cette mesure.

14. Lors d’un entretien de service du 29 septembre 2015, auquel ont notamment assisté une responsable des ressources humaines et le chef de la police judicaire, M. A______ a été informé que les faits qui lui étaient reprochés, s'ils étaient avérés, constituaient une violation de ses devoirs de service. Son employeur envisageait de prononcer une sanction disciplinaire à son encontre. Préalablement, il envisageait l'ouverture d’une enquête administrative et sa suspension provisoire.

M. A______ a indiqué qu'il s'était exprimé en toute transparence devant le Procureur général, lequel avait retiré le grief de corruption du chef d'inculpation. Il ne s'opposait pas à sa suspension provisoire mais se tenait à la disposition de son employeur. Il ferait parvenir ses observations par écrit, compte tenu de l'émotion que suscitait pour lui cette affaire.

15. Par arrêté du 30 septembre 2015, le conseil d’État a libéré M. A______ de son obligation de travailler jusqu'à l'éventuel prononcé d'une décision à son égard, sans suppression des prestations à la charge de l'État de Genève.

16. Par courrier du 13 octobre 2015, l'intéressé a fait parvenir ses observations à son employeur.

Il tenait préalablement à remercier sa hiérarchie de l'avoir suspendu tout en maintenant sa rémunération.

Il ne s'expliquait pas comment il avait pu se laisser « hypnotiser » par
M. B______. Ce dernier avait dû se rendre compte de sa détresse morale et avait profité de la situation. Depuis 2010, il était séparé de sa femme, laquelle était partie vivre en République dominicaine avec leurs filles. Ces dernières, qu'il ne voyait plus que deux fois par an, lui manquaient énormément. Le vide énorme qu'il ressentait s'était accentué en 2011 lors du décès de sa mère, puis à nouveau lors du départ, pour un autre canton, de son meilleur ami et confident. Il avait également connu des problèmes de santé, notamment cardiaques, qui lui avaient fait perdre confiance en lui. Il vivait depuis cinq ans dans une grande solitude morale et affective. C'est dans ce contexte que M. B______ était venu à son aide en comblant ce vide ; il en avait malheureusement abusé.

Il pensait toutefois être en mesure de surmonter ce qui lui arrivait. Il était quelqu'un de « très droit, discipliné et de foncièrement honnête ». Il était fier de travailler pour la police depuis dix ans et demi. Il aimait son travail et souhaitait qu'on lui donne l'occasion de se racheter. Il voulait prouver à tous qu'il était digne de confiance. Il présentait ses excuses et espérait que son vœu le plus cher, soit continuer à servir dans la police, puisse se réaliser.

17. Lors de l'audience du 24 novembre 2015 par devant le Ministère public,
M. A______ a également été prévenu de violation du secret de fonction pour les renseignements fournis à Monsieur C______ ainsi qu'à Mesdames D______ et E______, et d'usure pour avoir consenti des prêts usuraires à différentes personnes.

18. Par arrêté du 9 décembre 2015, le Conseil d’État a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______ portant sur les faits qui lui étaient reprochés ainsi que sur tous autres faits répréhensibles qui pouvaient encore apparaître ou être révélés en cours d'enquête, et l’a confiée à un juge du Tribunal des mineurs (ci-après : l’enquêteur).

19. Lors de l'audience du 29 février 2016 par-devant le Ministère public, l'intéressé a également été prévenu de violation du secret de fonction pour les renseignements fournis à Monsieur F______.

20. Entre les mois de décembre 2015 et juin 2016, l'enquêteur a reçu la copie de la procédure pénale ouverte contre M. A______, puis des nouveaux actes d'instruction effectués. Il a également procédé à plusieurs auditions, dont il ressort les éléments suivants :

a. Entendu notamment les 23 février, 1er mars 2016 et 26 avril 2016,
M. A______ a admis avoir utilisé des informations obtenues dans le cadre de son activité professionnelle pour fournir des renseignements à des amis qui en avaient besoin pour la conduite de leur vie privée. Il s'était contenté de rendre des services et n'avait pas eu conscience de la gravité de ses actes. Il avait également fait des recherches pour satisfaire sa curiosité personnelle. Enfin, il admettait avoir effectué différentes recherches pour M. B______. Personne ne l'avait rétribué pour les informations obtenues. Depuis qu'il avait été engagé, il avait régulièrement vu ou entendu des collègues donner des renseignements à des personnes. Il s'était laissé influencer en voyant que des collègues donnaient des renseignements.

Il suivait désormais une thérapie auprès d'un psychiatre et prenait des antidépresseurs, des tranquillisants et des somnifères.

b. Le 1er mars 2016, M. B______ a indiqué qu'il avait commencé à demander des renseignements à M. A______ vers la fin de l'année 2014, et pour une vingtaine de cas. Durant toute cette période, il n'avait offert qu'un seul repas à l'intéressé pour un montant total de CHF 140.-, lequel n'avait toutefois aucune corrélation avec le fait qu'il lui ait fourni des informations, mais relevait de leur amitié. Il avait l'impression que M. A______ était content de lui fournir des renseignements, même s'il le sentait également gêné. Ce qu'avait fait l'intéressé était toutefois courant, des liens privilégiés entre les détectives et la police ayant toujours existé.

c. Le 8 mars 2016, Monsieur G______, chef de brigade à la BPTS, a indiqué que l'intéressé était un collaborateur engagé et investi dans son travail. Au O______ informatique, des contrôles réguliers étaient effectués concernant l'usage du matériel par les collaborateurs, lesquels étaient par ailleurs dûment avertis de ces mesures et du fait que fournir des informations à l'extérieur était considéré comme une violation du secret de fonction.

d. Le 15 mars 2016, Monsieur H______, ancien chef de brigade à la BPTS, a indiqué qu'il n'avait jamais constaté une violation du secret de fonction de la part de M. A______ ni que des personnes se seraient rendues sur les bases de données informatiques pour informer des tiers. Au début de son engagement, le personnel administratif signait une charte relative au secret de fonction.

e. Le 26 avril 2016, Messieurs I______ et J______, collègues de l'intéressé, ont décrit ce dernier comme un très bon collaborateur. Ils n'avaient jamais constaté que des employés communiquaient des renseignements confidentiels à l'extérieur. M. I______ a relevé que tous les collaborateurs savaient qu'il ne fallait pas agir de la sorte et que M. A______ avait dû « se laisser avoir » et entrer dans un engrenage en raison d'une amitié.

f. Le 26 avril 2016, Monsieur K______, préparateur à la L______, a indiqué avoir emprunté de l'argent à plusieurs reprises à M. A______ sans n'avoir jamais l'impression, en payant les intérêts demandés, de se faire exploiter, étant précisé qu'il n'avait jamais été menacé pour rembourser.

g. Le 2 juin 2016, le Docteur M______, médecin psychiatre, a indiqué suivre l'intéressé depuis le 18 septembre 2015, le suivi étant associé à un travail psychothérapeutique hebdomadaire avec un psychologue depuis le 13 novembre 2015. Au début du suivi, M. A______ présentait un état dépressif majeur caractérisé. Par la suite, une partie du travail psychiatrique avait consisté à tenter d'établir un diagnostic de personnalité. Il avait conclu à un diagnostic de personnalité abandonnique, dépendante et évitante, étant relevé que l'intéressé était en quête permanente de reconnaissance, qu'il avait besoin de se sentir entouré et que pour cela il mettait en place des relations affectives, amicales et/ou professionnelles régulièrement en décalage avec les éléments concrets de l'existence normale que tout être humain doit rencontrer. Pour être reconnu, l'intéressé était prêt à adopter des comportements que des personnes au psychisme sain n'auraient pas adoptés, ce qui pouvait l'amener à adopter des comportements transgressifs. L'exercice d'une activité professionnelle ne paraissait pas envisageable en l'état, compte tenu du diagnostic d'état dépressif majeur, raison pour laquelle il lui avait délivré un certificat médical dès sa première séance. Le trouble de la personnalité constaté pouvait être neutralisé ou du moins amoindri par un travail psychothérapeutique.

21. Le 30 juin 2016, l’enquêteur a rendu son rapport d’enquête administrative, dont les conclusions étaient les suivantes :

a. M. A______ avait, dans le cadre de son activité d'assistant de sécurité à l'État de Genève, fait usage des outils informatiques mis à sa disposition pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des informations confidentielles à des tiers, notamment en répondant aux sollicitations de M. B______, lequel avait utilisé ces informations pour son activité professionnelle de détective privé. Il avait ainsi violé son secret de fonction sur une période s'étendant du 10 août 2010 au 18 mai 2015, la majeure partie de cette activité se situant entre décembre 2014 et mai 2015. Il n'apparaissait pas qu'il avait agi pour des motifs économiques, aucune contrepartie financière, hormis quelques repas, n'ayant été révélée. L'intéressé avait reconnu les violations du secret de fonction qui lui étaient reprochées mais avait précisé que cela était courant dans le cadre de la police, ce que l'enquête n'avait toutefois pas permis d'établir.

b. S'agissant des actes potentiellement constitutifs d'usure qui lui étaient reprochés dans le cadre de la procédure pénale, et quand bien même l'infraction d'usure serait réalisée, aucune relation ne pouvait être établie entre les prêts qu'il avait consentis et l'activité professionnelle de ce dernier. Au plan administratif, seule une violation de l'art. 20 RPAC pouvait entrer en considération, ce qui ne paraissait pas déterminant dans le cadre de la présente enquête.

c. Au vu de la pathologie de l'intéressé telle que décrite par son médecin psychiatre, lequel avait fait état d'un trouble de la personnalité impliquant pour se patient de baser ses interactions sur un lien affectif, pouvant le conduire à adopter des comportements transgressifs, une réitération ne pouvait être exclue en l'état.

d. Il ne paraissait pas nécessaire à l'enquêteur d'attendre que la procédure pénale soit close et de retarder le dépôt du présent rapport.

22. Par pli du 5 juillet 2016, l'office du personnel de l'État a communiqué le rapport d’enquête administrative précité à M. A______ et lui a imparti un délai de trente jours dès réception pour s'exprimer à son sujet.

23. Le 5 août 2016, M. A______ a présenté ses observations sur le rapport d’enquête administrative.

Son geste devait être apprécié au regard de ses difficultés à percevoir les limites découlant de son engagement en faveur de son employeur et de la société. Il avait agi selon la représentation qu'il se faisait de la réalité à laquelle il était confronté. Il estimait que les informations divulguées serviraient à la protection de personnes en difficulté ou à soutenir la démarche d'un détective qui, selon lui, poursuivait des objectifs similaires à ceux de la police. Son comportement ne devait pas être vu comme une forme de désinvolture ou de mépris des règles de sa fonction, mais comme les conséquences d'une appréciation tronquée de son rôle.

Il servait la police depuis onze ans et était un collaborateur engagé, sérieux et qui travaillait bien, ce qui avait été relevé par ses collègues et ses chefs.

L'enquêteur estimait à tort qu'il présentait un risque de récidive. Il faisait ainsi fi des déclarations du Dr M______ qui avait indiqué que le trouble de la personnalité constaté pouvait être neutralisé ou du moins amoindri par un travail psychothérapeutique. Il faisait l'objet d'un suivi volontaire depuis novembre 2015, ce qui attestait de sa prise de conscience de l'existence d'un comportement critiquable et d'une réelle volonté d'en comprendre les causes et d'y remédier.

Il était disposé à accepter toute sanction compatible avec le maintien des rapports de service. La poursuite d'une activité professionnelle était d'autant plus nécessaire qu'il était le seul soutien de sa famille domiciliée en République dominicaine.

Il souhaitait enfin être entendu par le chef du département.

24. Par courrier du 26 août 2016, le Conseiller d'État du département a relevé que l'intéressé avait pu faire usage de son droit d'être entendu tout au long de la procédure et que son audition par lui-même, laquelle n'était pas prévue par la loi, était refusée.

25. M. A______ s’est trouvé en arrêt du travail à 100 % à compter du
16 septembre 2016.

26. Par arrêté du 28 septembre 2016, le Conseil d’État a révoqué
M. A______ dans ses fonctions avec effet au 31 décembre 2016. La décision était exécutoire nonobstant recours.

Il était établi que M. A______ avait consulté des données se trouvant dans les programmes informatiques de la police afin de satisfaire sa curiosité et qu'il avait violé son secret de fonction pendant une période allant du 10 août 2010 au 18 mai 2015. Cette violation était d’une extrême gravité en raison de la durée et de la répétition des divulgations ainsi que du fait qu’il travaillait au sein de la police, où les exigences en matière d’intégrité et de probité étaient particulièrement élevées, dans la mesure où il avait accès à des données extrêmement sensibles. Il ressortait de ses déclarations par-devant le Ministère public qu'il avait transmis des informations à d'autres personnes que celles citées dans la procédure pénale, de sorte que les violations commises étaient en réalité encore plus nombreuses que celles établies par l'enquêteur. L'intéressé connaissait par ailleurs parfaitement les risques en cas de violation de son secret de fonction, notamment qu'il s'exposait à une révocation. Il avait tenté de minimiser les violations commises, en affirmant par exemple que les renseignements fournis lui paraissaient anodins ou que ses collègues remettaient également des informations à des tiers, ce que l'enquête n'avait toutefois pas permis d'établir.

Après avoir reçu une convocation de l'IGS, son comportement n'avait pas été exempt de reproches. Il ressortait des pièces du dossier pénal remises à l'enquêteur que l'intéressé avait emporté des documents à son domicile en vue d'extraire ceux contenant des informations transmises à M. B______. Il avait ensuite contacté ce dernier afin de s'accorder sur une version des faits à présenter à l'IGS qui lui était sensiblement plus favorables que la réalité. Plus grave, l'intéressé avait profité d'une pause lors de son audition par l'IGS pour contacter sa sœur avec laquelle il partageait un appartement afin que celle-ci dissimule des documents professionnels qu'il avait emportés chez lui et qui constituaient des preuves des infractions qui lui étaient reprochées.

Ces violations avaient eu pour conséquence de porter sérieusement atteinte à la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l'objet et de rompre définitivement tout lien de confiance.

Conformément à l'appréciation du Dr M______, l'enquêteur avait à juste retenu qu'un risque de réitération était possible. Le fait que l'affection dont il souffrait pouvait être neutralisée ou du moins amoindrie par un travail psychothérapeutique n'était pas déterminant. Il s'agissait d'une hypothèse et il ne pouvait être demandé à l'employeur qu'il attende une éventuelle guérison.

Contrairement à son affirmation, les informations données à des tiers n'avaient pas pour seul but de protéger des personnes en difficulté, mais étaient souvent remises pour des raisons futiles, notamment pour aider des amis à trouver une compagne, pour renseigner une connaissance sur son ex-mari ou encore pour répondre à un ami sur les raisons d'un contrôle d'un automobiliste. Au demeurant, il ne se justifiait pas que l'intéressé viole son secret de fonction pour aider des amis, quand bien même ceux-ci auraient été en difficulté. Il ne pouvait ignorer que les informations données à M. B______ étaient destinées à être utilisées par les clients de ce dernier. Bien qu'il n'ait pas été établi que M. A______ ait été rémunéré pour les informations transmises, il était hautement vraisemblable que M. B______ l'ait invité au restaurant pour le remercier.

Les difficultés personnelles traversées par l'intéressé ne pouvaient justifier son comportement, même si le Conseil d'État prenait acte de ses regrets, lesquels apparaissaient sincères.

Ainsi, bien que M. A______ travaillait auprès des services administratifs de la police depuis le 1er mars 2005, qu'il n'ait jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire et qu'il ait globalement, excepté au début de l'enquête pénale, aidé les autorités à établir les faits qui lui étaient reprochés, les circonstances précitées justifiaient une révocation.

27. Par acte du 31 octobre 2016, M. A______ a interjeté recours contre l'arrêt précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant, « sous suite de frais et dépens », préalablement, à ce qu'il soit ordonné au Conseil d'État de produire l'intégralité de son dossier administratif et à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement, au constat de la nullité de l'arrêt précité, subsidiairement à son annulation. Plus subsidiairement, l'arrêté précité devait être annulé et la cause renvoyée au Conseil d'État pour qu'il procède à son audition. Encore plus subsidiairement, l'arrêté précité devait être annulé et la cause renvoyée au Conseil d'État pour qu'il procède selon les règles prévues pour les résiliations des rapports de service en cas de motif fondé.

L’arrêté du 28 septembre 2016 était nul. Celui-ci mentionnait que les rapports de travail devaient prendre fin le 31 décembre 2016 et il n'était donc pas assimilable à un licenciement immédiat pour justes motifs. L'art. 44A du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du
24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) stipulait que les fonctionnaires bénéficiaient de la protection contre les congés donnés en temps inopportun prévue
aux art. 336c et 336d de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). En incapacité de travail pour cause de maladie le 29 septembre 2016, il bénéficiait donc de la protection précitée.

L’arrêté susmentionné devait par ailleurs être annulé pour violation du droit d’être entendu. L'ancienne législation sur la police prévoyait le droit pour le collaborateur, avant qu'une décision de révocation ne soit prise par le Conseil d'État, d'être entendu par une délégation de trois magistrats de l'exécutif cantonal. Or, le magistrat en charge du département avait rejeté sa demande d’audition.

L'arrêté querellé violait par ailleurs le principe de l’interdiction de l’arbitraire et les art. 27 al. 2 LPAC et 20 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Il reposait pour l’essentiel sur le résultat des investigations pénales qui permettaient l’usage de moyens auxquels l’enquêteur ne pouvait avoir recours selon l'art. 20 LPA, comme les écoutes téléphoniques ou les perquisitions. La légalité de ces mesures était d'ailleurs discutable au regard des dispositions pénales applicables, lesquelles les réservaient pour la poursuite d'infractions graves. Il retenait par ailleurs des éléments qui ne l’avaient pas été par l’enquêteur, soit la transmission d'informations à d'autres amis que ceux retenus dans la procédure pénale, ce qui était contraire à l'art. 27 al. 2 LPAC. Dès lors qu'il jouissait du statut de prévenu dans la procédure pénale et donc du droit de ne pas déposer contre lui-même ou de ne pas collaborer à l'instruction, l'intimé ne pouvait dès lors tenir pour déterminant son comportement durant son audition par l'IGS.

L'arrêté violait par ailleurs l'art. 16 al. 1 LPAC. Si l'intimé estimait que la violation des devoirs de service découlait d'une pathologie dont la guérison n'était, à teneur dudit arrêté, qu'éventuelle, il aurait nécessairement dû considérer que ce comportement n'était pas imputable à une faute. La voie de la sanction disciplinaire aurait dès lors dû être abandonnée au profit de celle prévue pour la résiliation des rapports de service en cas de motif fondé, ce dernier résidant dans la disparition durable du motif d'engagement. L'intimé aurait cependant dû tenter une procédure de reclassement.

Enfin, même si le comportement qui lui était reproché devait être considéré comme relevant d'un choix fait avec conscience et volonté, la sanction était trop lourde et violait donc le principe de la proportionnalité. L'intimé n'avait pas correctement apprécié son comportement à l'aune de l'ensemble des circonstances, en particulier ses bons états de service, l'absence de faute ou d'une faible faute, sa situation personnelle et familiale, ainsi que les mesures prises pour éviter la récidive.

28. Dans ses observations sur effet suspensif du 18 novembre 2016 et dans ses observations sur le fond du 23 décembre 2016, le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif et au rejet du recours.

Si l'ancienne législation sur la police indiquait que le corps de police comprenait le personnel administratif rattaché aux divers services de police, aucune des autres dispositions de cette loi ne s'appliquait au recourant, dans la mesure où il n'était pas un fonctionnaire de police. Seule la LPAC lui était applicable.

Les procédures applicables en cas de révocation ou de résiliation des rapports de service étaient tout à fait distinctes. Les interprétations littérale, systématique, historique et téléologique de l'art. 44A RPAC permettaient de conclure que cet article ne s'appliquait pas à la révocation disciplinaire.

Le grief relatif à la violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire devait être écarté.

Les violations répétées du secret de fonction commises par le recourant, dans un domaine hautement sensible, justifiaient une révocation et le principe de la proportionnalité avait été pleinement respecté.

29. Par décision du 4 janvier 2017, la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

30. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 19 janvier 2017, M. A______ a indiqué qu'il avait pris conscience de ses erreurs, grâce au traitement qu'il suivait avec un psychologue et un psychiatre, et qu'il souhaitait être réintégré au sein de l'État de Genève. Il était en instance de divorce. Toute sa famille était à sa charge. Il avait touché son dernier traitement fin décembre 2016. Dès qu'il serait en état d'être placé, il entreprendrait les démarches utiles auprès de la caisse de chômage. Il sollicitait l'audition du Dr M______.

31. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes du 15 juin 2017, le Dr M______ a notamment indiqué que M. A______ était dorénavant mieux armé pour répondre à certaines situations, sans adopter de comportement transgressif comme cela lui était reproché dans le cadre de son ancienne activité professionnelle, avec la précision que lesdits comportements avaient été adoptés de manière allant au-delà de sa volonté propre, mais étaient dictés par une volonté de venir en aide, du moins comme lui-même le percevait.

32. Le 11 juillet 2017, M. A______ a produit un courrier de la Clinique de N______ du 8 novembre 2016 à teneur duquel il avait séjourné dans ladite clinique du 19 septembre au 9 octobre 2016 pour des troubles anxiodépressifs.

33. Le 18 octobre 2017, M. A______ a transmis à la chambre administrative une copie du rapport d'expertise du 30 juin 2017 réalisée par le Docteur O______, sur demande du Ministère public.

Il ressort notamment dudit rapport que l'examen de M. A______ mettait en évidence un trouble mixte de la personnalité, avec traits immatures et dépendants, assimilable à un grave trouble mental d'intensité peu sévère au moment des faits. Le trouble mental n'avait pas altéré sa faculté d'apprécier le caractère illicite de l'acte, mais avait très légèrement diminué sa faculté de se déterminer d'après cette appréciation. Sa responsabilité était très faiblement restreinte. L'intéressé présentait un risque de commettre à nouveau des infractions du même type que celles actuellement reprochées. Un traitement psychiatrique ambulatoire était susceptible de diminuer le risque de récidive.

34. Le 17 novembre 2017, le département a indiqué que l'expertise du 30 juin 2017 confirmait que le trouble de la personnalité dont souffrait l'intéressé n'était pas de nature à perturber ses facultés cognitives, de sorte qu'il avait une capacité tout à fait normale à percevoir le caractère illicite de ses actes, et que le risque de récidive était présent.

35. Le 31 janvier 2018, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

36. Le 13 février 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

37. Le 10 octobre 2018, le département a transmis à la chambre administrative une copie du jugement du Tribunal de police du 13 décembre 2017 à teneur duquel ce dernier, statuant par voie de procédure simplifiée, avait déclaré
M. A______ coupable de violations du secret de fonction, l'avait condamné à une peine pécuniaire de 360 jours-amende à CHF 130.- le jour, avec sursis, sous déduction de 9 jours-amende correspondant à 9 jours de détention avant jugement, et lui avait fait interdiction d'exercer toute activité ou fonction au sein de tout corps de police fédéral, cantonal ou communal en Suisse pour une durée de cinq ans.

38. Le 1er novembre 2018, M. A______ a relevé que le jugement précité ne devait pas être admis à la procédure, dès lors qu'il avait été remis par le département huit mois après que la chambre administrative eut annoncé que la cause était gardée à juger et dix mois après qu'il eut été rendu.

Si cette pièce devait tout de même être admise, il faisait valoir les éléments suivants. Il ne niait pas avoir commis une violation de son secret de fonction. S'agissant de l'interdiction de travailler au sein du corps de police, elle n'empêchait pas sa réintégration au sein de l'un des trois autres offices du département, respectivement auprès d'un autre département de l'État. Il ne s'opposait pas à une nouvelle sanction qui lui permettrait de conserver un emploi au sein de l'État.

39. L'argumentation des parties sera reprise, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la conformité au droit de l'arrêté du Conseil d’État du
30 août 2016 de révoquer le recourant avec effet au 31 décembre 2016.

3. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi
(art. 61 al. 2 LPA).

4. a. Le recourant demande à ce qu'il ne soit pas tenu compte de la pièce produite par le département le 10 octobre 2018, à savoir le jugement du Tribunal de police du 13 décembre 2017.

b. Au cours de la procédure de recours, il n'est tenu compte des faits nouveaux que si la juridiction y est en général autorisée, si la décision ne sortit ses effets que dès la date de la décision sur recours et si l'économie de procédure l'impose (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, p. 434 n. 2105). Le rôle de l'autorité de recours consiste non seulement à contrôler la solution qui a été adoptée, mais aussi à imposer celle qui est propre à mettre fin à la contestation (ATF 98 Ib 178 ; 92 I 327 ; 89 I 337). Or, en faisant abstraction des faits survenus après la décision attaquée, l'autorité de recours ouvrirait la porte à de nouvelles procédures et risquerait donc de laisser subsister le litige, sans contribuer toujours utilement à le trancher (André GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. II, 1984, p. 932).

À plusieurs reprises, la chambre de céans a tenu compte, d'office ou sur requête, de faits qui s'étaient produits après que la décision de première instance eut été rendue (ATA/1091/2018 du 16 octobre 2018 consid. 2b ; ATA/286/2017 du 14 mars 2017 consid. 3b ; ATA/10/2017 précité consid. 3b).

c. En l'occurrence, rien n'empêche la chambre administrative de tenir compte de la pièce produite par le département le 10 octobre 2018, et ce bien que la cause eût été gardée à juger depuis plusieurs mois. La pièce produite est effectivement susceptible d'apporter un éclairage sur la présente affaire et a été soumise au recourant, lequel a fait part de ses observations sur son contenu.

Dès lors, sa requête sera écartée.

5. Le recourant fait valoir une violation de son droit d'être entendu et de
l'art. 37 al. 3 aLPol au motif que le magistrat en charge du département aurait refusé de l'entendre oralement.

6. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2, et les références citées).

7. a. À titre préalable, il convient de déterminer les dispositions légales applicables au recourant, dès lors que celui-ci se prévaut de dispositions de l’ancienne loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol - F 1 05) pour fonder son grief, alors que l'intimé conteste le fait qu'il soit soumis à ladite loi.

b. L'aLPol et son règlement d’application du 25 juin 2008 (aRPol - F 1 05.01) ont été abrogés respectivement par la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) et par le règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), entrés en vigueur le 1er mai 2016.

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.2 ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2011, n. 403 ss). Toutefois, en matière de sanctions disciplinaires, le nouveau droit s'applique s'il est plus favorable à la personne incriminée, selon le principe de la lex mitior (ATA/435/2018 du 8 mai 2018 consid. 4b ; ATA/446/2013 du 30 juillet 2013 consid. 11 et les références citées).

En l'occurrence, la LPol ne contient pas de dispositions plus favorables que l'aLPol en matière de droit d'être entendu. Elle ne prévoit en particulier plus le droit - dont se prévaut le recourant - pour un fonctionnaire de police dont la révocation est envisagée, de demander à être entendu par une délégation de trois membres du Conseil d’État. Compte tenu de ce qui précède, et pour autant que la législation sur la police soit applicable au recourant, c'est l’ancien droit qui devrait s’appliquer au présent litige, ce que ne conteste d'ailleurs pas le recourant.

c. L'art. 6 al. 1 aLPol, intitulé « services de police » énumère les personnes et services composant le corps de police, soit notamment le personnel administratif rattaché aux divers services de police (let. k).

Le chapitre 6 de l'aLPol, soit les art. 26 à 43D aLPol, traite du statut des fonctionnaires de police.

L'art. 26 aLPol prévoit que les fonctionnaires de police sont soumis à la LPAC et à ses dispositions d'application, sous réserve des dispositions particulières de la présente loi.

L'art. 36 al. 1 aLPol mentionne quant à lui les différentes peines disciplinaires qui peuvent être infligées aux fonctionnaires visés à l'art. 6 al. 1 let. a à j aLPol.

L'art. 37 aLPol, qui vise la procédure en cas de peines disciplinaires, précise à son al. 3 que si la révocation est envisagée, le fonctionnaire de police a le droit de demander à être entendu par une délégation de trois membres du Conseil d’État.

d. Dans un arrêt du 2 novembre 2010, la chambre administrative a relevé que le cercle des fonctionnaires regroupés sous le vocable « fonctionnaires de police » au sens des art. 44 à 53 aLPol ne se confondait pas avec les membres du corps de police désignés à l'art. 6 al. 1 aLPol. État-major mis à part, il ne regroupait, historiquement, que les gendarmes et les inspecteurs de police (fonctionnaires de police au sens strict). Les autres membres du corps de police n'étaient pas des fonctionnaires de police au sens strict, même s'ils disposaient d'un statut de fonctionnaire et qu'ils faisaient partie du corps de police (fonctionnaires de police au sens large). Il existait ainsi, depuis l'origine de cette loi, deux acceptions de la notion de « fonctionnaire de police » (ATA/740/2010 consid. 4).

e. Dans son rapport du 30 août 2010 concernant l’audit de gestion relatif à l’utilisation de l’application de conduite opérationnelle du personnel de police au sein de la police judiciaire, la Cour des comptes a notamment relevé qu'au sein du corps de police, il convenait de distinguer parmi les différentes catégories de personnel, deux statuts possibles : le personnel administratif et technique, soumis à de nombreuses dispositions légales, dont principalement la LPAC, son règlement d’application et la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) ; le personnel policier (soumis principalement à l'aLPol et à son règlement d’application), actif dans les différents corps de police, à savoir la gendarmerie, la police judiciaire, la police de sécurité internationale, le personnel de la prison, les convoyeurs (p. 22).

8. En l'occurrence, il ne fait aucun doute que le recourant, assistant de sécurité 2 auprès de la BPTS de la police genevoise, fait partie du personnel administratif rattaché aux divers services de police au sens de l'art. 6 al. 1 let. k aLPol. De ce fait, il n'est pas soumis aux dispositions spéciales de l'aLPol et de son règlement d'exécution, mais bien, entre autres, à la LPAC et au RPAC. Dès lors, il ne peut se fonder sur l'art. 37 al. 3 aLPol et sur le fait que le Conseiller d'État en charge du département aurait refusé de l'auditionner pour se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu. Pour le surplus, il n'allègue pas - à juste titre - qu'une autre violation de son droit d'être entendu aurait été commise durant la procédure devant l'autorité précédente.

Son grief sera ainsi écarté.

9. Le recourant considère que l'arrêté de révocation du Conseil d'État du
28 septembre 2016 serait nul, dès lors qu'il aurait été rendu durant une période pendant laquelle il bénéficiait de la protection contre les congés en temps inopportun au sens de l'art. 44A RPAC, lequel renvoie aux art. 336c et 336d CO.

10. a. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

b. Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n’est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d’une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L’autorité qui applique le droit ne peut ainsi s’en écarter que s’il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d’autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s’écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

11. a. S’agissant de la résiliation des rapports de service d'un membre du personnel, il faut distinguer deux types de licenciement : la résiliation pour des motifs objectifs liés au bon fonctionnement de l'administration, ou licenciement pour motif fondé (art. 22 LPAC), qui est une mesure administrative ; et le licenciement pour violation des devoirs de service ou révocation, lequel est une sanction disciplinaire (art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC).

L’une des principales modifications législatives apportées par le projet de loi n° 9904 du 6 septembre 2006 modifiant la LPAC (ci-après : PL 9904) a été de simplifier la résiliation des rapports de service et de réintroduire la dichotomie entre les deux types de résiliation des rapports de service qui cohabitent en droit public, à savoir la résiliation ordinaire qui suppose un motif fondé, et la révocation qui suppose une violation des devoirs de service (MGC 2005-2006 XI/2 p. 10417 et 10419 ; MGC 2006-2007 VI p. 4512 et 4513 ss).

b. Le titre III de la LPAC, intitulé « sanctions disciplinaires et fin des rapports de service » traite notamment des sanctions disciplinaires à son chapitre I (art. 16 LPAC « autorités compétentes et sanctions disciplinaires ») et de la fin des rapports de service au chapitre II (art. 17 à 26 LPAC), lequel traite de la résiliation des rapports de service des fonctionnaires et des employés aux art. 17 à 23 LPAC. Le chapitre III traite des procédures pour sanctions disciplinaires à la section 1 (art. 27 à 29 LPAC).

Le recours contre une sanction disciplinaire est traité à l'art. 30 LPAC, tandis que celui contre une décision de résiliation des rapports de service l'est à l'art. 31 LPAC. L'art. 32 LPAC qui se réfère à la procédure de recours distingue spécifiquement celui contre une sanction disciplinaire de celui formé contre une décision de licenciement (al. 1 et al. 6 notamment).

Le chapitre IV du RPAC, qui contient les art. 44 et 44A RPAC, est intitulé
« entretien de service – résiliation ». Si l'art. 44 RPAC traite spécifiquement de la procédure relative à l'entretien de service, l'art. 44A RPAC, dénommé « résiliation en temps inopportun », prévoit que les art. 336c et 336d CO sont applicables par analogie.

L'art. 44A RPAC ne traite donc pas de la révocation.

12. Il résulte de ce qui précède que les procédures conduisant à une révocation disciplinaire ou à un licenciement pour justes motifs sont différentes. La confusion de celles-ci reviendrait à rendre complètement inutiles les dispositions propres à la révocation disciplinaire.

En l'occurrence, les explications qui précèdent permettent d'aboutir à la conclusion que l'art. 44A RPAC ne vise que les cas de résiliation des rapports de service et non la révocation. Tant l'intitulé de cette disposition que celui du chapitre dans lequel elle prend place désigne expressément la « résiliation » et non la révocation, laquelle n'est au demeurant pas citée dans le RPAC. La LPAC distingue pourtant les dispositions, respectivement les procédures applicables à la résiliation de celles relatives à la révocation.

En outre, comme le relève d'ailleurs à juste titre le recourant, le fait que la révocation prenne effet au 31 décembre 2016 et non pas immédiatement ne permet pas d'assimiler celle-ci à un licenciement immédiat pour justes motifs au sens du CO. L'art. 16 al. 2 LPAC permet effectivement la révocation avec effet immédiat, si l'intérêt public le commande, mais ne l'impose pas. En revanche, on ne saurait tirer de ce constat, comme semble le faire le recourant, que dans cette hypothèse les dispositions relatives au licenciement ordinaire - et donc la protection contre le congé en temps inopportun - devraient s'appliquer.

Compte tenu de ce qui précède, l'arrêté querellé ne saurait être déclaré nul pour ce motif.

13. Le recourant considère que le Conseil d'État aurait violé l'art. 20 al. 2 LPAC et 20 LPA et fait preuve d'arbitraire. Il lui reproche de s'être fondé sur le résultat des investigations menées dans le cadre de la procédure pénale au moyen de mesures d'instruction ne faisant pas partie de celles prévues à l'art. 20 al. 2 LPA, soit des écoutes téléphoniques et des perquisitions, ainsi que sur des éléments ne ressortant pas du rapport de l'enquêteur, ce que l'art. 20 al. 2 LPAC interdirait. Il se plaint enfin du fait que l'intimé ait retenu en sa défaveur son comportement lors de son audition par l'IGS, alors même qu'en qualité de prévenu dans la procédure pénale, il bénéficiait du droit de ne pas s'incriminer.

14. a. À teneur de l'art. 27 al. 1 LPAC, relatif à l'établissement des faits dans la procédure pour les sanctions disciplinaires, les dispositions de la LPA sont applicables, en particulier celles relatives à l’établissement des faits (art. 18 LPA et suivants).

L'art. 27 al. 2 LPAC dispose que le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à
l’art. 16 al. 1 let. c LPAC.

Une enquête administrative, ordonnée en vertu de l’art. 27 LPAC, est donc soumise, par renvoi de l'al. 1 de cette disposition, aux règles de procédure énoncées aux art. 18 ss LPA relatifs à l'établissement des faits (ATA/52/2011 du 1er février 2011 consid. 8).

b. Selon l'art. 19 LPA, l’autorité établit les faits d’office. Elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties.

L'art. 20 al. 1 LPA prévoit que l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (al. 1). Selon l'art. 20 al. 2 LPA, elle recourt, s’il y a lieu, aux moyens de preuve suivants : documents (let. a) ; interrogatoires et renseignements des parties (let. b) ; témoignages et renseignements de tiers
(let. c) ; examen par l’autorité (let. d) ; expertise (let. e).

c. La liste de l'art. 20 al. 2 LPA n'est pas exhaustive
(Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 346, ad art. 20 LPA). La notion de document s'étend non seulement aux écrits proprement dits, mais également aux autres supports, par exemple photographiques, vidéos ou électroniques
(Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, op. cit., n. 347, ad art. 20 LPA).

15. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_885/2017 du 11 octobre 2018
consid. 7.2 ; 1D_7/2017 du 13 juillet 2018 consid. 5.1).

16. En l'espèce, l'enquêteur, chargé d'établir les faits d'office en procédant aux enquêtes nécessaires par l'utilisation des moyens de preuve énoncés à l'art. 20 LPA, était en droit d'utiliser les pièces issues du dossier pénal du recourant, lesquelles constituent incontestablement des documents au sens de l'art. 20 al. 2 let. a LPA. La légalité des perquisitions et des écoutes téléphoniques opérées par les autorités pénales n'a en particulier pas à être discutée dans le cadre de la présente procédure, le recourant ne prétendant d'ailleurs pas qu'il s'agirait de preuves illicites.

Par ailleurs, contrairement à ce que relève le recourant, rien dans
l'art. 27 al. 2 LPAC n'interdit à l'intimé de tenir compte, dans sa prise de décision, d'éléments ne ressortant pas expressément du rapport de l'enquêteur.

Enfin, l'argumentation du recourant selon laquelle il ne pourrait être tenu compte, dans l'arrêté querellé, de son comportement lors de son audition par l'IGS au motif que sa qualité de prévenu lui permettait de refuser de collaborer, tombe à faux. D'une part, ce n'est pas son refus de collaborer qui lui est reproché dans l'arrêté querellé mais le fait d'avoir contacté sa sœur durant une pause pour lui demander de cacher des documents. D'autre part, la présente procédure n'est pas soumise aux dispositions relevant de la procédure pénale. Il ne saurait ainsi être reproché à l'intimé d'avoir pris en considération le comportement du recourant lors de son audition par l'IGS eu égard à sa qualité de prévenu.

Les griefs de violation des art. 20 LPA et 27 al. 2 LPAC, ainsi que du principe de l'interdiction de l'arbitraire, seront donc également écartés.

17. Le recourant considère enfin que la révocation ne se justifiait pas. Dès lors que l'intimé avait considéré, à teneur de l'arrêté querellé, que la violation des devoirs de service découlait d'une pathologie, il devait retenir que ce comportement n'était pas imputable à une faute de sa part. La voie de la sanction disciplinaire aurait dès lors dû être abandonnée au profit de celle prévue pour la résiliation des rapports de service en cas de motif fondé. Le recourant estime par ailleurs que la révocation était contraire au principe de la proportionnalité.

18. a. Les art. 20 à 26 RPAC définissent les devoirs du personnel.

Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC).

Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC) et de s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (art. 22 al. 3 RPAC).

Selon l'art. 23A RPAC, le personnel de la fonction publique qui dispose de l'accès à un téléphone, à un poste de travail informatique, à Internet, à un compte de messagerie ou à tout autre outil de communication électronique mis à disposition par l'État doit utiliser ces ressources à des fins professionnelles (al. 1). Leur utilisation à titre privé n'est tolérée que si elle est minime en temps et en fréquence, qu'elle n'entraîne qu'une utilisation négligeable des ressources informatiques, qu'elle ne compromet ni n'entrave l'activité professionnelle ou celle du service, qu'elle ne relève pas d'une activité lucrative privée, et qu'elle n'est ni illicite, ni contraire à la bienséance ou à la décence (al. 2).

À teneur de l'art. 9A al. 1 LPAC, les membres du personnel de la fonction publique sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) ne leur permet pas de les communiquer à autrui.

b. En vertu de l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5° la révocation.

En cas de révocation, le Conseil d'État, respectivement la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration de l'établissement, peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande (al. 2).

19. a. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1255/2015 du
24 novembre 2015 ; ATA/748/2014 du 23 septembre 2014). Alors même que l'autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de pouvoir : l'autorité doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 743 ss). L’autorité doit tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, notamment de la situation, de la place occupée et de la responsabilité de l’agent (ATA/680/2010 du 5 octobre 2010 ; ATA/252/2009 du 19 mai 2009).

L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation, tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 et les références citées).

b. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_500/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.3). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b ; 106 Ia 100 consid. 13c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_448/2014 du 5 novembre 2014 consid. 4.3 ; ATA/1328/2018 du 11 décembre 2018 consid. 6a). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6a).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par
l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

c. La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (MGC 2005-2006/XI A - 10423 et 10436 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018 consid. 7b ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6b ; ATA/820/2010 du 23 novembre 2010 consid. 6).

Cette mesure revêt l’aspect d’une peine et a un caractère plus ou moins infamant. Elle s’impose surtout dans les cas où le comportement de l’agent démontre qu’il n’est plus digne de rester en fonction. Dans la pratique, la voie de la révocation disciplinaire est rarement empruntée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 ; ATA/54/2018 du 23 janvier 2018
consid. 6). Parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 précité consid. 3.5 et les références citées).

20. En l'occurrence, il est établi que le recourant a fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et, surtout, transmettre des informations confidentielles à différents tiers, et notamment à un ami détective privé, lequel a utilisé ces informations pour son activité professionnelle. Il a ainsi violé son secret de fonction sur une période s'étendant du 10 août 2010 au 18 mai 2015, la majeure partie de cette activité se situant entre décembre 2014 et mai 2015. Il n'apparaît pas qu'il ait agi pour des motifs économiques. Le recourant a reconnu ces différents éléments tant dans le cadre de la procédure pénale ayant abouti au prononcé du jugement du Tribunal de police du 13 décembre 2017, que dans le cadre de la présente procédure.

Quels que soient les motifs - protéger des personnes en difficulté selon le recourant ou pour des raisons futiles selon le département - pour lesquels le recourant s'est autorisé à transmettre des renseignements provenant des programmes informatiques de la police à des tiers, rien ne justifiait une telle violation du secret de fonction au vu de la nature extrêmement sensible des données figurant dans les bases de données de la police. Il sied en particulier de relever que les agissements du recourant ont pu être mis en lumière après qu'il avait été constaté par la police que des informations émanant de fichiers de la police avaient été remises par un détective privé à un trafiquant de drogues présumé. La remise d'informations sensibles comme en l'espèce (photocopies de passeports, rapports d'arrestations, rapports de police sur certains prévenus, demandes de renseignements internationales sur des trafiquants présumés, noms, adresses et numéros de téléphones de tiers, etc.) constitue ainsi une faute extrêmement lourde.

Les regrets et excuses du recourant - qui apparaissent certes sincères -, ses bonnes évaluations, ses indéniables capacités professionnelles reconnues tant par ses collègues que par ses supérieurs ainsi que sa situation familiale ne modifient en rien cette conclusion, au vu de la gravité des actes commis sur une période de près de cinq ans. En outre, si le trouble mental dont souffre le recourant et pour lequel celui-ci suit un traitement depuis son arrestation permet d'expliquer en partie les raisons de ses actes, il n'enlève rien à la gravité de la faute commise. Il ressort d'ailleurs du rapport d'expertise du Dr O______ que ledit trouble n'a pas altéré sa faculté d'apprécier le caractère illicite de ses actes, mais avait très légèrement diminué sa faculté de se déterminer d'après cette appréciation.

Concernant le risque de récidive, celui-ci n'est pas déterminant dans le présent cas et n'a pas à être analysé. La gravité de la faute commise justifie à elle seule la sanction prise et la prétendue absence de risque de récidive n'y change rien.

Pour ces motifs, l'intimé, ayant fait usage de son large pouvoir d'appréciation en la matière, n'a pas abusé dudit pouvoir en sanctionnant le comportement du recourante par la sanction la plus grave, soit la révocation, le lien de confiance devant exister entre les parties ayant été irrémédiablement rompu. Le grief de violation du principe de la proportionnalité sera également écarté au vu de la gravité des actes commis.

21. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2016 par Monsieur A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 28 septembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :