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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3463/2018

ATA/913/2019 du 21.05.2019 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.06.2019, rendu le 20.11.2019, REJETE, 8C_448/2019
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;MESURE DISCIPLINAIRE;RÉVOCATION DISCIPLINAIRE
Normes : RPAC.20; RPAC.21; RPAC.22; LPAC.16
Résumé : Assistant social ayant entretenu des relations intimes consenties avec la mère d’enfants dont il gérait les dossiers. Du seul fait de ne pas s’être dessaisi des dossiers de cette famille dès le début de la relation, le recourant a enfreint ses devoirs de fonctionnaire, quand bien même son comportement n’a eu aucune incidence sur la gestion des dossiers. Le manquement reproché est grave, s’inscrivant dans le contexte de la gestion de dossiers concernant des personnes vulnérables, le recourant ayant conscience de la gravité et ayant tu la situation pendant de nombreux mois, celle-ci n’ayant été découverte que suite à la dénonciation de l’administrée. Confirmation de la révocation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3463/2018-FPUBL ATA/913/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Christian Dandrès, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été engagé au service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) le 22 août 2005 en qualité d'assistant social.

2) Ses évaluations périodiques ont toutes été très positives. Son engagement, sa force de travail, ses connaissances du terrain, son honnêteté, sa loyauté envers sa hiérarchie étaient soulignés. Rapidement, il est devenu un « élément incontournable » de l'unité « accueil et première intervention » (ci-après : API), au sein du SPMi.

3) Le 2 août 2016, alors qu'il travaillait comme intervenant en protection de l'enfant dans l'unité précitée, il a été chargé du dossier de Madame B______ et ses quatre enfants, qui avaient été recueillis par l'Unité mobile d'urgence sociale le même jour dans la rue, sans moyen de subsistance.

Après avoir été hébergée quelques jours à l'Armée du Salut, la famille a été logée par le Foyer C______ (ci-après : le foyer).

4) Le 28 septembre 2016, M. A______ a saisi le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) d'une requête de mesures superprovisionnelles, concluant à ce qu'il soit fait interdiction à Mme B______de quitter le territoire suisse avec ses enfants, que le dépôt en mains du SPMi du passeport de celle-ci et de ses enfants soit ordonné, que Mme B______et ses enfants soient inscrits dans les bases de données de recherches informatisées de police (ci-après : RIPOL) et système d'information Schengen (ci-après : SIS) et qu'un mandat d'évaluation soit ordonné.

Il a exposé que Mme B______, de nationalité états-unienne et dont les deux enfants aînés avaient un père différent de celui des cadets, avait résidé aux États-Unis jusqu'en octobre 2015. Elle s'était rendue, le 5 octobre 2015, avec les enfants en France pour des vacances. Préalablement à son départ, elle avait obtenu du juge civil du Comté de Yolo (Californie) des contributions d'entretien en faveur de ses deux enfants cadets, un droit de visite médiatisé de 4h par semaine en faveur de leur père étant prévu. Ce dernier était violent et avait fait l'objet de plaintes pénales déposées par Mme B______à son encontre. À la suite de son départ de Californie et plusieurs audiences en son absence, les autorités judiciaires américaines avaient décidé d'attribuer à titre provisoire la garde des deux enfants cadets à leur père.

5) Par décision du 5 octobre 2016, le TPAE a fait droit aux mesures superprovisionnelles. Son accord ressort du sceau « autorisé sur mesures provisionnelles pour les motifs exposés ci-dessus que le TPAE fait siens » puis d'un autre sceau « préavis demandé au SPMi quant aux mesures à envisager au fond », apposés sur la requête de M. A______.

6) Dans son rapport du 15 mars 2017 au TPAE, M. A______ a exposé, en sus des éléments communiqués dans la requête susmentionnée, que l'ex-épouse d'un des pères des enfants de Mme B______ avait également déposé plainte pour tentative de meurtre de ce dernier sur elle. Cet élément avait été rapporté par Mme B______ et confirmé par l'avocate de celle-ci et le Service social international. La situation juridique des aînés ne posait pas problème, leur père avec lequel Mme B______ était toujours mariée, ayant donné son accord à la présence en Suisse des enfants, avec lesquels il avait d'ailleurs des contacts réguliers par Internet.

Quand Mme B______ avait appris que la garde de ses deux enfants cadets lui était retirée, elle avait décidé de demander l'asile en Europe ; une telle demande avait été déposée aux Pays-Bas et en Serbie. Elle avait traversé l'Italie et s'était arrêtée en Suisse. Si elle n'obtenait pas de soutien, elle tenterait sa chance en Roumanie. La mère était consciente que ses nombreux déplacements nuisaient à la santé de ses enfants. Selon le foyer qui avait accueilli la famille, celle-ci avait nettement évolué ; elle avait construit des repères et des habitudes qui structuraient favorablement la vie des enfants. Un mandat d'arrêt avait été prononcé contre la mère aux États-Unis. En cas de retour dans ce pays, la fratrie serait séparée, les cadets attribués à leur père et les aînés placés en foyer.

Si l'accueil en Suisse était interrompu, Mme B______ tenterait à nouveau de trouver de l'aide dans un autre pays. Les enfants seraient alors à nouveau entraînés dans un parcours d'errance.

Il concluait ainsi au maintien des mesures prises à titre superprovisionnel par le TPAE jusqu'à la communication des décisions judiciaires états-uniennes et, selon l'issue de celles-ci, jusqu'à l'obtention de garantie qu'un retour aux États-Unis puisse s'organiser dans des conditions qui répondent aux besoins de protection des enfants.

Ce rapport était lu et approuvé par la cheffe de groupe du SPMi.

7) Le 26 avril 2017, le TPAE a autorisé les propositions de M. A______, par l'apposition d'un sceau « AUTORISÉ Genève, le », la date et la signature de la Juge étant manuscrites.

8) Par courrier du 28 août 2017, le directeur du SPMi a convoqué M. A______ à un entretien de service. Mme B______ avait pris contact, le 11 août 2017, avec une collaboratrice du foyer dans lequel elle résidait pour demander un changement d'intervenant au sein du SPMi, en raison d'un rapport de proximité touchant sa sphère intime qu'elle entretenait avec M. A______. Avertie par ladite collaboratrice, la directrice du foyer avait rencontré Mme B______ le 14 août 2017. Celle-ci avait confirmé les propos tenus à la collaboratrice et montré des échanges Whatsapp qu'elle avait entretenus avec M. A______ ; elle avait accepté qu'une copie d'écran soit effectuée. Ces éléments avaient été transmis au directeur du SPMi.

Les échanges Whatsapp démontraient que l'intervenant entretenait des rapports sexuels avec Mme B______. Il en ressortait en outre un mélange entre un suivi professionnel et des relations intimes, qui relevaient de la stricte sphère privée de celle-ci. Ces faits conduisaient à la nécessité de le convoquer à un entretien de service.

Dans l'attente des suites à donner audit entretien, M. A______ était immédiatement déchargé du suivi de la situation familiale de Mme B______et de tout contact professionnel avec le foyer. Il lui était fait interdiction, dès réception du courrier, de prendre contact avec Mme B______. Les faits en cause étaient susceptibles de constituer des manquements aux art. 20, 21 let. b et 22 al. 1 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

Lors de l'entretien, M. A______ pouvait apporter son éclairage sur les faits susmentionnés, susceptibles de conduire au prononcé d'une sanction disciplinaire au sens de l'art. 16 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). L'ouverture d'une enquête disciplinaire et une suspension provisoire pouvant inclure la suppression de toute prestation à charge de l'État étaient envisageables.

Le courrier précisait enfin le nom des personnes qui assisteraient à l'entretien de service et le fait que M. A______ pouvait se faire accompagner d'une personne de son choix.

9) Lors de l'entretien du 31 août 2017, M. A______ était accompagné de Madame D______, secrétaire syndicale.

Le directeur a rappelé que M. A______ avait été désigné en qualité d'intervenant à l'unité API afin de prendre en charge la famille de Mme B______. Il a ensuite repris les éléments figurant dans la convocation à l'entretien de service.

M. A______ a déclaré qu'il ne savait pas comment cela s'était passé. Il avait rencontré Mme B______ plusieurs fois dans le cadre professionnel jusqu'au 23 novembre 2016, jour de l'anniversaire de celle-ci, où ils étaient allés se promener, avaient pris un café et s'étaient embrassés. Il considérait que « l'on pouvait projeter des choses, mais qu'un passage à l'acte [était] extrêmement grave, que ce passage à l'acte avec Mme B______[était] le summum de l'interdit, un inceste professionnel ». Leur relation avait débuté le 23 novembre 2016 et duré jusqu'à début août 2017, avec de nombreux arrêts. Il avait dit à Mme B______ que si cette relation se savait, il se ferait « virer de son travail ». Il lui avait également dit qu'avec les « sauveurs » qui avaient traversé la vie de Mme B______ et étaient « souvent devenus des bourreaux, c'était là une situation qui se reproduisait ».

Mme B______ était belle, adorable et il savait que cela n'était pas raisonnable d'avoir cette relation. Il ne s'expliquait pas « son passage à l'acte ». Il lui avait été impossible de demander de l'aide et d'en parler à sa cheffe de groupe. Il mentionnait à nouveau la notion « d'inceste professionnel ». Il n'avait pu en parler à personne et remerciait Mme B______ de l'avoir fait. Il avait été incapable de se dessaisir du dossier. Mme B______ avait toujours été consentante, mais avait souhaité plus. Toutefois, pour lui, « cette relation n'était pas envisageable, mais il ne pouvait pas s'en passer ».

Questionné sur les messages Whatsapp à caractère sexuel et la notion de bourreau que venait d'utiliser M. A______, celui-ci a répondu qu'il fallait les replacer dans un contexte d'excitation sexuelle.

Interrogé sur la question de savoir comment il réagirait si un collègue chargé de l'exécution d'une décision judiciaire ordonnant le dépôt des passeports d'une personne écrivait à celle-ci : « je t'interdis de quitter la Suisse », M. A______ a répondu que cela n'était « pas acceptable, que [c'était] un mélange et qu'il obligerait son collègue à en parler à la hiérarchie » ou le ferait lui-même, précisant qu'il avait déjà été confronté à des problèmes devant être traités par celle-ci et qu'ils les avait « remontés » à cette dernière.

S'agissant d'un message Whatsapp dans lequel Mme B______ lui avait demandé si elle pouvait quitter la Suisse si elle attendait un enfant de lui auquel il avait répondu qu'il le lui interdisait, il a expliqué que cela signifiait qu'il assumerait l'enfant.

C'était Mme B______ qui l'avait contacté, hors contexte professionnel, pour la première fois sur Facebook et il lui avait répondu.

M. A______ a encore précisé qu'il avait espéré que Mme B______ puisse « arranger ses papiers » et qu'ils allaient pouvoir vivre leur relation. Sa hiérarchie avait été d'accord qu'il garde le dossier des enfants de Mme B______ au-delà de la période maximale de trois mois durant laquelle l'unité API suivait un dossier.

Le fait que Mme B______ demande un changement d'intervenant sans lui en parler l'avait surpris, car cela ne correspondait pas à leurs derniers propos. Leur relation n'était pas une « relation normale ». Lorsqu'ils étaient ensemble, ils « étaient égaux, mais l'interdit prenait toute sa place ». Interrogé sur la question de savoir s'il pensait avoir exercé une influence, une pression sur Mme B______, il a répondu qu'il « ne voyait pas comment il pourrait en être autrement ». Pour lui, « c'était sûr ».

Enfin, le directeur du SPMi a expliqué à M. A______ que dès lors que ce dernier avait envoyé un message aux collègues de son groupe les informant du fait qu'il avait commis une faute grave, il était délicat pour sa hiérarchie de les rassurer sans donner d'informations. La direction avait toutefois précisé qu'il n'y avait pas eu de mise en danger d'enfant.

10) M. A______ a retourné le procès-verbal signé, accompagné de ses remarques. Celles-ci portaient, notamment, sur le rajout que le passage à l'acte, qui était le « summum de l'interdit, un inceste professionnel » avait généré de la honte l'ayant « bloqué » pour en parler à qui que ce soit, son médecin compris. La relation avec Mme B______ avait duré du 23 novembre 2016 au 10 février 2017 et repris début août 2017, à la suite de l'envoi de celle-ci d'une photo d'elle dévêtue. Par ailleurs, il insistait sur le fait que sa relation avec Mme B______ n'avait entraîné aucune faveur ou défaveur dans le traitement du dossier des enfants de celle-ci.

11) Depuis le 30 août 2017, M. A______ est en arrêt maladie.

12) Le 17 avril 2018, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière.

M. A______ avait reconnu avoir entretenu une relation avec Mme B______, entre le 23 novembre 2016 et début août 2017 avec de nombreux arrêts. Il avait conscience de commettre une faute grave professionnelle, mais n'avait pas pu en parler à quiconque. Mme B______ avait, dans un courriel adressé à la direction de l'office de l'enfance et de la jeunesse le 12 septembre 2017, indiqué que M. A______ lui avait fait des promesses au sujet de l'obtention d'un permis de travail et d'un appartement et que si ces promesses n'étaient pas tenues, elle se posait la question de savoir si M. A______ avait exploité son pouvoir de travailleur social comme moyen de la faire devenir son esclave sexuelle.

Au vu des pièces au dossier et des déclarations des deux intéressés, le Ministère public constatait qu'une situation de séduction s'était installée entre eux et que des rapports sexuels s'en étaient suivis. La relation était consentie des deux côtés. Elle avait duré de septembre 2016 à courant février 2017 lorsque M. A______ y avait mis un terme, celle-ci n'étant pas compatible avec sa profession. De nombreux messages avaient ensuite encore eu lieu. Début août 2017, un ou deux rapports sexuels avaient à nouveau eu lieu avant que Mme B______ ne demande le changement d'intervenant.

M. A______ avait déclaré qu'il était conscient d'avoir commis une faute éthique professionnelle grave, mais s'était renfermé sur lui-même et avait été incapable de s'en ouvrir à sa hiérarchie ou de demander de l'aide. Il n'avait ni utilisé ni abusé de son pouvoir professionnel afin d'obtenir des faveurs sexuelles. Il avait admis que dans l'excitation de l'instant, il avait pincé les tétons et serré le cou de Mme B______ et qu'elle lui avait ensuite dit qu'elle préférait une pratique du sexe plus douce ; il n'y avait toutefois jamais eu de contrainte.

13) Par arrêté du 15 novembre 2017, la Conseillère d'État en charge du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département), a ouvert une enquête administrative à l'encontre de M. A______ fondée sur les faits ressortant de l'entretien de service.

Le 19 février 2018, elle a étendu le mandat d'enquête à des faits concernant le mineur E______, à la mère de qui M. A______ aurait conseillé, après le décès du père de celui-ci en avril 2017, de « vite vider le compte avant qu'il ne soit bloqué ». La mère de l'enfant avait également déclaré qu'elle avait eu beaucoup de contacts par SMS sur le téléphone portable privé de M. A______. Après lui avoir fait « différentes promesses d'obtention de permis etc. », celui-ci aurait soudain rompu tout contact avec elle.

14) Le 14 juin 2018, l'enquêteur a rendu son rapport.

Sa mission consistait à déterminer les circonstances dans lesquelles la relation entre M. A______ et Mme B______ s'était nouée, la manière dont elle avait évolué et les raisons pour lesquelles elle avait pris fin. Il convenait aussi de déterminer si l'intéressé avait, d'une manière ou d'une autre, exercé une forme de contrainte ou d'incitation à l'égard de Mme B______ en profitant de sa situation professionnelle.

L'enquêteur a précisé qu'il s'était avant tout intéressé à essayer de comprendre la véritable nature de leur lien, en particulier afin de savoir dans quelle mesure le fonctionnaire avait « joué aux dépens de Mme B______ ». De l'avis de l'enquêteur, cette question jouait un rôle dans la manière d'appréhender la faute professionnelle.

Dans son analyse, l'enquêteur a relevé, en premier lieu, que l'indication de M. A______ quant à l'impossibilité d'expliquer pourquoi il n'avait pas réussi à chercher l'aide de tiers, alors qu'il évoquait lui-même avoir commis un « inceste professionnel », n'était pas convaincante. La crainte exprimée par M. A______ qu'en cas de transfert du dossier à la section du moyen terme Mme B______ reprenne son errance était plausible, mais ne convainquait pas. Le suivi de Mme B______ et ses enfants pouvait se concevoir différemment de celui envisagé par M. A______. En outre, le dossier de celle-ci ne pouvait se clore qu'avec l'accord du TPAE. Enfin, Mme B______ avait également reproché à M. A______ de s'être sentie abandonnée par le SPMi. Il fallait donc relativiser le message de celle-ci faisant état, le 12 septembre 2017, du même sentiment à la suite du changement de titulaire du dossier auprès du SPMi.

L'enquêteur s'est ensuite interrogé sur la question de savoir si la confusion entre activité professionnelle et vie privée était de nature à entraîner Mme B______ dans un schéma relationnel dont elle avait déjà beaucoup souffert. Les notes manuscrites rédigées par M. A______ dans le dossier de la précitée exposaient que celle-ci avait été victime dans son passé d'un phénomène d'emprise.

L'enquêteur s'est encore penché sur « la véritable nature » de la relation entre les deux intéressés qu'il a tenté de décrire. Analysant les messages Whatsapp échangés le 3 août 2017 entre ceux-ci, il a relevé qu'alors que Mme B______ se plaignait de ne plus supporter les conditions d'existence du foyer qui l'hébergeait, M. A______ lui avait répondu : « Et tu vas partager ton corps avec l'homme qui va t'interdire de partir ». Lorsque Mme B______ avait demandé combien de temps cela allait durer et si elle était en enfer, il lui avait répondu « Oui ! Le mien ».

Les allégations de Madame F______, mère de E______, à l'enquêteur différaient complètement de celles faites à la collaboratrice du SPMi. Dès lors que le reproche d'avoir donné un conseil inapproprié n'avait été formulé que par Mme F______ et n'était étayé par aucun autre élément, aucun grief ne pouvait être retenu à l'encontre de M. A______ en lien avec ce dossier.

En conclusion, la relation intime précitée n'avait pas eu d'impact sur la manière dont le dossier des enfants de Mme B______ était traité. M. A______ n'avait pas cherché à faire comprendre à celle-ci qu'elle devait se soumettre à ces relations si elle voulait que son dossier soit correctement traité. En revanche, M.  A______ avait pris le risque que Mme B______ se sente prise dans un piège victime-bourreau fait de violence ou d'emprise. Le sort de ses enfants dépendait de lui et leurs relations intimes étaient faites d'une certaine violence envers elle. À partir d'août 2017, il avait joué de sa position pour instaurer « fût-ce dans l'excitation d'échanges à caractère sexuel » un rapport de domination et de complète dépendance.

15) Se déterminant sur le rapport précité, M. A______ a relevé qu'il avait traité le dossier des enfants de Mme B______ avec conscience et diligence.

L'enquêteur avait, à tort, procédé à une analyse de nature psychologique de la relation entretenue entre M. A______ et Mme B______. Il avait effectué, sans pouvoir se prévaloir de compétences médicales, notamment psychiatriques, une analyse de celle-ci. Les concepts utilisés par l'enquêteur pour qualifier la relation sentimentale entre les précités relevaient de la psychanalyse. Mme B______ était adulte, capable de discernement, autonome et intelligente. Sa relation avec M. A______ avait été librement consentie.

Il ne s'était pas dessaisi du dossier par crainte que le suivi du dossier ait pour conséquence que Mme B______ reprenne son errance. D'ailleurs, selon les informations qu'il avait reçues de celle-ci, le SPMi n'avait plus opéré de suivi « adapté et adéquat des enfants ».

Le reproche de ne pas s'être dessaisi du dossier devait aussi être placé au regard de ce que M. A______ n'avait pu opérer « un choix totalement réfléchi. » Il avait vécu un « tourment affectif ». Alors que Mme B______ craignait de s'attacher, M. A______ avait des difficultés à surmonter sa conscience.

L'enquêté était incomplète. L'affaire ne pouvait être appréciée sans tenir compte des circonstances du départ de Mme B______ de Suisse.

Par ailleurs, le manquement aux règles déontologiques - qui auraient commandé que M. A______ se dessaisisse du dossier en question - ne constituait pas un manquement à ses obligations de service. Seul un manquement à la loi pénale ou à l'obligation d'accomplir son travail consciencieusement et avec diligence pouvait justifier une sanction disciplinaire. Enfin, il traversait une période difficile, à la suite du dépôt de la plainte pénale et de la procédure « possiblement malveillante » relative à l'affaire E______. Il faisait également l'objet de suspicions non seulement au sein du SPMi mais également dans son réseau professionnel. Sa suspension avait suscité des rumeurs graves en lien avec l'abus d'enfants.

16) Par arrêté du 5 septembre 2018, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a rejeté la demande de complément d'information et de consultation de M. A______ et révoqué celui-ci avec effet au 31 décembre 2018.

La relation sexuelle entretenue par celui-ci avec Mme B______ avait, selon cette dernière, comporté de la violence. Celle-ci avait déclaré qu'elle n'avait pas souhaité le dénoncer, mais s'était sentie sous pression, car l'avancement de son dossier lui paraissait confus, et elle ne comprenait pas si cela était lié à son refus de poursuivre leurs relations sexuelles. Ces propos démontraient le lien de dépendance qui s'était créé entre elle et l'intéressé. Bien que cette relation n'ait pas eu d'impact sur le suivi du dossier, le fait de ne pas s'en dessaisir était inacceptable. Il l'était d'autant plus que M. A______ connaissait le passé privé de Mme B______, à savoir que le compagnon de sa mère avait abusé d'elle et qu'un des pères de ses enfants avait entretenu une relation parfois violente avec elle. Il ne pouvait non plus ignorer la relation de dépendance de Mme B______du SPMi. Par ailleurs, le pouvoir de domination de M. A______ sur celle-ci transparaissait dans leurs échanges Whatsapp où en réponse à sa plainte de ne plus supporter les conditions de son existence au foyer il avait répondu qu'elle allait partager son corps avec l'homme qui allait lui interdire de partir. Il avait ensuite répondu à la question de celle-ci combien de temps tout cela pouvait durer et si elle était en enfer : « oui ! Le mien ».

L'ensemble des témoins pouvant porter un éclairage sur les faits pertinents avaient été entendus par l'enquêteur. Par ailleurs, l'intéressé avait pu avoir accès aux mêmes pièces que l'enquêteur. Les circonstances du départ de Mme B______ n'avaient pas à être investiguées, celles-ci n'ayant aucune incidence sur les faits qui s'étaient produits et l'appréciation de la faute de M. A______.

L'absence de sanction pénale ne permettait pas de conclure à l'absence d'une sanction administrative. Les faits étaient d'une gravité telle, eu égard aux devoirs de réserve, de dignité et de service particuliers incombant à un membre du personnel administratif occupant une fonction portant sur la prise en charge de situations familiales et sociales délicates, qu'ils étaient de nature à anéantir irrémédiablement et complètement la confiance et l'autorité indispensables à l'exercice de sa fonction d'intervenant en protection de l'enfance.

Malgré l'absence d'antécédents, le cumul des violations du devoir de réserve, de dignité et de service peu après la prise en charge du dossier des enfants de Mme B______ et la répétition du comportement sans jamais l'évoquer avec sa hiérarchie et/ou ses collègues conduisait à retenir qu'aucune autre sanction que la révocation ne permettait de veiller à l'intérêt public, soit en l'espèce celui d'une mère et de ses quatre enfants, la réputation de la fonction publique ainsi que la confiance parentale portée à un intervenant en protection de l'enfance.

17) Par acte expédié le 2 octobre 2018 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cet arrêté, concluant à son annulation. Préalablement, il a requis la production du dossier de Mme B______.

Son droit d'être entendu avait été violé, dès lors qu'il n'avait pas pu avoir accès au dossier de Mme B______ concernant la période suivant son dessaisissement de celui-ci. Il ne pouvait être sanctionné au seul motif d'avoir entretenu une relation sentimentale avec celle-ci. Il avait sollicité de pouvoir consulter ledit dossier, car il suspectait que la dénonciation de celle-ci et les termes qu'elle avait utilisés s'inscrivaient dans un cadre particulier. Le changement d'appréciation portée par l'intéressée sur la qualité de sa relation avec M. A______ méritait d'être investigué. « Vu la réponse du Conseil d'État », il avait pris contact avec elle. Il transmettait l'intégralité des échanges qu'il avait ensuite eus avec elle. Il en ressortait que Mme B______ avait vécu des « conditions de vie au sein de Foyer C______ [...] attentatoires à sa personnalité » et qu'elle avait été victime de violence nécessitant l'intervention de la police. Elle avait ainsi été chassée du foyer avec ses enfants et relogée dans un hôtel après avoir été menacée de les perdre. Si le Conseil d'État avait poussé ses investigations plus loin, il aurait disposé de cette information. De même, les investigations de celui-ci avaient été insuffisantes en ce qui concernait les reproches adressés en lien avec le dossier E______.

Par ailleurs, le recourant avait obtenu copie d'un courriel du 23 septembre 2017 adressé par le directeur du SPMi à Madame F______, juriste auprès du SPMi, selon lequel celui-ci avait « besoin de toutes les armes pour empêcher le retour de TVA [le recourant] au service. Merci de le faire et tout sera clair et fini ». C'était « son côté prédateur qu'il fa[llai]t qu'[il] souligne, soit [elle] en parl[ait] avec G______, soit [il le fais[ait] ».

Enfin, le département n'avait informé le Ministère public qu'en décembre 2017, ce qui démontrait qu'il estimait que le complexe de faits ne présentait pas d'aspects pénaux. L'audition de Mme B______ le 6 décembre 2017 n'avait que conforté cette approche.

En conclusion, au regard de « la gravité de ces éléments nouveaux » et des doutes qu'avait M. A______ que le Conseil d'État ait été informé de ceux-ci, dont lui-même venait de prendre connaissance, il interpellait le président du Conseil d'État pour savoir s'il maintenait sa décision.

Il ressort de l'échange de messages avec Mme B______, imprimé le 25 septembre 2018, que le recourant avait informé celle-ci de ce qu'il avait perdu son emploi, le SPMi lui reprochant d'avoir fait revivre à Mme B______ le viol qu'elle avait subi à l'âge de 17 ans ; celle-ci se disait désolée de ce qu'il vivait et répondait à sa question de savoir si elle acceptait de l'aider, qu'il suffisait qu'il lui dise ce dont il avait besoin et elle l'aiderait. S'en est ensuite suivi un échange sur les circonstances dans lesquelles le foyer avait pris connaissance des échanges Whatsapp échangés entre le recourant et Mme B______, la manière dont s'était passé son séjour au foyer C______, les discussions avec certaines collaboratrices de celui-ci, le suivi de son dossier par le SPMi après qu'il avait été retiré au recourant. À la question du recourant de savoir pourquoi elle avait craint qu'il fasse d'elle une esclave sexuelle, elle avait répondu qu'elle ne s'en souvenait plus particulièrement ; probablement, c'était parce qu'elle ne faisait alors plus confiance à personne. Les messages se rapportaient encore aux conditions dans lesquelles Mme B______ avait quitté la Suisse pour la Roumanie quelque temps après que son dossier a été transmis à un autre collaborateur du SPMi, ses relations avec les pères de ses enfants et comment se passait sa vie en Roumanie.

Était également produit un courrier non signé de Mme B______ en langue anglaise. Elle y reconnaissait, notamment, avoir entretenu avec le recourant « une affaire » consentie, celui-ci prenant soin de bien la séparer du suivi de son dossier. Finalement, ils n'étaient pas compatibles sur le plan sexuel ni social. Elle l'avait compris et accepté.

18) Le département a conclu au rejet du recours.

Contrairement à ce que soutenait le recourant, il n'avait pas toujours clairement séparé les aspects affectifs de ceux professionnels. En effet, alors que Mme B______ s'était plainte des conditions d'existence au sein du foyer, il lui avait répondu : « Et tu vas partager ton corps avec l'homme qui va t'interdire de partir ». À la question de cette dernière combien de temps tout cela pouvait prendre et si elle était en enfer, il avait répondu : « Oui ! le mien. ». Il y avait eu une imbrication étroite entre les requêtes adressées par Mme B______ a u recourant en tant que professionnel et le dialogue privé entretenu par les intéressés. La relation intime n'avait cependant pas eu d'impact sur la manière dont le dossier de Mme B______ avait été suivi.

Enfin, le recourant avait eu accès au dossier du SPMi jusqu'à la fin de la période pendant laquelle il était en charge de celui-ci. Il avait aussi eu accès à sa boîte de courriel professionnel en présence d'un tiers.

19) Dans sa réplique, M. A______ a admis avoir entretenu une relation sentimentale et intime avec Mme B______ et ne pas s'être dessaisi du dossier des enfants de celle-ci. Il fallait apprécier les messages échangés entre les intéressés dans leur ensemble. Il en ressortait que leur relation avait été voulue et consentie.

L'analyse faite par l'enquêteur était exorbitante à son mandat et ses compétences. Il était aussi absurde que déplacé de considérer que la relation avait été susceptible de refaire vivre à Mme B______ un viol dont elle avait été victime alors qu'elle était mineure. Seul un psychiatre aurait été à même de se prononcer sur cet aspect.

Afin d'établir la nature de la relation qu'il avait entretenue avec Mme B______ et du contexte dans lequel elle avait rédigé le courriel du 12 septembre 2017, il sollicitait l'apport de l'intégralité du dossier de celle-ci, soit l'accès au dossier après qu'il en avait été dessaisi.

En vue d'établir que la relation avec Mme B______ ne lui avait pas fait revivre son viol, il sollicitait l'audition de celle-ci, exposant se porter fort des frais liés à son déplacement et hébergement à Genève.

Pour le surplus, c'était grâce à lui que l'hébergement de Mme B______ avait été accepté. En outre, le maintien ou le dessaisissement d'un dossier dépendait de la direction et non de lui. Il aurait pu solliciter le transfert du dossier, mais avait craint que la mesure soit finalement levée et que l'errance se poursuive. Son intervention avait permis de placer les enfants en crèche, respectivement à l'école.

Le dossier E______ avait été monté contre lui de toute pièce, dans le dessein de lui nuire.

20) a. Lors de l'audience de comparution personnelle, qui s'est tenue le 23 janvier 2019, le recourant a confirmé que son avocat et lui-même avaient eu accès à l'intégralité du dossier de Mme B______, jusqu'à la date à laquelle il avait été dessaisi du dossier, soit jusqu'au 5 août 2017.

Il estimait que le point de savoir ce qu'il était advenu du dossier de Mme B______ après son dessaisissement était utile pour apprécier l'ensemble de la situation. En particulier, cela pouvait expliquer l'énervement de Mme B______ envers le SPMi et, notamment, le courriel du 12 septembre 2017.

Il ne comprenait toujours pas ce qui avait pu se passer. Il avait consulté deux psychiatres et était toujours suivi pour tenter de comprendre comment Mme B______ avait pu en arriver à se plaindre à son égard d'esclavage sexuel.

Suivant de quel point de vue on lisait les échanges Whatsapp échangés avec elle, on leur accordait une importance différente. L'un des points de vue était celui de la personne qui se plaint d'esclavage sexuel, l'autre celui d'une personne qui se trouve acculée par les menaces du foyer de lui retirer ses enfants.

Il lui était arrivé de demander d'être dessaisi d'un dossier, par exemple en situation d'animosité de la part des parents à son encontre. Il transmettait alors le dossier à l'équipe qui assurait son suivi sur le moyen et le long terme. Son intervention se situait à l'accueil qui, d'après le règlement, durait trois mois au maximum.

Avant de rencontrer Mme B______, il n'avait jamais éprouvé un sentiment amoureux pour une personne qu'il suivait, alors qu'il était arrivé qu'une certaine animosité avait pu l'habiter. Dans ces situations-là, il transmettait le dossier aux collègues qui assuraient le suivi à moyen ou long terme.

La raison de cette durée maximale précitée résidait dans le fait que le travail d'accueil s'inscrivait dans l'urgence et nécessitait de la disponibilité pour l'assurer. Il arrivait qu'un seul entretien permette déjà d'orienter les personnes vers les services compétents. Lorsqu'il fallait requérir des mesures auprès du TPAE, nécessairement le travail d'accueil durait un peu plus longtemps.

Dans le cas du dossier de Mme B______, les choses s'étaient passées différemment. Il avait ouvert le dossier début août 2016 avant de partir en vacances. À son retour, il avait reçu un appel de la directrice du foyer, qui ne comprenait pas la décision prise en son absence par le SPMi de ne pas prendre en charge Mme B______. À la suite de la discussion qu'il avait eue avec sa hiérarchie, dans laquelle il avait notamment relevé la composante d'errance humaine que comportait le dossier, le SPMi était revenu sur sa décision. Une requête avait ainsi été adressée au TPAE visant en particulier le retrait du passeport de Mme B______ afin de pouvoir évaluer la situation. Étant considéré comme expert dans le domaine de l'errance humaine, il avait conservé le suivi du dossier, en accord avec sa hiérarchie. Ce processus avait lieu habituellement lorsqu'il était en charge d'un dossier d'errance humaine.

Il confirmait ses déclarations à l'enquêteur administratif. Le terme « d'inceste professionnel » qu'il avait utilisé était trop fort. Ce qu'il avait voulu exprimer s'inscrivait dans une analyse de type psychanalytique. Il cherchait vraiment à comprendre ce qu'il avait pu faire pour qu'on lui reproche d'avoir abusé d'une femme sans qu'il s'en rende compte.

Il avait commencé à douter de sa hiérarchie lorsqu'il avait réalisé qu'elle ne replaçait pas le propos de Mme B______ dans le contexte qui était le sien. Il lui semblait que ce n'était qu'en connaissant parfaitement cet élément que ces propos pouvaient être correctement appréciés.

b. La représentante du département a confirmé que l'accès au dossier avait été le même que celui soumis à l'enquêteur, que le conseil de M. A______ avait pu consulter. Le reproche « d'esclavage sexuel » n'avait pas été retenu par le Conseil d'État dans la décision querellée.

c. Selon le conseil du recourant, ce qui était particulièrement critiquable était que la décision avait été prise au travers du prisme particulier de l'analyse faite par l'enquêteur sur la nature de la relation entretenue par son client avec Mme B______. L'enquêteur avait dépassé ses compétences en procédant à cette analyse, d'une part. D'autre part, il aurait dans cette hypothèse dû disposer de l'intégralité du dossier.

d. M. A______ a encore fait état de ce que, compte tenu de son milieu professionnel où tous les acteurs se connaissaient, il n'avait guère d'espoir de retrouver un emploi. Il reconnaissait tout à fait la faute commise en ne transmettant pas le dossier de Mme B______. Les autres reproches lui paraissaient tellement énormes qu'il ne s'en était même pas défendu.

Selon l'avocat du recourant, la dénonciation pénale avait porté un important préjudice d'image à son client. Elle était d'autant plus incompréhensible, qu'elle était intervenue après l'audition de Mme B______, soit le 19 décembre 2017. Il n'y avait alors pas d'éléments complémentaires qui justifiaient son dépôt.

21) Dans le délai requis par le recourant pour formuler des observations complémentaires, il a persisté dans ses conclusions.

En tant que le département estimait que la nature de la relation entretenue avec Mme B______ était sans pertinence pour l'issue du litige, il ne pouvait être suivi. En effet, le message de celle-ci du 12 septembre 2017 avait orienté toute la suite de la procédure. Si le seul reproche était d'avoir entretenu cette relation, il n'aurait pas été nécessaire d'en soupeser la nature. Le différend survenu entre Mme B______ et le foyer ainsi que la menace que ses enfants lui soient retirés avaient pu susciter la terreur dans laquelle celle-ci s'était trouvée. Ce différend était survenu alors que l'enquête administrative était en cours. Il aurait dû être porté à la connaissance de l'enquêteur, dès lors qu'il pouvait éclairer ce dernier sur les motifs pour lesquels Mme B______ avait utilisé les termes d'« esclavage sexuel ».

Le Conseil d'État était libre de rouvrir l'enquête administrative en nantissant l'enquêteur du dossier des enfants de Mme B______ pour la période suivant celle où le recourant n'était plus en charge de ceux-ci et de réentendre Mme B______ en connaissance de cause.

Subsidiairement, le recourant réitérait son souhait que celle-ci soit entendue par la chambre de céans et que l'apport du dossier des enfants de Mme B______ après qu'il en avait été dessaisi soit ordonné. Il estimait ainsi pouvoir démontrer que les termes précités « étaient destinés à faire pression sur l'office de l'enfance et de la jeunesse et lui permettre ainsi de gagner la Roumanie ».

22) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite l'audition de Mme B______ et l'apport du dossier de ses enfants en ce qui concerne la période postérieure à son dessaisissement de celui-ci. À bien le comprendre, il souhaiterait également une éventuelle réouverture de l'enquête administrative.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'espèce, l'évolution du dossier des enfants de Mme B______, après sa réattribution à un collègue du recourant, n'est pas de nature à apporter des éléments susceptibles d'influer l'issue du litige. En effet, la question à examiner est celle de savoir si les agissements du recourant ayant précédé son dessaisissement du dossier constituent un manquement justifiant la décision de révocation. Les circonstances dans lesquelles Mme B______ a rédigé le courriel du 12 septembre 2017, postérieur à la réattribution de son dossier, n'ont pas à être instruites. Le Conseil d'État n'a d'ailleurs pas retenu à l'encontre du recourant les propos que contenait ce message.

Par ailleurs, rien ne justifie de renvoyer le dossier à l'enquêteur ou au département afin qu'il procède à la réouverture de l'enquête en vue de la compléter. Les témoignages recueillis par l'enquêteur ainsi que les pièces produites par les parties et leurs déterminations à cet égard permettent à la chambre de céans de statuer en connaissance de cause.

Partant, il sera constaté que l'autorité intimée n'a pas violé le droit d'être entendu du recourant en refusant de lui donner accès au dossier de Mme B______ pour la période suivant celle de son dessaisissement de celui-ci, et il ne sera pas fait droit aux demandes d'instruction complémentaire.

3) a. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Ils se doivent, par leur attitude, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, ainsi que de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public et de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. a-c RPAC). Ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC). Un fonctionnaire, pendant et en dehors de son travail, a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014 consid. 5.5).

b. Selon l'art. 12 al. 1 de la loi sur l'office de l'enfance et de la jeunesse du 28 juin 1958 (LOJeun - J 6 05), dans sa teneur en vigueur jusqu'au 14 mai 2018, le SPMi assiste la famille dans sa tâche éducative, veille aux intérêts des mineurs et, s'il y a lieu, intervient pour assurer leur sauvegarde. Il assume la surveillance des mineurs placés hors du domicile de leurs parents.

L'art. 12 al. 2 let. b LOJeun prévoyait, notamment, que lorsqu'il y avait lieu de prendre des mesures de protection de l'enfant, le SPMi pouvait, à la demande du TPAE, établir un rapport d'évaluation qui comprenait les solutions proposées par les parents au sujet de l'enfant, de même que l'opinion de ce dernier à leur sujet.

c. En l'espèce, le recourant s'est vu confier début août 2016, en sa qualité d'intervenant en protection de l'enfant affecté à l'unité API, le dossier des enfants de Mme B______. Ceux-ci avaient été recueillis dans la rue avec leur mère par l'unité mobile d'urgence sociale. Le recourant a conservé, avant même qu'une relation amoureuse se noue entre lui et Mme B______, le dossier de celle-ci au-delà de la période maximale de trois mois de prise en charge par l'unité API. Le fait de conserver un dossier présentant, comme en l'espèce, des aspects d'errance humaine s'expliquait par l'expérience dans ce domaine particulier dont bénéficiait le recourant. C'est ainsi avec l'accord de sa hiérarchie, qu'il a assuré le suivi du moyen et long terme à l'échéance du délai de trois mois.

Il ressort du dossier, notamment des déclarations du recourant tant lors de l'entretien de service qu'à l'enquêteur, qu'il avait d'abord commencé à prendre des cafés avec Mme B______ et s'était rendu compte que, petit à petit, un jeu de séduction s'était engagé entre eux. Il pensait que « cela allait s'arrêter », mais ignorait comment y mettre un terme. Il était alors déjà conscient « d'être sur la pente dangereuse ». Il n'arrivait toutefois pas à s'expliquer pourquoi il n'avait pas tenté d'obtenir de l'aide avant que cela n'aille plus loin. Il estimait alors qu'il était « en train de vivre un inceste professionnel ».

À une date que tant Mme B______ que le recourant situent au 23 novembre 2016, ceux-ci se sont embrassés pour la première fois. S'en est suivie une relation comportant également des relations intimes. Celle-ci a comporté de nombreuses interruptions, en particulier entre février 2017 et juin 2017.

Le recourant ne s'est toutefois pas dessaisi du dossier ni ne s'est ouvert de cette situation à un collègue ou à sa hiérarchie. Il a exposé qu'il n'arrivait pas à s'expliquer son incapacité à prendre la décision de se dessaisir du dossier. Quels que soient les motifs de cette incapacité, le recourant doit se voir reprocher d'avoir, en continuant à traiter le dossier des enfants de Mme B______, violé ses devoirs de service. En effet, son comportement n'est pas compatible avec le devoir de réserve que sa fonction lui impose envers les administrés dont il a la charge du dossier.

À cela vient s'ajouter le fait qu'il avait la responsabilité, en sa qualité d'intervenant en protection de l'enfant auprès de l'unité API, d'assurer la prise en charge et le suivi du dossier de personnes particulièrement vulnérables. L'unité précitée s'occupe, en effet, notamment d'apporter une aide aux personnes mineures recueillies par le service d'unité mobile d'urgence sociale, soit de personnes particulièrement vulnérables.

En outre, Mme B______ qui, selon les notes prises par le recourant, avait connu dans sa vie des épisodes de violence, y compris sexuelles, contre qui un mandat d'arrêt avait été émis aux États-Unis, dont la liberté de mouvement, notamment celle de quitter la Suisse, avait été restreinte à la suite de la décision du TPAE et qui était démunie de ressources financières, se trouvait également dans une situation que l'on peut qualifier de vulnérable.

Par ailleurs, le suivi proposé par l'intervenant en protection de l'enfant peut impliquer de requérir de la part du TPAE des mesures pouvant être très incisives. In casu, le TPAE a donné suite à la requête du recourant d'ordonner et de maintenir le dépôt des passeports de Mme B______ et de ses enfants, de les inscrire dans la base de données RIPOL et SIS, ceux-ci étant ainsi interdits de quitter la Suisse. Le pouvoir de proposition de l'intervenant en protection de l'enfant est particulièrement élevé, le TPAE se référant largement aux compétences spécifiques de ces professionnels spécialisés dans l'évaluation de la situation des enfants. Dans ces circonstances, il est fondamental que l'impartialité et la probité de l'intervenant présentant un rapport sur la situation des enfants et étant amené à formuler des propositions au TPAE soient au-dessus de tout soupçon.

Certes, aucun élément ne permet de douter de ce que la relation intime entre le recourant et Mme B______ était consentie. L'enquêteur a cherché à mieux la comprendre et à la saisir, afin de déterminer si celle-ci avait pu influer sur le suivi du dossier dont le recourant avait la charge, d'une part, et, d'autre part, eu pour conséquence que la mère des enfants ait perdu sa liberté de refuser des relations sexuelles avec le recourant de crainte qu'un tel refus ait des répercussions sur la situation de ses enfants. L'enquêteur est arrivé à la conclusion que le suivi du dossier des enfants de Mme B______ n'avait pas été affecté, ni en faveur ni en défaveur de ceux-ci, du fait de la relation que le recourant entretenait avec leur mère. Par ailleurs, il a considéré qu'aucun élément n'accréditait la thèse selon laquelle le fonctionnaire aurait fait dépendre ses prestations professionnelles de sa relation avec Mme B______.

La procédure pénale a également conclu à l'absence d'un acte de contrainte sur le plan sexuel et retenu qu'aucun élément ne permettait de considérer que le recourant aurait utilisé son pouvoir professionnel pour obtenir des faveurs sexuelles.

Au regard de ces éléments, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant la qualité, voire le type de relation entretenue entre le recourant et la mère de ses protégés. Ainsi, la question de savoir si l'analyse plus poussée effectuée par l'enquêteur était adéquate, voire opportune peut demeurer indécise.

Bien que la relation en cause n'ait pas eu de répercussion sur la gestion du dossier des enfants ni été utilisée par le recourant pour obtenir des faveurs de la mère de ceux-ci, celui-ci doit se voir reprocher d'avoir, en conservant ledit dossier, laissé courir le risque d'une telle éventualité. En effet, la fonction du recourant était susceptible de placer Mme B______ dans la délicate situation où elle pouvait craindre que son éventuel refus de poursuivre leur relation porte préjudice au suivi de son dossier. En continuant à traiter le dossier de Mme B______, le recourant a accepté cette éventualité. Ce faisant, il a contrevenu à son obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect, la confiance et la considération dont la fonction publique doit être l'objet.

Cette situation a d'ailleurs généré une confusion entre les pouvoirs rattachés à la fonction du recourant et la relation privée qu'il entretenait, comme cela ressort des échanges Whatsapp entre celui-ci et Mme B______. Ainsi, lorsque cette dernière s'est plainte de ne plus supporter les conditions d'existence du foyer qui l'héberge, le recourant lui a répondu : « Et tu vas partager ton corps avec l'homme qui va t'interdire de partir ». Il faisait ainsi allusion au pouvoir qu'il avait d'influencer la décision de maintenir l'interdiction faite à celle-ci de quitter la Suisse. Mme B______ a, au demeurant, déclaré à l'enquêteur qu'elle avait signalé leur relation en août 2017, car elle s'était sentie sous pression, l'avancement de son dossier lui paraissant confus, et elle ne comprenait pas si cela était lié à son refus de poursuivre leurs relations sexuelles.

Le recourant était conscient du fait que la poursuite du suivi du dossier des enfants de Mme B______ par ses soins était inadmissible. La prise en charge consciencieuse et diligente du dossier de l'administrée imposait qu'il s'en dessaisisse, au plus tard le 23 novembre 2016. En effet, et comme évoqué plus haut, l'existence de la relation qui s'était nouée entre le recourant et l'administrée s'opposait à ce qu'il conserve le dossier de celle-ci par-devers lui, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas.

En continuant néanmoins à traiter le dossier de celle-ci, le recourant doit se voir reprocher d'avoir manqué à son obligation de traiter les dossiers qui lui étaient confiés de manière consciencieuse et diligente. Cette manière d'agir était susceptible de biaiser son approche, de créer un risque de confusion entre les aspects privés et professionnels, d'accroître la situation de dépendance dans laquelle Mme B______ et ses enfants se trouvaient à l'égard du collaborateur du SPMi, voire de priver celle-ci de sa liberté sexuelle. Les éventualités ainsi créées, dont celle de la confusion qui vient d'être évoquée et qui s'est d'ailleurs réalisée, étaient également de nature à susciter la crainte de l'administrée qu'il manque d'indépendance et d'impartialité. Or, l'État doit pouvoir compter sur le fait que ses agents ne s'exposent pas ni n'exposent les administrés dont ils ont la charge à un tel risque et prennent les mesures nécessaires si celui-ci devait se présenter. Les administrés doivent, en effet, pouvoir faire confiance aux fonctionnaires, notamment dans la capacité de ces derniers de se dessaisir lorsque des liens affectifs se nouent entre eux et ceux-ci. Compte tenu du pouvoir dont était investi le recourant, il lui aurait appartenu, conformément à son devoir de traiter le dossier des enfants de Mme B______ avec soin et diligence, de ne pas entrer dans le jeu de séduction qu'il a décrit, ni répondre et/ou prendre contact avec Mme B______ en dehors des besoins du dossier. En sortant du cadre professionnel sans se dessaisir immédiatement du dossier, situation qu'il a lui-même qualifiée de « pente dangereuse », il a adopté un comportant mettant à mal la confiance et le respect dont la fonction publique doit faire l'objet. La nécessité de préserver cette confiance et ce respect était d'autant plus importante dans le cas d'espèce que les administrés se trouvaient dans une situation de vulnérabilité et de fragilité.

Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée a retenu, à juste titre, que le recourant avait enfreint les devoirs auxquels il était soumis en sa qualité de fonctionnaire.

4) Il convient encore d'examiner si la sanction prononcée est conforme au droit.

a. Selon l'art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes : le blâme, prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie (let. a ch. 1), prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État (let. b) : la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée et la réduction de traitement à l'intérieur de la classe (ch. 2 et 3), prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État (let. c) : le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans (ch. 4) ou la révocation (ch. 5).

En cas de révocation, le Conseil d'État peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande (art. 16 al. 2 LPAC). L'effet immédiat peut agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (art. 28 al. 4 in fine LPAC).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249).

Alors qu'en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d'une telle diversité qu'il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (Ursula MARTI/Roswitha PETRY, La jurisprudence en matière disciplinaire rendue par les juridictions administratives genevoises, RDAF 2007 p. 227 ss, p. 235 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, RJJ 1998, p. 62 ss).

La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/270/2019 du 19 mars 2019 consid. 8 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015 consid. 5e). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 55, p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50, p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51, p. 14).

c. La responsabilité disciplinaire des membres du personnel se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (art. 27 al. 7 LPAC).

d. En l'espèce, la sanction est intervenue dans le délai d'un an après la découverte de la violation des devoirs de service.

Dans l'appréciation de la sanction, il convient de tenir au crédit de l'intéressé qu'il n'a aucun antécédent disciplinaire et que ses états de service sont excellents. Dans ses évaluations, ses prestations ont été jugées très bonnes et ses compétences professionnelles étaient unanimement reconnues.

Il y a également lieu de relever, en faveur du recourant, que tant l'enquêteur que l'autorité intimée s'accordent sur le fait que ses manquements n'ont pas eu d'incidence sur le suivi du dossier des enfants de Mme B______.

Le manquement reproché est cependant grave. Il s'inscrit dans le contexte de la gestion d'un dossier concernant des personnes vulnérables, à savoir de la situation de mineurs et de leur mère ayant été recueillis dans la rue, démunis de tout moyen de subsistance. La garde des enfants cadets était disputée entre leurs parents et la procédure les concernant a, notamment, abouti à l'émission d'un mandat d'arrêt dirigé contre leur mère, qui depuis octobre 2015 avait voyagé en Europe, à la recherche d'un lieu où elle pouvait s'établir avec ses enfants. Cette situation nécessitait une prise en charge d'urgence et plaçait les personnes concernées, notamment la mère, dans un état de dépendance des décisions rendues et propositions faites par le fonctionnaire en charge de leur dossier.

Dans ce contexte, les administrés, singulièrement la mère des enfants, devaient pouvoir placer toute leur confiance dans le recourant. De même, l'État doit pouvoir compter sur l'indépendance de ses collaborateurs et leur capacité à éviter toute situation susceptible de mettre à mal l'apparence de leur indépendance. Celle-ci n'a, en l'espèce, pas été préservée. Le comportement du recourant s'est étendu sur plusieurs mois, à savoir à tout le moins du 23 novembre 2016 au mois d'août 2017. Ce n'est que parce que l'administrée a dénoncé la situation que celle-ci a éclaté au grand jour. Pendant toute cette période, le recourant a laissé perdurer une situation qu'il savait inadmissible.

En effet, lors de l'entretien de service, il a indiqué qu'il avait dit à Mme B______ que si leur relation était découverte, il se ferait « virer de son travail ». Il était également conscient de la situation de vulnérabilité de celle-ci et de dépendance dans laquelle il la plaçait. En effet, lors dudit entretien, il a relevé, en parlant de sa relation avec Mme B______, que la situation où des « sauveurs » que celle-ci avait rencontrés dans sa vie étaient « souvent devenus des bourreaux » se reproduisait. Il a alors, à plusieurs reprises, utilisé le terme « d'inceste professionnel » en qualifiant sa relation avec Mme B______. Le recourant avait ainsi une conscience aiguë de ce que son comportement consistant à ne pas se dessaisir du dossier des enfants de la personne avec qui il entretenait une relation intime constituait une faute grave.

Il a néanmoins conservé le dossier par devers lui, tu la situation à ses supérieurs et même fait état, dans ses rapports privés avec l'administrée concernée, du pouvoir que ses fonctions professionnelles lui conféraient, introduisant un mélange entre ses fonctions et ses relations privées, alors que l'administrée et ses enfants se trouvaient dans une dépendance particulière à l'égard de l'État, notamment de son représentant, et que la mère des enfants avait, dans son passé, subi des actes de violence et de domination, dont le recourant avait connaissance. Ces éléments rendent la faute commise particulièrement grave.

Le poste d'intervenant en protection de l'enfant implique des contacts réguliers avec le public, à savoir non seulement les administrés, vulnérables, et le réseau social, les foyers et travailleurs sociaux, mais également avec les juridictions civiles et pénales appelées à traiter les aspects judiciaires des dossiers confiés audit intervenant. Ce poste doit être occupé par des personnes au-dessus de tout soupçon. Il en va de la crédibilité du SPMi, mais également de celle de l'État de Genève.

Une sanction moins incisive que la révocation n'est, en l'espèce, pas envisageable, car inapte à rétablir le lien de confiance entre l'État et le recourant. Contrairement à ce que soutient ce dernier, le fait d'avoir fait l'objet d'une procédure pénale et d'avoir eu à se justifier sur la manière dont il avait traité le dossier E______ ne constituent pas une sanction. Au demeurant, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, le Conseil d'État se devait de déposer plainte pénale, le soupçon d'une éventuelle contrainte par le recourant dans ses relations intimes avec Mme B______ justifiant pleinement que l'employeur dénonce les faits au Ministère public. En outre, les propos de Mme F______ tenus à la collaboratrice du SPMi justifiaient également que le Conseil d'État étende l'enquête déjà en cours à ceux-ci.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la révocation du recourant apparaît proportionnée aux actes qui lui sont reprochés. L'autorité intimée n'a ainsi pas abusé du pouvoir d'appréciation dont elle jouit dans la fixation de la sanction disciplinaire.

Le recours sera donc rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2018 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil d'État du 5 septembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 1113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :