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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1647/2021

ATA/56/2022 du 25.01.2022 ( AMENAG ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 02.03.2022, rendu le 25.10.2022, IRRECEVABLE, 2C_200/2022
Descripteurs : DROIT FONCIER RURAL;EXPLOITANT À TITRE PERSONNEL;INTÉRÊT ACTUEL;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;PRIX SURFAIT;PROMESSE DE CONTRACTER;VENTE;REPRÉSENTATION EN PROCÉDURE
Normes : LaLAT.10.al8; LaLDFR.10; LDFR.6.al1; LDFR.9.al1; LDFR.9.al2; LDFR.61.al1; LDFR.61.al2; LDFR.61.al3; LDFR.65.al1.leta; LDFR.66.al1; LDFR.84; LPA.9.al1; LPA.60.al1; RaLDFR.10
Résumé : Celui qui entend acquérir une entreprise ou un immeuble agricole doit obtenir une autorisation. L’autorisation est accordée s’il n’existe aucun motif de refus. Le fait pour l’acquéreur de ne pas être exploitant à titre personnel constitue l’un des motifs de refus. Le prix convenu surfait constitue un autre motif de refus. Par ailleurs, l’acquisition d’un immeuble agricole par la collectivité ou par l’un de ses établissements est autorisée quand elle est nécessaire à l’exécution d’une tâche publique prévue conformément aux plans du droit de l’aménagement du territoire. Les motifs de refus d’une autorisation ne peuvent pas être invoqués lorsque l’acquisition d’un immeuble par la collectivité est nécessaire à l’exécution d’une tâche publique.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1647/2021-AMENAG ATA/56/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 janvier 2022

 

dans la cause

 

CONSEIL D'ÉTAT

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE

et

Mme A______
M. B______
M. C______
Mme D______
Mme E______



EN FAIT

1) a. Mmes A______, D______ et E______ et MM. B______ et C______ (ci-après : les consorts) sont propriétaires de la parcelle n° 1______ de 4'275 m2 de la commune decomposée en partie d’une pelouse tondue et d’une surface carrossable revêtue de « tout-venant », entourée de haies et de clôtures et fermée par un portail métallique. La parcelle n° 1______ est enclavée dans la parcelle n° 2______ de 57'459 m2, propriété de l’État de Genève, utilisée depuis 1963 à titre de jardins familiaux de G______ et de H______. Les consorts sont aussi copropriétaires, à hauteur d’un sixième, de la parcelle n° 3______ de 375 m2, dépendance des parcelles nos 4______, 1______ et 2______ et constituant un étroit chemin d’accès à la parcelle n° 1______. Les parcelles nos 1______ et 3______ sont situées en zone agricole sans appartenir néanmoins à une entreprise agricole. La parcelle n° 1______ est soumise au droit foncier rural, ce qui n’est pas le cas de la parcelle n° 3______.

b. W______ est une association faitière de l’agriculture genevoise au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) qui a son siège à F______. Elle a pour buts notamment de représenter les intérêts de l’agriculture, des agriculteurs et des sociétés agricoles aux niveaux politique et économique, de soutenir une agriculture durable, diversifiée et de qualité, de veiller à la préservation des terres agricoles et au développement rural et de fournir à ses membres, aux tiers et à la collectivité des services relevant de son expertise en matière agricole. Elle est membre associée d’I______ Sàrl, inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 20 octobre 2016 et ayant son siège à F______. Cette dernière a pour buts notamment des prestations en matière de comptabilité, de gestion d'entreprise et de fiscalité aux agriculteurs genevois, et la réalisation d'expertises et de mandats en relation avec l'agriculture, la nature, le paysage et l'aménagement du territoire.

c. J______ SA (ci-après : J______), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 15 février 2016, a pour but notamment l’exploitation, le traitement, le transport et la vente de graviers, de sables et de tous autres matériaux de construction ; l’achat et la vente de tout matériel d'exploitation de gravière ; la prise de participations dans le capital et l'administration de sociétés, et toutes opérations immobilières, à l'exclusion des opérations prohibées par la législation suisse. Elle a pour administratrice, Mme K______, M. L______ étant son administrateur président, au bénéfice chacun d’un droit de signature individuelle.

2) Par décision du 12 septembre 2007, la commission foncière agricole (ci-après : CFA) a autorisé la division de la parcelle n° 5______ de la commune de F______ en la parcelle n° 4______ de 1'000 m2 abritant une habitation et n’ayant pas d’affectation agricole, propriété de Mme et M. M______, et la n° 1______ susmentionnée. Elle a aussi constaté le désassujettissement de la parcelle n° 4______ au droit foncier rural.

3) Le 12 décembre 2007, les consorts ont conclu avec M. N______ (ci-après : le locataire) un contrat de bail non agricole portant sur la parcelle n° 1______. Le locataire souhaitait utiliser celle-ci à des fins de dépôt et de parc d’agrément en lien avec son activité de paysagiste.

4) En 2010, une motion du Grand Conseil (ci-après : M 1986) a proposé de construire une route d’évitement entre la route de O______ et celle de F______, appelée le barreau routier de G______ (ci-après : barreau routier), indispensable à la réalisation du projet de la zone industrielle de P______, F______ et Q______ (ci-après : R______).

Le barreau routier constituerait « l’épine dorsale » du nouveau concept de mobilité dans le secteur en permettant la desserte de zones industrielles et en déchargeant le réseau routier cantonal. Il était inscrit dans le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030).

5) Le 10 avril 2019, le Conseil d’État a présenté au Grand Conseil un projet de loi (ci-après : PL 6______) ouvrant un crédit d’investissement de CHF 91'724'671.- en vue de réaliser une nouvelle infrastructure routière reliant les zones industrielles de la R______ à la route du S______ et un crédit de CHF 5'352'913.- au titre de subvention cantonale d’investissement pour la construction de la demi-jonction de Q______-S______ au bénéfice de l’office fédéral des routes (ci-après : OFROU) et pour des mesures de mobilité douce au bénéfice des communes de Q______ et F______.

Selon l’exposé des motifs, le crédit d’investissement devait permettre de construire la demi-jonction autoroutière de Q______-S______ et d’accompagner la réalisation du barreau routier de mesures en faveur de la mobilité douce. Une amélioration du transport des marchandises et de la mobilité des personnes était nécessaire pour faciliter l’accessibilité du site. L’objectif du barreau routier était de donner à la zone industrielle un accès direct à l’autoroute afin de décharger le trafic transitant par le village de Q______ et les routes cantonales et de fluidifier le réseau autoroutier entre les jonctions de P______ et de Q______ et celle de Bernex. La réalisation du projet devait tenir compte de certaines contraintes notamment celles de minimiser les pertes de surfaces d’assolement et des surfaces agricoles, de garantir l’exploitabilité agricole, de minimiser l’impact sur le paysage et les jardins familiaux et d’assurer la coordination avec le plan directeur des gravières.

6) Dès 2019, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a entamé des démarches auprès des consorts en vue de trouver un accord portant sur l’achat des parcelles nos 1______ et 3______.

7) Le 22 juillet 2019, la commission des travaux chargée d’examiner le PL 6______ a rendu son rapport (ci-après : PL 6______-A) dans lequel elle a relevé notamment que la construction du barreau routier aurait une influence sur les jardins familiaux. Leur relocalisation sur des terrains de l’État qui ne pouvaient plus accueillir de logements à cause de la proximité de l’aéroport de Genève était envisagée. Une surface d’assolement de 6 ha serait donnée à l’agriculture.

8) Le 13 septembre 2019, le Grand Conseil a adopté la loi 6______.

Une enveloppe de CHF 6'693'664.- était consacrée à l’acquisition de terrains liés au projet du barreau routier. L’achat des parcelles nos 1______ et 3______ permettait à l’État de mettre en œuvre trois objectifs, à savoir de relocaliser provisoirement une partie des jardins familiaux de G______ et de H______, de coordonner la construction du barreau routier avec le plan directeur des gravières dont l’exploitation était prévue sur les parcelles nos 2______, 1______ et 3______, et de reconditionner puis restituer l’ensemble des parcelles considérées à un usage agricole. Les parcelles nos 1______ et 3______ ne se trouvaient pas dans le périmètre du barreau routier, mais elles serviraient de remplacement pour les jardins familiaux qui se trouvaient dans celui-ci, en vue de les déménager ensuite sur le site de T______ à réaliser ultérieurement.

La réalisation des travaux du barreau routier engendrerait la disparition d’une partie des jardins familiaux se trouvant dans son périmètre. L’ensemble des mesures prévues était déclaré d’utilité publique.

9) Le 6 février 2020, les consorts ont adressé à M. N______ un courrier rappelant son engagement du 31 janvier 2020 de nettoyer leur propriété avant de la restituer le 31 décembre 2021.

L’État de Genève était d’accord d’assumer un supplément de frais de CHF 13'000.-, correspondant au démontage et à l’évacuation des installations de la parcelle n° 1______. Acquéreur du terrain, l’État de Genève acceptait aussi de lui allouer CHF 54'000.- pour clore la transaction. L’accord de l’intéressé annulait de manière définitive le contrat de bail non agricole.

10) Le 13 mai 2020, un projet d’acte de vente entre les consorts et l’État de Genève portant sur la parcelle n° 1______ et un sixième de la parcelle n° 3______ a été établi par un notaire à la demande des premiers. Il a été mis à jour le 23 juin 2020.

L’acquisition des parcelles précitées s’inscrivait dans le cadre de la loi 6______ et revêtait un but d’utilité publique. L’État de Genève s’engageait à reprendre le contrat de bail passé avec M. N______. Par un accord passé entre les consorts et le locataire, la parcelle devait être libérée complétement au 31 décembre 2021, moyennant la gratuité du loyer à compter de l’acquisition des parcelles par l’État jusqu’à l’échéance convenue.

Le prix de vente des deux parcelles, déjà versé antérieurement à la promesse de vente sur le compte du notaire chargé d’instrumenter l’acte de vente, était fixé à CHF 217'000.-, soit CHF 50.- le m2. Il correspondait à celui pratiqué par l’État de Genève dans les zones de jardins familiaux. Il avait été déterminé d’entente avec les acteurs concernés, à savoir les consorts, l’État de Genève, W______ et les communes de F______ et Q______. Le projet prévoyait l’obtention d’une autorisation de vente auprès de la CFA. Les parcelles nos 1______ et 3______ ne devaient pas être assujetties au droit foncier rural.

L’État de Genève avait également payé aux consorts une indemnité de CHF 73'000.- visant à compenser la perte occasionnée par la résiliation du contrat de bail non agricole précité et à valoriser les aménagements réalisés sur la parcelle concernée. Il avait aussi versé un montant de CHF 54'000.- au locataire pour le dédommager en raison de la résiliation du bail et lui permettre de libérer à l’échéance convenue la parcelle vendue de tous meubles et objets mobiliers.

11) Le 23 juin 2020, le notaire susmentionné a, au nom des consorts et de l’État de Genève, déposé auprès de la CFA une requête en autorisation de vendre les parcelles nos 1______ et 3______ en application des dispositions relatives à l’expropriation pour but d’utilité publique.

L’acquisition s’inscrivait dans le cadre de la loi 6______ prévoyant un déplacement des jardins familiaux de G______ et de H______. Les deux parcelles considérées étaient enclavées au milieu de ces derniers et avaient encore une affectation agricole, même si elles ne pouvaient plus servir à l’exploitation de grandes cultures. Un prix maximal « désassujetti » dans un tel cas était fixé à CHF 50.- le m2 selon l’inventaire de la zone agricole et eu égard au principe de l’égalité de traitement.

12) Le 8 décembre 2020, la CFA a entendu les consorts et les représentants de l’État de Genève, notamment M. U______ de l’OCLPF, à la suite d’une ordonnance préparatoire du 28 septembre 2020 convoquant les parties à une audience.

a. Selon le notaire mandaté pour instrumenter l’acte de vente, la parcelle n° 3______ n’était pas soumise au droit foncier rural, mais la parcelle n° 1______ l’était.

b. D’après le représentant de l’État, celui-ci était propriétaire des jardins familiaux entourant les parcelles enclavées. Une vingtaine de ceux-ci seraient touchés par le projet de construction du barreau routier. L’État devait dans un premier temps procéder à des rocades en vue de relocaliser ceux appelés à disparaître. Il avait passé un accord avec les propriétaires de la parcelle n° 4______. Certes, les consorts n’avaient aucune obligation de céder leurs biens à l’État. Ils pouvaient se mettre d’accord avec un graviériste. Toutefois, il fallait éviter un prix du terrain qui serait excessif compte tenu de la possibilité d’exploiter une gravière. Des terrains comme les parcelles considérées valaient, selon les statiques, des centaines voire plusieurs milliers de francs le m2. L’État devait en outre agir dans un souci d’égalité de traitement.

13) Le 12 janvier 2021, la CFA a, dans une autre ordonnance préparatoire, imparti aux parties un délai pour se déterminer sur le procès-verbal de l’audition du 8 décembre 2020. Elle leur a aussi demandé de lui transmettre un exemplaire de la loi 6______.

14) Le 1er février 2021, l’OCLPF a transmis à la CFA la loi 6______ et a requis une décision sur la demande d’autorisation de vente de la parcelle n° 1______.

La maîtrise de la parcelle n° 1______ était essentielle pour réaliser le programme d’utilité publique déterminé par les mesures d’accompagnement de la loi 6______. Les travaux du barreau routier étaient prévus pour 2023. La parcelle n° 1______ devait servir pour la relocalisation provisoire d’une partie des jardins familiaux du périmètre jusqu’à leur déménagement sur le site de T______. À la fin de la première phase du programme, elle servirait à l’exploitation d’une gravière publique. À la fin de la concession, elle serait rétrocédée à l’agriculture.

15) Le 22 février 2021, Me V______, notaire, a requis du registre foncier l’annotation d’un droit d’emption sur la parcelle n° 1______ en faveur de J______, avec échéance au 18 février 2031.

16) Par décision du 9 mars 2021, la CFA a rejeté la requête en autorisation d’acquisition des parcelles nos 1______ et 3______ par l’État de Genève et constaté qu’elle n’avait pas à examiner les conditions d’exception au principe de leur exploitation à titre personnel. Elle a également constaté que ni les conditions d’une autorisation d’acquisition par les pouvoirs publics ni celles relatives au principe de l’autorisation par l’autorité n’étaient réalisées.

L’acquisition de la parcelle n° 1______ par l’État de Genève, non exploitant à titre personnel en sa qualité de collectivité publique, à un prix surfait de CHF 50.- le m2 ne réalisait pas les conditions de l’autorisation. Celle de la parcelle n° 3______ n’était pas soumise au principe de l’autorisation. En sa qualité de dépendance, elle suivait néanmoins juridiquement le sort de la parcelle n° 1______.

La parcelle n° 1______ était assujettie au droit foncier rural. Son usage effectif était de nature à lui faire perdre son usage objectivement agricole. Son acquisition par l’État de Genève ne bénéficiait pas d’une exception au principe de l’autorisation par l’autorité. Elle ne constituait pas une expropriation ou une amélioration foncière opérée avec le concours de l’autorité dans le cadre de la réalisation des travaux de construction du barrage routier. Elle était un préalable à la réalisation des travaux de construction de celui-ci. Elle n’avait pas lieu dans le cadre de la réalisation d’une tâche publique, mais dans celui d’une mesure d’accompagnement préalable à celle-ci. Elle n’était pas un remploi dans la mesure où la parcelle concernée servirait uniquement temporairement de remplacement pour les jardins familiaux se trouvant dans le périmètre du projet et qui seraient ensuite déménagés sur le site de T______. La parcelle considérée servirait ensuite à l’exploitation d’une gravière publique, et, à la fin de la concession, elle serait rétrocédée à l’agriculture.

Le prix de CHF 50.- le m2 pour un terrain agricole assujetti au droit foncier rural devait être considéré à Genève comme surfait, même s’il résultait d’un consensus de tous les acteurs, notamment W______. L’État de Genève, en sa qualité de collectivité publique, ne pouvait en outre pas être considéré comme un exploitant à titre personnel. Les exceptions au principe de l’exploitant à titre personnel étaient au demeurant soumises à l’interdiction du prix surfait. L’acquisition de la parcelle n° 1______ était soumise ainsi au principe de l’autorisation par l’autorité.

17) Par courriel du 30 avril 2021, M. X______ a, pour le compte de J______, demandé à M. U______ et M. Y______ de l’OCLPF de lui communiquer toutes les correspondances en raison d’une procuration qui lui avait été délivrée par les consorts pour les représenter auprès de l’État à partir de la signature de la promesse.

Les consorts avaient signé avec J______ une promesse de vente et d’achat assortie d’un droit d’emption portant sur la parcelle n° 1______. Ils ne souhaitaient plus vendre leur parcelle à l’État de Genève.

18) Par acte déposé le 11 mai 2021, l’OCLPF, sur délégation du Conseil d’État, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 9 mars 2021, concluant à son annulation, au prononcé du désassujettissement au droit foncier rural des parcelles nos 1______ et 3______, subsidiairement à l’autorisation d’acquisition, par l’État de Genève, de la parcelle n° 1______, et de sa dépendance n° 3______, à un prix de CHF 217'000.-. Il a aussi conclu au renvoi de la cause à la CFA pour délivrer une décision de non-assujettissement, au droit foncier rural, de l’acquisition de la parcelle n° 1______ et de sa dépendance n° 3______ par l’État de Genève.

La parcelle n° 3______ n’était pas assujettie au droit foncier rural. La parcelle n° 1______ se trouvait certes en zone agricole. Toutefois, elle n’était pas appropriée à un usage agricole. Elle était enclavée dans la parcelle n° 2______ sur laquelle étaient situés des jardins familiaux depuis 1963. Elle jouxtait la parcelle n° 4______ sur laquelle était érigée une habitation accessible par la parcelle n° 3______. Celle-ci constituait un étroit chemin d’accès qui ne permettait pas d’envisager le passage de machines et autres engins agricoles. La parcelle n° 1______ faisait l’objet d’un bail non agricole depuis 2007. Son utilisation à des fins agricoles avait été exclue depuis 1963 en raison de son utilisation subjective effective, de son accessibilité réduite, de sa proximité immédiate avec une habitation et de son enclavement au milieu de jardins familiaux et de sa configuration depuis plus d’un demi-siècle. Le prix d’achat de CHF 50.- le m2 correspondait au prix maximal pratiqué par l’État dans des zones agricoles non assujetties au droit foncier rural. Les parcelles nos 1______ et 3______ devaient être soustraites du champ d’application du droit foncier rural.

L’acquisition des parcelles nos 1______ et 3______ constituait une étape indispensable de la mise en œuvre des travaux de construction du barreau routier, partant, de l’exécution d’une tâche d’intérêt public, et répondait aux exigences du PDCn 2030 en lien avec les jardins familiaux et la future gravière. Ces deux parcelles se trouvaient dans le périmètre stratégique du projet. Leur acquisition ne constituait pas uniquement une simple mesure d’accompagnement, préalable au barreau routier, mais une étape indispensable des travaux. Elle permettait à l’État de Genève de mettre en œuvre les trois objectifs précités d’utilité publique.

Le motif d’un prix surfait ne pouvait pas être invoqué dans le cadre de l’autorisation d’une acquisition nécessaire à l’exécution d’une tâche publique. Au demeurant, l’acquisition des parcelles considérées par l’État correspondait à une amélioration foncière au vu des objectifs poursuivis.

19) Le 21 mai 2021, J______ a, au nom et pour le compte des consorts, informé la chambre administrative que la parcelle, objet de la décision querellée lui avait été « promise-vendue » en date du 18 février 2021, par la signature d’une promesse de vente et d’achat instrumentée par un notaire. Le droit d’emption qui lui avait été octroyé avait été inscrit au registre foncier. Le recours déposé par le Conseil d’État était dès lors devenu sans objet, la vente à l’État ne pouvant pas se réaliser. Celui-ci avait été informé de la transaction le 30 avril 2021.

20) Le 29 mai 2021, M. B______ a adressé à la chambre administrative, au nom des consorts, une procuration-convention octroyée à J______ concernant la parcelle n° 1______.

La convention signée donnait procuration à J______ pour agir au nom et pour le compte des consorts auprès de l’État et/ou des autorités et dans le cadre de toutes démarches et/ou des autorités en lien avec l’acquisition de la parcelle concernée. Elle visait à régler la question de la prise en charge des éventuelles demandes d’indemnisation ou procédures qui pourraient être déposées par l’État à la suite de la conclusion de la promesse de vente et d’achat de la parcelle n° 1______ entre les consorts et J______. La promesse devait déployer ses effets à l’entrée en force d’une décision de la CFA autorisant l’acquisition ou constatant le non-assujettissement de la parcelle n° 1______ au droit foncier rural. J______ s’engageait à se charger à ses frais de procéder à toutes les démarches et, le cas échéant, à toutes les procédures à son libre choix et de ses propres mandataires auprès de l’État et/ou des autorités, en cas de réclamation de la part de l’État. Elle s’engageait également à mener et prendre en charge tout éventuel litige à l’encontre de l’État et toute indemnisation qui serait réclamée par ce dernier en lien avec son acquisition de la parcelle, à la décharge des consorts. De leur côté, ces derniers lui garantissaient n’avoir signé aucun engagement écrit, ni en forme authentique relatif à la vente de la parcelle à l’État de Genève.

21) Le 9 juin 2021, la CFA a conclu au rejet du recours.

Les consorts s’étaient engagés à vendre leur parcelle à J______, moyennant un droit d’emption annoté au registre foncier jusqu’au 18 février 2031. Le Conseil d’État était informé de cette situation depuis le 30 avril 2021, soit avant le dépôt de son recours. La question de son intérêt digne de protection à recourir se posait.

La parcelle concernée disposait d’une couche suffisante pour produire de la végétation et ainsi être objectivement appropriée à un usage agricole. Malgré son usage subjectif, son usage agricole était envisageable pour l’avenir. La parcelle n° 1______ était assujettie au droit foncier rural. Au demeurant, la CFA avait le 12 septembre 2007 accepté la division de la parcelle n° 5______ et le
non-assujettissement de la parcelle n° 4______, tout en maintenant la n° 1______ assujettie au droit foncier rural.

Le prix licite autorisé à Genève pour un terrain agricole assujetti au droit foncier rural était de CHF 8.- le m2. Celui de CHF 50.- le m2 était surfait. De plus, la parcelle n° 1______ et sa dépendance ne se trouvaient pas dans l’axe du barreau routier. L’exception d’une acquisition à un prix licite ne pouvait pas s’appliquer. Admettre une telle exception permettrait à l’État d’acquérir à un prix surfait une parcelle qui ne serait pas à l’avenir durablement affectée à une tâche publique, mais uniquement utile temporairement à l’exécution d’une telle tâche. L’État pouvait alors utiliser une telle exception pour spéculer sur le prix d’un terrain agricole qui ne serait pas durablement affecté à une tâche publique. Il acquérait, en l’occurrence, la parcelle n° 1______ et sa dépendance a un prix inférieur à sa valeur d’estimation, mais supérieure au prix licite d’un terrain agricole.

Les consorts avaient préféré conférer un droit d’emption à J______, annoté au registre foncier jusqu’en 2031, à un prix devant être supérieur à celui proposé par l’État de Genève en raison de l’exploitation d’une gravière. La parcelle n° 3______ étant une dépendance de la n° 1______, leur sort était lié.

22) Dans sa réplique, le Conseil d’État a contesté que J______ ait la qualité de mandataire professionnellement qualifiée (ci-après : MPQ) en vue de représenter les intérêts d’une partie dans le cadre d’une procédure de recours en matière de droit foncier rural. Le courrier du 21 mai 2021 devait être écarté de la procédure.

La promesse de vente entre J______ et les consorts était soumise à plusieurs conditions suspensives, notamment celle du désassujettissement de la parcelle n° 1______ au droit foncier rural. J______ n’avait pas de garantie de la réalisation de cette condition. Les discussions entre les consorts et l’État de Genève avaient débouché sur un projet d’acte de vente des parcelles nos 1______ et 3______, un accord avec le locataire, une requête auprès de la CFA et un accord de principe portant sur la relocalisation des consorts après l’acquisition par l’État de la parcelle n° 4______ sur laquelle se trouvait une habitation. De plus, l’argument de J______ relevait du droit privé.

La maîtrise des parcelles nos 1______ et 3______ par l’État en vue de la réalisation des buts d’intérêt public liés à la construction du barreau routier était importante. L’État pouvait, au demeurant, procéder à une expropriation pour cause d’utilité publique.

L’usage agricole de la parcelle n° 1______ était inenvisageable en l’état. Son acquisition et son affectation comme gravière permettraient à terme son reconditionnement et celui de la parcelle n° 2______ l’entourant et sa restitution à un usage agricole. La position contradictoire de la CFA persistant à s’opposer au désassujettissement de la parcelle n° 1______ équivalait à priver le canton de futures surfaces d’assolement.

Pour le surplus, le Conseil d’État a repris ses arguments antérieurs.

23) Dans sa duplique, la CFA a contesté que l’exploitation d’une gravière puisse être considérée comme la réalisation d’une tâche publique. L’acquisition de la parcelle n° 1______ par l’État ne permettrait pas le reconditionnement de celle-ci et sa restitution à un usage agricole. Seule la nature de la zone dans laquelle se trouvait une parcelle pouvait produire un tel effet. Acquise par l’État ou un tiers, la parcelle n° 1______ devait être reconditionnée et restituée à un usage agricole. Celui-ci était dès lors envisageable pour l’avenir.

24) Dans ses ultimes observations, le Conseil d’État a relevé que la parcelle n° 1______ s’inscrivait dans la lignée des parcelles qui avaient été désassujetties par l’ancien Tribunal administratif. Ce désassujettissement permettrait, à très long terme, sa réaffectation en surface d’assolement et la réalisation de plusieurs objectifs d’intérêt public. La condition sine qua non de la restitution des parcelles nos 1______ et 3______ comme surfaces d’assolement était leur désassujettissement au droit foncier rural. L’État n’avait pas d’intention spéculative par rapport au prix de CHF 50.- le m2, fixé en concertation avec W______. La CFA outrepassait ses compétences en refusant de désassujettir les parcelles nos 1______ et 3______ ou d’autoriser leur aliénation au seul motif erroné d’un contrôle spéculatif sur le prix du terrain par l’État de Genève.

25) Dans ses ultimes observations, la CFA a souligné que seule une parcelle assujettie au droit foncier rural avant l’entrée en force du plan d’extraction d’une gravière redevenait assujettie au droit foncier rural dès la fin de l’exploitation constatée par le Conseil d’État. L’assujettissement au droit foncier rural était uniquement suspendu temporairement. En maintenant la parcelle n° 1______ assujettie elle s’assurait de son assujettissement à nouveau au droit foncier rural après l’exploitation de la gravière. Lors de la division de la parcelle n° 5______, la n° 1______ avait été maintenue sous le régime de l’assujettissement. Or, le Conseil d’État n’avait démontré aucun changement d’affectation intervenu depuis lors et qui justifiait son désassujettissement.

W______ était une association de droit privé qui n’avait aucune compétence légale administrative ou de droit public en matière de droit foncier rural, indépendamment de ses mandats de conseils ou d’expertises. En prenant une décision qui n’était pas conforme au conseil ou expertise d’W______, la CFA n’outrepassait pas ses compétences.

26) Après avoir transmis aux parties leurs ultimes observations respectives, la chambre administrative a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 13 de la loi d’application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 - LaLDFR - M 1 10).

2) D’après l’autorité intimée, la question de l’intérêt digne de protection à recourir du Conseil d’État se pose dans la mesure où celui-ci avait été informé avant le dépôt de son recours que les consorts s’étaient engagés à vendre leur parcelle à J______.

a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/1392/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a ; ATA/236/2013 du 16 avril 2013 consid. 2b).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; 135 I 79 consid. 1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1).

b. En l'espèce, les consorts et l’État de Genève ont, le 23 juin 2020, déposé auprès de la CFA une requête en autorisation de vendre les parcelles nos 1______ et 3______. Ceux-là savaient, au moment de signer la promesse de vente-achat avec J______, le 18 février 2021, qu’une procédure était pendante auprès de la CFA et après leurs nouveaux engagements, ils n’ont pas remis en cause ladite procédure. Le 9 mars 2021, la CFA a rendu sa décision contestée. Par ailleurs, la promesse de vente-achat entre J______ et les consorts est soumise à plusieurs conditions suspensives, notamment celle du désassujettissement de la parcelle n° 1______ au droit foncier rural. Elle devait déployer ses effets à l’entrée en force d’une décision de la CFA autorisant l’acquisition ou constatant le non-assujettissement de la parcelle n° 1______ au droit foncier rural. Dans ces circonstances, le Conseil d’État a toujours un intérêt digne de protection à ce que la chambre administrative entre en matière et se prononce sur son recours contre la décision de la CFA qui rejette la demande d’autorisation d’acquisition de la parcelle n° 1______ et d’un dixième de la parcelle n° 3______.

Le recours est ainsi recevable.

3) Selon l’autorité recourante, le courrier du 21 mai 2021 de J______ doit être écarté de la procédure dans la mesure où la qualité de MPQ ne peut pas lui être reconnue en vue de représenter les intérêts des consorts dans le cadre d’une procédure de recours en matière de droit foncier rural.

a. Les parties, à moins qu’elles ne doivent agir personnellement ou que l’urgence ne le permette pas, peuvent se faire représenter par un conjoint, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un MPQ pour la cause dont il s’agit (art. 9 al. 1 LPA), étant précisé que ce dernier intervient nécessairement comme défenseur de choix et ne peut être nommé d'office (arrêt du Tribunal fédéral 2C_835/2014 du 22 janvier 2015 consid. 5).

Par cette disposition, le législateur cantonal a manifesté son intention de ne pas réserver le monopole de représentation aux avocats en matière administrative, dans la mesure où un nombre important de recours exige moins de connaissances juridiques que de qualifications techniques (MGC 1968 p. 3027 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.416/2004 du 28 septembre 2004 consid. 2.2). L’art. 9 LPA n’a pas pour but de permettre la représentation et l’assistance des parties par tout juriste qui n’est pas titulaire du brevet d’avocat, mais repose sur le constat que certaines personnes, qui ont des qualifications techniques dans certains domaines, sont à même de représenter avec compétence leur client dans le cadre de procédures administratives, tant contentieuses que non contentieuses (ATA/1155/2021 du 1er novembre 2021 consid. 3a ; ATA/777/2019 du 16 avril 2019 consid. 2a).

L’aptitude à agir comme MPQ doit être examinée de cas en cas, au regard de la cause dont il s’agit ainsi que de la formation et de la pratique de celui qui entend représenter une partie à la procédure. Il convient de se montrer exigeant quant à la preuve de la qualification requise d’un mandataire aux fins de représenter une partie, dans l’intérêt bien compris de celle-ci et de la bonne administration de la justice, surtout en procédure contentieuse (ATF 125 I 166 consid. 2b/bb). Pour recevoir cette qualification, le mandataire doit disposer de connaissances suffisantes dans le domaine du droit dans lequel il prétend être à même de représenter une partie (ATA/1155/2021 précité).

b. En l’espèce, les buts poursuivis par J______ notamment d’exploitation, de traitement, de transport et de vente de graviers, de sables et de tous autres matériaux de construction ne permettent pas prima facie d’inférer qu’elle possède des compétences dans le domaine du droit foncier rural pour représenter les consorts dans le cadre d’une procédure administrative devant la chambre de céans. En outre, la convention signée entre celle-ci et les consorts semble en l’état régler des questions qui relèvent du droit privé notamment celle d’une éventuelle demande d’indemnisation de l’État de Genève aux consorts à la suite du projet d’acte de vente du 13 mai 2020 entre les deux parties. J______ s’engageait alors à se charger à ses frais de toutes les procédures auprès de l’État et/ou des autorités et de choisir ses propres mandataires. Au demeurant, le courrier en cause a été repris par celui du 29 mai 2021 de l’un des consorts à la chambre de céans, de sorte que celui-là n’exerce aucune influence sur l’issue du litige.

La qualité de MPQ de J______ peut dans ces conditions souffrir de rester indécise.

4) Le litige porte sur la décision de l'autorité intimée rejetant la demande d’autorisation d’acquérir la parcelle n° 1______ et un sixième de la parcelle n° 3______ de la commune de F______ par l’État de Genève et refusant d’examiner si les conditions de l’exception au principe de leur exploitation à titre personnel et celles d’une autorisation de leur acquisition par les pouvoirs publics sont réalisées.

5) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

6) La loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) a pour but notamment d’encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d’une population paysanne forte et d’une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que d’améliorer les structures (art. 1 al. 1
let. a LDFR ; Yves DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence du droit foncier rural 1994-1998, n. 497 p. 192) ; de renforcer la position de l’exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d’acquisition d’entreprises et d’immeubles agricoles (let. b), et de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles (let. c).

Le but de politique agricole de la LDFR n’est pas simplement de maintenir le statu quo, mais de renforcer la position des exploitants à titre personnel et de privilégier l’attribution des immeubles à de tels exploitants lors de chaque transfert de propriété, c’est-à-dire de réellement promouvoir le principe de l’exploitation à titre personnel. La LDFR cherche, dans cette mesure, à exclure du marché foncier tous ceux qui visent à acquérir les entreprises et les immeubles agricoles principalement à titre de placement de capitaux ou dans un but de spéculation (ATF 145 II 328 consid. 3.3.1 et les références citées).

7) a. Aux termes de son art. 2 al. 1, la LDFR s'applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles agricoles faisant partie d'une entreprise agricole : qui sont situés en dehors d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (Loi sur l’aménagement du territoire - LAT - RS 700 ; let. a), et dont l'utilisation agricole est licite (let. b). Elle s'applique en outre aux immeubles à usage mixte, qui ne sont pas partagés en une partie agricole et une partie non agricole (art. 2 al. 2 let. d LDFR).

b. Selon l'art. 6 al. 1 LDFR, est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou horticole (ATF 132 III 515 consid. 3.2 ; 128 III 229 consid. 2), à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme (ATF 139 III 327 consid 2.1 ; Eduard HOFER, in Christoph BANDLI et al., Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, 1998, n. 7 ss ad art. 6 LDFR). En faisant abstraction des aires forestières, toutes les surfaces qui ne sont pas boisées et qui disposent d'une couche de terre suffisante pour produire de la végétation se prêtent à un usage agricole (ATF 139 III 327 consid. 2.1 ; Yves DONZALLAZ, op. cit., p. 49) ; parmi celles-ci, on trouve les prairies, les champs, les surfaces cultivables, les cultures fruitières et les pâturages (arrêts du Tribunal fédéral 2C_14/2020 du 18 juin 2020 consid. 5.1 ; 2C_1068/2019 du 26 mai 2020 consid. 2.1). Cette notion est identique à celle des terrains se prêtant à une exploitation agricole au sens de l'art. 16 al. 1 LAT (ATF 125 III 175 consid. 2b).

Si, du point de vue des plans d'affectation locaux, l'on admet qu'un immeuble non bâti est potentiellement soumis au régime de la LDFR, il conviendra encore d'examiner dans quelle mesure l'immeuble concerné est effectivement approprié à une utilisation agricole. Dès lors, ce n'est pas seulement l'admissibilité de l'utilisation agricole au sens de la LAT qui doit être donnée, mais aussi l'aptitude concrète d'un immeuble à cette utilisation (Yves DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse : droit public et droit privé, vol. 2, 2006, n. 2033 p. 176).

c. La caractéristique de l'aptitude est d'abord d'ordre objectif (ATF 139 III 327 consid. 2.1). Elle est néanmoins tempérée par une composante d'ordre subjectif, à savoir la prise en compte de l'usage effectif qui est fait de l'immeuble. Cette composante ne revêt qu'une portée subsidiaire. Elle ne doit pas conduire à contourner la LDFR (ATF 139 III 327 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A.2/2007 du 15 juin 2007 consid. 3.4 ; 5A.14/2006 du 16 janvier 2007 consid. 2.2.3). Dès lors qu'elle est de nature à faire perdre au terrain sa nature agricole, elle ne peut être déterminante qu'à trois conditions cumulatives strictes : l'usage non agricole doit durer depuis quelques dizaines d'années, il ne doit plus être envisageable pour l'avenir et les installations qui ont été érigées sur le terrain doivent l'avoir été de manière légale (ATF 139 III 327 consid. 2.2 et 3).

Dans un premier temps, l’usage non agricole doit durer depuis plusieurs années (ATF 139 III 327 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 du 1er septembre 2000 consid. 2b ; Message du Conseil fédéral du 19 octobre 1988 à l’appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural [LDFR] et de la loi sur la révision partielle du code civil [droits réels immobiliers] et du code des obligations [vente d’immeuble], FF 1998 III 917 n. 221.3 ; Yves DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural, op. cit., n. 62 p. 51-52 ; Eduard HOFER, op. cit., n. 16 ad art. 6 LDFR ; Yves DONZALLAZ, Commentaire de la LDFR, 1993, n. 81 p. 44). Ce critère doit être appliqué de façon stricte afin d’éviter tout comportement abusif. Le Tribunal fédéral a renoncé à fixer cette durée de manière abstraite. Il a toutefois établi qu’elle ne saurait être inférieure à quelques dizaines d’années (ATF 139 III 327 consid. 3.1). En particulier, un usage non agricole d’une dizaine d’années n’est pas suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 précité consid. 2b).

Il faut ensuite que l’usage agricole ne soit pas non plus envisageable pour l’avenir. Dans ce cas, une approche concrète est privilégiée. Il faut en particulier que l’évaluation repose sur des éléments objectifs autres que la nature du sol. Le long usage non agricole passé permet souvent de présumer, à défaut d’éléments nouveaux, qu’il en sera de même pour l’avenir. Il suffit donc qu’un tel usage non agricole futur soit seulement vraisemblable (ATF 139 III 327 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 précité consid. 2b).

Finalement, les installations qui ont été érigées sur le terrain doivent l’avoir été de manière légale, que ce soit par le biais d'une autorisation au sens des art. 22 et 24 ss LAT, ou encore qu'elles aient été implantées avant l'entrée en force de cette loi, respectivement lorsque l'immeuble se trouvait dans une zone alors constructible au sens de l’art. 24c LAT (ATF 139 III 327 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_458/2021 du 2 décembre 2021 consid. 4.1).

d. Le fait que l’environnement général soit agricole n’est pas propre, à lui seul, à empêcher la soustraction d’un immeuble au champ d’application de la LDFR. Il est ainsi insuffisant de retenir l’existence d’immeubles agricoles plus ou moins proches pour faire obstacle à la soustraction du champ d’application de la LDFR en partant de la présomption qu’un usage agricole futur demeure possible (ATF 139 III 327 consid. 4).

Est ainsi approprié à l’agriculture l’immeuble effectivement exploité selon un mode agricole et ne l’est pas celui qui, objectivement apte à un tel usage, n’a plus été utilisé pour l’agriculture depuis de nombreuses années et ne le sera vraisemblablement plus à l’avenir (Yves DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse, op. cit., p. 176-177). L’usage effectif n’est en résumé pas déterminant dans la mesure où il est récent. Par contre, son existence prolongée ferait perdre au terrain sa nature objectivement agricole (ATA/807/2012 du 27 novembre 2012 consid. 3b).

e. En l'espèce, la parcelle n° 1______ est proche de la parcelle n° 4______ dont la CFA a constaté le désassujettissement au droit foncier rural depuis 2007 lors de la division de la parcelle n° 5______. Certes, depuis la conclusion d’un contrat de location non agricole entre les consorts et un locataire, elle était utilisée à des fins de dépôt et de parc d’agrément en lien avec l’activité de paysagiste de l’intéressé. Toutefois, il n’est pas contesté qu’elle se situe dans une zone agricole et qu’objectivement elle est apte à un usage agricole. Au demeurant, l’autorité recourante reconnaît qu’elle est apte à un usage agricole pour l’avenir après l’exploitation d’une gravière.

De plus, son usage comme parcelle de remplacement devant accueillir les jardins familiaux est limité dans le temps jusqu’à leur relocalisation sur le site de T______. Son désassujettissement ne serait dès lors que provisoire dans la mesure où elle sera ensuite restituée à un usage agricole à la fin de la concession d’exploiter une gravière. Le seul fait que la parcelle n° 1______ n’a pas été affectée à un usage agricole depuis 2007, voire 1963 selon l’autorité recourante, est ainsi insuffisant pour considérer qu'elle est inapte à l’agriculture au sens de
l’art. 6 LDFR.

Le refus de la CFA de désassujetir la parcelle n° 1______ est ainsi conforme au droit foncier rural.

8) Selon l’art. 84 LDFR, celui qui y a un intérêt légitime peut en particulier faire constater par l’autorité compétente en matière d’autorisation si une entreprise ou un immeuble agricole est soumis notamment à la procédure d’autorisation (let. a), et si l’acquisition d’une entreprise ou d’un immeuble agricole peut être autorisée (let. b). L’énumération de l’art. 84 LDFR n’est pas exhaustive et une décision de constatation peut aussi concerner la question de savoir si un bien-fonds est ou non-assujetti à la LDFR (Beat STALDER, in Christoph BANDLI et al., op. cit., n. 4 ad art. 84 LDFR).

Lorsqu'un immeuble sis hors d'une zone à bâtir – et donc présumé agricole – n'est pas approprié à un usage agricole ou horticole, l'art. 84 LDFR permet au propriétaire de faire constater, par l'autorité compétente, que l'immeuble considéré n'est pas soumis au champ d'application de ladite loi (ATF 139 III 327 consid. 2 ; 132 III 515 consid. 3.3.2 ; 129 III 186 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_458/2021 précité consid. 4.1). Le cas échéant, une mention sera inscrite au registre foncier (art. 86 al. 1 let. b LDFR).

L'art. 3 al. 1 LaLDFR prévoit que les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d’application de la LaLDFR par décision de l’autorité compétente, fixée à l’art. 9, à savoir la CFA. À teneur de l’art. 10 LaLDFR, celle-ci est compétente pour accorder les exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement (art. 60 LDFR), autoriser l’acquisition d’une entreprise ou d’un immeuble agricole (art. 61 à 65 LDFR), fixer la charge maximale et requérir son inscription au registre foncier, autoriser les prêts qui dépassent la charge maximale (art. 76
al. 2 LDFR), constater qu’un immeuble agricole situé dans la zone à bâtir est soumis à la loi fédérale en application de l’art. 2 al. 2, déterminer si un immeuble est exclu du champ d’application de la loi fédérale en application de l’art. 3, requérir l’inscription au registre foncier des mentions exigées à l’art. 86 LDFR et au sens des lettres e et f et estimer et approuver la valeur de rendement
(art. 87 LDFR). En vertu de l’art. 10 du règlement d’exécution de la LaLDFR du 26 janvier 1994 (RaLDFR - M 1 10.01), un propriétaire d’un immeuble ou d’une entreprise agricole peut déposer une requête auprès de la CFA, afin que celle-ci constate que son immeuble ou son entreprise est soumis ou n’est pas soumis à la LDFR (al. 1) ; ladite commission rend une décision et requiert, le cas échéant, l’une des mentions prévues à l’art. 86 LDFR (al. 2).

En l’espèce, il n’est pas contesté que la parcelle n° 1______ est située en zone agricole. Elle est non bâtie et recouverte en partie par une pelouse tondue se prêtant à l’agriculture (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1068/2019 précité consid. 2.2).

Ainsi, quand bien même l’usage agricole de la parcelle 1______ a été exclu depuis 1963 en raison de son utilisation subjective effective, de son accessibilité réduite, de sa proximité immédiate avec une habitation et de son enclavement au milieu de jardins familiaux et de sa configuration depuis plus d’un demi-siècle, celle-ci est assujettie à la LDFR, puisque la CFA n’a pas constaté son désassujettissement à cette loi. En outre, la chambre de céans a relevé dans les considérants précédents que cette décision de la CFA est conforme au droit foncier rural.

Partant, au regard de son statut, l’acquisition de la parcelle 1______ nécessite une autorisation au sens de la LDFR, délivrée par la CFA.

9) La LDFR contient des dispositions sur l’acquisition des entreprises et des immeubles agricoles (art. 1 al. 2 let. a et art. 61 ss LDFR).

a. Celui qui entend acquérir une entreprise ou un immeuble agricole doit obtenir une autorisation (art. 61 al. 1 LDFR). L’autorisation est accordée s’il n’existe aucun motif de refus (art. 61 al. 2 LDFR). L’art. 62 LDFR prévoit des exceptions notamment celle d’une acquisition faite dans le cadre d’une expropriation ou d’améliorations foncières opérées avec le concours de l’autorité (let. e).

b. Le fait pour l’acquéreur de ne pas être exploitant à titre personnel constitue l’un des motifs de refus d’une autorisation d’acquisition d’un immeuble agricole (art. 63 al. 1 let. a LDFR). Le prix convenu surfait constitue un autre motif de refus (art. 63 al. 1 let. b LDFR). Les motifs de refus ne sont pas cumulatifs, mais alternatifs. L’art. 63 LDFR s’applique à la collectivité publique dans la mesure où elle entend acquérir du terrain agricole au même titre qu’un privé. Si toutefois elle entend se porter acquéreur en vue d’exécuter des tâches publiques, aucun des motifs de refus n’est applicable (Christoph BANDLI, in Christoph BANDLI et al., op. cit., n. 12 ad art. 65 LDFR).

c. L’art. 9 LDFR définit les notions d’exploitant à titre personnel et de capacité d’exploiter à titre personnel. Selon cette disposition, est exploitant à titre personnel quiconque cultive lui-même les terres agricoles et, s’il s’agit d’une entreprise agricole, dirige personnellement celle-ci (al. 1) ; est capable d’exploiter à titre personnel quiconque a les aptitudes usuellement requises dans l’agriculture de notre pays pour cultiver lui-même les terres agricoles et diriger personnellement une entreprise agricole (al. 2). Pour répondre à la notion d’exploitant à titre personnel, le requérant doit remplir les conditions posées par ces deux alinéas (arrêts du Tribunal fédéral 2C_250/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.2 ; 5A.17/2006 du 21 décembre 2006 consid. 2.2 ; Eduard HOFER, op. cit., n. 8 ad art. 9 LDFR ; Paul RICHLI, Landwirtschaftliches Gewerbe und Selbstbewirtschaftung, zwei zentrale Begriffe des Bundesgesetzes über das bäuerliche Bodenrecht, PJA 1993 1063, p. 1067). La qualité d’exploitant exige l’exécution personnelle, dans une mesure substantielle, des travaux inhérents à une exploitation agricole, en plus de la direction de l’entreprise (ATF 115 II 181 consid. 2a ; 107 II 30 consid. 2 ; 94 II 254 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2021 précité consid. 6.2 ; Eduard HOFER, op. cit., n. 17 ad art. 9 LDFR), même si tous les travaux ne doivent pas être effectués personnellement par l’exploitant (Yves DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse, op. cit., n. 3207 p. 579). La collectivité publique ne remplit jamais la condition de l’exploitation à titre personnel et l’art. 63 al. 1 let. a LDFR n’est pas applicable (Christoph BANDLI, in Christoph BANDLI et al., op. cit., n. 13 ad art. 65 LDFR).

d. D’après l’art. 66 al. 1 LDFR, le prix d’acquisition est surfait quand il dépasse de plus de 5 % le prix payé en moyenne pour des entreprises ou des immeubles agricoles comparables de la même région au cours des cinq dernières années.

e. Sont des acquisitions le transfert de la propriété, ainsi que tout autre acte juridique équivalant économiquement à un transfert de la propriété (art. 61
al. 3 LDFR). Le but de l’assujettissement à autorisation est de garantir que le transfert de propriété corresponde aux objectifs du droit foncier rural, au premier rang desquels figure la concrétisation du principe de l’exploitation à titre personnel (ATF 145 II 328 consid. 3.3.1). Dans un tel cas, l’acquéreur peut néanmoins être autorisé à acquérir un bien immobilier agricole s’il prouve l’existence d’un juste motif au sens de l’art. 64 al. 1 LDFR, disposition non pertinente en l’espèce, qui contient, d’une part, aux lettres a à g, un catalogue non exhaustif d’exceptions au principe de l’exploitation à titre personnel et, d’autre part, une clause générale de « juste motif » fondant l’octroi d’une autorisation (ATF 133 III 562 consid. 4.4.1).

10) a. L’acquisition d’un immeuble agricole par la collectivité ou par l’un de ses établissements est autorisée quand elle est nécessaire à l’exécution d’une tâche publique prévue conformément aux plans du droit de l’aménagement du territoire (art. 65 let. a LDFR ; ATF 116 Ib 50 consid. 3) ; elle sert au remploi en cas d’édification d’un ouvrage prévu conformément aux plans du droit de l’aménagement du territoire et que la législation fédérale ou cantonale prescrit ou permet la prestation d’objets en remploi (let. b). Les motifs de refus de l’art. 63 ne peuvent pas être invoqués dans le cas prévu à l’al. 1 let. a (art. 65 al. 2 LDFR). Le législateur ne pouvait décider de soustraire les collectivités et les établissements publics à la loi, sous peine de voir se réaliser un véritable accaparement des terrains agricoles par ces collectivités. Il n’était pas plus concevable de leur interdire tout achat de terrains agricoles, avec le risque qu’il y avait de paralyser la réalisation de tâches publiques. L’acquisition doit répondre à un but d’intérêt public. En l’absence d’autorisation, la réalisation projetée serait gravement entravée voire impossible. Certes, il peut paraître surprenant de ne pas soumettre les autorités publiques à la limitation des prix surfaits en cas d’affectation directe à un but d’intérêt public. Toutefois, dans le but d’éviter des procédures d’expropriation, afin qu’il n’y ait pas de perte de temps, les collectivités doivent parfois dépasser les prix généralement reconnus pour les terrains agricoles (Yves DONZALLAZ, Commentaire LDFR, op. cit., p. 173-5). Si le fait public est destiné à l’accomplissement d’une de ses tâches sur du terrain agricole, la collectivité doit être autorisée à acquérir (Christoph BANDLI, in Christoph BANDLI et al., op. cit., n. 2 ad art. 65 LDFR).

b. Sous l’ancien droit, tout intérêt public ne pouvait pas être considéré comme pertinent. Il ne suffisait ainsi pas que l’acquisition permette de réaliser éventuellement des œuvres d’utilité publique encore indéterminées ou de constituer des réserves de terrains (ATF 115 II 371 consid. 7 ; Yves DONZALLAZ, Commentaire LDFR, op. cit., p. 173). L’art. 65 al. 1 let. a LDFR a maintenu l’exigence d’un projet concret, pour que la collectivité publique n’acquière pas plus de terrain agricole que nécessaire à la réalisation de la tâche d’intérêt public dont elle se prévaut (Christoph BANDLI, Das bäuerliche Bodenrecht, Kommentar zum Bundesgesetz über das bäuerliche Bodenrecht vom 4. Oktober l991, l995, ad art. 65 p. 615). Lorsque les conditions de l’art. 65
al. 1 LDFR sont remplies, le montant du prix de la transaction est sans pertinence (Yves DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural, op. cit., n. 572 p. 219).

c. La chambre administrative a retenu dans sa jurisprudence que le plan directeur cantonal correspond à l’obligation minimale imposée par la LAT, et doit être respecté par les autorités (art. 10 al. 8 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30 ; ATA/756/2011 du 13 décembre 2011 consid. 6 ; Thierry TANQUEREL, La participation de la population à l’aménagement du territoire, 1988, p. 239 ss). Les tâches publiques doivent être prévues conformément à l’aménagement du territoire. Les plans directeurs des cantons traitent des projets importants qui ont un effet sur l’organisation du territoire notamment les routes. Seuls les plans directeurs en force au moment de la requête peuvent être pris en compte (Yves DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural, op. cit., n. 556-558 p. 214-215).

d. En l’espèce, la demande d’autorisation d’acquérir la parcelle n° 1______ et un sixième de sa dépendance, la parcelle n° 3______, se rattache à l’exécution d’une tâche publique prévue par la loi 6______ du 13 septembre 2019, à savoir la construction du barreau routier de G______. Elle s’inscrit en outre dans la mise en œuvre du PDCn 2030, instrument de la planification genevoise de l’aménagement du territoire en vigueur. Elle remplit ainsi la condition de l’art. 65 al. 1 let. a LDFR.

En effet, une telle acquisition doit permettre d’installer provisoirement les jardins familiaux en vue de la réalisation des travaux du barreau routier qui répond non seulement à un intérêt public d’amélioration de l’accès sur le site de la zone industrielle de la R______ et d’allégement du transport sur le réseau routier cantonal. Elle doit aussi permettre d’améliorer la mobilité des personnes dans le secteur. La construction du barreau routier est ainsi un projet concret au sens de l’art. 65 al. 1 let. a LDFR.

Pour l’autorité intimée, les motifs de refus d’une autorisation d’acquérir les parcelles en cause sont réalisés, l’État de Genève ne pouvant être considéré comme un exploitant à titre personnel et le prix d’achat proposé de CHF 50.- le m2 étant surfait dans la mesure où le prix licite maximum autorisé à Genève est de CHF 8.- le m2 pour un terrain agricole. Elle soutient en outre que l’acquisition requise permet à l’État de contrôler spéculativement le prix du terrain dans le secteur. Cette opinion ne peut être suivie.

Le législateur fédéral a explicitement, à l’art. 65 al. 2 LDFR, exclu l’application des motifs de refus d’autorisation d’acquérir lorsque la collectivité acquiert un terrain agricole nécessaire à l’exécution d’une tâche publique conformément aux plans du droit de l’aménagement du territoire. En l’occurrence, l’acquisition de la parcelle n° 1______ et d’un sixième de la parcelle n° 3______ est nécessaire à la construction du barreau routier de G______. Dans ces circonstances, l’absence de qualité d’exploitant à titre personnel ne peut être opposée à l’État de Genève et le montant du prix de la transaction est sans pertinence. La CFA ne saurait non plus prêter à l’État de Genève des intentions spéculatives sur le prix du terrain agricole dans le secteur. D’une part, la tâche d’intérêt public figure dans une loi cantonale qui concrétise le PDCn 2030 et, d’autre part, au moment de la restitution des parcelles concernées après l’exploitation d’une gravière, il reviendra à l’autorité compétente d’autoriser leur acquisition en cas de vente, en vérifiant le cas échéant les conditions d’application de l’art. 63 LDFR dans la mesure où l’État de Genève devrait être considéré au même titre qu’un vendeur particulier.

Dès lors, rien ne s’oppose à ce que l’État de Genève acquière la parcelle n° 1______ et un sixième de la parcelle n° 3______, les motifs de refus prévus par l’art. 63 LDFR n’étant pas applicables dans cette hypothèse (art. 65 al. 2 LDFR).

Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission partielle du recours.

La décision de la CFA sera annulée et l’État de Genève sera autorisé à acquérir la parcelle n° 1______ et un sixième de la parcelle n° 3______ de la commune de F______ au prix de CHF 217'000.-.

11) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge solidaire des consorts (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 mai 2021 par le Conseil d’État contre la décision de la commission foncière agricole du 9 mars 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de la commission foncière agricole du 9 mars 2021 ;

autorise l’acquisition de la parcelle n° 1______ et un sixième de la parcelle n° 3______ de la commune de F______ par l’État de Genève ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de Mmes A______, D______ et E______ et MM. B______ et C______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Conseil d’État, à la commission foncière agricole, à Mmes A______, D______ et E______ et MM. B______ et C______, à l'office fédéral de la justice, à l’office fédéral du développement territorial, ainsi qu'à l'office fédéral de l'agriculture.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :