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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4035/2017

ACST/21/2017 du 30.10.2017 ( ELEVOT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4035/2017-ELEVOT ACST/21/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 30 octobre 2017

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

ENTENTE CORSIÉROISE

 



EN FAIT

1. Madame A______ est domiciliée dans la commune de Corsier (ci-après : la commune), où elle exerce ses droits politiques.

2. Le 19 avril 2015, le corps électoral de la commune a élu le maire, de même que ses deux adjoints, soit Madame Joëlle MARTIN WIDMER et Monsieur Éric ANSELMETTI.

3. Dans le courant du mois de juin 2017, le maire de la commune a démissionné de ses fonctions avec effet au 1er juillet 2017.

4. Par arrêté du 28 juin 2017, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 30 juin 2017, le Conseil d’État a nommé, avec effet au 1er juillet 2017, Mesdames Christiane FAVRE et MARTIN WIDMER et M. ANSELMETTI en qualité d’administrateurs provisoires de la commune jusqu’à l’assermentation du maire, les chargeant de prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires pour préserver les intérêts de la commune. La signature de l’administrateur devait être « l’administrateur de la commune de Corsier, délégué par le Conseil d’État ».

5. Par arrêté du même jour, également publié dans la FAO du 30 juin 2017, le Conseil d’État a fixé au 15 octobre 2017 la date du premier tour et au 5 novembre 2017 la date du second tour de l’élection complémentaire d’un maire dans la commune (ci-après : l’élection complémentaire).

6. Le 25 septembre 2017, la Chancellerie d’État a publié dans la FAO les deux listes de candidature en vue de l’élection complémentaire, soit celle de l’Entente corsiéroise qui présentait M. ANSELMETTI et celle du parti Libéral Radical de Corsier (ci-après : PLR) qui présentait Monsieur Albert SIROLLI.

7. À une date indéterminée, l’Entente corsiéroise a distribué aux électeurs un tract pour l’élection complémentaire (ci-après : le tract), au format A5, entièrement en couleur, sur lequel figurait au recto une photographie de M. ANSELMETTI avec le slogan « Pour Corsier, avec sérénité et efficacité » ainsi que l’adresse privée de l’intéressé. Au verso, un texte de présentation du candidat indiquait que, de par sa fonction de conseiller municipal, d’adjoint, puis d’administrateur, il avait acquis une solide expérience des affaires communales. Depuis qu’il siégeait à l’exécutif, il veillait au développement de la vie villageoise notamment grâce à son excellente collaboration avec Mme MARTIN WIDMER, administratrice. Le texte mentionnait ensuite son programme et son souhait d’accéder au poste de maire en vue de le réaliser. Il se terminait par la signature de l’intéressé, libellée de la manière suivante :

« Éric Anselmetti
Administrateur provisoire de la commune de Corsier,
délégué par le Conseil d’État ».

8. Par acte expédié le 4 octobre 2017, Mme A______ a saisi la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) d’un recours contre « le "flyer" de propagande du candidat de l’Entente corsiéroise, M. ANSELMETTI ».

Elle avait été troublée par ce document, de nature à influencer l’électeur dans la libre formation de sa volonté. M. ANSELMETTI utilisait comme « faire-valoir » le nom de Mme MARTIN WIDMER, personnalité connue dans la commune et membre du parti politique opposé, soit le PLR, ce qui n’était pas admissible. Par ailleurs, le tract contenait la signature de M. ANSELMETTI, avec l’indication selon laquelle il était « délégué par le Conseil d’État », ce qui donnait l’impression que l’exécutif cantonal soutenait cette candidature.

9. Le 5 octobre 2017, le juge délégué a imparti à Mme A______ un délai au 10 octobre 2017 pour présenter ses conclusions et indiquer quand et dans quelles circonstances elle avait eu connaissance du tract.

10. Le 9 octobre 2017, Mme A______ a répondu qu’elle avait trouvé le tract dans sa boîte aux lettres le 29 septembre 2017. Elle avait alors envoyé un courriel à Mme MARTIN WIDMER pour lui faire part de son malaise, laquelle lui avait répondu qu’elle avait donné son accord à M. ANSELMETTI. La manière par laquelle ce dernier se présentait dans le tract était de nature à influencer la libre formation de l’expression du droit de vote et, par voie de conséquence, le résultat du scrutin.

11. a. Le 11 octobre 2017, Mme A______ a écrit au juge délégué. La veille, elle avait reçu une invitation officielle de la mairie de Corsier, signée par M. ANSELMETTI, adressée aux aînés de la commune, pour une sortie gratuite aux « Automnales ». Ce courrier était également de nature à influencer le vote, ce d’autant qu’aucune discussion n’avait eu lieu au conseil municipal à ce sujet, cette autorité n’ayant pas non plus été informée de cette initiative. Tout portait ainsi à croire que cette invitation avait pour seul but de séduire les seniors, voire les familles à quelques jours du scrutin.

b. Elle a annexé à son courrier :

– un courrier du 9 octobre 2017 sur le papier à en-tête officiel de la mairie de Corsier, signé par M. ANSELMETTI, administrateur, adressé aux aînés de la commune, aux termes de laquelle les autorités communales les invitaient à participer à une sortie aux « Automnales - Foire de Genève », organisée par Palexpo, dédiée aux aînés des communes genevoises et devant avoir lieu le 17 novembre 2017 ;

– le programme de cette journée, établi par la mairie, qui incluait le « transport en car, l’entrée à la foire et le déjeuner avec les boissons, sauf le vin ».

12. a. Le 11 octobre 2017, l’Entente corsiéroise, soit pour elle M. ANSELMETTI, a répondu au recours.

L’insertion dans le tract d’une référence à Mme MARTIN WIDMER, qui lui avait donné son accord, n’avait d’autre but que de souligner l’excellente collaboration avec celle-ci dans le cadre de leurs fonctions électives, ce qu’il importait de préciser au regard des conflits persistants au sein de l’exécutif depuis plusieurs années. Il n’avait au demeurant pas besoin de se prévaloir d’une personnalité connue dans la commune, dès lors qu’il était déjà lui-même une personnalité publique. Sa signature était conforme à l’arrêté du Conseil d’État, la mise à la ligne n’étant que la conséquence de la mise en page, qui ne permettait pas de contenir l’entier de son titre sur une même ligne. Le contenu du tract ne pouvait au surplus s’apparenter à une quelconque propagande et indiquait clairement que sa candidature était portée par l’Entente corsiéroise, et non pas par la mairie de Corsier.

b. M. ANSELMETTI a notamment versé au dossier :

– les épreuves du tract, indiquant le nom du fichier ainsi que la date du 21 septembre 2017 ;

– un courrier de Mme MARTIN WIDMER du 11 octobre 2017 selon lequel elle confirmait avoir donné son accord à M. ANSELMETTI pour que celui-ci puisse citer son nom s’agissant de leur bonne collaboration, ce qui reflétait l’expérience du travail à l’exécutif des deux adjoints.

13. Le 13 octobre 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 18 octobre 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

14. Le scrutin pour l’élection complémentaire s’est tenu le 15 octobre 2017. Lors de celui-ci, sur 693 bulletins valables (dont 51 bulletins blancs), M. ANSELMETTI a obtenu 373 voix (soit 53,82 %, et donc la majorité absolue) et M. SIROLLI 269 (soit 38,82 %).

15. a. Dans ses déterminations du 17 octobre 2017, Mme A______ a indiqué que le PLR, qui présentait son propre candidat, n’avait, à sa connaissance, pas été consulté en vue d’une alliance avec l’Entente corsiéroise. Mme MARTIN WIDMER avait ainsi, de sa propre initiative, cru bon d’apparaître sur le tract de M. ANSELMETTI, ce qui n’était pas acceptable.

b. Elle a notamment joint à son courrier le bulletin du PLR Arve-et-lac du 28 septembre 2017 comportant un article sur M. SIROLLI, « un excellent candidat PLR ».

16. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Selon l’art. 124 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), la Cour constitutionnelle, c’est-à-dire la chambre constitutionnelle (art. 1 let. h ch. 3 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05), a pour compétence notamment de traiter les litiges relatifs à l’exercice des droits politiques en matière cantonale et communale (let. b). Lors de la mise en œuvre de cette disposition constitutionnelle, par le biais de la loi 11’311 du 11 avril 2014, le législateur cantonal a notamment transféré à la chambre constitutionnelle (art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05) la compétence qu’avait jusqu’alors la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) de connaître des recours ouverts « contre les violations de la procédure et des opérations électorales, indépendamment de l’existence d’une décision » (art. 180 de l’ancienne loi sur l’exercice des droits politiques [aLEDP] ; ACST/14/2017 du 30 août 2017 consid. 2).

2. a. Comme le Tribunal administratif, puis la chambre administrative et enfin la chambre de céans l’ont jugé à maintes reprises, entre dans le cadre des opérations électorales tout acte destiné aux électeurs de nature à influencer la libre formation du droit de vote, telle qu’elle est garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE, indépendamment de l’existence d’une décision. Constitue une opération électorale tout acte destiné aux électeurs et de nature à influencer la libre formation de l’expression du droit de vote ; le matériel de vote en général et la brochure explicative en particulier en font partie, de même que des circulaires et des tracts (ACST/16/2017 et ACST/17/2017 du 21 septembre 2017 ; ACST/8/2016 du 3 juin 2016 ; ACST/3/2016 du 24 février 2016 ; ACST/10/2015 du 11 mai 2015 ; ACST/6/2015 du 26 mars 2015 ; ACST/5/2015 du 4 mars 2015 ; ATA/65/2013 du 6 février 2013 ; ATA/715/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/331/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/180/2011 du 17 mars 2011 ; ATA/51/2011 du 1er février 2011 ; ATA/118/2010 du 23 février 2010 ; ATA/58/2009 du 3 février 2009 ; ATA/583/2008 du 18 novembre 2008).

b. En l’espèce, le recours porte sur le tract de l’Entente corsiéroise distribué aux membres du corps électoral communal en vue de l’élection complémentaire d’un maire de la commune du 15 octobre 2017, ainsi que sur l’invitation officielle de la mairie de Corsier, signée par M. ANSELMETTI, adressée le 9 octobre 2017 aux aînés de la commune pour une sortie gratuite aux « Automnales – Foire de Genève ». Ces éléments ayant trait à la garantie des droits politiques, qui tend à assurer la régularité du vote et à parvenir à la constatation fidèle et sûre de la volonté populaire, la chambre de céans est matériellement compétente pour connaître du présent recours.

3. a. En matière de droits politiques, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne disposant du droit de vote dans l’affaire en cause, indépendamment d’un intérêt juridique ou digne de protection à l’annulation de l’acte attaqué (art. 89 al. 3 et 111 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF -RS 173.110 ; ATF 138 I 171 consid. 1.3 ; 134 I 172 consid. 1.2 ; 128 I 190 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2016 du 14 décembre 2016 consid. 1.2 non publié in ATF 143 I 129 ; ACST/16/2017 et ACST/17/2017 précités ; ACST/8/2016 précité ; ACST/8/2015 du 31 mars 2015 ; ACST/6/2015 précité).

b. En l’espèce, la recourante a qualité pour recourir, dès lors qu’elle est domiciliée dans la commune de Corsier, où elle exerce ses droits politiques. Le recours est ainsi recevable de ce point de vue.

4. a. Aux termes de l’art. 62 al. 1 let. c LPA, en matière de votations et d’élections, le délai de recours est de six jours.

b. Ce délai court à compter du jour où, en faisant montre à cet égard de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l’irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales (ACST/16/2017 et ACST/17/2017 précités ; ACST/8/2016 précité ; ACST/10/2015 précité ; ACST/6/2015 précité ; ACST/5/2015 précité).

c. Selon la jurisprudence constante rendue en matière de votations et d’élections, le citoyen qui veut s’en prendre aux dispositions de l’autorité fixant les modalités du vote doit en principe former son recours immédiatement, sans attendre le résultat du scrutin ; s’il omet de le faire alors qu’il en a la possibilité, il s’expose aux risques de la péremption de son droit de recourir. Dans de tels cas, le délai commence à courir au moment où l’intéressé a connaissance de l’acte préparatoire qu’il critique (ATF 140 I 338 consid. 4.4 ; 118 Ia 271 consid. 1d ; 118 Ia 415 consid. 2a ; 110 Ia 176 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_105/2015 du 2 mars 2015 consid. 4 ; 1C_282/2014 du 7 juillet 2014 consid. 2 ; 1C_457/2013 du 26 novembre 2013 consid. 3.1 ; ACST/16/2017 et ACST/17/2017 précités ; ACST/8/2016 précité ; ACST/3/2016 précité ; ACST/10/2015 précité).

d. En l’espèce, le recours a été expédié le 4 octobre 2017. Bien que la date à laquelle le tract a été distribué aux électeurs ne soit pas connue, il ressort néanmoins de l’exemplaire de celui-ci remis par M. ANSELMETTI à la chambre de céans que les épreuves ont été tirées le 21 septembre 2017. Il n’apparaît toutefois pas invraisemblable que la recourante n’ait trouvé ce document dans sa boîte aux lettres que le 29 septembre 2017, soit une quinzaine de jours avant le scrutin, le temps de son impression puis de sa distribution. De ce point de vue, le recours est recevable.

En tant qu’elle se plaint de la teneur du courrier de la mairie adressé aux aînés de la commune, la recourante modifie l’objet du litige et le cadre de l’acte attaqué, à savoir le tract de l’Entente corsiéroise, ce qui n’est pas admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 ; ATA/1185/2017 du 22 août 2017 ; ATA/522/2017 du 9 mai 2017). Cette question peut néanmoins souffrir de rester indécise au regard de ce qui suit.

5. a. Aux termes de l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). L’acte de recours contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (al. 2). L’exigence d’un exposé détaillé des griefs prévue pour les recours en matière de validité des actes normatifs (art. 65 al. 3 LPA) n’est pas posée pour les recours en matière de votations et d’élections. Par ailleurs, appliquant le droit d’office, la chambre de céans n’est pas liée par les motifs invoqués par les parties, mais elle l’est par les conclusions prises par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA).

Compte tenu du caractère peu formaliste de l’art. 65 al. 1 et 2 LPA, la jurisprudence fait preuve d’une certaine souplesse s’agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu’elles ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est, en soi, pas un motif d’irrecevabilité, pour autant que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1243/2017 du 29 août 2017 ; ATA/518/2017 du 9 mai 2017 ; ATA/74/2016 du 26 janvier 2016).

b. En l’espèce, la recourante, qui comparaît sans l’aide d’un avocat, n’a pas pris de conclusions formelles en annulation du scrutin du 15 octobre 2017. Bien que l’on puisse comprendre de ses écritures que les documents dont elle se plaint seraient de nature à influencer le résultat de l’élection complémentaire d’un maire de la commune, dont la conséquence serait l’annulation du scrutin, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a pas donné suite à l’invitation du juge délégué de préciser ses conclusions, puisqu’elle s’est limitée, dans son courrier du 9 octobre 2017, à répéter ses griefs. La question de la recevabilité du recours sous cet angle peut également souffrir de rester ouverte, vu ce qui suit.

6. a. L’art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. Selon l’art. 34 al. 2 Cst., qui codifie la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral sous l’empire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (arrêt du Tribunal fédéral 1P.298/2000 du 31 août 2000 consid. 3a), cette garantie protège la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté. L’art. 44 Cst-GE contient un texte similaire.

b. Le Tribunal fédéral a déduit de cette garantie le droit pour chaque citoyen de participer à une élection, comme électeur ou candidat, avec les mêmes chances de succès, pour autant qu’il remplisse les exigences requises (ATF 125 I 441 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.546/2004 du 25 mai 2005 consid. 3.1). En d’autres termes, les élections ne doivent pas se résumer à une confirmation des forces politiques en présence, les électeurs devant, au contraire, pouvoir se former une opinion sur la base la plus libre et la plus complète possible (ATF 129 I 185 consid. 5 ; 125 I 441 consid. 2a p. 444). Ainsi, les autorités publiques doivent en principe s’abstenir de toute intervention lors d’élections, faute de quoi elles violent le droit à la libre formation de l’opinion contenu dans l’art. 34 al. 2 Cst. (ATF 124 I 55 consid. 2). Elles peuvent toutefois rectifier des informations manifestement fausses à condition de s’abstenir de toute propagande électorale ou de critiques à l’égard d’un candidat (ATF 117 Ia 452 consid. 3c) sans pour autant s’attribuer un rôle de conseiller du citoyen, l’État ne devant pas être assimilé à un groupe ou à des opinions particulières (ATF 124 I 55 consid. 2).

Quant aux membres de l’autorité concernée, titulaires de la liberté d’expression et citoyens, ils peuvent en principe s’exprimer librement durant la campagne en prenant position à titre individuel, en signant des appels publics, en rédigeant des articles de presse ou en participant à des émissions tout en mentionnant leurs nom et position pour conférer un poids particulier à leur engagement politique. Ce qu’ils doivent éviter en revanche est de donner une touche officielle à leurs interventions privées pour créer l’impression qu’il s’agit d’un acte d’autorité (ATF 130 I 290 consid. 3.3 ; 119 Ia 271 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 3.1 non publié in ATF 136 I 404 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., 2013, n. 935).

c. En droit genevois, l’art. 83 LEDP prévoit que les communes ne sont pas autorisées à faire de la propagande électorale (al. 1). Elles peuvent en revanche organiser des débats contradictoires ou y participer (al. 2). L’art. 8D du règlement d’application de la LEDP du 12 décembre 1994 (REDP - A 5 05.01) précise que toute propagande unilatérale, déloyale ou trompeuse est interdite, de même que le financement occulte ou disproportionné de la campagne (al. 1). L’exécutif peut faire parvenir aux électeurs des informations supplémentaires et notamment des avis rectificatifs en cas de changement significatif des circonstances de droit ou de fait durant la campagne ou lorsque la liberté de vote risque d’être faussée par une information erronée ou tendancieuse provenant de tiers (al. 2).

La chambre administrative a par exemple jugé qu’un courrier du maire sortant, candidat à sa propre succession, signé ès qualités et rédigé sur papier à en-tête de la commune, envoyé aux membres du corps électoral communal avant la tenue d’un scrutin portant sur le renouvellement de l’exécutif communal constituait un acte de propagande électorale, prohibé par l’art. 83 LEDP, ce qui justifiait l’annulation du scrutin (ATA/180/2011 précité). L’ancien Tribunal administratif a également annulé un scrutin dans un cas similaire, lors duquel un « tous ménages » rédigé par plusieurs élus communaux ès qualités pour soutenir une candidature pour le poste d’adjoint au maire de la commune avait été distribué aux membres du corps électoral communal (ATA/74/2002 du 5 février 2002).

7. a. En l’espèce, la recourante voit dans le tract de l’Entente corsiéroise un acte de propagande officielle en faveur de M. ANSELMETTI, lequel tenterait par là d’influencer de manière illicite la libre formation de la volonté des citoyens en sa qualité de membre de l’exécutif communal.

S’il est vrai que le tract en question indique la fonction occupée par M. ANSELMETTI au sein de l’exécutif de la commune, à savoir celle d’administrateur provisoire, cette seule mention ne comporte aucune ambiguïté de nature à tromper le citoyen pouvant laisser penser que l’intéressé agirait ès qualités. En particulier, le tract ne contient aucune mention officielle de la mairie, pas davantage que les armoiries communales, mais une présentation du candidat, avec un historique des fonctions qu’il a occupées au sein de la commune, dont celle, en dernier lieu, d’administrateur provisoire, ainsi que son adresse privée. Le fait que sa signature comporte la mention « administrateur provisoire de la commune de Corsier, délégué par le Conseil d’État » ne prête pas non plus à confusion, dès lors qu’il s’agit de la dénomination officielle de sa fonction, conformément à l’arrêté du Conseil d’État du 28 juin 2017 le nommant à ce poste dans l’attente de la tenue d’élections complémentaires. Pour les mêmes motifs, la mise en page de cette signature ne prête pas non plus le flanc à la critique et ne peut être interprétée comme un soutien du Conseil d’État en faveur de la candidature de M. ANSELMETTI, ce d’autant plus au regard de la longueur de la signature en question et du format du tract.

Il en va de même de la citation du nom de Mme MARTIN WIDMER, qui se limite à refléter le point de vue de M. ANSELMETTI au sujet de leur collaboration au sein de l’exécutif communal. Mme MARTIN WIDMER a du reste donné son accord à ce que son nom soit mentionné, sans toutefois apparaître pour autant intervenir dans la campagne en faveur de M. ANSELMETTI en sa qualité d’administratrice provisoire, ni d’ailleurs en tant que membre du PLR laissant supposer l’existence d’une quelconque alliance, de sorte que ce grief sera également écarté.

b. La recourante se plaint aussi du courrier du 9 octobre 2017 adressé par la mairie aux aînés de la commune en tant que l’invitation aux « Automnales » constituerait un acte de propagande électorale du fait de M. ANSELMETTI. Elle ne peut pas non plus être suivie sur ce point, dès lors que le courrier en question n’apparaît pas émaner du candidat au poste de maire, mais bien de la commune, aucune mention n’étant faite de l’élection complémentaire. Il en va de même de la date à laquelle ce courrier a été envoyé, soit avant la tenue du scrutin, ce qui ne saurait être reproché à la commune, dès lors que la sortie prévue a lieu environ un mois après l'invitation, ce qui constitue un délai usuel, étant précisé que la sortie en question apparaît être dédiée aux aînés des autres communes genevoises également.

c. À cela s’ajoute qu’en tout état de cause, le résultat du scrutin ne saurait créer une présomption d’irrégularité au regard du nombre de suffrages obtenus par M. ANSELMETTI, lequel dépasse d’une centaine de voix son concurrent, soit 15 % des suffrages.

8. Il s’ensuit que le recours sera rejeté en tant qu’il est recevable.

9. La recourante, qui succombe, sera astreinte au paiement d’un émolument de CHF 500.- (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, la recourante n’en ayant pas non plus fait la demande (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 4 octobre 2017 par Madame A______ contre le tract de l’Entente corsiéroise, et le courrier de la commune du 9 octobre 2017 en lien avec l’élection complémentaire d’un maire de la commune de Corsier du 15 octobre 2017 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de la recourante ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l’Entente corsiéroise, à la commune de Corsier, ainsi qu’au Conseil d'État, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Cramer, Montani et Junod, M. Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

La greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :